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Walsh, le génie sauvage du cinéma

Walsh, le génie sauvage du cinéma
par Nicolas Bonnal
 

Comparer un film de Walsh à un film hollywoodien ou cannois actuel, c’est comme comparer un Dostoïevski à l’un des 667 ouvrages de la rentrée littéraire ; autant dire impossible. Essayons modestement d’expliquer pourquoi c’est impossible en quelques lignes, à l’aide des quelques DVD qui nous tombent entre les mains.

Walsh a vécu 90 ans, c’est un catholique hispano-saxo-celte, il a réalisé des centaines de films, il a été un des grands acteurs du muet, il est devenu borgne comme Ford, Horatius Coclès ou le dieu Odin précédemment cité, il est le plus grand maître du cinéma d’épopée, d’action, et d’amour noble, il est Homère avec une caméra.

***

La quête solaire du héros walshien est souvent suicidaire, comme on dirait aujourd’hui : le héros walshien va au bout d’un destin de fou, il est tragique et épique à la fois. C’est Errol Flynn cherchant la mort dans la peau du général Custer, alors qu’il est l’ami des Indiens et qu’il a combattu les intrusions du gouvernement fédéral. C’est Humphrey Bogart cherchant l’impossible liberté dans les montagnes rocheuses de High sierra, alors qu’il est miné par son destin de loser solitaire, gangster raté et récupéré par la mafia au pouvoir. C’est Joel McCrea dans Colorado territory, qui reprend le même sujet, mais aux temps du western, quand il est encore possible de se croire au temps des Grecs, flanqué de montagnes et de chevaux, de vrais indiens et de faux dieux...

Cet héroïsme s’accompagne d’une flamboyance féminine incomparable ; la femme walshienne est sublimée par l’amour fou que lui inspire son héros de compagnon ou de mari, souvent bien plus âgé (la fille est Antigone et Iseut à la fois) ; ils sont comme un couple nietzschéen près pour une danse lyrique avec la mort : voir la fin sublime, incomparable de Colorado territory, lorsque Virginia Mayo accompagne McCrea pour son règlement de comptes final avec le sheriff et ses tueurs. La nature est encore le témoin neutre et silencieux de la brutalité humaine, non le macrocosme où celle-ci s’accomplit.

***

Walsh est le cinéaste de deux appétits inconciliables ; celui de l’individu doté de courage et d’esprit tragique, et celui de la société ou de l’Etat moderne, de plus en plus monstrueux, de plus en plus froid. Le montage technique du cinéaste, qui renvoie aux oubliettes le montage numérique d’aujourd’hui, marque cette accélération de la folle efficacité étatique, sa froide et noire science du malheur : voir les plans de sirènes et de radios dans High sierra, les télégraphes et les journaux dans la Chevauchée fantastique, la maîtrise spatiale et routière dans The Big Heat, son plus terrible chef-d’oeuvre.

Si l’on veut comprendre en effet ce qu’est un dictateur, on verra ou reverra ce film de 1949, plus nerveux et stressant qu’aucun spectacle actuel, au moins dix fois : on comprendra ce qu’est le dictateur en voyant ce passage muet où James Cagney apprend en prison que sa mère est morte et assomme en hurlant la moitié du personnel du pénitencier ; on comprendra en voyant ce passage où il tire sur le coffre d’une voiture parce que son prisonnier, enfermé dedans, lui demande de l’air pour respirer ; où, lorsqu’il apprend que son meilleur ami et lieutenant est un flic infiltré, professionnel glacial et post-humain, un « expert » avant l’heure, il devient et se lance dans la folle conquête du monde, une centrale thermique en l’occurrence, sur laquelle il explose littéralement, tout en riant aux armes.

***

Dans une de ses dernières oeuvres, Walsh offre une vision décalée, conservatrice, provocatrice, anarchiste de droite de l’esclavage et de la guerre de Sécession. A la brutalité des yankees, voleurs, violeurs, assassins, bien sûr prédicateurs, Walsh oppose le monde de la féodalité sereine et traditionnelle du Sud, qui font que les esclaves sauvent le bon maître dans le respect des règles du devoir, de l’honneur et de la charité. Ce sont eux qui le libèrent et de ses fautes passées et du monde moderne qui arrive. Clark Gable (c’était l’acteur US préféré d’Hitler, qui aurait dû se reconnaître dans James Cagney...), sublime, mûr et seigneurial d’un bout à l’autre y est inoubliable, notamment dans la scène où il liquide, en guerrier froid et désabusé, la mythologie vague du duel.

Walsh est dans un monde épique, serein, solitaire, aérien, il est avec les dieux de l’Olympe, il est avec les neuf muses ou avec les scaldes scandinaves, il est au panthéon avec Virgile, avec Hugo, auquel on l’a souvent comparé. Il maîtrisait comme personne un art d’industrie, de masse, promis le plus souvent à la plus creuse distraction, promu par lui à la plus haute distinction.

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dimanche, 27 février 2011 | Lien permanent | Commentaires (3)

Good bye Lénine, bonjour la mondialisation !

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Good bye Lénine, bonjour la mondialisation !

par Nicolas Bonnal
 

Et les disciples, s’approchant, lui dirent : Pourquoi leur parles-tu en paraboles?

Matthieu, 13, 10.

Lorsque j’avais rédigé mon livre sur Internet la Nouvelle voie initiatique, j’avais constaté que le lexique des médias et de la « nouvelle économie » venait tout entier de la Bible et de la religion (paraboles, émission, chaîne, ondes, câble, antennes). Ce n’est bien sûr qu’un hommage du vice à la vertu : on se souvient que Trotski voulait vider les églises en remplissant les salles de cinéma, et c’est pour cela que le cinéma soviétique (qui me plaît tant) a une dimension et un contenu formel si hiératique… et orthodoxe. Le monde moderne est une immense entreprise de démolition et de sidération mentale qui recycle les outils de l’aventure spirituelle médiévale.

On se souvient que Good bye Lénine se voulait une comédie sur la transition du communisme au libéralisme, de l’Allemagne de l’Est à l’Allemagne de l’Ouest, ou plutôt à l’est de l’Allemagne. Une femme tombe dans le coma et son fils lui fait gentiment, avec un copain bricoleur, croire qu’elle est encore dans son petit monde communiste pour ne pas l’achever à son réveil : car la mère était une bonne communiste. J’ai beaucoup voyagé dans les pays communistes quand il y en avait encore, et je dois confesser que si les détails de la vie ordinaire étaient souvent exaspérants (encore que pas partout), la grande majorité des gens y était adorable et solidaire. Je me souviens en particulier de la Roumanie, celle de Ceausescu, où il y avait encore énormément de francophones et d’amateurs de la culture française. Ce n’est pas la première fois dans l’histoire qu’un mauvais système économique et politique produit de bonnes gens. Le nôtre est de pire en pire, de système capitaliste et mondialisé, et il les pourrit toujours plus, les gens.

