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jeudi, 18 janvier 2024

Clausewitz et la Russie

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Clausewitz et la Russie

Daniele Perra

Source: https://novaresistencia.org/2024/01/04/clausewitz-e-a-russia/

L'étude de Clausewitz, ainsi que d'autres classiques de la doctrine militaire, nous permet de mieux comprendre la position historique de la Russie qui consiste à "se défendre en attaquant", ce qui a été évident tout au long de l'opération militaire spéciale.

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Dans les Principes fondamentaux de la guerre, véritable manifeste de l'armée prussienne, dont la pertinence historique ne peut être comparée qu'au Livre rouge de Mao Zedong pour l'armée populaire de Chine, Frédéric II le Grand (également célébré par la cinématographie nationale-socialiste en Allemagne dans les années 1930 et 1940), affirme que la politique et l'armée, base de la préservation de la gloire de l'État, doivent toujours travailler ensemble pour déterminer les objectifs d'une campagne militaire. Car, selon lui, avant de se lancer dans une aventure guerrière, il faut toujours connaître le terrain d'affrontement, la force et les alliances de l'adversaire éventuel, afin de déterminer le temps et les moyens nécessaires [1].

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Il n'est pas nécessaire de rappeler l'influence de l'œuvre de Frédéric de Prusse sur le Vom Kriege de Carl von Clausewitz, qui n'a jamais été achevé. Le théoricien militaire prussien, en effet, comme le souverain, souligne à la fois le lien fondamental entre guerre et politique et le fait que la guerre, sorte de duel prolongé, se présente toujours comme un acte de violence ayant pour but de réduire l'adversaire à sa volonté. Par conséquent, la force est le moyen, tandis que la réduction de l'ennemi à sa volonté est la fin.

Ceci permet d'approcher le thème de cette contribution : la relation entre la doctrine militaire russe et la théorie clausewitzienne. Clausewitz lui-même affirme que "le désarmement de l'ennemi est le but de la guerre" [2] : en d'autres termes, il s'agit de l'amener à une situation dans laquelle la poursuite de la belligérance conduit à des conditions de plus en plus désavantageuses: le désarmement total ou la menace d'un désarmement rapide. Ce n'est que lorsqu'il n'y a plus de changement réel dans l'équilibre du champ de bataille que la paix peut être justifiée.

Or, l'intervention directe de la Russie dans le conflit civil ukrainien visait avant tout à "désarmer l'ennemi", c'est-à-dire à le rendre inoffensif et à le soumettre à sa volonté. Pour ce faire, les stratèges russes ont suivi à la lettre le schéma clausewitzien, qui consiste à 1) conquérir une ou plusieurs provinces du territoire ennemi ; 2) chercher à négocier ; 3) se préparer à la défense, si la tentative de négociation échoue.

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À cet égard, dans les Principes fondamentaux de la guerre mentionnés ci-dessus, Frédéric le Grand souligne que la guerre est toujours une concaténation d'actions offensives et défensives basées sur des plans différents. Les actions défensives, en ce sens, doivent toujours viser à épuiser l'adversaire, à inhiber sa volonté d'offenser - certaines des pratiques mises en œuvre par l'armée russe en Ukraine, telles que les pièges "aveugles" qui ont rendu les tentatives de déminage inutiles, stressantes et avec un risque considérable de pertes, et la préparation du terrain pour l'offensive, peuvent être emblématiques.

Une fois encore, Clausewitz, en écho au souverain prussien, affirme que "pour renverser l'ennemi, il faut mesurer l'effort à sa capacité de résistance" [3]. Cela nécessite bien sûr une évaluation des moyens disponibles et de la force de volonté de l'adversaire et de la sienne. Car la guerre est dominée par une sorte de trinité: l'instinct naturel aveugle, qui correspond à sa nature populaire; l'activité libre de l'homme, qui appartient à l'aspect du commandement; l'intellect pur, la finalité politique qui appartient à l'activité du gouvernement et la décision "schmittienne" de l'"état d'urgence". La trinité politique-guerrier, à son tour, fait ressortir les quatre éléments constitutifs de l'atmosphère dans laquelle se déroule la guerre: le danger, le défi physique, l'incertitude et le hasard. Et toute l'œuvre de Clausewitz vise à éduquer le décideur dans cette atmosphère précise: ou plutôt, dans son auto-éducation, en lui fournissant seulement des lignes directrices générales et une richesse d'idées et de concepts opérationnels (tirés de l'expérience et filtrés par une critique née de la dialectique hégélienne) avec lesquels son esprit peut s'enrichir.

Cette "trinité" démontre également que la théorie devient toujours infiniment plus complexe dès qu'elle entre en contact avec le champ spirituel lui-même. La guerre, en effet, est un "art" lié à une "matière vivante", l'homme. Comme l'affirme Clausewitz, "l'activité guerrière ne s'applique pas à la matière pure, mais aussi et toujours à la force spirituelle qui anime cette matière [la rend vivante] et il est impossible de séparer l'une de l'autre" [4].

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Une approche similaire a été proposée par l'un des pères de la géopolitique: Karl Haushofer. Dans une tentative de donner une définition à une "science antimoderne" (inévitablement imprécise) qui dépassait la sphère étroite du déterminisme géographique (dans laquelle les auteurs d'aujourd'hui ont tendance à opérer), Haushofer a déclaré: "La géopolitique sait parfaitement qu'il y aura toujours de grands esprits qui ne se contenteront pas de la médiocrité; elle sait qu'il est toujours nécessaire que des ruptures, de nouvelles fécondations et de nouvelles formations se produisent. En raison de l'arbitraire qui caractérise l'action politique humaine, la géopolitique ne peut se prononcer avec précision que dans environ 25% des cas. N'est-ce pas déjà un bon résultat si, dans une évolution où tout doit être laissé à l'arbitraire humain et aux humeurs des masses, au moins un quart des cas accessibles à la prévoyance et à la raison active sont prédits par la géopolitique" [5]?

Cela s'applique donc aussi à l'effort de guerre, où il y a toujours un élément de hasard dicté par le fait que, malgré l'énorme développement des appareils d'espionnage et/ou de surveillance (y compris les relevés par satellite) et leur efficacité, on ne peut jamais avoir d'informations sûres à 100% sur les capacités réelles de l'adversaire. En ce sens, par exemple, on ne peut exclure la possibilité que les Russes aient initialement fait des évaluations erronées de la capacité de résistance de l'Ukraine (étant donné que, sans l'intervention massive qu'a été le soutien occidental, Kiev se serait effondrée au bout de quelques mois); tout comme il semble évident que les dirigeants militaires ukrainiens ont fait une erreur, peut-être guidés par des évaluations tout aussi erronées de l'OTAN, au moment de lancer la soi-disant "contre-offensive". Cela montre que, indépendamment des données technologiques, l'élément prédominant du conflit reste le risque; et les qualités prédominantes de l'esprit dans une situation risquée sont, pour revenir à Clausewitz, le courage et la détermination, qui doivent être compris comme un acte d'intelligence qui prend conscience de la nécessité du risque et détermine le "triomphe de la volonté". Si la guerre change constamment de nature, l'esprit humain doit pouvoir s'y adapter tout aussi rapidement. Le "décideur" schmittien, pour ne pas se retrouver dans une impasse, doit veiller à ce que sa décision soit composée de plusieurs actes, afin que le "précédent" puisse devenir, dans toutes ses manifestations, le paramètre et la mesure de l'action suivante. En d'autres termes, il doit être capable d'apprendre et de comprendre ses erreurs pour évoluer et pouvoir les utiliser contre l'adversaire. A cet égard, la Russie (dont la doctrine militaire ne contient pas de méthode univoque de conduite des opérations militaires), contrairement à son adversaire direct actuel, a développé la capacité de "recoudre" les actions de combat en fonction des besoins spécifiques du moment (capacité déjà démontrée lors du second conflit en Tchétchénie et lors de la confrontation en Géorgie en 2008), en exploitant, outre sa puissance de feu supérieure, l'instinct d'adaptation d'éléments conventionnels et asymétriques; un facteur indispensable, à savoir que les forces russes ne disposent plus de l'avantage numérique - en termes de capital humain utilisable dans le conflit - qu'elles pouvaient avoir à l'époque soviétique. Ce facteur, après presque deux ans de guerre conventionnelle, nuit à la partie ukrainienne, dont le réservoir (où puiser le soutien à l'effort de guerre) est de plus en plus étroit et ne peut être remplacé, même par un recours massif à des forces mercenaires. Dans un avenir proche, cela conduira à une intervention directe de l'OTAN dans le conflit ou, plus probablement, à l'abandon progressif de la "cause ukrainienne", avec pour conséquence la recherche d'une solution négociée.

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Pour revenir au niveau théorique, tout comme l'approche de Haushofer en matière de géopolitique, la valeur de la pensée de Clausewitz (et c'est ce qui rend son œuvre encore pertinente aujourd'hui, malgré l'évolution évidente des méthodes de combat) réside dans la revendication du caractère politique et spirituel de l'activité de la guerre et dans la polémique contre les tentatives de la soumettre aux schémas rationalistes des modèles dérivés de ce que l'on appelle le "siècle des Lumières". Un domaine dans lequel, par ailleurs, un autre théoricien militaire important du 19ème siècle, qui a servi à la fois Napoléon et le tsar et est étudié à West Point, a excellé : le Suisse Antoine-Henri Jomini, qui mettait l'accent sur les caractéristiques "géométriques" (lignes stratégiques, bases, points clés, quadrilatères défensifs) et logistiques du conflit.

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Ainsi, si la guerre est la continuation de la politique par d'autres moyens, idée qui a conduit Engels et Lénine à apprécier grandement l'œuvre de Clausewitz et à faciliter sa diffusion dans les écoles militaires soviétiques, la politique est la sphère d'intelligence de l'État considéré comme une "personne collective politico-spirituelle" (Friedrich Ratzel). Et encore une fois, si la guerre n'est jamais une activité autonome par rapport à la politique, il est clair qu'un Etat apolitique (par exemple l'Italie d'aujourd'hui, où la politique est réduite au minimum, à la simple gestion des affaires intérieures) ne peut pas "faire la guerre", mais simplement s'aligner docilement et/ou participer, toujours "au minimum", à l'effort de guerre d'autrui.

Cet aspect impose également un autre type de raisonnement, qui différencie les approches "occidentales" des conflits des approches plus proprement "orientales". Dans le cas "occidental", en effet, au moins depuis la Première Guerre mondiale (mais on peut en dire autant de la guerre civile américaine), on est confronté à une interprétation du conflit selon une clé essentiellement économique, où les flux d'argent priment sur les flux de sang: l'affrontement militaire, même s'il est présenté selon une clé existentielle et/ou eschatologico-messianique (le "bien" contre le "mal absolu"), doit toujours être évalué en termes d'opportunités, de coûts et de transferts purement matériels. Par exemple, dans le cas du conflit actuel à Gaza, l'exploitation des ressources gazières de la mer adjacente à la Bande ou la transformation de la Bande elle-même en une attraction touristique une fois le "problème palestinien" éliminé. L'approche "orientale", quant à elle, est restée, depuis l'époque de Sun Tzu, une approche presque exclusivement politique: l'action guerrière, si elle est inévitable, doit avant tout produire des avantages et des résultats politiques tangibles.

Aujourd'hui, quel est le principal avantage politique dans le cas spécifique de la Russie? Sans tenir compte du niveau des relations internationales et de l'évolution de leur structure centrée sur les États-Unis, la réponse est assez simple: la défense de la souveraineté et de l'intégrité du territoire national. Les forces armées russes - comme l'indique également le plus important centre d'études stratégiques de l'atlantisme (le Rand Corp) - sont structurées avant tout pour défendre le territoire russe [6]. Même l'attaque, en ce sens, fait toujours partie d'une stratégie défensive plus complexe. C'était le cas à l'époque de Pierre le Grand et de Catherine II, qui considéraient l'expansion des frontières impériales comme nécessaire pour sauvegarder le noyau intérieur de l'État russe; c'était le cas à l'époque soviétique, lorsque Staline a opté pour la formation d'une structure d'États satellites proches des frontières occidentales de l'URSS; c'est le cas aujourd'hui, alors que cette "structure" (et avec elle l'Union soviétique) s'est effondrée à la suite de la fin de la guerre froide, laissant la Russie à découvert et facilement attaquable sur plusieurs fronts. L'affrontement contre Napoléon, auquel Clausewitz participa activement en quittant la Prusse (contrainte par Napoléon de participer à la campagne de Russie) et en rejoignant l'armée du Tsar, fut également purement défensif; Clausewitz participa à la bataille de Borodino, magistralement décrite par Tolstoï dans Guerre et Paix, qui, si elle n'empêcha pas le souverain français d'entrer à Moscou, décima son armée et rendit vain tout espoir d'une victoire complète.

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Bien qu'il ait apprécié les dons militaires et stratégiques de Bonaparte (capable, plus encore que Frédéric le Grand, de transformer la guerre d'une partie d'échecs entre dynasties aristocratiques en une cause populaire exigeant l'engagement actif des masses), Clausewitz a rejeté son message anti-traditionnel sous-jacent, lié à l'idéologie libérale issue de la Révolution française. Cela a conduit Napoléon lui-même à donner naissance au premier texte sioniste de l'histoire européenne, non sans les intérêts géopolitiques spécifiques qui conduiraient plus tard les Britanniques à soutenir la même cause: la "Proclamation à la nation juive" [7]. La Proclamation, qui ne fut jamais publiée en raison de l'échec de la campagne au Levant, disait: "Bonaparte, chef des armées de la République française en Afrique et en Asie, aux héritiers légitimes de la Palestine, les Israélites [...] La Grande Nation [la France], qui ne fait pas commerce d'hommes et de pays [...] ne vous demande pas de conquérir votre héritage. Non, elle vous demande seulement de prendre ce qu'elle a déjà conquis. Et, avec votre appui et votre permission, de rester maîtres de cette terre" [8].

Les valeurs de la Révolution française et les idéaux des Lumières et de la franc-maçonnerie ont également inspiré le colonel russe Pavel Ivanovitch Pestel, l'un des principaux acteurs des révoltes décembristes dont l'objectif politique, outre l'établissement d'un gouvernement républicain en Russie, était la création d'un État juif dans le Levant ottoman [9].

Notes:

[1] Federico il Grande, I principi fondamentali della guerra, Tumminelli Editore, Rome 1940, p. 22.

[2] C. von Clausewitz, Pensieri sulla guerra, Oaks Editore, Milano 2022, p. 8.

[3] Ibidem, p. 23.

[4] Ibidem, p. 59.

[5] K. Haushofer, Che cos'è la geopolitica, "Eurasia. Rivista di studi geopolitici". Vol. LI, n. 3/2018.

[6] Voir S. Boston - D. Massicot, The Russian way of warfare, www.rand.org.

[7] S. Azzali, Theodor Herzl e il Sultano, "Eurasia. Rivista di studi geopolitici", Vol. LXXIII, n. 1/2024.

[8] J. Attali, Le juifs, le monde et l'argent, Fayard, Parigi 2002, p. 333.

[9] Theodor Herzl e il Sultano, ivi cit.

17:57 Publié dans Histoire, Polémologie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : clausewitz, polémologie, russie, prusse, histoire | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

lundi, 06 septembre 2021

La grande hypocrisie sur la fin de la "guerre sans fin"

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La grande hypocrisie sur la fin de la "guerre sans fin"

Lorenzo Vita

Ex: https://it.insideover.com/politica/la-grande-ipocrisia-sulla-fine-della-guerra-infinita.html

Les guerres sans fin ne sont pas terminées. L'une d'entre elles est terminée, celle de l'Afghanistan, mais il est difficile de croire que la "guerre" que les États-Unis ont menée, mènent et veulent mener est réellement terminée. Ni contre le terrorisme, ni contre d'autres ennemis stratégiques que Washington a depuis longtemps identifiés comme des cibles.

Le Président des Etats-Unis, Joe Biden, s'est empressé ces dernières heures de rappeler un concept: la volonté de mettre fin à ces conflits dont on ne comprend pas la fin et, surtout, les moyens d'y mettre fin. L'Afghanistan en était devenu le symbole: une guerre qui durait depuis vingt ans, avec des objectifs complètement différents, et qui avait atteint le paradoxe selon lequel Washington remettait le pouvoir à ceux-là mêmes qu'il avait chassés de Kaboul et combattus. Un exemple plastique de l'hétérogénéité des finalités qui a fait comprendre, mieux que tout, ce qu'est devenu en pratique le long conflit afghan du point de vue américain.

Cette perception court toutefois le risque d'aller dans le sens de l'idée que l'Amérique a mis fin à une guerre qui s'est terminée en raison de l'absence d'objectifs ou d'ennemis. Une façon de penser risquée, pour la simple raison que le président des États-Unis lui-même a tenté de faire comprendre à son pays que la guerre contre le terrorisme sera simplement menée sous d'autres formes, et qu'il existe d'autres rivaux stratégiques vers lesquels son Amérique se tournera. En bref, la guerre est loin d'être terminée. Elle a simplement mis fin à une forme de cette grande guerre: au mieux, sa plus longue bataille, ou, dans un sens plus large, son front le plus sanglant et le plus coûteux.

Les experts commencent donc à se demander s'il est vraiment nécessaire de considérer comme terminée une guerre qui n'a en fait jamais pris fin. DefenseOne, l'un des sites américains les plus connus traitant des questions stratégiques, a même accusé la politique américaine dans son ensemble de raconter des mensonges aux électeurs. Il l'a fait dans un éditorial cinglant de son rédacteur en chef, Kevin Baron. Foreign Affairs, le magazine américain qui fait autorité, a publié un article au titre illustratif, "The Good Enough Doctrine", que l'on pourrait traduire par la doctrine du "suffisant" ou du "bon".

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En substance, le concept exprimé est qu'il faut accepter la coexistence avec le terrorisme, comprendre qu'il existera toujours une forme de terrorisme de matrice islamiste capable de frapper dans le monde et que la seule chose que l'on puisse faire est de le limiter en le rendant inoffensif par rapport à la sécurité des États-Unis. Le général Mark McKilley, chef d'état-major interarmées des États-Unis, a également repris ce thème. Lors de son point de presse, parlant de l'Afghanistan, il a admis qu'"au cours des 20 dernières années, il n'y a pas eu d'attaque sérieuse contre notre pays, et il nous incombe maintenant de veiller à ce que nous poursuivions nos efforts en matière de renseignement, nos efforts de lutte contre le terrorisme, nos efforts militaires pour protéger le peuple américain au cours des 20 prochaines années, et nous, les militaires américains, sommes déterminés à le faire". Des phrases qui, associées à l'image des talibans entrant triomphants dans Kaboul, révèlent très clairement qu'aucune mission n'a été achevée, ni que la guerre contre l'islamisme a été gagnée. D'autant plus que certains pensent qu'il s'agit désormais d'un mal endémique avec lequel l'Occident, incapable de le vaincre, ne peut qu'apprendre à vivre.

Une coexistence qui, toutefois, met à nu une certaine hypocrisie qui sous-tend les phrases avec lesquelles Biden et la politique américaine ont décidé de décrire le retrait d'Afghanistan. Alors que les raids dans la Corne de l'Afrique se poursuivent, que les porte-avions américains se déplacent en mer d'Arabie pour frapper, dans le cadre d'opérations "au-delà de l'horizon", les bastions de l'autoproclamé État islamique, et alors que des questions restent ouvertes avec l'Irak et la Syrie et que les acronymes de la terreur n'ont pas disparu, ce que Washington veut, c'est simplement arrêter l'hémorragie de l'argent des contribuables et des vies humaines dans une confrontation avec ses propres unités sur le terrain. Mais la guerre "sans fin" est restée telle quelle.

lundi, 15 février 2021

La guerre "off limits" des Colonels Qiao Liang et Wang Xiangsui (1999) et le "rêve chinois" (2010) du Colonel Liu Mingfu

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La guerre "off limits" des Colonels Qiao Liang et Wang Xiangsui (1999) et le "rêve chinois" (2010) du Colonel Liu Mingfu

Irnerio Seminatore

 

Un dépassement du concept militaire de guerre?

Si dans la tradition occidentale la guerre comme "poursuite de la politique par d'autres moyens" (Clausewitz), associe à la finalité, conçue par la politique (Zweck), des actes de violence pour imposer à l'autre notre volonté, le concept décisif de la violence étatique et de l'action guerrière sont-ils toujours essentiels à la rationalité politique du conflit belliqueux dans la pensée militaire chinoise?

Avec le concept stratégique de "guerre sans limites" et de défense active, élaboré par les deux Colonels chinois Qiao et Wang en 1999, avons nous surmonté le concept militaire de guerre? Avons nous touché au "sens" même de la guerre, comme soumission violente de l'un par l'autre? Sommes nous passés d'une civilisation de la guerre violente et sanglante, à une ère dans laquelle l'importance de l'action non guerrière influence à tel point la finalité de la guerre comme lutte (kampf) que l'esprit, dressé contre les adversités parvient à remplacer la force par la "ruse" et à atteindre ainsi le but de guerre (Zweck)? A ce questionnement il faut répondre que, dans le manuel des Colonels Qiao-Wang nous sommes restés au niveau de la méta-stratégie et donc à l'utilisation d'armes et de modalités d'action qui distinguent en Occident, la défense passive de la défense active. Une posture stratégique n'est au niveau géopolitique qu'un mode asymétrique pour ne pas céder et ne pas se soumettre et, au niveau opérationnel et doctrinal, de mettre en œuvre un stratégie anti-accès.

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Le Général Qiao Liang.

Le livre des deux colonels de l'armée de l'air a été reçu par les analystes occidentaux comme un examen des failles de la force américaine de la part des spécialistes chinois et comme la recherche de ses talons d' Achille, à traiter par les biais de la "ruse". La "guerre hors limites" inclut, dans une conception unitaire, la guerre militaire et la guerre non-militaire et comprend tout ce qu’on a pu parfois désigner sous le terme d’opérations autres que la guerre. Dans une acception très extensive, la guerre économique, financière, terroriste, présentées avec une vision prémonitoire et anticipatrice. La guerre informatique et médiatique y fait figure de champs d'innovation ouvrant à de nouveaux théâtres d’opération, qui nécessitent d'un dépassement des objectifs de sécurité traditionnels. Dans cette "guerre omnidirectionnelle", la guerre ne sera même plus la guerre classique, car "ni l’ennemi, ni les armes, ni le champ de bataille ne seront ce qu’ils furent". Le jeu politique et militaire a changé. Dans cette situation aux incertitudes multiples, il va falloir définir une nouvelle règle du jeu (…), un produit hybride…" (Qiao-Wang), seule certitude, l’incertitude. Une recommandation toutefois pour tous! Savoir combiner le champ de bataille et le champ de non bataille, le guerrier et le non guerrier. Les préceptes de cette réflexion sont-ils encore valables aujourd’hui? (février 2021)

Du point de vue général, en aucun cas les conseils dispensés à l'époque n'ont conduit à une remise en cause de la notion de pouvoir/puissance, puisque la doctrine et la stratégie militaires de la Chine demeurent, depuis la parution de ce manuel, celles de ses principaux rivaux et visent la maîtrise de secteurs-clés des technologies avancées pour acquérir la supériorité dans une guerre locale et parvenir à une solution négociée, évitant que le risque assumé ne dégénère en conflit ouvert. Or le succès de la stratégie chinoise de contrôle des "secteurs clés" d’une campagne militaire repose sur un principe décisif: l’initiative. Cependant une succincte conclusion conduit à la considération que le "concept d'asymétrie" de la pensée et du programme de modernisation militaire chinois se situe sur le plan opérationnel et se concentre sur la capacité de saisir la supériorité dans le domaine de l'information et de l'exploitation du réseaux informatique et guère au niveau de la théorie politique ou militaire. En effet le centre de gravité des interrogations repose sur la question de fond pour la défense et la sécurité chinoise. Comment faire face à la superpuissance américaine La modernisation de l'Armée Populaire de Libération n'a pas débuté après les réformes économiques de Deng Tsiao Ping et elle n'a pas concerné la dissuasion nucléaire, qui structure étroitement la relation entre stratégie et pouvoir, mais sur les réponses à donner à la modernisation des armées, en vue d'un combat conventionnel et fut conçue comme un moyen de combler le retard et les lacunes accumulés à partir de la première guerre du Golfe (1991). Ce livre reflète les idées d'un des courants, le plus radical, qui s'est imposé dans le débat sur la modernisation des forces armées comme expression d'un pouvoir unique.

Pouvoir unique et plusieurs théâtres

Il prôna l'inutilité de songer à rattraper les États-Unis dans le domaine conventionnel et il est parvenu à la conclusion de concevoir une stratégie asymétrique et sans règles (ruse conceptuelle), pour s'opposer et réagir à la supériorité des moyens et des forces des États-Unis. La multiplication des foyers de conflit, des théâtres de confrontation et des alliances militaires dans un monde à plusieurs pôles de pouvoir, assure-t-elle encore la pertinence d'une telle analyse? Le concept de défense active, jugé insuffisant, n'a t-il pas infléchi le deux notions de Soft et de Hard Power et, par voie de conséquence, la rigidité ou la souplesse interne et extérieure du régime? Par ailleurs, dans une vision non militaire du rapport mondial des forces ne faut il pas prendre en considération, comme potentiel de mobilisation, les nouvelles routes de la soie, comme extension des moyens et d'emploi d'une autonomie stratégique globale et dépendante d'un pouvoir unique, utilisant la force et la ruse, la séduction et l'autorité? Et comment une philosophie et une  culture de l'esquive à la Sun-Tzu peut elle se traduire en posture et doctrine active, de pensée et d'action dans un contexte d'hypermodernité technologique? En revenant à l'analyse des deux Colonels chinois, la modernisation de l'ALP, envisagée dans l'hypothèse d'une confrontation avec les États-Unis, a exigé une observation attentive des avancées militaires et des talons d'Achille de la superpuissance américaine. Considérant que l'évolution de l'art de la guerre s'étend bien au delà du domaine de la pure technologie et de ses applications militaires, sur lesquelles tablent les américains, le domaine de la guerre est devenu le terrain d'une complexité brownienne, qui combine plusieurs enjeux et plusieurs objectifs, différenciant ainsi les buts de guerre. La frontière entre civil et militaire s'efface, de telle sorte que les composantes et les formes non militaires de l'affrontement, sont intégrées et annexées dans un effort beaucoup plus important, qui modifie non pas le "sens" ou la "logique (politique) de la guerre, mais sa "grammaire".

Liu Mingfu et le"Rêve Chinois" (Zhongguo meng)

imagesliumingfu.pngCe livre est par ailleurs l'illustration d'un courant nationaliste, qui n'exclut aucune hypothèse, y compris une confrontation avec les États-Unis. Cette hypothèse s'inscrit d'une part dans l'analyse des tendances stratégiques contemporaines et de l'autre dans le débat sur le destin national chinois, permettant d'accorder, au moins théoriquement, la "montée pacifique" du pays, avec la conception d'un "monde harmonieux"(ou d'un ordre politique juste et bienveillant) Cependant son point d'orgue repose sur l'idée de profiter d'une grande "opportunité stratégique", à l'ère post-américaine, dont témoigne le texte le "Rêve Chinois" du Colonel Liu Mingfu, prônant la consolidation de la puissance chinoise et le rattrapage de l'Occident. En effet le rétablissement du rôle central de la Chine dans les affaires internationales, régionales et mondiales, opère dans une période d'affaiblissement des États-Unis (années 2010). Dans ce début de millénaire, l'Amérique ne serait plus "un tigre un papier", comme à l'époque de Mao Zedong, mais "un vieux concombre peint en vert" (Song Xiao JUn), de telle sorte que la Chine ne peut plus se contenter d'une "montée économique" et a besoin "d'une montée militaire".

Ainsi elle doit se tenir prête à se battre militairement et psychologiquement, dans un affrontement  pour la "prééminence stratégique". C'est "le moment ou jamais", pour le Colonel Liu Mingfu, puisque le but de la Chine est de "devenir le numéro un dans le monde", la version moderne de sa gloire ancienne, une version exemplaire, car "les autres pays doivent apprendre de la Chine- dit Liu Mingfu dans une interview en 2017 au New York Times, mais la Chine a également besoin d'apprendre d'eux. D'une certaine manière, tous les pays sont les professeurs de la Chine!

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Le Colonel Liu Mingfu.

Depuis 1840, la Chine est la meilleure élève du monde. Nous avons analysé la Révolution française ; la dynastie Qing a mené de grandes réformes en suivant l'exemple du Royaume-Uni ; nous avons étudié le marxisme de l'Occident, le léninisme et le stalinisme de l'Union soviétique ; nous avons également regardé de très près l'économie de marché des États-Unis, du Royaume-Uni et de la France. C'est grâce à cette soif d'apprendre que, à terme, la Chine dépassera les États-Unis. Les États-Unis, eux, ne cherchent pas à s'inspirer des autres pays... et surtout pas de la Chine. Ma conviction c'est que les États-Unis manquent d'une grande stratégie et de grands stratèges. J'ai écrit sur ce sujet, de 2017, un livre intitulé "Le Crépuscule de l'hégémonie", qui a d'ailleurs été traduit en anglais. Le New York Times m'a interviewé à ce moment-là. Voici ce que j'ai dit au journaliste qui m'interrogeait." De façon générale, la revendication d'un statut de puissance mondiale de la part de la Chine, s'accompagne, depuis le livre "La Guerre hors limites" des Colonels Quiao et Wang, jusqu'au "Rêve Chinois" du Colonel Liu Mingfu, du sentiment historique d'un "but grandiose", celui d'une grande mission à poursuivre contre un ordre politique international injuste et amoral.

