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Le régime de surveillance

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Le régime de surveillance

par Marcello Veneziani

Source : Marcello Veneziani & https://www.ariannaeditrice.it/articoli/il-regime-della-sorveglianza 

Récapitulons. Il n'est pas permis d'avoir une opinion différente sur le sujet du Covid et de la pandémie, sur le sujet des fermetures et des vaccins autres que ceux administrés par les porteurs officiels, au risque d’être accusé de négationnisme ou de ‘’no vaxxisme’’, de contrevenir aux règles de la vie sociale, publique. L'ordre est au coin de la rue. Il est alors interdit d'avoir des opinions différentes sur les couples homosexuels, les mères porteuses, les adoptions homosexuelles et en général sur les relations homo-trans-lesbiennes; quiconque a des idées différentes, ou continue simplement à défendre les différences naturelles, la famille, la naissance selon la nature et la vie selon la tradition, entre dans une sphère d'interdiction qui va de la réprobation au veto. Des interdictions fortes sont introduites par des lois, des avertissements et de la censure sur les réseaux sociaux.

Lorsqu'il s'agit de féminisme, des droits des femmes ou de caractéristiques physiques, ethniques ou lexicales, des processus sommaires sont déclenchés, avec MeToo, catcalling et autres, générant séparation et méfiance entre hommes et femmes. Il est également interdit d'appeler les immigrants illégaux "clandestins", les Roms avec le nom traditionnel de ‘’gitans’’, les Noirs avec le nom ancien de ‘’nègres’’, même sans aucune connotation péjorative; les termes utilisés pour tous les handicaps ne doivent pas être utilisés, mais seulement les personnes différemment handicapées. Il est interdit d'avoir une opinion différente de celle de l'institution sur les sujets du fascisme et de l'antifascisme, du racisme et du nazisme, de l'histoire et des massacres qui l’ont ponctuée.

Aux interdictions s'ajoutent les effacements du passé, en termes d'amnésie collective de la mémoire historique et de suppression de nombreuses horreurs, auteurs, entreprises, personnages, histoires et pensées non alignées. Tout ce qui relève de notre civilisation, de notre tradition et de notre patrimoine doit être déprécié ou mis de côté pour ne pas heurter la sensibilité de ceux qui n'en font pas partie; nous devons toujours adopter le point de vue qui nous est le plus étranger et le plus éloigné. Les étrangers d'abord, pour renverser un slogan politique bien connu fondé sur la préférence nationale.

Dans cette formidable restriction des pratiques, des langages et des opinions, la liberté autorisée est un couloir étroit et court qui est désormais le cadre des opinions licites, et c’est un périmètre très étroit; dès que l'on sort de la " fourchette " autorisée, avec les limites imposées aux divergences, à la censure, à la réprobation, à la dénonciation, à la condamnation ou à l'isolement, le cordon sanitaire, la mort civile sont déclenchés.

Les années passent, mais la situation ne s'améliore pas; au contraire, elle dégénère progressivement, souvent dans le respect de la loi, avec le patronage des plus hautes institutions. Et elle s'étend à des domaines de plus en plus variés de la vie publique et privée, des affections et des liens. Les gouvernements sont neutres ou consentants, c'est-à-dire qu'ils soutiennent la censure ou s'en défendent.

Un carrefour dangereux est en train de se créer, où convergent le pouvoir économique, le pouvoir sanitaire, le pouvoir médiatico-idéologique et le pouvoir judiciaire. Par rapport à ces pouvoirs, rien ou presque ne peut être fait par la seule sphère de pouvoir qui peut avoir une légitimité populaire, différente de celle décrétée par l'establishment: je veux parler de la politique. On peut grossièrement les diviser en trois groupes: ceux qui sont d'accord avec ce régime de surveillance, ils en deviennent même les promoteurs; ceux qui se laissent entraîner par le courant, qui ne résistent pas, qui suivent le mouvement, qui se taisent et donc acquiescent pour ne pas être accusés d'être rétrogrades; ceux qui s'y opposent, lorsqu'ils sont dans l'opposition, mais l'acceptent ensuite au nom du compromis ou de la tranquillité lorsqu'ils sont au gouvernement; ou tout au plus se limitent-ils à ralentir le cours, sans jamais offrir une vision alternative organique.

Nous sommes entrés dans un régime de surveillance qui n'est pas une véritable dictature ou un système totalitaire, qui aurait été toutefois impensable jadis dans un système mondial et de marché; mais c'est une forme puissante de coercition pratique et de contrainte psychologique, parfois même judiciaire. Jamais comme aujourd'hui, grâce aussi à l'urgence induite par la pandémie, la liberté n'a autant subi de restrictions qui ont affecté les droits élémentaires et les sphères de liberté en usage dans la vie quotidienne. Et lorsque vous acceptez des limitations très strictes, même si c'est pour des raisons de santé, vous opposez alors moins de résistance à ceux qui vous imposent un réseau de plus en plus dense de limitations dans d'autres domaines également. La compulsion est virale et progressive, comme la paralysie; l'inhibition de la liberté et de la non-conformité s'étend facilement à d'autres domaines.

Les virus idéologiques se répandent comme des gaz mortels dans notre société et détruisent dangereusement nos défenses immunitaires naturelles, nos anticorps spirituels, notre sens critique, notre capacité à nous souvenir, à comparer, à mesurer les choses à la réalité. De l'annulation de l'histoire à l'annulation des différences naturelles, de la suppression de l'ordre naturel des choses à l'expulsion de tout ce qui évoque l'ordre surnaturel des choses; de l'appauvrissement du langage à l'utilisation de formes lexicales préfabriquées.

À travers les lois, les droits et la protection spéciale des catégories protégées, les campagnes rééducatives et punitives, la censure et les fermetures, notre vie change, de même que notre rapport au monde, au sexe, notre rapport aux autres, au passé et à l'avenir. Nous sommes victimes d'un dangereux réductionnisme qui tue les différences et les mondes différents.

De tout cela, les principales victimes sont les nouvelles générations car elles n'ont pas de termes de comparaison, elles sont les plus exposées entre le web, les réseaux sociaux et l'école, elles sont élevées dans un contexte de suppression, de manipulation et d'altération de la réalité. À l'exception d'une petite minorité louable, leur horizon est limité au présent et plié au canon dominant; leur vocabulaire et leur faculté de jugement sont appauvris, leur comportement est automatisé; ils sont des victimes irréprochables mais difficiles à guérir.

Des revirements, des variations et des changements de rythme ne sont pas à exclure, mais la prédiction la plus facile est la plus terrible: nous en viendrons, par accoutumance, à considérer tout cela comme inévitable, et même juste.

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samedi, 22 mai 2021 | Lien permanent

De Jeune Europe aux Camps Hobbit

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Archives (2011)

De Jeune Europe aux Camps Hobbit

par Roberto Alfatti Appetiti

Ex: https://www.centrostudilaruna.it/da-giovane-europa-ai-campi-hobbit.html

48913622.jpgLa narration de l'histoire récente est confiée principalement aux mémoires, dont le péché véniel - et la limite souvent insurmontable - est la complaisance. Aucune trace de cela dans le livre de Giovanni Tarantino, jeune historien de Palerme et journaliste indépendant (ancien rédacteur d'EPolis et collaborateur du Secolo d'Italia, dont il est un auteur estimé), qui vient de paraître aux Edizioni Controcorrente de Naples, Da Giovane Europa ai Campi Hobbit (pp. 201, € 10).

Pour l'auteur, né en 1983, sans militantisme politique derrière lui, les années entre 1966 et 1986 - "vingt ans d'expériences de mouvement au-delà de la droite et de la gauche", dit le sous-titre - ont été essentiellement une question d'étude et, sans surprise, l'essai prend vie à partir de sa thèse documentée en histoire contemporaine. Cette recherche, enrichie de témoignages inédits, a été tout sauf facile à mener et pour cette raison particulièrement précieuse, comme le certifie Luigi G. de Anna dans la postface. La reconstruction, sans clins d'œil ni omissions, du parcours de plusieurs générations de militants, dans un après-guerre qui semblait interminable, vers de nouvelles synthèses qui leur auraient permis d'en finir avec les mythes incapacitants, les mots d'ordre, aussi péremptoires qu'anachroniques, l'anticommunisme à la mode, le réductionnisme comme fin en soi et tout l'attirail esthétique et esthétisant du néofascisme italien.

