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Quand l'US Army pillait les trains d'or juif en Bavière...

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Quand l’US-Army pillait les trains d’or juif en Bavière en 1945

L’an dernier le Congrès américain et la Maison Blanche ont mis sur pied une commission, qui devait rechercher les valeurs ayant appartenu aux victimes de l’holocauste et voir si ces valeurs ne s’étaient pas retrouver sur le territoire des Etats-Unis. Le président du Congrès juif mondial, Edgar Bronfman a été nommé président de cette « Presidential Advisory Commission on Holocaust Assets » (= « Commission Consultative présidentielle sur les avoirs de l’holocauste »). L’élite politique des Etats-Unis estimait qu’elle avait un devoir à remplir : au cours des dernières années, l’Amérique a accusé de nombreux pays (ndt : la Suisse , la Suède , l’Autriche, la Belgique , etc.) de s’être enrichis indûment en s’appropriant toute ou partie de la fortune des victimes juives du national-socialisme. Ces pays ont été cloués au pilori par les médias. L’élite politique américaine voulait prouver qu’elle acceptait une enquête en Amérique même ; on pensait que l’Atlantique était un fossé bien large, que l’Europe était loin et que la Commission —mon Dieu !— ne trouverait rien in God’s own country !

Vers le 15 octobre 1999, une commission d’études a publié un rapport provisoire sur la direction du représentant du Ministre américain des finances, Stuart Eizenstat. Le lendemain, le résultat révélé par ce rapport provisoire faisait la une de tous les grands quotidiens américains. La Commission s’était penchée sur un cas devenu quasi légendaire, celui du « train d’or hongrois ».

A la fin de l’automne 1944, quand les troupes soviétiques, progressant depuis la Transylvanie , se mettent à franchir les frontières de la Petite Hongrie du Traité du Trianon, Adolf Eichmann, officier SS, prend des mesures de protection exceptionnelles à Budapest. Il réquisitionne plusieurs trains pour évacuer ce qu’il y a lieu d’évacuer vers l’Ouest ; la destination de ces trains est la Suisse neutre. Dans l’un d’eux ont été entreposées les réserves d’or de la Banque nationale de Hongrie ; dans un autre convoi, ont été entassées les peintures et les sculptures du Musée National hongrois.

A la fin de la guerre, ces deux trains ont été rapatriés en Hongrie. Un troisième train contenait les objets de valeur appartenant à plus de cent mille Juifs de Hongrie, qui furent ensuite déportés. Il s’agissait d’œuvres d’art, d’argenterie, de porcelaine, de tapis précieux, de bijoux, de diamants bruts, d’objets en cristal, de collections de monnaies et de timbres postaux, ainsi que des lingots d’or et deux serviettes pleines contenant de la poussière d’or, sans compter de très nombreuses montres et des appareils photographiques.

Des généraux américains se sont partagé le butin contenu dans 24 wagons !

Ce troisième train n’est jamais arrivé en Suisse. Le 16 mai 1945, quelques jours après la fin des hostilités en Europe, des soldats américains découvrent ce train à l’abri dans un tunnel près du village de Werfen. Il s’agissait de 24 wagons plombés (deux autres wagons avaient déjà auparavant été pillés par des soldats français). Le contenu des 24 wagons a été ensuite amené dans un dépôt de l’US Army à Salzbourg. Comme des inventaires avaient été dressés, le gouvernement hongrois a pu procéder à une évaluation du contenu : le trésor fabuleux du « train d’or » s’élevait à 204 millions de dollars américains (au cours de 1945). Si l’on adopte le cours du change que le Congrès Juif mondial a imposé aux banques suisses, cette somme correspondrait aujourd’hui à près de 2 milliards de dollars américains.

Une partie de ces biens a immédiatement été envoyée en Allemagne et confiée aux organisations juives, qui les ont mis aux enchères, pour obtenir des liquidités, qui ont été utilisées pour soigner et soulager les innombrables « personnes déplacées ». Plus tard, 1181 peintures ont été confiées par les autorités américaines à l’Etat autrichien, quand l’Autriche était encore considérée comme une nation alliée. Mais une part considérable de ces biens du « train d’or » est tombée aux mains de généraux américains, qui avaient installé leurs quartiers dans les villas et les châteaux de l’aristocratie autrichienne.

Le premier à s’être emparé de ces biens fut le Commandant des troupes américaines d’Autriche occidentale et Commandant de la Place de Salzbourg, le Général Major Harry J. Collins. Il donna un ordre de réquisition, où il commanda pour sa résidence et pour son wagon personnel de chemin de fer, des services de cristal et de porcelaine pour 45 personnes, 30 jeux de nappes et de serviettes de lin, 12 candélabres d’argent, 13 tapis d’Orient, 60 jeux d’essuies de bain. Et cet homme avide de beaux objets a ajouté : « tout doit être de la meilleure qualité, être du travail fait main par des artisans du plus haut niveau ». Quatre autres généraux se sont servi dans les masses de biens volés ; leurs patronymes sont cités dans le rapport remis récemment aux autorités américaines : Hume, Luade, Howard et Linden.

On n’a pas pu savoir ce que sont devenus ces objets de valeur après le départ des Américains hors d’Autriche, mais on peut imaginer que la Commission poursuivra son enquête… Son président y veille et on sait qu’il est un dur à cuire qui ne se laissera jamais intimidé. Ce qui restait du « train d’or » a été distribué via les magasins de l’administration militaire ou a purement et simplement été subtilisé.

L’existence du « train d’or » était connue depuis des années. On lui a même consacré des livres. L’auteur de l’un de ces livres, Kenneth D. Alford, cite un certain Capitaine Howard A. MacKenzie, qui a formulé une simple remarque sur le sort du « train d’or » : « … la seule différence entre Allemands et Américains en ce qui concerne les pillages réside en ceci : les Allemands ont dressé avec précision l’inventaire des patrimoines pillés, tandis que chez les Américains régnait la libre entreprise incontrôlée ».

Entre le gouvernement américain et le régime communiste hongrois, eut lieu une longue bataille juridique, assez stérile, où, finalement, le gouvernement communiste hongrois n’a rien reçu. Pour justifier cela, les services américains utilisaient généralement l’argument qu’une restitution ne serait pas possible, car les propriétaires des pièces ne pouvaient plus être retrouvés. Dès le premier jour de la publication du rapport provisoire de la Commission , la communauté juive de Budapest s’est manifestée et a réclamé la restitution des biens ou un dédommagement. La Commission elle-même a recommandé au gouvernement américain de payer des dommages et intérêts. Dans l’avenir, c’est certain, une pénible bataille juridique va s’éterniser et on entendra encore souvent parler du « train d’or » de Hongrie.

Il faut procéder à un examen critique du rôle de l’US Army

Vu le rôle peu glorieux de l’armée américain dans ce cas, cette révélation servira sans doute de leçons aux médias américains, si prompts à désigner les autres à la vindicte de l’opinion publique mondiale. Les donneurs de leçons d’Outre-Atlantique auront l’occasion de méditer le vieux dicton anglais : « When you live in a glass-house, you don’t throw stones » (= Quand on vit dans une maison de verre, on ne s’amuse pas à lancer des cailloux).

Ivan DENES.

(texte issu de Junge Freiheit, n°43/1999).   

 

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mercredi, 23 juillet 2008 | Lien permanent

La ”Communauté” et ses amis

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La Communauté et ses amis

Excursus sociologique chez les théoriciens améri­cains, de Piccone a Gross

Carlo GAMBESCIA

Dans la sociologie moderne, le passage de la société “primitive-militaire” à la société “industrielle-civile” a toujours été con­sidéré comme irréversible. De Marx à Spencer et de Dahrendorf à Habermas, la disparition de la communauté traditionnelle a toujours été célébrée comme une victoire du progrès sociétaire sur le conservatisme tribal. Mais, en réalité, cette vision ba­sée sur la dichotomie “société ou communauté” s'est révélée toujours plus inadéquate pour interpréter le monde actuel. Plus précisément, la renaissance planétaire de mouvements localistes démontre que le besoin communautaire, loin d'être le reli­quat d'un âge obscur, continue à animer la vie sociale.

Du point de vue théorique, il nous semble intéressant d'observer qu'en conséquence la notion de “communauté” suscite à nou­veau de l'intérêt chez les intellectuels. Aujourd'hui, les universitaires américains nous livrent une quantité d'arguments neufs sur cette vieille question. On assiste là-bas, de nos jours, à un débat entre ceux qui perçoivent leur propre pays comme une fédération de races et de cultures diverses, d'une part, aux partisans d'un nouveau nationalisme libéral, d'autre part. Nous dé­sirons, dans le cadre du présent article, rendre compte, non pas tant de cette polémique, mais plutôt des théories qui ont redé­couvert le concept de communauté dans la perspective de fonder une nouvelle socialité post-universaliste.

Avant toute chose, nous citerons les travaux des communautariens (Taylor, Sandel, MacIntyre) et nous les comparerons à ceux d'intellectuels venus d'horizons différents comme Gross, Piccone, Daly et Cobb jr. Mais cela appelle deux précisions. En premier lieu, aux Etats-Unis, le terme de “communauté” (community)  n'avait jamais été pris jusqu'ici dans une acception “organiciste”. En Amérique, le terme “communauté” s'applique toujours à l'idée de la vaste communauté politique démocra­tique (qui va de l'Etat aux groupes associatifs mineurs) ou se réfère au concept d'auto-gouvernement local. En second lieu, les auteurs que nous mentionnons ont opposé à la dichotomie “communauté ou société”, avancée par les modernes, une concep­tion synthétique (communauté et  société) ou une conception intégrale (une communauté de communautés).

Par exemple, les communautariens  —sur lesquels porteront nos propos—  ont cherché à concilier sur le plan philosophique les raisons qui structurent la société avec celles qui structurent la communauté. De quelle façon? En tentant de reconduire l'élément sociétaire dans l'alvéole d'une socialité plus concrète. Pour Charles Taylor, en fait, la défense des libertés politiques et sociales ne doit pas exclusivement être confiée au jeu capricieux des intérêts individuels. Toujours pour Taylor, défendre les libertés politiques et sociales est lié à l'exercice de la démocratie directe et à une participation associative en croissance constante, ce qui contribue parallèlement à renforcer les identités et les idéaux partagés par tous. Dans un tel contexte, les in­térêts particuliers liés au marché peuvent être reconduits dans un horizon plus vaste de sens et de priorités sociales.

Alasdair MacIntyre lui aussi révèle qu'une idée de “Bien Commun” n'est plausible que si elle est constamment fortifiée par un sens d'appartenance à une communauté historique et aux corps intermédiaires que cette communauté historique a générés au cours de sa longue existence: l'idée de justice présuppose toujours celle d'appartenance qui, à son tour, renvoie aux concepts de communauté culturelle et de communauté de vie. Partant du même constat, Michael J. Sandel souligne que les sacrifices induits par la redistribution ne sont jamais acceptés par des citoyens qui sont en perpétuel conflit les uns avec les autres. Les inégalités produites par le marché ne pourraient s'atténuer que si les citoyens perçoivent leurs devoirs fiscaux comme une contribution à un modèle de vie accepté par tous. Mais, demande Sandel, comment faire accepter inégalités et devoirs fiscaux si l'Etat libéral se garde bien d'indiquer et de valoriser un modèle particulier qui serait dès lors un modèle privilégié, à suivre et à imiter, parce qu'il s'interdit d'interférer dans les différents modèles de vie que les individus singuliers adoptent au gré de leurs humeurs sur le mode égoïste?