Bruxelles 15 février 2021

Source: http://www.ieri.be/fr/publications/wp/2021/f-vrier/la-gue...

dimanche, 14 février 2021

La guerre d'anéantissement et la paix apparente

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La guerre d'anéantissement et la paix apparente
 
Irnerio Seminatore

En rappelant que la guerre n'a pas un caractère moral et ne peut comporter en soi un caractère criminel, en disqualifiant d'avance et par le droit la figure de l'ennemi, la guerre d'anéantissement, en dehors de toute référence aux legs de la civilisation, se développe en dessous de la paix apparente, conformément au sens originel de la lutte et de sa fureur élémentaire. Elle se définit dans la dimension conjointe de l'affrontement guerrier et de la perspective d'anéantissement de l'adversaire. Sous forme de lutte à mort, elle resserre en un seul concept, trois buts de guerre, politique, militaire et civil. Politique (par un choc étatique des armées), militaire (par une suppression de toute opposition et de toute résistance sur les arrières), et enfin, génocidaire (par la confusion des civils et des militaires et l'absence de toute retenue et contrainte violente). Elle produit une fusion destructrice de trois facteurs de résistance, la force actuelle, le potentiel de mobilisation et la force vive du peuple ou de la nation. Enfin, dans une apothéose de mort elle conduit à la suppression de tout antagonisme, peuple, race ou religion. Cela signifie l'éradication de l'ennemi du cours de l'histoire et, de ce fait, une guerre totale, en son pur principe. Ce type de guerre comporte la liquidation immédiate et soudaine d'une portion définie, organisée et territoriale de l'espèce humaine et configure ainsi la conception d'une guerre d'effacement existentiel, au dessus de laquelle tout armistice est trompeur, aléatoire et précaire. Deux exemples confirment cette analyse: la bataille de Canne (216 a.J-C) et la destruction de Carthage par les Romains dans l'antiquité et l'Opération "Barbarossa" pour l'anéantissement de l'URSS dans la troisième guerre mondiale (juin 1941). Le but d'éliminer l'adversaire et de raser Carthage après la deuxième guerre punique, fit de Rome la maîtresse du "Mare Nostrum"; la conquête de l'espace vital (le Lebensraum), devait permettre un repeuplement de l'immense étendue des terres de l’hémisphère Nord de l'Eurasie pour la constitution allemande d'un empire millénaire. Le Drang Nach Osten (la marche vers l'Est) aurait pu assurer une domination in-contrastée au Herrenvolk (le Peuple des Seigneurs).

Différente dans la forme, mais similaire pour les enjeux et surtout pour les issues, l'anéantissement des populations européennes par la guerre du ventre des femmes musulmanes. L'asymétrie démographique et la mobilité humaine compensent ainsi les buts de conquête politiques et militaires. La proclamation de la guerre du ventre fut une anticipation prémonitoire de Houari Boumediene. L'avait-on oublié?

En avril 1974, le président de la république algérienne, Houari Boumediene, prévenait l’Europe du projet de transplantation de peuple qui se préparait :

« Un jour, des millions d’hommes quitteront l’hémisphère sud pour aller dans l’hémisphère nord. Et ils n’iront pas en tant qu’amis. Ils iront là-bas pour le conquérir, et ils le conquerront en le peuplant avec leurs fils. C’est le ventre de nos femmes qui nous donnera la victoire ».

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L'histoire c'est aussi la démographie, éruption irrésistible du vivant.

La perspective d'anéantissement du Nord par le Sud de la planète est la forme de la Lebensraum des opprimés contre les nantis Une perspective d'anéantissement lent, souterrain et insidieux, par l'étreinte démographique des populations. Une poursuite de la décolonisation, en forme d'invasion et de revanche, qui montent par vagues successives, par terre et par mer, soutenues par des organisations militantes. C'est le purgatoire des démunis et la noyade des populations autochtones. Ce sont les flux, refusés par la Grande Bretagne et sources de dissolution, de désagrégation et de conflit. Est loin des esprits, dans cette forme piétiste de la guerre des mondes, le principe westphalien du "cuius regio eius religio" (ou non ingérence idéologique), mais aussi celui du "cuius economia, eius regio" (individualisme ou étatisme économique), et encore le différent déterminisme des paradigmes de la connaissance "cuius religio, eius universalis cognitio"(telle religion, tel universalisme), visant l'identité, la famille, le groupe, la religion et la divinité. L'anéantissement touche ici aux principes premiers, ceux de la mission et de la foi. Un peuple ou un communauté affectés de l'intérieur par une "guerre des dieux" sont un peuple et une communauté condamnés à la disparition et à la sortie de l'histoire. Dans la guerre d'anéantissement démographique ou racial, la défense immunitaire de la philosophie et du droit est pervertie en son contraire, l'égalisation des conditions et des statuts. C'est la porte ouverte à l'exercice d'une violence disruptive, vindicative et revendicative de la part de l'étranger, devenu citoyen. Dans ces conditions la guerre n'est plus considérée comme une relation d’État à État, mais comme une révolte et insoumission permanentes, dépourvues de leaders et donc in-négociable. L’envahisseur, ami de l'ennemi extérieur est le premier fossoyeur de l'arène politique à qui on a remis les clés de la cité et qu'il livre au frère ennemi, lorsque la guerre civile est surmontée par la guerre étatique. La guerre de substitution, par noyade ethnique ou raciale, a son moment culminant dans la délivrance de toute obéissance, désignant une crise d'autorité et une prise de terre à repeupler.

Protégé par une philosophie humanitariste, consentie à l'ennemi sécessionniste, l'ekthrsos profite de la vie publique pour attiser les antagonismes des vieux conflits interconfessionnels et se hisser à la tête de la terreur extrémiste. De facto la guerre d'anéantissement se prépare dans l'antériorité de la guerre civile des sociétés ouvertes et dans la préparation souterraine des guerres d'étripement et de terreur qui la précèdent. Cela prouve que le monde n'est pas un village planétaire mais un espace protégé par les murailles du droit qui veillent à la sécurité des nations, sous le brouillard de la paix apparente de Saint Augustin. La bataille qui précède la guerre d'anéantissement est au même temps juridique et philosophique, afin que l’envahisseur ne puisse disposer des armes lui permettant de violer l'état de la pacification existante et de poignarder au dos le parti de la cohabitation et du "statu quo", par une fausse égalisation des conditions. Est guerre d'extermination dans les deux cas, la perspective d'anéantissement par l’atome, le globalisme prophétique, le millénarisme climatique et le réinitialisation de Davos. Concepts englobés dans les deux expressions de destruction complète et d'abattement total, sans pour autant que soit identifié l'auteur de cette guerre d'anéantissement qui, à l'inverse des perspectives civilisationnelles du passé, permettrait demain sa condamnation et sa mise au ban des nations.

Bruxelles, le 5 janvier 2021

NdR. Ce billet fait partie d'une étude sur le thème :"GUERRE ET POLITIQUE. La désignation de l'ennemi et la discorde dans les alliances"

Source: http://www.ieri.be/fr/publications/wp/2021/janvier/la-gue...

samedi, 13 février 2021

De Mao au monde multipolaire : l'évolution de la doctrine militaire chinoise

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De Mao au monde multipolaire: l'évolution de la doctrine militaire chinoise

Par Lorenzo Ghigo

Ex : https://geopol.pt

Suite à la crise du modèle international unipolaire et à son énorme croissance économique et technologique, la République populaire de Chine (RPC) est le grand prétendant à l'hégémonie internationale aujourd’hui exercée par les États-Unis. Cette volonté chinoise s’exprime également au niveau militaire. La présence croissante des États-Unis en Asie, la crise persistante à Hong Kong et les relations avec Taïwan ont conduit le gouvernement chinois à abandonner l'isolationnisme qui caractérisait sa politique étrangère au début des années 2000, au profit d'une politique plus affirmée.

La stratégie de la Chine est basée sur la défense et la poursuite des intérêts nationaux, en assurant la sécurité intérieure et extérieure, la souveraineté nationale et le développement économique. Sous le gouvernement de Xi Jinping, le progrès technologique est considéré comme une occasion importante de relancer la nation chinoise et son rôle sur la scène internationale. Au cœur du projet du dirigeant chinois se trouve la création d'un nouvel ordre sinocentrique fondé, au moins formellement, sur des relations d'égalité avec les autres États et visant à la constitution d'"une Asie harmonieuse".

518cB6uGp7L.jpgLa nouvelle doctrine militaire chinoise est à toutes fins utiles une redécouverte et une extension des théories de L'Art de la guerre de Sun Tzu. L'objectif tactique est de conditionner l'esprit et la volonté de l'ennemi dans un cadre stratégique en constante évolution en profitant de situations favorables grâce à divers stratagèmes et tromperies. La pensée militaire chinoise se caractérise par une approche indirecte, il existe chez les Chinois une vision holistique des objectifs qui, contrairement à l'Occident, ne se concentre pas sur une cible spécifique mais sur l'ensemble du système, et le recours à la force doit être utilisé dans le cadre d'une stratégie à long terme en intégrant les sphères militaire et civile, en utilisant la guerre hybride et la cyberguerre dans la conduite des opérations de guerre traditionnelles. L'Armée populaire de libération est en effet en train de développer des capacités opérationnelles et technologiques incroyables dans le cyberespace, non seulement en ce qui concerne l'espionnage et l'acquisition d'informations sensibles, mais aussi en ce qui concerne les attaques sur les infrastructures critiques pendant les conflits armés. La RPC considère le contrôle du cyberespace comme une prérogative essentielle pour affirmer son pouvoir national.

L'armée n'est plus appelée à préparer des guerres menées à grande échelle sur le territoire chinois, mais plutôt des guerres limitées, tant sur le plan de l'entité des objectifs politiques que sur celui de l'intensité de la violence, soit des guerres à mener dans des zones périphériques et circonscrites, principalement des conflits régionaux à forte informatisation.

L'approche maoïste de la guerre semble avoir été définitivement abandonnée, les forces armées sont dépolitisées et, bien que l'influence du parti communiste chinois soit encore forte, on ne peut plus parler d'une armée populaire, mais d'une armée d’élite spécialisée et professionnelle dans les opérations militaires. De plus, en consolidant ses frontières, la Chine a renoncé à une défense stratégique en profondeur, en utilisant une stratégie de projection de forces sur les mers, et d'influence politique dans d’autres pays asiatiques.

Le texte Unristricted Warfare publié par les colonels Qiao Liang et Wang Xiangsui a apporté une contribution notable à la nouvelle doctrine stratégique de la RPC. Cet ouvrage, qui dans l'édition américaine prend le sous-titre de China's Master Plan to Destroy America, prescrit les règles et les stratégies de conduite des conflits contemporains dans le but de défendre les intérêts nationaux en exploitant les nouvelles possibilités offertes par la mondialisation et l'évolution technologique. Le concept de guerre sans restriction prévoit une multiplication de nouveaux types d'armes et que chaque endroit peut devenir un champ de bataille. L'armée, pour faire face aux nouveaux conflits, doit mener des batailles adaptées à ses armes et adapter ses armes à la nouvelle bataille.

Dans le manuel Zhànlüè xué (Science de la stratégie), compilé par le département de recherche stratégique de l'Académie des sciences militaires, il est affirmé que "les champs de bataille sur terre, sur mer, dans les airs, dans l'espace extra-atmosphérique, dans l'espace électromagnétique ne font qu'un ; les combats et les opérations sur chaque champ de bataille sont des conditions pour les combats et les opérations sur les autres".

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Cette vision est basée sur des actions de guerre hybride, qui impliquent non seulement des capacités militaires mais aussi l'application d'un concept holistique de défense nationale par la coopération des secteurs civil et militaire. Les stratèges chinois développent également la doctrine Shashou Jian ("club de fer"), qui vise à dominer l'espace physique et cybernétique en désarmant l'ennemi et en l'empêchant d'être une menace pour l'intérêt national. Ce concept repose sur la nécessité de développer une capacité militaire capable de désarmer l'adversaire avant qu'il ne puisse frapper. L'utilisation d'armes hautement technologiques, de missiles, de cyberarmes, de bombes intelligentes, de drones, est finalisée pour annuler la puissance de feu ennemie.

Toujours à la lumière des conséquences dramatiques de la récente pandémie, la Chine doit se préparer à un scénario international incertain et indéterminé, caractérisé par de nouveaux types de conflits, de nouvelles menaces, de nouvelles technologies, de nouveaux champs de bataille et de nouvelles stratégies.

Publié à l'origine dans Osservatorio Globalizzazione

mercredi, 27 janvier 2021

De la guerre révolutionnaire en Amérique latine

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De la guerre révolutionnaire en Amérique latine

par Georges FELTIN-TRACOL

51CrKOfZx7L._SX330_BO1,204,203,200_.jpgEn 1967, l’éditeur des milieux gauchistes, François Maspero, réalise un beau coup éditorial. Il sort Révolution dans la révolution ? d’un agrégé de philosophie de 26 ans, Régis Debray qui vit depuis plusieurs mois à La Havane.

La parution de ce livre en France un mois avant que l’armée bolivienne, traquant le Che Guevara et ses guérilleros, n’arrête le Français ne provoque pas un grand enthousiasme. L’ouvrage, assez court mais dense, exprime le point de vue castriste – guévariste (1) de la prise armée du pouvoir par la multiplication des foyers de guérilla dans le Tiers Monde; thèse soutenue par le Che sous le nom de foquisme (de foco, « foyer » en espagnol). Bien plus tard, alors âgée de dix ans et envoyée tout le mois de juillet à Cuba dans un camp des Jeunesses communistes, Laurence Debray, sa fille aînée, racontera que « lors de ces cours de théorie communiste, on m’expliqua que mon père avait assidûment fréquenté le Lider Maximo et son acolyte argentin, qu’il avait même alimenté la brillante théorie révolutionnaire du foquisme grâce à un livre (2) ».

Guide pratique de guérilla

Révolution dans la révolution ? ne manque pas de charme. Il présente « pourquoi le travail insurrectionnel est aujourd’hui le travail politique numéro 1 (p. 125, souligné par l’auteur) ». Bien que s’appuyant sur des exemples survenus en Amérique latine, du Guatemala à la Bolivie, ce bréviaire de guérilla évoque souvent la révolution urbaine, car « la révolution socialiste résulte d’une lutte armée contre le pouvoir armé de l’État bourgeois (p. 15) ». Outre leur expérience immédiat, Régis Debray puise dans les différentes pratiques révolutionnaires armées, principalement en Asie. Rappelons que Karl Marx et Friedrich Engels n’ont jamais hésité à s’interroger sur l’art de la guerre à partir de l’actualité (3).

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Laurence Debray rapporte au sujet de l’ouvrage paternel que « les entretiens nocturnes entre mon père et Fidel Castro se poursuivaient. Mon père était comme envoûté par la logorrhée du Commandante, qui pouvait ne pas s’arrêter durant dix heures. Il couchait sur le papier ses propos, théorisait sa pensée, clarifiant ses intuitions, synthétisant ses analyses. Mon père écrivait à la main en français, ma mère traduisait et tapait, et le Lider Maximo relisait. Révolution dans la révolution ? fut édité à deux cent mille exemplaires à Cuba au début de l’année 1967, puis par les éditions Maspero à Paris (4) ». Il s’agit presque donc d’une réflexion collective dont le centre d’intérêt demeure le monde américain de langue espagnole. « En Amérique latine, l’impérialisme américain jouera sa partie finale, décisive : celle qui décidera de sa fin (p. 8). » Fort de son passé de chef révolutionnaire prestigieux, Fidel Castro, par l’intermédiaire de notre normalien, relit et réactualise l’interprétation classique de l’insurrection. Si l’ouvrage se montre parfois critique envers l’approche militaire du maoïsme et plus disposé envers les succès tactiques du général vietnamien Giap, l’essai insiste sur le réalisme et le pragmatisme. « Pour détruire une armée il en faut une autre, ce qui suppose entraînement, discipline et des armes. La fraternité et le courage ne font pas une armée : voir l’Espagne, voir la Commune de Paris… (p. 33). »

Régis Debray souligne toutefois qu’« une guérilla ne peut se développer militairement qu’à la condition qu’elle se convertisse en avant-garde politique (p. 115, souligné par l’auteur) ». Cela nécessite de la patience et des actions précises et méthodiques, voire quasi-chirurgicales. « D’abord, on va du plus petit au plus grand, mais vouloir aller en sens inverse ne sert à rien. Le plus petit, c’est le foyer guérillero, noyau de l’armée populaire, et ce n’est pas un front qui créera ce noyau, mais c’est le noyau qui en se développant permettra de créer un front national révolutionnaire. Un front se fait autour de quelque chose d’existant, non seulement autour d’un programme de libération (p. 87, souligné par l’auteur). » Il importe par conséquent de mettre tous les atouts de son côté : tout prévoir, de tout vérifier, de tout envisager. « Seule la maîtrise du détail donne leur sérieux aux plans généraux. Finalement, et plus encore pour une force guérilla que pour une force régulière, il n’y a pas de détails dans l’action, ou plutôt tout est affaire de détails (pp. 60 – 61). » L’amateurisme et un certain romantisme politique n’ont pas leur place dans une lutte armée sérieuse et efficace. La priorité ne vise à faire le beau ou à se pavaner devant des médiats dominants d’occupation mentale hostiles, mais plutôt de tout mettre en œuvre pour gagner. Or, « vaincre c’est accepter, par principe, que la vie n’est pas le bien suprême du révolutionnaire (p. 58) ». Quel ascétisme militant ! Y aurait-il implicitement un surhumanisme (voire des vertus nietzschéennes) en gestation ?

rdbol.jpgRévolution dans la révolution ? Expose ainsi une vision exigeante, spartiate même, du militantisme. L’esprit d’abnégation, de service et de sacrifice parcourt tout l’ouvrage. Rejoindre une guérilla dans une jungle hostile ou au cœur d’une montagne inhospitalière secoue, bouleverse et remue les tripes du vieil homme. « On dit bien que nous baignons dans le social : les bains prolongés amollissent. Rien de tel que d’en sortir pour se rendre compte à quel point ces couveuses tièdes infantilisent et embourgeoisent. Les premiers temps dans la montagne, reclus dans la forêt dite vierge, la vie est tout simplement un combat de chaque jour, dans ses moindres détails – et d’abord un combat du guérillero contre lui-même, pour surmonter ses anciennes habitudes, les marques laissées par la couveuse dans son corps, sa faiblesse. L’ennemi à vaincre, dans les premiers mois, c’est lui-même, et on ne sort pas toujours vainqueur de ce combat-là : beaucoup abandonnent, désertent ou redescendent volontairement vers la ville, assumer d’autres tâches (pp. 71 – 72). » Dans un foyer guérillero, on y apprend aussi la fraternité, la solidarité et la communauté. « La première loi d’une guérilla, c’est qu’on n’y survit pas seul. L’intérêt du groupe est l’intérêt de chacun, et vice-versa. Vivre et vaincre, c’est vivre et vaincre tous ensemble. Qu’un seul combattant traîne et reste en arrière de la colonne en marche, c’est toute la colonne qui est compromise, dans sa rapidité et sa sécurité. À l’arrière, il y a l’ennemi : impossible de laisser le compagnon en chemin, ni de le renvoyer. À tous donc, de se répartir sa charge, alléger son sac, ses cartouchières, et de l’entourer jusqu’au but. Dans ces conditions l’égoïsme de classe ne fait pas long feu (p. 119). » Cette approche est cohérente parce que « lutter pour un maximum d’efficacité, c’est lutter en toute occasion pour la réunion de la théorie et de la pratique, et non contre la théorie au nom de la pratique à tout prix (p. 9, souligné par l’auteur) ». Ce livre manifeste une indéniable aspiration soldatique.

Feu sur le trotskysme

Est-ce la raison pour laquelle Régis Debray se montre si sévère à l’égard du trotskysme, cet auxiliaire du libéralisme mutant ? Bien qu’il se décide « un moment à prendre au sérieux la conception trotskyste, et non comme la pure et simple provocation qu’elle est dans la pratique (p. 36) », il assure que « le trotskysme fait mentir le sens commun, en ceci que sa division fait sa force. Il est partout et nulle part, il se livre en se cachant, il n’est jamais ce qu’il est, trotskyste. L’idéologie trotskyste resurgit aujourd’hui de plusieurs côtés, prenant prétexte de quelques échecs transitoires rencontrés par l’action révolutionnaire, mais c’est toujours pour proposer la même “ stratégie de prise de pouvoir ” (p. 34) ». Il estime que « le trotskysme est une métaphysique pavée de bonnes intentions. Il croit en la bonté naturelle des travailleurs, toujours pervertie par les bureaucraties malignes mais dans le fond, jamais abolie (pp. 37 – 38) ». Il continue sa lourde charge contre les tenants de la IVe Internationale : « Parce que le trotskysme arrivé à son point ultime de dégénérescence est une métaphysique médiévale, il est astreint aux monotonies de sa fonction (p. 38). » Ainsi l’auteur rejette-t-il à la fois « trotskysme et réformisme [qui] se donnent la main pour condamner la guerre de guérilla, la freiner ou la saboter (p. 39) ».

7IY_J-l8EHlglGUuWYoPMG-mg5Q.jpgRégis Debray, et par-delà lui, rappelons-le, Fidel Castro, ne valide pas la démarche fixiste, routinière et stérile des héritiers de Léon Bronstein. « Dans certaines conditions, l’instance politique ne se sépare pas de l’instance militaire, elles forment un seul tout organique. Cette organisation, c’est celle de l’Armée populaire dont le noyau est l’armée guérillera. Le Parti d’avant-garde peut exister sous la forme propre du foyer guérillero. La guérilla est le Parti en gestation (pp. 113 – 114, souligné par l’auteur). » Dans l’espoir de l’emporter, « toute ligne militaire dépend d’une ligne politique qu’elle exprime (p. 21) » d’autant que « ce qui est décisif pour l’avenir, c’est l’ouverture de foyers militaires et non de “ foyers ” politiques (p. 129) ». Le foquisme se comprend comme une dynamique aux tactiques mouvantes adaptées à la réalité du terrain et aux circonstances du moment. Il désavoue en outre « l’économisme, c’est la défense exclusive des intérêts professionnels des travailleurs contre les empiétements du pouvoir patronal, à travers le syndicat; comme il est exclu d’attaquer le pouvoir politique des patrons, l’État bourgeois, cette défense accepte et avalise en fait ce qu’elle prétend combattre (p. 24, souligné par l’auteur) ». Il dénie tout sérieux à l’autodéfense. « De même que l’économisme nie le rôle du parti d’avant-garde, de même l’autodéfense nie le rôle du détachement armé, organiquement distinct de la population civile (p. 26). »

Révolution dans la révolution ? Compare volontiers la guérilla à l’autodéfense à l’avantage bien sûr de la première. « L’autodéfense est partielle, la guérilla révolutionnaire vise à la guerre totale, en combinant sous son hégémonie toutes les formes de lutte dans tous les points du territoire. Locale, donc localisée d’emblée, la communauté en autodéfense n’a pas d’initiative : elle ne peut élire le lieu du combat, elle ne bénéficie ni de la mobilité, ni de l’effet de surprise, ni de la capacité de manœuvre (p. 26). » Le foyer guérillero ne se fixe jamais, il bouge en permanence. S’il rassemble trop de combattants par rapport à ses capacités optimales de combat, il doit se scinder pour mieux se pérenniser puisque « la fraction multiplie mais ne divise pas (p. 133) ». Bref, « la base guérillera c’est, selon une expression de Fidel, le territoire à l’intérieur duquel se déplace le guérillero et qui se déplace avec lui. La base d’appui, dans l’étape initiale, elle est dans le havresac du combattant (p. 66) ». N’est-ce pas là une esquisse de la TAZ (zone autonome temporaire) de l’anarchiste étatsunien Hakim Bey reprendre et étoffer dans le courant de la décennie 1990 avec son (5) ? La petite guerre ou guérilla demeure cet affrontement inégal entre un appareil étatique de forces organisées et puissantes et des unités partisanes dispersées et numériquement peu nombreuses. Le choix du terrain d’opération militaire, la soudaineté de l’attaque, la rapidité d’exécution, la capacité de dissimulation, établissent pour un court instant une éphémère égalité, sinon une brève supériorité en faveur des guérilleros.

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Usages et mésusages de la violence

À la différence du précédent bolchevik russe, Régis Debray entend que « l’armée populaire sera le noyau du parti et non l’inverse. La guérilla est l’avant-garde politique “ in nuce ” et c’est de son développement seul que peut naître le véritable Parti (p. 125, souligné par l’auteur) ». L’auteur et son mentor, Fidel Castro, ont-ils cependant en tête pendant leurs longues conversations nocturnes l’exemple-phare du Parti-guérilla de la République populaire démocratique de Corée ? Le Parti du travail de Corée émane de la guérilla communiste anti-japonaise des années 1930 et 1940 (6) à l’instar d’ailleurs de l’exemple chinois. « C’est à travers les guerres révolutionnaires de ces dix-huit années, note Mao Tsé-toung, que notre Parti s’est développé, consolidé et bolchévisé, et sans la lutte armée, il n’y aurait pas eu le Parti communiste d’aujourd’hui (7). » Il y a par ailleurs des similitudes entre l’expérience castriste et celle du « Grand Timonier ». « Pour un révolutionnaire, l’échec est un tremplin : théoriquement plus enrichissant que le succès, il accumule une expérience et un savoir (p. 20) ». Cela fait furieusement penser à la célèbre phrase de Mao : « De défaite en défaite, jusqu’à la victoire finale ! (8) » On comprend mieux pourquoi « mon père fut propulsé au rang de “ favori de Fidel ” et de théoricien du régime (9) ».

En bon marxiste, Régis Debray ne peut pas ne pas s’empêcher d’écrire que « la guérilla est à la jacquerie ce que Marx est à Sorel (p. 26) ». Par-delà du mythe mobilisateur de la grève générale, il ne comprend pas la portée déflagratoire de l’auteur des Réflexions sur la violence. Certes, « nous ne sommes jamais tout à fait contemporains de notre présent. L’histoire avance masquée (p. 15). » Sauf qu’en périodes exceptionnelles où l’urgence de la situation permet, facilite et impose une dérogation majeure aux normes conventionnelles, cette période hors norme (ou anormale) que savent si bien satisfaire les structures régaliennes favorables au port obligatoire du masque sanitaire et opposées aux « Gilets jaunes » confirme au contraire toute la pertinence des écrits de Georges Sorel.

s-l400rdche.jpgRévolution dans la révolution ? reste bien une œuvre à part dans l’abondante bibliographie du philosophe. Sa lecture à la fin des années 1970 dans les squats autonomes, organisés ou non, suscitera un engouement considérable, déclenchant chez certains l’intention d’importer en Europe et en France pré-mitterrandienne un activisme armé similaire (10). Bien que maintenant daté, ce manuel de guérilla peut à sa manière aider la véritable dissidence en cours à mieux investir les périphéries à partir de BAD disséminées dans toutes les campagnes pour mieux ensuite assécher les centres métropolitains de la bobocratie cosmopolite…

Georges Feltin-Tracol

Notes

1 : Plutôt que « castriste », Régis Debray parle de « fidéliste ».

2 : Laurence Debray, Fille de révolutionnaires, Stock, 2017, p. 248.

3 : cf. Karl Marx et Friedrich Engels, Écrits militaires. Violence et constitution des États européens modernes, traduit et présenté par Roger Dangeville, L’Herne, coll. « Théorie et Stratégie », n° 5, 1970.

4 : Laurence Debray, op. cit., pp. 65 – 66.

5 : cf. Hakim Bey, T.A.Z. Zone autonome temporaire, traduit de l’anglais par Christine Treguier avec l’assistance de Peter Lamia et Aude Latarget, Éditions de l’Éclat, 2007.

6 : cf. Philippe Pons, Corée du Nord. Un État-guérilla en mutation, Gallimard, coll. « NRF », 2016.

7 : Mao Tsé-toung, « Pour la parution de la revue Le Communiste » (4 octobre 1939), Œuvres choisies de Mao Tsé-toung, tome II, dans Citations du président Mao Tsé-toung (Le Petit Livre rouge), Le Seuil, coll. « Politique », 1967, p. 41.

8 : La véritable citation est la suivante : « Lutte, échec, nouvelle lutte, nouvel échec, nouvelle lutte encore, et cela jusqu’à la victoire – telle est la logique du peuple, et lui non plus, il n’ira jamais contre cette logique. » Mao Tsé-toung, « Rejetez vos illusions et préparez-vous à la lutte » (14 août 1949), Œuvres choisies de Mao Tsé-toung, tome IV, dans Citations…, op. cit., p. 45.

9 : Laurence Debray, op. cit., p. 66.

10 : cf. Aurélien Dubuisson, Action directe. Les premières années. Genèse d’un groupe armé 1977 – 1982, Libertalia, coll. « Édition poche », 2018.