Ce n’est pas le sujet : le sujet c’est Good bye Lénine, film que l’on n’a pas compris parce que qu’on cherchait à y voir ce qui n’y est pas. Ce qui y est et très nettement, ce ne sont pas les gens, tous comateux, c’est la télévision.  Le problème, ce n’est pas ce que voit la mère, le problème c’est que la mère voit la télévision. Et la télévision ne remplace pas la réalité, la télévision est la réalité. Le fils veut prolonger le communisme mais établit le règne matriciel de l’occident médiatique. La mère du jeune est-allemand (excellent Daniel Brühl) peut voir ce qu’elle veut ensuite par la fenêtre, Coca-Cola, les immigrés vietnamiens, l’immobilier en déroute dans le Berlin d’alors (aujourd’hui ville la plus chère d’Europe et l’une des moins sûres, il ne faut pas désespérer), elle ne va pas le comprendre, parce qu’elle voit la télévision. La télévision est comme un faux prêtre parodique, la télévision réinterprète le réel comme un pasteur délinquant. La télévision est sa commande à distance. Le commentateur – son fils ou le présentateur – lui explique toutes les images ridicules qu’elle peut voir, et elle le croit. La télévision prend l’habitude pour notre Bien de distordre la réalité. A ce propos je suis toujours fasciné par les images No comment de la chaîne (sic encore) Euronews, images non commentées qui nous libèrent finalement de l’interprétation, de la médiation et du mensonge. Malheureusement le public n’a pas ce courage : il lui faut son commentaire qui est le même partout dans monde, et il refuse le comment se taire qui le libérerait de son rapport aliéné à la réalité ; et le libérerait des grands prêtres qui nous expliquent toute de travers depuis, mettons, les années 1830 (voyez Balzac, Edgar Poe, Tolstoï et leur compréhension du rôle malappris de la presse de masse). Le monde devient alors cette histoire racontée par un idiot, pleine de bruit et de fureur, et qui ne signifie rien.

« C’est pourquoi je leur parle en paraboles, parce que voyant ils ne voient pas, et qu’entendant ils n’entendent ni ne comprennent. »

La mère se réveille donc, absorbe et gobe tout, comme le téléspectateur moyen, celui qui croit qu’Assad tue les Syriens, que la BCE fait ce qu’elle peut, que Bernanke a sauvé le monde, que Goldman Sachs le couve, que l’ouverture des frontières est une bénédiction, que l’immigration est une chance pour la France, que Honni soit qui Mali pense, que le gouvernement fait ce qu’il peut et qu’on fera mieux la prochaine fois, en élisant Copé, Fillon, je ne sais qui. Sans oublier le péril nucléaire au Japon qui a fait trois Hiroshima et le réchauffement climatique après trois hivers épouvantables.

« Et lui, répondant, leur dit : C’est parce qu’à vous il est donné de connaître les mystères du royaume des cieux ; mais à eux, il n’est pas donné. »

La mère quitte donc le mensonge simplet du communisme pour entrer dans l’ère pan-mensongère du mondialisme dévoyé, dénoncé en vain par des myriades d’écrivains de droite comme de gauche. Sur le communisme, personne ne se faisait d’illusion ; tandis que sur notre société… C’est bien la preuve que l’oppression matricielle des médias y est bien plus forte (ou que l’on est au paradis !). Comme l’a expliqué Debord :

Un pouvoir absolu supprime d’autant plus radicalement l’histoire qu’il a pour ce faire des intérêts ou des obligations plus impérieux, et surtout selon qu’il a trouvé de plus ou moins grandes facilités pratiques d’exécution…

Le spectaculaire intégré a fait mieux, avec de très nouveaux procédés, et en opérant cette fois mondialement. L’ineptie qui se fait respecter partout, il n’est plus permis d’en rire ; en tout cas il est devenu impossible de faire savoir qu’on en rit.

Pensez à Ben Laden : invisible le jour de son attentat, invisible le jour de sa mort, inexistant dans sa vie comme dans sa mort. Mais omniprésent médiatiquement : un EGM, être généré médiatiquement par le spectaculaire intégré, dans toute sa splendeur. Ce lémur des médias conspirateurs aura bien remplacé tous nos murs de Berlin. Mais je me tais, le commissaire politique des conspirations va bientôt me faire taire.

Le film Good bye Lénine se termine bien, comme notre monde moderne. La mère meurt, et l’on projette ses cendres sur les toits au milieu des antennes de télévision.

Qui m’a reproché d’évoquer le baroque ?

La femme regardait les comédiens avec la fixité morne de l’abrutissement, sans paraître bien se rendre compte de ce qu’elle voyait. ( Capitaine Fracasse )

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mardi, 09 avril 2013 | Lien permanent

Drieu la Rochelle et le grand remplacement en 1918

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Drieu la Rochelle et le grand remplacement en 1918

par Nicolas Bonnal

Ex: http://www.dedefensa.org

DrieuMesureFrance.jpgEn 1921 Drieu la Rochelle publie un beau et grand livre, Mesure de la France, déjà étudié ici. Il est préfacé par Daniel Halévy. Drieu n’y va pas de main morte avec la France et sa république déjà crépusculaire.

Voici ce qu’il écrit, que je relierai à la riche notion de Grand Remplacement – on comprendra pourquoi :

« Pendant cinq ans la France a été le lieu capital de la planète. Ses chefs ont commandé à l'armée des hommes, mais son sol a été foulé par tous et par n'importe qui. Tout le monde est venu y porter la guerre : amis et ennemis. Les étrangers s'y sont installés pour vider une querelle où tous, eux et nous, avons oublié la nôtre.

Notre champ a été piétiné. Sur la terre, notre chair ne tient plus sa place. L'espace abandonné a été rempli par la chair produite par les mères d'autres contrées. »

C’est le début du grand remplacement ! Un autre à l’avoir compris est Céline sur lequel je compte publier quelque chose cette année. Il ne voit plus un Français à Paris en 1918-1919 et même l’inoffensif Marcel Proust comprend confusément quelque chose. Tiens, citons Proust pour une fois :

… les rares taxis, des Levantins ou des Nègres, ne prenaient même pas la peine de répondre à mes signes… »

On le met en prison Proust aussi ? Plus un blanc à Paris ! De quoi se plaint Camus ?

Drieu insiste sur cette profanation de la vieille France :

« Mais après la Marne, l'ennemi s'est planqué dans notre terre. Il s'y est vautré, la défonçant à grands coups de bottes. Et nous ne l'en avons pas arraché. Si nous étions restés seuls, que serait-il arrivé ? »

Et voici ce qu’il pense des résultats de cette guerre où il se comporta si noblement :

« Qu'importe cette victoire du monde en 1918, cette victoire qui a failli, cette victoire qu'on a abandonnée avec honte comme une défaite, cette victoire du nombre sur le nombre, de tant d'empires sur un empire, cette victoire anonyme. »

Et il revient au nombre et à la démographie – qui déterminent tout.

« Nous, aujourd'hui, 38 millions de vivants, notre groupe vient quatrième, après l'Allemagne, l'Angleterre, l'Italie. Et au-delà de l'Europe, comme nous nous rapetissons entre les 150 millions de Russes et les 120 millions d'Américains. »

La médiocrité française correspond à sa démographie.