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Sortir du tunnel du néofascisme, pour reprendre une heureuse expression de la Nouvelle Droite, ce mouvement d'idées sur lequel Tarantino s'attarde longuement, soulignant le fil rouge qui le lie aux "grands frères" de Jeune Europe, l'organisation fondée par le Belge Jean Thiriart en 1962. Avec la "découverte" de l'européanisme - l'Europe des peuples, pas celle des banquiers - et le dépassement du nationalisme patriotique, une véritable mutation anthropologique et culturelle s'est opérée, avant même la mutation politique. Si jusqu'à ce moment, en effet, les néofascistes s'étaient limités au témoignage d'un monde qui n'existait plus, où ce qui comptait était - comme le suggérait Julius Evola - de rester debout au milieu des ruines, avec Jeune Europe ils ont finalement fait une percée dans l'actualité, sortant des vieilles barrières d'appartenance, sans complexes, se découvrant partie intégrante de leur temps.

indeCH1x.png"Si l'on se réfère au monde des jeunes d'où sont nées ces réalités - souligne Tarantino - un fait fondamental est apparu: les impulsions de ceux qui les ont animées étaient absolument contextualisées dans le cadre des grands phénomènes générationnels de deux périodes déterminées, 68 et 77, dont elles représentaient des expressions complètes et légitimes".

Le conservatisme du MSI, désireux de cultiver la position de parti de l'ordre, a fait de 68 une "occasion manquée" - comme l'a défini Marco Tarchi - pour les jeunes de droite. Cette dernière position, sur laquelle le livre de Tarantino enregistre le "contraste" affectueux entre le préfet, Franco Cardini, et Luigi G. de Anna lui-même, tous deux anciens militants de Giovane Europa et par la suite interlocuteurs privilégiés de la Nouvelle Droite. "Nous étions des jeunes gens qui s'étaient trompés de place", écrit l'historien florentin dans les premières pages. "Nous n'avons pourtant jamais été de gauche", souligne ce dernier, malgré la pluralité des références qui ne se limitent pas au panthéon habituel des auteurs de droite et le partage, avec leurs pairs de gauche, de l'esprit libertaire de contestation et de l'engouement pour des icônes "révolutionnaires" comme Che Guevara. Il est un fait que l'histoire des deux mouvements, bien que différents dans le contexte historique et les ambitions, ne peut être épuisée tout court avec la collocation historiographique conventionnelle dans le sillon des groupes néo-fascistes ou post-fascistes. L'intolérance à l'égard du milieu d'origine, après tout, était si forte qu'elle exigeait un changement radical de mentalité, de nouvelles formes de communication - la bande dessinée (auto-ironique comme La voce della fogna) et la radio libre - mais aussi des ruptures politiques et symboliques. À commencer par la croix celtique, introduite par Giovane Europa et brandie dans les camps Hobbit entre 1977 et 1981, alors que les dirigeants du MSI l'avaient déclarée "hors-la-loi".

fogna022.jpgTarantino, dans son livre, cite, à ce propos, l'explication de Gianni Alemanno, militant et alors secrétaire national du Front de la jeunesse : "Ce fut la rupture avec l'ancienne culture symbolique du parti - dit le maire de Rome - et l'émergence d'un gramscisme de droite qui prévoyait l'utilisation de la métapolitique pour gagner la société civile. Alors que le nuage de la lutte armée s'abattait sur l'Italie, les garçons des camps Hobbit affûtaient leurs armes, celles de la vivacité culturelle, déclenchant une offensive tous azimuts sur des thèmes novateurs: de la musique "alternative" à la découverte de l'écologie, du régionalisme - bien avant la naissance de la Ligue - à la critique radicale de l'occidentalisme et de la soi-disant exportation de la démocratie.

Beaucoup a été dit et écrit sur cette expérience, trop souvent pour tenter de s'approprier un patrimoine qui appartient avant tout aux milliers de garçons et de filles qui ont vécu cette époque au mépris de toutes les directives des partis ou du courant, en alliant militantisme et liberté. Comme cela s'est produit pour les jeunes de l'Europe de la jeunesse, ceux qui ont participé à cette épopée ont grandi et choisi des chemins différents, souvent contradictoires. La tentative de développer de nouvelles synthèses s'est avérée vaine et le projet a sombré, retombant dans une dimension purement intellectuelle et impolitique. Un fait indéniable, cependant, émerge, page après page, du travail de l'historien de Palerme: les expériences et les élaborations de Jeune Europe, d'abord, et de la Nouvelle Droite, ensuite, ont fait sentir leurs effets dans les décennies suivantes, renouvelant et "nettoyant" l'espace politique et culturel de la droite italienne, contribuant à créer une classe dirigeante (pas seulement "de" et "à" droite) capable d'affronter avec plus de conscience et de clarté les défis complexes de la modernité.

* * *

Tiré, avec l'aimable autorisation de l'auteur, de Area, octobre 2011.

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mercredi, 01 septembre 2021 | Lien permanent

Reghini et Cornelius Agrippa

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Reghini et Cornelius Agrippa

Giovanni Sessa

Le De Occulta philosophia commenté par l'ésotériste néo-pythagoricien

Arturo Reghini était une référence dans la tradition ésotérique du début du vingtième siècle. On sait qu'il a dirigé et collaboré à de nombreux périodiques connus de l'époque et qu'il a été en contact avec des représentants du traditionalisme romain, notamment Julius Evola, avec lequel, après une période de collaboration, il a rompu définitivement. Un moment important dans l'élaboration de son système spéculatif-opératif a été la comparaison avec le travail de Cornelius Agrippa de Nettesheim (1486-1535). Notre affirmation est confirmée par un volume récemment publié, Agrippa e la sua magia secondo Arturo Reghini, qui figure dans le catalogue des Edizioni Aurora Boreale, édité par Nicola Bizzi, Lorenzo di Chiara et Luca Valentini (pour les commandes : edizioniauroraboreale@gmail.com, pp. 327, euro 20,00). Le livre contient trois essais de mise en contexte rédigés par les éditeurs, l'article de Reghini sur l'œuvre d'Agrippa, la biographie du néo-pythagoricien par son disciple Giulio Parise, ainsi qu'une vaste bibliographie.

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Nicola Bizzi signe un essai reconstructif qui met en évidence le rôle joué par l'ésotériste italien dans le contexte historique dans lequel il a agi. Son action est centrée sur une pars destruens, la critique du "modèle post-illuministe de la franc-maçonnerie" (p. 55, soit un modèle ultérieur à l'imposition de la philosophie des Lumières, ndt), et sur une pars construens, la réactualisation de la franc-maçonnerie initiatique et de ses rites. Bizzi reconstruit de manière organique le processus de développement intellectuelle de Reghini, en alternant les données biographiques et la discussion des plexus théorico-opérationnels les plus pertinents de la vision du monde du mathématicien-penseur. L'importance du travail d'Agrippa pour la pensée de Reghini ressort de ces analyses. Le magicien de Nettesheim a corrigé, comme le rappelle opportunément Di Chiara dans son article, dans un sens praxiste, la grandiose vision néo-platonicienne du monde de Marsile Ficin et de Pic de la Mirandole. L'œuvre majeure d'Agrippa, le De occulta philosophia, ne peut être réduite à un exemple d'encyclopédisme érudit de la Renaissance. Dans la dernière édition de 1533, résultat d'une soigneuse et vaste révision textuelle: "la nécessité [...] de procéder à un travail radical de purification et de restauration du corps des enseignements magiques liés à l'ancienne sagesse théurgique devient plus forte" (p. 9). En fait, ils couraient le risque de tomber dans l'oubli, obscurcis par les couvertures intellectualistes/séculières que la vision moderne leur imposait.