• Régis Debray, Révolution dans la révolution ? Lutte armée et lutte politique en Amérique latine, Librairie François Maspero, coll. « Cahiers libres », n° 98, 1967, 139 p.

mardi, 23 juin 2020

Al principio fue... la guerra

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Al principio fue... la guerra

Traducción de Juan Gabriel Caro Rivera

Ex: https://www.geopolitica.ru

Fragmento de un libro inédito sobre la guerra.

El antiguo filósofo griego Heráclito afirmó que la guerra (en griego Polemos es el nombre de un antiguo dios griego, quien, junto con su hija Alala, se encuentra en el séquito de los dioses de la guerra, y este término se convirtió en la forma de designar una gran variedad de tipos de conflictos) es el padre de todas las cosas. "Todo surge en virtud de los opuestos... son los opuestos los que conducen al surgimiento (del cosmos), esto es lo que se llama guerra, mientras que lo que destruye el mundo se llama armonía y paz", dijo otro filósofo helénico Diógenes Laercio (1). El término "guerra" aplicado al universo también fue utilizado por los teólogos cristianos. En particular por Máximo el Confesor, comentando uno de los capítulos de Dionisio el Areopagita, dice que "lo concebible y lo sentido, es decir lo que se forma es lo que surge de los opuestos mismos, que están en paz unos con otros... Esta es la guerra interna que el Creador inventó sabiamente" (2).

Herakleitos-Hayatı.jpgSi hablamos de las causas de la guerra, entonces Platón las vio en la riqueza de la gente. Aristóteles argumentó que las guerras se libraban para vivir en paz. Algo similar fue expresado por el antiguo pensador chino Sun Tzu, quien calificó la guerra como una lucha para obtener ganancias. Su diferencia con otros tipos de conflicto era que cuando los ejércitos entran en una confrontación, este tipo de lucha termina siendo la más difícil. Además del hecho de que este método es el menos rentable, también es el más inseguro. Según el trabajo de Sun Tzu, el primer lugar en las prioridades de la guerra es preservar el país del enemigo, y solo en el segundo es su destrucción. De manera similar se piensa en el ejército del enemigo: debe ser derrotado solo cuando no hay forma de conquistarlo. Por lo tanto, "el objetivo principal (del arte de la guerra) debería ser la subyugación de otros Estados sin entrar en un conflicto militar: el ideal completo de la victoria se refleja aquí" (3).

Muchas ideas sobre la guerra se basaron en puntos de vista religiosos y espirituales. El hinduismo politeísta consideraba la guerra como un fenómeno natural normal, una ley del dharma que todos los creyentes deben seguir, independientemente de la casta a la que pertenezcan. En uno de los capítulos del Mahabharata, que habla sobre la batalla en el campo de los Kaurava, Krishna responde a la pregunta de Arjuna sobre cómo matar a sus seres queridos explicándole las leyes cósmicas de la reencarnación, la mortalidad de la vida terrenal y la inmortalidad: 

Lo igual no es razonable: lo igual nunca sucede 

Lo mismo quien mata como aquel a quien matan. 

Para el Espíritu no hay muerte, así como tampoco hay nacimiento, 

Y no hay sueño, y no hay despertar (4).

Otra epopeya india, el "Ramayana", refleja el plan cosmogónico de los dioses: estos decidieron encarnar en la tierra para derrotar al señor demonio Ravana, que una vez fue un gran asceta y un regalo de Brahma, sorprendido por sus hazañas, que eligió el poder sobre los dioses y los rakshasas.

Incluso los himnos sagrados de los hindúes están plagados de llamados a los dioses supremos, pidiéndoles que envíen la victoria sobre sus enemigos (5). Se creía que el dios del trueno y la guerra, Indra, atravesó las fortalezas enemigas con su mazo relampagueante, y que el dios del fuego Agni los quemó con sus llamas. Y en sánscrito, los términos dasa / dasyusignificaban tanto tribus hostiles de la población local como demonios. También hay descripciones de las batallas victoriosas de Indra contra el demonio Vritra y los Asuras. Sin embargo, por otro lado, muchos mitos narran que los dioses y los asuras, de hecho, están relacionados entre sí.

Según los expertos en el hinduismo y la cultura india antigua, las guerras eran una condición para la existencia de los arios y, en su modelo del mundo, la guerra tenía un significado religioso. “Existía la idea de que los enemigos del rey ario eran asesinados directamente por Dios, la mayoría de las veces por Indra. Cuando dos tribus arias luchaban entre ellas, cada una de ellas intentaba atraer a Indra a su lado con la ayuda de oraciones y sacrificios. Antes del inicio de una expedición militar, se realizaba un sacrificio. El rey sacrificaba a la víctima; se creía que esto le daba fuerza en la batalla. La batalla con los propios enemigos se basaba en la idea del sacrificio: los enemigos eran sacrificados a los dioses arios... Por lo tanto, la guerra se incluyó en el alcance de la ley cósmica del universo – rta” (6). El historiador de las religiones rumano, Mircea Eliade, propuso un intento de explicar racionalmente tal fenómeno, cantado en varias epopeyas. Como señala, “la Edad del Hierro se caracterizaba por una alternancia continua de guerras y masacres, de esclavitud y empobrecimiento casi completo. En la India, y no solo en ella, toda la mitología conecta a los fabricantes de hierro con diferentes tipos de gigantes y demonios: todos son enemigos de los dioses que representan otros siglos y otras tradiciones" (7).

main-qimg-7cd13c4e0b7e9fbc89aa4e7e855855e0.jpgLa escuela filosófica del tradicionalismo también consideró la manifestación del conflicto como un reflejo de las leyes universales. “La razón principal de la guerra, desde cualquier punto de vista, es considerada como el fin del desorden y la restauración del orden; en otras palabras, la unificación de lo plural por medios que pertenecen al mundo de la pluralidad misma... Según este entendimiento, la guerra no está limitada únicamente a la condición humana, expresa el proceso cósmico de reintegración de lo manifiesto en la unidad original; Por eso, desde el punto de vista de la manifestación misma, esta reintegración parece destrucción” (8). Además, el papel de catalizador de las cualidades espirituales fue algo atribuido a la guerra. Proporciona a una persona un despertar en sí mismo del héroe que duerme dentro. "La guerra permite que una persona se dé cuenta de la relatividad de la vida humana y, por lo tanto, aprenda la ley de que existe algo "más que la vida", por lo tanto, la guerra siempre tiene un significado espiritual antimaterialista", decía el destacado representante de la escuela del tradicionalismo Julius Evola (9). El filósofo italiano también habló de la necesidad de combatir al enemigo interno, que era una sed animal por la vida y lo extrapolaba a un enemigo externo (10).

Al igual que en los sagrados himnos indios, en la antigua Europa también existía la idea de que los dioses ayudan a las personas a librar guerras. La Ilíada de Homero describe con gran detalle cómo la enemistad entre los dioses olímpicos puede tener un efecto en las acciones combatientes de los pueblos, y cómo varios dioses simpatizan con los héroes y los ayudan personalmente en el campo de batalla. La diosa Pallas Athena en la antigua Grecia era considerada la patrona de las guerras justas, mientras que Ares lo era de las guerras traicioneras y sangrientas que se luchaban por el bien de la guerra en sí misma. También estaba la diosa Nike, que estaba a cargo de la victoria, en la mayoría de los casos, llegaba a la conclusión lógica del conflicto armado a favor de una de las partes. En otras culturas, hasta el establecimiento del cristianismo, también existieron complejos mitológicos significativamente arraigados en la estructura social. En Europa, el dios supremo era Odín (Wotan), considerado el santo patrón de las alianzas militares. Según varios investigadores, este dios no estaba incluido originalmente en el panteón supremo, y el aumento de su importancia específica se asocia con el fortalecimiento de las alianzas militares y la división de la idea inicial de la vida futura. El reino de los muertos se transfiere al cielo para los elegidos: los valientes guerreros que cayeron en la batalla (11). Por lo tanto, Odín superó a Thor (Donar), uno de los ases, el dios del trueno y la guerra, que era el protector de los dioses y de las personas frente a los monstruos y gigantes (12).

phpThumb_generated_thumbnailjpg.jpgLas profundas conexiones entre la cultura y la guerra en varias sociedades fueron estudiadas por el crítico cultural holandés Johan Huizinga en su estudio clásico Homo Ludens. Tanto la batalla sangrienta como los torneos en los festivales tenían ciertas reglas y se percibían como parte de la idea inicial del juego. Existían restricciones incluso si al enemigo no se le reconocía una naturaleza humana (bárbaros, demonios, herejes), pero luego se impusieron ciertas restricciones en nombre del honor. "Hasta el momento, tales restricciones se basaban en el derecho internacional, que expresaba el deseo de incluir la guerra en la esfera de la cultura" (13). La formación de la etiqueta en las artes marciales junto a los líderes militares y los duelo en la época medieval también se asocia con esto. Incluso la guerra se definió de manera diferente. Si se trataba de un conflicto de caballeros contra caballeros, era Guerre, pero si los caballeros se oponían a todas las demás enemigos, era Guerre guerroyante y no se consideraba una guerra como tal. En las guerras modernas, Huizinga observaba los rudimentos de tratar la guerra como un juego honesto y noble: este es un intercambio de regalos y cortesías, aunque a veces, sin embargo, toma la forma de una sátira. Huizinga también introdujo una tipología especial de la guerra, basada en el concepto de "agón" (competencia, un término aparentemente asociado con la palabra "ágora", asamblea popular). Así, el tipo de guerra agonal incluye aquellos "cuando los beligerantes comienzan a verse como un adversario que lucha por lo que tiene derecho" (14). Además de la agonal, existe la esfera sagrada de la guerra, cuando la guerra se considera en la esfera del deber sagrado y el honor. Y ambos tipos de guerra son difíciles de separar el uno del otro. Huizinga también notó una conexión etimológica, refiriendo la antigua palabra alemana oorlog (guerra) al reino sagrado, lo que indica que el significado de las palabras correspondientes a oorlog fluctúa entre el destino, la lucha frente al destino y cuando la alianza jurada por el juramento expira.

En las guerras del siglo XX, Huizinga vio directamente la emasculación del factor del juego y se preguntó qué elegirían las personas en el futuro: la acción volitiva como algo serio o la acción como un juego (15). La guerra como un estado de excepción (Ernstfall) niega la naturaleza de la competencia y obedece a nuevos principios, pasa de la relación final a la rabia más terrible. El culturólogo holandés también criticó el modelo bipolar de "amigo-enemigo" de Carl Schmitt, ya que el concepto del otro pertenecía solo a estas dos categorías. El Inimicus se convirtió en el hostis, el enemigo simplemente se convirtió en un extraño, en cierto sentido, un obstáculo, y esto redujo toda la gravedad, la profundidad y, en cierto sentido, la belleza del conflicto a una relación casi mecánica. Además, unas de las características modernos de la guerra, la propaganda, no se corresponde a la atmósfera del juego y, en el mejor de los casos, resulta ser su simulacro. "La propaganda que quiere penetrar en cada parte de la vida actúa por medios diseñados para provocar reacciones histéricas en las masas, y por lo tanto, incluso cuando toma la forma de un juego, no puede actuar como una expresión moderna del espíritu del juego, sino solo como su falsificación" (16).

Notas:

1 Фрагменты ранних греческих философов. Ч.1. – М.: Наука, 1989, с. 201 (Fragmentos de los primeros filósofos griegos. Parte 1. - M .: Nauka, 1989, pág. 201).

2 Мистическое богословие восточной церкви. – Харьков: Фолио, 2001. С. 552-553 (La teología mística de la iglesia oriental. - Jarkov: Folio, 2001.S.552-553).

3 У-Цзин. Семь военных канонов Древнего Китая. СПб.: ИГ Евразия, 2001, с.195 (Wu Ching. Siete cánones militares de la antigua China. San Petersburgo: IG Eurasia, 2001, p. 195).

4 Махабхарата. Рамаяна. М.: Художественная литература, 1974, с.175 (Mahabharata Ramayana M .: Ficción, 1974, p.175).

5 Que podamos conquistar presas en las batallas con el enemigo,

¡Obteniendo una parte para hacernos famosos entre los dioses!

I, 73 p. 90 K Agni.

Queremos pedir la felicidad del generoso Indra,

El más valiente para capturar presas en esta batalla,

(De Dios), quien nos escucha, amenazante - para el apoyo en las batallas,

¡Matar enemigos, ganar recompensas!

III, 50. К Индре. С. 339.

6 Ригведа. Мандалы I-IV. – М.: Наука, 1999, С. 456 (Rig veda. Mandalas I-IV. - M.: Nauka, 1999, S. 456).

7 Подробнее См. Мирча Элиаде. Азиатская алхимия. – М.: Янус-К, 1998 (Para más detalles, vease Mircea Eliade. Alquimia asiática - M.: Janus-K, 1998.).

8 Генон Рене. Символика креста. – М.: Прогресс-Традиция, 2004, С.77 (René Guénon. El simbolismo de la cruz. - M .: Progreso-Tradición, 2004, P.77).

9 Эвола Ю. Метафизика войны. – Тамбов, 2008, с. 9 (Julius Evola. Metafísica de la guerra. - Tambov, 2008, p. nueve).

10 Ibíd. С. 45.

11 Мифы народов мира. Т.2. – М.: Большая Российская Энциклопедия, 1998, с. 241 (Mitos de los pueblos del mundo. T.2 - M .: Gran Enciclopedia Rusa, 1998, pág. 241).

12 En las mitologías de otros pueblos, como se sabe, también había deidades correspondientes responsables de la guerra. Dado que el estudio de los mitos en relación con diversas formas de conflicto no es nuestro estudio central, nos limitamos a mencionar solo algunos episodios.

13 Хейзинга Йохан. Homo ludens/Человек играющий. – СПБ.: Азбука-Классика, 2007, с.130. (Johan Huizinga. Homo ludens / Man playing. - SPB.: Alphabet-Classic, 2007, p.130).

14 Ibid, с. 131.

15 Sin embargo, las guerras que tuvieron lugar en las últimas décadas tuvieron elementos obvios del juego. La emisión de bombardeos en vivo durante las campañas de Irak, el uso de simuladores de computadora para entrenamiento militar, la creación de un juego de rol basado en combates reales. - L.S.

16 Ibid, с. 285.

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lundi, 27 mai 2019

Analysis of "Storm of Steel" (Kulturkampf Podcast)

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Analysis of "Storm of Steel" (Kulturkampf Podcast)

**READ DESCRIPTION**
Ernst Jünger was well-known thanks to various works which - by contrast to the defeatist and pacifist literature prevalent in the aftermath of the war - emphasized the potentially positive and spiritual aspects of modern warfare. On this account, Jünger had even been labelled the 'anti-Remarque'. Nor was Jünger a mere writer: having joined the Foreign Legion in his youth, he had later volunteered to fight in the First World War, where he was repeatedly wounded and was awarded the highest military honors.
 
Following the collapse of Imperial Germany, Jünger was held in high esteem in nationalist and combat circles, and soon emerged as one of the representatives of the ‘Conservative Revolution' - the term I already used to describe those circles which I came to appreciate and collaborate with in central Europe.
 
Julius Evola on Jünger's later life:
 
"It is as if the spiritual drive that Jünger had derived from his life in the trenches of the First World War, and applied on an intellectual level, had gradually run out.
 
Besides, not only did Jünger play no significant role during the Second World War, but it also appears that, when in service in occupied France, he got in touch with those members of the Wehrmacht who in 1944 attempted to murder Hitler.
 
Jünger, therefore, should be numbered among those individuals who first subscribed to 'Conservative Revolutionary' ideas but were later, in a way, traumatized by the National Socialist experience, to the point of being led to embrace the kind of sluggishly liberal and humanistic ideas which conformed to the dominant attempt 'to democratically reform' their country; individuals who have proven incapable of distinguishing the positive side of past ideas from the negative, and of remaining true to the former. Alas, this incapability to discern is, in a way, typical of contemporary Germany (the land of the 'economic miracle')."
 

samedi, 18 mai 2019

Guerra y saber político: Clausewitz y Günter Maschke

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Guerra y saber político:
Clausewitz y Günter Maschke

Antonio Muñoz Ballesta

Ex: http://www.nodulo.org

Conviene, especialmente cuando suenan tambores de guerra, no malinterpretar a Carlos Clausewitz (1780-1831), y reconocer la conclusión realista del filósofo militar prusiano, que la Guerra es la expresión o la manifestación de la Política

«George Orwell advertía en una ocasión que, en las sociedades libres, para poder controlar la opinión pública es necesaria una «buena educación», que inculque la comprensión de que hay ciertas cosas que no «estaría bien decir» –ni pensar, si la educación realmente tiene éxito–.» (Noam Chomsky en Tarragona, octubre de 1998)

A José María Laso, luchador en la paz y en la guerra

1

 La inminente guerra del Imperio realmente existente en el planeta, EEUU, contra Irak, y contra otros países del llamado «Eje del mal», entre los que se encuentra, según expresión de Gabriel Albiac, el «manicomio militarizado» de Corea del Norte, y que puede provocar la primera Guerra Nuclear en la que los dos contendientes utilicen efectivamente armas atómicas –aunque en la Historia contemporánea se ha estado varias veces al borde de la misma, y no solamente en la crisis de los misiles de Cuba, sino también hace unos meses en la guerra silenciada entre Pakistán y la India–, requiere que nos dispongamos a contemplarla con las mejores armas conceptuales posibles (pidiendo, a la misma vez, a Dios, a Alá, o a Yahvè, según la religión de cada uno, que «el conflicto bélico» no nos afecte individualmente).

¿Qué mejor arma conceptual, para nosotros, que delimitar lo que sea verdaderamente la «guerra» desde el punto de vista del «saber político»?

Porque las guerras no son una «maldición divina o diabólica» a pesar de que las consecuencias en las víctimas humanas, y la destrucción que provocan, así lo sea.

Las guerras pertenecen también, como nos recuerda Clausewitz, al «ámbito de la acción humana», y aunque siempre han estado envueltas en las formas artísticas de su tiempo y han sido el ámbito en el que se han realizado avances técnicos, tecnológicos y científicos de eficaz transcendentalidad –en el sentido del materialismo filosófico– innegable para las sociedades, las guerras «no pertenecen al campo de las artes y de las ciencias», y sin embargo, no son un saber sencillo, sino al contrario, «llevar una guerra» consiste en un saber de los más complejos y racionales que existen.

En las guerras se trata de «movimientos de la voluntad aplicado... a un objeto viviente y capaz de reaccionar», y por ello, subraya Günter Maschke, para Clausewitz, la guerra (también la próxima guerra contra Irak y Corea del Norte, &c., habría que añadir) es «incertidumbre, fricción y azar» que no permite una simplificación –ni por los militares, ni por los políticos e intelectuales– de los «complejos procesos» de la guerra, presentándola de tal forma «que incluso un niño podía tener el sentimiento de ser capaz de dirigir un ejército» («militärische Kinderfreunde»). Ni admite el desarme conceptual de la Filosofía ante ella, pues estaríamos renunciando a la comprensión verdadera de una de las cuestiones más cruciales del Presente histórico. ¡Ya es hora que la Filosofía no quede al margen de la Guerra, de la Idea de «guerra»!

2

gm.jpgEl gran ensayista y pensador de lo político y la política, Günter Maschke, ha encontrado, al respecto y recientemente{1}, una solución plausible al laberinto interpretativo de lo que realmente nos quiso decir Carlos Clausewitz (1780-1831) sobre la Idea de la «Guerra» en su obra principal De la guerra, y en concreto en su relación con la «política».

Günter Maschke, después de un preciosa, y laboriosa, labor exegética de la correspondencia y demás obras, algunas inéditas, del famoso general prusiano, ha concluido, lo que muchos siempre hemos intuido, desde hace tiempo, a saber, que:

«La Guerra es la expresión o la manifestación de la Política».

Es ésta conclusión de Maschke una tesis que acerca el pensamiento de Clausewitz al «realismo político», y lo aleja, definitivamente, de los análisis bien intencionados y humanitaristas, de ciertos filósofos, intelectuales, especialistas universitarios y periodistas, que continuamente tratan de ocultarnos o silenciarnos la verdad de la geopolítica del inicio del siglo XXI en el Mundo (los que Antonio Gramsci denominó «expertos en legitimación»).

No podía ser de otra forma ya que la realidad política internacional, y nacional, es objetiva, y es la que es, independientemente de la propaganda orwelliana que realicen los «intelectuales», los «centros de educación» y los medios de comunicación.

3

La propaganda orwelliana de EEUU, y de sus «satélites» europeos –«satélites» porque no han conseguido tener una política exterior común, ni un ejército propio–, más o menos sutil, se presenta en dos frentes.

El primero es el frente de la opinión pública y consiste en conseguir que la misma adopte el consenso «políticamente correcto» de la élite intelectual.

En este caso el «consenso» significa que la guerra contra Irak es inevitable y necesaria por parte de EEUU y sus aliados (en cambio más razones tendría Irán), independientemente de saber si realmente el Irak de 2003 ha amenazado o agredido a EEUU o a Inglaterra o a Alemania o a España, o si sabemos con certeza las consecuencias sobre la población civil que tendrán los bombardeos y la invasión de los soldados de las fuerzas terrestres (bombardeos que se vienen haciendo, por lo demás, periódicamente desde 1991, y terminación «por tierra» de la guerra del golfo de 1991, sin hacer mención de la «medida política o militar» del «embargo de medicamentos, &c.»). Pueblo irakí y kurdo que, indudablemente, no se merece el régimen político de Sadam Husein (ni de Turquía), ni la ausencia de los derechos humanos elementales, inexistencia de derechos fundamentales que, lamentablemente, se suele olvidar por los que están en contra de la guerra contra Irak, salvo la honrosa excepción de Noam Chomsky, quién siempre ha defendido los derechos humanos auténticos contra cualquier organización estatal o no, sea EEUU o se trate de otro Estado.

El segundo frente de la propaganda orwelliana se presenta en el campo de las ideas del saber político. En el análisis político interesa que no se comprenda, no ya por la opinión pública, sino tampoco por parte de los dedicados a la «ciencia política», lo que significa la realidad de la guerra y la política, pues es propio de la ideología de un determinado régimen político que su «élite intelectual» posea unas herramientas conceptuales «apropiadas» para la consecución, no de la verdad, sino de los objetivos del régimen político –que suele coincidir con los objetivos de los más ricos y poderosos del régimen y sus monopolios económicos–.

Günter Maschke, en mi opinión, contribuye con su acertado análisis o comprensión verdadera del pensamiento de Clausewitz, a no convertirnos en víctimas conceptuales de este segundo frente de la propaganda orwelliana del «eje del bien» y/o del «eje del mal».

4

Los «intelectuales humanitaristas», que están afectados, del llamado por Noam, «problema de Orwell»{2}, suelen permanecer en la «ilusión necesaria» de que la política fracasa cuando se recurre a la guerra (de que la guerra es el «fin» de la política), porque han interpretado incorrectamente la famosa frase de Clausewitz:

«La guerra es un instrumento de la política/ Der Krieg ist ein Instrument der Politik»{3}

La «ilusión» de estos intelectuales de la «intelligentsia» viene de la confusión entre «instrumento» y «objetivo» de la «verdadera política». Si consideramos la guerra como un simple instrumento del «arte de la política», y la política tiene el instrumento pacífico de la diplomacia ¿no es, por tanto, un «fracaso» de la política, el recurrir al «instrumento de la guerra»?

Günter-Maschke+Kritik-des-Guerillero-Zur-Theorie-des-Volkskriegs.jpgPlanteados así las premisas o los presupuestos, habría que concluir que sí; pero ocurre que las cosas no son así, es decir, que el pensamiento de Clausewitz (ni de los más importantes y coherentes «pensadores políticos», incluido Noam Chomsky) no tiene esos presupuestos que se les atribuye falsamente. Y ello debido a que la frase de Clausewitz (ni el pensamiento de los filósofos a los que me refiero) no puede sacarse del contexto de toda su obra, incluido la correspondencia, del general prusiano (y de los autores que miren «sin prejuicios» los hechos ).

Y el «objetivo» de la «política», como sabemos, es la eutaxia de su sociedad política; y para ello el objetivo no es solamente la «paz a cualquier precio», pues ello implicaría la renuncia a su «soberanía», a su «libertad» (si, en un país, todos aceptaran ser siervos o esclavos, o vivir en la miseria y sin luchar, no habría jamás violencia o «guerras»), &c., y en el límite la renuncia, de la misma sociedad política, a su «existencia» o permanencia en el tiempo de sus planes y programas –de su prólepsis política–.

Renuncia a la existencia de la misma sociedad política, puesto que, y esto se reconoce por Clausewitz y todos los autores, la «paz» como las «guerras», no son conceptos unívocos.

La «paz», y la «guerra», puede ser de muchas formas, desde la «Pax romana» a la «Paz establecida en Versalles». Además de la existencia, quizás más realista, de un «status mixtus que no es ni guerra ni paz», por ejemplo, ¿cómo calificar la situación actual entre Marruecos y España después de la «batalla» del islote Perejil? ¿O en el futuro, entre España e Inglaterra, por el asunto del peñón de Gibraltar? ¿O en el futuro, entre España y el «País Vasco» o «Catalonia» o «Galicia»? ¿De «diplomacia» o de «guerra»?

5

En realidad la guerra es la expresión o manifestación de la política, y ella –la guerra– es como «un verdadero camaleón, pues cambia de naturaleza en cada caso concreto», aparentemente creemos que se produce la «desaparición» de la política (o del Derecho Internacional) cuando «estalla la Guerra», y en verdad no es así, pues la política y la diplomacia continúa implementando sus planes y programas, ¿para qué?, para conseguir una mayor eutaxia de la sociedad política vencedora o no, en el «tiempo de paz» posterior (así consiguió EEUU su predominio en Oriente Medio después de la Guerra Mundial II).

Pues, recordemos que las guerras terminaban con los Tratados de Paz, por lo menos hasta la Guerra Mundial I. Hoy en día, parece más bien, que estemos en un permanente «estado de guerra» mundial, en el que es imposible un «Tratado de Paz» entre los contendientes. Así las cosas en el «mundo del saber político» ¿Cómo y cuando se firmará el Tratado de Paz entre EEUU y Ben Laden? ¿Y es posible tal cosa?

Bien dice G. Maschke que Clausewitz es autor de las siguientes frases que inclinan la balanza en favor del primado de lo político sobre lo militar en el tema de la «guerra»:

«la política ha engendrado la guerra», «la política es la inteligencia... y la guerra es tan sólo el instrumento, y no al revés», «la guerra es un instrumento de la política, es pues forzoso que se impregne de su carácter » político, la guerra «es solo una parte de la política... consecuentemente, carece absolutamente de autonomía», «únicamente se pone de manifiesto –la guerra– en la acción política de gobernantes y pueblos», «no puede, jamás, disociarse de la política», «pues las líneas generales de la guerra han estado siempre determinadas por los gabinetes... es decir, si queremos expresarlo técnicamente, por una autoridad exclusivamente política y no militar», o cuando dice «ninguno de los objetivos estratégicos necesarios para una guerra puede ser establecido sin un examen de las circunstancias políticas», &c.

gmbew.jpgAhora bien, volvamos a la Guerra contra Irak, una manifestación más (en este caso de violencia extrema «policial») de la nueva «política «del «Imperio» constituido y constituyente de la también «nueva forma de la relación-capital» –el «Capitalismo como forma Imperio», según la reciente tesis del libro de Antonio Negri y M. Hardt– e intentemos «comprender» ahora, con las «armas conceptuales tradicionales» clausewitzianas, la política del bando «occidental». Entonces, EEUU, dirigido por Bush II, se nos presenta como un «nuevo Napoleón» que reuniera en su persona política la categoría de «príncipe o soberano» al ser, a los ojos del Mundo, al mismo tiempo «cabeza civil y militar» de la «civilización». Pero otorgándole que sea la cabeza militar en el planeta, ¿quién le otorga el que sea también la «cabeza civil»?{4} –Noam Chomsky es más realista al reconocer que desde el punto de las víctimas, es indiferente que el poder que los humilla y mata se llame «Imperio» o «Imperialismo». En cambio, el poder militar y civil de Sadam Husein se nos da en toda su crueldad dictatorial, apoyada –por cierto– hasta hace once años por los mismos EEUU y Occidente, que miraban, entonces, para otro lado, cuando se cometían innumerables atentados a los derechos humanos contra su propia población irakí y kurda.

6

En verdad la guerra es la expresión de la política, y en ese orden, es decir, que la política no es la manifestación de la guerra, lo cual viene a dar la razón, no solamente al realismos político de Carl Schmitt y Julien Freund, sino también a Gustavo Bueno, pues la existencia de las sociedades políticas auténticas, de los Estados o Imperios, requiere una capa cortical que se da, entre otras causas, por la acción política partidista y eutáxica.

Se consigue así que dichos intelectuales no incidan, como deseamos todos, en su lucha y defensa por una nueva política que se exprese predominantemente en diplomacia, y no en guerras de exterminio, predominantemente «exterminio de civiles».

Estos «intelectuales» y periodistas se concentran, en cambio, en la denuncia «humanitaria»{5} de los males de la guerra (males de la guerra que por más que se han denunciado en la Historia no han dejado de producirse salvo que se ha influido de manera práctica en la política), olvidándose de luchar conceptualmente, filosóficamente, por conseguir una vuelta a la verdadera política que no se exprese en guerras nucleares generalizadas o no.

