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« J’ai peur que l’humanité n’avance plus » : quand Tocqueville annonce la Fin de l’Histoire

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« J’ai peur que l’humanité n’avance plus »: quand Tocqueville annonce la Fin de l’Histoire

Nicolas Bonnal

C’est dans un chapitre de la Démocratie, of course : « Pourquoi les grandes révolutions deviendront rares. » Ici Tocqueville annonce la Fin de l’Histoire au sens de Fukuyama : on laisse de côté le Grand Jeu (qui est devenu petit) de la géopolitique et on constante l’émergence d’un citoyen mondial, homme de confort et de médias, celui qu’entrevoient à la même époque (revoyez mes textes) Poe, Thoreau, Balzac ou Baudelaire. Qu’il soit Chinois ou Russe (ces Américains pauvres, comme disait Kojève) n’importe pas : c’est la même mouture d’homme limité spirituellement et dépendant de l’Etat moderne et de son autoritarisme forcené (voir Jouvenel ou Günther Anders) ; Etat qui sait le tenir en le tenant par ses aspirations au confort. Revoyez la scène centrale de du grand film de Jewison, Roller Ball, quand Maud Adams explique à James Caan que la civilisation c’est le confort, qu’on ne saurait donc y renoncer. Deux fois James Bond girl (L’Homme au pistolet d’or et Octopussy), Maud Adams sait de quoi elle parle.

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Tocqueville donc prévoit (comme l’étonnant et ignoré Cournot, voyez mes textes) la fin des révolutions (avènement des pseudo-révolutions de droite ou de gauche) et ce règne du citoyen confortable, toujours soumis, non encore doté de sa télé :

« Je tremble, je le confesse, qu’ils ne se laissent enfin si bien posséder par un lâche amour des jouissances présentes, que l’intérêt de leur propre avenir et de celui de leurs descendants disparaisse, et qu’ils aiment mieux suivre mollement le cours de leur destinée, que de faire au besoin un soudain et énergique effort pour le redresser. »

La France n’a plus connu que des pseudo-révolutions après la Grande qui a amené le règne bourgeois. Et ce système s’est accommodé de la République. Et paradoxalement donc Tocqueville redoute la fin des révolutions :

« Oserais-je le dire au milieu des ruines qui m’environnent ? Ce que je redoute le plus pour les générations à venir, ce ne sont pas les révolutions. »

Le présent permanent arrive parce que le but de la vie est matérialiste et médiocre dans une société que Tocqueville croit devenir égalitaire (rappelons que les 500 ultra-riches possèdent aujourd’hui 43% du PNB contre 6% en 2000) :

« Si les citoyens continuent à se renfermer de plus en plus étroitement dans le cercle des petits intérêts domestiques, et à s’y agiter sans repos, on peut appréhender qu’ils ne finissent par devenir comme inaccessibles à ces grandes et puissantes émotions publiques qui troublent les peuples, mais qui les développent, et les renouvellent. Quand je vois la propriété devenir si mobile, et l’amour de la propriété si inquiet et si ardent, je ne puis m’empêcher de craindre que les hommes n’arrivent à ce point, de regarder toute théorie nouvelle comme un péril, toute innovation comme un trouble fâcheux ; tout progrès social comme un premier pas vers une révolution, et qu’ils refusent entièrement de se mouvoir de peur qu’on les entraîne. »

Et notre génie de conclure sur un ton inquiet :

« On croit que les sociétés nouvelles vont chaque jour changer de face, et moi j’ai peur qu’elles ne finissent par être trop invariablement fixées dans les mêmes institutions, les mêmes préjugés, les mêmes mœurs, de telle sorte que le genre humain s’arrête et se borne ; que l’esprit se plie et se replie éternellement sur lui-même sans produire d’idées nouvelles ; que l’homme s’épuise en petits mouvements solitaires et stériles ; et que, tout en se remuant sans cesse, l’humanité n’avance plus. »

C’est ce que j’appelle le présent permanent dans toutes mes chroniques, qui rend les analyses de nos contemporains si inférieures aux génies de l’époque (voyez Tolstoï ou Balzac sur la dépendance addictive  au Journal, Dostoïevski et les « expositions »).

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On rappellera le texte de Péguy sur les retraites : « C’est toujours le système de la retraite. C’est toujours le même système de repos, de tranquillité, de consolidation finale et mortuaire. Ils ne pensent qu’à leur retraite, c’est-à-dire à cette pension qu’ils toucheront de l’État non plus pour faire, mais pour avoir fait. Leur idéal, s’il est permis de parler ainsi, est un idéal d’État, un idéal d’hôpital d’État, une immense maison finale et mortuaire, sans soucis, sans pensée, sans race. Un immense asile de vieillards. Une maison de retraite. Toute leur vie n’est pour eux qu’un acheminement à cette retraite, une préparation de cette retraite, une justification devant cette retraite. Comme le chrétien se prépare à la mort, le moderne se prépare à cette retraite. Mais c’est pour en jouir, comme ils disent. »

C’est évidemment cet esprit de retraite qui accompagnera l’humanité jusqu’à son extinction totale en ce siècle ou un autre.

Sources:

Charles Péguy, « Note conjointe sur M. Descartes et la philosophie cartésienne » (1914, posthume), dans Œuvres complètes de Charles Péguy, éd. La Nouvelle Revue française, 1916-1955, t. 9, p. 250

Démocratie en Amérique, Chapitre XXI, Troisième partie. - Pourquoi les grandes révolutions deviendront rares…

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mercredi, 24 janvier 2024 | Lien permanent

Comment Tocqueville réfute la théorie de la conspiration

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Comment Tocqueville réfute la théorie de la conspiration

Nicolas Bonnal

Personne n’a expliqué le monde dit moderne et les siècles dits démocratiques mieux qu’Alexis de Tocqueville. On peut se demander alors ce que ce grand esprit terrassé par le césarisme plébiscitaire des Bonaparte (qui stérilisa l’esprit français, en particulier l’esprit aristocratique qui est celui de la Liberté – voir Jouvenel) pouvait penser de la théorie du complot pour expliquer l’histoire. Or il n’y a pas à se le demander, car il a bien répondu sur ce point dans sa correspondance, à un ami visiblement « d’extrême-droite », le sympathique comte de Circourt, qui lui parlait de l’inévitable et fastidieux jésuite Barruel, auteur du pensum sur les conspirations maçonniques et illuminées pendant la révolution (dans le genre je préfère Robison -Proofs of a Conspiracy against all the Religions and Governments of Europe, carried on in the Secret Meetings of Free-Masons, Illuminati and Reading Societies, etc., collected from good authorities (1797)- ou même le Napoléon de Walter Scott, ou même Dumas et Balsamo).

Sur la gesticulation politique au XIXe siècle, Debord avait écrit dans ses Commentaires :

La « conception policière de l’histoire était au XIXe siècle une explication réactionnaire, et ridicule, alors que tant de puissants mouvements sociaux agitaient les masses (1). »

Mais les masses allaient mener au socialisme, à l’étatisme, au fascisme et au nazisme, en attendant le mondialisme télévisé. Relisez Ortega Y Gasset qui révéla leur perversion dans Révolte.

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Tocqueville n’a donc pas lu le légendaire et sulfureux Barruel ; et d’expliquer pourquoi :

« J’en ai toujours été détourné par l’idée que celui-ci avait un point de départ essentiellement faux. Sa donnée première est que la révolution française (il est permis de dire aujourd’hui européenne) a été produite par une conspiration. Rien ne me paraît plus erroné (2). »

Car on oublie que conspirer signifie respirer ensemble. Les Français voulaient tous ou presque cette abomination. Le voyageur Young révéla l’instantané fanatisme de leur révolution dans ses voyages.

Tocqueville fait ensuite une concession rhétorique :

« Je ne dis pas qu’il n’y eût pas dans tout le cours du dix-huitième siècle des sociétés secrètes et des machinations souterraines tendant au renversement de l’ancien ordre social. Au-dessous de tous les grands mouvements qui agitent les esprits se trouvent toujours des menées cachées. C’est comme le sous-sol des révolutions. »

Il n’y a pas besoin de théorie de la conspiration quand la théorie de la constatation fonctionne.

Mais Tocqueville rappelle l’essentiel. L’essentiel est qu’il n’y a pas besoin de théorie de la conspiration quand la théorie de la constatation fonctionne.  Les Français voulaient que ça saute, comme aujourd’hui ils veulent du Macron, du Reset, de la pénurie et des coupures de courant (oui, je sais, pas tous, mais la minorité de mécontents qui clique ne fait et ne fera pas la loi). Car on ne les refait pas les Français. La révolution-conspiration c’est quand la masse veut la même merde que l’élite. Aux mécontents de changer de pays.

Tocqueville ajoute superbement :

« Mais ce dont je suis convaincu, c’est que les sociétés secrètes dont on parle ont été les symptômes de la maladie et non la maladie elle-même, ses effets et non ses causes. Le changement des idées qui a fini par amener le changement dans les faits s’est opéré au grand jour par l’effort combiné de tout le monde, écrivains, nobles et princes, tous se poussant hors de la vieille société sans savoir dans quelle autre ils allaient entrer (3). »

Nouvelle société qui semblait inévitable. A cet égard Tocqueville souligne les caractères de la science historique :

« On dirait, en parcourant les histoires écrites de notre temps, que l’homme ne peut rien, ni sur lui, ni autour de lui. Les historiens de l’Antiquité enseignaient à commander, ceux de nos jours n’apprennent guère qu’à obéir. Dans leurs écrits, l’auteur paraît souvent grand, mais l’humanité est toujours petite. »

Notre écrivain ajoute :

 « Si cette doctrine de la fatalité, qui a tant d’attraits pour ceux qui écrivent l’histoire dans les temps démocratiques, passant des écrivains à leurs lecteurs, pénétrait ainsi la masse entière des citoyens et s’emparait de l’esprit public, on peut prévoir qu’elle paralyserait bientôt le mouvement des sociétés nouvelles et réduirait les chrétiens en Turcs (4). »

Cette doctrine de la fatalité me paraît juste : tout empire, à commencer par l’étatisme, le bellicisme humanitaire et la tyrannie informatique, et l’on n’y peut rien : théorie de la constatation.

C’est l’historien de l’Espagne Stanley Payne qui, désespéré par l’anesthésie de cet ancien grand peuple, dénonce la torpeur de ces temps post-historiques. Raison de plus pour rendre hommage à la liquidation de la théorie du complot par Tocqueville : la masse suit, quand elle ne la précède pas, la mauvaise volonté de son élite. Plus antiraciste, plus féministe, plus véganienne et plus écologiste qu’elle, plus cybernétisée même, elle exige du Reset.

Ma solution ? Un voilier dans les sublimes fjords du Chili (pays le plus vacciné au monde…).

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Notes:

1). Debord, Commentaires, XX.

2). Tocqueville, Correspondance, A M. LE COMTE DE CIRCOURT, Tocqueville, 14 juin 1852.

3). Ibid.

4). De la Démocratie en Amérique II, Première partie, CHAPITRE XX.

