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Pour une typologie opératoire des nationalismes

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Archives de Synergies Européennes - 1990

 

Pour une typologie opératoire des nationalismes

 

par Robert STEUCKERS

 

Le mot «nationalisme» recouvre plu­sieurs acceptions. Dans ce vocable, les langages politique et politologique ont fourré une pluralité de contenus. Par ailleurs, le nationalisme, quand il agit dans l'arène politique, peut promouvoir des valeurs très différentes selon les cir­constances. Par exemple, le nationa­lis­me peut être un programme de libéra­tion nationale et sociale. Il se situe alors à «gauche» de l'échiquier poli­tique, si toutefois on accepte cette dicho­tomie con­ventionnelle, et désormais dé­passée, qui, dans le langage politique, distingue fort abruptement entre une «droite» et une «gauche». Les gauches convention­nelles, en général, avaient accepté com­me «progressistes», il y a une ou deux dé­cennies, les nationa­lismes de libéra­tion vietnamien, algé­rien ou nicara­guéen car ils se dres­saient contre une forme d'oppression à la fois colonialiste et capitaliste. Mais le nationalisme n'est pas toujours de libé­ration: il peut éga­lement servir à asseoir un programme de soumission, d'impérialisme. Un cer­tain nationa­lisme français, dans les an­nées 50 et 60, voulait ainsi oblitérer les nationalismes vietnamien et algérien de valeurs jaco­bines, décrétées quintessen­ce du «nationalisme français» même dans les rangs des droites, pourtant tra­ditionnel­lement hostiles à la veine idéo­logique ja­cobine. Nous constatons donc, au regard de ces exemples historiques récents, que nous nageons en pleine con­fusion, à moins que nous ayons af­faire à une coïncidentia oppositorum...

 

Pour clarifier le débat, il importe de se poser une première question: depuis quand peut-on parler de «nationa­lis­me»? Les historiens ne sont pas d'accord entre eux pour dire à quelle époque, les hommes se sont vraiment mis à parler de nationalisme et à rai­sonner en ter­mes de nationalisme. Avant le XVIIIiè­me siècle, on peut re­pérer le messia­nisme national des Juifs, la notion d'ap­partenance culturelle commune chez les Grecs de l'Antiquité, la notion d'im­pe­rium chez les Romains. Au Moyen Age, les nations connaissent leurs différences mais les assument dans l'œkumène chrétien, qui reste, en ultime instance, le seul véritable réfé­rent. A la Renais­san­ce, en Italie, en France et en Alle­magne, la notion de «nation», comme ré­férent politique im­portant, est réservée à quelques huma­nistes comme Ma­chia­vel ou Ulrich von Hutten. En Bohème, la tragique aven­ture hussite du XVième siè­cle a marqué la mémoire tchèque, con­tribuant forte­ment à l'éclosion d'un par­ticularisme très typé. Au XVIIième siècle, l'Angleterre connaît une forme de na­tionalisme en instaurant son Egli­se na­tionale, indépendante de Rome, mais celle-ci est défiée par les non-con­for­mistes religieux qui se réclament de la lettre de la Bible.

 

Avec la Révolution Française, le senti­ment national s'émancipe de toutes les formes religieuses traditionnelles. Il se laïcise, se mue en un nationalisme pu­rement séculier, en un instrument pour la mobilisation des masses, appelées pour la première fois aux armées dans l'histoire européenne. Le nationalisme moderne survient donc quand s'effondre l'universalisme chrétien. Il est donc un ersatz de religion, basé sur des éléments épars de l'idéologie des Lumières. Il naît en tant qu'idéologie du tiers-état, aupa­ravant exclus du pouvoir. Celui-ci, à cause précisément de cette exclusion, en vient à s'identifier à LA Nation, l'aristo­cratie et le clergé étant jugés comme des corps étrangers de souche franque-ger­manique et non gallo-ro­mane (cf. Sié­yès). Ce tiers-état bourgeois accède seul aux affaires, barrant en même temps la route du pouvoir au qua­trième état qu'est de fait la paysan­nerie, et au quint-état que sont les ou­vriers des manu­factures, encore très minoritaires à l'é­poque (1). Le nationa­lisme moderne, il­lu­ministe, de facture jacobine, est donc l'idéologie d'une par­tie du peuple seu­lement, en l'occurrence la bourgeoisie qui s'est émancipée en instrumen­ta­li­sant, en France, l'appareil critique que sont les Lumières ou les modes angli­cisantes du XVIIIième siècle. Après la parenthèse révolutionnaire effervescen­te, cette bourgeoisie se militarise sous Bo­naparte et impose à une bonne partie de l'Europe son code juridique. La Res­tau­ration d'après Waterloo conserve cet appareil juridique et n'ouvre pas le che­min du pouvoir, ne fût-ce qu'à l'échelon com­munal/municipal, aux éléments a­van­­cés des quart-état et quint-état (celui en croissance rapide), créant ainsi les con­ditions de la guerre sociale. En Al­le­magne, les observateurs, d'abord en­thou­siastes, de la Révolution, ont bien vi­te vu que les acteurs français, surtout parisiens à la suite de l'élimination de toutes les factions fédéralistes (Lyon, Mar­seille), ne cherchaient qu'à hisser au pouvoir une petite «élite» clubiste, cou­pée du gros de la population. Ces ob­servateurs développeront, à la suite de cette observation, un «nationalisme» au-delà de la bourgeoisie, capable d'orga­ni­ser les éléments du tiers-état non encore politisés, c'est-à-dire les pay­sans et les ou­vriers (que l'on pourrait appeler quart-état ou quint-état). Ernst-Moritz Arndt prend pour modèles les consti­tutions suédoises des XVIIième et XVIIIiè­me siècles, où le paysannat, fait unique en Europe, était représenté au Parlement en tant que «quart-état», aux côtés de la noblesse, du clergé et de la bourgeoisie marchande et industrielle (2). Le Baron von Stein, juriste inspiré par la praxis prussienne de l'époque fré­­déricienne, par les théories de Herder et de Justus Möser, par les leçons de l'è­re révolutionnaire et bonapartiste, éla­bo­re une nouvelle politique agraire, pré­voyant l'émancipation paysanne en Prus­se, projette de réorganiser la bu­reaucratie d'Etat et d'instaurer l'auto­no­mie administrative à tous les niveaux, depuis la commune jusqu'aux instances suprêmes du Reich. Les desiderata d'Arndt et du Baron von Stein ne seront pas traduits dans la réalité, à cause de la «trahison des princes allemands», de l'«obstination têtue des principules et du­caillons», préférant l'expédiant d'une restauration absolutiste pure et simple.