« Et puis je veux vivre. Dans mon pays, je respire mal, je prétends qu'on veut m'entraver dans un malentendu qui peu à peu me déforme et m'estropie. »

Et Drieu accuse la France de s’être dépeuplée au dix-neuvième siècle ; elle a ainsi attiré l’Allemagne sujette comme la Russie à un boom démographique. Et l’Allemagne était sans espace, privée de ses colonies par le Traité :

« … leur absence (d’hommes) a creusé au milieu de l'Europe laborieuse un vide qui a été la cause du malaise d'où la guerre est sortie. L'Allemagne a été tentée. L'Allemagne surpeuplée ne pouvait apprendre sans indignation que certains de nos départements se vidaient et que pourtant nous réclamions de nouvelles colonies et exigions contre elle l'aide de toute l'Europe, sans compter les barbares noirs que nous armions. »

Un siècle avant que Preparata ne démonte les machinations anglaises (voyez mes textes sur le livre Conjuring Hitler), Drieu comprend que l’enjeu dépasse la France et la petite Alsace, pour laquelle on se fit illusoirement massacrer :

« Je vois que la Grande Guerre éclate non moins violente, non moins inexpiable, parce que demeure le principal antagonisme, celui de l'Allemagne et de l'Angleterre. L'Allemagne, à cause du développement de sa puissance, regardait pardessus la France. Elle tendait à la domination mondiale… »

Il évoque l’Empire colonial multiracial. Il est là aussi le Grand Remplacement :

« Il est vrai que nous nous augmentons de tous ceux-là, noirs et jaunes, qui se groupent autour de nous. Ce second empire colonial du monde, mes garçons, où on ne voit pas souvent le bout de notre nez. »

Il note cette juste chose qui pèsera de tout son poids en mai 1940 ou à Suez :

« En attendant, qu'elles le veuillent ou non, la France et l'Angleterre sont liées par leur affaiblissement simultané. »

Sur l’Europe le pronostic n’est guère optimiste :

« L'Europe se fédérera ou elle se dévorera, ou elle sera dévorée. »

Elle peut aussi se dévorer en se fédérant l’Europe.

Répétons les deux grandes phrases de ce livre époustouflant :

« Tous se promènent satisfaits dans cet enfer incroyable, cette illusion énorme, cet univers de camelote qui est le monde moderne où bientôt plus une lueur spirituelle ne pénétrera…

« Il n'y a plus de partis dans les classes plus de classes dans les nations, et demain il n'y aura plus de nations, plus rien qu'une immense chose inconsciente, uniforme et obscure, la civilisation mondiale, de modèle européen. »

Au moins on peut dire que les plus lucides des nôtres se trompent rarement.

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lundi, 02 janvier 2017 | Lien permanent

Le Satiricon de Pétrone et la contre-civilisation antique

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Le Satiricon de Pétrone et la contre-civilisation antique

par Nicolas Bonnal

Ex: http://www.dedefensa.org

Le Satiricon est souvent ramené à l’orgie romaine sauce Fellini. Or la réalité est autrement plus intéressante. Sur l’éducation romaine, voici par exemple ce que Pétrone a écrit :

« Donc, à mon sens, le résultat le plus clair des études est de rendre nos enfants tout à fait stupides : de ce qui se présente en réalité dans la vie ils n'entendent rien, ils ne voient rien. On ne leur montre que pirates, les chaînes à la main, attendant leurs victimes sur le rivage ; que tyrans rédigeant des arrêts pour commander aux fils d'aller couper la tête de leur père ; qu'oracles préconisant, pour chasser la peste, l'immolation de trois vierges ou davantage; que phrases s'arrondissant en pilules bien sucrées : faits, et pensées, tout passe à la même sauce… (Satiricon, I à IV)»

satiricon.jpgPétrone dénonce la rhétorique, cette reine perturbante de l’Antiquité et de la politique. Il comprend avant Nietzsche que l’éducation, la répétition scolaire et universitaire tueront l’inspiration :

 « Si vous me permettez de le dire, ô rhéteurs, c'est vous les premiers. Artisans de la ruine de l'éloquence. Vos harmonies subtiles, vos sonorités creuses peuvent éblouir un instant ; elles vous font oublier le corps même du discours qui, énervé, languit et tombe à plat. La jeunesse s'entraînait-elle à déclamer, quand Sophocle et Euripide trouvèrent le langage qu'il fallait au théâtre ? Existait-il des maîtres pour étouffer dans l'ombre de l'école les talents naissants quand Pindare et les neuf lyriques renoncèrent à lutterle même mètre avec Homère?  »

Il faudrait retourner à la nature :

« Et, sans appeler les poètes en témoignage, je ne vois pas que Platon ni Démosthène se soient livrés non plus à ce genre d'exercices. La grande et, si j'ose dire, la chaste éloquence, méprisant le fard et l'enflure, n'a qu'à se dresser sans autre appui que sa naturelle beauté. »

Comme Juvénal Pétrone incrimine l’Asie, qui accélère en quelque sorte le vieillissement du monde - et sa putréfaction :

« Naguère, ce bavardage intempérant et creux qui, né en Asie, a envahi Athènes, tel un astre porteur de la peste, souffla sur une jeunesse qui se dressait déjà pour de grandes choses : du coup, sous une règle corrompue, l'éloquence, arrêtée dans son essor, a perdu la voix. Qui depuis lors a approché de la maîtrise d'un Thucydide, de la gloire d'un Hypéride ? L'éclat même dont brille la poésie n'est plus celui de la santé : tous les arts, comme si leur source commune avait été empoisonnée, meurent sans attendre les neiges de la vieillesse (Ac ne carmen quidem sani coloris enituit, sed omnia quasi eodem cibo pasta non potuerunt usque ad senectutem canescere). La peinture, enfin, n'est pas en meilleure posture depuis que des Égyptiens ont eu l'audace de réduire en recettes un si grand art… »

Les pauvres parents en prennent eux aussi pour leur grade comme à toutes les époques :

« Au fond, ce sont les parents qui sont les vrais coupables : ils ne veulent plus pour leurs enfants d'une règle sévère, mais salutaire. Ils sacrifient d'abord, comme le reste, à leur ambition, ces fils, leur espérance même, puis, pour réaliser plus vite leur rêve, sans leur laisser le temps de digérer leurs études, ils les poussent au forum…»

Notre pédagogue d’indiquer le remède :

« Que les parents aient la patience de nous laisser graduer les études les jeunes gens pourront travailler sérieusement, mûrir leur goût par des lectures approfondies, faire des préceptes des sages la règle de leur pensée, châtier leur style d'une plume impitoyable, écouter longtemps d'abord ce qu'ils aspirent à imiter. Dès lors ils n'admireront plus rien de ce qui n'éblouit que l'enfance, et l'éloquence, jadis si grande, aura recouvré sa force, sa majesté, son autorité. »

Enfin la désormais triviale dénonciation de notre société trop ludique :

« Mais aujourd'hui, à l'école l'enfant s'amuse ; jeune homme, on s'amuse de lui sur le forum, et, ce qui est encore plus ridicule, après avoir fait ses études tout de travers, devenu vieux, il ne voudra pas en convenir. »

Je citai Nietzsche ici. Sa deuxième et splendide considération inactuelle sur l’inutilité des études historiques corrobore notre Pétrone :

« L’excès des études historiques trouble les instincts du peuple et empêche l’individu aussi bien que la totalité d’atteindre la maturité. L’excès des études historiques implante la croyance toujours nuisible à la caducité de l’espèce humaine, l’idée que nous sommes des êtres tardifs, des épigones. L’excès des études historiques développe dans une époque un état d’esprit dangereux, le scepticisme, et cet état d’esprit plus dangereux encore, le cynisme ; et ainsi l’époque s’achemine toujours plus vers une pratique sage et égoïste qui finit par paralyser la force vitale et la détruire. »

Nietzsche exagère, car comme nous l’avons montré avec Céline (cf. Princhard) et Paul Valéry, les études historiques précipitèrent héros et suicidaires sur le champ de bataille.