 

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lundi, 02 septembre 2024 | Lien permanent

Molière et la création des bourgeois.es modernes

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Molière et la création des bourgeois.es modernes

Nicolas Bonnal

Dans mes deux livres Littérature et conspiration et Chroniques sur la Fin de l’Histoire j’ai essayé de dater les débuts du monde moderne. Je suis tombé d’accord avec René Guénon (Crise du Monde moderne) pour jeter la coulpe au siècle de Louis XIV. Bien avant le bourgeois louis-philippard d’Audiard on a le bourgeois moliéresque, celui qui fait dire à George Dandin : – Tu l’as voulu, George Dandin, tu l’as voulu…

Le bourgeois de Molière est un idiot malmené par sa femme. Sa femme savante est déjà woke et hostile à la chair sous toutes ses formes : elle ne se rêve que gnostique et spirituelle. Elle est déjà en mode Reset. Elle hait l’homme qui la craint.

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Ce bourgeois semble un produit créé artificiellement ; Fukuyama parle d’un produit fabriqué à l’époque de Hobbes sans doute pour s’accommoder d’une société matérialiste, athée, et d’un pouvoir digne du Léviathan. Taine dans ses Fables de La Fontaine a parlé aussi d’un produit bourgeois qui se développe avec les monarchies fortes. Et Marx comprend dans son Dix-Huit Brumaire que le bourgeois s’accommode d’un Etat fort parce qu’il transforme ses enfants en fonctionnaires et en retraités, tout en tapant sur les ouvriers : de Louis-Napoléon à Macron cela n’a guère changé. Le même bourgeois est moqué par ses domestiques comme Scapin ou Martine dans les pièces : ce peuple de gilets jaunes n’a pas encore mauvaise presse, il incarne un bon sens rural près de chez vous qui échappe totalement à cette inquiétante caste urbaine qui accaparera le pouvoir (sans le peuple) en 1789.

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Molière a peut-être appartenu à des sociétés savantes ou semi-secrètes, libertines et matérialistes (pensez à Gassendi, Cyrano, Spinoza, à Descartes et ses animaux-machines), mais il est avant tout l’héritier des grands comiques grecs et romains qui dépeignent aussi une humanité tuméfiée par la vie en ville et l’Etat gréco-romain omniprésent (voyez mes textes sur Ibn Khaldoun ou Fustel de Coulanges) ; et il pressent une sous-humanité présente et à venir, petite, avare, médiocre, vieille, bigote, crédule, fan de gazettes, fascinée par les aristos, les riches ou les VIP (bourgeois gentilshommes) ; c’est un monde limité et médiocre qui s’impose depuis le crépuscule du Moyen Age (Michelet). Le pullulement des Tartufes et des hypocrites comme Don Juan – tous entourés d’Orgon ou de Sganarelle guettant leurs gages – donne une vision claire du monde dénoncé plus tard par les romantiques ou les surréalistes.

Vers le milieu du Siècle dit Grand, les Grands perdent leur guerre (la Fronde) ; le baroque décline et devient classicisme. La muse doit apprendre à marcher droit. Comme dit Hugo dans une merveilleuse préface : les autres peuples disent Dante, Goethe, Shakespeare : nous disons Boileau. A la même époque D’Artagnan vieillit (c’est dans Vingt ans après) et devient un fonctionnaire à rubans. Il s’adonne, dit Dumas dans une page incroyable, à une méditation « transfenestrale » – tant il s’ennuie.

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Mais le couple le plus génial de Molière c’est Géronte et c’est Harpagon, c’est nos vieillards génocidaires : Schwab, Biden, Soros ou Rothschild, ces vieux de la vieille qui veulent nous mettre à la portion congrue, et qui se sont adjoint les services des Dorante et Scapin. Les racailles unies aux vieillards argentés.

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Sur le bourgeois, Taine écrit donc ces lignes immortelles qui scellent notre Histoire de rance :

« Le bourgeois est un être de formation récente, inconnu à l'antiquité, produit des grandes monarchies bien administrées, et, parmi toutes les espèces d'hommes que la société façonne, la moins capable d'exciter quelque intérêt. Car il est exclu de toutes les idées et de toutes les passions qui sont grandes, en France du moins où il a fleuri mieux qu'ailleurs. Le gouvernement l'a déchargé des affaires politiques, et le clergé des affaires religieuses. La ville capitale a pris pour elle la pensée, et les gens de cour l'élégance. L'administration, par sa régularité, lui épargne les aiguillons du danger et du besoin. Il vivote ainsi, rapetissé et tranquille. »

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Taine enfonce le clou : «  Sa maison est l'image de son esprit et de sa vie, par ses disparates, sa mesquinerie et sa prétention. »

C’est dans La Fontaine et ses Fables.

Et comme on disait, en ces temps de wokisme et de féminisme fou, les Femmes savantes (vers 935-940) annoncent sans ambages l’épuration du langage :

« Pour la langue, on verra dans peu nos règlements,

Et nous y prétendons faire des remuements.

Par une antipathie ou juste, ou naturelle,

Nous avons pris chacune une haine mortelle

Pour un nombre de mots, soit ou verbes ou noms,

Que mutuellement nous nous abandonnons ;

Contre eux nous préparons de mortelles sentences,

Et nous devons ouvrir nos doctes conférences

Par les proscriptions de tous ces mots divers

Dont nous voulons purger et la prose et les vers. »

Que de vers rimés ont eût pu faire avec « code QR » ! 

Terminons avec ce fascisme de cabale si français, qui reprit un si bel élan depuis Mitterrand et a incroyablement rebondi avec le binôme Hollande-Macron :

« Je m'érigerai en censeur des actions d'autrui, jugerai mal de tout le monde, et n'aurai bonne opinion que de moi. Dès qu'une fois on m'aura choqué tant soit peu, je ne pardonnerai jamais et garderai tout doucement une haine irréconciliable. Je ferai le vengeur des intérêts du Ciel, et, sous ce prétexte commode, je pousserai mes ennemis, je les accuserai d'impiété, et saurai déchaîner contre eux des zélés indiscrets, qui, sans connaissance de cause, crieront en public contre eux, qui les accableront d'injures, et les damneront hautement de leur autorité privée. »

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C’est dans Don Juan. Ici Molière annonça la Terreur sèche dont a parlé Cochin.

« La Terreur régnait sur la France en 1793, mais elle régnait déjà sur les lettres, au temps où le philosophisme jetait Fréron à Vincennes, Gilbert à l'hôpital et Rousseau hors de ses sens et fermait l'Académie aux « hérétiques ». Avant le Terreur sanglante de 1793, il y eut, de 1765 à 1780 dans la république des lettres une Terreur sèche dont l'Encyclopédie fut le Comité de Salut public et d'Alembert le Robespierre. »

A-t-on besoin de prophètes quand on a de tels écrivains ?

Molière a retourné l’observation de Marx : on est comique, puis tragique…

Sources :

https://www.revuemethode.org/sf011705.html

https://www.theatre-classique.fr/pages/pdf/MOLIERE_DOMJUA...

https://www.dedefensa.org/article/comment-fukuyama-expliq...

https://www.theatre-classique.fr/pages/pdf/MOLIERE_FEMMES...

https://www.dedefensa.org/article/guenon-et-linterminable...

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jeudi, 01 août 2024 | Lien permanent

Syndrome du Titanic et radeau de la méduse

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Syndrome du Titanic et radeau de la méduse

Nicolas Bonnal

Nous sommes dirigés par des fous motivés et (aussi) d’efficaces incapables qui nous mènent au désastre. Ils organisent la faillite, détruisent, gaspillent, remplacent et dépeuplent, désirant enfin une guerre nucléaire, tout à leur rage messianique. Sinon c’est le totalitarisme au code QR et le camp de concentration numérique. Mais attention : il y a une élite autoproclamée (les 1% les plus riches et les hauts fonctionnaires) et elle veut se préserver. Stéphane Mallarmé pour mémoire :

« Cette foule hagarde ! elle annonce : Nous sommes
La triste opacité de nos spectres futurs ! »

Ces poètes, quels voyants tout de même…

J’avais écrit un texte sur Ernst Jünger et le syndrome du Titanic (http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2022/09/16/syndrome-du-titanic-ernst-junger-et-la-culture-de-la-panique.html ), qui m’avait été inspiré par le fameux mais oublié Traité du rebelle, suite de notes contre le monde totalitaire, étatique et automatisé à venir (et déjà présent…).

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Et je repensais à un blog de lecteur qui a modifié ma réflexion pour expliquer ce que deviennent la France et l’Amérique sous leurs présidents respectifs: si nous nous dirigions vers le modèle du radeau de la méduse (revoyez l’émission d’Alain Decaux…) plutôt que de celui du Titanic ? Le Titanic ce n’était qu'un accident malchanceux couronné du respect de la morale chrétienne: les femmes et les enfants d’abord, et des milliardaires comme Guggenheim qui y passèrent héroïquement. Le radeau de la méduse c’était bien pire, et c’est le modèle des dernières guerres et du Grand Reset actuel. On sacrifie les plus pauvres, les sans-grades.

51Y1KAY0P6L._AC_SY580_.jpgMais citons Jünger et les extraits de son inépuisable Traité du rebelle écrit après la « guerre de quarante » quand le grand homme comprend que nous allons vers un monde  simultanément automatisé et apocalyptique.

Le système automatisé génère une culture et une psychologie de la panique (voir et revoir les films-catastrophe et ceux de Kubrick…) :

« La panique va s’appesantir, là où l’automatisme gagne sans cesse du terrain et touche à ses formes parfaites, comme en Amérique. Elle y trouve son terrain d’élection ; elle se répand à travers des réseaux dont la promptitude rivalise avec celle de l’éclair. Le seul besoin de prendre les nouvelles plusieurs fois par jour est un signe d’angoisse ; l’imagination s’échauffe, et se paralyse de son accélération même. »

On poursuit :

« Il est certain que l’Est n’échappe pas à la règle. L’Occident vit dans la peur de l’Est, et l’Est dans la peur de l’Occident. En tous les points du globe, on passe son existence dans l’attente d’horribles agressions. Nombreux sont ceux où la crainte de la guerre civile l’aggrave encore. »

On cherche vainement des sauveurs :

« La machine politique, dans ses rouages élémentaires, n’est pas le seul objet de cette crainte. Il s’y joint d’innombrables angoisses. Elles provoquent cette incertitude qui met toute son espérance en la personne des médecins, des sauveurs, des thaumaturges. Signe avant-coureur du naufrage, plus lisible que tout danger matériel. »

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Enfin la catastrophe sera universelle :

« Car nous ne sommes pas impliqués dans notre seule débâcle nationale ; nous sommes entraînés dans une catastrophe universelle, où l’on ne peut guère dire, et moins encore prophétiser, quels sont les vrais vainqueurs, et quels sont les vaincus. »

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Jünger a raison sur tout naturellement : il décrit l’aboutissement catastrophique du progrès matériel et technique (voyez ces robots que l’on dresse à tuer tout le monde maintenant sous les acclamations des esclaves de You Tube).

Mais je maintiens que le radeau de la méduse explique mieux que le Titanic ce qui se passe en ce moment : les petits sur le radeau, les élites incompétentes dans les chaloupes. Et un jugement qui pardonne à tout le monde (il n’aurait plus manqué que ça !).