 

Comment le nationalisme va-t-il évo­luer, à la suite de cette naissance tu­mul­­tueuse dans les soubresauts de la Révolution ou du soulèvement allemand de 1813? Il évoluera dans le plus parfait désordre: la bourgeoisie invoquera le na­­tionalisme dans l'esprit de 1789 ou de la Convention, les socialistes dans la perspective fédéraliste ou dans l'espoir de voir la communauté populaire politi­sée s'étendre à tous les états de la so­ciété, les Burschenschaften  allemandes contre les Princes et l'ordre imposé par Metternich à Vienne en 1815, les narod­niki  russes dans la perspective d'une émancipation paysanne généralisée, etc. Le mot «nationalisme» en vient à dési­gner des contenus très divers, à recou­vrir des acceptions très hétérogènes. En Hongrie, avec Petöfi, le nationalisme est un nationalisme ethnique de libération comme chez Arndt et Jahn. En Pologne, l'ethnisme slavisant se mêle, chez Mi­ckiewicz, d'un messianisme catholique anti-russe et anti-prussien, donc anti-or­­thodoxe et anti-protestant. En Italie, avec Mazzini, il est libéral et illuministe. En Allemagne avec Jahn et au Dane­mark, avec Grundtvig, il est nationa­lis­me de libération, ethniste, ruraliste, ra­cia­lisant et s'oppose au droit romain (non celui de la vieille Rome républi­cai­ne mais celui de la Rome décadente et orientalisée, réinjecté en Europe cen­tra­le entre le XIIIième et le XVIième siè­cles), c'est-à-dire à la généralisation d'un droit où l'individu reçoit préséance, au détriment des communautés ou de la nation.

 

Dans l'Allemagne nationale-libérale de Bismarck, le tiers-état allemand accède au pouvoir tout en concédant une bonne législation sociale au quint-état ouvrier. La France de la IIIième République con­solide le pouvoir bourgeois mis en selle lors de la Convention. Entre 1914 et 1918, le monde assiste à la conflagration généralisée des nationalismes tiers-éta­tistes. En 1919, à Versailles, l'Ouest im­pose le principe de l'auto-détermina­tion dans la Zwischeneuropa, l'Europe sise en­tre l'Allemagne et la Russie. La Fran­­­­ce va ainsi accorder aux Polonais et aux Tchèques ce qu'elle refusera tou­jours aux Bretons, aux Alsaciens, aux Corses et aux Flamands. Mais cette au­to-détermination n'est pas accordée di­rec­tement aux peuples pris dans leur globalité, mais aux militaires polonais ou roumains, aux clubs tchèques (Ma­sa­ryk), etc. Ces strates dirigeantes, ex­ploitant à fond les idéologèmes nationa­listes, ont affaibli leurs peuples en im­po­sant des budgets militaires colossaux, notamment en Pologne et en Roumanie. Dans ce dernier pays, ce n'est pas un ha­­sard non plus si la contestation néo-na­tionaliste, hostile au nationalisme de la monarchie et des militaires, se soit basée sur les idéologies agrariennes (po­po­ranisme) ou les ait faits dévier dans une sorte de millénarisme paysan, com­parable, écrit Nolte (3), aux milléna­ris­mes de la fin du Moyen Age ouest-euro­péen (Légion de l'Archange Michel, Gar­­de de Fer).

 

Devant ce désordre événémentiel, la pen­­sée européenne n'a pas été capable d'énoncer tout de suite une théorie scien­tifique, assortie d'une classification claire des différentes manifestations de l'idéologie nationaliste. Avec un tel dé­sor­dre de faits, une typologie est néces­saire, vu qu'il y a pluralité d'acceptions. Les linéaments de nationalisme se sont de surcroît mêlés à divers résidus, plus ou moins fortement ancrés, d'idéologies non nationales, non limitées à un espace ou à un temps précis. La première clas­sification opératoire n'a finalement été sug­gérée qu'en 1931 par l'Américain Carl­ton J.H. Hayes (4). Celui-ci distin­guait:

1) Un nationalisme humanitaire, fai­sant appel à des valeurs intériorisées et critique vis-à-vis du système en place. L'idéologie humanitaire pouvant repo­ser tantôt sur la morale tantôt sur la cul­­ture;

2) Un nationalisme jacobin, réclamant une adhésion formelle, donc extérieure, et s'instaurant comme système de gou­vernement;

3) Un nationalisme traditionaliste, auto­ritaire et contre-révolutionnaire, explo­rant peu les ressorts de l'intériorité hu­maine, et s'opposant au système en pla­ce au nom d'une tradition, posée comme pure, comme réceptacle exclu­sif de la vérité;

4) Un nationalisme libéral, se réclamant du droit ou des droits, généralement hos­tile au système en place, car celui-ci n'accorde aucun droit à certaines caté­gories de la population ou n'en accorde pas assez au gré des protagonistes du nationalisme;

5) Un nationalisme intégral, opérant une synthèse de différents éléments idéo­logiques pour les fusionner en un na­tionalisme opératoire. Maurras est le théoricien par excellence de ce type de nationalisme de synthèse, hostile, lui aussi, au régime en place.

Le découpage que nous suggère Carlton J.H. Hayes est intéressant mais l'ex­périence historique nous prouve que les nationalismes qui ont fait irruption sur la scène politique européenne ont sou­vent été des mixtes plus complexes, vu les affinités qui pouvait exister entre ces différents nationalismes, comme par exemple entre le nationalisme humani­taire et le nationalisme libéral, entre le libéralisme et le jacobinisme, entre les traditionalistes et les natio­na­listes in­té­graux, etc.

 

Hans Kohn (5), disciple de Meinecke, ré­duira conceptuellement la pluralité des nationalismes à deux types de base: 1) les nationalismes émanant de la Nation-Etat, d'essence subjective et politique, où l'on adhère à une nation comme à un parti. C'est une conception occidentale, d'après Kohn;

2) les nationalismes émanant de la Na­tion-Culture, d'essence objective et cul­turelle, déterminée par une apparte­nan­ce ethnique dont on ne peut se dé­barrasser aisément. C'est une concep­tion orientale, slave et germanique, d'a­près Kohn.