La tâche qu'Agrippa s'était fixée est la même que celle que Reghini se fixera au vingtième siècle: vivifier les anciennes connaissances magiques-hermétiques. Dans ce but, la fréquentation de Trithemius (alias Jean Trithème, Johannes Trithemius, Johann von Tittheim ou Johann von Trittenheim), qui le stimule à étudier la tradition ésotérique, lui est très utile. Trithemius, comme s'accordent à le dire les biographes les plus célèbres d'Agrippa, était le Maître d'Agrippa, l'ayant rencontré à une époque où il sortait d'expériences dans des cercles initiatiques, qui ne s'étaient pas révélées entièrement positives. Entre 1510 et 1533, Agrippa consolide son patrimoine idéal, ses expériences sur la voie transmutative. Ainsi, avec l'édition de 1533, il réalise "une véritable systématisation des enseignements magiques et ésotériques disponibles à l'époque" (p. 10). Le savant a pu y parvenir grâce à la protection de l'archevêque de Cologne, Hermann von Wied. Dans le De Occulta, on peut voir diverses influences, déduites des traductions par Marsile Ficin de textes hermétiques, mystérieux, théurgiques et pythagoriciens, mais aussi des références à Pic de la Mirandole. Il y a des références claires au De Verbo Mirifico de Reuchlin ou à des savants comme Paolo Ricci et le franciscain Francesco Giorgio Veneto: "Enfin, la grande tradition de la magie naturelle médiévale, qui de Maître Albertus Magnus (Albert le Grand) passait par [...] Roger Bacon, était largement créditée" (p. 15).

L'œuvre d'Agrippa est organisée en trois livres. La première concerne le niveau le plus bas de la magie, lié à la dimension naturelle. La seconde traite de la magie dite astrale, c'est-à-dire du traitement des sphères intermédiaires et célestes. Enfin, le troisième livre traite du type de magie qui "étudie le plan supra-céleste et purement intellectuel [...] relié au domaine des essences éternelles" (p. 16). L'univers agrippien est régi par une série de correspondances internes ; le niveau inférieur entretient une relation sympathique et analogique avec le niveau supérieur, et vice versa. Le cosmos est animé, vivant. Pour cette raison, chaque entité ne peut être connue à travers ses aspects de surface, en s'arrêtant au mode extérieur, apparent "puisqu'il y a plusieurs niveaux de connaissance d'un même être" (p. 17). En revanche, si l'inférieur est né du processus émanationniste, qui conduit de l'Un au multiple, rien n'empêche de penser à une possible conversion épistrophique, à une "ascension" des entités vers l'Un: " C'est le principe de l'anima mundi qui fonde chez Agrippa à la fois la vue spéculative et l'application magico-opérationnelle de la doctrine" (p. 17). Le cosmos est donc l'imago Dei, tandis que l'homme est considéré par Agrippa, comme microcosme, "image d'une image", imago mundi.

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Le magicien est l'homme qui sait attirer les forces d'en haut, les utiliser pour "écraser la pierre" et la transmuer en sa véritable nature divine: "À la base de cet idéal, il y a la persuasion intime [...] du caractère intégral ou de la dignité [...] congénitale de l'homme " (p. 25). Le magicien réunit les trois niveaux de réalité dans une puissante opération de réintégration. Valentini fait mouche en identifiant dans la déesse Hécate qui, dans le monde gréco-romain, avait des fonctions de psychopompe, la symbolisation d'une fonction essentielle: unir les trois mondes du Cosmos. La déesse était représentée avec un visage infernal, un chien, indiquant la réalité chthonique, un visage terrestre, représenté par un cheval, l'animal vital par excellence. Enfin, un visage céleste, celui d'un serpent, force du primordial, qui a sublimé alchimiquement le caractère éphémère et transitoire des deux premiers mondes, indiquant "la régénération finale d'Hécate triforme [...] qui change de peau, qui de rampant dans la boue devient le Djed égyptien [...] le cobra dressé" (p. 32). Valentini fait remarquer que cette tripartition se retrouve également dans l'hermétisme.

Dans cette tradition, le monde élémentaire, le champ d'action du philosophe naturel, est donné par le Sel, dont la réalisation est obtenue avec la Séparation lunaire, qui induit une première autonomie par rapport à la physicalité. Le monde sidéral est alchimiquement assimilé à Mercure, dont le Travail sur le Blanc jette les bases du dépassement du tellurique. Au bout du chemin, l'assimilation au monde intellectuel, associé au Soufre et au Travail Rouge, témoigne de la transmutation en Or. Cela dit, on comprend que le commentaire de Reghini sur Agrippa est en réalité un traité théorico-réaliste sur l'Opus Magicum.

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jeudi, 02 décembre 2021 | Lien permanent

Nous jouons avec la civilisation

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Nous jouons avec la civilisation

par Marcello Veneziani

Source : Marcello Veneziani & https://www.ariannaeditrice.it/

Mais quels sont les enjeux de la loi sur l'homotransphobie, des portes ouvertes aux migrants, de la défense des frontières, du principe de souveraineté, du politiquement correct, de la culture de l'annulation, des relations avec les musulmans, les noirs et les Chinois? La civilisation est en jeu. Ou si vous préférez, c'est le jeu entre les droits de l'homme et la civilisation.

Il était une fois la gauche et la droite, les conservateurs et les progressistes, les nationalistes et les internationalistes. Ou si vous préférez, les fascistes et les anti-fascistes, les communistes et les anti-communistes. Aujourd'hui, à l'ère mondiale de la pandémie et du gouvernement d'union nationale dirigé par un technicien super partes, comment se répartissent les opinions politiques et les convictions civiles? Les catégories susmentionnées, bien qu'encore utilisées, sont usées par le temps et les abus; elles perdent de leur force dans les nombreuses variations, dans les contextes modifiés et dans les utilisations polémiques et résiduelles dans lesquelles elles sont employées. Ils ne sont plus en mesure de représenter la réalité et les divergences actuelles. Sur quoi les Italiens, les Européens, les Occidentaux sont-ils vraiment divisés aujourd'hui, quelles sont les questions sensibles les plus pertinentes?

En premier lieu, les thèmes de la biopolitique, c'est-à-dire les domaines qui concernent la vie et la mort, la naissance et les sexes, le taux de natalité, les adoptions et les mères porteuses, les unions et les familles homosexuelles, le droit à la vie ou à l'avortement, les changements d'identité et le transhumanisme, les droits des animaux, les coutumes, les drogues. Deuxièmement, elles affectent directement les catégories "protégées" parce qu'elles ne sont pas considérées comme suffisamment protégées par les lois et coutumes en vigueur: c'est-à-dire les femmes, les migrants, les noirs, les homosexuels, les trans, les Roms, les minorités religieuses. Troisièmement, elles concernent la mémoire historique collective, les identités, le patrimoine religieux des peuples, les traditions, les coutumes et leur rejet, les classiques et leur effacement, les arts et la censure, la toponymie, les monuments, les fêtes et les journaux du monde, le passé et sa négation. Ce sont les questions qui divisent le plus au niveau politique, civil ou idéal, au-delà des questions contingentes, sanitaires ou économiques. L'enjeu est la civilisation, menacée de l'intérieur et de l'extérieur. Toutes les questions qualifiées de "clivantes" pour le gouvernement actuel (la loi Zan, la question des migrants, le ius soli) remontent à ce dualisme.

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Les vieilles étiquettes mentionnées ci-dessus ne suffisent plus, et on ne peut pas non plus rejeter de manière manichéenne et dénigrante ceux qui s'opposent aux préceptes du néoconformisme, comme si le défi était entre les droits de l'homme et le racisme (plus diverses phobies). Au lieu de cela, il y a d'une part le sentiment commun du peuple, formé au fil du temps et des générations ; d'autre part, il y a le nouveau canon de la rectitude imposé par les classes dirigeantes. En d'autres termes, les anciens préjugés du peuple contre les nouveaux préjugés idéologiques.