Jünger évoque justement le Titanic ; on se souvient du succès effarant de ce film répugnant. Il écrit donc :

« Comment ce passage s’est-il produit ? Si l’on voulait nommer l’instant fatal, aucun, sans doute, ne conviendrait mieux que celui où sombra le Titanic. La lumière et l’ombre s’y heurtent brutalement : l’hybris du progrès y rencontre la panique, le suprême confort se brise contre le néant, l’automatisme contre la catastrophe, qui prend l’aspect d’un accident de circulation. »

Donc en réfléchissant et surtout en lisant le blog d’un lecteur (le blog c’est « guerre civile et yaourt allégé » ; le lecteur c’est « Philippe de nulle part »…), je suis arrivé à la conclusion que nous allons au radeau de la méduse. En effet :

  • Nous sommes dirigés par des imbéciles/sagouins qui vont/aiment nous échouer.
  • Ces imbéciles vont nous sacrifier, des plus pauvres ou plus moyens.
  • Et rappel : les pauvres ne sont descendus sur le radeau que sous la menace des armes.

Mais même sur le radeau de la méduse les choses ne se passaient que d’une certaine manière.

Extrait du yaourt allégé donc :

« Sur le radeau de La Méduse les officiers et des notables s’étaient réservé l’endroit le moins exposé aux vagues et avaient pris soin d’enlever leurs armes aux soldats et de garder les leurs. Très rapidement devant le manque de nourriture et les risques de naufrage ils réduisirent par plusieurs tueries la population du radeau afin de « réprimer des mutineries ». Les rares rescapés à être finalement secourus furent bien évidemment des officiers et des notables. Il ne reste plus qu’à transposer cette sinistre histoire à l’échelle planétaire. »

On n’y mangea pas d’insectes mais des hommes.

De la Méduse à Macron-Davos-Gates, toute leur apocalypse postmoderne est expliquée là. On écrabouille la classe moyenne pauvre et on maintient l’illusion en désignant des soi-disant privilégiés (retraités repus, journalistes, farces de l’ordre, armée, etc.).

Et je rappellerai la phrase de l’idole télé de mon enfance :

« Les puissants ont été mis sur des canots, la piétaille (menacée au fusil) sur le radeau (l’Immortel Alain Decaux). »

NDLR : renseignements pris, sur le Titanic aussi ce furent les riches qui survécurent massivement. CQFD… Le lien littéraire (médiocre) est mis sur le récit/témoignage de ce désastre.

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Sources :

https://www.dedefensa.org/article/ernst-juenger-et-le-syn...

https://fr.wikipedia.org/wiki/M%C3%A9duse_(navire)

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k850111v#

http://guerrecivileetyaourtallege3.hautetfort.com/archive...

 

 

 

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mardi, 18 juin 2024 | Lien permanent

Perspectives juives sur le sionisme

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Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1990

 

Perspectives juives sur le sionisme

 

 

par le Rabbi MAYER-SCHILLER

 

La tendance du discours public contempo­rain est de tout simplifier à outrance. Les idées qui, jadis, étaient sujettes à des con­tro­verses très nuancées sont présentées au­jourd'hui au public en termes mani­chéens, où tout est noir ou tout est blanc, de façon à pouvoir s'incruster dans l'esprit ap­pauvri de l'homme moderne, dont les capa­cités d'at­­tention sont désormais limitées. Nos contemporains, qui subissent sans cesse le bombardement massif des médias audio-vi­suels, ont besoin d'idées présentées selon un mode rapide, fluctuant.

 

Ce sont là des circonstances malheureuses qui frappent l'humanité en général et que l'on doit, en particulier, déplorer quand sont décrites les attitudes juives à l'encontre du sionisme politique. Si l'on croit les chaînes de communications populaires, on en vient à penser que le sionisme a toujours reçu l'ap­pui absolu, aveugle et désintéressé de tous les Juifs. Rien n'est moins vrai.

 

Les perspectives juives

 

Dans cet article, fort bref, je présenterai plu­sieurs alternatives et critiques juives à l'en­droit des principaux courants du sio­nisme politique. On s'en apercevra: les dé­fenseurs des idées que je vais présenter ne sont sou­vent pas d'accord entre eux sur toute une série de questions essentielles. Ces désac­cords, ces divergences, sont précisé­ment le thème de mon article. Le sionisme, tel qu'il se présente aujourd'hui aux yeux du mon­de, est objet d'une très grande atten­tion chez ceux auxquels il s'adresse en pre­mier lieu: les Juifs.

 

Les critiques juives de l'idéologie sioniste do­minante actuellement peuvent se répartir en trois catégories: 1) les critiques «éthiques-humanitaires»; 2) les critiques orthodoxes religieuses; et 3) les critiques «patriotiques», c'est-à-dire celles qui veulent que les Juifs s'identifient à leur nouvelle patrie dans les pays occidentaux.

 

Les critiques «éthiques-humanitaires»

 

Les fondateurs du mouvement sioniste poli­tique sont de purs produits de la culture eu­ropéenne du tournant du siècle. Distinguons d'abord le sionisme politique, qui n'a jamais cessé de défendre l'idée d'une souveraineté politique juive sur la Palestine, de l'amour naturel et de la vénération que les Juifs tra­ditionalistes ont toujours éprouvé pour la Ter­re Sainte. Ce sentiment a conduit les Juifs orthodoxes, au cours des siècles, à en­treprendre des pélérinages vers les lieux saints de la Palestine et à y établir de petites colonies vouées à la prière et à l'étude et qui ne cultivaient aucune aspiration politique. Au tournant du siècle, les sionistes d'Europe ont élaboré des plans pour que se constitue une patrie juive en Palestine, sans égards pour la population indigène. C'était typique pour l'époque colonialiste. Le destin et les droits à l'auto-détermination des peuples du tiers-monde n'étaient guère pris en consi­dé­ration dans l'Europe colonisatrice d'avant la Grande Guerre.

 

Mais quand ces sionistes de la première heu­re se sont aperçu du nombre réel d'A­rabes vivant dans le pays, ils se divisè­rent en trois tendances différentes. Je les classerai par ordre d'importance sur le plan quan­titatif.

 

Il y avait d'abord les «sionistes travail­lis­tes». C'est la faction principale du sio­nisme qui a tenu les rênes du pouvoir en Is­raël jusqu'il y a peu. Elle cherche une sorte de compromis avec les Arabes. Elle a ac­cepté le plan de partition de la Palestine en deux E­tats (1947). Elle a toujours estimé que l'ob­stination rendait impossible tout com­pro­mis. Aujourd'hui encore, quelques-uns de ses mem­bres, élus à la Mapai Knesset  sont en faveur d'une solution à deux Etats. La se­conde faction est celle dite du «sionisme révisionniste». Elle a toujours été militante. Elle a sans cesse réclamé l'ensemble de la Palestine alors sous man­dat et croyait arri­ver à ce but par le terro­risme. Ce groupe existe encore aujourd'hui au sein de la coalition qu'est le Likoud, di­rigé par Yitzhak Shamir. Il appelle de ses vœux le «Grand Israël», en refusant, par principe, de négo­cier avec les Palestiniens. Le troisième grou­­pe, que l'on a appelé tantôt les «sio­nis­tes culturels» ou les «sionistes éthiques», a sen­ti d'emblée que la politique du mouve­ment à l'égard des Arabes était mauvaise. Martin Buber, mort en 1964 et fi­gure de proue de la philosophie juive contem­po­rai­ne, chef de file du mouvement Brit Shalom  (Diète de la Paix), écrit: «Les Arabes sont le test que Dieu a envoyé au sio­nisme». Les «sio­nistes éthiques» estiment que l'immi­gra­tion juive vers la Palestine et l'instal­la­tion de colonies juives dans ce pays ne peu­vent s'effectuer que sur base d'une con­ci­liation fraternelle avec les Palesti­niens. Tou­­tes les mesures que ces derniers pour­raient ressentir comme des impositions im­morales ne devraient pas être concréti­sées.

 

Ahad Ha'Am, un intellectuel s'inscrivant dans la tradition du «sionisme culturel», se lamentait, dans les années 20, après qu'un rapport lui était parvenu, relatant les at­ta­ques vengeresses de Juifs contre des Arabes innocents en Palestine: «Les Juifs et le sang!... Notre sang a été versé au quatre coins du monde pendant des milliers d'an­nées, mais, jusqu'ici nous n'avions ja­mais fait couler le sang des autres... Qu'allons-nous dire maintenant si cette horrible nou­velle s'avère exacte?... Est-ce cela le rêve du retour à Sion: maculer son sol d'un sang in­nocent? Si c'est cela le Mes­sie, alors je ne souhaite pas assister à son arrivée!».

 

Jusqu'à présent, cette troisième perspective, celle du «sionisme éthique», s'est opposée à la politique choisie par le gouvernement is­raëlien à l'encontre des Palestiniens. Jadis, la plupart des «sionistes culturels» prô­naient un Etat uni bi-culturel mais, de nos jours, où les attitudes collectives se font plus intransigeantes de part et d'autre, ils sont généralement en faveur de la solution dite des «deux Etats». Les adeptes contempo­rains du «sionisme culturel/éthique» se re­trouvent dans des organisations comme «La Paix Maintenant», dans des partis politiques comme le Mapam, le CRM ou dans cer­tai­nes factions des Travaillistes. Le «sionisme éthique» n'est pas monolithique: on le re­trou­ve également dans une organi­sation com­me celle du Rabbi Elmer Berger, Ame­ri­can Jewish Alternatives to Zionism (Al­ternatives juives-américaines au sio­nisme), qui s'oppose globalement à l'Etat d'Israël; ou dans une revue américaine, in­titulée Tik­kum, qui réclame un plan dûment conçu, élaboré avec le souci de ne heurter personne, prévoyant une solution à deux Etats. Cette troisième perspective a son commun déno­mi­nateur dans le constat que le sionisme dominant, le sionisme réel, et les pratiques de l'Etat hébreux remettent en question les principes de base de la morale et de l'hu­ma­nisme. Répétons-le: la plupart de ces gens sont des sionistes convaincus; ils estiment que les Juifs doivent avoir une pa­trie mais tiennent compte des revendica­tions opposées des Palestiniens. Ils récla­ment la justice pour tous et veulent un com­promis qui puis­se apporter la paix et la sé­rénité.

 

Les Orthodoxes religieux

 

Dès les débuts du sionisme politique, de lar­ges factions de la Judaïté orthodoxe s'y sont opposées. L'antagonisme qu'elles nou­ris­saient était à facettes multiples, mais toutes étaient centrées autour des considéra­tions sui­vantes: 1) Etablir une sou­veraineté poli­tique juive en Terre Sainte est profondément illégitime avant la fin messianique des temps, que seul Dieu déci­dera; 2) le sionisme est un mouvement es­sentiellement séculier qui cherche à substi­tuer le «nationalisme» à la religion; 3) le sionisme, avec sa propen­sion à vouloir la guerre, provoquera une dé­gradation dange­reuse des rapports entre Juifs et Gentils.

 

Après la création de l'Etat d'Israël en 1948, les Juifs anti-sionistes se sont divisés en deux camps. Le premier, incarné principa­lement dans le parti Agudat Israël,  tant en Israël qu'ailleurs dans le monde, a conservé son absence d'enthousiasme à l'encontre du sionisme, mais a choisi de le reconnaître mal­gré tout et de participer au gouverne­ment. Son idéologie se préoccupe essentiel­lement de questions religieuses mais est en faveur de tous les compromis territoriaux afin de faire la paix avec les Palestiniens.