L'Occident, selon sa classification, déve­lopperait donc une idée de la nation comme communauté volontaire, comme un «plébiscite de tous les jours» (Re­nan). Jordis von Lohausen, géopoliti­cien autrichien contemporain, disait dans ce sens que l'on pouvait de­venir français ou américain comme l'on devient musul­man: par simple décision personnelle et par acceptation de valeurs universelles non liées à du réel concret, à un lieu précis et objectif.

L'Est européen développe une approche contraire des faits nationaux. Cette ap­proche, dit Kohn, est déterministe: on ap­partient à une nation comme on ap­partient à une famille, pour le meilleur et pour le pire.

Kohn en déduit que les approches occi­dentales sont libérales, démocratiques, rationnelles et progressistes. Les ap­proches orientales, quant à elles, sont irrationnelles, anti-individualistes, pas­séistes, voire «fascistes» et «racistes».

Cette dichotomie, un peu simple, mérite une critique; en effet, les nationalismes jacobins, occidentaux, de facture libérale et démocratique, se sont montrés agres­sifs dans l'histoire, bellogènes, inca­pables de créer des consensus réels et d'organiser les peuples (de faire des peuples des organismes harmonisés). Quant aux nationalismes dits orientaux, ils reposent sur un humanisme cultu­rel, dérivé de Herder, qu'il serait difficile de qualifier de «fasciste», à moins de condamner comme telle toute investiga­tion d'ordre culturel ou littéraire dans un humus précis. Par ailleurs, l'Irlan­de qui est située à l'Ouest du continent européen, n'est ni slave ni germanique mais celtique, déploye un nationalisme objectif, ethnique, culturel, littéraire qui n'a jamais basculé dans le fascisme. De même pour l'Ecosse, le Pays de Galles, la Flandre, la Catalogne, le Pays Bas­que. La Pologne, située à l'Est, assimile de force les Ruthènes, les Kachoubes, les Lithuaniens, les Ukrai­niens, les Alle­mands et les Tchèques qui tombent sous sa juridiction non pas au nom d'un nationalisme ethnique polo­nais mais au nom d'une idéologie uni­versaliste mes­sia­nisée, le catholicisme. Si bien que tous les Slaves catholiques sont considé­rés comme Po­lo­nais, en dépit de leur na­­tionalité pro­pre. Dans la Russie du XIXième siècle, le natio­na­lisme est un mixte qui n'a rien de la netteté dichoto­mique de Kohn: l'étatisme anti-volonta­riste, mi-occidental mi-orien­tal, se con­jugue au panslavisme culturel, «orien­tal» et non humaniste, et au narodni­kis­me, «oriental» et humaniste.

 

Theodor Schieder (6) critique les classi­fi­­cations de Hayes et de Kohn, parce qu'il les juge trop figées et parce qu'elles ne tiennent pas compte du facteur temps. La formation des nationalismes européens s'est déroulée en plusieurs étapes, dans trois zones différentes. La première étape s'est déroulée en Europe occidentale; la seconde étape, en Europe centrale; la troisième étape, en Europe orientale. En Europe occidentale, c'est-à-dire en France et en Angleterre, le cadre territorial national était déjà là; il n'y a donc pas eu besoin de l'affirmer. Le tiers-état s'émancipe dans ce cadre et conserve les éléments d'universalisme propre au Lumières parce que le ro­man­tisme attentif aux spécificités ethno-culturelles ne s'est pas encore dé­velop­pé. La culture est toujours au stade du subjectif-universaliste et non encore au stade de l'objectif-particulariste. Ce qui explique qu'en Angleterre, le terme «na­tionalisme» sert à désigner des mou­­vements de mécontents sociaux en Irlande, en Ecosse, au Pays de Galles. Cette acception, à l'origine typiquement britannique, du terme nationalisme est passée aux Etats-Unis: on y parle du «nationalisme noir» pour désigner le mé­contentement des descendants des es­claves africains importés en Amé­ri­que, jadis, dans les conditions que l'on sait. Aux Etats-Unis comme en France, le nationalisme ne peut être ni objectif ni linguistique ni ethnique mais doit être subjectif et politique parce ces pays sont pluri-ethniques et, au départ, peu peu­plés, donc contraints de faire appel à l'im­migration. Tout recours à l'objecti­vité ethno-linguistique y briserait la co­hésion artificielle, obtenue à coup de pro­pagande idéologique.

 

En Europe centrale, il a fallu d'abord que les nationalismes créent le cadre territorial sur le modèle des cadres oc­cidentaux. C'est ainsi que l'on a pu ob­server, dans la première moitié du XIXième siècle, les lents processus des unifications allemande et italienne. Il a fallu aussi chasser les puissances tu­tri­ces (la France en Allemagne; l'Autriche en Italie). L'obsession de se débarrasser des armées napoléoniennes et de l'ad­mi­nistration française ainsi que de ses re­liquats juridiques est bien présente dans les écrits des ténors du natio­na­lis­me allemand du début du XIXième: chez Arndt, chez Jahn et chez Kleist. Dans cette première phase, le nationa­lis­me émergeant révèle une xénophobie, qui unit le peuple en vue d'un objectif précis, la libération du territoire natio­nal, et qui, sur le plan théorique, cher­che à démontrer une homogénéité so­ma­tique de tout le corps social et popu­laire. Ensuite, la démarche unificatrice passe par l'élaboration d'un droit al­ternatif, devant nécessairement accor­der un plus en matière de représen­ta­tion que le droit ancien, imposé par une puissance extérieure. D'où, en Alle­ma­gne, la recherche constante d'une al­ter­native au droit romain et la volonté d'un retour au droit coutumier germanique, laissant plus de place aux dimensions communautaires, territoriales ou pro­fes­­sion­nelles (cf. Otto von Gierke), ce qui permet de répondre aux aspirations con­­crètes d'autonomie communale et aux volontés d'organisation syndicale, ex­primées dans la population.