Enfin, encore un peu de Pétrone ; c’est sur l’excès de la construction immobilière (voyez Sénèque) et le déclin de la vitalité qui va avec :

« Est-ce que tu te sens vaincue par le poids de l'Empire romain
Et ne peux-tu davantage soutenir cette masse vouée à la perdition ?
Lui-même ennemi de sa puissance, le peuple romain
Soutient mal l'œuvre immense qu'acheva sa jeunesse.

Vois, partout le luxe nourri par le pillage, la fortune s'acharnant à sa perte.
C'est avec de l'or qu'ils bâtissent et ils élèvent leurs demeures jusqu'aux cieux ; ici les amas de pierre chassent les eaux, là naît la mer au milieu des champs : en changeant l'état normal des choses, ils se révoltent contre la nature. » (Satiricon, CXX)

Il n’est pas un problème de notre société que l’on ne retrouve évoqué chez les grands auteurs romains ; la contre-civilisation de Philippe Grasset rejoint la décadence romaine.

Bibliographie

Juvénal- Satires

Nietzsche – Deuxième considération inactuelle

Pétrone – Satiricon (sur Remacle.org)

Sénèque – Lettres à Lucilius

 

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jeudi, 29 décembre 2016 | Lien permanent

Pourquoi les minorités jouent le jeu du système

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Pourquoi les minorités jouent le jeu du système

par Nicolas Bonnal

Ex: http://www.dedefensa.org

92% des noirs ont voté Clinton ; 92% des musulmans ont voté pour Hollande en 2012 au deuxième tour. C’est même grâce à eux qu’il est passé... La question est : pourquoi ces minorités brimées (victimes du racisme, du sentiment d’insécurité, de la misère sociale…) votent comme les barons de Wall Street, les stars hollywoodiennes et les émirs du Qatar ? Pourquoi les minorités jouent le jeu du Soros (le cercueil, en grec ancien) et des milliardaires ?

Il faut comprendre ici que ce n’est pas la gauche contre la droite (les musulmans, de gauche ?), ni le « choc des civilisations » à la noix (où sont passées nos civilisations ? Enfin !), mais le système contre toute société.

Emmanuel Todd a récemment évoqué à propos des élections US un mercenariat électoral pour les démocrates. C’est très bien dit, maître, c’est même courageux de votre part. Il aurait pu ajouter (il n’aime faire les choses qu’à moitié, mais ne le décourageons pas) que la même attitude prévaut en France. Todd hurle après les cathos zombie qui font de sales coups aux musulmans, il oublie de rajouter que ces musulmans votent comme un seul homme pour le PS qui tue ou déplace un million de musulmans en Libye et ailleurs (on ne parlera pas de Juppé). Le PS se maintient et retournera aux affaires en faisant voter ses minorités, dût-il pour cela comme Obama/Hillary remplir la France de minorités et de réfugiés.

Le mercenariat électoral veut dire ce qu’il veut dire : on achète les votes avec de prodigieux déficits, on entretient une culture paranoïaque (tout le monde vous hait, tout le monde veut vous gazer), aussi bien en France qu’en Amérique, et on rentabilise cette clientèle le jour des élections en sachant que le petit blanc complexé hésitera toujours : le Fillon-Trump est décrété nazi, fasciste, homophobe, nazi, antisémite, antisocial, macho, nazi, donc comment osez-vous ? Plus très sûr de lui, le petit blanc hésite, surtout le jeune qui a été bien abruti et essoré par son éducation internationale, et cela donne les votes roses en attendant les révolutions orange.

Comment en est-on arrivé-là ?

L’explication est simple : il y a le système moderne ou postmoderne, la machine de Cochin ou d’Ostrogorski (un juif russe qui a vu la merde arriver en Amérique) qui veut du vote, du quantitatif, et qui veut fonctionner. Il y a de l’autre la société plus ou moins traditionnelle, plus ou moins conservatrice, et qui doit être diabolisée et remplacée.

Cochin écrit dans sa magistrale étude sur les sociétés de pensée :

« L'individualisme sape la famille comme les autres édifices sociaux. La cité de rêve ne sera faite que d'atomes humains directement agglomérés.

 Cet individualisme est l'œuvre propre de la Révolution, de l'esprit jacobin, car le reste se serait fait comme ailleurs sans eux. D'eux, cette rage d'« affranchir » que nous voyons sévir aujourd'hui, et d'affranchir les gens contre leur volonté ; cette rage aussi d'égalitarisme ennemi de toute élite et cette fièvre de nivellement rêvant pour tous le même programme d'instruction, d'éducation et de fonction, tous étant décrétés également capables. »

Je précise que pour moi le néo-FN ne vaut pas mieux que le PS. Il est clientéliste et se moque de la famille.

Cochin d’enfoncer le clou :

« C'est l'individualisme révolutionnaire qui est, on le voit, la première condition du bon fonctionnement des rouages de la machine. Destruction de tout organisme politique, corps d'Etat et corps professionnels, destruction de toute foi, de toute idée commune, de tout esprit de corps et surtout de l'idéal religieux ».

Comme a dit Houellebecq, l’individu doit être nu devant le marché. Idem pour le corps électoral. Pour recréer l’homme nu, le citoyen dont rêve un délirant comme le V.Peillon dans son opus sur la Révolution, il faut mettre à bas tout l’organisme. C’est le système : tu seras robot, consommateur, citoyen programmé, électeur de Juppé ou démocrate. Et la minorité doit servir à détruire la société d’avant formé de blancs, de chrétiens ou d’arabes, qu’importe. O détruira cette société, on l’affolera par les tsunamis ou les attentats, comme le dit Naomi Klein.

La minorité c’est ce qui doit être affranchi ; comme ces marchés qui doivent être dérèglementés. La minorité dépendante des assistantes sociales c’est l’atome idéal, comme la mère célibataire qui votera anti-macho. Le marché n’agit pas autrement. Ils sont deux alliés objectifs, comme on disait dans ma jeunesse, et ils iront jusqu’au bout de leur valse, comme le Joker et sa dernière conquête.

Ceci dit, les traîtres ou les amis sont partout. Surtout pas de racisme ou de délire identitaire. Nous sommes dans la partie d’échecs du prisonnier : les pièces n’ont pas de couleur, on les reconnaît à leur mouvement (épisode Checkmate).

« Nous sommes les pions de la mystérieuse partie d’échecs »

Bibliographie

Cochin – La libre-pensée et la révolution

Klein – La thérapie de choc

Ostrogorski – Democracy and the organization of political parties

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vendredi, 02 décembre 2016 | Lien permanent

Une révolte de légionnaires racontée par Tacite

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Une révolte de légionnaires racontée par Tacite

par Nicolas Bonnal

Ex: http://www.dedefensa.org 

Les romanichels et les stars veulent plus de réfugiés ? Les stars hollywoodiennes votent pour Hillary ? Les stars ne veulent pas de Trump ? Nos acteurs subventionnés ont honte d’être français ?

Petite explication.

Tacite l’admirable… Voici comment il nous dépeint une agitation politique, celle des légionnaires, si proches, finalement, d’une révolte des étudiants, d’un printemps arabe, d’une péripétie mondaine. On devine l’importance du théâtre et du spectacle comme facteur de subversion et de manipulation des sociétés ; ce qu’ont rappelé Jean Chrysostome ou saint Basile dans leurs sermons.