 

Le second camp anti-sioniste est celui que l'on nomme du nom générique de Kanaïm  (les Zélotes). Il refuse de reconnaître l'Etat d'Israël qu'il juge intrinsèquement mau­vais. Les groupes partageant cette philoso­phie sont: le groupe Satmar,  disséminé dans le monde entier, le Toldot Aron  à Je­ru­salem, le Neturei Karta  et tous ceux qui sont affiliés à l'autorité rabbinique tradi­tion­nelle d'Aidah Haredis en Israël.

 

Notons que les deux sentiments que nous venons de décrire regroupent presque la to­talité de tous les Juifs orthodoxes d'orien­tation traditionnelle. Le sionisme po­litico-re­ligieux, principalement représenté au cours de ces dernières décennies par le mou­vement Mizrahi,  a toutefois été moins engagé sur le plan religieux que ses adver­saires anti-sionistes. Au cours des deux ou trois dernières décennies, surtout depuis la guerre de 1967, une fraction du sionisme re­ligieux s'est développée en s'associant à des colons de la rive occidentale du Jourdain pour former le mouvement militant connu sous le nom de Gouch Emounim,  qui veut le «Grand Israël». Contrairement au mouve­ment Mizrahi,  déjà ancien, ils adoptent ou­vertement des attitudes religieuses. Bien évidemment, ces sionistes néo-religieux sont condamnés tant pas le mouvement Agudat Israël  que par les Kanaïm.

 

Les mouvements patriotiques

 

Bon nombre de Juifs d'Europe occidentale se sont opposés au sionisme parce qu'ils vo­yaient en lui un mouvement qui érodait le pa­triotisme et le loyalisme à l'égard de la na­­tion-hôte. Le Rabbi Samson Raphaël Hirsch, chef de file religieux en Allemagne au XIXième siècle, s'est fait l'avocat pas­sion­né du patriotisme juif à l'endroit de la nation-hôte. Sa position reflétait, de façon ty­pique, les positions de ses contemporains. Par exemple, l'American Reform Jewry  n'a mis un terme à sa dénonciation constante du sionisme que juste avant la seconde guer­re mondiale. Selon les tenants du «pa­triotisme juif», les Juifs vivant en dehors d'Is­raël, parmi les autres nations, ne pour­raient être qu'anti-sionistes ou, au moins, non sionistes. L'émigration vers Israël ne se­rait qu'une option parmi d'autres options.

 

La seconde guerre mondiale

 

Les terribles souffrances endurées par la Judaïté européenne sous le joug des Nazis et de leurs alliés, souvent acceptées passive­ment par le gros de la population non nazie, ont changé de façon significative l'attitude des Juifs à l'égard du sionisme. Depuis la guerre, beaucoup de Juifs considèrent Is­raël comme une nécessité, comme un havre potentiel sûr où fuir au cas où de nouvelles persécutions diaboliques s'enclencheraient.

 

Cette peur, profondément enracinée, n'est pas un simple fantasme. Elle est née des terribles événements d'il y a cinquante ans. Depuis 1945, le «patriotisme juif», critique à l'égard du sionisme, s'est de lui-même mis en sourdine. Les Juifs ont hésité à mettre leur destin entre les mains de peuples sus­ceptibles de se retourner contre eux. Cette peur, héritée du passé, joue également un rô­le dans le refus du gouvernement israë­lien de faire confiance aux Palestiniens, mê­me si ceux-ci ont montré beaucoup de bonne volonté récemment.

 

Quel futur?

 

Les efforts des sionistes non impérialistes pour influencer le gouvernement israëlien, pour l'amener à un compromis avec les Pa­lestiniens, ne progresseront que dans la me­­sure où les Juifs commenceront à sentir que les non Juifs ne leur veulent pas de mal. C'est là que doivent jouer les non Juifs pos­sédant un sens clair, aigu, de leur propre identité: eux seuls peuvent contribuer à dé­construire les peurs juives précisément par­ce que ce sont eux que les Juifs craignent le plus.

 

Pour leur part, les Juifs vivant au sein des nations européennes doivent garder à l'es­prit que ces nations sont des communau­tés soudées par des identités, possédant une cul­ture propre, des normes de compor­te­ments distinctes, etc. Et que toutes les ten­tatives pour préserver ces iden­tités, cul­tu­res, normes, etc., pour les pro­mouvoir et les enrichir ne doivent pas être contrecarrées ou ne doivent pas susciter la peur. Ensuite, il faudrait que les Juifs qui optent pour le sio­nisme adhèrent aux va­riantes non im­pé­rialistes de cette idéologie.

 

Respect et sympathie

 

Les «troisièmes voies» sont des voies récla­mant le respect mutuel entre les peuples et la sympathie réciproque. Tous ceux qui veulent apprendre sincèrement à connaître l'Autre, quel qu'il soit, sont appelés à élabo­rer les paramètres d'une coexistence har­monieuse, non oblitérante.

 

Rabbi MAYER SCHILLER,

New York.

(article tiré de Third Way,  Nr. 2, June 1990; adresse de la revue: P.O. Box 1243, London, SW7 3PB).

 

Suggestions de lecture

 

Pour une bonne présentation du sionisme éthique, lire Martin Buber, Un pays, Deux peuples. Ou, pour une illustration de la mê­me thématique mais plus actualisée, lire le li­vre d'Uri Avnery, My Friend the Enemy (Mon Ami, l'Ennemi). Pour comprendre la position de Naturei Karta, lire The Trans­for­mation  de Cyril Domb. Dans Horeb, le Rabbi Samson Raphaël Hirsch traite de la to­talité du judaïsme mais nous trouvons, dans son li­vre, bon nombre d'éléments per­tinants quant à notre propos. Le «sionisme cultu­rel» d'Ahad Ha'Am a été abordé par son disciple Hans Kohn dans Zion and the Jewish Natio­nal Idea,  dont on peut se pro­curer une pho­to­copie à la rédaction du ma­gazine britan­nique Third Way  (P.O. Box 1243, London, SW7 3PB).   

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lundi, 01 juin 2009 | Lien permanent

Géopolitique de l'espionnage...

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Géopolitique de l'espionnage...

par Dan Schiller

Ex: http://metapoinfos.hautetfort.com

Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Dan Schiller, cueilli sur le site du Monde diplomatique et consacré à la géopolitique de la surveillance sur les réseaux numériques. L'auteur est professeur en sciences de l'information à l'université de l'Illinois, aux Etats-Unis.

Géopolitique de l'espionnage

Les révélations sur les programmes d’espionnage menés par l’Agence nationale pour la sécurité (National Security Agency, NSA) ont entraîné « des changements fondamentaux et irréversibles dans beaucoup de pays et quantité de domaines (1) », souligne Glenn Greenwald, le journaliste du Guardian qui a rendu publiques les informations confidentielles que lui a fournies M. Edward Snowden. A l’automne 2013, la chancelière allemande Angela Merkel et la présidente du Brésil Dilma Rousseff se sont opposées à M. Barack Obama en condamnant les atteintes à la vie privée dont les Etats-Unis s’étaient rendus coupables — et dont elles avaient personnellement été victimes. L’Assemblée générale de l’Organisation des Nations unies (ONU) a adopté à l’unanimité une résolution reconnaissant comme un droit humain la protection des données privées sur Internet. Et, en juin 2014, le ministère de la justice américain, répondant à l’Union européenne, a promis de soumettre au Congrès une proposition de loi élargissant aux citoyens européens certains dispositifs de protection de la vie privée dont bénéficient les citoyens américains.

Mais, pour pleinement apprécier l’étendue du retentissement international de l’affaire Snowden, il faut élargir la focale au-delà des infractions commises contre le droit, et examiner l’impact que ces révélations ont sur les forces économiques et politiques mondiales, structurées autour des Etats-Unis.

Tout d’abord, l’espionnage — l’une des fonctions de la NSA — fait partie intégrante du pouvoir militaire américain. Depuis 2010, le directeur de la NSA est également chargé des opérations numériques offensives, en tant que commandant du Cyber Command de l’armée : les deux organismes relèvent du ministère de la défense. « Les Etats-Unis pourraient utiliser des cyberarmes (...) dans le cadre d’opérations militaires ordinaires, au même titre que des missiles de croisière ou des drones », explique dans le New York Times (20 juin 2014) l’amiral Michael S. Rogers, récemment nommé à ce double poste.

Ensuite, ce dispositif militaire s’inscrit dans un cadre bien plus large, celui des alliances stratégiques nouées par les Etats-Unis. Depuis 1948, l’accord United Kingdom-United States Communications Intelligence Agreement (Ukusa) constitue le cœur des programmes de surveillance des communications mondiales. Dans ce traité, les Etats-Unis sont nommés « partie première » (first party) et la NSA est spécifiquement reconnue comme la « partie principale » (dominant party). Le Royaume-Uni, le Canada, l’Australie et la Nouvelle-Zélande représentent les « parties secondaires » (second parties). Chacun de ces pays, outre qu’il s’engage à assurer la surveillance des communications dans une région donnée, à partager ses infrastructures avec les Etats-Unis et à mener des opérations communes avec eux, peut accéder aux renseignements collectés selon des modalités fixées par Washington (2).

Les pays de l’Ukusa — les five eyes cinq yeux »), comme on les appelle parfois — collaboraient dans le cadre de la guerre froide. L’Union soviétique représentait le principal adversaire. Mais, face aux avancées des mouvements anticoloniaux, anti-impérialistes et même anticapitalistes en Asie, en Afrique et en Amérique latine, les Etats-Unis ont étendu leurs capacités de collecte de renseignement à l’échelle mondiale. Les alliances ayant fondé ce système dépassent donc largement le cercle des premiers signataires. Par exemple, à l’est et à l’ouest de l’Union soviétique, le Japon et l’Allemagne comptent parmi les « parties tierces » (third parties) du traité. On notera que, à la suite des révélations de M. Snowden, Mme Merkel a demandé aux Etats-Unis de partager les renseignements dont ils disposent avec l’Allemagne, selon des conditions similaires à celles dont bénéficient les « parties secondaires ». L’administration Obama lui a opposé une fin de non-recevoir.

L’industrie privée du renseignement public

Au fil du temps, les membres ayant le statut de « parties tierces » ont évolué ; mais tous disposent d’un accès restreint aux renseignements collectés. Ce fut, pendant un temps, le cas de l’Iran, bien situé pour observer le sud de l’Union soviétique. Après la révolution de 1979, les Etats-Unis durent trouver une solution de remplacement. Ils institutionnalisèrent alors leurs liens avec la République populaire de Chine, avec laquelle les relations s’étaient améliorées depuis la visite secrète de M.Henry Kissinger en avril 1970. La province du Xinjiang apparaissait comme un endroit commode pour espionner les Russes : Deng Xiaoping, le grand artisan de l’ouverture de la Chine à l’économie de marché, autorisa la Central Intelligence Agency (CIA) à construire deux postes de surveillance, à condition qu’ils soient tenus par des techniciens chinois. Opérationnels à partir de 1981, ils fonctionnèrent au moins jusqu’au milieu des années 1990.