 

En Europe orientale, les processus na­tio­­nalitaires se heurtent à une difficulté de taille: créer un cadre est excessi­ve­ment compliqué, vu la mosaïque ethni­que, à enclaves innombrables, qu'est la partie d'Europe sise entre l'Allemagne et la Russie. Cette difficulté explique la neutralisation de cette zone bigarrée au sein d'empires pluri-nationaux. La rai­son d'être de la monarchie austro-hon­groise était précisément due à l'impos­si­bilité d'un découpage territorial co­hé­rent sur base nationale dans cette ré­gion, ce qui l'aurait affaiblie face à la menace otto­mane. Pendant la guerre 14-18, Alle­mands et Autrichiens renon­cent, sur le plan théorique, à l'idéologie na­tionale, tandis que l'Entente et les Etats-Unis, malgré leurs idéologies do­minantes cos­mopolites, instrumentali­sent, contre la lo­gique fédérative autri­chienne, le fa­meux principe wilsonien de l'«auto-dé­ter­mination nationale» (7). Quand, à Versailles, sous l'impulsion de Wilson et de Clémenceau, on accorde à l'Europe orientale l'auto-détermi­na­tion, on le fait par placage irréfléchi du modèle jacobin, subjectivo-politique, sur la mosaïque ethnique, objectivo-cultu­rel­­le. Le mélange du nationalisme sub­jectif et des faits objectifs d'ordre ethni­que et culturel a provoqué l'explosion d'ir­rédentismes délétères.                     

 

Le nationalisme des «petits peuples» dans les travaux de Miroslav Hroch

 

Miroslav Hroch (8), de nationalité tchè­que, analyse le nationalisme des «petits peu­ples», soit les nationalismes norvé­gien, fin­landais, flamand, baltes et tchè­que. Ces nationalismes, tous culturels à la base, ont également évolué en trois étapes. La pre­mière de ces étapes est la phase intellec­tuelle, «philologique», où des érudits redé­couvrent le Kalevala en Finlande ou ex­hument de vieilles poésies ou épopées ou, encore, créent des romans historiques com­me Conscience en Flan­dre. L'archéologie, la littérature et la lin­guis­tique sont mo­bilisées pour une «pri­se de conscience». Vient ensuite la seconde phase, celle du réveil, où cette nou­velle culture encore marginale passe des érudits aux intellec­tuels et aux étu­diants. Le Tchèque Pa­lac­ky (9) a été, par exemple, l'initiateur d'un tel passage dans la société tchèque du dé­but du XIXième. La troisième phase est celle où le nationalisme, au préalable en­goue­ment d'érudits et d'intellectuels, de­vient «mouvement populaire», atteint les mas­­ses qui passent, ainsi, à une «cons­cience historique». C'est la litté­rature, dans tous ces cas, qui est le moteur d'un mouvement social. Au XIXième, dans le sillage du romantisme, c'est le roman qui a joué le rôle de diffuseur. Aujour­d'hui, ce pourrait être le cinéma ou la ban­de des­sinée.

 

Qui porte cette évolution? Ce n'est pas, comme dans les cas des nationalismes tiers-étatistes, la bourgeoisie industrielle ou marchande. Celle-ci ne montre aucun intérêt pour la philologie, la poésie ou le roman historique. Sur le plan culturel, elle est strictement analphabète (Kultur­anal­­­pha­bet, dirait-on en allemand). Le na­­tio­na­lisme des «petits peuples» émane au con­traire de personnalités cultivées, issues de classes diverses, mais toutes hos­tiles à la caste marchande inculte (les «Philistins», disait l'humaniste anglais Matthew Ar­nold). Schumpeter, en éco­no­­mie, Veblen, en sociologie, ont montré combien puis­san­te était cette hostilité du peuple, des cler­gés et des aristocrates  à l'encontre des ri­ches sans passé, por­teurs de la civilisation capitaliste. Cons­ta­tant que cette haine al­lait croissante, Schumpeter prévoyait la fin du capita­lis­me. Cette haine est donc partagée entre d'une part, les nationa­lis­mes culturels et, d'autres part, les gau­chismes de tou­tes moutures, qui, quand ils conjuguent leurs efforts et abandonnent le faux clivage gauche/droite en induisant un nouveau clivage, cette fois entre cultivés et non-cultivés, font sauter la domination des castes marchandes, spéculatrices et incultes («middelmatiques» disait le so­cia­liste belge Edmond Picard).

 

Des intellectuels

issus des milieux paysans

 

Les intellectuels qui initient ces natio­na­lismes de culture sont souvent issus de mi­lieux populaires paysans, ruraux, ou sont de petits hobereaux cultivés, déposi­taires d'une «longue mémoire». Miros­lav Hroch pose, après ce constat sur l'o­rigine sociale de ce type d'intellectuels, une question cruciale: sont-ils des «mo­der­­nisa­teurs» (progressistes) ou des «tra­­ditiona­listes» (réactionnaires et pas­sa­tistes)? Dans sa réponse, Hroch recon­naît que ces intellectuels sont plutôt des «moderni­sa­teurs», vu qu'ils cherchent à redonner un bel éclat à leur patrie et à souder leur peuple, de façon à ce qu'il échappe au dé­racinement de la révolu­tion industrielle. Les nationalismes de cul­ture sont tous nés dans des régions d'Europe développées, au passé riche. La Flandre a été une zone ur­banisée depuis le Moyen Age. Le Pays Basque est la zone la plus évoluée d'Es­pagne, qui, après une brève éclipse au XIXième siècle sur fond de pronuncia­men­tos castillans, a connu un nouvel essor au XXième. Même chose pour la Catalogne. La Finlande dispose d'une bonne industrie et présente un bon alliage politique fait de ruralité et de mo­dernité. La Norvège a toujours eu d'ex­cel­lents chantiers navals et dispose, au­jour­d'hui, d'une industrie élec­tronique de premier plan, capable de fa­briquer des missiles modernes. La Bo­hè­me-Moravie a été, après l'Allemagne, la principale zo­ne industrielle d'Europe cen­trale et Pra­gue a une université pluri-sé­culaire. Au vu de ces faits, le reproche de pas­séis­me qu'adressait Kohn aux nationa­lismes de culture ne tient pas. Notre con­clusion: le nationalisme est difficile­ment acceptable quand il émane du tiers-état, parce qu'il véhicule alors l'égoïsme de classe et l'impolitisme délétère à long terme du libéralisme; il est acceptable quand il émane d'une sorte de «première fonction» reconstituée dans le fond-de-peuple enraciné et encore doté de sa «longue mémoire». 