On doit franchement admettre que les communautariens ont privilégié le consensus plutôt que le dissensus. Il faut dire aussi que s'il est vrai que l'exaspération du critère d'appartenance peut conduire à des dérives autoritaires, il est tout aussi certain que l'absence ou la disparition des liens sociaux prédisposent le citoyen à suivre les illusions dangereuses que sont les er­sätze abstraits de communauté: la race ou la classe.

Au filon néo-communautarien, il faut ajouter l'œuvre de David Gross et des néo-populistes gravitant autour de la revue Telos, éditée à New York et dirigée par Paul Piccone. Ces courants sont voisins mais il s'agit de ne pas les confondre. Car si à l'origine de la pensée communautarienne, on trouve un mélange philosophique curieux (Aristote, Thomas d'Aquin, Hegel), chez Gross et Piccone, on trouve l'Ecole de Francfort. Toutefois, chez les uns comme chez les autres, on trouve, bien ancrée, la conviction que sans référents idéaux communs, aucune collectivité ne sera jamais capable de s'organiser politiquement.

L'historien David Gross a attribué à la tradition le rôle d'“altérité critique” de la modernité. A son avis, la tradition n'est pas seulement une force qui garantit l'intégration sociale (laquelle est une sorte de don permanent qui oblige la génération qui re­çoit envers celle qui offre), mais aussi un instrument heuristique. La tradition devient ainsi un concept analytique permettant d'étudier la modernité: soit de l'extérieur en confrontant passé et présent, soit de l'intérieur en comparant les promesses et les résultats des idéologies sociales et culturelles “modernes”. Dans ce sens, dit Gross, il ne s'agit pas tant d'excommunier la modernité mais de développer, à l'intérieur même de cette modernité, de nouvelles traditions. A l'évidence, Gross part des in­cohérences individuelles pour déployer sa méthode de l'“altérité critique”. C'est une solution fascinante, qui ne pourra se transposer qu'au bout de plusieurs décennies du plan théorique au plan concret, c'est-à-dire celui des rapports “face à face” entre les hommes, comme l'admet du reste Gross.

Paul Piccone est d'un avis différent: pour lui, les traditions socio-culturelles, et en particulier celle de la démocratie locale américaine, conservent encore une force d'intégration et de propulsion notable. En opposition à la toute-puissance de l'Etat-Providence, dirigé par des élites techno-bureaucratiques, la participation politique directe et l'auto-détermination locale pour­raient conjuguer leurs efforts pour faire éclore un nouveau nomoi,  sur base territoriale et non pas sur une base ethnique: nous aurions affaire à de nouvelles entités communautaires capables de faciliter la réfédéralisation à la base du système politique américain. Ce processus contribuerait également à relégitimer l'ethos  démocratique dans la nation. Celle-ci prendrait un autre visage, ne serait plus un simple fatras d'ethnies et de cultures artificielles maintenues en vie par une bureaucratie loin­taine, installée à Washington, mais deviendrait cette “communauté de communautés territoriales”, produit d'interactions effec­tives entre les citoyens.

Toujours sur le même plan, mais avec de fortes connotations éco-utopiques, nous trouvons deux auteurs, Herman E. Daly et John B. Cobb jr., un économiste et un théologien, pères d'une nouvelle approche de l'économie, orientée vers la communauté et la défense de l'environnement. Selon ces deux penseurs politiques, ce n'est pas la tâche du marché de préserver la justice sociale et le “capital naturel”, mais au contraire c'est la tâche des communautés politiques réelles et diverses, subdivisées en multiples unités participatives. A leur avis, tout retour au “personalisme communautaire” présuppose deux conditions: d'une part, que la biosphère soit universellement considérée comme le patrimoine commun de l'humanité; et, d'autre part, que les Etats souverains renoncent à bon nombre de leurs prérogatives actuelles, les cèdent vers le bas aux communautés locales et vers le haut aux organisations supra-nationales de type continental. Dans un tel contexte, les processus d'identification per­sonnels et politiques continueraient à œuvrer en toute harmonie selon le degré de “profondeur” territoriale (commune, région, Etat, continent). Simultanément, l'acceptation d'une nouvelle éthique écologique, fondée sur une religiosité précise, induirait un changement positif dans les comportements et les valeurs des hommes. Daly et Cobb expliquent que les Etats-Unis, la Chine, la Russie, l'Inde et l'Union Européenne pourraient aspirer, en vertu de leurs propres traditions et de leur propre histoire, à être entièrement réorganisés en tant que “communautés de communautés”.

S'il est vrai que les Etats-Unis sont en avance par rapport aux autres pays dans le domaine des phénomènes culturels, il faut dès lors prendre au sérieux l'hypothèse que l'idée de “communauté” devienne le nouvel enjeu idéologique, l'idée qui partage les camps en présence, en lieu et place des vieilles catégories de “droite” et de “gauche”. De fait, on ne comprend pas pour­quoi, même en Europe, tous ceux qui ont refusé l'hégémonie du marché ou de l'Etat (organique ou socialiste) ne verraient pas dans la démocratie communautaire un instrument extraordinaire de travail, de lutte et d'agrégation. Car si on n'utilise pas maintenant, tout de suite, l'idée de “communauté” comme levier pour faire basculer les idéologies dominantes actuelles, quand le fera-t-on?

Carlo GAMBESCIA.

(article paru dans Pagine Libere, n°1/1996).

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dimanche, 19 août 2007 | Lien permanent

Démocratie sous tutelle: entretien avec Paul Piccone

piccone.jpgArchives de Synergies Européennes - 1995

 

Démocratie sous tutelle

 

Entretien avec Paul Piccone, directeur de «Telos» (New York)

 

Dans les années 60, la plus importante des revues culturelles américaines, Telos, éditée à New York, crée le phénomène de la «Nouvelle Gauche» et ouvre la voie à la “contestation permanente” de 1968, en important aux Etats-Unis la pensée critique de l'Ecole de Francfort, d'Adorno et de Marcuse. Mais aujourd'hui, étonnant signe des temps: Telos  diffuse désormais la pensée de Carl Schmitt aux Etats-Unis, avec l'intention bien profilée de donnée une “épine dorsale” aux New Republicans, qu'on appelle aussi la New Right aux Etats-Unis. L'un des directeurs de Telos  est Paul Piccone, philosophe du politique, Italo-Américain de tempérament volcanique que j'ai rencontré lors d'un colloque à Pérouse. Il m'a parlé avec beaucoup d'enthousiasme de Gianfranco Miglio, le politologue qui a introduit Schmitt en Italie. «L'alliance entre Fini et Miglio», m'a dit Piccone, «est la véritable nouveauté, une nouveauté surpre­nante, dans votre pays. C'est le présidentialisme plus le fédéralisme. C'est l'Etat fort mais “petit”, assorti des libertés locales, des autonomies culturelles, de l'articulation des différences. C'est ce que tentent de réaliser les néo-conservateurs aux Etats-Unis».

 

Q.: Mais, cher Professeur, je vous demande un instant... Je voudrais que vous m'expliquiez comment vous êtes passé d'Adorno à Schmitt, de la nouvelle gauche à la nouvelle droite...

 

PP: Je vous dirais tout simplement que la première chose à se mettre en tête, c'est que la dichotomie gauche/droite est désormais dépassée. Aujourd'hui, le conflit politique ne passe plus par ces catégories, mais par d'autres: nous avons et nous aurons d'autres clivages: les populistes (les partisans du peuple) contre la nouvelle classe des technocrates, la démocratie contre la radicalisation de l'idéologie des Lumières.

 

Q.: Je crains de ne pas comprendre: votre populisme, c'est donc la droite; et la “nouvelle classe”, c'est la nouvelle gauche, “radicale-chic”...

 

PP: Il faut commencer par s'ôter de la tête l'idée fausse du populisme qu'a bricolée la gauche; quand elle parle de populisme, elle imagine des foules de paysans du Middle West, ignorants et armés de fourches, qui s'en vont lyncher des Noirs et molester des Juifs. Cette imagerie sert la nouvelle classe; en la manipu­lant, elle défend son pouvoir. La démocratie, pour la “nouvelle classe”, constitue un danger: parce que, pour elle, le peuple, source originelle de la souveraineté, est aussi le réceptacle d'une irrationalité invin­cible. De ce fait, le peuple a besoin de dirigeants sages et éclairés qui disent et manient les “règles” for­melles de la démocratie. Mais la démocratie représentative en vient à représenter de moins en moins les besoins de la vie réelle des gens, et de plus en plus des techniques formelles. Et sur ce champ technico-formel, seuls sont autorisés à intervenir les avocats, les bureaucrates, les intellectuels. De fait, cette conception est bien celle du progressisme de ce siècle, depuis le marxisme réel jusqu'à la sociale-démo­cratie et au Parti Démocrate américain; tous sont les versions différentes d'un centralisme bureaucra­tique qui essaie par tous les moyens de justifier son existence et de se légitimer politiquement. C'est ainsi que fonctionne le puissant appareil administratif-redistributif qui corrige les différences créées par le mar­ché. Finalement, la vie réelle du peuple, avec son organicité et son patrimoine d'expériences collectives, en vient à être entièrement dominée par un seul et unique héritage culturel, celui des Lumières qui se pro­clame frauduleusement seul “rationnel”, seul “universel(lement valable)”. Et prétend protéger le peuple contre lui-même. Les néo-républicains américains s'opposent à cette mythologie; leur lutte prend la forme d'une lutte contre la bureaucratie étatique omniprésente, qui empêche les communautés particulières de vivre comme elles l'entendent.

 

Q.: C'est donc un phénomène très américain...

 

TELOS142_MED.gifPP: C'est vrai. Très américain au sens le plus profond du terme. La démocratie américaine, en effet, a été fondée par des fanatiques religieux  —les pères pélerins du Mayflower—  qui ont fui l'Europe pour pouvoir conserver leur liberté d'être des fanatiques. Ils ont donc créé un système de liberté, où tous ont le loisir d'être fanatiques sans être troublés par personne; et spécialement sans être dérangés par les héritiers de la “démocratie jacobine” de la Révolution Française, qui prétendent imposer à chacun, au nom de la Raison, un catalogue bien délimité de valeurs auxquelles nous sommes tous priés de nous adapter. Mais je ne crois pas que cela soit un phénomène exclusivement américain: parce qu'aujourd'hui la Raison des Lumières, qui au fil des décennies s'est faite Etat, menace tout le monde. Au fait, a-t-on arrêté la Madonne en Italie?

 

Q.: Vous voulez dire la Madonne de Civitavecchia, celle qui pleure des larmes de sang? Les juges, en effet, l'ont mise sous sequestre car ils suspectaient une super­cherie, ils ont cru que l'on abusait de la crédulité populaire...