Y, en cambio, la verdadera política incluye, como nos demuestra el análisis de G. Maschke, dos partes, en su expresión, la «diplomacia» y la «guerra». Y la política de una sociedad determinada no deja de ser «verdadera política» –utilizando conceptos de la «realista» filosofía política de Gustavo Bueno– cuando se manifiesta en diplomacia o en la guerra.

No se reduce la política a la paz, y a los medios pacíficos.

Otra de las causas del error habitual, hasta ahora, en la interpretación de Clausewitz, es no percatarse del origen histórico de determinadas Ideas del saber político, y viene recogida y resaltada por G. Maschke, a saber, la trascendental importancia del cambio histórico en la concepción de la guerra, con la Revolución Francesa de 1789 y Napoleón (príncipe o soberano, y no sencillamente «dictador»), ya que se pasó del «viejo arte de la guerra» de gabinete de los Estados Absolutistas, a «los grandes alineamientos engendrados por la guerras», por la Revolución.

ra-cl.jpgGustavo Bueno ha recogido también esta modificación crucial, sin hipostatizarla, con su análisis del surgimiento de la Idea de la «Nación política» o nación canónica:

«Algunos historiadores creen poder precisar más: la primera vez en que se habría utilizado la palabra nación, como una auténtica «Idea-fuerza», en sentido político, habría tenido lugar el 20 de septiembre de 1792, cuando los soldados de Kellerman, en lugar de gritar «¡Viva el Rey!», gritaron en Valmy: «¡Viva la Nación!» Y, por cierto, la nación en esta plena significación política, surge vinculada a la idea de «Patria»: los soldados de Valmy eran patriotas, frente a los aristócratas que habían huido de Francia y trataban de movilizar a potencias extranjeras contra la Revolución.» Gustavo Bueno, España frente a Europa, Alba Editorial, Barcelona 1999, página 109.

Por ello, el realismo político, y toda la filosofía política «realista» –en cuanto sabe separar la ideología y la verdad geopolítica– que incluye, en este sentido y a mi entender, a Gustavo Bueno y a Noam Chomsky, tienen que reconocer, lo que ya dijera Clausewitz:

«Que la «guerra no es otra cosa que la prosecución de la política por otros medios»

O como dice el mismo Günter Maschke: «La tesis fundamental de Clausewitz no es que la guerra constituye un instrumento de la política, opinión de los filántropos que cultivan la ciencia militar, sino que la guerra, sea instrumento o haya dejado de serlo, es la «prosecución de la política por otros medios.» Pero Clausewitz encontró una formulación aún mejor, sin percatarse de la diferencia con la precedente. Él escribe que las guerras no son otra cosa que «expresiones de la política» (tal cita proviene del estudio, todavía inédito, «Deutsche Streitkräfte», cfr. Hahlweg en la edición citada de Vom Kriege, pág. 1235), y en otro lugar, que la guerra «no es sino una expresión de la política con otros medios».» Empresas políticas, número 1, Murcia 2002, pág. 47.

7

En conclusión, es mucho más «humano» ser «realista» en el saber político, cuando se trata de Idea tan omnipresente como la «guerra», pues se evitan más «desastres humanitarios», y se consigue más auténtica libertad y justicia, cuando superamos el «problema de Orwell» y podemos contemplar la política tal como es, es decir, como la que tiene el poder real de declarar la guerra y la paz, que van configurando, a su vez, los «cuerpos de las sociedades políticas» en sus respectivas «capas corticales». Por ello la solución de G. Maschke a las ambigüedades de la obra de Clausewitz viene a contribuir al intento serio de cambiar la política para evitar las guerras. Se trata de una lucha por la verdad, en la paz y en la «guerra».

Notas

{1} «La guerra, ¿instrumento o expresión de la política? Acotaciones a Clausewitz», traducción de J. Molina, en la revista Empresas políticas (Murcia), año I, número 1 (segundo semestre de 2002).

{2} El «problema de Orwell» es el tema central de la labor de Noam como filósofo político, y consiste en la cuestión de «cómo es posible que a estas alturas sepamos tan poco sobre la realidad social» y política de los hombres(y olvidemos tan pronto las matanzas, miserias, etc. causados por el poder estatal imperialista), disponiendo, como se dispone, de todos los datos e informaciones sobre la misma. A Orwell no se le ocultó que una «nueva clase» conseguía en gran medida que los hechos «inconvenientes» para el poder político y económico, llegasen a la opinión pública «debidamente interpretados», y para ello si era preciso cambiar el Pasado, se hacía, pues se controlaba los hechos y los conceptos del Presente. La propaganda en las sociedades «libres» se consigue sutilmente, por ejemplo por el procedimiento de fomentar el debate pero dejando unos presupuestos o premisas de los mismos sin expresarse (y sin poder ser criticadas), o discutiendo por la intelligentsia, entre sí, cuestiones periféricas, dando la impresión de verdadera oposición.

{3} Clausewitz, Vom Kriege, págs. 990-998, 19 ed., Bonn 1980.

{4} La ONU, como institución internacional con «personalidad jurídica propia», ha sido «puenteada» continuamente por EEUU, cuando le ha interesado, y sus Resoluciones incumplidas sistemáticamente, siempre y cuando no sean como la 1441, que da a entender, o no –dicen otros– que se puede utilizar la «fuerza» contra el dictador irakí.

{5} ¡Como si no fuera «humano» el análisis científico y filosófico del concepto de las guerras y sus relaciones con la política, precisamente para conseguir mejores y mayor cantidad de Tratados de Paz!

lundi, 04 février 2019

Guerra irrestricta, guerra civil molecular y guerra híbrida: tres modos de hacer la guerra en el S. XXI

Ex: http://www.elespiadigital.com

La guerra es “el más espectacular de los fenómenos sociales”, rezaba la consigna del prestigioso sociólogo y polemólogo francés Gaston Bouthoul. Mucho antes en el tiempo, el llamado “Profeta de la Guerra Estatal” Carl Von Clausewitz en su tratado “Vom Kriege” (De la Guerra) nos ilustraba acerca del gran desorden que representaba la guerra como duelo a gran escala, y la forma geométrica de tratar el reordenamiento en el caos provocado durante el fragor de la batalla.

Sebastián Tepedino

Leer: Guerra irrestricta, guerra civil molecular y guerra híbrida: tres modos de hacer la guerra en el S. XXI

dimanche, 21 mai 2017

“Histoire mondiale de la guerre économique” de Laïdi Ali

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“Histoire mondiale de la guerre économique” de Laïdi Ali

par Auran Derien, universitaire

Ex: http://metamag.fr 

Il y a toujours eu une dimension économique dans les conflits. Cet ouvrage s’efforce de prouver ce point et y parvient à la perfection.

Les intérêts s’affrontent, d’où l’on déduit naturellement un aspect polémologique dans les contacts économiques. L’auteur a décidé de balayer les siècles pour nous sortir de l’obscurantisme dans lequel veulent nous maintenir les professionnels de la justification mensongère : soit il n’y aurait pas de guerre économique car le commerce est pacifique (niaiserie énoncée par Montesquieu) ; soit le thème de la guerre économique servirait à détruire les classes moyennes et les conditions des travailleurs. Pourtant, la guerre pour les ressources a véritablement une longue histoire.

Dès les temps préhistoriques, le parasitisme prit son envol. Si certains groupes se comportent comme des fourmis, accumulent des provisions pour traverser la ténèbre hivernale, d’autres les attaquent pour voler les réserves ou simplement prendre leur place là où les conditions de survie paraissent plus favorables, comme par exemple près des sources.

Tant que la fonction politique s’exerce sous la forme de fédérations, d’empires instables, de tributs, les marchands prennent souvent l’initiative de démarrer des conflits. Les foires commerciales du Moyen Âge furent l’occasion de regroupements entre trafiquants afin de promouvoir la guerre militaire, le blocus contre d’autres foires ou d’autres centres de pouvoir. Ces associations de trafiquants se payent des mercenaires, développent des politiques d’influence auprès de princes auxquels elles peuvent fournir des produits car elles détiennent le monopole du commerce. Le cas de la Hanse, au XIVème siècle, illustre cet usage de la force par les marchands.

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A partir de la Renaissance, lentement, l’État prend son envol et intervient pour s’emparer des ressources découvertes dans les nouveaux continents. Depuis les pirates anglais, appuyés par la royauté, la guerre économique s’est systématisée, devenant l’utilisation de moyens illégaux et déloyaux pour protéger et conquérir des marchés. Cette utilisation de la violence en économie sert aussi la puissance publique lorsque l’Etat et les trafiquants ne font qu’un. Il est normal que les Anglo-saxons, inspirés par l’Ancien Testament où l’on proclame que les trafiquants sont des élus, se soient lancés dans toutes les crapuleries susceptibles de donner de la puissance. Le cas du thé, développé au chapitre 17 de l’ouvrage, est très significatif. Robert Fortune, biologiste, fut utilisé par la Compagnie des Indes pour remplir une mission de renseignement: aller voler le secret de fabrication du thé ainsi que des plans. Il se déguise, vole, plante en Inde les fruits de ses larcins. Et cela fonctionne. Les anglais pourront inonder le monde du thé produit en Inde.

L’auteur soutient que la guerre économique contemporaine prend son envol avec la chute du mur de Berlin (1989). Les services de renseignement quittent le secteur public, sortent du domaine politique pour se préoccuper de protéger l’information de l’entreprise. Avec l’obsession de la global-invasion, volonté de quelques gangs de s’emparer des richesses du monde, l’espionnage et la protection se privatisent. Le problème de tous les agents importants se formule de la même manière: être le leader, soit en économie, soit en technologie, en propagande ou en politique.

Ali Laïdi regrette que l’Europe soit incapable de se protéger et de s’affirmer. Sans boussole, sans volonté propre, le déclin voire la chute que tout le monde observe est inévitable. En France, depuis peu, une réflexion sur la guerre économique a lieu, mais sans être suivie d’applications. La vente de toutes choses aux mafias étrangères est la preuve d’une absence dramatique d’élites. Les petits trafiquants à la Macron sont sélectionnés par des Maîtres tout à fait visibles pour incarner la fonction la plus veule qui ait jamais existé, celle du larbin volontaire.

Pour cette première partie du XXIème siècle, l’agenda de la guerre, comme disent les Américains, est avant tout établi par la guerre économique « celle qui fait rage et qui ne dit pas son nom » selon feu Mitterrand – et plus encore la guerre monétaire, basée sur le mensonge et la dette. Aussi il paraît difficile d’accepter que les formes actuelles de la guerre économique soient une conséquence directe de la chute du mur de Berlin. La guerre monétaire a commencé en 1971, avec l’abandon de la convertibilité « or » du dollar, avec la déréglementation et les taux de changes flottants. Les USA sont devenus la patrie des faux monnayeurs. Leurs établissements financiers ont évidemment corrompu les dirigeants des pays européens afin qu’ils endettent leurs pays, donnant en gage les biens nationaux que les assassins globalitaires s’approprient ainsi gratuitement.

On ne saurait terminer ce tour d’horizon sans rappeler les falsifications des statistiques économiques, dont les intellectuels honnêtes encore en vie font grand cas pour démonter les vérités révélées des criminels en col blanc désormais à la tête de l’occident. On a eu un bel aperçu en 2008 lors de la crise des “subprimes”, puisque deux sociétés de crédit les mieux cotées du marché, Freddie Mac et Fannie Mae, ainsi que la banque Lehman Brothers trafiquaient leurs bilans. Auparavant, l’affaire Enron avait déjà amplement démontré le trucage et les évaluations de complaisance. De même, depuis 1988 a été créé le « Working Group on Financial Market » chargé d’orienter la bourse suivant les indications de la Réserve Fédérale, dont chacun sait qu’elle appartient à un consortium de banques privées. Les manipulations des cours de l’or, de l’argent et autres métaux précieux, ceux des matières premières industrielles ou agricoles, tout est frelaté à travers les produits dérivés et autres outils spéculatifs.

En novembre 2008, à l’occasion du G20, la Chine se faisant le porte-parole des pays émergents (Brésil, République sud-africaine, Inde…) a demandé qu’à la référence dollar soit désormais substituée un panier de matières premières (or, argent, pétrole, etc. ) comme étalon de la valeur. D’autres États préconisent de revenir à des systèmes mixtes associant au métal des paniers de monnaies. À défaut de guerre ouverte, la guerre des matières premières, la manipulation de leurs cours, la dictature insupportable du dollar changent peu à peu les équilibres de force. Cela n’est pas en faveur de l’Occident en crise, quels que soient ses talents en matière d’ingénierie financière car les guerres peuvent se gagner et en même temps sonner le glas final de la puissance.

La guerre économique a donc un bel avenir et l’OTAN, ce machin au service des trafiquants, aura encore de nombreuses occasions de bombarder et tuer des civils sans défense, car il convient de matraquer les faibles et d’éviter la confrontation avec les puissances montantes.

Ali Laïdi : Histoire mondiale de la guerre économique. Perrin, 1976, 576p., 26€.

mercredi, 15 juin 2016

Carl SCHMITT, La guerra d'aggressione come crimine internazionale

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Teodoro Klitsche de la Grange: Recensione a

Carl SCHMITT, La guerra d'aggressione come crimine internazionale

Ex: http://civiumlibertas.blogspot.com

Carl Schmitt La guerra d’aggressione come crimine internazionale. Il Mulino Bologna 2015 pp. 142, € 16,00.

schmittzzzzzz.jpgNel 1945 il grande industriale tedesco Friedrick Flick, che aveva fondate ragioni di credere di venire accusato dagli alleati per la collaborazione a guerra d’aggressione, richiese a Carl Schmitt un parere per la difesa da tale (eventuale) accusa. Accusa che non venne mai mossa a Flick, il quale fu tuttavia condannato per un “capo d’imputazione” diverso: lo sfruttamento di manodopera straniera deportata dalle S.S..

Schmitt in tale promemoria distingue tra i crimini di guerra tra classi le “violazioni delle regole e degli usi della guerra, commesse principalmente da appartenenti alle forze armate di uno Stato belligerante. Si tratta d’infrazioni del cosiddetto diritto in guerra, lo jus in bello … Tale regole presuppongono che la guerra sia permessa e legale”; “Di natura essenzialmente diversa è il secondo tipo di crimini di guerra che qui deve essere distinto. Si tratta delle atrocities in un senso specifico: uccisioni pianificate e crudeltà disumane, le cui vittime erano uomini inermi”. Neppure la “esimente” dell’esecuzione di un ordine superiore può escludere in tali casi l’imputabilità e la punibilità. Infine la terza “Crimini di guerra nel terzo significato del termine è la guerra di aggressione, concepita come un crimine in sé, vale a dire come un crimine secondo il diritto internazionale. Qui, dunque, la guerra stessa è un crimine e non si tratta propriamente di un crimine di guerra ma, più precisamente, del «crimine di guerra»”.

aggre6cover25992.jpegSchmitt valuta queste tre classi alla luce sia del “politico” che dei principi dello jus publicum europaeum. In primo luogo se la guerra è, nel sistema westphaliano, non solo un fatto pubblico ma che presuppone la distinzione tra pubblico e privato, allora non può farsi carico a un privato (come Flick) di aver concorso ad una guerra di aggressione.

Come scrive Galli nella presentazione, Schmitt considera “la guerra come un atto di sovranità di cui sono responsabili gli Stati – una responsabilità politica soprattutto – e non certo i singoli cittadini, tenuti solo ad obbedire al potere legale. Schmitt recupera quindi l’ordine moderno che egli invece ha descritto, già da una decina d’anni, come periclitante: ovvero lo jus publicum europaeum all’esterno, per cui la guerra è affare di Stato, che non può essere processata; e, all’interno, un rigido positivismo giuridico statocentrico”.

D’altra parte il giurista di Plettenberg distingue tra il pensiero giuridico inglese (e in larga misura anche americano) da quello continentale in relazione alla guerra d’aggressione come crimine: “si pone anche per la concezione americana la questione di che cosa propriamente sia la novità di un crimine. La conseguenza è che qui si giunge spesso a una sintesi e a una mescolanza di punti di vista morali e giuridici. Per il modo di pensare del giurista di formazione positivistica, continentale, la separazione del punto di vista giuridico da quello morale è familiare da quasi due secoli, proprio rispetto alla questione della penalizzazione di nuove fattispecie di reato. Negli Stati Uniti d’America l’unione dei due punti di vista potrebbe far sì che gli ostacoli che derivano dal principio nullum crimen sine lege siano addirittura meno presenti per il giurista americano di quanto lo siano per un giurista della tradizione inglese pura”.

Per la guerra d’aggressione prosegue: “In questo caso, sia la fattispecie stessa (atto di aggressione e guerra di aggressione) sia la connessione tra il carattere internazionale e quello criminale, rappresentano davvero un novum, la cui particolarità deve essere portata a consapevolezza per mostrare come il principio nullum crimen abbia qui il significato di un limite alla punizione”.

È chiaro che poi l’argomentazione di Schmitt va sul concetto di giusta causa, la quale cancella il requisito dello justus hostis che nel pensiero dei teologi (da Suarez a Bellarmino) andava con quello di conserva: ambedue, insieme allo jus in bello e alla recta intentio, condizioni dello justum bellum.

Nel complesso un libro interessante che completa i numerosi scritti dedicati da Schmitt alla modificazione del concetto di guerra nel XX secolo.

Teodoro Klitsche de la Grange

dimanche, 12 juin 2016

Occidente e Oriente. A ognuno la sua guerra

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Occidente e Oriente. A ognuno la sua guerra

di Antonio Scurati

Fonte: La Stampa & http://www.ariannaeditrice.it

Si potrà magari contestare che si tratti di uno scontro di civiltà, ma una cosa è certamente innegabile.


La lotta mortale tra Isis e Occidente manifesta una guerra tra due culture, e in particolare tra due culture della guerra.


Ogni volta che in cronaca leggiamo di un agguato terroristico in Europa, o di un ribaltamento di fronte lungo l’Eufrate, leggiamo di una vicenda storica millenaria che giunge al muro del tempo. La sua origine si può far risalire al 12 settembre del 490 a. C., nel momento in cui sulla piana di Maratona gli ateniesi, usciti dalla propria città per difenderla dagli invasori persiani, sebbene meno numerosi e pesantemente armati, entrati nel raggio di tiro degli arcieri, decidono di attaccare lo schieramento del terribile nemico a passo di corsa (dròmoi). In quella carica a perdifiato di uomini inferiori in numero, sfiancati, privi di arcieri e cavalieri, gli aggressori persiani – scrive Erodoto – videro il segno certo della follia e del destino di morte; il panico si propagò, invece, nelle loro file. Il cozzo micidiale e la disciplina della falange oplitica fecero il resto. Rimasero sul campo più di 6000 persiani e solo 192 fanti ateniesi. Il secolo d’oro della civiltà greca poteva avere inizio.

Gloria solare


Ma già quella splendida carica riecheggiava una storia plurisecolare. La cultura marziale degli opliti ateniesi era figlia dell’epica omerica la cui autorità aveva stabilito il paradigma della guerra come monomachia, duello risolutivo all’ultimo sangue tra due campioni appiedati che si battono all’arma bianca e a viso aperto in uno scontro frontale di violenza letale sotto gli occhi dei testimoni e dei posteri risaltando sul fondo della mischia dove si uccide e si muore oscuramente. Da allora, presso i guerrieri d’Occidente, la gloria è sempre stata una qualità della luce, l’acme zenitale del suo splendore, dove tutto accade, una volta e per tutte, nella pienezza di un chiarore meridiano.


Da allora l’Occidente pensa, rappresenta e narra la battaglia come un duello su vasta scala – secondo la celebre definizione di Von Clausewitz – e la guerra come una collezione di battaglie. Da allora l’Occidente si attiene a una cultura militare che predica – e spesso pratica – la ricerca della battaglia in campo aperto come urto violentissimo di masse, cozzo micidiale, carica a fondo, attacco distruttore e risolutivo che conferisca alla guerra la virtù di essere «decisiva», dispositivo capace di risolvere i conflitti in modo inappellabile, senza sistemi di valutazione tracciati dall’esterno, decretando in modo inequivocabile e inappellabile un vincitore e un vinto. Da allora l’Occidente si contrappone ideologicamente all’Oriente pensato come culla di una cultura marziale che, all’opposto, predica e pratica la violenza ingloriosa, la tattica dilatoria, l’attacco fraudolento, il rifiuto dello scontro frontale in campo aperto, la disonorevole attitudine a manovrare onde sottrarsi ai colpi del nemico nella linea della battaglia per guadagnare un altro giorno e poter combattere ancora.

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Alessandro


La storia millenaria delle guerre tra Occidente e Oriente fornisce anche nella prassi militare ripetute conferme di questo schema ideologico. Nel 331 a. C. Alessandro Magno schianta gli achemenidi guidando personalmente la carica decisiva dei suoi migliori cavalieri (hetâiroi) contro il centro dello schieramento nemico nel punto preciso in cui si trova Dario, re dei persiani. Nel 53 a. C. il disastro di Carre – che segna il punto di massima espansione a Oriente dell’impero romano – fu determinato dalla cavalleria leggera dei Parti che, dopo aver provocato l’attacco con un tiro a distanza, si ritirò di fronte all’assalto dei quadrati nemici continuando, però, a bersagliarli con frecce scoccate cavalcando voltati all’indietro. Da quel momento «la freccia del Parto» diviene per gli occidentali proverbiale di comportamento guerriero fraudolento e inglorioso.

La giornata del destino


E ancora: a Poitiers Carlo Martello riesce a fermare l’espansione degli arabi in Europa perché impone ai suoi fanti di attendere i cavalieri berberi a piè fermo per il corpo a corpo, evitando così la trappola della tattica evasiva musulmana dell’«al-qarr wa al-farr», cioè dell’attacco seguito da una programmata ritirata, mirante a illudere l’avversario, per poi portare un improvviso e inatteso nuovo attacco. E ancora: la gloria di Lepanto entra nella leggenda di Venezia non tanto perché sia stata effettivamente decisiva nel confronto tra Europa cristiana e Impero Ottomano ma perché sembra incarnare, deterritorializzata in mare, l’idea archetipica per la cultura occidentale di «decisive warfare», di battaglia campale come «giornata del destino».


E’ una storia che dura ancora. Si prolunga ogni volta che sul suolo europeo un terrorista islamizzato emerge dalla oscurità ingloriosa per massacrare vigliaccamente civili inermi. Si prolunga nella nostra reazione di sconcerto verso la violenza contro la quale siamo personalmente inetti e, soprattutto, verso il suo carattere ai nostri occhi ciechi scandalosamente fraudolento. E si prolunga in Medio Oriente nella nuova tattica che il Califfato sta attuando dopo le recenti sconfitte militari: costruire una rete di alleanze nascoste sfruttando un principio antico del mondo musulmano – il «moubaya’a», la fedeltà data in segreto –, un principio che arriva dalla dottrina della «taqiya wal ketman», l’arte della dissimulazione e del sapersi mimetizzare.


La rappresentazione


Le culture marziali devono, senz’altro, molto a nuclei ideologici che talvolta mistificano la realtà ma è altrettanto vero che le rappresentazioni culturali della guerra non sono un mero fenomeno derivato, secondario rispetto al loro oggetto. Spesso lo precostituiscono e determinano. La storia sta a dimostrarlo. La cieca fedeltà a se stessa della cultura bellica occidentale ha indubbiamente causato enormi errori strategici, politici ed etici nei recenti conflitti con il mondo arabo-musulmano, ma continuare a ingannarci sui nostri nemici sarebbe un errore ancora più grande.

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lundi, 22 juin 2015

Numéro hors-série de la NRH: éternel retour de la guerre

L'éternel retour de la guerre...

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Le dixième numéro hors-série de La Nouvelle Revue d'Histoire est en kiosque. Il est consacré à la guerre et à ses métamorphoses.

Au sommaire de ce numéro :

Éditorial : Vers l'explosion de la poudrière mondiale ?
Par Philippe Conrad

L'histoire des guerres, l'histoire du monde
Entretien avec le général Vincent Desportes, propos recueillis par Grégoire Gambier

La préhistoire de la guerre
Par Philippe Conrad

La guerre dans les anciennes sociétés indo-européennes
Par Henri Levavasseur

La chevalerie ou le modèle médiéval de la guerre
Par Bernard Fontaine

Les ordres militaires médiévaux
Par Bernard Fontaine

La Révolution militaire à l'époque moderne
Par Jean-Pierre Bois

La petite guerre, auxiliaire de la "grande"
Par Sandrine Picaud-Monnerat
La "guerre de course" des Bretons
Par Yves de Tréséguidy

De la guerre des rois à la guerre des peuples
Par le général Maurice Faivre

Guerre industrielle, guerre totale
Par Philippe Conrad

La Grande Guerre des écrivains
Par Philippe Colombani

La permanence de la guerre économique
Par Pascal Gauchon

La guerre révolutionnaire,"le pouvoir au bout des fusils"
Par Yves Nantillé

L'école française de la contre-insurrection
Par Mériadec Raffray

La guerre n'est plus un tabou
Entretien avec le colonel Michel Goya, propos recueillis par Philippe Conrad

Comment le cinéma voit la guerre
Par Philippe d'Hugues

dimanche, 25 janvier 2015

Wiederkehr der Kriegsstrategien

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Wiederkehr der Kriegsstrategien

von Helmut Roewer

Ex: http://www.blauenarzisse.de

Was verbindet den Ersten Weltkrieg und die heutige weltpolitische Situation? Helmut Roewer, selbst Autor zum Ersten Weltkrieg, versucht in dieser Rezension, die Frage zu beantworten.

Zwischen diesen Buchdeckeln befinden sich gleich zwei Bücher. Sie könnten kaum unterschiedlicher gedacht werden. Ihre Verbindungsklammer ist das Nachdenken über die USA, über den Ersten Weltkrieg und den daraus folgenden, heutigen Standpunkt Deutschlands.

Am Anfang steht das Buch von Wolfgang Effenberger. Es ist eine mit langem Atem erzählte Vor– und dann zusammengeraffte Ereignis– und Nachgeschichte des Ersten Weltkriegs. Das Dargebotene ragt wie ein Fels aus dem Flachland deutscher Historiker-​Ängstlichkeiten heraus.

Aggression von allen Seiten – mehr oder weniger

Kriegsgeschichte, das ist für den ehemaligen Offizier Effenberger klar, ist eine Geschichte von Freund und Feind. Ein Krieg, zumal einer von solchen Ausmaßen, ist kein Ergebnis irgendeiner Krise, sondern eine Angelegenheit mit langem Vorlauf. Rüstung, Planung und In-​Position-​Bringen heißt dieses Geschäft. Zu dessen Verständnis gehört, dass Kriegführung zu Beginn des 20. Jahrhunderts noch als eine ganz normale Fortsetzung der Politik mit unfriedlichen Mitteln angesehen wurde.

Die Staaten in dieser Zeit waren mehr oder minder alle aggressiv. An der Spitze standen wohl die USA, Großbritannien und Russland. Diese Feststellungen hängen keineswegs im Raum, sondern werden durch eine Unzahl von Fakten untermauert. Daneben wirkt Deutschland fast wie ein Waisenknabe. Doch gemach ‒ das hier ist keine Weißwaschanlage. Effenberger zieht mit guten Gründen gegen die wichtigsten Gerüchtelieferanten und –denunzianten zu Felde. Der Möchtegern-​NS-​Widerstandskämpfer und spätere Historiker Fritz Fischer wird als das beschrieben, was er war. Denn er stellte nicht mehr als eine mehr oder minder kleine Nazi-​Nummer dar, die pünktlich zu Kriegsende entdeckte, dass sie immer schon dagegen war, gar Widerstand geleistet habe. Sein Schüler Klaus Rainer Röhl, der Jahrzehnte lang seinen Deutschenhass ausgelebt hat, wird ebenfalls auf Normalmaß zurückgeschnitten. Dessen absurden Behauptungen über Wilhelm II. werden von Effenberger gewogen und als zu leicht befunden.

Faktensatt und breitgefächert

Breiten Raum nimmt das heuchlerische Tun der US-​amerikanischen Ostküstenelite ein. Für diese war der Krieg von Anfang an beschlossene Sache. Das Sponsoring der Alliierten blieb – im wahrsten Sinne des Wortes – ein Bombengeschäft. Schrecklich waren auch die Lügen, die gebraucht wurden, um das kriegsunwillige amerikanische Volk in den Krieg zu zwingen. Doch der erschien den USA schließlich als notwendig, weil Ende 1916 England und seine Verbündeten den Krieg zu verlieren drohten. Eine Mega-​Pleite stand ins Haus. Das wird faktensatt erzählt. Gut, dass es mal einer tut.

Das kann aber bei solch einem umfangreichen Buch nur eine kleine Auswahl sein. Hinzu kommen das aggressive Serbien, britische Weltbeherrschungs-​Phantasien, Flottenbau, die Rolle der Banken und vieles andere. Und immer wieder die USA: Der innenpolitische Kampf zwischen den demokratischen Imperialisten und den wohl eher bodenständigen Republikanern. Natürlich ist es nicht so, dass für die USA im Ersten Weltkrieg die Weltmission erst begann. Das aggressive Vorrücken, das Anzetteln von Kriegen und das Vorschieben von Friedensmissionen ist älteren Datums. Der Erste Weltkrieg brachte schließlich den Ausbruch aus dem amerikanischen Doppelkontinent. Diese konsequente Geschichte der US-​amerikanischen weltumspannenden Kriegführung reicht bei Effenberger bis ins Jahr 2014.