Classons les deux lignes opposées de manière à ce qu'elles se respectent mutuellement: d'un côté, c'est le souci des droits de l'homme qui prévaut; de l'autre, c'est la défense de la civilisation en péril. C'est-à-dire que, d'une part, les pierres angulaires de la civilisation - la famille, le sens religieux, les liens communautaires, la tradition, les symboles, le patriotisme - sont en jeu ; d'autre part, l'acquisition de nouveaux droits civils, mondiaux, de genre, de minorités est en jeu. Y compris le droit de changer ses traits, son sexe et sa citoyenneté.

Les conflits les plus âpres portent en fait sur le racisme, le sexisme, le colonialisme, le suprématisme, l'islamophobie, la xénophobie, l'homophobie, le négationnisme, mais ce sont des variations sur le même thème: la civilisation ou les droits humains mondiaux.

Défendre la civilisation signifie protéger les identités, la souveraineté nationale, la chrétienté, les cultures traditionnelles. Promouvoir les droits de l'homme, en revanche, c'est soutenir l'émancipation globale des individus et des peuples par rapport à leurs cultures, leur histoire et leurs traditions, mais aussi par rapport à leur nature et leurs différences.

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Celui qui défend la civilisation aime la communauté, à commencer par les plus proches. Celui qui défend les droits de l'homme aime le monde en commençant par le plus éloigné. Celui qui défend la civilisation reconnaît les droits par rapport aux devoirs et à partir des droits naturels; il respecte le passé, le présent et l'avenir et considère certains fondements comme intemporels. Ceux qui défendent les droits de l'homme se placent dans la perspective du présent mondial et soutiennent les changements. Ceux qui défendent la civilisation veulent protéger les différences contre l'homologation globale et le réductionnisme radical. Ceux qui défendent la société globale veulent remettre les différences à zéro et protéger certaines diversités de manière particulière.

Défendre la civilisation ne signifie pas revenir en arrière et exalter la guerre, la suprématie masculine, l'esclavage, la haine de classe ou de race. Cela signifie assumer l'héritage de la civilisation, des traditions, des symboles, sans les re-proposer mécaniquement dans des formes archaïques ; cela signifie ne pas juger le passé avec la lentille du présent, ne pas juger ou effacer l'histoire parce qu'elle diffère de la sensibilité d'aujourd'hui, mais reconnaître l'histoire telle qu'elle est et ensuite distinguer ce qui est vivant de ce qui est mort, ce qui est toujours valable de ce qui est passé, avec réalisme; sans confondre le niveau historique avec le niveau judiciaire et le niveau judiciaire avec le niveau moral et idéologique.

La bataille politique et sociale tourne autour de ces oppositions. Un gigantesque sentiment de culpabilité de la civilisation euro-occidentale est alimenté pour l'homme blanc, hétéro, chrétien, enfant et parent. Tout est jeté dans la poêle à frire de la nouvelle conformité: de l'histoire au genre, de la culture à la bande dessinée. Il est curieux de constater que de nombreux pro-européens convaincus souffrent en réalité d'europhobie: ils détestent leur propre civilisation et lui font un procès dans tous les domaines.

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lundi, 03 mai 2021 | Lien permanent

La revue de presse de Pierre Bérard (29-01-2018)

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La revue de presse de Pierre Bérard (29-01-2018)

Au sommaire :

Frédéric Lordon développe une excellente argumentation à propos des fake news, dernière trouvaille du « système » pour cadenasser un peu plus la liberté d’expression. « Tout le discours de la politique Macron et tous les médias qui le soutiennent sont eux-mêmes d’intense propagateurs de fake news… », dit-il. Le fait qu’il n’y ait qu’une seule vérité consonne avec cette autre proposition suivant laquelle « il n’y a pas d’alternative ». Le mythe de la seule vérité comme l’absence supposée d’alternative est une clôture des choix possibles et un refus de la libre délibération. L’obsession autour des fake news est le symptôme d’une crise manifeste de légitimité des autorités qui ne font plus autorité. C’est ainsi que le thème récurrent de la post-vérité aboutit à la pseudo-fin des idéologies et à un monde dépolitisé. La « lecture renversée » du « gauchiste » Lordon est en tous points coruscante :

 

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Sur cette chimérique histoire des fake news on lira du même Frédéric Lordon son article désopilant dans son blog du Monde Diplomatique, « Macron décodeur en chef », qui rappelle cette célèbre apostrophe de Guy Debord « Dans le monde réellement renversé le vrai est un moment du faux » (La Société du spectacle, 1967)  :
 
 
Dans le cadre de de la campagne un brin hystérique lancée contre les fake news, Google a déjà supprimé 150 000 comptes YouTube entre juin et décembre 2017 et les comptes Faceboook suivent la même pente. Alors que Twitter s’engage dans une voie identique l’Union européenne félicite ces entreprises américaines pour leur « civisme » dans leur programme de « lutte contre les contenus haineux ». Traduction libre de cet élément de langage : il est désormais interdit de critiquer trop vivement l’impolitique européenne :
 
 
Dans une tribune du Figaro Vox Renée Fregosi s’en prend à « radicalisation », un mot qui ne dit rien que d’extrêmement vague. Selon elle ce choix sémantique dissimule une attitude lâche qui préfère masquer la réalité islamique plutôt que de l'affronter. La philosophe, elle, désigne l'ennemi sans complexe. Encore faudrait-il savoir qui a fait entrer cet ennemi dans nos murs et pour quelles raisons. Bizarrement c’est un question qu’on ne pose jamais :
 
 

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Entretien de Paul-François Paoli avec Edouard Chanot sur Radio Sputnik à propos de son livre « L’imposture du vivre-ensemble de A à Z » (L’Artilleur, 2018) :

https://www.youtube.com/watch?v=NXYCy5BqROo

Quatrième de couverture du livre de Paul-François Paoli. Ce livre comporte près de 300 entrées qui constituent un panorama de la vie intellectuelle française et de ses enjeux idéologiques:
 
 
Olivier Maulin sur l’affaire Céline :
 
 
Eric Zemmour en débat défend la liberté d’expression sans restriction et oppose l’état de droit à la démocratie. Au cours du débat le chanteur Cali se casse du plateau ne pouvant supporter plus avant les discours d'un Zemmour qui ne donne pas dans le repentir :
 
 

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Du porc matin, midi et soir. Jean-Paul Brighelli réagit avec beaucoup de drôlerie aux campagnes d’intimidation lancées par les chiennes de garde contre les mâles blancs hétérosexuels. Autant de tartuffettes qui s’emparant de la « parole libérée » entendent surtout faire parler d’elles aux bénéfice d’un rapport hommes/femmes toujours plus psychiatrisé et plus judiciarisé.
 
 
Fort du succès rencontré par ses « Conversations » avec Alain de Benoist, Paul-Marie Coûteaux nous emmène cette fois au château de Plieux à la rencontre de l’essayiste et écrivain Renaud Camus. Une série de six épisodes pour une rencontre de haut vol où se mêlent culture, littérature, histoire, patrimoine et politique. Nous devons ces brillantes conversations à TV-Libetrtés. Ici le quatrième épisodes :
 
https://www.tvlibertes.com/2018/01/25/21433/conversations...ts  :
 
 

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lundi, 29 janvier 2018 | Lien permanent

Extension des persécutions politiques

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Extension des persécutions politiques

par Georges FELTIN-TRACOL

Ex: http://www.europemaxima.com

Dans la soirée du 2 janvier 2019, non loin de l’avenue des Champs-Élysées, la police arrête Éric Drouet et le place une nouvelle fois en garde à vue pour le motif fallacieux d’« organisation d’une manifestation sans déclaration préalable ». Relâché une vingtaine d’heures plus tard, l’infortuné citoyen en colère comparaîtra en février prochain devant le tribunal correctionnel. Une seconde convocation l’attendra en juin prochain pour la détention supposée d’un bâton (et pourquoi pas un coton-tige ?). Ce chauffeur routier de 33 ans, devenu l’une des figures des « Gilets jaunes », avait auparavant été entendu dans un commissariat pour un soi-disant délit de « provocation à la commission d’un crime ». Il avait envisagé de manifester devant l’Élysée et, le cas échéant, d’y entrer. De quoi de plus normal pour un bâtiment de la République ?