 

E.H. Carr et le reflet des périodes de l'histoire européenne dans la définition des nationa­lismes

 

Pour l'historien britannique E.H. Carr, les nationalismes, aux divers moments de leur évolution, sont des reflets de l'i­déo­logie politique et économique domi­nan­te de leur époque. Ainsi, avant 1789, le na­tionalisme  —ou ce qui en tenait lieu avant que le vocable ne se soit imposé dans le vocabulaire politique—  dans les Etats au cadre ter­ritorial formé, comme la France ou l'An­gleterre, est régalien; il est le coro­llaire du pouvoir royal et inclut dans ses corpus doctrinaux l'idéal mé­ca­niciste et abso­lu­tiste en vigueur chez les théoriciens du politique au XVIIIiè­me siècle. De 1789 à 1870, le nationalisme est démocratique; la révolution de 1789 est démocratique et li­bé­rale, bourgeoise et tiers-étatiste. En 1813, en Allemagne, avec Arndt et Jahn, elle s'adresse à l'en­semble du peuple, pay­sannerie compri­se. En 1848, elle est démo­cratique au sens le plus utopique du ter­me, tant à Paris qu'à Francfort. De 1870 à 1939, quand on abandonne petit à petit les principes libé­raux et l'économie du «lais­ser-faire», le nationalisme devient socia­liste car il faut impérativement organiser  l'industrie et les masses ou­vrières, ce que l'utopisme libéral n'avait pas prévu, aveu­glé qu'il était par le mythe de la «main invisible» que Hayek nommera, quelques décennies plus tard, la «catallaxie». Bis­marck ac­cor­de aux ouvriers une protection so­cia­le. Les idéologies planistes (De Man, Fre­yer), le stalinisme, le fascisme (sur-tout dans sa dimension futuriste et in-dustria­liste), le New Deal de Roosevelt et le natio­nal-socialisme hitlérien (avec ses construc­tions d'autoroutes et son Front du Travail) visent à faire accèder leur na­tion à la puis­sance et y parviennent en appliquant de nouvelles méthodes, cha­que fois différen­tes mais radicalement autres que celles appliquées aux époques antérieures. La France et l'Angleterre, vé­hiculant des na­tionalismes anciens, de type régalien, et appliquant en économie les théorèmes du libéralisme, intègrent mal leurs classes ouvrières et ne par­viennent pas à asseoir en elles une lo-yauté optimale.

 

L'Allemagne bismarckienne, en effet, a été un modèle d'intégration social à son époque. Appliquant les théories de l'éco­nomiste List sur les tarifs douaniers pro­tecteurs de toute industrie naissante, le gouvernement impérial impose les Schutz­zölle  en 1879 qui protègent non seu­lement le capital national mais aussi le travail national, ce qui lui vaut la re­con­naissance de la social-démocratie di­rigée à l'époque par Ferdinand Lassalle. Dès que le capital et le travail sont proté­gés, il faut les organiser, c'est-à-dire les rendre ou les re-rendre «organiques». Pour ce faire, il a fallu injecter de la pro­tection sociale et légiférer dans le sens d'une sé­curité sociale. La nation, dans cette opti­que, était le système qui «or­ga­nisait» et oc­troyait de la protection. Na­tion et sys­tème social se voyaient dé­sor­mais con­fondus dans la classe ouvrière: le pa­trio­tisme du «prolétariat» allemand en 1870 et en 1914 venait du simple fait que ces masses ne souhaitaient ni le knout russe archaïsant ni l'arbitraire libéral français ou anglais. En août 1914, les travailleurs al­lemands couraient aux armes pour que Russes et Français ne viennent pas ré­duire à néant la sécurité sociale cons­trui­te depuis Bismarck et non pas pour la gloire du Kaiser ou de la Sainte-Alle­magne des réactionnaires et des roman­ti­ques médiévisants.

 

Pour E.H. Carr, la phase 1 du natio­na­lis­me est régalienne et portée par les cours et l'aristocratie; la phase 2 est poli­ti­que et démocratique; sa classe por­teuse est la bourgeoisie; la phase 3 est éco­no­mique et portée par les masses. Les na­tions à nationalisme de phases 1 et 2 ont opté pour un colonialisme, où les terri­toi­res d'outre-mer devaient servir de dé­bou­chés à l'industrie métropolitaine que, du coup, on ne modernisait plus. Les na­tionalismes de phase 3 préfèrent la «co­lo­nisation intérieure», c'est-à-dire la ren­tabilisation maximale des terres en friches de la métropole, des énergies na­tionales, des ressources du territoire. Cette «colonisation intérieure» a pour corollaire un système d'éducation très so­lide et très complexe. En bout de cour­se, ce sont les nations qui ont renoncé au libéralisme stricto sensu et au colonia­lisme qui sortent victorieuses de la cour­se économique: le Japon et l'Allemagne.

 

Le nationalisme contre les établissements?

 

Donc tout nationalisme efficace doit être une idéologie contestatrice; il doit tou­jours vouloir miner les établissements qui s'endorment sur leurs lauriers ou veulent bétonner des injustices. Il doit vou­­loir l'émancipation des masses et des catégories sociales dont l'établis­se­ment re­fuse l'envol et vouloir aussi leur inté­gration optimale dans un cadre soli­de, épuré de toutes formes de dys­fonc­tion­ne­ments. Il n'y a aucun vrai na­tio-nalisme possible dans une société qui dys­fonc­tion­­ne à cause de sa maladie li­bé­rale. Les discours nationalistes dans les so­ciétés libérales sont des hochets, des jou­joux, de la propagande, de la pou­dre aux yeux. Dans les sociétés pro­té­gées, appli­quant intelligemment et sou­plement les principes du protection­nis­me, qui per­met l'éclosion d'un capi­ta­lis­me national, d'un socialisme natio­nal, d'une péda­go­gie nationale, le nationa­lis­me devient au­to­matiquement l'idéologie de ceux que favorise le protectionnisme, contre le cos­mopolitisme libéral et l'in­ter­­na­­tiona­lisme prolétarien qui sont des fois sans ancrage social réel et con­dui­sent les so­ciétés à la ruine ou à la déli­ques­cence. Au­jourd'hui, comme il n'y a plus de vo­lon­té protectionniste, ni à l'é­chelon étati­que ni à l'échelon continen­tal, il n'y a plus de nationalisme, si ce n'est des con­tre-façons grotesques, à ver­bo­sité mili­ta­riste, qui servent de véhicule à d'autres utopies internationalistes, com­­­me, par exemple, les intégrismes re­­­ligieux ou les stratégies néo-spiri­tua­listes qui nous vien­nent des Etats-Unis ou de Corée.