Puisque aucun Etat ne possède de réseau d’espionnage aussi étendu que celui des Etats-Unis, l’argument selon lequel « tous les pays font la même chose » ne tient pas la route. Des satellites, dans les années 1950, jusqu’aux infrastructures numériques, les Etats-Unis ont modernisé leurs systèmes de surveillance globale à plusieurs reprises. Toutefois, depuis le début des années 1990 et la chute des régimes communistes, la surveillance a aussi changé de fonction. Elle vise toujours à combattre les menaces, actuelles ou futures, qui pèsent sur une économie mondiale construite autour des intérêts américains. Mais ces menaces se sont diversifiées : acteurs non étatiques, pays moins développés bien déterminés à se faire une meilleure place dans l’économie mondiale ou, au contraire, pays désireux de s’engager sur d’autres voies de développement ; et — c’est essentiel — autres pays capitalistes développés.

Pour clarifier ce déplacement stratégique, il faut souligner un aspect économique du système de renseignement américain directement lié au capitalisme numérique. Ces dernières décennies ont vu se développer une industrie de la cyberguerre, de la collecte et de l’analyse de données, qui n’a de comptes à rendre à personne et dont fait partie l’ancien employeur de M. Snowden, l’entreprise Booz Allen Hamilton. En d’autres termes, avec les privatisations massives, l’« externalisation du renseignement » s’est banalisée. Ainsi, ce qui était de longue date une fonction régalienne est devenu une vaste entreprise menée conjointement par l’Etat et les milieux d’affaires. Comme l’a démontré M. Snowden, le complexe de surveillance américain est désormais rattaché au cœur de l’industrie du Net.

Il y a de solides raisons de penser que des entreprises de la Silicon Valley ont participé de façon systématique, et pour la plupart sur un mode confraternel, à certains volets d’une opération top secret de la NSA baptisée « Enduring Security Framework », ou Cadre de sécurité durable (3). En 1989 déjà, un expert des communications militaires se félicitait des « liens étroits entretenus par les compagnies américaines (...) avec les hautes instances de la sécurité nationale américaine », parce que les compagnies en question « facilitaient l’accès de la NSA au trafic international » (4). Vingt-cinq ans plus tard, cette relation structurelle demeure. Bien que les intérêts de ces entreprises ne se confondent vraisemblablement pas avec ceux du gouvernement américain, les principales compagnies informatiques constituent des partenaires indispensables pour Washington. « La majorité des entreprises qui permettent depuis longtemps à l’Agence d’être à la pointe de la technologie et d’avoir une portée globale travaillent encore avec elle », a ainsi reconnu le directeur de la NSA en juin 2014 dans le New York Times.

Contre toute évidence, Google, Facebook et consorts nient leur implication et feignent l’indignation. Une réaction logique : ces entreprises ont bâti leur fortune sur l’espionnage à grande échelle dans un but commercial — pour leur propre compte comme pour celui de leurs soutiens financiers, les grandes agences de publicité et de marketing.

La collecte, massive et concertée, de données par les grandes entreprises n’est pas un fait naturel. Il a fallu la rendre possible, notamment en transformant l’architecture initiale d’Internet. Dans les années 1990, alors que le World Wide Web commençait tout juste à s’immiscer dans la vie sociale et culturelle, les entreprises informatiques et les publicitaires ont fait du lobbying auprès de l’administration Clinton pour réduire la protection de la vie privée au strict minimum. Ainsi, ils ont pu modifier le Net de façon à surveiller ses utilisateurs à des fins commerciales. Rejetant les initiatives de protection des données, fussent-elles timides, réseaux sociaux, moteurs de recherche, fournisseurs d’accès et publicitaires continuent d’exiger une intégration plus poussée de la surveillance commerciale à Internet — c’est la raison pour laquelle ils promeuvent le passage à l’informatique « en nuage » (cloud service computing). Quelques milliers d’entreprises géantes ont acquis le pouvoir d’accaparer les informations de la population du monde entier, du berceau à la tombe, à toute heure de la journée. Comme l’explique le chercheur Evgeny Morozov, les stratégies de profit de ces entreprises reposent explicitement sur les données de leurs utilisateurs. Elles constituent, selon les mots du fondateur de WikiLeaks, M. Julian Assange, des « moteurs de surveillance (5) ».

Ces stratégies de profit deviennent la base du développement du capitalisme numérique. La dynamique d’appropriation des données personnelles électroniques se renforce puissamment sous l’effet d’une double pression, économique et politique. Pour cette raison même, elle s’expose à une double vulnérabilité, mise en lumière par les révélations de M. Snowden.

En mai 2014, la Cour européenne de justice a estimé que les individus avaient le droit de demander le retrait des résultats de recherches renvoyant à des données personnelles « inadéquates, dénuées de pertinence ou obsolètes ». Dans les quatre jours qui ont suivi ce jugement, Google a reçu quarante et une mille requêtes fondées sur ce « droit à l’oubli ». Plus révélateur encore, en juin 2014, 87 % des quinze mille personnes interrogées dans quinze pays par le cabinet de relations publiques Edelman Berland se sont accordées à dire que la loi devrait « interdire aux entreprises d’acheter et de vendre des données sans le consentement » des personnes concernées. Les mêmes sondés considéraient que la principale menace pesant sur la protection de la vie privée sur Internet résidait dans le fait que les entreprises pouvaient « utiliser, échanger ou vendre à [leur] insu [leurs] données personnelles pour en retirer un gain financier ». Pour endiguer le mécontentement, la Maison Blanche a publié un rapport recommandant aux entreprises de limiter l’usage qu’elles font des données de leurs clients. Malgré cela, l’administration Obama demeure inébranlable dans son soutien aux multinationales : « Les big data seront un moteur historique du progrès (6) », a martelé un communiqué officiel en juin 2014.

Revivifier la contestation

Le rejet de la domination des intérêts économiques et étatiques américains sur le capitalisme numérique n’est pas seulement perceptible dans les sondages d’opinion. Pour ceux qui cherchent depuis longtemps à croiser le fer avec les compagnies américaines, les révélations de M.Snowden constituent une aubaine inespérée. En témoigne l’extraordinaire « Lettre ouverte à Eric Schmidt » (président-directeur général de Google) écrite par l’un des plus gros éditeurs européens, M. Mathias Döpfner, du groupe Axel Springer. Il y accuse Google, qui détient 60 % du marché de la publicité en ligne en Allemagne, de vouloir devenir un « super-Etat numérique » n’ayant plus de comptes à rendre à personne. En expliquant que l’Europe reste une force « sclérosée » dans ce domaine essentiel, M. Döpfner cherche bien sûr à promouvoir les intérêts des entreprises allemandes (Frankfurter Allgemeine Feuilleton, 17 avril 2014).

La stagnation chronique de l’économie mondiale exacerbe encore la bataille menée par les grandes entreprises et l’Etat pour accaparer les profits. D’un côté, les fournisseurs d’accès à Internet et les grandes entreprises forment la garde prétorienne d’un capitalisme numérique centré sur les Etats-Unis. A elle seule, la société Microsoft utilise plus d’un million d’ordinateurs dans plus de quarante pays pour fournir ses services à partir d’une centaine de centres de données. Android et IOS, les systèmes d’exploitation respectifs de Google et d’Apple, équipaient à eux deux 96 % des smartphones vendus dans le monde au deuxième trimestre 2014. De l’autre côté, l’Europe affiche de piètres performances : elle ne domine plus le marché des téléphones portables, et Galileo, son projet de géolocalisation par satellite, connaît de nombreu

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lundi, 12 janvier 2015 | Lien permanent

USA: l'intégration forcée a-t-elle fait faillite?

Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1995

USA: l'intégration forcée a-t-elle fait faillite?

 

stir.jpgLouis Farrakhan n'est pas le seul Américain qui exprime aujourd'hui du scepticisme à l'égard de l'idéal d'intégration raciale. Tony Brown, Républicain noir et hôte de la chaîne de télévision PBS, condamne, lui aussi, cette tendance contemporaine à l'“assimilation raciale”. Voici son argument majeur: «Nous pou­vons rester séparés racialement tout en maintenant une nation saine et productive». Clarence Thomas, de la Cour Suprême de Justice, a condamné les projets d'intégration scolaire fondés sur le principe que les non-Blancs doivent s'asseoir à côté des Blancs dans les école pour acquérir de l'éducation (!). Tant parmi les Noirs que parmi les Blancs, le projet d'intégration est respecté par conformisme et non plus par conviction réelle, comme l'indique du reste le fait patent que dans tous les domaines sociaux où l'intégration n'est pas imposée par coercition, les races choisissent toutes de vivre séparément. Dans les églises, les prisons, à l'armée, dans les équipes professionnelles d'athlétisme, sur les campus universi­taires, les races suivent toutes leur propre voie. Nous avons donc affaire à une ségrégation que les gens, toutes races confondues, s'imposent spontanément à eux-mêmes: reste à savoir si cet état de choses est aussi choquant et aussi indésirable que les commentateurs médiatiques veulent nous le faire croire...

 

Les Américains Noirs et Blancs vivent dans des univers mentaux fort différents, ce qui les conduit à per­cevoir hommes et choses de façons différentes. On pouvait s'en apercevoir bien avant les réactions di­vergentes qui ont secoué les deux communautés à la suite du verdict du procès O.J. Simpson. Les son­dages ont montré qu'un grand nombre de Noirs croient aujourd'hui que les armes à feu et les drogues ont été délibérément introduites dans leur communauté par les Blancs, afin d'accélérer leur destruction. Un tiers des Afro-Américains prétendent que le SIDA a été inventé par les Blancs pour exterminer les Non-Blancs.

 

Que les différences raciales soient d'ordre génétique ou non, une chose est certaine, c'est qu'elles sont profondément ancrées en l'homme. Quarante ans de subventions à grande échelle et d'assistance spé­ciale en matières juridiques et sociales n'ont pas changé grand'chose à cette réalité. Bien au contraire, les races semblent diverger encore davantage. La sagesse politique la plus largement acceptée répète, de façon finalement fort simpliste: «Nous devons nous montrer plus compréhensifs et apprendre à vivre en­semble». Mais peut-être est-il temps que les Américains tiennent compte du nombre sans cesse crois­sant de citoyens, toutes races confondues, qui disent: «Notre faculté de comprendre est en ordre, et nous ne désirons plus vivre ensemble».

 

D'aucuns répondront qu'il s'agit là d'une réaction exagérée, négative et condamnable aux maux d'ordres économique et social qui frappent la nation toute entière. Et ces mêmes personnes vous diront qu'il ne faut pas désespérer, que les tensions interethniques vont diminuer dès que les groupes bénéficieront d'un même niveau de vie élevé, ou dès que le racisme des Blancs disparaîtra, ou dès que les problèmes liés à la pauvreté seront éliminés d'une façon ou d'une autre. Mais même si tous ces objectifs désirables seront un jour atteints, la question demeurera ouverte: les citoyens ont-ils le droit, voire l'obligation, de survivre en première instance en tant que groupe homogène, uni par une identité commune, sur base d'un héritage biologique commun?

 

En tant que Juif hassidique, mes sympathies vont tout naturellement vers ce désir puissant de conser­ver, de maintenir et d'entretenir un mode de vie distinct de tous les autres. La culture aujourd'hui domi­nante aux Etats-Unis tolère de tels sentiments quand ils sont exprimés par des minorités mais considère que ces mêmes sentiments sont “mauvais” quand les Blancs les expriment. Les Noirs et les Hispaniques ont pourtant clairement exprimé leur désir de suivre leurs propres voies dans le domaine de l'instruction publique, dans le maintien de l'ordre et dans les gouvernements locaux; ils veulent par ailleurs que leurs enfants continuent à parler la langue de leurs ancêtres, apprennent la geste de leurs héros nationaux, et soient éduqués selon les critères de leurs propres cultures et non pas selon les critères des Blancs. Ce sont là des sentiments humains bien naturels; sont-ils mauvais? Doivent-ils être tolérés chez les Non-Blancs et refoulés chez les Blancs?