Die Obama-​USA als neuer Kriegstreiber

Hier spielt auch das zweite, wesentlich kürzere Buch des ehemaligen CDU-​Bundestagsabgeordneten Willy Wimmer. Zur Überraschung macher präsentiert sich hier ein weißer Rabe. Dieser Mann ist offensichtlich auf der Suche nach dem heutigen Standort von Deutschland. Dass dieses Deutschland heute nicht viel anderes als eine Vasallenrolle innehat, spricht er gleich mehrfach aus. Zugleich lässt er uns an seinen Erfahrungen als Außen– und Sicherheitspolitiker teilhaben. Denn Wimmer hat als verteidigungspolitischer Sprecher der CDU /​CSU, in Zusammenarbeit mit der „Organisation für Sicherheit und Zusammenarbeit in Europa“ (OSZE) und als deutscher Repräsentant einiges von der Welt gesehen. Am eindrucksvollsten bleiben seine Beobachtungen in China und seine Schlussfolgerungen hinsichtlich der erfolgten Interessenabgrenzungen zwischen Russland und China.

Wenn sie denn stimmen, erklärt das am plausibelsten, warum die US-​amerikanischen Kriegsherren mit Blick auf Russland so aggressiv reagieren. In diesem Zusammenhang mag sich der eine oder andere daran erinnern, wie der Mainstream uns vor wenigen Jahren den Messias Obama in die Wohnzimmer transportierte. Wimmer sieht dies anders. Sein Text enthält eine Vielzahl von Zitaten dieses angeblichen Hoffnungsträgers, die nur eine Folgerung erlauben: Dieser Mann ist ein Kriegshetzer.

Aufruhr, Krise, Konflikt, Krieg

Nein, das Buch von Wimmer kann nicht freundlich genannt werden. Es benennt die einschlägigen, durchaus schriftlich fixierten Strategien. Denn für jeden Offensivschritt gibt es vier Eskalationsstufen: Aufruhr, Krise, Konflikt, Krieg. Wimmer tippt mit dem Finger auf den Globus und fragt sich: „Was ist im Moment wo?“ Wir haben uns so an dieses Prozedere gewöhnt, dass kaum noch einer fragt, ob das in meinem oder in unserem Interesse ist.

Die Besetzung des Mainstreams mit US-​hörigen Imperialisten ist erschreckend weit fortgeschritten. Wer versucht, öffentlich gegenzuhalten, wird ausgegrenzt oder totgeschwiegen. Neuster Fall, wie aus dem Propaganda-​Anleitungsbuch, ist Helmut Schmidt (SPD), der ehemalige Kanzler. Ihm wurde seine Vergangenheit als Hitlerjunge und Soldat vorgeworfen. Er sei „von Nazi-​Ideologie kontaminiert“ gewesen, beschuldigte ihn seine Biographin Sabine Pamperrien. So leben wir unter dem US-​amerikanischen Atomschirm. Nicht jeder findet das beruhigend.

Wolfgang Effenberger, Willy Wimmer: Wiederkehr der Hasardeure: Schattenstrategen, Kriegstreiber, stille Profiteure 1914 und heute. Höhr-​Grenzhausen: Verlag zeitgeist Print & Online 2014. 640 Seiten. 29,90 Euro.

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jeudi, 15 janvier 2015

Comprendre la guerre

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Radio Courtoisie:

«Comprendre la guerre» (Audio)

 

 

Pour écouter:

http://fortune.fdesouche.com/371289-radio-courtoisie-comprendre-la-guerre-audio

Entré en service en 1987, le lieutenant-colonel Entraygues a successivement servi au 35e RI, au 8e Groupe de chasseurs, au 152e RI, à l’EMF 4 de Limoges puis au centre d’entraînement des postes de commandement de Mailly le camp.
Stagiaire de la 15e promotion du Collège Interarmées de Défense, École de Guerre, il est titulaire d’un double doctorat en histoire contemporaine – Paris IV La Sorbonne et King’s College London, Department of War Studies – dont le sujet est « JFC Fuller : comprendre la guerre ».

 

L’auteur a tenu la fonction d’officier de liaison interarmées au Joint Services Command and Staff College et du Centre de la doctrine des armées du Royaume-Uni. Il est depuis le mois de septembre 2013 chargé d’études à l’IRSEM.

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mardi, 22 janvier 2013

La dialectique ami/ennemi

 

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La dialectique ami/ennemi

Analyse comparée des pensées de Julien Freund et Carl Schmitt

par Jean-Baptiste Pitiot
 
Ex: http://www.infoguerre.fr/
 

Penser les relations de puissance à partir de la dialectique de l’ami/ennemi requiert en préalable de se déprendre des chatoiements de l’idéologie, des faux-reflets de tous ces mots en “isme” qui caractérisent l’apparence scientifique donnée aux engagements politiques. Carl Schmitt et Julien Freund l’avaient compris dès la fin de la Seconde Guerre mondiale. Leur clairvoyance eut un prix : l’isolement et le reniement des grands clercs d’une époque imprégnée par le marxisme. Si aujourd’hui les deux auteurs sont redécouverts dans certaines sphères de l’Université, leurs œuvres sont encore mal cernées et leurs exégètes suspectés. En effet, une lecture critique ou partisane de Schmitt et Freund implique de penser “puissance”, “ennemi”, termes qui sont à ranger au registre des interdits de notre société. Cette approche devrait pourtant sous-tendre toute analyse réaliste des rapports entre acteurs des relations internationales.

Mise au point :         

jef10.jpgCarl Schmitt fut un élément du régime nazi durant la Seconde Guerre mondiale quand Julien Freund, étudiant en philosophie, entrait en résistance très tôt. Si leurs œuvres sont marquées par les vicissitudes d’une époque particulière, elles les surpassent toutefois pleinement. L’angle sous lequel ils en viennent à penser la relation ami/ennemi tire sa force d’une double volonté d’extraction et d’abstraction de ce contexte. Il est intéressant de remarquer que, par delà les oppositions de l’Histoire, une certaine communauté de destin relie Freund et Schmitt : exclus par les clercs de leur vivant, ils sont aujourd’hui progressivement tirés des limbes où de mauvais desseins et d’éphémères raisons les avaient placés.

La première rencontre des deux hommes se produit à Colmar, en 1959. Julien Freund en revient marqué : « j’avais compris jusqu’alors que la politique avait pour fondement une lutte opposant des adversaires. Je découvris la notion d’ennemi avec toute sa pesanteur politique, ce qui m’ouvrait des perspectives nouvelles sur les notions de guerre et de paix » (1). L’analyse en termes d’ami/ennemi les met dans une situation périlleuse vis-à-vis de leurs contemporains. Le sujet est sensible puisqu’il donne une consistance à la guerre, ce à quoi se refusent les pacifistes marqués par les utopies marxistes et libéralistes. Pour ceux-ci la paix perpétuelle est l’aboutissement eschatologique logique permis soit par la réalisation marxiste du sens de l’Histoire, soit par l’expansion du commerce pacificateur des mœurs.

Différence d’approche :     

Pour Schmitt : « la distinction spécifique du politique […]  c’est la discrimination de l’ami et de l’ennemi. Elle fournit un principe d’identification qui a valeur de critère et non une définition exhaustive ou compréhensive » (2). A son sens, la dialectique ami/ennemi s’appréhende comme un concept autonome dans la mesure où elle ne s’amalgame pas avec des considérations morales (bien/mal) ni esthétiques (beau/laid), mais constitue en elle-même une opposition de nature.

Dans la pensée freundienne de l’essence du politique, le présupposé ami/ennemi commande la politique extérieure. Il est associé à la relation commandement/obéissance (présupposé de base du politique) et la relation privé/public (présupposé commandant la politique intérieure). Chacun de ces présupposés forme une dialectique indépassable : aucun des deux termes ne se fait jamais absorber par l’autre. Julien Freund prend appui sur la dialectique ami/ennemi pour prouver que les guerres sont inhérentes au politique et donc inévitables à l’Homme. Invoquant la relation public/privé, Freund établit une différence entre l’ennemi privé (intérieur, personnel) et l’ennemi public ou politique. À mesure qu’une opposition évolue vers la distinction ami/ennemi, elle devient plus politique car « il n’y a de politique que là où il y a un ennemi réel ou virtuel » (3). L’Etat est l’unité politique qui a réussi à rejeter l’ennemi intérieur vers l’extérieur. Mais son immuabilité n’est pas acquise. Le présupposé de l’ami/ennemi est donc celui qui conditionne la conservation des unités politiques. La relation dialectique propre à ce couple est la lutte dont un aspect essentiel réside dans la multiplicité de ses formes : il ne s’agit pas uniquement, par exemple, de la lutte des classes à l’ombre de laquelle K. Marx analyse l’histoire de toute société. La lutte surgit dès que l’ennemi s’affirme.

Contrairement à C. Schmitt, Freund ne fait pas de la distinction ami/ennemi un critère ultime du politique, mais un présupposé parmi d’autres. Chez Schmitt la notion de l’unicité du concept ami/ennemi dans l’essence du politique peut contribuer à renverser la formule de Clausewitz et admettre que la guerre ne serait plus le prolongement de la politique mais sa nature même. Or, ce n’est pas ce que Freund envisage.

Ami/ennemi dans la logique de puissance :          

Une politique équilibrée de puissance doit identifier l’ennemi, figure principale du couple dans la mesure où c’est avec lui que se scelle la paix et non avec l’allié. Nier son existence comporte donc un risque, un ennemi non-reconnu étant toujours plus dangereux qu’un ennemi reconnu. « Ce qui nous paraît déterminant, c’est que la non reconnaissance de l’ennemi est un obstacle à la paix. Avec qui la faire, s’il n’y a plus d’ennemis ? Elle ne s’établit pas d’elle-même par l’adhésion des hommes à l’une ou l’autre doctrine pacifiste, surtout que leur nombre suscite une rivalité qui peut aller jusqu’à l’inimitié, sans compter que les moyens dits pacifiques ne sont pas toujours ni même nécessairement les meilleurs pour préserver une paix existante » (4). Par ailleurs il ne faut pas céder à la tentation de croire que la guerre règle définitivement les problèmes politiques posés par l’ennemi : « même la défaite totale de l’ennemi continuera à poser des problèmes au vainqueur » (5). Le conflit israélo-arabe en est l’exemple type.

Carl-Schmitt-The-Enemy.jpgS’il est nécessaire de ne jamais remettre en cause les acquis de la paix et de toujours se battre pour elle, il faut pourtant se défaire des illusions que véhicule un certain pacifisme des esprits. Une nation insérée dans le jeu mondial doit, pour survivre, identifier ses ennemis. Car elle ne peut pas ne pas en avoir. La difficulté réside dans le fait que l’ennemi est aujourd’hui plus diffus, plus retors. Il se masque, déguise ses intentions, mais n’est ni irréel ni désincarné. Sa forme évolue sans cesse et ne se réduit plus à l’unique figure étatique. Dans tout nouvel acteur (entreprise, ONG…) sommeille une inimitié possible. A l’inverse, certains pays recherchent un ennemi de manière forcenée. C’est le cas des Etats-Unis, en particulier avec l’Irak et de manière générale dans toute leur politique extérieure depuis 1990.

Les essences, ces activités naturelles de l’Homme, s’entrechoquent, s’interpénètrent et dialoguent constamment. L’économique et le politique, par exemple, sont à la fois autonomes, inséparables et en conflit. Or, force est de constater que la nature des rivalités pour la puissance prend une teinte économique croissante, expliquant par là l’invisibilité, la déterritorialisation et la dématérialisation de l’ennemi. Ce changement n’est pourtant pas définitif puisque la dialectique antithétique entre les essences de l’économique et du politique prend la forme d’un conflit perpétuel et sans vainqueur.
L’enseignement s’ensuit que le postulat ami/ennemi de l’analyse freundienne, inspiré mais différencié de l’approche schmittienne, doit constituer le fondement d’une étude actualisée du phénomène guerre et des enjeux de puissance, de compétition entre nations.

Jean-Baptiste Pitiot

 

Bibliographie:
FREUND Julien, L'essence du politique, Paris, Sirey, [1965], 4e éd., Paris, Dalloz, 2004, 867 pages
FREUND Julien, « Préface », [1971] in : SCHMITT Carl, La notion de politique – Théorie du partisan, Paris, Champs classiques, 2009, pp.7-38
FREUND Julien, Sociologie du conflit, Paris, PUF, coll. « La politique éclatée », 1983, 382 pages
SCHMITT Carl, La notion de politique – Théorie du partisan, Paris, Champs classiques, 2009, 323 pages
TAGUIEFF Pierre-André, Julien Freund, Au cœur du politique, La Table Ronde, Paris, 2008, 154 pages

1. TAGUIEFF Pierre-André, Julien Freund, Au cœur du politique, La Table Ronde, Paris, 2008,p.27 

2. SCHMITT Carl, La notion de politique – Théorie du partisan, Paris, Champs classiques, 2009, p.64

3. FREUND Julien, L'essence du politique, Paris, Sirey, [1965], 4e éd., Paris, Dalloz, 2004, p. 448

4. Ibid. p.496

5. Ibid. p.592

jeudi, 24 mai 2012

"ITINERAIRE ENTRE POLEMOS ET MITTELEUROPA"

"ITINERAIRE ENTRE POLEMOS ET MITTELEUROPA"

Méridien Zéro reçoit ce dimanche Jean-Jacques Langendorf, historien, écrivain et essayiste suisse, spécialiste des problèmes de stratégie et de défense ainsi que Laurent Schang, animateur du blog Le Polémarque pour évoquer avec eux les grands problèmes stratégiques européens.

Jean-Jacques langendorf, Laurent Schang, géopolitique, europe, suisse

Pour écouter:

http://meridienzero.hautetfort.com/archive/2012/05/17/emission-n-97-itineraire-entre-polemos-et-mittel-europa.html

samedi, 14 avril 2012

La guérilla espagnole contre l'armée napoléonienne

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Ex: http://anti-mythes.blogspot.com/

La guérilla espagnole contre l'armée napoléonienne sous l'éclairage de Carl Schmitt

 

C’est dans le contexte des guerres napoléoniennes, et plus précisément à l’occasion de la guerre de résistance espagnole contre l’occupation française, entre 1808 et 1813, que va émerger pour le juriste politique allemand Carl Schmitt (1888-1985) la figure conceptuelle du "partisan" moderne, à savoir d’un "soldat irrégulier" pensé en tant que tel ; à cette occasion, pour la première fois, un cadre juridico-politique explicite lui est conféré. Ce qui ne sera pas sans conséquences quant au droit de la guerre classique qui avait prévalu jusque-là.

LE CONTEXTE HISTORIQUE DU SOULÈVEMENT ESPAGNOL 

Rappelons brièvement les faits : pour établir un "blocus continental" efficace contre la Grande-Bretagne, puissance maritime et commerciale et principale ennemie de la France, Napoléon entendait contrôler l’ensemble de la péninsule ibérique. Il envoya donc Murat avec des troupes en Espagne en 1808, sans provoquer de véritables réactions de la part d’une famille royale espagnole par trop affaiblie. Dans ce contexte de décomposition du pouvoir royal légitime, une première émeute populaire à Aranjuez poussa d’ailleurs le roi Charles IV à abdiquer au profit de son fils Ferdinand VII dans l’espoir de stabiliser la situation politique.

Mais l’entrée de Murat dans Madrid provoqua une véritable insurrection, celle du 2 mai, que le général français réprima durement. Sous la pression de Napoléon, Ferdinand VII abdiqua à son tour au profit, cette fois, de Joseph Bonaparte, frère aîné de l’Empereur, qui fut reconnu par une assemblée de notables Afrencesados (1). Mais le soulèvement du peuple était déjà quasi général. Il fut formellement encadré par des Juntas (juntes militaires) auto constituées qui refusèrent de reconnaître le coup de force français et qui, au nom du roi pourtant déposé, allaient diriger une résistance à l’occupant. Cette résistance héroïque rassembla, dans un premier temps, troupes régulières et civils en armes, ces derniers devant progressivement en constituer l’âme. Dès juin 1808, en effet, commença ce qu’on appellera bientôt une "guérilla" – le terme en tant que tel n’apparaîtra qu’en 1812 – qui se développa au fur et à mesure des défaites de l’armée régulière espagnole face à Napoléon. Ces défaites successives pousseront d’ailleurs de nombreux déserteurs à accroître le nombre de ces partisans. Ce qui va intéresser au premier chef Carl Schmitt dans la guerre de résistance espagnole à Napoléon, c’est précisément le fait que "le partisan de la guérilla espagnole de 1808 fut le premier à oser se battre en irrégulier contre les premières armées régulières modernes" (Schmitt, La notion de Politique – Théorie du Partisan, préface de Julien Freund ; traduction de Marie-Louise Steinhauser, Paris, Calmann-Lévy, 1972, page 214). Par "armées régulières modernes", il convient ici d’entendre celles issues des expériences de la Révolution française qui sont à l’origine d’une reformulation radicale du concept de "régularité" hérité de l’âge classique, et dont – aussi paradoxal que cela puisse paraître de prime abord – le "partisan", en tant que combattant irrégulier, constitue en quelque sorte le produit.

DE LA NOTION PROBLÉMATIQUE "D’IRRÉGULARITÉ"

Comme le relève Schmitt, il se trouve que "la différence entre combat régulier et combat irrégulier est fonction de la nette définition de ce qui est régulier et une antinomie concrète donnant lieu à une délimitation du concept n’apparaît qu’avec les formes modernes nées des guerres de la Révolution française" (op. cit., p. 213). Jusque-là avait prévalu un droit interétatique classique – le Jus Publicum Europaeum – au sein duquel le phénomène de l’hostilité était maintenu dans le cadre de guerres limitées, apanage exclusif des princes contre un ennemi stricto sensu "conventionnel". La principale caractéristique de ce droit classique résidait dans le fait qu’il comportait des distinctions nettes entre guerre et paix, entre combattants et non-combattants, entre un ennemi et un criminel. Et, comme le souligne Schmitt, "en regard de cette régularité toute classique" (op. cit., p. 218), l’idée même de soldat irrégulier était tout simplement inconcevable : "Le droit classique de la guerre (…) ne laisse pas de place au partisan au sens moderne. Ou bien celui-ci est, comme dans la guerre au XVIIIe siècle, qui est une affaire entre cabinets, une espèce de troupe légère, particulièrement mobile mais régulière, ou bien il est un criminel particulièrement méprisable, et il est alors tout simplement un hors-la-loi" (op. cit., p. 219). 

Cette alternative tranchée est remise en cause à l’issue des bouleversements révolutionnaires, sur la base d’une délimitation nouvelle de la notion de "régularité", lorsque la notion d’État dynastique est reformulée comme État national et que l’armée des princes est conduite à se transformer en armée nationale. Schmitt discerne d’ailleurs la faillite du droit classique dans cette configuration juridico-politique qui voit la "victoire du civil sur le soldat le jour où le citoyen passe l’uniforme tandis que le partisan le quitte pour continuer à se battre sans uniforme" (op. cit., p. 306). À cet égard, loin de constituer une anomalie, l’émergence de la figure du partisan, en tant que combattant irrégulier, face à cette nouvelle "régularité" post révolutionnaire, ne constitue somme toute que l’une des deux faces d’un même Janus, celle du soldat-citoyen. En déferlant sur toute l’Europe continentale, le nouvel art militaire de l’armée napoléonienne, comme héritier de cette mutation fondamentale, va se trouver être, à la fois, vecteur et victime de ce nouveau modèle, dans la mesure où la guerre de l’âge classique, qui ne peut plus que faire figure de jeu conventionnel, va laisser la place à de véritables guerres des peuples, dont la guerre de résistance espagnole n’est que le premier d’une longue suite d’avatars. Ce qui intéresse Schmitt, c’est précisément de montrer que l’apparition du partisan en Espagne entérine une situation inédite qui a transformé l’ennemi "conventionnel", au cœur des guerres limitées que se livraient les princes dans le droit classique, en ennemi pour le coup bien "réel", au cœur de guerres devenues nationales : "L’élément principal de la situation du partisan de 1808 est qu’il risque le combat sur le champ limité de son terroir natal, alors que son roi et la famille de celui-ci ne savaient pas encore très bien quel était l’ennemi réel" (op. cit., p. 215).

En dépit de l’aura involontaire dont Ferdinand VII bénéficiait auprès de son peuple et qui l’a préservé, malgré lui, d’une condamnation sans appel de l’Histoire, ses hésitations devant l’événement majeur qui se joue s’expliquent sans doute par le fait qu’il se situe toujours par rapport à un droit classique de la guerre dérivé du Jus Publicum Europaeum. En revanche, le partisan espagnol, lui, appartient déjà au monde nouveau qui est en train d’advenir en matière stratégico-politique. "Seul le partisan espagnol rétablit le sérieux de la guerre, et ce fut contre Napoléon, c’est-à-dire dans le camp défensif des vieux États continentaux européens dont la vieille régularité devenue convention et jeu n’était plus en mesure de faire face à la nouvelle régularité napoléonienne et à son potentiel révolutionnaire. De ce fait, l’ennemi redevint un ennemi réel, la guerre, une guerre réelle. Le partisan défenseur du sol national contre le conquérant étranger devint le héros qui se battait réellement contre un ennemi réel" (op. cit., p. 304-305).

Mais l’apparition du phénomène du partisan n’allait pas forcément de soi pour des esprits encore largement imprégnés de l’idée de la vieille "régularité" militaire. Paradoxalement, c’est peut-être dans cette perspective qu’on peut saisir la portée des diverses tentatives juridiques de "régularisation" de la guerre de partisans par ce qui restait de l’État espagnol légitime ou de ce qui s’en réclamait alors, en l’occurrence les Juntas militaires.

LE PRÉCÉDENT EN 1808 D’UNE LÉGITIMATION DE LA GUERRE DE PARTISANS PAR LA JUNTA DE SÉVILLE

Ce qui est en effet capital dans l’apparition de cette forme de guerre irrégulière espagnole, c’est qu’elle va recevoir de la part de Juntas militaires régionales et/ou nationales, une sorte de réglementation juridico-politique – fait sans précédent dans l’Histoire – lui conférant une légitimité inédite rendue nécessaire par les circonstances. La passivité, face à l’envahisseur français, d’un gouvernement dépassé par les événements devait mettre au premier plan ces Juntas militaires, d’une part, les guérillas, d’autre part. Un premier cadre juridico-politique est donné dès le 6 juin 1808 par la Junta Suprema de Gobierno de Espana e Indias (la Junte de Séville), auto-constituée le 28 juin 1808, et qui déclare la guerre à l’Empereur Napoléon en ces termes : "… Nous déclarons la guerre sur terre et sur mer à l’Empereur Napoléon Ier et à la France, dont nous supportons la domination et le joug tyrannique ; et nous demandons à tous les Espagnols d’œuvrer hostilement à leur encontre et de leur causer le plus de dommages possibles selon les lois de la guerre" (Blanch, Historia de la guerra de la Independencia en Cataluna, Barcelone, 1968, p. 64).

Cette dernière précision a ceci de paradoxal et d’étrange qu’elle méconnaît le fait que la guerre patriotique espagnole n’est déjà plus une guerre de l’âge "classique". Les dites "lois de la guerre", selon la conception classique dans laquelle, comme le rappelle Schmitt, « l’ennemi a son statut », et dans laquelle "il peut être imposé des limites à la guerre" (Schmitt, op. cit., p. 12), sont d’ores et déjà sapées par la nouvelle forme d’hostilité "réelle" développée par la guerre de partisans qu’on cherche illusoirement à réglementer. Sans que ces auteurs en mesurent peut-être toutes les conséquences à terme, cette déclaration de juin 1808 apparaît comme le précédent le plus direct de légitimation de la guerre irrégulière. Il est complété le jour même par un second texte. Celui-ci, intitulé Prevenciones, s’adresse au peuple espagnol pour qu’il sache que certaines mesures sont indispensables à la bonne conduite de la lutte contre l’ennemi : "Il faut éviter les actions générales et privilégier les initiatives individuelles. Il est nécessaire de ne pas laisser l’ennemi se reposer un instant, de harceler sans répit ses flancs et son arrière-garde, de l’affamer, d’intercepter ses convois de vivres, de détruire ses entrepôts et de lui couper toutes les voies de communication entre l’Espagne et la France d’autre part" (Queipo de Llano, Historia del Levantamiento, Guerra y Revolucion de Espana, Madrid, 1835-1837, p. 232-233). 

Ainsi est en train d’être "régularisée" une guerre de partisans dont la Junta pressent pourtant d’ores et déjà les éventuelles dérives, ce qui apparaît clairement dans l’article final des Prevenciones : "Il s’agira de faire comprendre et de persuader la nation que libérés, comme nous l’espérons, de cette guerre cruelle, et le trône à nouveau entre les mains de notre seigneur et Roi Ferdinand VII, les Cortes, sur sa convocation, réformeront les abus et établiront les lois dictées par l’expérience, pour le bien et la félicité publics ; deux notions que les Espagnols connaissent sans que les Français aient eu à les leur enseigner" (Queipo de Llano 1835, p. 233). 

Pour l’heure, la Junta de Séville fait figure localement de pouvoir suprême, à l’image d’un organe de souveraineté nationale (comme les autres Juntas provinciales), et apparaît donc pour les Espagnols politiquement "compétente", dans la mesure où elle se réclame de l’ancien pouvoir légitime du roi Ferdinand VII. C’est bien à ce titre qu’elle ordonne d’ailleurs l’enrôlement massif de partisans comme auxiliaires des dernières troupes régulières espagnoles combattant encore Napoléon.

LE TOURNANT DE L’AUTOMNE 1808

La méthode paraît pour un temps donner de bons résultats puisque, le 19 août 1808, advient la première défaite française, celle de Baylen, face à 40.000 hommes de troupes régulières espagnoles unies à un noyau de volontaires et de francs-tireurs et au peuple andalou en armes. Ce succès ponctuel entretient en fait l’illusion sur les capacités réelles de l’armée régulière espagnole de résister durablement à l’armée napoléonienne. En effet, à l’automne 1808, devant les mauvais résultats de son armée, Napoléon, pour résoudre rapidement le problème espagnol avant de se mesurer à l’Autriche, décide de prendre en personne, le commandement des troupes le 6 novembre 1808. En virtuose militaire qu’il est, il retourne la situation en très peu de temps, remportant victoire sur victoire, et entre à Madrid le 4 décembre 1808 où il réinstalle aussitôt son frère Joseph. En Catalogne, le 15 décembre, le général Vivès est battu et lève le siège de Barcelone. Saragosse, assiégée pour la seconde fois par les Français le 20 décembre, capitule le 20 février 1809 en dépit d’une résistance héroïque. 

La confiance relative qui perdurait dans ce qui restait de l’armée "régulière" espagnole née de la bataille de Baylen, s’en trouva considérablement altérée. La guérilla espagnole reste alors seule à s’opposer à l’envahisseur français et va, pour cette raison, prendre une ampleur inégalée. Comme le souligne Schmitt : "À l’automne de 1808, Napoléon avait vaincu l’armée régulière espagnole ; la guérilla espagnole proprement dite ne se déclencha qu’après cette défaite de l’armée régulière" (op. cit., p. 214). C’est à partir de là, en effet, que les Espagnols commencèrent véritablement à organiser des bandes de partisans sur une grande échelle pour continuer la résistance à Napoléon.

LE MANIFESTE DU 28 DÉCEMBRE 1808

Dans ce contexte d’échecs militaires retentissants pour ce qui se réclamait encore de l’armée régulière espagnole, la Junta Centrale , abasourdie, se réunit à Séville et publie le 28 décembre 1808 le Reglemento de partidas y cuadrillas, qui reprend en l’accentuant l’esprit du règlement de juin 1808. Ce règlement du 28 décembre 1808, en trente-quatre articles, est le premier texte réglementaire de portée nationale. On n’y parle cependant pas encore de "guérillas" ni de "guérilleros". À cette époque, le terme "guérilla" n’est pas encore intégré dans la terminologie de la guerre patriotique espagnole. Il a toujours sa signification technique, dérivée de la guerre classique, de "ligne de tirailleurs devant attaquer l’ennemi de front et sur ses flancs, ou troupe légère utilisée pour les reconnaissances et les escarmouches". Il renvoie encore au "partisan" du XVIIIe siècle, celui qui appartient à un "parti", ou détachement battant la campagne, à l’un de ces détachements dont le maréchal de Saxe écrivait qu’ils pouvaient traverser un royaume entier sans être repérés.