Dans la matinée du 8 novembre 2018, Julien Coupat était victime d’une interpellation préventive dans l’Est de Paris. Les policiers découvraient dans son véhicule un masque, un gilet jaune et des bombes… de peinture ! Après une longue garde à vue, l’une des victimes de la machination étatico-policière sarközyste de Tarnac ressortait libre avec un rappel à la loi dans la poche.

Julien Coupat et Éric Drouet sont des proies du Régime. Tout l’arsenal répressif voté sous le calamiteux Sarközy se déploie pour la circonstance. Le Régime se veut intraitable envers l’opposition populaire pendant qu’il laisse le désordre s’installer dans les banlieues de l’immigration. Il paraît évident qu’Emmanuel Macron ne se fera pas photographier en enlaçant dans une pause presque érotique Julien Coupat, Éric Drouet et Nicolas Dupont-Aignan ! Le 7 décembre dernier, le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner porta plainte contre le député non-inscrit de l’Essonne et président de Debout la France. Suite aux nombreuses dégradations commises à l’Arc de Triomphe, le 1er décembre, Nicolas Dupont-Aignan désignait les « petits casseurs de Castaner », soit des agents provocateurs, pas forcément subordonnés à la place Beauvau, infiltrés parmi les manifestants. C’est donc en France qu’un ministre se permet de poursuivre un élu de l’opposition, ancien candidat à l’élection présidentielle, qui s’interroge à haute voix. Si cette ignominie avait été commise à Moscou ou à Budapest, les sempiternelles associations humanitaires auraient hurlé à l’attentat contre les droits de l’homme. Or, c’est un silence assourdissant !

Ces mêmes associations parasitaires grassement subventionnées par Soros et nos impôts se taisent aussi au sujet des incroyables accusations portées contre Benoît Quennedey. Ce haut-fonctionnaire bourguignon de 42 ans a été mis en examen après quatre jours de garde à vue pour « trahison par livraison d’informations à une puissance étrangère ». L’énarque, membre du Parti radical de gauche jusqu’en 2017, préside l’Association de l’amitié franco-coréenne et est l’auteur chez Delga qui publie les œuvres de Michel Clouscard, de La Corée du Nord, cette inconnue, puis, aux éditions Les Indes Savantes, L’Économie de la Corée du Nord en 2012. Naissance d’un nouveau dragon asiatique ? La DGSI s’attaque donc à un haut-fonctionnaire qui officie à la direction de l’architecture, du patrimoine et des jardins du Sénat. Benoît Quennedey a peut-être fourni à Pyongyang les plans ultra-secrets du Jardin du Luxembourg ou bien les dates confidentielles d’élagage des arbres…

Le 2 octobre 2018, une vaste opération soi-disant anti-terroriste frappait à Grande-Synthe le Centre Zahra, une association culturelle musulmane chiite. Deux semaines plus tard, le préfet du Nord fermait pour six mois ce lieu accusé de diffuser l’islam radical chiite à l’échelle européenne. Dans le même temps, les terroristes d’Al Qaïda et de Daech rentrent tranquillement en France ou quittent les prisons. Le Centre Zahra est une cible facile. Certains de ses animateurs dirigent le Parti anti-sioniste et ont soutenu en 2009 aux élections européennes en Île-de-France la liste de Dieudonné et d’Alain Soral, deux autres persécutés politiques.

Pendant que le Régime menace d’honnêtes gens, sa police avoue son impuissance face aux voyous du 9-3 et aux racailles du CAC 40. Au lieu de s’en prendre à de fantasmatiques agents à la solde de l’Iran, de la Corée du Nord ou de la Russie, le contre-espionnage devrait plutôt démanteler les puissants réseaux d’influence en France qui œuvrent pour les États-Unis, la Grande-Bretagne, l’Arabie Saoudite et le Qatar. Il devrait en particulier se pencher sur ces individus qui, à l’instar de cet élu des Français à l’étranger, servent d’abord les intérêts de la seule puissance nucléaire du Proche-Orient. Intérêts qui nuisent à l’avenir de la vraie France européenne.

Georges Feltin-Tracol

• « Chronique hebdomadaire du Village planétaire », n° 108, mise en ligne sur TV Libertés, le 14 janvier 2019.

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lundi, 21 janvier 2019 | Lien permanent

De Zalmoxis à Gengis Khan: religions et folklore de la Dacie et de l'Europe de l'Est selon Eliade

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De Zalmoxis à Gengis Khan: religions et folklore de la Dacie et de l'Europe de l'Est selon Eliade

Giovanni Sessa

Source: https://www.paginefilosofali.it/da-zalmoxis-a-gengis-khan...

Mircea Eliade, l'éminent historien roumain des religions, bien qu'ayant vécu la majeure partie de sa vie en exil à l'étranger, a conservé un lien étroit avec la culture de son propre peuple et, surtout, un intérêt jamais dissimulé pour la spiritualité de l'ancienne Dacie. En témoigne, de manière très détaillée, son ouvrage intitulé Da Zalmoxis a Genghis Khan. Le religioni e il folklore dell'Europa orientale (= "De Zalmoxis à Gengis Khan. Les religions et le folklore de l'Europe orientale"), que l'on peut trouver en librairie grâce aux Edizioni Mediterranee, édité par Horia Corneliu Cicortaş et avec une traduction d'Alberto Sobrero (pour les commandes : 06/3235433, ordinipv@edizionimediterranee.net, pp. 275, euro 27,00). Ce volume a été publié pour la première fois en France en 1970. Il est sorti en Italie en 1972 et, vu son discret succès critique et commercial, a été traduit dans de nombreuses langues en peu de temps. Le texte se compose de huit chapitres: six d'entre eux sont des reprises d'essais précédents publiés dans des magazines et des périodiques. Deux chapitres sont spécialement conçus pour ce livre.

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Le premier d'entre eux fait référence à Zalmoxis et traite de l'histoire religieuse des Gétes & Daces. Un autre essai est consacré à la relation entre cette ancienne population et les loups, tandis qu'un article sur la "Ballade du mouton devin" est destiné, selon les intentions d'Eliade, à compléter les cinq autres essais sur les traditions populaires roumaines. Ils traitent respectivement des mythes cosmogoniques dualistes, de la chasse rituelle, de la légende de Maître Manole, des pratiques chamaniques et du culte de la mandragore. La référence du titre à Gengis Khan, nous rappelle Cicortaş, est purement symbolique: "puisque les invasions mongoles ne sont pas mentionnées dans le livre" (p. 8), alors qu'elles ont joué un rôle fondamental dans la formation de l'imaginaire des Daco-Romains, notamment par rapport à l'ancêtre totémique identifié dans le Loup gris. Il ne faut pas oublier que, pour Eliade, "le culte de Zalmoxis et tous les mythes, symboles et rituels qui informent le folklore religieux des Roumains ont leurs racines dans un univers de valeurs spirituelles antérieur à l'apparition des grandes civilisations du Proche-Orient ancien et de la Méditerranée" (p. 17).