 

PP:  A qui le dites-vous... Je ne sais pas si la Madonne pleure pour du vrai, mais ce qui m'importe, moi, c'est que ceux qui y croient sont libres d'y croire sans que l'autorité de l'Etat n'ait à s'y immiscer pour dé­cider si oui ou non ces larmes de sang sont une tromperie qui abuse de la crédulité populaire. Cet incident devrait vous montrer à quoi se réduit la démocratie formelle... Elle n'est plus que l'expression d'une classe de “protecteurs” qui protègent l'ensemble des citoyens jugés incapables de se gouverner eux-mêmes. La démocratie représentative est périmée et s'est muée en une démocratie radicale (qui se dit “libérale” dans le monde anglo-saxon), où les choix démocratiques sont réduits et réservés à ce qui est parfaitement insignifiant. Déjà l'Ecole de Francfort avait démasqué cette fraude. Mon évolution de la nou­velle gauche à la nouvelle droite s'explique par une fidélité à cette démarche démasquante.

 

Q.: Mais cette démarche était de gauche...

 

PP: Si vous voulez. L'Ecole de Francfort, et tout spécialement Adorno, dans sa Critique de l'Aufklärung, nous ont expliqué comment la “rationalité instrumentale”, absoluisée, finit par exclure comme “irrationnels” tous les réflexes vitaux des gens normaux pour qui vivre est plus important que penser. La démocratie des Lumières, qui est une démocratie représentative, n'offre qu'une représentation appauvrie de la vie politique. Ce qui nous ramène au phénomène dont nous subissons aujourd'hui les effets néga­tifs: les démocraties deviennent ingouvernables, les masses sont devenues abstentionnistes, c'est le règne des intérêts particuliers. La démocratie a sombré dans le radicalisme démocratique qui rend tout gouvernement impossible.

 

Q.: Que peut-on faire pour s'y opposer?

 

PP: Il faut récupérer à notre profit la pensée de Carl Schmitt. Parce que Carl Schmitt a théorisé la contra­diction fondamentale entre ce “radicalisme libéral” (issu des Lumières) et la démocratie. Schmitt a amorcé une critique démocratique de la démocratie libérale issue des Lumières et nous a montré combien il était nécessaire de surmonter les formalismes, les “règles”, afin de restaurer les liens entre gouvernants et gouvernés, sans lesquels la démocratie n'a pas de sens.

 

Q.: Mais cette démocratie schmittienne n'est-elle pas la fameuse démocratie plébis­citaire, portée à bout de bras par un homme providentiel?

 

PP: C'est cela le nouveau populisme. Il doit conduire à l'émergence d'une politique populiste, faite par le peuple et pour le peuple. Cette politique ne sera plus l'œuvre d'une caste de professionnels, mais par des membres effectifs d'une communauté déterminée, qui font de la politique pour exprimer directement les exigences et les besoins expérimentés dans la vie quotidienne, la leur et celle de leurs électeurs.

 

Q.: Comment décririez-vous l'expérience Berlusconi?

 

PP: Berlusconi est le moindre mal, parce qu'il n'y a pas autre chose pour l'instant. Mais Berlusconi n'a pas de programme, pas de “vision”. C'est l'axe Fini-Miglio qui me semble aujourd'hui plus prometteur en Italie. A deux, ils peuvent jeter les bases d'une démocratie populiste en Italie.

 

(propos recueillis par Maurizio BLONDET; entretien paru dans Pagine Libere, Rome, juin 1995).

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dimanche, 14 février 2010 | Lien permanent

2013 L'apocalypse économique

« 2013 L'apocalypse économique : L'hyper classe mondiale à l'assaut de l'économie et de la démocratie » de Jean Michel Groven

par André POSOKHOV

Ex: http://www.polemia.com/

Jean Michel Groven est économiste et assistant parlementaire au Sénat. Son livre 2013, l’apocalypse économique mérite de retenir l’attention car il ouvre en réalité un espace de réflexion sur l’émergence des nouvelles élites mondiales et sur la mondialisation. Il s’exprime très clairement et très courageusement sur des sujets censurés comme la subversion démographique, le libre échange ou le Politiquement correct. Si l’auteur dit à haute voix dans les couloirs du Sénat ce qu’il écrit dans son livre il doit faire sensation. A.P.
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L’émergence d’une nouvelle classe sociale : les supériorisés

L’auteur fait le constat de deux évolutions sociologiques convergentes.

Depuis la fin de la guerre le nombre de personnes qui sont passées par l’enseignement supérieur a explosé. On assiste ainsi à l’émergence d’une nouvelle classe sociale, celle des « supériorisés ». Cette classe n’éprouve pas le besoin d’un destin collectif : nation, socialisme, etc. Ses membres ont une vision idéalisée d’eux-mêmes qui leur font croire qu’ils sont des individus uniques. Le « supériorisé » cherche à ne fréquenter que ses semblables dans les mêmes espaces et a acquis une mentalité d’essence individualiste et hédoniste. Tous les thèmes politiques de ce mode de pensée se trouvaient déjà en filigrane dans les slogans de mai 68. Selon Groven cette mentalité se retrouve toute entière dans la formule : « jouir sans entraves ». Narcissisme (Face Book), destruction de l’institution du mariage, jeunisme caractérisent cette évolution aujourd’hui très avancée. Celle-ci aboutit à la volonté de s’approprier par tous les moyens et immédiatement ce qui fait envie sans qu’une morale ne soit là pour l’empêcher. C’est l’ l’Homo spontaneus qui n’est animé que par ses désirs et ses pulsions qui sont érigés en principes de base du comportement individuel et qui peuvent déboucher sur la violence.

Profondément individualiste, cette mentalité est essentiellement inégalitaire ne serait-ce que par le regard que les « supériorisés » jettent sur le peuple et même sur de moins diplômés qu’eux-mêmes. C’est le grand retour et la légitimation des inégalités en termes de revenus et de patrimoines économiques comme sociaux. L’image des classes populaires est déclassée voire symbolisée par le terme de « beauf ». Cette image négative rejaillit également sur l’image qu’ont les Français d’eux-mêmes telle qu’elle est renvoyée par les élites du type Jacques Attali pour qui il n’est d’horizon pour la France que la dilution dans l’Europe et la dilution de l’Europe dans la mondialisation. L’auteur évoque le PS devenu un parti de cadres supérieurs qui se donnent bonne conscience en discutant du sort des immigrés sans papiers ou du mariage unisexe mais oublient le sort de 70 à 80% de la population qui sont leurs compatriotes.

Ainsi est née une oligarchie qui présente trois caractères :

  • -elle prélève une part de plus en plus importante de la valeur ajoutée produite par les travailleurs grâce au libre-échange. C’est à cela que servent la mondialisation et le libre-échange,
  • -elle préfère les membres des oligarchies des pays voisins plutôt que son propre peuple dont le sort l’indiffère,
  • -elle est parvenue à tenir son pouvoir d’une morale faite par elle et pour elle : le Politiquement correct qui a pour objectif de trouver dans la société des bourreaux et des victimes afin que l’élite puisse s’ériger en « juge arbitre ».

Ce sont ces élites donneuses de leçons qui ne payent jamais les pots cassés de la mondialisation car elles sont planquées derrière leurs capitaux ou leur statut : énarques, universitaires, journalistes.

Basculement millénaire du pouvoir de Dieu vers le pouvoir de l’individu

Le deuxième constat revêt un caractère historique. Pour faire court la démocratie a été une étape dans le lent basculement millénaire du pouvoir de Dieu vers le pouvoir de l’individu. Le Peuple est devenu Dieu. Puis la déité est passée de l’Homme à l’individu : Or cet individu demeure un animal social. Celui-ci se tourne vers sa communauté afin d’assurer ses besoins et sa propre sécurité. Il en résulte un repli sur soi et une atomisation de la société Ainsi peut s’expliquer le fractionnement des nations actuelles en autant de communautés qui se regardent en chiens de faïence, voire en ennemies.

C’est la conjonction de ces deux évolutions sociologiques qui permet la prise du pouvoir économique et politique par l’hyper classe nationale comme mondiale.

La stratégie de l’hyper classe : des coupables et des victimes

Le fractionnement de la population qui est organisée de manière presque consciente par les élites et la mise en place de la tyrannie du Politiquement correct s’effectuent en quatre étapes :

  • -la désignation de victimes : immigrés, femmes, homosexuels. La victime absolue est la personne d’origine juive. La désignation de nouvelles victimes est souvent univoque. SOS racisme ne s’intéresse pas à ce que l’on appelle le racisme anti blanc, terme impropre d’ailleurs,
  • -la désignation de coupables. Un contestataire du réchauffement climatique est un coupable absolu. La France, désignée comme responsable du génocide des Juifs est mise en accusation d’une manière permanente,
  • -l’élite intervient par le biais des lois anti-discrimination et surtout mémorielles qui sont le socle de la tyrannie des associations notamment antiracistes. L’insécurité sous les trois formes de la délinquance, de la précarité économique et de la précarité familiale, constitue également l’épine dorsale du monde nouveau de l’oligarchie. Elle entraine une judiciarisation des relations entre individus et une « cancerisation » des relations humaines par une méfiance généralisée et la guerre de tous contre tous. La nouvelle classe sociale profite de cet état de choses pour imposer sa loi en se posant comme le juge arbitre de tous les conflits qu’elle a elle-même créés,
  • -la création d’une « compétition victimaire » en suscitant du ressentiment chez d’autres victimes.

Les passages du livre sur ces thèmes sont particulièrement éloquents et percutants. L’auteur souligne que « ce qui est terrifiant avec cette nouvelle doxa, c’est sa capacité à transposer n’importe quel sujet sous un angle moralisateur avec, à chaque fois, l’éternelle trilogie juge/victime/coupable ». Il souligne que dans certains pays l’idéologie du politiquement correct est devenue folle comme au Royaume uni.

Au bout du compte la nation et les grandes idéologies collectives s’effacent au profit de micro et de macro-tribus. Cette tribalisation et ce communautarisme se retrouvent dans les ghettos géographiques : banlieues mais aussi centres villes et cités pavillonnaires des classes moyennes.

Cette situation délétère est porteuse de chaos social qui ne peut que profiter à un futur régime qui, au nom du rétablissement de la concorde nationale (qu’il aura lui-même brisée..) imposera de plus en plus ses lois afin de contrôler une démocratie vacillante, voire même demandera sa suppression.

L’évolution actuelle.

2013 présente trois types de mondialisation : la mondialisation des cultures, celle de la finance et des biens et services et enfin celle des travailleurs.

Concernant les biens et services l’auteur se livre à une critique économique virulente du libre-échange promu par l’ensemble des milieux qui sont protégés par leur statut de la concurrence extérieure ou qui font partie des secteurs qui en profitent, ce qui ne constitue pas l’originalité de l’ouvrage.et sur laquelle il ne sera pas insisté :

En revanche les conséquences sociales et politiques sont lourdes.

  • -les industries américaines puis européennes ont subi de plein fouet la concurrence des dragons asiatiques ce qui a entrainé les délocalisations et la baisse du niveau de vie des classes populaires,
  • -l’écart entre les riches et les pauvres est généralement grandissant,
  • -Un processus de paupérisation s’est accentué avec l’entrée en scène des pays émergents et touche les classes moyennes,
  • -l’endettement des classes moyennes grâce à la bulle immobilière et des classes populaires grâce aux crédits à la consommation,
  • -l’effondrement à venir des monnaies : le dollar comme l’euro.