 

Si l'on interroge l'histoire, on constate que des Américains célèbres comme Abraham Lincoln ou le leader noir Marcus Garvey ont pensé qu'une séparation des races, acceptées par les uns comme par les autres, dans le respect mutuel, était la meilleure solution pour tous les Américains, quelle que soit la race à la­quelle ils appartiennent. Les idées de Lincoln et de Garvey pourraient-elles redevenir les nôtres? Une chose est d'ores et déjà certaine, les efforts visant à donner davantage d'espace libre et autonome aux races conduiront à éliminer tous les discours sur la supériorité de telle ou telle race et à affirmer le principe moral que tous les groupes ethniques possèdent un droit égal à l'auto-détermination. Les Non-Blancs semblent plus capables de trouver leur voie et de s'élever au rang d'une culture solide, à part entière, lorsqu'ils se débarrasseront une bonne fois pour toutes de ses béquilles incapacitantes que sont le re­cours constant au “racisme blanc” et les subsides des contribuables blancs. En avançant ses arguments pour défendre sa notion personnelle de la séparation future entre les races aux Etats-Unis, Tony Brown, le Républicain noir, affirme que les arrangements multiracialistes actuels ne font qu'accentuer le paterna­lisme blanc et que susciter le racisme violent des Blancs comme des Noirs. Chaque groupe racial, pour­suit-il, doit être égal en dignité, dans le respect mutuel.

 

Aristote croyait, pour sa part, que le ciment qui lie les citoyens d'un pays est constitué par le sens de la communauté et par l'amitié entre tous. Aristote nous a également enseigné que l'amitié ne s'épanouit que lorsque tous les citoyens jouissent plus ou moins d'une égalité de condition. En Amérique, cette égalité de condition pourra sans doute s'obtenir par un abandon de cette politique d'intégration forcée, pratiquée depuis quelques décennies.

 

Les esprits critiques nous rétorqueront peut-être que, même si elle n'est pas foncièrement immorale en dernière instance, la séparation ne peut être mise en pratique. Je peux très bien admettre cette argumen­tation, car le processus de séparation des races actuellement mêlées sur le territoire ne se fera pas sans âpres discussions. Chaque groupe doit dire à l'autre: «Oui, c'est évident, vous souhaitez avoir votre propre place pour déployer votre propre socialité, vous voulez des écoles dans votre proximité, où vos enfants pourront étudier et aimer votre culture spécifique. Cela, nous aussi, nous le voulons». Dans la simplicité de cet argument, les hommes de bonne volonté retrouveront aisément le plaidoyer de la plupart des conservateurs en faveur d'un gouvernement décentralisé et les concepts avancés par la “Nouvelle Gauche” qui veut généraliser partout sur le territoire américain le principe de l'“action locale”, seule condi­tion pratique capable de rapprocher les gouvernants des gouvernés.

 

Accorder à des communautés basées sur des affinités culturelles électives une plus grande auto-déter­mination implique de délester de leur graisse inutile les léviathans de l'Etat fédéral (i. e. “central” aux USA, ndt). Un premier pas dans ce sens serait de supprimer les lois qui encouragent la discrimination en faveur de certains groupes dans le secteur public, de même que les lois qui interdisent toutes formes de préfé­rence au niveau privé. A long terme, nous allons sans doute voir les comtés, les “voisinages”, les états et les régions se pencher sur les moyens d'organiser une sécession, comme le Québec est en train de le faire actuellement. Certes, les expériences en matière d'intégration mandatée pourront continuer à se faire, dans des circonscriptions ad hoc (mais nous verrons bien combien de familles libérales de gauche blanches opteront réellement pour que leurs enfants y vivent et y fréquentent l'école).

 

A la lecture de mes arguments, vous pourriez parfaitement me reprocher de naviguer dans l'absurbe. Avec l'oeil d'un citoyen de 1995, c'est peut absurde, en effet. Mais a-t-on envisagé dans les années 60 que l'Amérique deviendrait ce chaudron bouillonnant, prêt à exploser, où les races se regardent en chiens de faïence et sont sur le point de s'affronter? Une prophétie aussi noir aurait été jugée incongrue il y a trente ans.

 

La séparation dans le respect mutuel ne signifie par l'indifférence à l'égard du sort des autres groupes, car nous pouvons remplir nos devoirs moraux et religieux à l'égard des Autres sans les incorporer de force dans notre propre culture et sans leur imposer nos propres critères de comportement. Ensuite, un abandon de l'intégration forcée ne signifie pour autant que les différences raciales sont la source de tous les échecs culturels et sociaux de notre époque contemporaine. Nous sommes confrontés à des pro­blèmes sociaux de bien plus grande envergure mais je crois que de nouvelles occasions vont s'ouvrir aux Américains, s'ils parviennent à se donner plus de marge de manœuvre en obéissant aux multiples spon­tanéités qui sont en eux et qu'ils ont héritées de leurs ancêtres si différents les uns des autres. Une inté­gration forcée dans une société multiraciale artificielle impliquerait un abandon de ce vaste éventail de dif­férences et de potientialités enrichissantes.

 

Rabbi MAYER-SCHILLER.

(Rabbi M-Sch. enseigne le Talmud à la “Yeshiva University High School”, New York City).

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vendredi, 19 février 2010 | Lien permanent

SYNERGIES en Allemagne: pourquoi?

europa.gifArchives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1996

SYNERGIES en Allemagne: pourquoi?

 

Une mise au point du Président Mark Lüdders

 

Quand on lui posait la question de savoir si la “droite” allemande avait un avenir, le non-conformiste Günter Maschke répondait brièvement et sèchement: “Pas pour le moment”. Et il poursuivait en expli­quant pourquoi son pronostic était si négatif. Parce que le niveau intellectuel de ces droites était tout simplement misérable. Maschke a donné cette réponse à Junge Freiheit  et à Vouloir  en 1991. Son juge­ment n'a pas dû se modifier considérablement depuis lors. Tout porte à croire qu'il doit même être plus pessimiste encore à l'heure qu'il est.

 

En effet, on peut aisément constater que les droites allemandes se sont intellectuellement repliées sur des positions datant du siècle dernier, celui du bon vieil Etat-Nation. On s'encroûte dans ses manies, on quitte la ville pour s'installer dans une campagne soi-disant “vierge” de toutes compromissions avec la modernité, on sombre dans le solipsisme, on se plaint, on attend que cette situation si terrible infligée au pays par la défaite de 1945 prenne fin... Ces reclus et ces figés connaissent leurs ennemis: l'ordi­na­teur, émanation de l'âge du Mal, le paprika que consomment les citadins et qui ne pousse pas en terre germanique (et ne peut donc être consommé sous peine de sombrer dans un état de péché mor­tel), la science qui n'est jamais qu'un résultat des Lumières, gauchistes avant la lettre, et “maçonniques” de surcroît... De Frédéric Nietzsche, ils ne connaissent que le nom, ont oublié celui d'Arnold Gehlen, ne s'intéressent plus aux travaux de Lorenz et de son école d'épistémologie biologique, ignorent bien en­tendu les leçons de Zinoviev et de De Felice, d'Oakshott et d'Ortega y Gasset, de Huizinga et de Maf­fe­soli: tous des étrangers...

 

Ce petit monde replié sur lui-même est toutefois convaincu de deux choses: les Juifs (toujours eux!) con­trôlent tout dans le monde, et les Polonais occupent les provinces orientales de l'Allemagne qui doivent nous revenir. Quand les Juifs cesseront de tout contrôler et que Breslau, Stettin, Dantzig, etc. redevien­dront pleinement allemandes, tout ira bien entendu mieux dans le meilleur des mondes... Force est de constater qu'une bonne partie des droites allemandes a complètement perdu le sens des réalités poli­tiques et n'a plus qu'une culture politique fragmentaire et lacunaire, assortie de phobies inexplicables qui les empêchent de sortir de leur ghetto.

 

Face à ces droites repliées sur elles-mêmes, nous avons des droites qui se sont ancrées —ou cherchent à s'ancrer—  dans l'ordre fondamental de la démocratie libérale: elles tentent d'entrer en dialogue avec l'établissement, afin de changer graduellement la société et en espérant qu'elles obtiendront finalement le pouvoir politique à haut niveau ou une parcelle importante de celui-ci. Mais en visant cet objectif fort loin­tain, ces droites-là oublient leurs positions idéologiques et axiologiques de base et snobent leur clientèle au parler plus cru et aux aspirations plus directes. Elles ne comprennent pas que la “méchante” oligarchie dominante ne s'intéresse pas à elles, mais ne vise que le maintien de ses postes, fonctions, statuts et positions et qu'elle dosera toujours savamment ses compromis pour rester au pouvoir et ne concéder que d'infimes parcelles de “pouvoir” purement décoratif, en marge des décisions politiques réelles. Ces droites-là tentent à tout bout de champ de redéfinir les concepts, s'engluent dans des discussions inter­minables visant à ménager la chèvre et le chou, finissent par prétendre qu'elles seules respectent le principe de la liberté d'expression et sont en droit de détenir le label de “véritable libéralisme”. Ces droites-là pèchent également par naïveté: elles ne voient pas, ou refusent de voir, que l'idéologie libérale n'est plus ce qu'elle était au XIXième siècle, qu'elle n'est plus l'expression d'une bourgeoisie cultivée et entre­prenante, mais qu'elle est un instrument de domination subtil ou une illusion progressiste agressive que l'on appelle la “permissivité”. En spéculant sur un libéralisme (conservateur et tocqueviellien) qui n'existe plus, ces droites se retranchent elles aussi dans des anachronismes du XIXième siècle. Elles demeurent certes “morales” ou “irréprochables” aux yeux de l'idéologie dominante, mais sur le plan politique ou sur le plan intellectuel, elles sont tout à fait inoffensives. Surtout parce qu'elles ne tentent même pas de cons­truire une véritable alternative à l'idéologie dominante: elles demeurent obnubilées par leur souci d'être ju­gées “conformes à la constitution”.

 

Mais le paysage idéologico-politique allemand connaît tout de même quelques exceptions positives. Il faut mentionner ici les efforts des nationaux-révolutionnaires des années 70 qui ont eu l'intelligence et le courage de jeter les premiers ponts entre le savoir scientifique contemporain et une vision du monde al­ternative. Si, dans les droites, on a pu apercevoir deci-delà quelques modernisations dans le discours, c'est à cette petite phalange d'idéologues audacieux qu'on le doit. Mais ces hommes n'ont été qu'une poi­gnée: une partie d'entre eux se sont malheureusement fondus dans les droites recluses ou “entristes”, une autre partie s'est retirée de tout, écœurée; si bien que nous n'avons plus en Allemagne qu'un tout pe­tit groupe d'intellectuels combattifs et toujours non-conformistes...