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Cela explique l'intérêt pour ce patrimoine spirituel, qui n'a jamais failli chez l'érudit. Elle s'est d'abord manifestée à la fin des années 1920, après le séjour du savant en Inde, mais est revenue se manifester dans les années 1940, avant et après la fin de la Seconde Guerre mondiale. De plus, Eliade avait fondé, en 1938, la première revue internationale roumaine d'études historico-religieuses, intitulée, non par hasard, Zalmoxis. Sur le texte que nous présentons, l'intellectuel a travaillé entre 1968 et 1969, à une époque où il était occupé à peaufiner certaines de ses œuvres les plus érudites. Sans cette concomitance d'engagements, De Zalmoxis à Genghis Khan "aurait probablement été beaucoup plus vaste" (p. 11). En effet, l'auteur avait prévu d'ajouter à la première édition des chapitres consacrés à d'autres aspects de la ritualité et du folklore de la Roumanie et de l'Europe de l'Est. Le lecteur de la nouvelle édition italienne trouvera en annexe l'essai que l'historien des religions a consacré à l'exégèse des căluşari, fêtes masquées saisonnières.

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Cet essai confirme également l'importance méthodologique attribuée par Eliade, dans le comparatisme historico-religieux, à la dimension ethnologique. Il recourt continuellement, pour aller au fond des choses, au sens caché des mythes et des rituels: "à l'héritage culturel du folklore [...] Une source précieuse surtout dans le cas des peuples dits "non scripturaires"" (p. 11). Le chercheur est fermement convaincu que l'humus spirituel des Daces ne pouvait être appréhendé que "dans l'univers des valeurs spécifiques des chasseurs et des guerriers, ou plus précisément à la lumière des rites initiatiques de nature militaire" (p. 18). Plus précisément, la duplicité ambiguë, chthonique et tellurique, de Zalmoxis "devient compréhensible lorsque le sens initiatique de l'occultation et de l'épiphanie du dieu est révélé" (p. 18). Le mythe cosmogonique roumain, à la lumière de cette intuition, ne peut être réduit, sic et simpliciter, aux dualismes des Balkans et de l'Asie centrale, mais doit être lu, note Eliade, à travers le thème de la "lassitude de dieu": "une expression surprenante de ce deus otiosus réinventé plus tard par le christianisme populaire, dans la tentative désespérée de rendre dieu étranger aux imperfections du monde et à l'apparition du mal" (p. 18).

La même "chasse rituelle", pratiquée aux premiers temps de la Dacie, pour l'intellectuel roumain doit être placée à l'origine de la principauté de Moldavie. Le monastère d'Argeş parvient également à rendre son symbolisme explicite, non pas simplement par rapport aux mythes de construction, mais par rapport aux autres: "le sens originel d'un sacrifice humain primitif" (p. 18). L'une des ballades populaires les plus connues de Roumanie, la Mioriţa présente la fonction oraculaire des animaux dans la Dacie antique.

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Le culte de la mandragore, s'il est interprété correctement, met en évidence le lien étroit entre la Vie et la Mort. Lire ce livre, c'est être projeté dans un univers archaïque d'une grande profondeur symbolique. Eliade, dans ces pages, a transmis à l'époque contemporaine l'héritage immémorial sur lequel s'est construite la civilisation européenne. Une occasion à ne pas manquer, à ne pas gaspiller, à l'heure où la culture de l'annulation entend faire une tabula rasa de notre mémoire historique.

Giovanni Sessa

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dimanche, 05 février 2023 | Lien permanent

Vivre n'est pas nécessaire, naviguer est une nécessité !

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Vivre n'est pas nécessaire, naviguer est une nécessité !

Ernesto Milà

Source: https://info-krisis.blogspot.com/2018/09/365-quejios-151-vivir-no-es-necesario.html

Je me plains toujours que nous ne voyageons pas assez et que nombreux sont ceux qui tentent de reconstruire le mode de vie de leur propre pays au cours de leurs rares voyages. J'ai vécu en Bolivie avec des Italiens. Nous étions un groupe sympathique de Français, d'Italiens et d'un Espagnol, moi. Les Italiens insistaient chaque jour pour manger des pâtes, des pâtes, rien que des pâtes et toujours des pâtes. Un jour, alors que je leur reprochais que ce régime était trop monotone, ils ont introduit une variante : l'antipasto, c'est-à-dire ce qui précède les pâtes... une simple salade insipide et sans grand éclat. Or à La Paz, il y avait une excellente viande (bien que mal coupée) et des plats absolument délicieux (à commencer par le "pique macho" ou les "salteñas"). La même chose m'était arrivée avec les mêmes entreprises dans différentes parties du monde. Au Venezuela, par exemple, la seule chose que mes compagnons de voyage acceptaient était de manger une grande variété de fruits tropicaux pour le dessert. Je ne me plains pas de cela, que je considère comme un souvenir du temps où la camaraderie était vécue avec une intensité que je n'avais jamais connue auparavant (comme si le risque augmentait la fraternité entre égaux), mais du fait que maintenant, lorsque je ne voyage que pour le plaisir de faire connaissance, je rencontre les mêmes attitudes.

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Pompée, nous dit Plutarque, a donné un slogan à ses marins lorsqu'ils hésitaient à mettre le cap sur Rome à cause de la tempête : "Navigare necesse est, vivere non est necesse", une phrase qui peut avoir quelques variantes mais qui se traduit toujours par "Naviguer est une nécessité, vivre n'est pas nécessaire". Vivre peut être synonyme de végéter. La voile est synonyme de connaissance du monde. Le monde - même si nous le réduisons au monde digne d'être connu - est grand, riche et diversifié. Il ne s'agit pas de "multiculturalisme", auquel un "noble voyageur" peut aspirer, car, en fin de compte, il ne s'agit pas d'adopter une forme de "relativisme" (indiquant qu'il n'y a pas de culture supérieure à une autre) et d'égalitarisme (indiquant que toutes les cultures sont égales), mais une manière de confirmer ses propres racines.

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Lorsque je voyage, je me souviens que je suis un fils de la péninsule ibérique, d'un État qui s'appelle aujourd'hui le Royaume d'Espagne, hier il s'appelait la Couronne d'Aragon et avant cela Hispaniae Gotorum et même avant cela Hispaniae et bien avant cela Iberia, le pays du grand fleuve, l'Ebero (l'Ebre). Lorsque je voyage, je me rappelle que j'appartiens à la culture gréco-latine, que je suis le fils et l'héritier d'une longue tradition culturelle présente dans toute l'Europe et que dans chaque pays, dans chaque région, elle revêt des caractères différents. Du centre de Lisbonne à la tour Belém, il y a un monument érigé à l'époque de l'Estado Novo en l'honneur des bandeirantes (équivalent de nos conquérants). Face à l'Atlantique, c'est l'un des monuments les plus puissants que je connaisse, et il synthétise les valeurs de notre race (ou va-t-il désormais s'avérer que la race ne peut être mentionnée ?). C'est une incitation au voyage, une invitation à abandonner notre vie sédentaire, à prendre notre équipement et à partir sur n'importe quel itinéraire. Il rappelle qu'un beau jour, après la Reconquête, les peuples ibériques ont pris la mer. Le Portugal est allé plus loin que quiconque et a été clair, dès le premier instant, sur sa vocation maritime.  

La phrase de Plutarque, attribuée à Gnaeus Pompée, serait probablement restée le patrimoine des latinistes si Gabriele D'Anunzio - "il poeta" - ne l'avait récupérée en 1919 pour une entreprise héroïque : la conquête de Fiume, et si Mussolini n'avait intitulé ainsi son célèbre article dans Il Popolo d'Italia du 1er juin 1920. Dans les deux cas, elle a été prise pour indiquer le mépris des petits besoins quotidiens et l'exaltation des grands idéaux et des modes de vie héroïques. Caetano Veloso et Pessoa, puisque nous sommes au Portugal, l'ont également fait leur.

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Interviewé par la télévision portugaise, M. Pérez Reverte a déclaré hier qu'il ressentait la nostalgie des années 30, lorsque les gens croyaient en ce qu'ils défendaient. Il a cité des communistes, des fascistes et des nationaux-socialistes, à tort ou à raison, qui croyaient qu'il était possible d'instaurer un monde nouveau dans lequel les gens ne mourraient ni de faim ni d'ennui, mais consumaient leur vie pour un idéal. Moi aussi, je suis nostalgique de cette époque. La nostalgie est cette blessure que Jünger a évoquée en se rappelant qu'il avait vécu, ajoutant que seule la mort pouvait guérir la cicatrice. Je me soigne moi-même, en voyageant.