 

Les nouveaux fronts

 

Chaque étape du développement de la pensée nationale crée de nouveaux fronts politiques, que le manichéisme de la pen­­sée d'aujourd'hui refuse de perce­voir. Avant 1789, le morcellement terri­to­rial des Etats et les douanes intérieures constituaient des freins à l'expansion du libéralisme et de l'industrie. La nécessité de les éliminer a généré une idéologie à la fois nationale (parce que la nation était le cadre élargi nécessaire à la promotion des industries et manufactures) et libé­ra­le (l'accession du tiers-état marchand à la gestion des affaires). Cette idéologie mettait un terme aux dimensions ri­gi­difiantes et fossilisantes de l'Ancien Ré­gime. Mais quand le libé­ra­lisme a atteint ses limites et montré qu'il pouvait dis­soudre mais non orga­ni­ser, l'idéo­logie idéale à appliquer dans le cadre concret de la nation est devenue le pro­tection­nis­me. Par la création de zones au­­tarciques à dimensions territoriales pré­cises  —la nation, l'Etat—  le pouvoir met­tait un frein aux velléités cosmo­po­li­tes donc dis­solutives du libéralisme. L'An­gleterre, ayant une longueur d'a­van­­ce dans la cour­se à l'industria­lisa­tion, exploitait à fond la pratique du libre-échange pour inonder de ses produits les pays d'Europe non encore industrialisés ou moins in­dustrialisés, empêchant du même coup le développement d'un tissu industriel au­tochtone et privant la popu­la­tion d'op­por­tunités multiples. Le cos­mo­politisme est précisément l'idéo­lo­gie qui, sous pré­texte d'élargir les horizons à l'in­fi­ni, re­fuse de tourner son regard vers la con­crétude ambiante et con­dam­ne du même coup la population fixée dans et sur la concrétude ambiante à de­meurer dans ses chaînes. L'idéologie cos­mopolite des Lumières servait l'An­gle­terre au XIXiè­me siècle comme elle sert les Etats-Unis aujourd'hui.

 

De cet état de choses découlent préci­sé­ment les nouveaux fronts. Le regalien, qui est politique pur, et le pro­­tec­tion­nis­me, qui veut intégrer les masses ouvriè­res et fortifier l'économie, s'opposent avec une égale vigueur au libéralisme cos­mo­polite. Le monarchisme, le socia­lis­me et le syndicalisme (ersatz à l'ère in­dustirelle des associations pro­fes­sion­nel­les d'ancien régime) s'oppose tantôt dans le désordre tantôt dans l'ordre au libéralisme. Les idéologues libéraux com­me Hayek et von Mises ou, dans une moindre mesure, Myrdal, décrivent le socialisme et le syndicalisme comme «ré­actionnaires» parce qu'ils s'opposent à l'expansion illimitée du capitalisme. Cette attitude procède d'un refus des lé­viathans équilibrants, d'un refus de met­tre un frein aux désirs utopiques et sub­jectifs, irréalisables parce que trop pré­tentieux. Le politique étant pré­cisé­ment la création de tels «léviathans é­qui­librants», on peut déduire que le li­bé­ralisme, fruit de l'idéologie des Lumiè­res, est anti-politique, cherche à briser le travail éminemment humain —l'hom­me étant zoon politikon—  du politi­que. Le retour de Hayek et de von Mises dans un certain discours conservateur, aux Etats-Unis, en Angleterre et en France et d'une vulgate idéologique insipide ayant pour thème les «droits de l'homme», de même que la destruction de l'Irak baa­siste et de l'institutionalisation, amorcée par Kouchner, du droit d'ingérence dans les affaires intérieures de pays tiers, avec la triste affaire des Kurdes, participe d'u­ne totalitarisation du libéralisme qui, par la force militaire les trois puissances où le conser­vatisme se réclame de Hayek et les gauches du discours «droits-de-l'hommard», cher­che à homogénéiser la planète en brisant par déchaînement de violence outran­ciè­re (la destruction des colonnes irakien­nes en retraite par bom­bes à neutrons et à effet de souffle) les pe­tits léviathans locaux, ancrés régiona­lement. Comme par hasard, les trois puis­sances qui a­mor­cent cette apoca­lyp­se sont celles dites de l'«Ouest» dans le discours anti-im­pé­ria­liste de l'école na­tio­nale-bolchévique (Niekisch, Pae­tel)...

 

Le commun dénominateur politisant du con­servatisme monarchiste, créateur de lé­viathans non socialisés, et du syn­di­ca­lisme, organisateur du tissu social, ex­pli­que le rapprochement entre l'AF et les syndicalistes soréliens au sein du Cercle Proudhon en 1911-12, le rappro­che­ment en­tre De Man et Léopold III en Belgique, le rapprochement  —hélas mar­gina­li­sé—  entre le CERES de Che­vénement et la NAR monarchiste...

 

L'exemple latino-américain

 

En 1945, le monde assiste à l'achèvement de la dynamique enclenchée par les na­tionalismes européens. Ce ne sont plus désormais des nations qui s'af­fron­tent mais des blocs idéologiques trans­na­tio­naux à vocation globale. Une sorte de nouvelle guerre de religion commence, ré­cla­mant, sur­tout chez les commu­nis­tes, une forte do­se de foi, qu'un Sartre con­tribuera no­tamment à injecter. Le na­tionalisme glisse alors vers le tiers-monde, comme l'avait prévu le géopoliti­cien allemand Karl Haushofer. En effet, en 1949, la Chine de Mao pro­cla­me son au­tarcie par rapport aux grands flux fi­nanciers in­ternationaux, vecteurs du pro­cessus de dénationa­li­sa­tion. Malgré le discours communiste-in­ter­nationa­lis­te, la Chine se replie sur el­le-même, re­devient natio­nale-chinoise, re­­pli qui sera encore ac­centué par la «ré­volution cul­tu­relle» des années 60. En 1954, l'Egypte de Nasser, à son tour, ten­te de se décon­nec­ter des grands circuits occidentaux. Les natio­nalismes du tiers-monde visent donc l'indépendance, es­sa­yent la non-intégra­tion dans la sphère américaine, que Roosevelt et Truman vou­laient éten­dre au monde entier (d'où l'expression «mondialisme»). Le modèle dans le tiers-monde est, tacitement, celui de l'Al­lemagne nationale-socialiste, et, plus officiellement, celui de la Russie de Sta­line. Mais le tiers-monde n'est pas ho­mo­gène: l'Amérique latine, par ex­em­ple, était déjà, par l'action des bour­geoi­sies «monroeïstes», dans l'orbite amé­­­ri­caine avant-guerre comme nous le som­mes aujourd'hui. C'est pourquoi, les La­tino-Américains ont pensé un natio­na­­­lisme de libération continental qui peut nous servir d'exemple, à condition que nous ne le concevions plus sur le mo­de trop roman­tique du guévarisme d'ex­por­tation qui avait, jadis, séduit la géné­ra­tion de ceux qui ont aujourd'hui entre 40 et 50 ans. Mis à part ce natio­na­lisme de libération, l'Amérique latine pré­sente:

 

1) Un nationalisme d'intégration pour po­­pulations hétérogènes (Mexique-Bré­sil).