 

Devant ce triste bilan des agitations des droites allemandes, disons que la “Révolution Conservatrice” de l'entre-deux-guerres avait appliqué à la perfection le mot-d'ordre de Schiller (“Vis avec ton siècle, mais n'en sois pas la créature”) mais qu'après cette formidable révolution intellectuelle, sur laquelle le monde entier se penche encore aujourd'hui, les droites allemandes sont entrées en une profonde léthargie, ont raté lamentablement leur connexion aux nouveaux impératifs scientifiques ou philosophiques.

 

Cet échec est un défi pour les jeunes qui refusent tant les schémas de la droite recluse que ceux de la droite alignée. Ces jeunes sont là, leur nombre croît, mais ils n'ont ni tribune ni organisation. Ils perçoivent l'étroitesse d'esprit des uns et l'opportunisme des autres. Ils veulent rester dans la société civile, dans la société réelle, bref dans le peuple, mais sans perdre leur ouverture d'esprit. Ils veulent influencer la so­ciété sans vénérer les vieilles lunes en place et sans sacrifier aux lubies du libéralisme permissif. Dans les circonstances actuelles du paysage politique allemand, ces jeunes révolutionnaires constructifs, dis­séminés dans toute la société civile, ne rassemblent pas leurs forces, ne mettent pas leurs énergies en commun pour atteindre un objectif bien défini: ils restent éparpillés dans de petites organisations sans envergure et demeurent isolés (ce que l'idéologie et le pouvoir dominants attendent d'eux). C'est à cette carence qu'entend répondre une organisation comme SYNERGON. En effet, SYNERGON veut construire une communauté de pensée, bâtir une plate-forme pour tous ceux qui luttent isolément, rassembler les jeunes qui réclament l'avènement d'une droite ouverte aux idées nouvelles et qui veulent collaborer acti­vement avec leurs homologues de tous les pays d'Europe. Car il faut mettre fin à cette diabolisation xé­nophobique des autres Européens: il faut aller au devant d'eux pour apprendre leurs recettes, pour élargir nos propres horizons.

 

Un tel échange à l'échelle continentale animera et fécondera tous les “révolutionnaires-conservateurs” d'Europe: les Allemands pourront ainsi tirer profit de la flexibilité intellectuelle de leurs amis italiens, étu­dier plus profondément les legs de la pensée philosophique française de ces dernières décennies (Deleuze, Guattari, Foucault, Rosset, Maffesoli, etc.), découvrir les filons conservateurs-révolution­naires des Russes, etc. Par ailleurs, Français, Italiens, Ibériques et Russes, épaulés par les Allemands, pourront plonger plus directement dans les méandres de la “Révolution conservatrice” qui alimente encore tous les discours innovateurs de notre temps. Une invention allemande comme le mouvement de jeu­nesse (des Wandervögel à la Freideutsche Jugend  et aux expériences plus audacieuses et plus éton­nantes des années 20) pourra apprendre aux autres Européens à vivre plus concrètement leurs idéaux et à les transmettre en dehors de la seule sphère intellectuelle. De plus, l'écologie politique organique, donc révolutionnaire-conservatrice, qui est une idée allemande, pourra être communiquée à tous les cercles in­téressés d'Europe.

 

Le grand défi qui nous attend, nous les synergétistes de tous les pays qui appellent à l'unité, c'est de for­ger de concert une Weltanschauung qui soit réellement en prise avec notre temps, qui soit aussi éloignée de tout dogmatisme, de tout esprit partisan, qui puisse inclure et exploiter les résultats des recherches scientifiques les plus neuves, afin d'offrir à la société civile une alternative réelle et praticable à l'idéologie dominante, instrumentalisée par le pouvoir.

 

Pour obtenir un résultat tangible, nous devons donc échanger des idées au-delà des frontières en Europe, débattre, comparer des positions en apparence différentes voire irréconciliables. SYNERGON est le seul mode d'action commune qui puisse à l'heure actuelle répondre à ce défi. SYNERGON ne se pose pas d'emblée comme le concurrent d'autres organisations: nous ne cherchons pas à absorber ou à détruire ou à phagocyter des partis, des cercles ou des clubs déjà existants, mais nous voulons tout simplement animer un centre de coordination et de coopération.

 

Notre espoir est de réussir bien entendu, d'abord en établissant SYNERGON en Allemagne, afin que Günter Maschke puisse envisager l'avenir avec davantage d'optimisme.

 

Mark LÜDDERS.

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mercredi, 07 octobre 2009 | Lien permanent

En canot sur les chemins d'eau du roi

En canot sur les chemins d’eau du roi

par Ivan de Duve

(Article paru dans Le Libre Journal de la France Courtoise du 17 novembre 2005 et, sur le Web, dans le site Les manants du roi)

(Ivan de Duve, 11 nov 05) - Un nouveau Raspail est toujours un événement qui nous ravit, nous Patagons. Celui-ci est un grand Raspail et Raspail étant un véritable terroir de la doulce France, l’on peut dire sans exagérer qu’il s’agit d’un cru fameux. Jean Raspail se souvient à 79 ans du Jean qu’il était à 24 ans, en 1949, lorsque, avec trois autres scouts, formant l’équipe Marquette, lui et Philippe Andrieu à bord du canot Huard, Jacques Boucharlat et Yves Kerbendeau à bord du canot Griffon, il réalise le rêve de descendre en canots du Québec à La Nouvelle-Orléans. Des Français les ont précédés sur ces chemins d’eau du roi connu sous le nom de Louis XIV, Roi-Soleil d’un siècle exceptionnel comme l’a nommé si joliment notre ami Jean-Jacques Henri de Bourbon-Parme, roi au nom duquel Cavelier de La Salle prend possession (…) de ce pays de Louisiane (…) acte de naissance de l’Amérique française. L’acte de décès suivra vite. Il ne s’en faudra que de quatre-vingt-dix ans.

C’est le Suisse Nicolas Bouvier (1929-1998) qui m’a ouvert le monde des écrivains-voyageurs qui écrivait Si on ne laisse pas au voyage le droit de nous détruire un peu, autant rester chez soi et, quelques mois avant son décès, Désormais c’est dans un autre ailleurs / qui ne dit pas son nom / dans d’autres souffles et d’autres plaines / qu’il te faudra / plus léger que boule de charbon / disparaître en silence.

Après lui, le Jean Raspail de Secouons le cocotier et de Punch Caraïbe avait suivi la voie qui n’était pas encore royale.

Aujourd’hui Jean Raspail, au sommet de son art, nous fait revivre non seulement son aventure en Amérique mais l’aventure de l’Amérique française. Au long de ces pages, nous passons avec ravissement du 17ème siècle, à l’année 1949 et aux temps présents. Le père Marquette et Louis Joliet ont ouvert la voie, Jean Raspail l’a refermée.

Il annonce la couleur : J’en conviens, c’était un jeu, mais tout jeu de symbole, à l’exemple des enfants, se doit d’être joué sérieusement. J’ai souvent joué à ces jeux au cours de mon existence, du Pérou des Incas à la Patagonie. Je me demande si ce n’est pas, justement, en jouant de cette façon-là que le 21 janvier 1993, bicentenaire de la mort de Louis XVI, j’avais rameuté trente mille personnes à l’emplacement de l’échafaud, devant le Crillon, place de la Concorde, à dix heures vingt-trois, heure précise où tomba la tête du roi, les prières de la foule s’envolant au-dessus d’un océan de voitures bloquées, la chaussée jonchée de bouquets de lys blancs. Quand les convictions tournent à vide parce qu’on est débordé de toutes parts et qu’on ne distingue plus aucun moyen de les voir un jour s’imposer, il faut les habiller d’attitudes tranchées. Cela est un jeu… (…) Il en est des rites comme des jeux, on s’y applique sérieusement ou pas du tout, faute de quoi cela n’a pas de sens et on a salopé quelque chose, un rêve d’enfant, une étincelle de sacré.

L’abbé Tessier lui avait dit : C’est égal, mais en vous regardant vous débattre comme des mangeurs de lard avec vos canots le jour où vous êtes partis, je n’aurais pas misé une piastre sur vous. J’avoue que j’aurais quant à moi volontiers misé un peso patagon, oh, oui !

Raspail connaît l’histoire :
Et le canot, donc !
Les brigades des compagnies de la Fourrure, de Montréal et de Trois-Rivières, les embarcations des missionnaires, des marchands, des colons, naviguèrent sur les chemins d’eau jusqu’à la moitié de XIXe siècle, jusqu’à ce qu’un autre chemin, celui du Canadian Pacific Railway, souvent parallèle aux fleuves et rivières, n’envoie définitivement les canots, la « civilisation du canot », au pourrissement et à l’oubli. L’épopée avait tout de même duré deux cent et trente années.

Quant aux Français, sous le commandement de Cavelier de La Salle, Isolés à des milliers de kilomètres de leur base et de plus loin encore de leur patrie, ils ont conquis l’immensité.

Nos quatre scouts de France continuent leur périple : Souvent, nous scrutions l’eau, silencieux, mais rien n’apparaissait jamais, seulement le reflet de notre imagination. Nous avions cent cinquante ans de retard, et ce retard ne pouvait se combler. (…) La rivière nous appartenait. Depuis les voyageurs elle n’avait pas changé. « Griffon » et « Huard » naviguaient de conserve : une petite brigade attardée qui prenait le courant en plein dans le nez mais qui s’en sortait fort bien. (…) Il y fallait une certaine ambiance rare, la plénitude, l’isolement, l’élan religieux jubilatoire qui se dégage d’un environnement naturel et vrai, comme si le monde venait d’être crée, le sentiment presque monastique de s’échapper de l’univers réel et d’être mis en la présence de Dieu. (…) à la poursuite d’un royaume qu’en fait ils portaient en eux. (…) Sur le moment, nous n’avons pas pensé à sainte Anne. Sans doute veillait-elle en permanence(…) Sainte Anne, ma patronne ! Émouvant !

Comme est émouvant le père Allouez quand il évoque Louis XIV devant les sauvages d’Amérique Le grand capitaine, que nous nommons notre roi, vit par-delà les mers. C’est le capitaine de tous les capitaines et il n’a pas son égal dans le monde.

Mais Raspail revient à sa randonnée : Nous avironnions furieusement, les dents serrées, sans un mot, sans une pensée, l’œil rivé à l’île Mackinac qui grossissait peu à peu, mais si lentement, au-dessus de l’horizon.

Quant aux descendants de tant de peuples européens en Amérique, des Français, ils n’avaient rien hérité, ni la langue, ni l’histoire, ni les façons, ni l’élégant détachement des biens matériels et encore moins leur inclination fraternelle à l’égard des populations indiennes.

Et parlant de sa petite équipe : j’ai dit que nous étions des messagers, des passeurs sur les chemins d’eau du roi de France entre autrefois et aujourd’hui…
Et revenant à Cavelier de La Salle : Il s’était retiré dans sa cabine pour méditer furieusement sur la médiocrité humaine. Que d’affinités électives ! Un siècle plus tard, Goethe écrivait à Schiller : Il ne m’est jamais arrivé, dans le cours de mon existence, de rencontrer… un bonheur inespéré, un bien que je n’aie dû conquérir de haute lutte. Raspail aurait pu écrire cette lettre. Quand je vous disais qu’il est au sommet de son art. Je ne peux qu’ajouter qu’il est aussi au sommet de sa race… Nous étions des messagers, des passeurs de mémoire sur les chemins d’eau… Le père Jacques Marquette et Louis Joliet ? Ils avaient ouvert la route. Nous la fermions. (…) J’étais l’un d’entre eux. Je veillais aux frontières oubliées. Et, plus loin : Un nombre infini de Français se sentent sudistes. Ils savent qu’en réalité, ce n’était pas pour maintenir l’esclavage que tout le Sud se battait, mais pour défendre, face aux Yankees, une patrie charnelle qui tenait à l’âme autant qu’à la terre, un style de vie, une façon d’être et d’envisager le bonheur, des usages, une certaine urbanité partagée par toutes les classes de la société. Nous étions sudistes, nous aussi. On ne peut être plus clair et ce ne sont ni Maurice Bardèche (Sparte et les sudistes) ni Dominique Venner (Gettysburg) qui diraient autrement.