« 2013 l’apocalypse économique » prévoit qu’au terme, proche, de ce processus l’économie occidentale connaitra un effondrement économique, financier et social Ce sera particulièrement le cas des USA qui perdront leur statut de leader mondial.

Ces prédictions sinistres ne sont pas invraisemblables et JM.Groven n’est pas le seul à les formuler. On peut même avancer que les évolutions récentes de l’économie occidentale les rendent vraisemblables. Cependant les présenter comme certaines avec une date précise affaiblit le propos de l’ouvrage. A titre d’exemple JM. Groven prévoyait la chute de l’euro en 2011 et 2012 ce qui n’est pas arrivé.

Pour ce qui concerne la France, l’arrivée de la nouvelle hyper classe mondiale conduit à disloquer le système politique classique basé sur la démocratie et l’Etat nation. Il faut à tout prix éliminer celui-ci en invoquant des motifs nobles et d’intérêt général. L’Union européenne est l’espace au sein duquel la Nation française qui a déjà perdu ses prérogatives étatiques est censée se fondre.

En conclusion l’auteur a exprimé l’espoir que son livre apportera quelques « cartouches intellectuelles à tous ceux qui se rebellent contre ce monde qui s’annonce triste et fatigué à l’image et à la dimension de la nouvelle élite ». Il est loisible de penser que ce but, grâce à de nombreuses pages fortes et courageuses, a été atteint et que la lecture de ce livre peut être recommandée à ceux qui souhaitent découvrir les ressorts de la prise du pouvoir par l’oligarchie mondiale comme nationale.

André Posokhov
29/12/2012

Voir aussi :

L'Idéologie de la superclasse mondiale (1re partie)
« Au bord du gouffre / La faillite annoncée du système de l'argent » d'Alain de Benoist
Quel est l'ennemi ? La superclasse mondiale ou la puissance américaine ?
Dix thèses sur le libéralisme (1/3)
La généalogie de la superclasse mondiale (Première partie)
Essor de la « superclasse globale » (ou hyperclasse) et crise des classes moyennes.

Correspondance Polémia : 1/01/2013

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mardi, 05 février 2013 | Lien permanent

Dostoïevski et les violences illuminées du Parti socialiste

Dostoïevski et les violences illuminées du Parti socialiste

par Nicolas Bonnal

Ex: http://linformationnationaliste.hautetfort.com/

— Nous savons qu’un doigt mystérieux a désigné notre belle patrie comme le pays le plus propice à l’accomplissement de la grande œuvre.

Fedor--Mikhailovitch-Dostoievski.jpgParti des banques et des médias, le PS se veut aussi un parti d’avant-garde, un parti refondateur de notre France et de l’espèce humaine.

On se doutait que la destruction de la famille et l’achat de nouveau-nés, encouragés par les temps globalisés qui courent, ne rencontreraient pas un grand écho public ; surtout si une loi destinée à favoriser les théories d’avant-garde illuministe et les intérêts d’un lobby surreprésenté dans la mode et les médias, les affaires et la politique (et ce de la gauche à l’extrême droite maintenant) heurtait de front une énorme majorité de la population. Mais on n’osait présager ce qui allait se passer : le passage à tabac du petit peuple contestataire et familial.

Je ne réside pas en France, je n’en ai pas le cœur. Je peux témoigner qu’à l’étranger les médias n’ont rien dit, et qu’ils ont à peine insisté sur les… milliers de manifestants (les milliers de manifestants ??? On est bien gardés partout.)

J’ai eu plusieurs amis et amies arrêtés et tabassés par la police ; des gardes à vue, des nuits au poste, des charges, des gazages fondés sur des théories de la conspiration (nous on s’affronte à la réalité de la conspiration, ce n’est pas la même chose) ; c’est d’autant plus étonnant qu’il s’agissait non pas de militants musclés mais de gentils pères et mères de famille, des cathos comme il faut, comme disent les médias officiels avec leur mépris raciste et ricaneur. Il devait même y avoir des bobos au sens strict, des petits laïcs avec leur bonne famille. J’ai même su que de bons petits étudiants pourtant gentiment conditionnés par la lecture de Luther King ou Mandela avaient aussi été tabassés. On a balancé le gaz (changer le mot, comme chez Orwell) sur les mères et leurs enfants, et comme on avait tort, on s’est acharné sur les victimes, ce qui est dans la logique de ces temps post-libéraux (fonctionnaires, retraités, assistés, c’est vous qui nous ruinez et pas l’euro !) et post-démocratiques : on vous prendra vos sous, vos vies, vos idéaux. Paris est en état de siège et l’on se doute que les Invalides, le Champ de Mars et les quartiers traditionnels ne seront plus les mêmes. Les forces spéciales seront prêtes. Un ground zero se prépare, c’est bon pour les sondages, car les socialistes qui ont mis tout le monde à bout en quelques mois, ont encore quatre années à tirer, et ils ne se sont pas près de se tirer, même s’ils ne s’en tireront pas comme ça. Entre deux tenues et deux partouzes, ils nous préparent un sale coup à la manière des méchants des péplums hollywoodiens. Un grand incendie de Rome, arrosé à l’hélium ?

L’important est de haïr le peuple dont l’ordre mondial vous adonné la charge ; et le traiter en conséquence. Le gouvernement sera francophobe ou ne sera pas. C’est comme ça qu’après un ministre deviendra commissaire européen ou bossera pour les pétroles ou Goldman Sachs.

L’arrogance, la muflerie, la vulgarité et la mauvaise foi du sous-ministre en charge ne connaît pas de limite. Je le soupçonne, ce membre actif du club milliardaire et conspirateur des Bilderbergs, de guetter la salive à la bouche le moment où il y aura des morts pour interdire entre autres toute manifestation, cette dernière tradition française et populaire. Il criera alors à la conspiration intégriste, en appellera à Dan Brown et incriminera la filière tchéchène pour faire plaisir à son copain Obama (un libéral est toujours un lèche-bottes, remarque aussi Dostoïevski). On ouvrira des camps, sans doute, pour enfermer les ennemis de la liberté. Ils sont 99%. On n’est plus à ça près dans la démocratie-marché, cette société qui considère que la civilisation est un marché ou plutôt un centre commercial ; que les populations sont remplaçables ; et que les élections ne sont plus même nécessaires là où elles se font gênantes.

Le ministre à matricule avait morigéné il y a un an les journalistes les plus soumis du monde, comme FOG, au motif que ces derniers avaient bêlé avec les moutons du paysage médiatique américain lors d’une arrestation-spectacle. On a vu que ce pauvre DSK n’était pas si innocent que cela, et que les socialistes sont des innocents aux mains sales, pour reprendre un titre célèbre. Pour les taxes et le sexe, les socialos sont des champions ; pour trafiquer les feuilles de vigne des impôts aussi.

Les socialistes sont des bourgeois illuminés, comme les avocats guillotineurs de la Révolution, avec un certain nombre de tares sociales et sexuelles, et ce sont aussi des possédés. Adorateurs des contes de fées et comptes en banque, personne ne les a mieux expliqués que Dostoïevski dans son meilleur opus : « J’ai remarqué, me faisait-il observer un jour, que tous ces socialistes fanatiques, tous ces communistes enragés sont en même temps les individus les plus avares, les propriétaires les plus durs à la détente ; on peut même affirmer que plus un homme est socialiste, plus il tient à ce qu’il a. »

La folie de la théorie du genre qui ne repose sur rien de moral ni même de scientifique (je mets la science après la morale ; j’ai encore le droit ?) mais seulement sur des fantaisies de psychanalystes est aussi présente dans l’œuvre du grand maître russe : le despotisme marche de concert avec l’aberration idéologique. Rappelez-vous 93, les nouveaux prénoms de la révolution, le nouveau calendrier, les nouveaux cultes. Avec ces illuminés, on n’a jamais fini.

Mais rappelez-vous que dans Fourier, dans Cabet surtout, et jusque dans Proudhon lui-même, on trouve quantité de propositions tyranniques et fantaisistes (ou fantastiques) au plus haut degré.

Dostoïevski annonce aussi les bric-à-brac déments de notre enseignement avancé, de nos magistrats investis par le trotskysme et de l’avant-garde idéocratique qui rêve de parader dans les soirées milliardaires et phil-entropiques : « Le précepteur qui se moque avec les enfants de leur dieu et de leur berceau, est des nôtres. L’avocat qui défend un assassin bien élevé en prouvant qu’il était plus instruit que ses victimes et que, pour se procurer de l’argent, il ne pouvait pas ne pas tuer, est des nôtres. Les écoliers qui, pour éprouver une sensation, tuent un paysan, sont des nôtres. Les jurés qui acquittent systématiquement tous les criminels sont des nôtres. Le procureur qui, au tribunal, tremble de ne pas se montrer assez libéral, est des nôtres. »

Frapper la mère de famille et gazer son bébé devient la blague du salon rose et le devoir du CRS briefé et conditionné ; tout comme détaler devant les racailles de banlieue et encenser le criminel moyen qui en somme ne fait que son devoir rousseauiste de redresseur des torts sociaux. Dali disait déjà aux surréalistes qu’il serait « plus amusant » de faire sauter les pauvres. Et Dostoïevski : « Savez-vous combien nous devrons aux théories en vogue ? Quand j’ai quitté la Russie, la thèse de Littré qui assimile le crime à une folie faisait fureur ; je reviens, et déjà le crime n’est plus une folie, c’est le bon sens même, presque un devoir, à tout le moins une noble protestation. »

Le plus inquiétant est que des canards bourgeois ont encensé le ministre en question ; que le monde sagouin et subventionné de la presse écrite s’acharne contre les deux millions de français descendus dans la rue ; et que la folie absolue de la bourse et de la spéculation accompagne cette descente aux enfers de la politique, de la justice et de la morale. La destruction par la dette et l’euro – créé à cet effet – de l’emploi et du patrimoine français attend la destruction de ce qui reste de la famille et la nature.

Le plus inquiétant aussi est que la dégénérescence des partis politiques de droite et d’extrême-droite censés jadis représenter une France réelle et non plurielle, conservatrice et non moderne, interdit de songer à une alternance crédible dans quatre ans ou moins maintenant… Jamais la démocratie parlementaire si souvent en crise dans notre histoire n’a semblé aussi courte, aussi inadaptée, aussi dérisoire. Il va falloir que le peuple des parents et des enfants prenne son destin en main laissant la matraque aux ministres et les prébendes aux autres malotrus.

On n’en a pas fini avec la nuit ; pas celle du moyen âge bien sûr, mais celle des temps modernes et illuminés.

Les mesures proposées par l’auteur pour supprimer le libre arbitre chez les neuf dixièmes de l’humanité et transformer cette dernière en troupeau par de nouvelles méthodes d’éducation, – ces mesures sont très remarquables, fondées sur les données des sciences naturelles, et parfaitement logiques.

http://francephi.com

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mardi, 04 juin 2013 | Lien permanent

Sur la territorialité

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Sur la territorialité

Entretien avec Georges Feltin-Tracol

Il y a quelques mois, le Comité directeur du Carrefour des Acteurs Sociaux (C.A.S.) animé par Joël Broquet, en particulier son pôle « Territoires »,  proposait à un questionnaire d’enquête consacré à la question territoriale dans l’Hexagone. Georges Feltin-Tracol, rédacteur en chef d’Europe Maxima, a bien voulu y participer. Les réponses mises en ligne ci-dessous ont été largement développées par rapport à la version initiale envoyée au C.A.S.