C’est dans le livre 1 des Annales, chapitre XVI et XVII, qu’on a mal lu (et traduit) à l’école… Nous sommes sous Tibère.

« Telle était à Rome la situation des affaires, quand l’esprit de révolte s’empara des légions de Pannonie ; révolte sans motif, si ce n’est le changement de prince, qui leur montrait la carrière ouverte au désordre et des récompenses à gagner dans une guerre civile. »

Le printemps légionnaire va éclater. Il vient de l’inactivité et de l’oisiveté, si propices à déclencher des troubles. La mutinerie débute comme une fable d’Esope. Et là intervient un acteur. On sait le rôle que jouent les acteurs dans les révolutions (Couthon, Collot en France), le rôle subversif du théâtre et du spectacle moderne.

« Il y avait dans le camp un certain Percennius, autrefois chef d’entreprises théâtrales (dux olim theatralium operarum), depuis simple soldat (dein gregarius miles), parleur audacieux (procax lingua), et instruit, parmi les cabales des histrions, à former des intrigues (et miscere coetus histrionali studio doctus). Comme il voyait ces esprits simples en peine de ce que serait après Auguste la condition des gens de guerre, il les ébranlait peu à peu dans des entretiens nocturnes ; ou bien, sur le soir, lorsque les hommes tranquilles étaient retirés, il assemblait autour de lui tous les pervers ».

Percennius reprend les poncifs des révolutionnaires de toutes les époques, ceux qui remplacent un ordre ancien par un désordre nouveau. Plus question d’obéir :

« Enfin lorsqu’il se fut associé de nouveaux artisans de sédition, prenant le ton d’un général qui harangue, il demandait aux soldats "pourquoi ils obéissaient en esclaves à un petit nombre de centurions, à un petit nombre de tribuns. Quand donc oseraient-ils réclamer du soulagement, s’ils n’essayaient, avec un prince nouveau et chancelant encore, les prières ou les armes ? »

Tacite voit que dans une révolution tout repose sur une manipulation : les gens doivent être convaincus qu’ils sont malheureux. C’est à cette condition qu’ils sont prêts à tout risquer.

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Le style indirect, Tacite le manie de main de maître. Ce génie historien comprend avant les stratèges des propagandes et les agitateurs professionnels les méthodes de contagion mentale, comme disait Gustave Le Bon. Il écrit plus loin :

« Presque dans le même temps et pour les mêmes raisons, les légions de Germanie s’agitèrent plus violemment encore, étant en plus grand nombre… Quand on apprit la fin d’Auguste, une foule de gens du peuple, enrôlés depuis peu dans Rome, et qui en avaient apporté l’habitude de la licence et de la haine du travail, remplirent ces esprits grossiers de l’idée "que le temps était venu, pour les vieux soldats, d’obtenir un congé moins tardif, pour les jeunes d’exiger une plus forte paye, pour tous de demander du soulagement à leurs maux et de punir la cruauté des centurions."

Deux mille ans après le théâtre se met au service du bolchévisme révolutionnaire, sous la plume de la dame anglaisetraduite par Taine (Un séjour en France, uqac.ca) :

« Les drames produits au commencement de la révolution sont calculés, en général, pour corrompre les mœurs et le goût de la nation, et beaucoup d’entre eux sont écrits avec assez d’habileté pour atteindre leur but; mais ceux qui ont paru dans les deux dernières années sont si stupides et si dépravés, qu’il faut que ce goût et cette moralité aient été complètement atrophiés pour qu’ils aient été acceptés un seul instant.

La faute en est surtout au despotisme du gouvernement, qui a fait de la scène un pur engin politique et n’a admis à la représentation que des pièces qu’un homme honnête et intelligent n’aurait jamais consenti à écrire. Par là une foule d’écrivassiers, sans talent comme sans pudeur, sont devenus les directeurs exclusifs des amusements publics, et, si le bruit d’un théâtre constitue le succès, ils peuvent se flatter d’avoir mieux réussi que jamais Racine ou Molière. Si la pièce était trop immorale et trop ennuyeuse, on se garait de l’indignation publique en l’assaisonnant d’injures contre la monarchie et la religion ou d’une niche à l’adresse de M. Pitt. Un auditoire indigné ou impatient est trop heureux d’acheter une réputation de patriotisme en applaudissant des sottises qu’il trouve difficile à supporter. D’ailleurs le théâtre regorgeait d’espions, et il était dangereux de censurer une pièce révolutionnaire, si détestable qu’elle fût; peu de gens avaient le courage de critiquer un auteur patronné par les surintendants de la guillotine... »

Et notre spectacle dure et conditionne toujours, sous forme de films, proclamations, émissions (sic).

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mardi, 13 décembre 2016 | Lien permanent

Sur Brzezinski et notre élite apocalyptique

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Sur Brzezinski et notre élite apocalyptique

 
Auteur : Nicolas Bonnal
Ex: http://zejournal.mobi 
 

Le conseiller Ubu est mort, mais gageons que son œuvre luciférienne va lui survivre. Il meurt salué quand on profane (malmène, dit lemonde.fr) la tombe du Général de Gaulle.

Relisons l’interview où Zbig fait l’éloge de sa politique d’appui au terrorisme islamiste. Il se peut d’ailleurs que Zbig sache que ce terrorisme n’est pas islamique (islamique au sens saoudien, mais pas au sens musulman, islamique au sens américain, mais pas au sens guénonien) mais oxydental si j’ose dire, un bon moyen avec le réchauffement climatique et la fraude fiscale de célébrer la venue de l’Etat totalitaire qui les excite tous depuis les années 1780.

Le fait que les quatre plus grosses cotisations boursières relèvent de cet espionnage-emprisonnement des âmes et de cet argent dématérialisé (Google, Amazon, Facebook, Apple) ne doit pas nous étonner. Zbig avait fait l’éloge de la société technétronique, nous prévenait dans son livre de la vague de populisme qu’auraient à redouter (tu parles !) les élites cosmopolites – qui ne faisaient que reprendre le comportement du siècle des Lumières, qui lui aussi rêva d’automates. Sur les origines réelles de Zbig, et pour comprendre ses méthodes illuminées, lisez Charles Novak (1).

Voici donc la courte interview de Zbigniew Brzezinski parue dans Le Nouvel Observateur numéro 1732 du 15 janvier 1998 :

Le Nouvel Observateur : « L’ancien directeur de la CIA Robert Gates l’affirme dans ses Mémoires : les services secrets américains ont commencé à aider les moudjahidine afghans six mois avant l’intervention soviétique. A l’époque, vous étiez le conseiller du président Carter pour les affaires de sécurité ; vous avez donc joué un rôle clé dans cette affaire. Vous confirmez? »

Zbigniew Brzezinski : « Oui. Selon la version officielle de l’histoire, l’aide de la CIA aux moudjahidine a débuté courant 1980, c’est-à-dire après que l’armée soviétique eut envahi l’Afghanistan, le 24 décembre 1979. Mais la réalité, gardée secrète jusqu’à présent, est toute autre : c’est en effet le 3 juillet 1979 que le président Carter a signé la première directive sur l’assistance clandestine aux opposants du régime prosoviétique de Kaboul. Et ce jour-là, j’ai écrit une note au président dans laquelle je lui expliquais qu’à mon avis cette aide allait entraîner une intervention militaire des Soviétiques ».