Dans le règlement de décembre 1808, on parle plus spécifiquement de partida, ("bande"), qui signifie, d’après Almirante dans le Dictionnaire Militaire, "toute troupe peu nombreuse", aussi bien régulière qu’irrégulière, et de cuadrilla , littéralement "troupe", "bande". Les partidas, sans spécification notable quant à leurs effectifs, rassemblent toutes sortes d’individus à l’exclusion des alistados ou solteados (les appelés aux armées). Les cuadrillas sont, quant à elles, des bandes de contrebandiers de "mer et de terre". Lorsque ce règlement est publié, des actions de partisans existent déjà depuis huit mois. Mais elles sont appelées à se développer. Ces dispositions légales tendent, en fait, à les assujettir autant que faire se peut à des règles dans lesquelles l’esprit militaire dominerait. Les principaux points abordés dans le règlement ont trait à la finalité de la guerre de partisans, à la composition des unités, à la collation des grades, à l’armement, aux soldes, aux règles de discipline et au butin.

Les deux types d’unités distinctes que sont les partidas et cuadrillas se trouvent donc mises sur pied avec pour mission d’assurer la sécurité du pays en semant la terreur et la désolation chez l’ennemi. Les partidas, d’abord, forment des groupes d’environ une cinquantaine d’hommes à pied et à cheval. Le commandement, et c’est important, est assuré par un chef du grade de commandant, un second, deux subalternes à cheval et trois à pied, ayant respectivement les grades militaires réguliers de lieutenant de cavalerie, sergent, et ainsi de suite. Les articles 24 et 28 visent à encadrer avec une certaine souplesse ces unités "irrégulières" en adoptant la structure des armées opérationnelles, à la fois pour éviter une trop grande anarchie et pour opérer sur l’ennemi avec le plus de rapidité et d’efficacité possibles. On retrouve là deux des traits essentiels dans la perspective d’une "théorie du partisan" selon Carl Schmitt, traits le plus souvent liés, sinon indissociables, et qui font figure de critères pour définir le partisan moderne en train d’advenir en Espagne ; à savoir : "l’irrégularité" et "le haut degré de mobilité du combat actif" (op. cit., p. 229) – la mobilité n’impliquant pas l’irrégularité, mais celle-ci impliquant nécessairement celle-là. Il est en outre prévu de répartir ces unités "irrégulières" dans les différentes divisions de l’armée en les soumettant aux ordres des généraux respectifs qui leur sont donnés comme chefs, ainsi qu’un adjoint. On voit bien l’intention des autorités de faire des partidas une émanation de l’armée "régulière". Pourtant, en contraste avec les règles militaires précitées, l’article 26 précise : "Les chefs locaux (ceux de l’armée qui encadrent les bandes de partisans) devront laisser agir les partisans avec le plus de liberté possible, tout en les gardant à leur disposition, pour la bonne conduite des opérations" (Horta Rodriguez, "La législation de la guérilla espagnole dans l’Espagne envahie (1808-1814)", in Revue historique des Armées, 1986/3, p. 33).

Il convient ici de s’interroger sur la raison d’être du cadre juridico-politique conféré aux bandes de "partisans". Les rédacteurs du règlement savent pertinemment qu’il existe déjà depuis juin des groupes de partisans plus ou moins nombreux. Le règlement "reconnaît" donc une nouvelle fois leur existence et légitime leur lutte au regard de l’occupation française. Mais à cela s’ajoutent d’autres motivations ou plutôt, devrait-on dire, d’autres soucis. Il est intéressant de savoir que "ceux qui auront accompli leur temps de service obtiendront une place dans la Renta (2) ou d’autres postes selon les circonstances" (Horta Rodriguez, p. 33).

Cela prouve le souhait déclaré de réintégrer à moyen terme le "partisan" dans l’armée "régulière", ou à défaut dans une forme de "régularité" quelconque. Enfin, le butin fait l’objet d’une réglementation minutieuse. La répartition du butin sera proportionnée à la solde et personne ne pourra s’immiscer dans sa distribution pour prévenir de la sorte toute forme éventuelle de contestation.

Les mêmes règles s’appliquent aux cuadrillas. Dans les faits, on tente bel et bien d’organiser, par ce biais, les contrebandiers qui agissent "au grand préjudice du trésor royal" (Horta Rodriguez, p. 34). L’article 19 est directement conçu à leur intention. Avant tout, il apparaît nécessaire de leur reconnaître une légitimité "politique" en louant leur valeur, leur intrépidité, leurs talents militaires pour conclure que, "n’ayant pu trouver une activité qui leur permette de s’épanouir, ils se sont lancés dans la contrebande". On leur promet, en tout cas, désormais "une carrière glorieuse et utile à l’État dans les circonstances actuelles" (Horta Rodriguez 1986 : 34). C’est leur statut qui s’en trouve ainsi radicalement modifié. On attribue en effet à cette activité "irrégulière", voire illégale en d’autres temps, mais si populaire en Espagne, le privilège en quelque sorte juridique de s’exercer en toute quiétude puisque cela sert la fin politique de la résistance à l’envahisseur français. Le péril couru par la Nation espagnole autorise en quelque sorte le recours à tous les palliatifs. En conséquence, on pardonne les crimes passés aux contrebandiers se présentant dans les huit jours devant le chef militaire ou politique, et qui se verront accorder une reconnaissance politique faisant d’eux des "partisans" et non de simples bandits de grand chemin.

Pour Schmitt justement, outre l’irrégularité, "un autre critère distinctif qui s’impose aujourd’hui à notre attention réside dans l’engagement politique qui caractérise le partisan de préférence à d’autres combattants" (op. cit., p. 224). Et c’est ici qu’il faut souligner l’importance cardinale du "tiers intéressé", qui se trouve être un "tiers régulier", dont parle Schmitt : en l’occurrence, les Juntas militaires qui se réclament de la légitimité royale et, au-delà, la puissance anglaise qui reconnaît le "partisan" comme un allié. C’est en effet ce tiers "qui procure cette sorte de reconnaissance politique dont le partisan qui combat en irrégulier a besoin pour ne pas tomber, tel le bandit et le pirate, dans le domaine non politique, ce qui signifie ici : dans le domaine de la criminalité" (op. cit., p. 290). C’est toute la subtilité de cette dimension politique qui confère au "partisan" son statut et qui a rendu le sujet tellement polémique jusqu’à nos jours.

LES NOUVELLES DISPOSITIONS RÉGLEMENTAIRES DE 1809

"L’institutionnalisation" de la guérilla va se renforcer avec l’adoption de plusieurs dispositions. Elles sont au nombre de trois, en date respectivement du 1er janvier, du 28 février, et du 20 mars 1809. Elles contiennent les soubassements d’une guerre de partisans strictement définie, tout autant que les problèmes que celle-ci ne cessera de soulever.

La première disposition entend contrôler étroitement les Juntas provinciales qu’elle transforme en simple Juntas "d’observation et de défense". Celles-ci constituaient un des supports les plus efficaces pour l’esprit de résistance alimenté par des hommes qui défendaient avec ardeur la patrie de leurs ancêtres, le foyer familial, la terre qu’ils travaillaient, leur religion, et un mode de vie fermé aux ingérences étrangères. C’est là qu’on saisit avec une acuité toute particulière "le quatrième critère distinctif du partisan authentique" selon Carl Schmitt, "ce que Jover Zamora (3) a appelé son caractère tellurique. Celui-ci est très important pour la situation fondamentalement ‘défensive’ du partisan…" (op. cit., p. 229). Au reste, ces partisans étaient bien, comme le souligne encore Schmitt, "les défenseurs autochtones de la terre natale qui mouraient pro aris et focis, les héros nationaux et patriotiques (…) tout ce qui était réaction d’une force élémentaire, tellurique vis-à-vis d’une invasion étrangère (…), légitimité de son irrégularité de partisan" (op. cit., p. 288).

La seconde disposition, celle du 28 février, est un ordre royal émanant de la Junta Centrale : "La junte souhaitant donner une impulsion puissante en faisant appel à l’intérêt individuel, aux grandes motivations qui entraînent les habitants du royaume dans la lutte contre l’ennemi afin de lui causer le plus de tort possible, il a été décrété que les armes de toutes espèces, les chevaux, les vivres, les bijoux et l’argent qui seront pris à l’ennemi, par quelque particulier que ce soit, seront la propriété de celui qui les aura pris. Le droit de préférence dans l’achat des canons, armes, chevaux resteront à Sa Majesté ou au Trésor Royal ; le montant de ces choses leur sera payé avec ponctualité" (Horta Rodriguez, op. cit, p. 36).

La dernière des trois dispositions est le Manifeste édicté par la Junta Centrale le 20 mars 1809. Il reproche notamment aux généraux français les mauvais traitements infligés aux prisonniers et leur enjoint de considérer que tout Espagnol en mesure de prendre les armes est, aux yeux de la Junta un soldat de la patrie et doit être traité en conséquence par l’armée française – mais de manière unilatérale, et c’est précisément là tout le problème. Ce manifeste laisse entrevoir les conséquences et les difficultés insurmontables que fait surgir le "partisan" dans le droit classique de la guerre dont la Junta se réclame, alors même qu’elle légitimise ce type de combattant irrégulier. Comme l’explique Schmitt, en effet, "plus la discipline d’une armée régulière est stricte, plus elle est scrupuleuse dans sa distinction entre militaires et civils en ne considérant comme un ennemi que le seul adversaire en uniforme, et plus elle deviendra ombrageuse et irritable si, dans l’autre camp, une population civile qui ne porte pas l’uniforme participe, elle aussi, au combat. Les militaires réagiront par des représailles en fusillant, en prenant des otages, en détruisant des localités et ils tiendront ces mesures pour légitime défense face à des manoeuvres perfides et sournoises". (op. cit., p. 246-247). À cet égard, l’armée française est effectivement confrontée au problème du "traitement" à accorder à tout Espagnol pris les armes à la main, problème qu’elle ne parvient pas à résoudre, sinon le plus souvent par des exécutions sommaires, faisant de cette guerre d’Espagne l’une des plus cruelles et des plus horribles, et déjà perçue comme telle par ses contemporains. Le Manifeste poursuit en faisant allusion à la lutte de tout un peuple contre la tyrannie et l’envahisseur en ces termes : "Tout membre de cette nation doit trouver la protection des lois de la guerre, le général qui ne les respecte pas est un bandit qui s’expose à la colère du ciel et à la vengeance des hommes" (Canga-Arguelles, p.107).

Mais cela relève de l’anathème pur et simple dans la mesure où l’on touche là à une espèce de paradoxe : ce paradoxe réside dans le fait d’en appeler à des "lois de la guerre" d’un droit classique de la guerre, alors même que l’émergence de la figure du "partisan" les rend, de fait, caduques. Ces problèmes insolubles vont prendre une ampleur sans précédent avec le dernier règlement de 1809, intitulé "Instruction sur le corso terrestre".

"L'INSTRUCTION SUR LE CORSO TERRESTRE" D’AVRIL 1809

Le second grand texte réglementaire de portée nationale, "l’Instruction sur le corso terrestre" (4) du 17 avril 1809 suit le même esprit que les trois dispositions du début de l’année 1809. Ce texte, comportant dix-huit articles, a pour but de donner des directives concrètes aux "partisans", et, ipso facto, en détermine la figure "irrégulière". Le terme de "corso terrestre" est une alliance de mots circonstancielle (5), celle-là même qui consisterait à parler d’un "corsaire de terre", par opposition à un "pirate de terre".
D’après la doctrine traditionnelle espagnole, le corso a pour but d’empêcher l’ennemi de pouvoir se servir, lorsqu’il en a besoin, des voies de communication sur mer. Le corso est donc l’oeuvre du combattant qui, en état d’infériorité, ne peut livrer une bataille décisive ni détruire la force armée de l’ennemi. Ces similitudes avec ce que sera la guerre de partisan ne s’arrêtent pas là. Ce sont des forces peu nombreuses qui luttent contre un ennemi omniprésent et qui, en l’absence d’une lettre de patente, comme celle qui était accordée au corsaire des siècles précédents, risquent constamment de sombrer dans le brigandage. La distinction entre corsaire et pirate s’avère essentielle. Schmitt insiste sur l’importance discriminante du critère politique : "le caractère politique a (dans l’ordre inverse) la même structure que chez le pirate du droit de la guerre maritime dont le concept inclut le caractère non politique de son aspect néfaste qui vise le vol et le gain privé" (op. cit. p. 224). Par conséquent, poursuit Schmitt, il faut éviter de désigner le partisan, "de le définir comme un pirate de la terre ferme". Le comportement du "pirate" est sans référence aucune à une quelconque "régularité". Et d’ajouter : "Le corsaire, au contraire, court la prise de guerre sur mer et est muni de lettres par le gouvernement d’un État ; son irrégularité à lui n’est donc pas sans lien avec la régularité et c’est ainsi qu’il resta jusqu’à la déclaration de Paris de 1856 une figure juridiquement reconnue du droit international européen. De ce fait, une certaine comparaison est possible entre le corsaire de la guerre sur mer et le partisan sur terre…" (op. cit., p. 284).

Les projets et motivations de ce "corso terrestre" de 1809 se trouvent, pour l’essentiel, exposés dans le préambule de "l’Instruction" : à l’instar du "corso maritime", le "corso terrestre" a pour but principal d’anéantir les communications terrestres de l’ennemi. Ordre est donné d’entraver "l’approvisionnement en vivres et en moyens de subsistance de l’armée française dans le pays (…), de faire de même avec les courriers, d’observer leurs déplacements (…), de tenir les Français dans un état d’alerte et de fatigue permanentes (…) en leur faisant le plus de mal possible" (Horta Rodriguez , p. 37).

De cet ensemble de projets visant à durcir la conduite de la guerre en Espagne se détache la motivation qui justifie et légitime aux yeux des Espagnols cette guerre d’un nouveau type. Le préambule de "l’Instruction" stipule d’emblée : "Maintenant que nous connaissons la manière la plus vile que Napoléon a utilisée pour détruire et désorganiser la force militaire espagnole (…), n’est-il pas évident qu’il revient aux paysans de se regrouper pour combattre ses armées ?" (Horta Rodriguez, p. 38).

Les autorités n’ont pas eu le temps d’enrégimenter les Espagnols ni de leur donner un uniforme ; mais tous sont néanmoins des soldats pour ces mêmes autorités. Si le règlement de 1808 cherchait à "militariser" les bandes de "partisans", "l’Instruction sur le corso terrestre", de son côté, met plutôt l’accent sur les représailles qui entendent constituer la réponse aux actions ennemies. Dans le même texte, on souligne d’ailleurs le fait que l’ennemi ne reconnaît pas un statut de combattants aux paysans et en fait "d’innocentes victimes" (Horta Rodriguez, p. 37). On retrouve – posé de manière de plus en plus nette – le problème précédemment évoqué par le Manifeste de la Junta Centrale du 20 mars 1809 sur le "statut" des combattants lorsqu’apparaît la figure du "partisan", lequel ne permet plus de faire une distinction nette entre le combattant et le non-combattant. En 1809, les paysans majoritaires dans les rangs des partisans ne pratiquent pas une guerre "réglée", avec des limites bien définies. L’ennemi le lui rend d’ailleurs bien. Cette relation d’inimitié absolue tend à l’anéantissement mutuel. C’est ce danger de la "guerre folle", inhérente à la faillite du droit classique, sur lequel insiste Schmitt : "Le partisan moderne n’attend de son ennemi ni justice, ni grâce. Il s’est détourné de l’hostilité conventionnelle de la guerre domptée et limitée pour se transporter sur le plan d’une hostilité différente qui est l’hostilité réelle dont l’escalade de terrorisme en contre-terrorisme va jusqu’à l’extermination" (op. cit., p. 219).

L’objectif principal consiste de fait à mener une guerre "à outrance", susceptible de devenir une guerre encore plus inhumaine. Fait sans précédent, on arme tous les habitants des provinces occupées afin "d’assaillir et de dépouiller" les soldats français "chaque fois qu’une occasion favorable se présentera". Et ce, avec toutes les armes, quelles qu’elles soient, même les "interdites" (Horta Rodriguez, p. 37), ce que ne mentionnait pas le règlement de 1808. C’est de cette manière qu’on souhaite résoudre le problème de la disproportion des forces en présence pour être en mesure de se battre "à armes égales", imitant ainsi "la conduite barbare du satellite de Buonaparte » – pour reprendre les termes du texte – afin de « guérir le mal par le mal" (Horta Rodriguez, p. 37). La forme inhumaine que va prendre cette guerre est inhérente à la justification que tous les moyens sont bons pour pouvoir lutter "à barbarie égale". Le fait sans précédent, c’est de l’institutionnaliser. Il n’échappe naturellement pas à Alcano Galiano, l’auteur du "corso", que les raisons qui le sous-tendent sont dépourvues de noblesse, mais son règlement qui, pour la première fois, préconise la guerre totale, est présenté comme une réponse imposée par l’adversaire et un mode de combat induit par les circonstances. C’est pourquoi, "l’Instruction sur le corso" est, par nécessité, plus expéditive, plus cruelle et moins "militaire" que le règlement de 1808.

Après les motivations, examinons plus en détail l’organisation. Les paysans peuvent se regrouper en "cuadrillas d’infanterie et de cavalerie". La plupart des combattants "irréguliers" peuvent se grouper en cuadrillas, même loin du territoire occupé, dans les provinces limitrophes, ou proches de celles qui sont occupées. Mais, dans ce dernier cas, les cuadrillas ayant moins de raison d’être que celles de la zone occupée, doivent demander la "permission de justice" pour se constituer. Cette limitation témoigne du fait qu’on tente, dans cette guerre "irrégulière" sans règles fixes, de poser un cadre juridique minimal susceptible d’éviter, malgré tout, de véritables dérives "criminelles". De même, si la "bonne conduite" des membres de ces cuadrillas est reconnue, un passeport leur est alors délivré, lequel est censé les garantir des mauvais traitements par l’ennemi en zone occupée. Signalons enfin que, si la part du butin, dans le règlement de 1808, était accordée proportionnellement à la solde, en 1809, il n’y a dans ces cuadrillas ni solde, ni grade. Le butin est réparti d’un "commun accord", ce qui apparente davantage ce type de guerre au corso maritime auquel il se réfère.

LES DERNIERS TEXTES DE LA GUÉRILLA

Les derniers textes officiels de l’époque relatifs à une réglementation de la guérilla interviennent en 1812 et 1814. Entre 1809 et 1812, beaucoup de choses ont changé pour "l’envahisseur français". Et 1812 constitue d’une certaine manière l’année de la fin pour "l’ordre français" en Europe, et en Espagne plus particulièrement. Certes, le 9 janvier 1812, Valence tombe aux mains des troupes napoléoniennes, mais la guerre entre dans une phase d’offensive de grande envergure du côté des forces hispano-britanniques. Le 19 janvier, les troupes de Wellington conquièrent Ciudad Rodrigo, puis Badajoz, le 7 avril.

En 1812, Napoléon, alors en pleine campagne de Russie, se voit contraint d’ordonner, pour la première fois, le retrait de 30 000 hommes de la péninsule. Ils feront largement défaut sur le front espagnol. De fait, l’offensive de Wellington, le 22 juillet 1812, permit à celui-ci de remporter sur le général français Marmont la victoire des Arapiles. C’est à la suite de ce succès hispano-britannique que fut publié un nouveau règlement. Il prouve combien les Espagnols étaient conscients des dangers pour l’avenir de la nouvelle forme de guerre irrégulière qu’ils venaient pourtant de prôner. Il s’agit d’un reglemento para las partidas de guerillera, en date du 11 juillet 1812. Dans le même esprit, un dernier règlement sera publié en juillet, alors que la guerre était pratiquement terminée : le reglemento para los cuerpos francos o partidas de guerilla .

Le premier règlement du 11 juillet 1812, comportant un préambule et sept chapitres, entend apparaître comme une structure légale (6). Il n’a pas été établi avec précipitation, comme celui de 1808, ou dans le feu de l’action, comme "l’Instruction sur le corso terrestre". Il annonce la "normalisation", qui sera nettement édictée en 1814, lorsque se posera le problème de la réinsertion des guérilleros dans la société.

La stratégie demeure inchangée : "harceler l’ennemi et soutenir l’esprit patriotique des régions envahies (…)". Il faut "couper les routes militaires de l’ennemi, intercepter ses courriers et ses convois, attaquer ses hôpitaux et ses entrepôts" (Horta Rodriguez, p. 39). Le fait de souligner l’attaque des hôpitaux montre à quel point cette guerre est cruelle, faute de règles à respecter. Cela ne signifie pas que tous les guérilleros fussent toujours cruels : la guerre, la conduite de l’ennemi qui ne pouvait être indulgente par ces raisons mêmes, la personnalité des chefs des guérilleros, déterminaient bien souvent leur attitude. Notons, toutefois, qu’aucun des règlements de la guérilla n’a jamais fait allusion aux prisonniers, sujet épineux et vaste s’il en est.

Peut-être en contrepoint des dangers induits par cette forme de guerre sans limites, on cherche désormais à souligner le caractère "militaire" des guerillas de manière bien plus nette que dans le règlement de 1808. Ce caractère "militaire" se concrétise par la dépendance accrue des groupes de "partisans" vis-à-vis du général-en-chef ou du commandant de district, la soumission à la discipline et aux lois militaires, la suspension de fonction en cas de mauvaise conduite. On a le sentiment d’une reprise en main du phénomène par les instances "régulières". Fait capital, la collaboration avec l’armée s’établit dorénavant pour "chaque opération militaire importante". Le commandant a toute liberté d’action avec sa bande de « partisans » dans "l’attente des ordres du général en chef". L’élément nouveau, c’est que, lorsque ces troupes reçoivent des ordres des autorités citées, elles sont tenues de leur obéir en "allant jusqu’à abandonner leurs projets" (Horta Rodriguez, p. 39).

Les problèmes apparaissent lorsqu’on aborde la question du butin des bandes de "partisans", en particulier lorsqu’il s’y trouve des biens appartenant à des Espagnols. Il est établi que tout ce qui est pris devient la propriété exclusive des "partisans", exception faite de ce qui appartient "aux corps constitués de l’armée" ou aux "bons" Espagnols. Les biens pris et abandonnés par l’ennemi doivent, en effet, être rendus à leurs propriétaires, en laissant cependant aux "corps-francs" un quart de la valeur de ces biens. 

Un élément inquiétant apparaît dans ces articles : c’est la notion problématique de "bons" Espagnols, ce qui suppose qu’il y en a de « mauvais » (Horta Rodriguez, p. 40). C’est l’un des aspects inévitables et tragiques de cette guerre patriotique qui tourne parfois à la guerre civile. Sont considérés comme "bons" Espagnols ceux qui soutiennent la lutte contre l’occupant français, et comme "mauvais" Espagnols les Afrancesados, autrement dit appartenant au parti pro-français et considérés comme de vulgaires collaborateurs. Mais, comme toujours dans de tels cas, les abus et les dérapages risquent d’être nombreux. 
Immanquablement se pose la question de savoir si cela n’est pas susceptible de favoriser un banditisme pur et simple. Cela constitue un vrai problème dès lors que le contrôle du "tiers régulier" dont parle Carl Schmitt s’amenuise. De fait, l’article de 1812 enjoint de manière assez problématique, celui qui procède à l’arrestation, d’agir "avec justice", à l’instar du "bandit généreux". On mesure les dangers qui risquent, à terme, de surgir. Par définition, toute "justice" ne peut relever que d’une institution étatique, seule compétente en la matière : en d’autres termes, tout particulier n’est justiciable que devant une institution politique dont la régularité dérive du caractère souverain du pouvoir étatique constitué. Or, le texte autorise un particulier à la rendre en faisant appel à sa "bonne volonté" individuelle. Le règlement de 1812 insiste d’ailleurs sur les relations entre le peuple et les "bandes" (7). Violences et abus sont énumérés, ainsi que les sanctions que leurs auteurs peuvent encourir. Pour chercher à prévenir des dérapages, on interdit d’arrêter ou de poursuivre qui que ce soit, hormis les déserteurs. On révèle ainsi en creux les cas de détention arbitraire commis par quelques bandes qui s’érigent en juges des "mauvais Espagnols".

La comparaison des deux règlements de 1812 et 1814 s’avère particulièrement intéressante pour saisir l’évolution des esprits quant au problème du partisan espagnol. Pour la première fois, en effet, le terme de guerilla apparaît en tant que tel dans une réglementation. L’article II du règlement de 1812 précise que les partidas devront désormais porter le nom de "corps-francs" ; ces derniers préfigurent ceux qui existeront par la suite, notamment en France durant la guerre de 1870. Le règlement de 1814 s’intitule, pour sa part, "Règlement sur les corps francs et les partis de guérilla" – un substantif promis à la postérité.

La reconnaissance des services rendus par les "partisans" est, certes, explicite dans le préambule des deux règlements. Mais des différences entre les deux textes sont manifestes, en partie à cause du changement de conjoncture politique entraînée par la défaite de Napoléon (8) et le désir d’un retour à une normalisation politique. Ainsi, dans le premier règlement, celui du 11 juillet 1812, on exalte encore l’esprit patriotique et on préconise toujours l’augmentation du nombre des guérilleros, en accord toutefois avec les décisions prises aux Cortes, à savoir le parlement espagnol. Mais le préambule de 1812 reconnaissait déjà l’existence de guérillas qui, "profitant du désordre et de la confusion engendrée par les malheurs de la nation, ont abusé de la confiance qu’on avait mise en elles" (Horta Rodriguez, p. 41).

Le règlement du 28 juillet 1814, quant à lui, va jusqu’à porter un jugement très critique sur les précédents règlements et sur la guérilla dont "les circonstances et les troubles passés n’ont pas permis de fixer les règles avec discernement…" (Horta Rodriguez, p. 41). Ce dernier règlement est clairement dicté par le désir de dissoudre les guérillas. De fait, on se prépare à "réformer et dissoudre les bandes de partisans dont la conduite n’a pas été des plus brillantes" (Horta Rodriguez, p. 41). On abandonne non seulement la création de ces "corps", mais aussi l’idée de leur intégration éventuelle dans l’armée, comme cela avait pu être envisagé antérieurement. 

Ainsi, les autorités renforcent des positions héritières de l’Ancien Régime qui trouveront leur consécration lors de la tenue du Congrès de Vienne, entre novembre 1814 et juin 1815. Schmitt considère d’ailleurs que ce Congrès peut se présenter comme une gigantesque œuvre de "Restauration", au sens propre comme au sens figuré : par-delà la "restauration" du principe de légitimité dynastique en Europe se trouve induit celui du droit classique de la guerre, mis à mal par la tornade révolutionnaire. C’est bien ce qu’annonce le règlement espagnol de 1814, qui sonne en fait comme une reprise en main, avec un retour à travers la « régularité » de l’armée, à la légitimité royale, une fois le danger passé.

Le problème délicat entre tous est celui de la réintégration de ces hommes dans la vie civile. Le règlement de 1812 avait prévu d’une manière imprécise mais néanmoins généreuse, la possibilité pour les officiers de la guérilla d’entrer dans l’armée. Le règlement de 1814 réaffirme encore cette possibilité, mais avec beaucoup plus de réserves. Il est stipulé que, "afin de ne pas porter préjudice en aucune manière aux classes méritantes de l’armée, ils occuperont, lorsqu’ils l’auront obtenu, à grade égal, un poste inférieur" (Horta Rodriguez, p.41). On ne saurait être plus explicite.

Les conséquences sur le plan européen induites par l’exemple espagnol de la guérilla et la légitimation juridico-politique qui lui est donnée sont considérables. Les différents règlements pour la guérilla espagnole constituent un précédent et un exemple décisif qui sera repris par d’autres pays en lutte contre Napoléon, notamment à travers l’Édit royal prussien d’avril 1813 – le Landsturm Ordnung –, puis lors de la campagne de Russie, voire bien au-delà. 

Le Congrès de Vienne qui suit la défaite de Napoléon apparaît certes comme une tentative inédite de Restauration de l’ancien nomos européen de la terre et du droit classique qui lui était afférent. Il semble même renvoyer le "partisan" aux oubliettes de l’Histoire. Mais, pour Carl Schmitt, c’était mal mesurer l’importance de ce qui venait de se passer. L’émergence de la figure conceptuelle du partisan au sein d’un cadre juridico-politique sans précédent avait irréversiblement sonné le glas du droit  "classique", et le fait est qu’il sera appelé au destin extraordinaire que l’on sait au XXe siècle.