Cet entretien paraît approprié au lendemain du « non » alsacien qui ne résout rien et qui aggrave au contraire les problèmes territoriaux issus d’une décentralisation trop technocratique dès le départ. L’échec du référendum régional alsacien témoigne aussi de la nécessité pour les prochaines consultations locales d’affronter frontalement notables et élus locaux.

Carrefour des Acteurs Sociaux : Selon vous, quelle organisation territoriale serait à préconiser pour optimiser les actions publiques ?

Georges Feltin-Tracol : À mes yeux, le territoire administratif le plus optimal en matière d’actions publiques demeure la région. Toutefois, il est primordial de réviser en profondeur et d’une manière complète la carte administrative territoriale en s’appuyant sur des régions rectifiées (fusion des deux demi-régions normandes, rattachement de la Loire-Atlantique à la Bretagne, création d’une région « Pays-Bas français » sur les régions Picardie et Nord – Pas-de-Calais, fusion de départements en Alsace, en Corse, en Savoie) et réduites en nombre (22, c’est trop).

C.A.S. : Quel échelon actuel est-il, selon vous, pertinent aujourd’hui ?

G.F.-T. : Outre la région, l’autre échelon pertinent me paraît être l’arrondissement rectifié. Mais attention ! La notion d’arrondissement est à modifier complètement. En effet, l’essor des modes de transport (voiture, train), l’implantation des centres commerciaux en périphérie des villes et l’étalement urbain sur les zones rurales proches (ce qui est un grave problème en soi) entraînent une véritable révolution territoriale administrative silencieuse. Face à l’effacement de la distinction rural / urbain, la région et l’arrondissement rectifié afin qu’il corresponde à un bassin de vie autour d’une ville-centre paraissent des échelons pertinents.

C.A.S. : « L’abrogation » de la démarche Pays vous semble-t-elle justifiée ?

G.F.-T. : Oui, dans le cadre actuel. En revanche, dans le cadre de l’arrondissement – bassin de vie, le « pays » pourrait renaître à la fois en tant que successeur de l’arrondissement actuel et qu’en espace optimal de proximité à la condition que ce nouvel arrondissement ou pays fusionne avec le canton, l’intercommunalité et l’actuel « pays ».

C.A.S. : Comment la gouvernance territoriale devrait-elle être organisée ?

G.F.-T. : D’abord, il faut sortir de la novlangue officielle en place. « Gouvernance » relève du jargon bureaucratique d’essence libérale-mondialiste. Le gouvernement idoine des territoires serait un recours massif et permanent à la démocratie directe.

Il est important d’abandonner le régime d’assemblée en vigueur dans les collectivités municipales, départementales et régionales et l’omnipotence de l’exécutif territorial en appliquant une large démocratie directe. Outre le contrôle civique des élus par les droits populaires de surveillance, de veto et de proposition, les responsables territoriaux devraient être tirés au sort, ne cumuler aucun mandat, être révocables et détenir un mandat impératif. Une autre réforme de taille serait d’instaurer la responsabilité sur leurs biens propres de la gestion de la collectivité. En corollaire, le droit de vote serait obligatoire sous peine de lourdes sanctions. L’idéal serait aussi une réelle impartialité, c’est-à-dire une absence de partis politiques…

C.A.S. : Les solidarités urbain/rural ont-elles un sens aujourd’hui ? Si oui, lesquelles  ?

G.F.-T. : Il est clair, aujourd’hui, que les solidarités urbain / rural se distendent du fait de la disparition voulue de la paysannerie, de l’étalement urbain anarchique et de l’alignement des campagnes sur le mode de vie, les codes culturels et les goûts des citadins. La France est en train de se scinder en trois ensembles disparates : les métropoles, créatrices de richesses, leurs banlieues sur-subventionnées et les territoires péri-urbains (ou ruraux profonds) délaissés (fermeture au nom de la R.G.P.P. – réduction générale des politiques publiques – du bureau de poste, de l’école primaire, de la gare, non-desserte des transports en commun, etc.). Fuyant des zones urbaines en chaos ethnique et les fortes hausses d’impôts, les catégories populaires et intermédiaires qui s’installent « à la campagne » se sentent pénaliser : elles n’ont droit à rien et doivent payer pour des services inexistants.

C.A.S. : Quel constat de la décentralisation faites-vous ?

G.F.-T. : D’un point de vue fédéraliste, identitaire et régionaliste français et européen, la décentralisation est un fiasco total du fait de l’incompétence de son personnel politicien. L’État central a eu tort de faire confiance à la partitocratie, d’où l’explosion des effectifs de la fonction publique territoriale, du clientélisme et de la corruption, de conserver ses attributions ou de les déléguer sans accompagnement financier réel et d’empêcher l’autonomie réelle des collectivités en leur assurant une fiscalité propre.

Plutôt que de relancer la décentralisation, l’heure est venue pour la régionalisation et la réduction draconienne des strates administratives et du nombre d’élus.

C.A.S. : Selon vous, quelles orientations devraient prendre la politique européenne de cohésion territoriale (organisation spatiale du territoire européen) ?

G.F.-T. : L’idéal serait un État fédéral européen dégagé de l’O.T.A.N. et de l’O.M.C. à vocation impériale grande-continentale. Plus concrètement, une vaste politique coordonnée de relance et de relocalisation de l’industrie, de l’agriculture (dans un sens bio et non productiviste) et des transports collectifs (avec le retour de l’aéro-train) donnerait enfin une véritable cohérence territoriale au continent sans omettre bien sûr une ambitieuse politique culturelle et scolaire authentiquement européenne et identitaire.

C.A.S. : Quelle devrait être la place de « Paris » dans l’architecture urbaine mondiale et européenne ?

G.F.-T. : L’anti-Parisien que je suis estime que ce n’est qu’une agglomération française parmi d’autres. Malheureusement, soyons réalistes. Paris et ses environs demeurent la première région de France en population et en production économique. La déconcentration de la Capitale prendra beaucoup de temps. En attendant, il importe de valoriser les autres villes et agglomérations afin de contrebalancer l’influence de plus en plus délétère de Paris.

C.A.S. :  Quel périmètre devrait avoir « Paris », en tant que ville et en tant qu’agglomération ?

G.F.-T. : Dans l’idéal toujours, il serait bien d’arrêter la croissance parisienne et de favoriser l’attrait de la « Province ». En pratique et dans la perspective voulue d’en faire une métropole mondiale, Paris doit franchir le Périphérique et étendre sa superficie à la « Petite Couronne ». En clair, il est nécessaire d’abolir le 75 et les départements périphériques et de tirer un trait définitif sur les conséquences de la Commune de 1871.

C.A.S. : La structure de l’agglomération parisienne serait selon vous ?

G.F.-T. : Une collectivité territoriale intégrant les compétences communales, départementales et régionales.

C.A.S. : Selon votre réponse, quel devrait en être le périmètre ?

G.F.-T. : Si Paris devient une collectivité territoriale, sa superficie devrait correspondre, nonobstant l’obstacle des départements à faire disparaître, à son aire urbaine, soit les « Petite » et « Grande Couronne » réunies. Un autre facteur entre en ligne de compte : les migrations tant internes qu’externes. Il faut arrêter les flux migratoires vers l’Île-de-France qui est devenue l’«Île-du-Monde ».

C.A.S. : Quelles devraient être les compétences pour la structure de l’agglomération parisienne serait selon vous ?

G.F.-T. : Le « Grand Paris » devrait détenir toutes les compétences ! À savoir la planification territoriale et l’urbanisme, l’emploi et la formation professionnelle, le développement économique, les transports, la préservation du patrimoine et l’essor culturel enraciné, l’écologie véritable et non le fumeux développement durable, ou les services sociaux à la population.

C.A.S. : Quelle appellation souhaiteriez-vous pour l’entité de la structure de l’agglomération parisienne ?

G.F.-T. : Cette collectivité territoriale avec une population moindre du fait d’un retour (imposé ? forcé ?) dans les provinces de nombreux résidents pourrait très bien s’appeler « Paris – Île-de-France ». Et puis, imaginons un changement de capitale en promouvant Lyon ou Clermont-Ferrand, voire en créant ex-nihilo une nouvelle sur les exemples de Brasilia ou d’Astana.

• Propos recueillis par le pôle « Territoires » du C.A.S.


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jeudi, 18 avril 2013 | Lien permanent

Barrès réhabilité

Barrès réhabilité

par Bastien VALLORGUES

 

barres2-copie-1.jpgLongtemps principale figure de la République des Lettres et modèle de plusieurs générations d’écrivains, Maurice Barrès est aujourd’hui bien oublié tant des institutions que du public. 2012 marquait les cent cinquante ans de sa naissance, le 20 août 1862. Cet événement n’a guère mobilisé les milieux officiels plus inspirés par les symptômes morbides d’une inculture abjecte. Le rattrapage demeure toutefois possible puisque 2013 commémorera la neuvième décennie de sa disparition brutale, le 4 décembre 1923 à 61 ans, à la suite d’une crise cardiaque. belle session de rattrapage pour redécouvrir la vie, l’œuvre et les idées de ce député-académicien.

 

Paru en 2009, un essai biographique aide grandement à ces retrouvailles. Or son auteur, Jean-Pierre Colin, n’a pas le profil du barrésien habituel. En effet, universitaire lorrain, Colin fut le conseiller ministériel de Jack Lang. Par ailleurs, cet homme de gauche est aussi comédien et dramaturge. On pourrait dès lors craindre que l’ouvrage dénigre Barrès. Il n’en est rien. Jean-Pierre Colin exprime plutôt une réelle empathie pour l’auteur de La colline inspirée. En outre, son livre se lit avec plaisir et aisance.

 

Homme de lettres, romancier et journaliste, le Lorrain de cœur n’est pas d’un seul bloc au contraire de son vieil ami Charles Maurras. « Barrès aura été toute sa vie d’une certaine façon l’anti-Maurras. » Jean-Pierre Colin qui ne partage nullement les idées maurrassiennes qualifie néanmoins l’éditorialiste de L’Action Française d’« écrivain authentique, pétri d’hellénisme et le félibre a sa place dans le panthéon français. C’est toutefois un homme abrupt dans ses convictions, haineux dans ses inimités, intolérant dans ses idées et fanatique dans son projet ».

 

Le paradoxe Barrès

 

« Anti-Maurras », Barrès l’est assurément, car, par sa célébration de la terre et des morts, il incarne le dernier des romantiques français. Il voulut donner une politique à ce courant, répondant ainsi au primat de la langue d’Herder. Député boulangiste de Nancy de 1889 à 1893, il participe à la rédaction du titre boulangiste La Cocarde à partir du 5 septembre 1894. Il siégera de nouveau à la Chambre en tant qu’élu conservateur des Halles de Paris de 1906 jusqu’à sa mort.