J'ai évoqué plus haut les "nobles voyageurs", personnages mystérieux de l'antiquité classique, on ne savait pas d'où ils venaient ni où ils allaient, mais ils se distinguaient toujours par le "style" et la valeur de leurs enseignements. Dans l'Antiquité, ils étaient synonymes d'"initiés" (un concept que l'on pourrait traduire par "ceux qui ont appris à voir le monde tel qu'il est"). Dans mon ancien blog infokrisis, vous trouverez un article sur les "nobles voyageurs". Il a été écrit en 1982, alors que je vivais encore dans la clandestinité et que j'étais rentré en Espagne pour retourner en Ibéro-Amérique : LES NOBLES VOYAGEURS D'AUTRE TEMPS. Peut-être pouvez-vous comprendre pourquoi nous avons presque tous un besoin irrépressible de voyager et pourquoi ceux d'entre nous qui ressentent ce besoin ressentent la voix de la course.

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Don Quichotte était l'un de ces "nobles voyageurs" :

"Je suis un chevalier. En tant que tel, je vivrai et mourrai si cela plaît au Très Haut. Je marche sur le chemin étroit de la chevalerie, méprisant les richesses, mais pas l'honneur. J'ai vengé des torts, redressé des torts et puni l'insolence. Je n'ai d'autre intention que celle d'être juste, et je ne cherche qu'à faire du bien au monde entier. Un homme qui pense, un homme qui agit de cette manière, mérite-t-il d'être appelé un fou ? Je demande Vos Miséricordes".

Pour lui, la voile était bien plus importante que la vie. Je me plains que dans le pays de Don Quichotte, ce style a été abandonné: soit on est un touriste, soit on vit du tourisme.

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mardi, 07 février 2023 | Lien permanent

Guénon et la révision du traditionalisme selon Silvano Panunzio

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Guénon et la révision du traditionalisme selon Silvano Panunzio

Giovanni Sessa

Source: https://www.paginefilosofali.it/guenon-e-la-revisione-del...

Les éditions Iduna proposent aux lecteurs un important recueil d'écrits de Silvano Panunzio, introduit par Aldo la Fata, qui est le plus grand exégète de ce penseur chrétien. Il s'agit du volume René Guénon e la crisi del mondo moderno ("René Guénon et la crise du monde moderne"), dans lequel sont rassemblés des essais consacrés par l'auteur à l'exégèse de la pensée de l'ésotériste français et de son école, parus dans des livres ou dans la revue Metapolitica, qu'il a lui-même fondée. Les textes sont accompagnés d'une série de lettres adressées à des chercheurs de différents horizons, intéressés par le 'traditionalisme intégral' (pour toute commande : associazione.iduna@gmail.com, pp. 188, euro 20.00). La Fata note la différence de ton que l'on peut déduire en comparant les écrits publics et privés : les premiers caractérisés par un plus grand calme, les seconds plus "libres" et caractérisés par des tons plus polémiques ou apologétiques.

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D'un point de vue général, Panunzio reconnaît le rôle important de Guénon dans la culture métaphysique et religieuse du vingtième siècle, mais considère que son enseignement n'est pas sans limites ni contradictions. Panunzio vise à démontrer "aux 'traditionalistes ésotériques' que le christianisme est une tradition complète à tous égards" (p. 9). Parmi les essais, certains révèlent explicitement l'intention qui anime et traverse l'exégèse du "traditionalisme intégral" de Panunzio: parvenir à une révision du guénonisme. Prenant comme point de départ une critique de l'écrivain Vintilă Horia de 1982, consacrée à La crise du monde moderne, l'universitaire italien montre qu'il partage la thèse critique du Roumain. Horia a relevé des ambiguïtés dans le livre en question. Si, d'une part, Guénon "revendique [...] au christianisme latin et à l'Église le privilège d'être la seule organisation authentiquement "traditionnelle"" (p. 65), d'autre part, il accorde à la franc-maçonnerie le même rôle. En outre, les "ouvertures" à l'Orient hindou et à l'islamisme, une religion à laquelle le Français s'est ensuite converti en s'installant en Égypte, ont en fait contribué au "démantèlement" de l'Europe de sa patrie spirituelle. De telles attitudes théoriques pourraient trouver une justification dans l'idée guénonienne de la Tradition unique, dont toutes les "traditions" descendent.

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Silvano Panunzio jeune.

À cette thèse, Panunzio répond que les Révélations ne se valent pas et ne sont pas interchangeables: "Le christianisme est, en ce sens, la "dernière" religion, celle qui offre uniquement à l'homme la possibilité du salut [...] par l'intercession du Fils de Dieu lui-même" (p. 67). Compte tenu de l'accélération des processus de décadence qui se sont manifestés après la seconde moitié du siècle dernier, pour Panunzio il aurait été diriment de mettre en œuvre une révision du "traditionalisme intégral". Une révision aussi radicale que celle qui avait ébranlé les certitudes dogmatiques du marxisme à la fin du 19ème siècle. La limite du guénonisme est identifiée, comme on peut le voir dans Les multiples états de l'être, d'où descend tout le système de l'ésotériste, d'être une proposition centrée sur le monisme de Plotin et de ramener, par conséquent, le débat : "à la rencontre et au choc, jamais complètement résolu, entre le néoplatonisme extrême et le christianisme" (p. 70). Cette attitude intellectuelle a, en outre, conduit Guénon à vivre l'Inde à la lumière de la seule perspective shankarienne, sous-estimant le "mystère vivant", saisi par Pannikar, relatif à l'existence d'une "Inde intérieure" qui reconnaît la fonction salvatrice du Christ.

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En conclusion, pour Panunzio, le guénonisme est une forme moderne de l'averroïsme "qui se présente aux chrétiens du vingtième siècle avec les mêmes problèmes choquants qu'au treizième siècle ! Il faut dire, précise notre auteur, que Guénon lui-même attendait beaucoup, en termes d'amendement de son propre système, de la nouvelle vague d'études traditionnelles qui s'affirmait en Italie et qui était menée par le spécialiste de l'économie Giuseppe Palomba et par Panunzio lui-même. Il était censé favoriser, non pas simplement la réunion horizontale de l'Est et de l'Ouest, mais "l'échange vertical entre le Ciel et la Terre" (p. 73). Des remarques critiques similaires émergent à la lecture de l'essai consacré à Guido De Giorgio, dont le plus grand mérite est de "ne pas avoir risqué (sic !) de mettre la Tradition à la place de Dieu" (p. 43). C'est précisément par l'analyse de l'apport de cet Adepte que l'on peut comprendre l'échec du traditionalisme des 19ème et 20ème siècles, oublieux des enseignements de De Maistre, qui était conscient que la Tradition avait été préservée non seulement par le catholicisme mais aussi par l'orthodoxie, dont seul Sédir avait une idée. Sur la voie tracée par le guénonisme: "L'Europe intérieure a été abandonnée, laissée à la merci des forces chthoniennes [...] Un glissement de terrain : que la métaphysique pure, sans l'aide de la métapolitique, s'est révélée impuissante à arrêter" (p. 45). Guénon, rappelle Panunzio, a rencontré le Père Tacchi Venturi (photo) : l'échange entre les deux n'a pas été fructueux pour rectifier les positions du Français, et il a continué à poursuivre la voie de l'"externalisation" du patrimoine ésotérique.

inptvdex.jpgLe penseur transalpin n'a pas pleinement compris l'héritage "traditionnel" présent chez Leibniz. Ce dernier, non seulement était un véritable initié, mais avait une connaissance profonde de la scolastique mystique: "cette dernière est, par contre, inconnue de Guénon" (pg. 34). Leibniz, pour cela, n'a pas reculé devant la conception audacieuse de la "pars totale", qui a tant fasciné Goethe, philosophe de la nature. Ceux qui sont présentés ne sont que quelques-uns des thèmes abordés dans le volume. Ils reviennent également dans l'intéressante correspondance privée qui clôt cette précieuse collection. Nous sommes d'accord sur la nécessité de réviser le traditionalisme. Panunzio aurait voulu y parvenir en faisant référence à un "christianisme ésotérique", "johannique". Dans certains passages du volume, un jugement excessivement peu généreux envers l'"hérésie évolienne", considérée comme "luciférienne", est évident.