David RIGOULET-ROZE
http://www.theatrum-belli.com

article paru dans les Cahiers du Centre d'Etudes d'Histoire de la Défense n°18 (2002)

NOTES :

1/ Littéralement "afrancisés", c'est-à-dire membres du parti pro-français.
2/ L'armée royale.
3/ Cf. Jover Zamora (José Maria), "La guerra de la Independencia Espanola en el marco de las guerras europas de liberacion (1808-1814)", in Historia de la guerra 1. La guerra de la Independencia Espanola y los sitios de Zaragoza, Universidad Ayuntamiento de Zaragoza, Saragosse, 1958, 636 pages, p. 41-165.
4/ Instruccion que Sa Majestad se ha dignado aprobar par el Corso terrestre contra los exécritos francesos, soumis par V. Alcala Galiano à la Junte Centrale.
5/ Selon le dictionnaire de la langue espagnole, le corso est "la campagne que les marchands, patentés par leur gouvernement, mènent contre les pirates ou les embarcations ennemies" ; la patente du corso, quant à elle, est une "cédule ou un brevet par lequel le gouvernement d'un État qui autorise un sujet à participer à l'expédition maritime contre les ennemis de la nation". Cf. Dictionario de la lengua espanola, Real Academia Espanola, Madrid, 1956, p. 374.
6/ Le règlement de 1812 fut publié à Cadix par Don Nicolas Gomez Requena.
7/ La régence avait déjà tenté de corriger par des décisions de portée limitée les abus que les règlements antérieurs n'ont pu que favoriser. Ainsi, le 15 septembre 1811, elle avait donné des instructions pour dissoudre les cuadrillas qui causent des torts à la population.
8/ La campagne de Russie s'achève en novembre 1812 par la Bérézina, et 1813 est l'année de la coalition générale contre Napoléon (Autriche, Russie, Prusse), lequel sera vaincu à la bataille de Leipzig en octobre 1813.

mardi, 27 septembre 2011

Clausewitz como pensador politico

Clausewitz como pensador politico

Por Sergio Prince C.

http://geviert.wordpress.com/

Los estudios sobre Clausewitz son abundantes en cantidad y calidad, por lo tanto, es aventurado escribir sobre este maestro de la estrategia y no caer en repeticiones y lugares comunes. Entre los más destacados estudiosos, podemos citar a Peter Paret, Profesor de Historia en la Universidad de Stanford y autor de una amplia gama de trabajos sobre temas militares y estratégico, entre los que destaca su trabajo titulado Clausewitz and the State (Paret, 1979); Michael Howard, historiador de la Universidad de Oxford (Howard, 1983) y Bernard Brodie, profesor de Ciencia Política en la Universidad de California, autor de varias obras de gran influencia en el pensamiento estratégico moderno. En el año 2005, se realizó una renovada  reflexión sobre Clausewitz en el congreso Clausewitz in the 21st Century organizado por la Universidad de Oxford, cuyos resultados fueron publicados el año 2007 (Strachan & Herberg – Rothe, 2007). En lo que va corrido de 2010, han aparecido cientos de trabajos que tratan de Clausewitz o que, a partir de él, estudian el fenómeno de la guerra y las relaciones internacionales. Así, Castro se ocupa de la guerra, la vida y la muerte reflexionando sobre Clausewitz a partir del psicoanálisis (Castro, 2010), Kaldor evalúa la vigencia de Clausewitz en tiempos de globalización (Kaldo, 2010), Sibertin-Blanc y  Richter (2010) visualizan a Deleuze y Guattari como lectores de Clausewitz (Sibertin-Blanc & Richter, 2010), Guha realiza un estudio sobre la guerra desde Clausewitz a la guerra de redes del siglo XXI (Guha, 2010) y Diniz realiza una comparación epistemológica entre Clausewitz y Keegan (Diniz, 2010), entre otras tantas obras que se pueden mencionar.

Ante este panorama y sin pretender erudición alguna, ruego al lector que disculpe los vacíos bibliográficos que puedan existir, pero ellos son de mi absoluta responsabilidad y resultado de las limitaciones propias de mi investigación. En esta sección, discutiré el alcance del dictum clausewitziano ‘la guerra es la continuación de la política por otros medios’. Mostraré que: 1.- Que el pensamiento del estratega prusiano va más allá de lo meramente militar y tiene una dimensión política; 2.- Qué esta dimensión se reconoce fundamentalmente a partir de de un documento elaborado por Clausewitz en febrero de 1812 y 3.- Que desde esta dimensión se puede entender con claridad la relación política-guerra absoluta en la cual se abre la posibilidad de afirmar que la política es continuación de la guerra por otros medios en una situación extrema.

Desde esta podemos decir que su afirmación sólo intenta separar lo político de lo estratégico y no indica compromiso alguno con la ontología ni la epistemología de la guerra en sí. La afirmación se puede entender como operacional- metodológica, sin considerar ningún compromiso existencial. En otras palabras, quiero mostrar que el dictum tiene un alcance limitado a la relación de lo político-militar y no pretende involucrarse en asuntos ontológicos. Entonces, me pregunto cuál es la relevancia de la sentencia de Clausewitz. En que ámbitos del conocimiento tiene mayor impacto ¿En la filosofía? ¿En la política? ¿En la estrategia? Como ya hemos insinuado, la lectura filosófica de esta frase se puede hacer desde, al menos, tres dimensiones. La ontológica, la epistemológica y la metodológica. Si nos preguntamos por la existencia de la guerra como continuación de la política, no es lo mismo que si nos preguntamos qué quiere decir esta afirmación, cómo sabemos lo que quiere decir y bajo qué condiciones cambiaríamos de opinión. Tampoco sería lo mismo que preguntarse cómo la guerra llega a ser la continuación de la política por otros medios. Las tres aproximaciones filosóficas demandan distintos tipos de respuestas. Ahora bien ¿Qué quiso decir Clausewitz con lo que dijo?

Antes de comenzar, creo que es necesario recordar que, para el año 1812, Clausewitz bajo las órdenes de Scharnhorst y Gneisenau, junto con sus colaboradores Boyen y Grolmann, eran parte activa del proceso de reformas militares  encaminadas a la formación de un ejército nacional. Pese a la reducción de tropas decretadas por Napoleón, los reformadores lograron implementar un sistema de reservistas por medio de la aplicación del sistema Krümper (adiestramiento rápido). Del mismo modo, establecieron un sistema de ascensos por mérito, prohibieron los castigos corporales y fundaron la Academia de Guerra. Estas actividades de orden castrense tendrían una enorme repercusión política, como veremos más adelante. Fue en febrero de este mismo año, en un documento llamado el Memorándum-Confesión, que  Clausewitz devela su genio como pensador político declarándose partidario de la lucha existencial contra Napoleón ya fuese a) como reacción espontánea del corazón y voz del sentimiento o b) Por motivos de razón política, que no se deja afectar por el miedo y que conduce a la conciencia de que Napoleón es el enemigo irreconciliable de Prusia, y que tampoco se dejará reconciliar por la sumisión o c) a base de un cálculo de la situación militar, cuya última y realmente desesperada esperanza es una sublevación popular armada. (Clausewitz C. V., 1966) (Schmitt, 1969, pág. 6).

 

El carácter peculiar de la enemistad existencial (política) que manifiesta Clausewitz contra Napoleón es lo que, en opinión de Schmitt, lo transforma en un  pensador político: “Como enemigo de Napoleón, Clausewitz llegó a ser el creador de una teoría política de la guerra. Dice Schmitt que lo fundamental de este documento es la respuesta a una pregunta clara: ¿Quién es el verdadero enemigo de Prusia? La respuesta, cuidadosamente pensada y reflexionada en toda su problemática, es: Napoleón, emperador de los franceses (Schmitt, 1969). Esta identificación certera del enemigo es una declaración política ya que coincide con lo esencialmente político: la identificación de quiénes son amigos y quiénes los enemigos. Mirando desde tal perspectiva, en esta declaración, Clausewitz realiza una confesión puramente política. Esta idea sobre el carácter político de la declaración del estratega se refuerza al momento de referirse a temas económicos y de la bancarrota económico-social que amenazaba a su patria debido a las acciones del Corso:

En su segunda confesión — que se refiere a la razón no afectada por el miedo — Clausewitz habla de la economía, que califica como “el principio vital más común de nuestra constitución social”. Recuerda la penosa situación económica que se derivó del bloqueo continental, el cataclismo que amenaza y que sería “una verdadera bancarrota, es decir, una bancarrota multiplicada de cada uno contra cada uno”, y que no se podría “comparar con una bancarrota estatal corriente”. La situación económica es la consecuencia de las medidas de un “general victorioso desde el Ebro hasta el Niemen” (Schmitt, 1969).

Quisiera agregar al comentario schmittiano un hecho que me parece relevante. En febrero de 1812, Federico Guillermo III había firmado un acuerdo con Napoleón por medio del cual le brindaba el apoyo de Prusia a Francia. La petición de Clausewitz resultaba altamente impertinente, en especial, por el carácter eminentemente político de esta. Tiempo después de escribir el memorándum, Clausewitz solicitó la baja del ejército y se dirigió, clandestinamente, a Rusia para apoyar al Zar en contra de Prusia con la esperanza de que el ejército zarista liberara a su patria del yugo francés. Estos son actos eminentemente políticos y refuerzan el carácter existencial de la lucha contra Napoleón a la que llama el estratega prusiano. Su viaje clandestino es otra declaración eminentemente política que va más allá de la fuerza de cualquier escrito. Clausewitz llevó el carácter político de sus confesiones a la práctica, aunque esto implicara luchar en contra sus camaradas de armas.

Otro rasgo que caracteriza el pensamiento puramente político de Clausewitz es su interés por la guerrilla española de 1808. La guerra de guerrillas es la guerra política por excelencia, el evento en donde con más claridad se aprecia que la política es la continuación de la guerra por otros medios ya que es una lucha existencial en donde se desata la violencia originaria justo después de reconocer y declarar al enemigo. Los guerrilleros españoles iniciaron una lucha en su patria chica mientras su rey no declaraba a su enemigo, no sabía quién era el enemigo. Al igual que el rey Federico Guillermo III el monarca español se debatía en un país dividido por la simpatía que su elite afrancesada sentía por Napoleón. Los guerrilleros con el mismo sentimiento de Clausewitz se preguntaron ¿Quién es el verdadero enemigo de España? Napoleón, emperador de los franceses respondieron y, con una decisión política sin igual y ajena a los monarcas, emprendieron una lucha existencial en contra del Corso. Los españoles estaban en condiciones de afirmar que por motivos de razón política – que no se deja afectar por el miedo – Napoleón era el enemigo irreconciliable de España. Esta es una declaración política soberana por que el redactor del texto declara al enemigo lo que llevara al fin a la incomprensión de los movimientos guerrilleros que incluso impulsaron la independencia de América. Pero el interés en la guerrilla no fue sólo de Clausewitz. Prusia recepcionó el espíritu guerrillero y lo transformo en norma jurídica.

A pesar que durante el siglo XIX el ejército prusiano-alemán era el más reputado del mundo su reputación se basaba en el hecho de ser un ejército regular que derrotaba a otros ejércitos regulares. Su primer encuentro con fuerzas “irregulares” ocurrió en la guerra franco-prusiana de 1870/1871, en territorio francés, cuando enfrentaron a un equipo de francotiradores. Lo “regular” primaba en el pensamiento militar. Por esta razón, el documento prusiano del 21 de abril de 1813 tiene una singular importancia (para Schmitt este documento es una especie de Carta Magna de la Guerrilla). El Landsturm establece que cada ciudadano está obligado a oponerse con toda clase de armas al invasor:

Hachas, herramientas de labranza, guadañas y escopetas se recomiendan en forma especial (en el § 43). Cada prusiano está obligado a no obedecer ninguna disposición del enemigo, y por el contrario, a causarle daño con todos los medios que se hallen a su alcance. Nadie debe obedecer al enemigo, ni siquiera cuando este trate de restablecer el orden público por que a través de ello se facilitan las operaciones militares del enemigo. Se dice expresamente que “los excesos de los malvivientes descontrolados” resultan menos adversos que una situación en la cual el enemigo puede disponer libremente de todas las tropas. Se garantizan represalias y terror instrumentado en defensa de los guerrilleros y se amenaza al enemigo con estas medidas (Schmitt, 2007b).

En Prusia no se llego a concretar una guerra de guerrillas contra Napoleón y el edicto fue modificado el 17 de julio de 1813. Corta vida, muy corta. Entonces, ¿cuál es la importancia de este edicto?           Es un documento oficial que legitima la guerrilla ante un grupo de intelectuales y militares extraordinariamente cultos – según la expresión de Schmitt – entre los que se contaba el filósofo Johann Gottlieb Fichte, Scharnhorst, Gneisenau y Clausewitz. El compromiso de este último con la guerrilla política y revolucionaria no fue menor. Relata el jurista de Plettenberg que el primer contacto con esta la tuvo a través de los planes insurreccionales prusianos de los años 1808 al 1813, luego fue conferencista entre 1810 a 1811 sobre la “guerra a pequeña escala” en la Escuela General de Guerra en Berlín. Se dice que fue uno de los especialistas militares más destacados de esta clase de guerra y no sólo en el sentido profesional: “para él, al igual que los demás reformadores de su círculo, la guerra de guerrillas se convirtió “de modo principal en una cuestión eminentemente política de carácter directamente revolucionario”. Citando al historiador militar Werner Hahlweg (1912–1989), Schmitt dice que la aceptación de la idea del pueblo en armas, insurrección, guerra revolucionaria, resistencia y sublevación frente al orden constituido todo eso es una gran novedad para Prusia, algo ‘peligroso’, algo que parecía caer fuera  de la esfera del Estado basado en el Derecho” (Schmitt, 2007b, pág. 28).

Otro aspecto que nos permite observar el carácter político del pensamiento de Clausewitz es la diferencia entre la enemistad ideológica de Fichte contra Napoleón y la enemistad política del estratega prusiano. Esto nos permite comprender al pensador político en su autonomía y en su carácter particular (Schmitt, 1969). A partir de 1807 aparece en la escena el gran enemigo de Fichte: Napoleón. Toda la enemistad que puede sentir un filósofo revolucionario se concentra ahora en Fichte contra el emperador francés tomando forma concreta. Fichte es el verdadero filósofo de la enemistad contra Napoleón. Se puede incluso decir que lo es en su mismísima existencia como filósofo. Su comportamiento frente a Napoleón es el caso paradigmático de una clase muy precisa de enemistad. Su enemigo Napoleón, el tirano, el opresor y déspota, el hombre que fundaría una nueva religión si no tuviera otro pretexto para subyugar el mundo, este enemigo es su propia pregunta como figura, un no-yo creado por su propio yo como contra-imagen de auto-enajenación ideológica. El impulso nacional-revolucionario de Fichte generó una amplia literatura, sin embargo, no llegó a penetrar en la conciencia de los alemanes. La idea de una legitimidad nacional-revolucionaria se disipó, cuando Napoleón estaba vencido y ya no había un enemigo en el campo de batalla. A pesar de esto, el breve contacto con el espíritu nacional-revolucionario, concentrado en los reformadores militares prusianos de 1807 a 1812, les llamó a tomar una decisión transcendental contra Napoleón e inspirar el documento político redactado por Clausewitz con la ayuda de Boyer (Schmitt, 1969).

Aunque Fichte con sus Discursos a la Nación Alemana puede ser considerado el padrino del Memorándum-Confesión clusewitziano de 1812 en este documento los reformadores del ejército prusiano se guiaron sólo por consideraciones políticas. No eran ni fundadores de religiones, ni teólogos; tampoco eran ideólogos ni utopistas. El libro De la guerra (Clausewitz C. V., On War, 1976) no fue escrito por un filósofo, sino por un oficial del Estado Mayor. Cualquier político inteligente puede leer, comprender y practicar este libro sin saber nada de Fichte y de su filosofía. La autonomía de las categorías de lo político – según Schmitt – se hace evidente: en el caso de Clausewitz las categorías políticas se imponen en toda su pureza, libres de todas las propagaciones ideológicas y utópicas del genial Fichte. Por su parte, el sociólogo francés Julien Freund demuestra que la teoría de la guerra como continuación de la política consigue que la guerra meramente militar se deje limitar encajándola en la realidad de lo político. Enemistad y guerra son inevitables. Lo que importa en su delimitación. Hay que evitar el desencadenamiento inhumano de los medios de destrucción que proporciona el progreso científico. Según Freund, el objeto de la lucha política no es la destrucción del enemigo, sino arrebatarle el poder. También Clausewitz entiende la llamada “batalla de destrucción” como una competición de fuerzas, entre dos ejércitos organizados, lo cual no indica la destrucción de una parte de la humanidad por la otra (Freund, 1968, págs. 746 – 752). En otras palabras Clausewitz no pensaba en una guerra de aniquilación sino que en una guerra limitada, encajada por lo político, una guerra política llevada adelante por otros medios. En resumen, Clausewitz puede ser considerado tanto un pensador estratégico como tanto como político. La evidencia de este hecho nos la brinda el Manifiesto- Confesión de febrero de 1812 recogido por Carl Schmitt (Clausewitz C. V., 1966).De aquí se desprende su interés por la guerrilla española de 1808 – 1813 así como las diferencias de su pensamiento con las del filósofo Fichte. Esta distinción corrobora el carácter político de su pensamiento que se expresa claramente cuando afirma que existe al menos un  tipo de guerra, la absoluta, en la cual hay coincidencia entre el objetivo propiamente militar y la meta política. Es en este momento en el que la guerra puede usurpar  el lugar de la política. Si esto llegara a ocurrir, podríamos afirmar que al menos existe una circunstancia bajo la cual la política es la continuación de la guerra por otros medios.

jeudi, 22 septembre 2011

Carl Schmitt toujours plus actuel

Carl Schmitt toujours plus actuel

par Georges FELTIN-TRACOL

 

« Une métamorphose de la notion d’espace est aujourd’hui en marche, en profondeur, sur un large front, dans tous les domaines de la pensée et de l’action humaines (p. 198) », relève en observateur avisé Carl Schmitt en 1941. Lancée par la Première Guerre mondiale, accélérée par la Seconde, amplifiée par la Décolonisation, la Guerre froide et la construction européenne, puis d’autres ensembles régionaux (A.S.E.A.N., Mercosur, Union africaine…), cette mutation majeure arrive à sa plénitude dans la première décennie du XXIe siècle.

 

Les deux textes de Carl Schmitt, « Le tournant vers le concept discriminatoire de la guerre » et « Le droit des peuples réglé selon le grand espace proscrivant l’intervention de puissances extérieures. Une contribution au concept d’empire en droit international », qu’éditent en un seul volume les Éditions Krisis, agrémentés d’une préface de Danilo Zolo, d’un appareil rigoureux de notes et d’explications réalisé par Günter Maschke et assortis en appendices de deux articles hostiles d’un juriste S.S., Werner Best, apportent une nouvelle fois une puissante confirmation au cours du monde. À l’heure où l’Occident bombarde la Libye, sanctionne la Syrie et l’Iran, intervient au Kossovo, en Irak, en Afghanistan, en Côte d’Ivoire ou au Congo ex-Zaïre, les pertinences de l’auteur de la Théorie de la Constitution apparaissent visionnaires.

 

 

En dépit d’approches apparentes dissemblables, ces deux écrits sont en réalité complémentaires. En juriste classique, Schmitt considère que « le droit international, jus gentium, donc droit des gens ou des peuples, est un ordre concret, que détermine d’abord l’appartenance des personnes à un peuple et à un État (p. 144) ». Or les traités de paix de 1919 et la fondation de la Société des nations (S.D.N.) explicitement responsable du maintien de la paix entre les États, modifient le cadre juridique traditionnel. Le S.D.N., organisme supranational et embryon d’une direction politique mondiale, réhabilite les notions de « guerre juste » et de « guerres injustes », ce qui est une véritable révolution. Jusqu’en 1914, « le droit international est bel et bien un “ droit de la guerre et de la paix ”, jus belli ac pacis, et le restera tant qu’il sera un droit des peuples autonomes, organisés dans un cadre étatique, c’est-à-dire : tant que la guerre entre États, et non une guerre civile internationale (p. 41) ». Avec la nouvelle donne, Schmitt remarque que « la problématique du droit de la S.D.N. […] a très clairement mis en évidence qu’il n’agit plus, et ce depuis longtemps, de normes nouvelles, mais d’ordres nouveaux auxquels de très concrètes puissances s’efforcent de donner forme concrète (p. 47) ». Émanant du trio occidental États-Unis – France – Grande-Bretagne, une soi-disant « communauté internationale » (qui ignore la Chine, l’Inde, le Brésil, la Russie) cherche à s’imposer avec la ferme intention d’exercer un droit de regard total sur les autres souverainetés étatiques. La S.D.N. semblait prêt à susciter un tel ensemble constitutionnel planétaire flou dont la loi fondamentale deviendrait un droit international supérieur au droit des États. Dans cette perspective, « tout individu est donc en même temps citoyen du monde (au plein sens juridique du terme) et citoyen d’un État (p. 59) ».

 

Carl Schmitt devine déjà le déclin de l’État-nation, d’autant que celui-ci se retrouve sous la menace permanente de rétorsion, car, dans cette nouvelle configuration, « pour défendre la vie et la liberté des individus, même ressortissants de l’État en question, les autres gouvernements, et tout particulièrement la S.D.N., possèdent en droit international la compétence de l’intervention […]. L’intervention devient une institution juridique normale, centrale dans ce système (p. 59) ». Il en résulte un incroyable changement de paradigme dans les relations inter-étatiques. « Dès lors par conséquent qu’un ordre de droit international distingue, en vertu d’une autorité supra-étatique reconnue par les États tiers, entre guerres justifiées et injustifiées (entre deux États), l’opération armée n’est autre, du côté justifié, que mise en œuvre du droit, exécution, sanction, justice ou police internationale; du côté injustifiée, elle n’est que résistance à une action légitime, rébellion ou crime, autre chose en tous cas que l’institution juridique connue sous le nom de “ guerre ” (pp. 86 – 87). » Ces propos présentent une tonalité particulièrement actuelle avec l’existence du T.P.I.Y. (Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie) ou de la C.P.I. (Cour pénale internationale).

 

Ne nous étonnons pas ensuite que les pouvoirs occidentaux violent leurs propres constitutions. De même qu’en 1939, contre la Serbie en 1999, puis contre la Libye en 2011, les organes législatifs étatsunien, britannique ou français n’ont jamais voté la moindre déclaration de guerre. Ils ne font qu’entériner a posteriori la décision belliciste de leurs exécutifs. Il ne s’agit pas, pour ces derniers, de combattre un ennemi; il s’agit plutôt d’extirper une manifestation du Mal sur Terre. Par ailleurs, les opinions manipulées n’aiment pas le mot « guerre ». En revanche, les expressions « maintien de la paix », « défense des populations civiles », « lutte contre la dictature sanguinaire et pour la démocratie et les droits de l’homme » permettent l’adhésion facile des masses aux buts de guerre de l’hyper-classe oligarchique.

 

Bien avant George W. Bush et ses « États-voyous », Carl Schmitt parle d’« État-brigand (p. 91) ». Mieux, dès 1937, il décrit la présente époque : « lorsqu’on exerce des sanctions ou des mesures punitives de portée supra-étatique, la “ dénationalisation ” de la guerre entraîne habituellement une différenciation interne à l’État et au peuple, dont l’unité et la cohésion subissent un clivage discriminatoire imposé de l’extérieur, du fait que les mesures coercitives internationales, à ce qu’on prétend du moins, ne sont pas dirigées contre le peuple, mais seulement contre les personnes se trouvant exercer le pouvoir et leurs partisans, qui cessent par lui-même de représenter leur État ou leur peuple. Les gouvernants deviennent, en d’autres termes, des “ criminels de guerre ”, des “ pirates ” ou – du nom de l’espèce moderne et mégalopolitaine du pirate – des “ gangsters ”. Et ce ne sont pas là des expressions convenues d’une propagande survoltée : c’est la conséquence logique, en droit, de la dénationalisation de la guerre, déjà contenue dans la discrimination (p. 90) ». On croirait que Schmitt commente les événements survenus à Belgrade, à Bagdad ou à Tripoli !

 

La distinction entre le peuple et ses dirigeants tend même à s’effacer. Pressentant l’hégémonie du tout-anglais simplifié, Carl Schmitt remarque : « lorsqu’un grand peuple fixe de sa propre autorité la manière de parler et même de penser des autres peuples, le vocabulaire, la terminologie et les concepts, c’est là un signe de puissance politique incontestable (note 53, p. 169) ». Et on n’était alors qu’aux balbutiements de la radio, du cinéma et de la télévision ! L’intervention n’est pas que militaire; elle comporte aussi des facettes économiques et culturelles indéniables. Plus que les dirigeants, les idéologies ou les États, ce sont les peuples que le nouveau droit international entend éliminer. Jugeant que « l’individualisme et l’universalisme sont les deux pôles entre lesquels se meut ce système de droit international (p. 57) », Carl Schmitt prévoit qu’« avant de supprimer le concept de guerre et de passer de la guerre des États à la guerre civile internationale, il faut supprimer l’organisation étatique des peuples (p. 93) ». En outre, il importe d’exclure dans ce nouveau contexte la notion de neutralité qui amoindrirait toute intervention militaire internationale.

 

En partant du fait que « tout ensemble ordonné de peuples sédentaires, vivant côte à côte en bonne intelligence et dans le respect réciproque, relève, outre les déterminations personnelles, de l’espace ordonné d’un territoire concret (p. 144) », Carl Schmitt préconise le recours au grand espace et à l’empire. « Les mots de “ grand espace ” expriment pour nous la métamorphose des représentations de l’espace terrestre et de ses dimensions qui dicte son cours à la politique internationale d’aujourd’hui […]. Le “ grand espace ” est pour nous une notion d’actualité, concrète, historico-politique (p. 145) ». Par maintes références, Schmitt montre qu’il a lu les écrits de Karl Haushofer et qu’il suit avec un intérêt certain les nombreux travaux des géographes allemands. Dès cette époque, il nourrit sa réflexion des apports du droit et de la géopolitique.

 

Admirateur de l’État-nation, en particulier dans ses formulations française et espagnole, l’auteur n’abandonne pas le concept. Il considère seulement que tous les peuples n’ont pas à avoir leur propre État parce qu’« il faut aujourd’hui, pour un nouvel ordre planétaire, pour être apte à devenir un sujet de premier plan du droit international, un potentiel énorme, non seulement de qualités “ naturelles ”, données telles quelles par la nature, mais aussi de discipline consciente, d’organisation poussée, et la capacité de créer par ses propres forces et de gouverner d’une main sûre l’appareil d’une collectivité moderne, qui mobilise un maximum d’intelligence humaine (p. 185) ». L’empire s’impose donc dès lors.

 

On ne doit pas croire pour autant que « l’empire est plus qu’un État agrandie (p. 192) ». L’empire dépasse, transcende les souverainetés étatiques, nationales, par sa souveraineté spatiale. « L’ordre du grand espace appartient à la notion d’empire, grandeur spécifique du droit international. […] Sont “ empires ” […] les puissances dirigeantes porteuses d’une idée politique rayonnant dans un grand espace déterminé, d’où elles excluent par principe les interventions de puissances étrangères. Le grand espace n’est certes pas identique à l’empire, au sens où l’empire serait lui-même le grand espace qu’il protège des interventions […]. Mais il est certain que tout empire possède un grand espace où rayonne son idée politique, et qui doit être préservé de l’intervention étrangère. La corrélation de l’empire, du  grand espace et du principe de non-intervention est fondamentale (pp. 175 – 176). » Carl Schmitt aimerait que l’empire et le grand espace soient l’alternative à la fallacieuse « communauté internationale ».

 

On sait que l’auteur a élaboré la théorie du grand espace à partir du précédent étatsunien avec la doctrine Monroe (« L’Amérique aux Américains »). Au cours d’un discours devant le Congrès en 1823, le président James Monroe (1817 – 1825) apporte son soutien à l’émancipation des colonies espagnoles d’Amérique et dénie à la Sainte-Alliance qu’il pense fomentée depuis Londres (1) le droit d’intervenir et de rétablir l’ordre colonial. Tout au long du XIXe siècle, l’hémisphère occidental, l’ensemble continental américain, du détroit de Béring au Cap Horn, va se transformer progressivement en un espace privilégié de l’influence, directe ou non, des Étatsuniens, leur « jardin », leur « arrière-cour ». Cette doctrine n’empêchera toutefois pas la guerre de l’Espagne contre le Pérou de 1864 à 1866. Napoléon III tentera, lui aussi, de contrecarrer cette logique de domination spatiale par son action militaire au Mexique entre 1861 et 1867. Longtemps tellurocratique avec la guerre contre le Mexique (1846 – 1848) et la « conquête de l’Ouest », les États-Unis prennent une nette orientation thalassocratique après la Guerre de Sécession (1861 – 1865) (2). Ils achètent à la Russie l’Alaska en 1867, annexent les îles Hawaï en 1898, battent l’Espagne la même année, imposent un protectorat à Cuba et aux Philippines, s’emparent de Porto Rico et d’une partie des îles Vierges dans les Antilles, fomentent la sécession du Panama contre la Colombie en 1903 et achèvent le creusement du canal transocéanique. Cette politique s’accomplit vraiment sous la présidence de Theodore Roosevelt (1901 – 1909) avec des interventions militaires répétées en Amérique centrale et la médiation de paix entre la Russie et le Japon en 1905. Toutes ces actions démontrent l’intention de Washington de surveiller le continent américain en l’encadrant par le contrôle des marges maritimes et océaniques. Dès la fin des années Trente, Schmitt comprend que la Mer est « un “ espace ” de domination humaine et de déploiement effectif de la puissance (p. 190) ».