 

Étonnant élu de Paris qui habite à Neuilly-sur-Seine ! Cet anti-parlementariste sera parmi les doyens de la Chambre des députés et éprouvera un réel attachement à la fonction parlementaire. Lors de certaines de ses interventions, Barrès célèbre le collectivisme. À d’autres moments, il saluera la Commune de 1871 et envisagera d’écrire sur Louise Michel, la « Jeanne d’Arc » communarde. Est-ce si surprenant pour l’inventeur du « socialisme nationaliste » ? Ce contempteur de l’immigration se liera avec une rare intensité charnelle avec la comtesse Anna-Élisabeth de Noailles d’origine roumaine, de dix ans son aînée. cette humanité riche en contradictions fera que « Anatole France, Marcel Proust ou Léon Blum l’auront toujours gardé dans leur estime ». Colin rappelle au contraire que la publication d’Un jardin sur l’Oronte indignera les critiques catholiques pour son immoralisme. Ce livre de 1922, Barrès renoue avec sa jeunesse anarchiste et égotiste de L’Ennemi des Lois (1893).

 

La liberté d’esprit concerne aussi son traitement de l’affaire Dreyfus. Si « Barrès sera quand même de ceux qui reviendront sur leur aveuglement, […] alors que l’Affaire Dreyfus a perdu de son intensité, il ne retranche rien de ses écrits antérieurs, même les plus incisifs. D’une façon générale, il n’aimera jamais désavouer les positions qui auront été les siennes, à un moment ou à un autre, estimant que sa pensée forme un tout ». Colin n’hésite pas à critiquer sévèrement les analyses, pleines de contresens, de Zeev Sternhell.

 

Maurice Barrès s’intéresse à la littérature dès 1884 quand il lance une éphémère revue, Les Taches d’Encre. L’édition ensuite de ses premiers romans va lui valoir une notoriété certaine si bien qu’il sera bientôt appelé le « Prince de la Jeunesse » grâce à Paul Adam qui lui offrit en 1889 une pièce à l’effigie de l’empereur Alexandre Sévère sur laquelle était inscrite « Princeps Juventatis ». il y a plusieurs significations à ce geste. Retenons que Barrès n’a jamais fait son âge réel et conserve toujours une allure juvénile. Mais le célèbre Lorrain savait cacher sous une apparence adolescente « un redoutable polémiste ».

 

barresmaurice.pngPar delà ce talent polémique, Jean-Pierre Colin perçoit dans l’œuvre de Barrès politique la préfiguration des idées gaullistes de la Ve République. Il est le passeur idoine entre le bonapartisme du XIXe siècle et le gaullisme du XXe ! Barrès n’a jamais rencontré Charles de Gaulle, mais ce dernier avait à La Boisserie ses œuvres complètes. Barrès gaulliste n’aurait pas été incongru. Jean-Pierre Colin évoque une uchronie parue naguère dans Le Figaro montrant un Barrès de 78 ans réagissant à l’Occupation. Après une période d’observation et de silence, Barrès qui n’a jamais apprécié Philippe Pétain – il préférait Hubert Lyautey -, dénonce la Collaboration… Irréaliste ? Dès juillet 1940, Philippe Barrès, son fils unique, rejoignit Londres et la France libre. En 1951, il deviendra député de Meurthe-et-Moselle sur une liste du R.P.F., ce qui corrobore une filiation intellectuelle entre le barrésisme et le gaullisme.

 

Un pré-gaullisme

 

Dès sa période boulangiste, Barrès fait sien la devise de son champion : « Dissolution – Constituante – Révision ». Il rêve d’un État laïc, du recours fréquent aux referenda, d’un pouvoir exécutif stable et puissant élu au suffrage universel direct. Barrès réclame en outre une France forte, impartiale et décentralisée. La décentralisation est un thème cher pour ce Lorrain qui a aussi des attaches familiales dans le Gévaudan. En arrêtant la centralisation parisienne, il entend « donner à chaque province dont est née la France, la vie qui lui manque du fait d’une excessive centralisation, qu’elle ait été autrefois monarchique ou aujourd’hui républicaine ». Mais il souhaite aller avec le régionalisme. « Chez Barrès, le régionalisme est d’abord un phénomène culturel et c’est dans cette dimension qu’il peut, non pas contredire l’unité française, non pas contrecarrer l’action du pouvoir central, mais au contraire nourrir l’unité politique de la diversité dont elle a été historiquement le produit. » Il doit inciter à l’enracinement, seul véritable fondement du nationalisme qui « est la loi qui domine l’organisation des peuples modernes (La Cocarde, 21 novembre 1894) ». « L’enracinement de Barrès est de nature politique [… car], adepte de la plus grande liberté dans l’écriture, Barrès, nourri du scientisme propre à son siècle, et plus spécialement du darwinisme, a cependant une vision totalement déterministe de la société », ce qui explique que « républicain, le nationalisme de Barrès était tragique ». Inventeur d’une Lorraine idéale, « l’enracinement barrésien, loin d’être une prison, est un effort de l’âme pour se souvenir d’où elle vient, mais l’âme n’est pas un feu follet, elle est incarnée, et l’être humain, souvent ballotté par les événements, parfois définitivement transplanté, mêlera ses anciennes racines à celles qui vont de nouveau pousser, dans un terroir nouveau, son pays d’adoption ». On retrouve le fond romantique de sa pensée. Député, Barrès est parmi les premiers à se soucier du patrimoine culturel et local.

 

Jean-Pierre Colin éclaire d’autres facettes presque inconnues du Barrès politique. Il le défend face à ses détracteurs sur son rôle de « Rossignol des massacres » pendant la Grande Guerre fratricide européenne. Journaliste et député, Barrès ne peut s’engager du fait de son âge et d’une santé fragilisée par des excès de table et de cigarettes. Destinataire de nombreuses lettres venues tant du front que de l’Arrière, des « Poilus » que de leurs entourages, Barrès se fait le mémorialiste du conflit. Il en rédigera vingt-quatre volumes ! Quand il n’écrit pas des articles qui sont parfois censurés par les autorités militaires parce qu’à la germanophilie culturelle trop prononcée, Barrès s’active auprès de ses collègues : création de la Croix de Guerre, port du casque d’acier, usage du réchaud à alcool dans les tranchées. Il défend mutilés et victimes de guerre face à l’administration, obtient pour les épouses des mobilisés une indemnité journalière et exige le droit de vote des femmes veuves de guerre !

 

Dès la paix revenue, il s’inquiète des conséquences des traités de 1919 – 1920. Voyageur impénitent en Espagne, en Italie, en Grèce et en Orient, il souhaite le maintien de l’Empire ottoman, promeut une Allemagne fédérale et encourage les sécessions séparatistes de la Rhénanie du Nord, de la Rhur et de la Rhénanie du Sud. Dans ses derniers textes, ce passionné de la vallée rhénane envisage l’éventualité d’une Fédération européenne…

 

Maurice Barrès. Le Prince oublié trace le portrait original et captivant d’un écrivain qui mérite beaucoup mieux que son image supposé détestable. Jean-Pierre Colin fait bien mieux : il le réhabilite !

 

Bastien Vallorgues

 

• Jean-Pierre Colin, Maurice Barrès. Le Prince oublié, Infolio, Gallion (Suisse), 2009, 249 p., 22 €.

 


 

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jeudi, 02 mai 2013 | Lien permanent

Le dossier Macron et le retour de Boris Vian

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Le dossier Macron et le retour de Boris Vian

par Nicolas Bonnal

Ex: http://www.dedefensa.org 

Tout le monde a souligné à foison leur ressemblance. Or j’avais signé aux Belles Lettres en 2008 un contrat sur Boris Vian et notre modernité. Je vivais alors dans la Bolivie de mon cher Evo Morales, plus précisément à Sucre (et dans le Gran hôtel de Che Guevara qui plus est, un trois étoiles à neuf euros), et malheureusement l’Alliance française du coin de la rue n’avait pas un seul exemplaire de l’œuvre du maître ! Le web était moins riche que maintenant et je n’honorai donc pas mon contrat. Et comme on ne versait plus d’à-valoir…

J’ai tout de même retrouvé quelques textes, et je les donne à mes lecteurs préférés...

"On est curieusement entrés dans l'ère de l'écume des jours"

De l'écume des jours ? Oui, celle de Boris Vian, qui se résume à deux axes, par-delà les provocations verbales du petit maître oublié : les gens deviennent puérils, ludiques, et l'espace, l'espace vital surtout se rétrécit.

Comme nos contemporains, les "adulescents" de Vian sont très ludiques ; ils sont aussi techno-dépendants, rêvent de pianocktail et de patinage ; ils ne sont pas très sexués et ils ne sont pas, mais alors pas du tout politisés. Ils rêvent d'être des ignares, et d'ailleurs on va tuer le Jean-Sol Partre national (ah, nos intellos rive gauche !) pour bien marquer ce rêve américain. On rêve de jazz et de négritude, comme aujourd'hui de rap et d’exotisme cheap. Avec ces certitudes, on ignore où l'on est, on ignore même si l'on est. Vian a célébré le modèle du jeune con, qui allait vieillir un beau jour (le jeune, pas le con). Et on a fait de cela le modèle du progrès, du moderne, de la jeunesse, de la mode. Imaginez les héros de Boris Vian avec cinquante de plus, et vous avez les retraités d’aujourd’hui…

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Mais surtout, parce que l'histoire de la bêtise prendrait trop de place, il y a une diminution d'espace. Lorsque la pauvre Chloé devient malade, l'appartement commence à diminuer. J'ai évoqué ironiquement l'odyssée de l'espace, où d'ailleurs on voit les cosmonautes mener des vies considérablement médiocres ; mais cette odyssée est devenue une descente aux abysses. L'individu post-historique est surtout post-spatial, il n'a pas de maison, pas d'appartement ; ou bien il a trois fois moins de place que son grand ancêtre de la Nouvelle Vague (sur ce sujet j’ai bâti mon roman décalé comme on dit, et onirique), et il lui faut travailler pour rembourser, ou plutôt vivre pour rembourser, puisque le travail ne suffira pas, qu'il sera toujours moins rétribué, quand ses études auront été inutilement rallongées. Il faut 500 mois de SMIC pour acheter un deux-pièces dans notre beau Paris.

La diminution d'un espace vital n'est pas sans effet : on a réduit l'espace habitable depuis Thatcher et aussi –surtout – depuis l'euro, et les gens se sont calmés. Ils ont été réduits à la portion congrue, réduits en part de marché, réduits à la merci de l'ennemi. Dans une société où l'on peut plus respirer, se loger, fumer en discutant, ou discuter en fumant, se garer, se déplacer, s'exprimer, on se doute que la possibilité de changement radical, si elle venait encore à l'esprit de quelques-uns capables de structurer leur pensée, serait de facto impossible à exécuter ».

Je rajoute ce texte de célébration du triste maître de ma jeunesse giscardienne :

Il y a cinquante ans mourait Boris Vian. A bien des égards la présence de cet auteur s’est faite discrète, d’autant que les temps qui courent souvent trop vite ont tendance à oublier jusqu’à leurs pères. Pourtant, Boris Vian fait partie d’un patrimoine bien vendu, mais qui ne s’est jamais internationalisé ou même exporté, ni sous la forme de chansons ni sous celle de romans.