L'écrivain pense certainement que "l'esprit géométrique" et l'esprit systémique de Guénon doivent être vitalisés par "l'esprit de finesse". Cette qualité était vivante et présente dans la tradition mystique grecque, en particulier dans le dionysisme, qui n'a jamais, dans l'acte aristotélicien, pensé à normaliser et à faire taire la dynamis, la puissance-liberté du principe. L'un, pour moi, n'est donné que dans le multiple, il est infranaturel. Physis est le temple de dynamis. Par conséquent, s'il devait y avoir un ésotérisme chrétien, centré sur l'idée d'un dieu qui meurt et renaît, "puissant" et "souffrant", il serait redevable et successeur des anciens Mystères, auxquels il faut revenir pour dépasser la scolastique traditionaliste.

Giovanni Sessa

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jeudi, 09 février 2023 | Lien permanent

Aet eo Dominique Simonpierre Delorme d’an anaon

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Aet eo Dominique Simonpierre Delorme d’an anaon

 

Voici un texte de Philippe Jouët en hommage à son ami Simonpierre Delorme décédé le 7 mai 2023

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Kile ker. Comme tu le sais, l’éloge funèbre est un genre passé de mode, et qui se ramène bien souvent à un tri entre ce qui peut être dit, et ce qui est moins recommandé, ou est censé ne pas l’être. Or, cinquante ans de fréquentation forment comme une ambiance où les menus événements ont autant de résonance que les grands. Ce lissage où l’on ne peut choisir, cela s’appelle l’amitié. Tu comprendras aussi que j’aurais du mal à évoquer ces moments de ma vie familiale auxquels tu as été associé, présence dont je te remercie. Tu m’excuseras de n’en pas parler.

Je retrouve ces lignes, que tu avais écrites pour la mort du militant breton Jean Kergren, et je les recopie délibérément : « Il y a dans la préface de la pièce Ar Baganiz « Les Païens », de l’écrivain brestois Tanguy Malmanche, une phrase qui dit : « Il y a en tout Breton du prêtre, du maître d’école et du gendarme ; du prêtre, parce qu’il croit volontiers à l’incompréhensible, du maître d’école, parce qu’il aime à faire partager aux autres sa croyance, et du gendarme, parce qu’il a dans sa façon de l’exprimer quelque chose de péremptoire. » Voilà qui aurait pu assez bien s’appliquer à ta personne, à condition de prendre ces figures pour des métaphores d’autrefois. Ta religion, ce fut d’être fidèle à la pensée quand elle est droite, à la parole quand on la croit juste, à l’action quand on la juge bonne, sans renier la part qui nous dépasse dans le mystère de la vie. Ton école, ce furent, entre autres activités, des cours de breton dispensés souvent à pas d’heure, et sans compter. Quant au péremptoire, il était de facture FLB, c’est tout dire, et la rigueur se faisait sentir, disons à point nommé, et avec passion, comme lorsque certains contradicteurs étalaient leurs préjugés fransquillons sur les sujets qui nous rassemblent : nos langues ethniques, l’Alsace-Moselle, que tu affectionnais, l’idéologie française que nous avons ensemble décortiquée au fil des discussions, et l’Europe comme grand-peuple et unité de civilisation, contre les États-nations, machines à broyer les identités. Tu étais capable de te fâcher tout rouge contre le mur de l’imbécillité hexagonale, de quelque côté qu’en soient les mauvais ouvriers. Je dis bien : de quelque côté.

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Simonpierre Delorme était animé par l'idée d'une Europe aux cent drapeaux. Le voici, en ses plus jeunes années, à Dixmude lors du festival annuel du mouvement flamand, avec le drapeau Gwenn ha Du.

L’Europe ? Il n’était pas facile, sans doute, de se rattacher à une souche culturelle évidente dans ces années d’après-guerre qui voyaient partout se propager le grand reniement des patrimoines, la honte de soi inculquée par les maîtres de l’heure, le bouleversement des mœurs et des coutumes, qui s’est accru comme l’on sait par la suite. Double choix risqué : une patrie ethno-culturelle, conception établie par nos anciens, et une grande aire partagée : l’Europe aux cent drapeaux. Et l’idée de passer de la théorie à la pratique, culturelle, politique, activiste.

Cela se fit, dans ton cas, avec le secours providentiel de tes séjours brestois – Mil meuriad houl a goumoul du / a blav hevelep a bep tu… – , et par ta rencontre avec Jacqueline Duval, de Brasparts, ton épouse. Je me souviens de son attention constante, de l’expression réprobatrice qu’elle prenait lorque tu disais une bêtise, a c’hoarveze a wechoù ganez, sage rappel à la mesure. Il y a quelques années, l’occasion s’étant présentée d’une façon plaisante, cela me vint sur le coup : « J’entends la voix de Jacqueline qui te dit : « Oh, mais enfin… ». À cette évocation spontanée, nous fûmes bien d’accord que les morts sont là et vivent d’une certaine façon à nos côtés.

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Les "belles histoires de l'Oncle Simonpierre" qui communique sa passion des abeilles et de l'apiculture aux enfants des écoles.

Je n’évoquerai pas les nombreux amis, les vrais, les moins vrais, qui gravitaient autour d’activités bretonnes qui t’étaient tombées sur les épaules et que tu avais assumées. Ce fut l’occasion de nombreuses rencontres, certaines fructueuses. Par exemple nous n’oublierons pas que ce sont nos cours de breton qui ont aidé dans sa quête le lexicographe et éditeur Martial Ménard, et d’autres, ce qui confirme la sentence : « La raison dit non, la volonté dit oui. » Quand aux amitiés proprement françaises qui purent se tisser ici et là, elles n’effacèrent jamais les principes fondamentaux. « Nous refusons tout succursalisme », fut une de tes formules. Quand je te l’ai rappelée il y a peu, tu ne te souvenais pas qu’elle était de toi (« Moi, j’ai dit ça ? »), mais tu la trouvas très bien.

Contacts avec des amis flamands chaleureux et attentionnés, avec des Basques et des Corses ainsi qu’avec des Ukrainiens, qui dans leur exil combattaient alors le système soviétique, ces années soixante-dix et quatre-vingts furent une transition, entre les sociétés encore stables du début du XXe siècle et la grande confusion actuelle. Peu importe. Ce qui reste vrai, ce sont les paroles d’un ancien, que « la plus haute politique est de sauver et de servir la nature de son peuple ».

De cela, il est résulté aussi une famille bretonnante que nous avons vue croître, dont les rameaux raniment ou restaurent cet esprit du pays, Spered ar Vro, qui devrait animer tout Européen en chaque cercle d’appartenance, où qu’il se trouve. Comme tu te plaisais à le dire : « L’innovation d’aujourd’hui, c’est la tradition de demain ».

Kenavo, keneil, ra vo digor dit porzh inizi Kornôg, lec’h ma vod an Eneoù e Gwerelaouenn hon Gwenved.

P. J.

Une messe sera célébrée en l’église de Saint-Léger en Yvelines le Mercredi 17 Mai à 10 heures 30. L’inhumation aura lieu le Vendredi 19 Mai à 15 heures 30 au cimetière de Brasparts.

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Brasparts, la commune bretonne où Simonpierre Delorme trouvera sa dernière demeure. Elle est dominée par un "Mont Saint-Michel" particulièrement impressionnant.

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vendredi, 12 mai 2023 | Lien permanent

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