La conclusion de Jean Raspail est criante de vérité : On a passé là d’excellents moments, flottant entre le XVIIe et le XXe siècle. C’est exactement cela que son aventure d’Amérique nous offre : d’excellents moments, flottant entre le XVIIe et le XXe siècle.

Un merveilleux livre d’aventure où se rejoignent passé et présent. Un monument de mémoire. Merci Jean Raspail d’avoir su si bien exprimer ce que nous ressentons.

Jean Raspail, En canot sur les chemins d’eau du roi, Albin Michel, 352 p., novembre 2005.
ISBN 2-226-16824-9

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lundi, 04 février 2008 | Lien permanent

Don Quijote und die Konservativen

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Don Quijote und die Konservativen

von Carlos Wefers Verástegui

Ex: http://www.blauenarzisse.de

Der „Ritter von der traurigen Gestalt“ ist den meisten als eine komische Figur, das Buch über Don Quijote selbst als eine Parodie mittelalterlicher Ritterromane bekannt.

Doch in Wahrheit steckt viel mehr in ihm, als sich ahnen lässt. Der Quijote ist nämlich eine konservative Symbolfigur. Zur Zeit des Quijotes, im 17. Jahrhundert, gab es zwar noch die Wertewelt des Mittelalters mit ihren idealen Vorstellungen von Adel und Königtum. Doch diese hatte sich von den tatsächlich bestehenden Institutionen und Würdenträgern getrennt.

Der Adel tat es seinen in Cervantes´ Roman auftauchenden Repräsentanten gleich: der Schwertadel war zu einem weitgehend funktionslosen Landadel geworden und zur Müßigkeit verurteilt. Der Hochadel, obwohl er noch einiges Gewicht besaß, übte sich zunehmend darin, sich auf immer feinere und spielerische Weise die Zeit zu vertreiben und überhaupt das Dasein zu versüßen, als dass er sich dem Gemeinwesen verpflichtet fühlte. Das eigene Königtum – der König – hatte aufgehört, das Ideal des Ritters und Kriegers beispielhaft zu verkörpern. Es war zu einer Gewalt mutiert, die zwar überall, gleich einem Schatten, bedrohlich hin(ein)fallen konnte, doch selbst da, wo sie ihre Macht aufs deutlichste spüren ließ, haftete ihr doch stets etwas Schattenhaftes an.

Ein abgeklärtes und „entzaubertes“ Zeitalter

In dieser abgeklärten Atmosphäre, einem, den Untertanen fernen und unpersönlichen, eben schattenhaften Absolutismus, in der Ehrgeiz und Gewinnstreben mehr auszurichten vermochten als persönliche Tugend, wurde den ritterlichen Idealen kein besonderer Ernst mehr entgegen gebracht. Der Titel „Ritter“ selbst war käuflich geworden oder wurde, aus bürokratischem Verdienst, an die „Räte“ des absolutistischen Verwaltungsstaats verliehen.

Diese wirkliche Welt des Landedelmanns Alonso Quijano stand im krassesten Gegensatz zu den imaginierten Traumländern und Wundergeschichten, von denen er aus seinen heißgeliebten Ritterromanen erfahren hatte. Sowohl Alonso Quijano als auch sein höheres Selbst, Don Quijote, waren sich ihrer höchst nüchternen Realität nur allzu bewusst. Der unüberbrückbare Gegensatzes zwischen ihr und der den Ritterromanen entnommenen besseren Wertewelt des Mittelalters brachte diese Einsicht fast zwangsläufig mit sich.

Don Quijote brauchte deshalb nicht erst auf Max Weber zu warten, um zu wissen, was „Entzauberung“ und „stahlhartes Gehäuse“ bedeutet: beides war ihm längst zur bitteren Gewissheit geworden, sein Zeitalter ihm ganz folgerrichtig ein „greuliches“. Alonso Quijano-​Don Quijote besaß ein unzweifelhaft richtiges Bewusstsein von seiner Realität.

Alonso Quijano wird zu Don Quijote

Als einem Nachfahren echter Ritter zeichnete sich Hidalgo Alonso Quijano durch eine ihm eigene Kühnheit aus: aus den besonderen Umständen seines müßigen Daseins heraus musste sie eine geistige Richtung nehmen. Diese Kühnheit Alonso Quijanos ging so weit,dass er das Rittertum vollständig beim Wort nahm. Nachdem seine Phantasie aus den Fugen geraten – durch zahlreiche Übernächtigungen – und übermäßig gereizt – durch den ungesunden Genuss von Ritterromanen – , sein „Gehirn ausgetrocknet“, sein Verstand überwältigt ist, beschließt er doch tatsächlich, Ritter zu werden.

Seine „Verrücktheit“, die eigentlich eine Steigerung seiner geistigen Kühnheit ist, besteht darin, Wertewelt und Phantasiegebilde der Ritterromane gleich ernst genommen zu haben. Der Hidalgo Alonso Quijano wird zu Don Quijote dadurch, dass er das, was er liest und was ihn anreizt, so für richtig befindet und deshalb auch für würdig, als Ganzes in die Wirklichkeit überführt zu werden. Die geistige Kühnheit artet dabei aus, Alonso Quijano wird – verrückt. Cervantes lässt seinen tragischen Helden Alonso Quijano-​Don Quijote absichtlich über das Ziel hinausschießen. Er lässt ihn von vornherein „verrückt sein“, vielleicht aus vorausgreifender, vorsichtiger Rücksichtnahme auf die sich übervernünftig ankündigende Wirklichkeit seiner Zeit.

donquichotte6.jpgEdmund Burke ist Don Quijote

Als der „Vater des Konservatismus“ Edmund Burke der Französischen Revolution seine „Betrachtungen“ entgegenschleuderte, bediente er sich des Bildes des „metaphysischen Ritters“. Er wollte die Revolutionäre als abstrakte Fanatiker entlarven. Don Quijote war damals eine bekannte komische Figur. Burke konnte voraussetzen, dass er verstanden wurde. Nur war Burke im eigentlichen Sinne Don Quijote, weil er es wagte, der Revolution die Stirn zu bieten – im Namen der Ritterlichkeit – , und dabei im gleichen Atemzug verkündete: „Doch das Zeitalter der Ritterlichkeit ist nun vorbei. Die Sophisten, die Ökonomen, die Erbsenzähler haben gewonnen. Und die Herrlichkeit Europas ist nicht mehr.“

Im gleichen Sinne wie Burke zog aber der „metaphysische Ritter“ aus wider sein Zeitalter der „Greulichkeit“, trotzdem er zu genüge wusste: Es gibt keine fahrenden Ritter mehr. Don Quijote und Burke gleichen sich auf Haar in ihrer jeweiligen Kampfansage, die bei ihnen Verneinung und Bejahung der Gegenwart in einem ist. Beiden wird ihre Gegenwart zur eigentlichen Herausforderung, sie wird ihnen zum Prüfstand ihrer eigenen ritterlichen Tugend: sie ist ein Material, welches sie sich in Wahrheit gar nicht anders wünschen könnten, in ihr gilt es nämlich sich zu bewähren.

Romantischer Politiker und Antikapitalist

Die konservative Bedeutung Don Quijotes ist der Deutschen Romantik früh aufgegangen. Sie sah in ihm einen Wesensverwandten. Später ist Carl Schmitt von dieser konservativ-​romantischen Entdeckung des Quijotes ausgegangen, um den unsterblichen Typus des „romantischen Politikers“ – eines echten Politikers im Gegensatz zum „politischen Romantiker“ – anhand des Quijotes darzustellen.

Werner Sombart hat seinerseits Don Quijote als einen hervorragend antikapitalistischen Typus betrachtet. Bei seinem ersten „Auszug“ kommt der Ritter gar nicht darauf, dass er bei der Ritterfahrt eine derartige Trivialität wie „Geld“ nötig haben könnte. Das muss ihm erst ein verschmitzter Gastwirt beibringen. Besonders grell leuchten die gegensätzlichen Prinzipien von Antikapitalismus und Geldreichtum bei Don Quijotes Zusammenstoß mit Seidenhändlern auf. Am Ende dieser unseligen Begegnung liegt der wackere Held hilflos und gedemütigt auf der Erde, seine Lanze wird zu Kleinholz gemacht, er selbst von einem gemeinen Maultierjungen mit den Lanzenresten geprügelt.

Absage an die Moderne

Die „Modernität“ des Quijotes ist von der Literaturwissenschaft oft betont worden. Weniger oft bemerkt wurde die seltsame Spannung, in der sich die literarische Modernität des Buches mit der Antimoderne des Helden befindet. Eines der genialsten Kapitel des Quijotes, das, „Welches von der merkwürdigen Rede handelt, die Don Quijote über die Waffen und die Wissenschaften hält“, ist in seiner leidenschaftlichen Parteinnahme für den seine Waffen tragenden Soldaten und gegen den Rechtsgelehrten ein großartiger Versuch, das vom Mittelalter ererbte Bildungsideal „Waffen und Wissenschaften“ wiederherzustellen.

Wie tief dabei die Absage an die Moderne geht, wird im Vergleich zu Hegel deutlich. Der Gegenstand, von dem beide in ihrer jeweiligen Auseinandersetzung mit der Moderne ausgehen, sind die Feuerwaffen. Dass die Bewertung dabei unterschiedlich ausfällt, liegt auf der Hand, die Gründe aber, die sie anführen, sind überraschenderweise die gleichen.

In der „Philosophie des Rechts“ (§ 328) teilt Hegel die Verwünschungen und die Entrüstung Don Quijotes nicht. Hegel bejaht den Fortschritt, den Weg, den der „Geist“ zu sich selbst, zum modernen Staat, nimmt. Im Herzen dieses Epoche machenden Prinzips „der modernen Welt“ – nach Hegel: der Gedanke und das Allgemeine – steht die Überwindung der feudalen Welt. Hegel begreift philosophisch, was Don Quijote-​Cervantes am eigenen Leibe erfahren und begriffen hat. Nur verneint Don Quijote die Moderne aus Gründen, die sich aus seiner existenziellen Situation und seiner Wesensart ergeben.

Während der deutsche Protestant eine historische Rechtfertigung der „Entwicklung“ liefert, treibt der existentielle Protest den spanischen Edelmann und Ritter Alonso Quijano-​Don Quijote zum Handeln an. Don Quijote scheitert zwar, bleibt aber, wie er auch am Ende wieder „zu sich kommt“ und kurz darauf als einfacher „Hidalgo Alonso Quijano der Gute“ tot und begraben liegt, einem ganzen Zeitalter gegenüber im Recht.

 

 

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lundi, 02 novembre 2015 | Lien permanent

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