 

Toutefois, Carl Schmitt ne souhaite pas généraliser son raisonnement. Il insiste sur l’inadéquation des perceptions géostratégiques étatsuniennes et britanniques. Le grand espace étatsunien va à l’encontre de la stratégie de Londres qui « ne porte pas sur un espace déterminé et cohérent, ni sur son aménagement interne, mais d’abord et avant tout sur la sauvegarde des liaisons entre les parties dispersées de l’empire. Le juriste, surtout de droit international, d’un tel empire universel tendra donc à penser, plutôt qu’en espaces, en routes et voies de communication (pp. 163 – 164) ». En effet, « l’intérêt vital des routes maritimes, des lignes aériennes (air-lines), des oléoducs (pipe-lines) est incontestable dans l’empire disséminé des Britanniques. Disparité et opposition, en droit international, entre pensée spatiale et pensée des voies et des routes, loin d’être abolies ou dépassées, ne font que se confirmer (p. 164) ». Au zonisme continental, Schmitt met donc en évidence le linéairisme ou le fluxisme du dessein britannique et surtout anglais depuis John Dee et le XVIe siècle (3). Il en ressort que « le mode de pensée juridique qui va de pair avec un empire sans cohérence géographique, dispersé sur toute la planète, tend de lui-même aux arguments universalistes (p. 163) ». Parce que les Britanniques entendent s’assurer de la sécurité de leurs voies de communication afin de garantir le commerce maritime et la sûreté de navigation, Londres pense le monde en archipels épars alors que Monroe et ses successeurs le voient en continents.

 

Devenue puissance mondiale au cours du XXe siècle, les États-Unis adoptent à leur tour la vision britannique au grand dam des « paléo-conservateurs » et pour le plus grand plaisir des néo-conservateurs ! Avant de connaître la passation définitive du sceptre de Neptune de Londres à Washington, Carl Schmitt explique que « la “ liberté ” n’est […] rien d’autre, dans les crises de la politique, qu’une périphrase de l’intérêt, aussi particulier que compréhensible, de l’empire britannique pour les grandes voies de circulation du monde (p. 168) ». Cela implique la dissolution de toute structure ferme et l’avènement d’un brouillard conceptuel perceptible dans la formulation du droit. « Aujourd’hui, la vraie question n’est donc plus : guerre juste ou injuste, autorisée ou non autorisée ? Mais : guerre ou non-guerre ? Quant au concept de neutralité, on est déjà rendu à l’alternative : y a-t-il encore neutralité ou n’y en a-t-il plus ? (p. 85) »

 

Contre cette tendance lourde, Carl Schmitt propose le grand espace et l’empire comme concepts ordonnateurs et vecteurs du nouvel ordre de la Terre garant de la pluralité des groupes politiques humains enchâssés sur leurs terrains, leurs sites, leurs terroirs parce que « tout ordre concret, toute communauté concrète ont des contenus locaux et spatiaux spécifiques (p. 205) ». De fort belles réflexions à lire d’urgence et à méditer longuement ! Gageons enfin que cette parution déplaira à Yves Charles Zarka. On s’en réjouit d’avance !

 

Georges Feltin-Tracol

 

Notes

 

1 : Cette hostilité envers la Grande-Bretagne n’est pas surprenante. La Seconde Guerre d’Indépendance américaine entre 1812 et 1815 était encore dans toutes les mémoires avec l’incendie en 1814 de la Maison Blanche de la Maison Blanche. L’apaisement définitif entre Londres et Washington se produira vers 1850.

 

2 : On peut néanmoins déceler des velléités thalassocratiques bien avant 1865. La Quasi-Guerre (1798 – 1800) contre la France est uniquement un conflit naval et économique. En août 1815, la marine de guerre étasunienne intervient en Méditerranée contre les pirateries d’Alger, de Tunis et de Tripoli (qui avait déclaré la guerre à la jeune République étatsunienne entre 1803 et 1805). En 1816, Washington négocia auprès du royaume des Deux-Siciles une base militaire et économique sur l’île de Lampedusa. Les États-Unis durent renoncer à ce projet devant le mécontentement de Londres.

 

3 : cf. Philippe Forget, « Liens de lutte et réseaux de guerre », dans Krisis, n° 33, « La guerre ? », avril 2010, en particulier pp. 149 – 153.

 

• Carl Schmitt, Guerre discriminatoire et logique des grands espaces, Paris, Éditions Krisis (5, rue Carrière-Mainguet, 75011 Paris), 2011, 289 p., 25 €, préface de Danilo Zolo, notes et commentaires de Günter Maschke, traduction de François Poncet.


Article printed from Europe Maxima: http://www.europemaxima.com

samedi, 23 juillet 2011

Carl Schmitt: Total Enemy, Total State & Total War

Total Enemy, Total State, & Total War

Carl SCHMITT

Ex: http://www.counter-currents.com/

 Translated by Simona Draghici

Editor’s Note:

The following translation from Carl Schmitt appears online for the first time in commemoration of Schmitt’s birth on July 11, 1888. The translation originally appeared in Carl Schmitt, Four Essays, 1931–1938, ed. and trans. Simona Draghici (Washington, D.C.: Plutarch Press, 1999).

I

cs.jpgIn a certain sense, there have been total wars at all times; a theory of the total war, however, presumably dates only from the time of Clausewitz who would talk of “abstract” and “absolute” wars.”[1] Later on, under the impact of the experiences of the last Great War, the formula of total war has acquired a specific meaning and a particular effectiveness. Since 1920, it has become the prevailing catchword. It was first brought out in sharp relief in the French literature, in book titles like La guerre totale. Afterwards, between 1926 and 1928, it found its way into the language of the proceedings of the disarmament committee at Geneva. In concepts such as “war potential” (potentiel de guerre), “moral disarmament” (désarmement moral) and “total disarmament” (désarmement total). The fascist doctrine of the “total state” came to it by way of the state; the association yielded the conceptual pair: total state, total war. In Germany, the publication of the Concept of the Political has since 1927 expanded the pair of totalities to a set of three: total enemy, total war, total state. Ernst Jünger’s book of 1930 Total Mobilization made the formula part of the general consciousness. Nonetheless, it was only Ludendorff’s 1936 booklet entitled Der Totale Krieg (The Total War) that lent it an irresistible force and caused its dissemination beyond all bounds.

The formula is omnipresent; it forces into view a truth whose horrors the general consciousness would rather shun. Such formulas, however, are always in danger of becoming widespread nationally and internationally and of being degraded to summary slogans, to mere gramophone records of the publicity mill. Hence some clarifications may be appropriate.

(a) A war may be total in the sense of summoning up one’s strength to the limit, and of the commitment of everything to the last reserves.[2] It may also be called total in the sense of the unsparing use of war means of annihilation. When the well-known English author J. F. C. Fuller writes in a recent article, entitled “The First of the League Wars, Its Lessons and Omens,” that the Italian campaign in Abyssinia was a modern total war, he only refers to the use of efficacious weapons (airplanes and gas), whereas looked at from another vantage point, Abyssinia in fact was not capable of waging a modern total war nor did Italy use its reserves to the limit, reach the highest intensity, and lead to an oil blockade or to the closing of the Suez Canal, because of the pressure exerted through the sanctions imposed by the League of Nations.

(b) A war may be total either on both sides or on one side only. It may also be deliberately limited, rationed and measured out, because of the geographical situation, the war technique in use, and also the predominant political principles of both sides. The typical 18th-century war, the so-called “cabinet war,” was essentially and deliberately a partial war. It rested on the clear segregation of the soldiers participating in the war from the non-participant inhabitants and non-combatants. Nevertheless, the Seven Years War of Frederick the Great was relatively total, on Prussia’s side, when compared with the other powers’ mobilization of forces. A situation, typical of Germany, showed itself readily in that case: the adversity of geographical conditions and the foreign coalitions compelled a German state to mobilize its forces to a higher degree than its more affluent and fortunate bigger neighbors.[3]

(c) The character of the war may change during the belligerent showdown. The will to fight may grow limp or it may intensify, as it happened in the 1914–1918 world war, when the war trend on the German side towards the mobilization of all the economic and industrial reserves soon forced the English side to introduce general conscription.

(d) Finally, some other methods of confrontation and trial of strength, which are not total, always develop within the totality of war. Thus for a time, everyone seeks to avoid a total war which naturally carries a total risk. In this way, after the world war, there were the so-called military reprisals (the 1923 Corfu Conflict, Japan-China in 1932), followed by the attempts at non-military, economic sanctions, according to Article 16 of the Covenant of the League of Nations (against Italy, autumn 1935), and finally, certain methods of power testing on foreign soil (Spain 1936–1937) emerged in a way that could be correctly interpreted only in close connection with the total character of modern warfare. They are intermediate and transitional forms between open war and true peace; they derive their meaning from the fact that total war looms large in the background as a possibility, and an understandable caution recommends itself in the delineation of the conflictual spaces. Likewise, it is only from this point of view that they can be grasped by the science of international law.

II

The core of the matter lies in warfare. From the nature of the total war one may grasp the character and the whole aspect of state totality; from the special character of the decisive weapons one may deduce the peculiar character and aspect of the totality of war. But it is the total enemy that gives the total war its meaning.[4]

The different services and types of warfare, land warfare, sea warfare, air warfare, they each experience the totality of war in a particular way. A corresponding world of notions and ideas piles on each of these types of warfare. The traditional notions of “levée en masse” (levy), “nation armée” (nation in arms), and “Volk in Waffen” (the people in arms) belong to land warfare.[5] Out of these notions emerged the continental doctrine of total war, essentially as a doctrine of land warfare, and that thanks mainly to Clausewitz. Sea warfare, on the other hand, has its own strategic and tactical methods and criteria; moreover, until recently, it has been first and foremost a war against the opponent’s trade and economy, whence a war against non-combatants, an economic war, which by its laws of blockade, contraband, and prizes, drew neutral trade into the hostilities, as well. Air warfare has not so far built up a similar fully-fledged and independent system of its own. There is no doctrine of air warfare yet that would correspond to the world of notions and concepts accumulated with regard to land and sea warfare. Nonetheless, as a consequence of air warfare, the overall configuration sways in the main towards a three-dimensional total war.

The “if” of a total war is beyond any doubt today. The “how” may vary. The totality is perceptible from opposite vantage points. Hence the standard type of guide and leader in a total war is necessarily different. It would be too simple an equation to accept that the soldier will step into the centre of this totality as the prevailing type in a total war to the same extent as in other kinds of wars previously.[6] If, as it has been said, total mobilization abolishes the separation of the soldier from the civilian, it may very well happen that the soldier changes into a civilian as the civilian changes into a soldier, or both may change into something new, a third alternative. In reality, it all depends on the general character of the war. A real war of religion turns the soldiers into the tools of priests or preachers. A total war that is waged on behalf of the economy becomes the tool of economic power groups. There are other forms in which the soldier himself is the typical model and the ascending expression of the character of the people. Geographical conditions, racial and social peculiarities of all kinds, are factors that determine the type of warfare waged by great nations. Even today it is unlikely that a nation could engage in all the three kinds of warfare to a degree equal to the three-dimensional total war. It is probable that the centre of gravity in the deployment of forces will always rest with one or the other of the three kinds of warfare and the doctrine of total war will draw on it.[7]

Until now the history of the European peoples has been dominated by the contrast of the English sea warfare with the Continental land warfare. It is not a matter of “traders and heroes” or that sort of thing, but rather the recognition that any of the various kinds of warfare may become total, and out of its own characteristics generate a special world of notions and ideals as its own doctrine and also relevant to international and constitutional law, particularly in the assessment of the soldier’s worth and of his position in the general body of the people. It would be a mistake to regard the English sea warfare of the last three centuries in the light of the total land warfare of Clausewitz’s theory, essentially as mere trade and economic but not total warfare, and to misinterpret it as unconnected with and markedly different from totality. It is the English sea warfare that generated the kernel of a total world view.[8]

The English sea warfare is total in its capacity for total enmity. It knows how to mobilize religious, ideological, spiritual, and moral forces as only few of the great wars in world history have done. The English sea warfare against Spain was a world-wide combat of the Germanic and Romance peoples, between Protestantism and Catholicism, Calvinism and Jesuitism, and there are few instances of such outbursts of enmity as intense and final as Cromwell’s against the Spaniards. The English war against Napoleon likewise changed from a sea war into a “crusade.” In the war against Germany between 1914 and 1918, the world-wide English propaganda knew how to whip up enormous moral and spiritual energies in the name of civilization and humanity, of democracy and freedom, against the Prussian-German “militarism.” The English mind had also proved its ability to interpret the industrial-technical upsurge of the 19th century in the terms of the English worldview. Herbert Spencer drew an extremely effective picture of history that was disseminated all over the world, in countless works of popularization, the propagandistic force of which proved its worth in the 1914–1918 World War. It was the philosophy of mankind’s progress, presented as an evolution from feudalism to trade and industry, from the political to the economic, from soldiers to industrialists, from war to peace. It portrayed the soldier essentially as Prussian-German, eo ipso “feudal reactionary,” a “medieval” figure standing in the way of progress and peace. Moreover, out of its specificity, the English sea warfare evolved a full, self-contained system of international law. It asserted itself and its own concepts held on their own against the corresponding concepts of Continental international law throughout the 19th century. There is an Anglo-Saxon concept of enemy, which in essence rejects the differentiation between combatants and non-combatants, and an Anglo-Saxon conception of war that incorporates the so-called economic war. In short, the fundamental concepts and norms of this English international law are total as such and certainly indicative of an ideology in itself total.

Finally, the English constitutional regulations turned the subordination of the soldiers to the civilians into an ideological principle and imposed it upon the Continent during the liberal 19th century. By those standards, civilization lies in the rule of the bourgeois, civilian ideal which is essentially unsoldierly. Accordingly, the constitution is always but a civil-bourgeois system in which, as Clemenceau put it, the soldier’s only raison d’être is to defend the civilian bourgeois society, while basically he is subject to civilian command. The Prussian soldier state carried on a century-long political struggle on the home front against this bourgeois constitutional ideal. It succumbed to it in the Autumn of 1918. The history of Prussian Germany’s home politics from 1848 to 1918 was a ceaseless conflict between the army and parliament, an uninterrupted battle which the government had to fight with the parliament over the structure of the army, and the army budget necessary to make ready for an unavoidable war, that were determined not by the necessities of foreign policy but rather by compromises regarding internal policy. The dictate of Versailles, which stipulated the army’s organization and its equipment to the smallest detail, in an agreement of foreign policy, was preceded by half a century of periodical agreements of internal policy between the Prussian-German soldier state and its internal policy opponents, in which all the details of the organization and the equipment of the army had been decided by the internal policy. The conflict between bourgeois society and the Prussian soldier state led to an unnatural isolation of the War Office from the power of command and to many other separations, consistently rooted in the opposition between a bourgeois constitutional ideal imported from England either directly or through France and Belgium, on the one hand, and the older constitutional ideal of the German soldiery, on the other.[9]

Today Germany has surmounted that division and achieved a close integration of its soldier force.[10] Indeed, attempts will not fail to be made to describe it as militarism, in the manner of earlier propaganda methods, and to hold Germany guilty of the advent of total war. Such questions of guilt too belong to the totality of the ideological wrangles. Le combat spirituel est aussi brutal que la bataille d’hommes (spiritual combat is as brutal as the battles of men). Nonetheless, before nations stagger into a total war once more, one must raise the question whether a total enmity truly exists among the European nations nowadays. War and enmity belong to the history of nations. But the worst misfortune only occurs wherever the enmity is generated by the war itself, as in the 1914–1918 war, and not as it would be right and sensible, namely that an older, unswayed enmity, true and total to the Day of Judgment, should led to a total war.

Translator’s Notes

Originally published in Völkerbund und Völkerrecht, vol. 4, 1937, this essay was reproduced in Posirionen und Begriffe im Kampf mit Weimar-Gent-Versailles, 1929–1939, (Hamburg, 1940), pp. 235–239.

1. General Carl von Clausewitz (1780–1831) is best known for his book Vom Kriege, never finished and published posthumously, which incidentally has been translated into English under the title On War. There are numerous versions available in print.

2. Carl Schmitt’s own political principles of “will” and “energy,” components of his qualitative concept of total state, derive from this characteristic feature of “total war”: collective determination to assume a cause considered worthwhile and unreserved commitment to its fulfillment. As a generalized rallying around and enthusiasm for a cause and a particular course of action, it is a frequent phenomenon of social psychology, yet its usually ephemeral character makes it unfit as a durable basis of any social structure. I remember the enthusiasm with which in 1982, to a man, the Argentines, for instance, rallied to the idea of going to war to free the Maldives and hurried to put it into practice, and the accompanying hatred which grew against the British. The enthusiasm cooled off quickly, but not the hatred, which lingered on. To perpetuate the enthusiasm, a plethora of other factors have to be brought in, of which, in the case of Germany at the beginning of the ’thirties, Carl Schmitt actually had not a clue.

3. The “lesson” is in keeping with the Hitlerite Frederician cult and legitimating tradition and does not claim to be historically accurate. Although a digression that seems out of place, it has a certain significance for the time it was made. In the autumn of 1936, Hitler circulated a memorandum revealing his expansionist intentions. Then in 1937, the organization of the nation to serve those intentions began, a process which coincided with the rise of the SS state. In November of the same year the German media were ordered to keep silent about the preparations for a “total war.” Bearing all that in mind, Schmitt’s short digression reads more as a warning of danger than a point of military strategy.

4 . What is interesting here is his insistence on the existential essence of the phenomenon, which is consonant with his earlier definition of the political and at the same time renders the distinction between the professional soldier and the civilian meaningless. Moreover, total enmity with its implicit elimination of the adversary excludes any prospect of a peace treaty, as the war is to go on until one of the belligerents is annihilated.

5. Das Volk in Waffen (The Nation in Arms) happens to be the title of a work on total war by Colmar von der Goltz (1843–1916), published in 1883, and which is an important stepping stone in the reflection on modern warfare that led to Ludendorff’s book.

6. At the beginning of February 1938, Adolf Hitler became commander in chief of the German armed forces, appointing General Keitel his assistant at the head of the High Command of the Armed Forces, as the War Ministry was dissolved.

7. Eventually only the Soviet Union came closest to Carl Schmitt’s expectations, while the United States waged a fully-fledged three-dimensional war, dictated by its geographical position and sustained by its vast economic and technical resources most of which remained outside the battle zone.

8. For a broader treatment of the subject-matter see Carl Schmitt’s Land und Meer, which as Land and Sea is available in an English translation (Washington, D.C.: Plutarch Press, 1997).

9. The conflict between the civil society and the military in Germany was the subject-matter of a longer essay by Carl Schmitt, published in Hamburg in 1934 under the title Staatsgefüge und Zusammenbruch des Zweites Reiches. Der Sieg des Burgers über den Soldaten (The State Structure and the Collapse of the Second Reich. The Burghers’ Victory Over the Soldiers).

 

10. Röhm, the ideological soldier, had been eliminated in 1934, at the same time as the political soldiers, the Generals von Schleicher and von Bredow. Furthermore, as already mentioned in note 6 above, the War Ministry ceased to exist at the beginning of 1938, while the Commander in Chief, Field Marshal Werner von Blomberg was removed from his post for having compromised himself by marrying a “lady with a past,” and his prospective successor, General von Fritsch was forced to resign on a trumped-up Charge of homosexuality. At the same time, sixteen other generals were retired and forty-four were transferred. Göring who had been very active in carrying out this “integration” got for it only the title of field marshal, as Hitler kept for himself the supreme military command.

 


Article printed from Counter-Currents Publishing: http://www.counter-currents.com

URL to article: http://www.counter-currents.com/2011/07/total-enemy-total-state-and-total-war/

mercredi, 06 juillet 2011

Un message du polémarque

 

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Un message du polémarque...

Cette semaine, Le Polémarque rend un hommage mérité au colonel Olrik (qui rime avec héroïque) via la plume enjouée de Jean-Jacques Langendorf et en profite pour saluer les années Cancer ! comme il se doit. A lire sur :

lepolemarque.blogspot.com

"On s'engage puis on voit"

Général von Verdy du Vernois

lundi, 30 mai 2011

Point de situation

Point de situation

Ex: http://lepolemarque.blogspot.com/

Le professeur Bernard Wicht, dont les Éditions Le Polémarque ont publié dernièrement l’essai Une nouvelle Guerre de Trente Ans ?, intervient de manière régulière en séances théoriques dans le cadre des formations proposées par l’association NDS* pour le développement des techniques de défense citoyenne. Diffusés sous forme de fiches synthétiques et remaniés en permanence, ces cours feront dès la rentrée de septembre 2011 l’objet de la nouvelle collection « Paysages Stratégiques » des Éditions Le Polémarque. Son ambition, modeste dans ses moyens mais réelle en terme d’impact, sera d’apporter aux lecteurs soucieux d’affronter les transformations structurelles irréversibles à l’œuvre à l’intérieur de notre société (B. Wicht parle sans détour de « la fin de l’ancien monde », annoncée par « la fin de l’État moderne »), les armes conceptuelles nécessaires pour mieux comprendre notre époque, afin de mieux la surmonter**.
Le « point de situation » que nous reproduisons ci-dessous, avec l’aimable autorisation de NDS, résume l’orientation générale du projet.

L. Schang


* Neurone Défense Système (nds-ch.org). Pour joindre son alter ego français, l’ACDS (Académie du Couteau et de la Défense en Situation), voir le site acds-fr.org.


** Selon cette autre formulation empruntée à l’auteur de L’idée de milice et le modèle suisse dans la pensée de Machiavel (L’Âge d’Homme, 1995) : « Lorsque les sociétés refusent de voir l’ennemi, lorsqu’elles montrent des signes d’effondrement, alors on voit se dresser des individus particuliers qui n’acceptent pas cet état de fait et reprennent la lutte à leur compte, parvenant à éluder ce qui paraissait inéluctable et à reconstruire des solidarités et une cohésion de groupe. Agissant de la sorte, ces individus retrouvent l’essence du fait étatique, le compagnonnage et les liens personnels de fidélité. » « Rebelle, armée et bandit : le processus de restauration de la cité », in La culture du refus de l’ennemi, Modérantisme et religion au seuil du XXIe siècle, collectif, PULIM, 2007, pp 111-128.





Point de situation



1) C’est la fin de l’État moderne et des institutions qu’il a créés et qui le portent : armée, université, système éducatif national, etc.
2) C’est la fin de l’ère industrielle et des formes d’organisation hiérarchique et pyramidale dont elle a accouché : des grandes usines aux grandes banques (d’où une démassification et une sorte de « démodernisation »).
3) C’est l’avènement de la société de l’information : structures plus petites et « sans tête », l’idée compte plus que l’organisation et l’institution, les nouvelles élites sont déjà au travail (mais on ne les voit pas parce qu’on ne regarde pas au bon endroit : principe de celui qui cherche ses clefs sur le réverbère plutôt que là où il les a perdues).

Dans cette perspective, il faut considérer :

- que l’effondrement actuel du Maghreb et du Moyen-Orient va accélérer la fin de l’ancien monde et l’avènement du nouveau (avec tous les bouleversements que cela suppose, en particulier en Europe) ;
- que se battre sur des positions déjà submergées (telles que universités, grandes écoles, armée est un gaspillage de temps et d’énergie ;
- qu’il faut s’efforcer de travailler en fonction des nouveaux paradigmes : nouvelles formes d’organisation, nouvelles méthodes de travail (selon les principes : « créer la culture, donner des moyens, laisser faire le travail » ; « travailler dans la marge d’erreur du système (actuel) » ; « (dans le contexte actuel) le salut vient des marges ; « loi des petits nombres (en lieu et place de l’ère des masses) ».

À titre d’exemple, de petites structures (souvent peu formalisées) se montrent de plus en plus aptes à développer des idées fortes, précisément parce qu’elles agissent « en dehors » (non pas contre) du système et qu’elles ne sont pas liées à l’establishment. Ce sont leurs projets qui font se rencontrer des gens ne se connaissant pas mais qui pourtant se font immédiatement confiance. Elles agissent le plus souvent par capillarité, selon le principe de « l’inoculée conception », et ont un écho et un impact inversement proportionnels à leur taille et à leur moyens.

Aujourd’hui, c’est ce type de structures qui permet de faire avancer tant la réflexion que les pratiques et la production : on peut ainsi citer en vrac les blogs, les start-up, les petites coopératives, etc. − NDS et Le Polémarque notamment, s’inscrivent dans une telle dynamique.

Bernard Wicht

dimanche, 10 avril 2011

Guerre et psychologie

Guerre et psychologie

par Jean-Gilles Malliarakis

5.jpg L'opération de Libye comme la tragédie de la Côte d'Ivoire nous ramènent durement à la réalité du monde. L'Europe consommatique comme l'éducation soixante huitarde avaient voulu, depuis un demi-siècle, ignorer : la guerre. La voilà de retour. On ne peut pas s'en réjouir, on peut seulement espérer que son avertissement, aujourd'hui encore à moindre frais, du moins vu de Paris, réveille les opinions.

Entre l'époque du Livre banc sur la Défense de 1972, écrit sous l'influence ministérielle du jacobin Michel Debré, et celui de 2008, les doctrines stratégiques et les capacités militaires de la France ont changé, radicalement. La nature même des conflits, les ennemis potentiels ou déclarés, les théâtres d'opérations se sont déplacés.

Paradoxalement aussi, un chef d'État-major de l'armée de Terre tel que le général Elrick Irastorza a pu estimer le 22 octobre 2010 à Coëtquidan "particulièrement compliqué" voire même "anxiogène" le format actuel et futur de nos moyens de défense. Et, simultanément, jamais l'uniforme français n'a été déployé sur autant de territoires, pour des missions éloignées, aux caractères de plus en plus complexes.

De la guerre coloniale selon Gallieni à la contre-insurrection du général américain Petraeus l'objectif semble cependant toujours le même : "transformer l'adversaire en administré". Et, tragiquement, l'épée demeure aujourd'hui encore "l'axe du monde" – ceci pour reprendre la formule d'un homme qui sut si bien, tout au long de sa propre carrière, utiliser, par ailleurs, les micros.

Or, dans la préparation comme dans la gestion des conflits, dans le vote des budgets des armées comme dans la conduite et l'exécution des opérations, l'état d'esprit des individus, des foules et des dirigeants, joue le rôle fondamental.

La psychologie de la guerre redevient dès lors une matière urgente.

En 1915, Gustave Le Bon, dont l'ouvrage sur la "Psychologie des Foules" (1895) fait aujourd'hui encore autorité, lui consacrait un livre. Dans le contexte du premier conflit mondial, l'éditeur avait intitulé l'édition originale : "Enseignements psychologiques de la Guerre européenne". Sous-titre explicatif dans la manière du temps : "Les causes économiques, affectives et mystiques de la guerre. Les forces psychologiques en jeu dans les batailles. Les variations de la personnalité. Les haines de races. Les problèmes de la paix. L'avenir."

L'ambition scientifique, sociologique et objective y tranche avec ce qui se publiait à l'époque, dans le cadre de ce terrible contexte d'affrontement européen. Il étonnera peut-être le lecteur actuel par les développements qu'il consacre au bellicisme allemand, à son hégémonisme commercial d'avant-guerre et au pangermanisme. On remarquera cependant qu'il demeure singulièrement libre, d'esprit et d'écriture, s'agissant des motivations des Alliés. Il ne les résume aucunement en une simple, fraîche et joyeuse "guerre du Droit". Présentée pour telle par ses propagandistes, elle se révélera tout autre.

On notera en particulier un aspect essentiel des années qui avaient précédé le déclenchement de cet "orage d'acier". Elles avaient été marquées, de manière pacifique, par une influence de plus en plus forte, au centre du continent, du pays alors le plus puissant et le plus dynamique, rival sans cesse grandissant des empires maritimes et financiers.

On remarquera également ici un parallélisme très fort entre les deux guerres mondiales : on est tenté de considérer que, de ce point de vue, elles en forment une seule, comme si la seconde prolongeait la première dont elle accentuait simplement les traits, comme le conflit que Thucydide décrivit, expliqua et synthétisa sous le nom de Guerre du Péloponnèse. Celle-ci, à la fin du Ve siècle avait frappé à mort la Grèce des cités. La nôtre allait mettre un terme en Europe, au XXe siècle à l'idée de souveraineté des nations.

Résolument, Gustave Le Bon (1841-1931) s'inscrit en faux face aux explications d'inspiration matérialiste et marxisante.

"Derrière les événements dont nous voyons se dérouler le cours, écrit-il ainsi, se trouve l’immense région des forces immatérielles qui les firent naître.
Les phénomènes du monde visible ont leur racine dans un monde invisible où s’élaborent les sentiments et les croyances qui nous mènent.
Cette région des causes est la seule dont nous nous proposons d’aborder l’étude.
La guerre qui mit tant de peuples aux prises éclata comme un coup de tonnerre dans une Europe pacifiste, bien que condamnée à rester en armes."

Tout conspirait donc pour qu'un tel écrit soit relégué dans l'oubli des textes maudits, politiquement incorrects.

Au lendemain de la victoire de 1918, les Alliés tournèrent en effet le dos aux enseignements de son auteur. On s'engouffra dans le mythe de la sécurité collective. On prétendit mettre "la guerre hors la loi" : on connaît la suite. Cet ouvrage terrible et prophétique, annonçait en somme la reprise des hostilités. Il démontre, aussi, combien les dirigeants politiques, bien connus du public, rois ou ministres, se trouvent régulièrement dépassés par les forces intérieures, celles de l'inconscient des peuples.

JG Malliarakis



110402b Si cette chronique vous a intéressé, vous aimerez peut-être :


"Psychologie de la Guerre" par Gustave Le Bon
,

un livre de 372 pages en vente au prix de 29 euros franco de port, à commander en ligne ou par correspondance aux Éditions du Trident 39 rue du Cherche Midi 75006 Paris tel : 06 72 87 31 59.

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