Le Nouvel Observateur : « Malgré ce risque, vous étiez partisan de cette “covert action” [opération clandestine]. Mais peut-être même souhaitiez-vous cette entrée en guerre des Soviétiques et cherchiez-vous à la provoquer ? »

Zbigniew Brzezinski : « Ce n’est pas tout à fait cela. Nous n’avons pas poussé les Russes à intervenir, mais nous avons sciemment augmenté la probabilité qu’ils le fassent.

Le Nouvel Observateur : « Lorsque les Soviétiques ont justifié leur intervention en affirmant qu’ils entendaient lutter contre une ingérence secrète des Etats-Unis en Afghanistan, personne ne les a crus. Pourtant, il y avait un fond de vérité… Vous ne regrettez rien aujourd’hui ? »

Zbigniew Brzezinski : « Regretter quoi ? Cette opération secrète était une excellente idée. Elle a eu pour effet d’attirer les Russes dans le piège afghan et vous voulez que je le regrette ? Le jour où les Soviétiques ont officiellement franchi la frontière, j’ai écrit au président Carter, en substance : “Nous avons maintenant l’occasion de donner à l’URSS sa guerre du Vietnam.” De fait, Moscou a dû mener pendant presque dix ans une guerre insupportable pour le régime, un conflit qui a entraîné la démoralisation et finalement l’éclatement de l’empire soviétique ».

Le Nouvel Observateur : « Vous ne regrettez pas non plus d’avoir favorisé l’intégrisme islamiste, d’avoir donné des armes, des conseils à de futurs terroristes ? »

Zbigniew Brzezinski : « Qu’est-ce qui est le plus important au regard de l’histoire du monde ? Les talibans ou la chute de l’empire soviétique ? Quelques excités islamistes ou la libération de l’Europe centrale et la fin de la guerre froide ? »

Le Nouvel Observateur : « “Quelques excités”? Mais on le dit et on le répète: le fondamentalisme islamique représente aujourd’hui une menace mondiale ».

Zbigniew Brzezinski : « Sottises ! Il faudrait, dit-on, que l’Occident ait une politique globale à l’égard de l’islamisme. C’est stupide: il n’y a pas d’islamisme global. Regardons l’Islam de manière rationnelle et non démagogique ou émotionnelle. C’est la première religion du monde avec 1,5 milliard de fidèles. Mais qu’y a-t-il de commun entre l’Arabie Saoudite fondamentaliste, le Maroc modéré, le Pakistan militariste, l’Egypte pro-occidentale ou l’Asie centrale sécularisée? Rien de plus que ce qui unit les pays de la chrétienté… »

Un petit ajout : l’Europe centrale a perdu 10% de sa population depuis la fin du communisme. Le nombre d’enfants passa de deux à un en Allemagne de l’Est. L’Ukraine sombre démographiquement, et la Russie perdit dix millions d’âmes en vingt ans de chute du communisme. Le NYT vient de rappeler que le taux de natalité s’effondre en Grèce depuis la crise sauce mondialiste imposée par les Goldman-Merkel-Zbig. Le mondialisme est un cannibalisme postmoderne et fier de l’être !

Pour parler d’un énergumène comme ça (et la Pologne ubuesque et russophobe en a eu d’autres, voyez Retinger-Bilderbergs, voyez Tusk-Europe, descendant de soldat nazi),  il n’y aurait que Dante (Enfer, XXXII) :

« … tous deux d’un même lit, et tous deux si dignes de la fosse glacée, que tu fatiguerais de tes recherches le cercle de Caïn sans trouver leurs pareils ».

1) JACOB FRANK, LE FAUX MESSIE Déviance de la kabbale ou théorie du complot (L’Harmattan)

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mercredi, 31 mai 2017 | Lien permanent

Montesquieu et la naissance du crétinisme médiatique

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Montesquieu et la naissance du crétinisme médiatique

par Nicolas Bonnal

Ex: http://www.dedefensa.org

Que Donald Trump aura fait couler d'encre odieuse et imbécile ! Que Fillon est méprisé, que le vénéneux Juppé est encensé ! Que le Brexit fut sous-estimé !

Mais pourquoi la presse française – ou même anglo-saxonne - est-elle si nulle ? Un peu d'histoire.

En 1721 Montesquieu publie les lettres persanes, ouvrage destiné à être bouquiné par le public décalé, jouisseur et rigolard de la Régence. Le livre est lu par une « élite » qui est déjà celle d’aujourd’hui, bourgeoise, collabo, humoriste.

esprit_des_lois.jpgLe bouquin devient un classique, sans que l’on ait compris pourquoi, au milieu de cette littérature du dix-huitième siècle décadent, si proche de nos marottes et de nos caprices de vieux. Le livre recycle le style journalistique venu d’Angleterre, comme toute la décadence française et même européenne, le matérialisme et la superficialité. A la même époque, dans un article passionnant (je l’ai étudié ailleurs), Jonathan Swift se demande par quoi on va remplacer le christianisme en Angleterre ; ou comment le bourgeois british aux affaires pourrait se nourrir d’enfants irlandais (en 1846 ce même bourgeois libéral le prendra au mot). C’est le même bourgeois libéral qui veut déclencher une guerre contre la Russie – pour protéger ses Indes ou la Turquie ottomane - durant tout le dix-neuvième siècle ! Car le gouvernement anglais obéit à sa presse, remarque Tocqueville dans ses Souvenirs. Surtout quand il s’agit de faire la guerre à la Russie.

Ce qui est le plus marrant dans le style journalistique, c’est qu’il ne sait pas quand il dit la vérité (« le vrai est un moment du faux »). L’homme moderne, comme a dit Soljenitsyne à Harvard, ne sait pas s’il est vivant, et le journaliste occidental ne sait pas quand il dit vrai. Sur Montesquieu et son style incisif, sa lucidité parfois réelle, on peut citer cette phrase mémorable des Commentaires de Debord :

« Il est vrai que cette critique spectaculaire du spectacle, venue tard et qui pour comble voudrait « se faire connaître » sur le même terrain, s’en tiendra forcément à des généralités vaines ou à d’hypocrites regrets ; comme aussi paraît vaine cette sagesse désabusée qui bouffonne dans un journal. »

Mais Montesquieu reste peut-être avec Molière le seul classique qui nous quitte les remords de ne pas être né avant, à cette époque, in illo tempore, comme on dit chez Virgile. Et ce n’est pas un compliment, car nous sommes déjà postmodernes à son époque.

lettrespers.jpgReprenons le scolaire et incompris passage sur les persans à Paris. Ils deviennent des célébrités exotiques et on les « reproduit ». On est dans une société de l’image, de la curiosité extatique momentanée, de la pensée jetable, de l’icône culturelle :

« Chose admirable ! Je trouvais de mes portraits partout ; je me voyais multiplié dans toutes les boutiques, sur toutes les cheminées, tant on craignait de ne m'avoir pas assez vu. »

La société de la Régence rompt avec le Grand siècle, Bossuet et Louis XIV. On récolte les escroqueries financières, la déprime de Watteau, la culture du badaud amusé, les casinos de Manon Lescaut et le libertinage en attendant la Révolution. Les lettres persanes sont en grande partie faites des cancans du harem, des minettes préférées, des eunuques bavards et du reste qui annonce nos reality-shows. On n’y possède pas encore de gadgets Apple, mais c’est tout comme :