Boris Vian c’est la douceur de vivre des années 50, l’intrusion de la sacro-sainte modernité dans la France dite moisie, le sens de l’humour et de la générosité, le refus de tous les chauvinismes et de toutes les intolérances... C’est aussi le sens de l’amour et de la légèreté, la célébration de la jeunesse et de la nouveauté.

France & surmodernité

La société médiatique adore se célébrer : espérons qu’elle saura célébrer Boris Vian, car elle lui doit beaucoup. Vian a été en effet le prophète de la révolution culturelle qui a fait de la vieille mère des arts, des armes et des lois cette fille de Marx et de coca-cola, du fast-food et de Canal +. Vian, sans le vouloir, partout où il a mis le doigt, l’a bien mis. Il a fait un sans-faute dans son œuvre, la plus sérieuse comme la plus décalée, la plus tragique comme la plus dérisoire pour ajourner la France et la mettre à la hauteur de la modernité. Mais la France est fatiguée : aussi userons-nous du terme de surmodernité pour exprimer cet état de dépression satisfaite dans laquelle se trouve le pays. Il y a en effet un double enjeu chez Vian : un enjeu euphorique et un enjeu dramatique.

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Exception française & fou-rire

Il y a une dizaine d’années, nous pouvions encore sans rire évoquer ou dénoncer une exception française ; exception que Marc Bloch avait définie ainsi : nous nous reconnaissons aussi bien dans le sacre de Clovis que dans la Fête de la Confédération. La France de gauche comme la France de Droite aimait ses lieux de la mémoire, ses petites fêtes, son 14 juillet, sa Jeanne d’Arc, sa colline inspirée, ses faubourg Saint-Antoine.

Avec Boris Vian, c’est tout cet apanage qui a disparu. On entra dans un procès de déculturation totale, d’américanisation-dépression avec un rejet complet de sa culture et de sa civilisation. Nous y reviendrons.

Vian a réglé ses comptes ou plutôt ses contes avec une France du passé et dépassée qu’il détestait. Il l’a fait avant beaucoup d’autres, et nous l’avons tous suivi.

Nous naviguerons entre américanisation et dépression. Comparez la bonne humeur pornographique d’On tuera tous les affreux (un ex-savant nazi fabrique des modèles nymphomanes et des politiciens sur une nouvelle île du Dr Moreau) à l’atmosphère grise et française de l’arrache-cœur, de l’herbe rose ; comparez ce refus empathique de la petite France profonde et de son clocher fatidique à l’adoration de la grande agglomération yankee et polluée, bourrée de limousines, de gros bras et de filles délurées – et puis vous comprendrez pourquoi ces Français soi-disant exilés à Chicago (764 morts pour ce qui va de cette année) ont voté pour le candidat des supermarchés et du progrès sociétal. Attendez-vous à une réduction de mètres (maîtres) carrés et à une énième révolution culturelle comme celles que promouvait Vian dans ses chansons dérisoires.

Les petites chansons ont certes vieilli car elles étaient de piètre qualité, comme les romans sauce surréaliste, mais elles donnaient l’inspiration du jour et à venir : le changement de sexe (bourrée de complexes !), la complainte du progrès avec le partage des biens (ah, Gudule, écoute-moi…) entre divorcés-remariés, et toute cette entropie de bistrot branché qui nous préparait à la culture détonante de Canal+ et de l’ère bobo. Le slogan de l’arche Delanoë était d’ailleurs de changer d’ère. Vian nous aurait concocté une laide chanson sur les Google babies vendus aux couples LGBT, conçus en Israël et incubés en Inde par des mères porteuses payées trois dollars. Avec le fou rire.

Un dernier mot : le mutant de la gauche libérale et sociétale a écrit une chanson nommée le déserteur. Or c’est bien ce qui résume notre époque. La France est devenue un pays de déserteurs, la France, comme tant d’autres pays occidentaux aussi, est un pays de désertion (revoyez les films de Godard, Tati, Risi et Fellini pour l’Italie pour analyser ce que je veux dire). Cela n’empêchera pas de faire la guerre nucléaire pour Soros et les oligarques humanitaires.

Le cas Vian confirme en tout cas que le Macron-cosmos va naviguer à 80-85% de satisfaits, car vous n’imaginez pas ce qu’on peut faire du peuple français…

Sources

L’écume des jours ; l’arrache-cœurs ; et on tuera tous les affreux ; chansons

Bonnal – les maîtres carrés (roman héroï-comique)

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dimanche, 28 mai 2017 | Lien permanent

Allemagne: Intégrer les migrants ?

  • La liste ne place pas la culture allemande en position dominante et ne la considère même pas comme culture de référence (Leitkultur) ; quant au groupe de travail il n'exige pas des migrants qu'ils s'assimilent au mode de vie allemand. En réalité, les principes directeurs encouragen, les Allemands à adopter les normes culturelles que les migrants ont importées avec eux en Allemagne.

  • "Nous ne pouvons demander que nos coutumes soient respectées si nous ne sommes pas capables de les énoncer ... Notre pays est façonné par le christianisme ... L'Allemagne fait partie de l'Occident, culturellement, spirituellement et politiquement". — Thomas de Maizière, ministre allemand de l'intérieur.

  • Les partisans du Leitkultur affirment qu'il faut empêcher l'émergence de sociétés parallèles, notamment celles qui sont régies par la charia islamique.

Un groupe de travail gouvernemental mis en place pour promouvoir l'intégration des migrants dans la société allemande a établi et rendu public la liste des caractéristiques qui fondent la culture allemande.

Cette liste gomme soigneusement un certain nombre de termes politiquement incorrects comme « patriotisme » ou « culture dominante » (Leitkultur) et ramène les traditions et valeurs allemandes au plus petit dénominateur commun. Le groupe de travail fait implicitement du multiculturalisme l'expression essentielle de la culture allemande.

L'initiative pour l'intégration culturelle (Initiative Kulturelle Integration) a été créée en décembre 2016 par le gouvernement allemand pour promouvoir la « cohésion sociale » d'une société allemande qui, grâce à la chancelière Angela Merkel s'est enrichie de plus d'un million de migrants en provenance d'Afrique, d'Asie et du Moyen-Orient.

Le groupe de travail - piloté par le Conseil allemand de la culture (Deutscher Kulturrat) en étroite collaboration avec le ministère de l'Intérieur et deux douzaines d'associations spécialisées dans les médias, les affaires religieuses et l'intérêt général - a été chargé de parvenir à un consensus sur ce qui forme le cœur de la culture allemande. L'opération avait bien sûr pour but de faciliter l' « intégration culturelle » des migrants en les encourageant à adhérer à un corpus de valeurs culturelles unanimement partagées.

Après cinq mois de délibération, le groupe de travail a présenté le 16 mai une liste de ce qu'il a affirmé être les 15 principes directeurs de la culture allemande. Sous le slogan « Cohésion dans la diversité », la liste énumère surtout des idées génériques - égalité entre les sexes, liberté d'expression, liberté de religion, pluralisme et démocratie - qui n'ont rien de spécifiquement allemand.

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La liste ne mentionne pas non plus que la culture allemande est la culture de référence (Leitkultur) en Allemagne, ni que cette culture allemande est intrinsèquement liée à chacun des points évoqués ; quant au groupe de travail, il n'exige pas explicitement que les migrants s'assimilent au mode de vie allemand. Les principes directeurs énoncés produisent même le sentiment inverse : ils encourageraient en fait les Allemands à adopter les normes culturelles que les migrants ont apportées avec eux en Allemagne. L'objectif du groupe de travail qui était à l'origine d'inciter à l'intégration et à l'assimilation semble avoir évolué vers la coexistence, la tolérance et l'adoption par les Allemands de la culture de base du migrant.

Le préambule démarre ainsi :

« L'intégration affecte l'ensemble de la population en Allemagne. La cohésion sociale ne se décrète pas et ne peut faire l'objet d'une politique ... La solidarité est l'un des principes fondamentaux de notre coexistence. Elle se manifeste dans notre compréhension mutuelle et dans l'attention aux besoins des autres - nous défendons une société de solidarité ...

« L'immigration change la société et exige de l'ouverture, du respect et une tolérance mutuelle ... Il n'est pas correct d'agiter des craintes et d'afficher son hostilité - nous défendons une société cosmopolite ...

« Le processus d'intégration européen n'est pas seulement une garantie pour la paix en Europe, la prospérité et l'emploi, il incite aussi à la convergence culturelle et à l'émergence de valeurs européennes communes - nous voulons une Europe unie ».

Le ministre allemand de l'Intérieur Thomas de Maizière, partisan bien connu de l'idée d'une culture dominante (Leitkultur), a exprimé sa déception face au flou dans lequel le groupe de travail s'est cantonné pour ce qui est de la Germanité. « Nous ne pouvons exiger que l'on respecte nos coutumes si nous hésitons à les énoncer », a-t-il déclaré. Lors d'une conférence de presse donnée à Berlin le 16 mai, il a développé :

« Je suis formellement en désaccord avec le Conseil culturel allemand sur la Leitkultur : j'aime ce mot, ce qui n'est pas le cas du conseil. Je n'ai toujours pas compris si ce qui vous dérange est le mot 'noyau dur' ou le mot 'culture' ou la combinaison des deux mots. A moins qu'il ne s'agisse d'autre chose dans le passé ».

Les tenants de la Leitkultur affirment qu'il faut empêcher qu'en Allemagne, se constituent des sociétés parallèles, notamment quand elles sont régies par la charia islamique. Ces opposants proclament qu'énoncer le principe de Leitkultur obligerait les migrants à abandonner certains éléments de leur identité pour se conformer aux us et coutumes de la majorité – soit le contraire de l'idéal multiculturel qui autorise les migrants à reproduire en Allemagne toutes les composantes de leur identité.

Le 29 avril, De Maizière a publié une tribune dans Bild qui a provoqué un torrent de critiques. Il exigeait des migrants qu'ils acceptent la Leitkultur allemande, affirmant que sans l'adhésion de tous à un « noyau culturel de base, la société perdrait ce fil conducteur d'autant plus nécessaire que les mouvements migratoires et la société ouverte nous rendent plus diversifiés ».

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Dans son article, de Maizière a énuméré les dix caractéristiques qui sont à la base de la culture allemande, y compris la méritocratie et le respect de la culture et de l'histoire allemandes. Il a ajouté: « au-delà de notre langue, de notre constitution et du respect des droits fondamentaux, quelque chose nous lie dans nos cœurs, et ce quelque chose nous rend différents et nous distingue des autres».

Concernant la religion, de Maizière a écrit que « notre Etat est neutre, mais amical envers les églises et les communautés religieuses ... Les clochers d'église structurent notre paysage. Notre pays est façonné par le christianisme ... L'Allemagne fait partie de L'Occident, de manière culturelle, spirituelle et politique ». Il a ajouté :

« En Allemagne, nous disons notre nom et pour nous saluer nous nous serrons la main. Nous sommes une société ouverte. Nous marchons visage dévoilé. Nous ne portons pas de burqas ».

Les réflexions de De Maizière ont été largement tournées en dérision. Martin Schulz, candidat des sociaux-démocrates (SPD) à la chancellerie, a déclaré que la « culture dominante » de l'Allemagne, c'était la liberté, la justice et la coexistence pacifique, lesquelles étaient au cœur de la constitution ».