2) Un nationalisme hostile aux investis­seurs étrangers à l'espace latino-amé­ri­cain. Ce nationalisme continentaliste avait été surtout développé au Chili (a­vant Pinochet) et en Bolivie.

3) Un nationalisme qui est recours au pas­sé pré-colonial. Ce nationalisme a sur­­tout été théorisé par le Péruvien Ma­riategui. Il s'apparente du point de vue des principes aux nationalismes de cul­tu­re européens, comme le nationalisme finlandais qui exhume le Kalevala ou le nationalisme irlandais qui exhume ba­la­des celtiques et épopée de Cuchulain, etc. Ou qui recourt au passé pré-chrétien de l'Europe.

4) Un nationalisme dérivé du populisme urbain, dont l'expression archétypique de­­meure le péronisme argentin.

 

Ces quatre piliers théoriques du natio­na­­­lisme continentaliste latino-américain ré­duisent à néant les clivages gau­che/ droi­­te conventionnels; en effet, on a vu al­ter­nati­ve­ment groupes de «gauche» et groupes de «droite» se revendiquer tour à tour de l'un ou l'autre de ces pi­liers théoriques.

 

En quoi ces piliers théoriques peuvent-ils servir de modèles pour l'Europe?

A. Quand le nationalisme de la gauche chilienne exprime son agressivité tran­chée à l'égard des exploiteurs étrangers, il a le mérite de la clarté dans la défi­ni­tion et la désignation de l'ennemi, acte po­­litique par excellence, comme nous l'ont enseigné Carl Schmitt et Julien Freund.   

 

Quant au nationalisme péruvien, théo­ri­sé par Mariategui, il constitue un mixte de dialectique indigéniste et de dia­lecti­que économiste. La lutte contre l'exploi­ta­tion économique passe par une prise de conscience indigéniste, dans le sens où le retour aux racines indigènes implique automatiquement une négation du sys­tè­me économique colonial. L'anti-impé­ria­lisme, dans la perspective péru­vien­ne-in­digéniste, consiste à recourir aux ra­cines naturelles, non aliénées, du peu­ple. Cet indigénisme est hostile aux na­tionalismes des «bourgeoisies mon­roe­istes», d'origine coloniale et alignées généralement sur les Etats-Unis avec, comme seul supplément d'âme, un es­thé­tisme européisant, tantôt hispano­phi­­le, tantôt francophile ou anglophile.

 

Les mythes castriste, guévariste, sandi­niste, chilien ont eu du succès en Europe parce qu'inconsciemment, ils corres­pon­daient à des désirs que les Européens n'exprimaient plus en leur langage pro­pre, qu'ils avaient refoulés. Lorsque l'on analyse des textes cubains officiels, pa­rus dans la célèbre revue Politica In­ter­nacional  (La Havane) (10), on dé­couvre une analyse pertinente de l'offensive cul­turelle américaine en Amérique lati­ne. Par l'action dissolvante de l'améri­ca­nisme, la culture cesse d'être cons­cien­ce historique et politique et se mue en instrument de dépolitisa­tion, d'alié­na­tion, par surenchère de fic­tion, de psy­chologisme, etc. Nous pour­rions com­parer cette analyse, très cou­rante et gé­néralisée dans le continent la­tino-a­mé­ricain, à celle qu'un Steding (11) avait fait du neutralisme culturel dépoli­tisé en Hollande, en Suisse et en Scandi­navie ou à celle que Gobard avait fait de l'alié­na­tion culturelle et linguistique en France (12).

 

Indigénisme, populisme ou nationa­lisme?

 

En conclusion, toute idéologie et toute pra­tique politique qui veulent prendre en compte les racines du peuple, ses pro­duc­tions culturelles doivent: 1) tenir comp­te des lieux et du destin qu'ils im­po­sent, ce qui implique une politique ré­gionaliste fédérante à tous les échelons; c'est là une logique fédérante 2) opérer un retour aux racines, par un travail ar­­chéologique et généalogique constant, de façon à pouvoir repérer les moments où ont été imposées des structures alié­nantes, à comprendre les circonstances de cette anomalie et à en combattre les ré­sidus; c'est là une logique indigéniste; 3) déconstruire les mécanismes alié­nants introduits dans nos tissus sociaux au moment de la révolution industrielle (une relecture de Carlyle s'impose à ce niveau) et organiser les nouvelles jun­gles urbaines, ce qui signifie ré-enra­ci­ner les populations agglutinées dans les grandes métropoles; c'est là une logique justicialiste et populiste; 4) ras­sembler les peuples et les entités poli­tiques de di­mensions réduites au sein de grands es­paces économiques semi-au­tarciques, dé­passant l'étroitesse de l'Etat-Nation; c'est une logique continen­taliste ou «re­g­nique» (reichisch);  5) rompre avec les nationa­lismes séculiers et laïques clas­siques, nés à l'époque des Lumières et véhicu­lant sa logique d'homo­généisa­tion, éli­minatrice de nombreux possibles (l'omologazzione  de Pier Paolo Pasolini); rompre également avec les nationa­lis­mes qui se sont rebiffés contre les Lu­miè­res pour retomber dans le fantasme de la conversion forcée, dans un cultu­ra­­lisme passéiste conservateur et dé­réa­lisé.