« Si j'étais aux spectacles, je voyais aussitôt cent lorgnettes dressées contre ma figure : enfin jamais homme n'a tant été vu que moi. Je souriais quelquefois d'entendre des gens qui n'étaient presque jamais sortis de leur chambre, qui disaient entre eux : Il faut avouer qu'il a l'air bien persan. »

On remarque dans ce texte finalement les préoccupations très people de ces beaufs qui veulent être tenus au courant du dernier perçant venu à paris, en attendant celles sur le persan bombardé par l’Hillary Air Force. Le fait de tous faire mécaniquement la même chose, au siècle de l’homme-machine de La Mettrie ou de Vaucanson ne fait peur personne, bien au contraire ! Être branché, être au courant, être réactif, c’est faire comme le troupeau. Pouchkine se moque de ce tropisme anglo-français dans Eugène Onéguine, quand il dénonce le mimétisme russe – dans ses premiers chapitres. C’est l’apophtegme de la démocratie libérale et libertaire : sois toi-même, donc fais comme tous. Il faut être là où ça bouge, c’est-à-dire là où ça s’entasse. Montesquieu au passage du pape, « vieille idole que l’on encense par habitude ; il se moque du roi, « grand magicien en matière monétaire », qui fait croire qu'un égale deux. Et sur la mode ?

« Je trouve les caprices de la mode, chez les Français, étonnants. Ils ont oublié comment ils étaient habillés cet été ; ils ignorent encore plus comment ils le seront cet hiver : mais surtout on ne saurait croire combien il en coûte à un mari, pour mettre sa femme à la mode. »

Ces phrases sont étonnantes de lucidité inconsciente. Montesquieu annonce le présent permanent des penseurs post-hégéliens les plus profonds comme le russe Kojève ou notre Guy Debord. Son texte marque aussi une indifférence générale, un assoupissement citoyen, cette « anesthésie » postmoderne, comme dit l’historien Stanley Payne de l’Espagne.

Montesquieu décrit donc ce déraillement postmoderne et cette  crétinisation médiatique du monde, et il illustre à merveille ce « plus petit des siècles » (dixit Léon Bloy) qui n'arrête pas de se reproduire depuis, comme les portraits de son persan et les pages des journaux idiots, snobs et branchés qui aboutirent à la plus cruelle et surtout plus inutile Révolution de l’histoire. Ces mêmes journaux gavés par les oracles néocons demandent aujourd’hui et la hausse de la bourse (pour eux l’économie n’existe plus) et la guerre contre la Russie – ou contre le pauvre Iran.

Un con ça ose tout disait Audiard avec raison ; mais il faut ajouter qu’un con ça ose tout dans tous les domaines. On ne le voit que trop de ce côté-ci de l’Atlantique ou de la Volga maintenant.

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samedi, 26 novembre 2016 | Lien permanent

Pierre Le Vigan: le cataclysme urbain des temps modernes

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Pierre Le Vigan: le cataclysme urbain des temps modernes

par Nicolas Bonnal

Ex: https://metamag.fr

Pierre Le Vigan  vient de publier un livre intelligent, émouvant, formidablement documenté et surtout très bien écrit (les urbanistes ont souvent un beau style, comme d’ailleurs les mathématiciens).

Ma passion pour la ville et l’urbanisme m’a rendue enchantée cette lecture. Dans mon Mitterrand le grand initié, j’avais beaucoup insisté après d’autres sur la ville, les travaux, et tout le reste chez Mitterrand. Le reste du temps j’ai surtout dénoncé le monde moderne et sa laideur moderne, si éminente depuis la Renaissance (Hugo écrase génialement la Renaissance et son architecture au début de Notre-Dame). Huysmans disait que nous déclinions depuis le XIIIème siècle, comme il avait raison. Mon maître Lewis Mumford, bien cité par Pierre, évoque avec émotion notre fantastique civilisation médiévale, celle de Sienne et de Tolède, et la compare aux « détritus urbains » (Debord reprenant Mumford) qui recouvrent aujourd’hui la planète, en Chine, en Amérique, en Arabie. C’est comme ça.

Je laisse la parole à mon ami et à ses maîtres et inspirateurs, notamment le surprenant fils Thorez :

« Paul Thorez, l’un des fils du dirigeant communiste devenu travailleur social, écrivait : « J’avais une fois de plus traversé (…) l’agrégat de bric et de broc nomme Ville Nouvelle où je gagnais ma vie à la perdre au jour le jour contre un peu d’argent. (…) C’était donc cela, préfiguré par la Ville Nouvelle, le troisième millénaire en France : des blocs de béton perdus dans des terrains vagues, de faux villages en éléments préfabriqués, les restes pathétiques de quelques hameaux centenaires, vestiges d’un âge révolu – un espace glacé où l’on ne rencontrait âme qui vive entre la migration automobile et ferroviaire du matin et le retour en rangs serrés, suivi d’un véritable couvre-feu.
Étrange similitude avec l’avenir radieux, déjà lisible à l’intérieur du cercle de cent neuf kilomètres que dessine autour du Grand Moscou l’autoroute de ceinture. La même combinaison de fausse campagne et de ville supposée, le même ersatz donné pour du tissu urbain de premier choix, le même uniforme. Aux Nouveaux Horizons de Saint- Quentin-en-Yvelines comme aux Novyé Tchériomouchki, « les Nouveaux Sorbiers », les planificateurs qui nous logent, nous vêtent, nous transportent, nous nourrissent, creusaient un gouffre ouvert à la névrose, à la haine du prochain, à la délinquance juvénile. »

Le Vigan cite ensuite Paul Chemetov, que je citais dans mon Mitterrand (une certaine dimension des Grands Travaux fascinait, je le reconnais). Ici c’est le crétinisme politique et l’arrogance moderniste qui sont humiliées :

« Paul Chemetov remarque à ce propos : « Soit le cliché en vogue : la banlieue doit être transformée en ville. C’est un discours fou, qui nous ramène dans une version recyclée de la démesure productiviste dont nous sortons par ailleurs. C’est oublier tout simplement que la banlieue est beaucoup plus vaste que la ville-centre. On a mis dix siècles pour faire Paris – et ce n’est pas fini. Croire qu’en deux septennats – j’allais dire deux mécénats – il est possible de régler les problèmes de ces immensités, c’est tromper les autres et soi-même. Il faut prendre la mesure de ces espaces qui, depuis fort longtemps, ont été le ban de la ville, cette partie centrifugée qui permettait au cœur d’expulser ce qui le désoccupait, ou ce qui l’occupait trop et qui lui donnait une marche, au sens ancien du terme, pour pouvoir fonctionner. »

Enfin PLV note à propos de ce monde mué en Las Vegas ou en Disneyworld :

« Elle l’est notamment au travers des grands magasins, qui consacrent à la fois le triomphe de la consommation et celui de l’individualisme narcissique. Il se manifeste ainsi une rupture avec la Renaissance : la ville moderne ne se contente plus de se représenter. Elle se donne en spectacle. A l’extrême, ce qui se profile est la
« disneylandisation » de la ville et du monde ou encore une « lasvegasisation » de l’espace urbain. La modernité urbaine, dans ses premiers moments, a représenté une transition dans laquelle coexistaient des aspects modernes et d’autres traditionnels. Ces aspects traditionnels ont duré jusque dans les années 1950. Il y a eu une longue période de recoupement, de décalage, qui a fait le charme même des villes de nos parents et grands-parents. »

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Le Vigan cite deux auteures : Sylvie Brunel et La planète disneylandisée, éd. Sciences humaines, publiée en 2006 ; Elisabeth Pélegrin-Genel, Des souris dans un labyrinthe. Décrypter les ruses et manipulations de nos espaces quotidiens, La Découverte, 2010.