Jamila Schäfer du Parti Vert, a déclaré :

« Dès que vous définissez votre identité par le pays auquel vous appartenez, vous tendez à adopter une attitude de supériorité. C'est dangereux et antidémocratique car c'est une attitude d'exclusion. Une société est toujours en évolution et les mouvements migratoires sont un facteur de changement. Je ne crois pas qu'un vivre ensemble pacifique passe par la préservation de sa propre culture ».

Poussé à l'extrême, le point de vue de Schäfer indique aux Allemands qu'ils auraient intérêt à renoncer à la culture allemande en échange d'une paix sociale chimérique : le patrimoine judéo-chrétien allemand serait ainsi lentement remplacé par la charia islamique. De nombreux élus allemands sont d'accord avec Schäfer.

Le leader des démocrates libres, Christian Lindner, a accusé de Maizière de rouvrir un débat « vieux et obsolète »: « encore une fois, il s'agit de religion ».

« Une certaine conception de l'islam suggère, voire même interdit, aux hommes de serrer la main des femmes. Ce n'est pas une bonne chose, mais cela ne fait de mal à personne. Le débat sur la Leitkultur n'a rien à voir ici ».

La commissaire allemande à l'intégration, Aydan Özoğuz, a jugé « ridicule et absurde » le débat sur la Leitkultur. Dans une tribune du Tagesspiegel, elle a soutenu :

« Au-delà de la langue, une culture spécifiquement allemande n'est tout simplement pas identifiable. Historiquement, les cultures régionales, l'immigration et la diversité ont façonné notre histoire. La mondialisation et la pluralisation ont amplifié plus encore la diversité. Les immigrants ne peuvent tout simplement pas être régis par une culture majoritaire ».

En dépit de la critique des politiciens allemands, de Maizière semble avoir le soutien de l'opinion publique allemande. Un sondage Insa-Focus du 5 mai, a indiqué que 52.5% des Allemands interrogés estiment que l'Allemagne a besoin d'une Leitkultur. Seuls 25.3% des personnes interrogées ont déclaré qu'elles y étaient opposées.

Les arguments de de Maizière surgissent au beau milieu d'une campagne destinée à rallier à la CDU les votes conservateurs. Une partie de cet électorat, ulcéré par la politique migratoire de Merkel, a rallié Alternative pour l'Allemagne (AfD) un parti d'opposition qui se donne comme objectif de réduire les flux migratoires.

Un sondage Forsa-Stern-RTL du 17 mai a montré que si les élections fédérales de septembre avaient lieu aujourd'hui, la CDU de Merkel gagnerait avec 38% des voix, loin devant le SPD avec 26%. Le FDP obtiendrait 8% des voix, suivi des Verts et de l'AfD qui auraient chacun 7%. Si les Allemands devaient choisir leur chancelier directement, sans passer par les listes d'un parti, Merkel gagnerait avec 50%, contre 24% pour son principal challenger, Martin Schulz, du SPD. Les électeurs allemands, du moins pour l'instant, semblent se satisfaire du statu quo, avec ou sans Leitkultur.

Soeren Kern est Senior Fellow du Gatestone Institute basé à New York.

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mardi, 23 mai 2017 | Lien permanent

Lettre ouverte à Eric Zemmour

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Lettre ouverte à Eric Zemmour

par Peter Eisner

Ex: http://thomasferrier.hautetfort.com

Monsieur Eric Zemmour, je n'ai pas lu votre dernier livre, dont on a beaucoup parlé. En revanche je suis régulièrement votre débat avec Nicolas Domenach dans l'émission Ca se dispute de la chaîne i-télé. Ainsi ai-je pu me faire une idée de vos positions.

Bien qu'éloigné de la ligne souverainiste que vous affichez, point sur lequel je reviendrai en détail, je précise que ce n'est que très rarement que j'approuve les critiques, parfois virulentes, de votre contradicteur de l'émission citée, lequel se complait dans l'hypocrisie politiquement correcte, bourgeoise et mondialiste. De la même façon, j'ai trouvé lamentable l'avalanche de reproches qui vous ont été adressés et notamment inepte la critique que Christophe Barbier a fait de votre livre dans l'Express. Sur la plupart des points, je vous donne toujours raison. Aussi suis-je très heureux du succès de votre livre. Il est cependant un sujet sur lequel je ne vous suis pas.

Vous dites par exemple que les Français ne reconnaissent plus la France. Voilà qui est très bien vu. Mais est-ce bien la France qu'ils ne reconnaissent plus? Si vous allez en Pologne, voire à Ekaterinbourg en Sibérie, vous vous croirez en France, ou plutôt peut-être dans une France d'il y a quelques décennies. Ce que les Français ne reconnaissent plus dans leur environnement, c'est tout simplement celui d'un pays européen. Bien sûr, la plupart des pays européens ont un cachet qui leur est propre. C'est le cas de l'Angleterre notamment, et l'on comprend que les Anglais tiennent à leurs coutumes. Mais si vous allez en Alsace ou en Corse, vous ne vous sentirez pas en région parisienne non plus. Même à l'intérieur de la Lorraine, de Nancy à Sarrebourg par exemple, au bout d'une heure de route vous êtes dépaysé.

Vous dites également que vous aimez la musique classique, vous la trouvez supérieure au rap. Ce n'est pas moi qui vous contredirai. J'imagine que vous aimez Bach, Mozart, Beethoven, Schubert. Ils n'étaient pas Français, ce qui n'empêchait pas d'ailleurs Mozart de tenir une correspondance en langue française. Notre patrimoine culturel est européen, qu'il concerne la littérature, la philosophie, la peinture, la sculpture, l'architecture, la musique … A la Renaissance, les artistes parcouraient l'Europe, comme les scientifiques. Descartes était-il français, quand il se trouvait chez lui en Hollande ?

Vous dites encore que la France n'est pas née de la révolution, qu'elle est bien plus ancienne. C'est vrai. Maintenant où la faire démarrer? Certains pensent à Vercingétorix. Mais la Gaule n'a jamais existé; elle n'a jamais été qu'une création romaine. Il y avait bien un pays celte, débordant très largement notre Hexagone. Avec les Latins, les Germains et quelques autres, on retrouve en gros la population de l'Europe occidentale et centrale. Or cette dernière était déjà presque instaurée en Etat au début la Rome impériale. C'est bien l'Europe qui est notre patrie d'origine. La France n'a jamais été qu'une Europe en réduction : un peuple au départ celte, une profonde imprégnation latine et une conquête par les Germains qui a donné au pays son nom.

Vous aimez la France de l'ancien régime, à l'époque où elle dominait intellectuellement l'Europe, et vous aimez celle de Napoleon, quand il accumulait les victoires et fondait le Code civil. Entre les deux, vous semblez voir la grande révolution, ses horreurs mises à part, comme initiatrice d'une forme de mondialisme. Quelques signes peuvent aller dans ce sens en effet, mais là n'est pas l'essentiel. Il faut retenir d'abord le retentissement, auprès des intellectuels de nos pays voisins, des idées révolutionnaires --- sans oublier dans cette affaire nos prédécesseurs américains. Il est bien dommage que Napoléon n'ait pas su se servir de cet avantage pour fonder une Europe non soumise, jusqu'à la Russie comprise. A l'époque de la révolution, on ne pensait pas vraiment à l'humanité dans son ensemble; plus tard les premiers internationalistes marxistes ne voyaient guère plus loin, non plus, que les Romains antiques. Quand on pensait pour la France, Europe en réduction, on pensait pour l'Europe et sa diaspora américaine.

Je conclus. Nous avons une patrie; c'est l'Europe. Qu'est-ce qui vous empêche de le reconnaître?

Peut-être pensez-vous tout simplement que cette idée européenne n'est pas réaliste, dans les circonstances d'aujourd'hui. Il est difficile de vous donner complètement tort. L'idée européenne ne progresse pas trop lentement; elle régresse. Mais pourquoi régresse-t-elle ? Vous ne semblez pas vous poser la question.

Vous voyez l'origine de tous nos maux dans l'Union européenne, cette construction technocratique. Vous avez raison d'en dire le plus grand mal. Elle réduit à une peau de chagrin la démocratie à l'intérieur de chacun des pays membres, au point que le choix de leurs dirigeants importe désormais bien peu. Elle sert de porte ouverte à la mondialisation. Elle place l'Europe sous la tutelle des Etats-Unis d'Amérique. Tout cela est exact.

Mais peut-être votre critique n'est-elle simplement pas assez sévère. Vous oubliez que c'est cette construction qui fait justement régresser l'Union Européenne. Vous semblez pourtant en avoir discerné la vraie nature. Ce n'est qu'une oligarchie, un club de dirigeants. N'avez-vous pas vu qu'ils sont tous mondialistes et europhobes, comme l'a très justement constaté un Elie Barnavi ? D'ailleurs votre contradicteur Nicolas Domenach, qui se déclare européen, l'est bien moins que vous-même. Et Christophe Barbier, lorsqu'il s'avance à citer une nation européenne, n'y met pas ce qu'il convient. Ce sont des hypocrites. Bref, comment n'avez-vous pas noté qu'avant tout autre chose l'Union européenne n'était pas européenne ?

Ensuite votre critique manque de discernement. L'Union européenne actuelle n'étant pas l'Europe, il ne faut pas dénoncer les idées européennes en même temps que le fonctionnement de la technostructure bruxelloise. Faisons une comparaison. Qui défendrait, dans la France d'avant la révolution, le système des fermiers généraux? Est-ce, pour autant, qu'il fallait détruire la France ? Certainement pas. Or nos commissaires bruxellois ne sont jamais que les fermiers généraux d'aujourd'hui, chargés qu'ils sont d'affermir les contraintes imposées aux Etats membres pour le compte d'un club de dirigeants, dits nationaux, tous coupés du peuple.

C'est à tort qu'on vous accuse de vous réjouir d'un déclin qui conforterait vos thèses. Mais vous n'avez pas vu non plus que du mal peut aussi surgir un bien? C'est l'ancien régime des fermiers généraux qui a convoqué des Etats généraux, lesquels ont pris pouvoir et commencé par abolir les privilèges. C'est notre assemblée européenne fantoche qui peut un jour prendre le pouvoir à des dirigeants corrompus. Et cela ne se fera peut-être pas dans la douceur.

En attendant, tout ce qui peut contribuer à réunir les Européens est bon à prendre. Croyez-vous qu'Allemands et Français aient besoin de systèmes sociaux vraiment différents ? La sécurité sociale a été installée par Bismarck bien avant d'exister chez nous. Certes, aujourd'hui, nous suivons des voies divergentes. Cependant notre plus grande différence tient dans notre taux d'allogénisation, lequel est bien supérieur qu'outre Rhin. Donc à ce qui fait qu'on ne reconnaît plus la France. Cette France qui ne peut pas marcher avec l'Allemagne est précisément celle qui vous déplaît.

Essayez donc d'y réfléchir. L'Europe, comme Nation, est un beau projet, comme l'unification allemande et italienne l'ont été . Si vous le portiez, vos ennemis seraient démasqués, désarmés.

Pierre EISNER (PSUNE/LBTF)

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mardi, 25 novembre 2014 | Lien permanent

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