Le minotaure américain (utopie gnostique devenue débile) n’a pas fini de nous perdre et de nous dévorer.

Enfin il cite Renaud Camus très bien inspiré dans cette page :

« Plus que de la laideur, à mon avis, le XXe siècle fut le siècle de la camelote. Et rien n’en témoigne mieux que tous ces pavillons qui éclosent le long de toutes les routes et à l’entrée de toutes les villes, petites ou grandes. Ce ne sont pas des maisons, ce sont des idées de maisons. Elles témoignent pour une civilisation qui ne croit plus à elle-même et qui sait qu’elle va mourir, puisqu’elles sont bâties pour ne pas durer, pour dépérir, au mieux pour être remplacées, comme les hommes et les femmes qui les habitent. Elles n’ont rien de ce que Bachelard pouvait célébrer dans sa poétique de la maison. Elles n’ont pas plus de fondement que de fondation. Rien dans la matière qui les constitue n’est tiré de la terre qui les porte, elles ne sont extraites de rien, elles sont comme posées là, tombées d’un ciel vide, sans accord avec le paysage, sans résonance avec ses tonalités, sans vibration sympathique dans l’air. »

C’est ça Renaud, le grand remplacement des Français a déjà eu lieu ! Les Français de souche sont des idées de Français !

Pierre Le Vigan, Métamorphoses de la ville, De Romulus à Le Corbusier, La Barque d’or.

 

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mardi, 26 septembre 2017 | Lien permanent

Georges Sorel et la montée de la médiocrité moderne

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Georges Sorel et la montée de la médiocrité moderne

par Nicolas Bonnal

Ex: http://www.dedefensa.org

Rien de tel qu’un bon classique pour nous consoler de vivre en l’an 2017 ! Dans Les illusions du progrès, publiées à la fin du dix-neuvième siècle, (archive.org) Georges Sorel décrit des temps qui traînassaient déjà. Florilège :

« Depuis que la démocratie se croit assurée d’un long avenir et que les partis conservateurs sont découragés, elle n’éprouve plus le même besoin qu’autrefois de justifier son droit au pouvoir par la philosophie de l’histoire. »

Politique ? Finance ? : « Le spectacle écœurant donné au monde par les écumeurs de la finance et de la politique explique le succès qu’obtinrent assez longtemps les écrivains anarchistes. »

La déception de la démocratie parlementaire fut rapide. Bakounine observait qu’elle n’avait mis que cinq ans à anéantir l’Italie (Bakounine (Œuvres, 1911, Tome V).

Religion délavée ? Pape François ? :

« Un clergé, plus ou moins incrédule, qui travaille de concert avec les administrations publiques, pour améliorer le sort des hommes ; voilà ce dont se contente fort bien la médiocrité. »

Mais la source du sublime se tarit : « Les personnes religieuses vivent d’une ombre. Nous vivons de l’ombre d’une ombre. De quoi vivra-t-on après nous ? »

Sorel remarque chez les scientifiques un développement de tartuferie religieuse qui a depuis gagné tous les croyants pépères :

« Nous assistons à un spectacle qui paraît, au premier abord, paradoxal : des savants qui ont rejeté tout ce que l’Église considère comme formant le dépôt de la foi, prétendent cependant demeurer dans l’Église. »

L’Église est déjà une ONG chargée du contrôle social et de la moralisation publique :

« Aujourd’hui les catholiques sociaux voudraient que le clergé organisât des associations à la fois éducatives et économiques, propres à amener toutes les classes à comprendre leurs devoirs sociaux. L’ordre que les audaces du capitalisme troublent gravement, suivant leur petit jugement, arriverait à se rétablir.

En définitive, toute cette religion sociale manquait de valeur religieuse ; les catholiques sociaux songent à faire rétrograder le christianisme vers cette médiocrité. »

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Comme Huysmans, Sorel souligne la nullité de l’art chrétien (appétit de laideur, dit Huysmans). Reconnaissez-la, dessillez-vous enfin comme ces grands esprits :

« L’extrême bassesse de l’esthétique catholique actuelle gênera beaucoup toute tentative de renaissance religieuse. »

Sur la démocratie encore Sorel ajoute :

 « Il suffit de regarder autour de nous pour reconnaître que la démocratie est une école de servilité, de délation et de démoralisation.

Nous sommes descendus aux boniments électoraux, qui permettent aux démagogues de diriger souverainement leur armée et de s’assurer une vie heureuse ; parfois d’honnêtes républicains cherchent à dissimuler l’horreur de cette politique sous des apparences philosophiques, mais le voile est toujours facile à déchirer. »

La ploutocratie est plus dangereuse que l’aristocratie. Et pour cause :

« L’expérience paraît montrer que les abus de pouvoir commis au profit d’une aristocratie héréditaire sont, en général, moins dangereux pour le sentiment juridique d’un peuple que ne sont les abus provoqués par un régime ploutocratique ; il est absolument certain que rien n’est aussi propre à ruiner le respect du droit que le spectacle de méfaits commis, avec la complicité des tribunaux, par des aventuriers devenus assez riches pour pouvoir acheter les hommes d’État. »

La richesse est boursière, artificielle, déjà détachée de l’économie réelle. Sorel constate avant Gramsci et l’indice US à 22 000 :

« Dans la formation des grosses fortunes actuelles, les spéculations à la Bourse ont joué un rôle bien autrement considérable que les heureuses innovations introduites dans la production par d’habiles chefs d’industrie. Ainsi la richesse tend de plus en plus à apparaître comme étant détachée de l’économie de la production progressive et elle perd ainsi tout contact avec les principes du droit civil. »

Sorel établit alors une psychologie de la médiocrité moderne (pas besoin de Juppé ou de Lady Gaga) :

« Or, au fur et à mesure que nous avons considéré des régions dans lesquelles notre intelligence se manifeste plus librement, nous avons reconnu que la médiocrité exerce son empire d’une manière plus complète.

Ce que dans cette étude on a appelé du nom péjoratif de médiocrité, est ce que les écrivains politiques nomment démocratie ; il est donc démontré que l’histoire réclame l’introduction de la démocratie. »

À l’époque les râleurs ne sont plus les socialistes, récupérés par le système parlementaire, mais les anarchistes :

« Cette apologie de la démocratie n’est pas sans offrir des dangers sérieux ; elle a conduit à l’anarchie beaucoup de jeunes gens, il y a une vingtaine d’années… il a montré que les esprits étaient, en France, désireux de trouver de la grandeur ; il ne faut pas s’étonner si de nombreux anarchistes se jetèrent dans le syndicalisme révolutionnaire qui leur parut propre à réaliser de la grandeur. »

Et de terminer par un petit reproche à Karl Marx :

« La grande erreur de Marx a été de ne pas se rendre compte du pouvoir énorme qui appartient à la médiocrité dans l’histoire ; il ne s’est pas douté que le sentiment socialiste (tel qu’il le concevait) est extrêmement artificiel ; aujourd’hui, nous assistons à une crise qui menace de ruiner tous les mouvements qui ont pu être rattachés idéologiquement au marxisme. »

Souriez, ce n’est pas terminé !

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vendredi, 29 septembre 2017 | Lien permanent

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