 

Une idéologie politique est acceptable  —qu'elle se donne ou non l'étiquette de «na­tionaliste»—  si et seulement si 1) elle se fonde sur une «culture» enraci­née, impliquant une conscience histo­ri­que et portée par une sorte de nouvelle «pre­mière fonction» (au sens dumézilien du terme); 2) si cette nouvelle «première fonction» est issue du fond-du-peuple (prin­cipe d'indigénat); 3) si elle donne ac­cès à une représentation juste et com­plè­te à toutes les strates sociales; 4) si el­le organise une sécurité sociale et pré­voit une allocation fixe garantie à chaque ci­toyen, ce qui n'est possible que si l'on li­mi­te sévèrement l'accès à la citoyen­neté, laquelle doit désormais com­prendre le droit à un pécule mensuel ga­ranti, per­mettant une relative indépen­dance de tous (diminution de la dépen­dance du sa­lariat, égalité des chances, accès pos­si­ble au recylage professionnel ou à de nou­velles études, garantie de survie et d'indépendance de la mère au foyer, meil­leures chances pour les en­fants des familles nombreuses); comme la riches­se nationale ou régionale n'est pas ex­ten­sible à l'infini, les droits inhé­rents à la citoyenneté doivent rester limi­tés à l'«indigénat» (selon certains principes institués en Suisse); 5) si elle organise l'affectation des richesses fi­nancières nées des prestations de l'indigénat dans le cadre de son «espace vital», de façon à renoncer à toutes formes de colonialisme ou de néo-colonialisme financier alié­nant et à n'accepter, en matières de co­lo­nisa­tion, que les «colonisations inté­rieu­res» (ère agronomique en France au XIXième, assèchement des Polders aux Pays-Bas ou des marais pontins en Ita­lie, colonisation des terres en friche du Brandebourg ou de Transylvanie par des communautés paysannes autonomes, mobilisation de toutes les énergies de la population sans recours à l'immigration comme au Japon); 6) si elle traque toutes les traces d'universalisme militant et ho­mogénéisant, toujours susceptible de faire basculer les communautés hu­mai­nes concrètes dans l'aliénation par ir­réa­lisme têtu: cette traque, objet d'une vi­gilance constante, permet l'envol d'une appréhension du monde réellement uni­verselle, qui accepte le monde tel qu'il est: soit bigarré et kaléidoscopique.

 

Enfin, toute idéologie acceptable doit af­fronter et résoudre les grands problèmes de l'heure; ce serait notamment aujour­d'hui l'écologie. Le nationalisme classi­que, ou celui qui resurgit aujourd'hui, n'in­siste pas assez sur les dimensions in­digénistes, populistes-justicialistes et con­tinentalistes. Il est dans ce sens ana­chronique et incapacitant.  Il reste tiers-éta­tiste dans le sens où il n'est plus uni­versel comme l'était la pensée de la caste souveraine des sociétés traditionnelles, ce qui explique qu'il est incapable de pen­ser la dimension continentale ou l'i­dée de Regnum (Reich)  et qu'il refuse de prendre en compte le fait du fond-du-peu­­ple, propre des quart-état et quint-état. Le nationalisme risque d'occulter deux dimensions: l'ouverture au monde et le charnel populaire. Il reste à mi-che­­min entre les deux sans pouvoir les englober dans une pensée qui va au-delà du simple positivisme.

 

Robert STEUCKERS.   

 

1) Olof Petersson, Die politischen Systeme Nordeuropas. Eine Einführung, Nomos, Baden-Baden, 1989.

(2) Olof Petersson, op. cit.

(3) Ernst Nolte, Die faschistischen Bewegungen, dtv 4004, München, 1966-71, pp. 212-226.

(4) C.J.H. Hayes, Essays on Nationalism, New York, 1966; The Historical Evolution of Modern Nationalism, New York, 1968 (3ième éd.); Nationalism: A Religion, New York, 1960.

(5) H. Kohn, The Age of Nationalism. The First Era of Global History, New York, 1962; The Idea of Nationa­lism. A Study in its Origin and Background, New York, 1948 (4ième éd.); Prophets and Peoples: Studies in 19th Century Nationalism, New York, 1952.

(6) Th. Schieder, «Typologie und Erscheinungsformen des Nationalstaats in Europa», in Historische Zeitschrift, 202, 1966, pp. 58-81 (repris in: Heinrich August Winkler, Na­tionalismus, Athenäum/Hain, Königstein/Ts, 1978, pp. 119-137); Der Nationalstaat in Europa als historisches Phä­nomen,  Köln, 1964.

(7) Rudolf Kjellen, Die politischen Probleme des Welt­krieges,  1916.

(8) Miroslav Hroch, Die Vorkämpfer der nationalen Be­wegung bei den kleinen Völkern Europas, Prag, 1968; «Das Erwachen kleiner Nationen als Problem der kompa­rativen Forschung», in H.A. Winkler, Nationalismus, op. cit., pp. 155-172.

(9) Joseph F. Zacek, Palacky. The Historian as Scholar and Nationalist,  Mouton, Den Haag/Paris, 1970.

(10) Pedro Simón Martínez, «Penetración y explotación del imperialismo en la Cultura Latinoamericana», in Poli­tica Internacional, Instituto de politica internacional, La Ha­bana/Cuba, 19, 1967, pp. 252-255.

(11) Christoph Steding, Das Reich und die Krankheit der europäischen Kultur, 1942 (3ième éd.).

(12) Henri Gobard, L'aliénation linguistique. Analyse té­traglossique, Flammarion, Paris, 1976; La guerre cultu­rel­le. Logique du désastre, Copernic, Paris, 1979.  

 

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vendredi, 26 juin 2009 | Lien permanent

NATION? – Un retour du «romantisme politique»?

NATION? – Un retour du «romantisme politique»?
 
par Maryse Emel
Ex: http://www.nonfiction.fr


greek.jpgLe livre récent de Christian E. Roques , (Re)construire la communauté, a pour projet de présenter la réception du romantisme politique sous la République de Weimar par des philosophes et des penseurs politiques critiques de la modernité. Son but n'était pas de faire un travail sur la vérité des interprétations multiples qui en ont été faites, mais plutôt de voir ce que ces diverses lectures ont pu ouvrir comme perspectives politiques. L’enjeu est qu’au départ, le romantisme politique consiste en un discours en opposition à la philosophie des Lumières, qui met en question le pouvoir de la raison, et donc le pouvoir politique fondé sur l’exercice de la raison.

Genèse du romantisme politique

Le premier romantisme allemand s’organisme autour du Cercle d’Iéna, qui rassemble le théoricien de la littérature, Friedrich Schlegel, le philosophe Johann Gottlieb Fichte et des écrivains comme Ludwig Tieck, Wilhelm Heinrich Wackenroder et Novalis. Reprenant la thématique de Max Weber à propos du désenchantement du monde, le philosophe allemand Rüdiger Safranski identifie le projet romantique, dans sa globalité, comme une tentative pour ré-enchanter le monde et redécouvrir le magique, en repoussant la raison dans ses confins. Autour de 1800, le motif romantique s’inscrit dans plusieurs champs : la théologie protestante de Friedrich Schleiermacher définit ainsi la religion comme « le sens et le goût pour l’infini », et les études philologiques d’un Görres ou d’un Schlegel cherchent les racines de la langue et la vérité de l’origine dans l’Orient et l’Inde antiques. Ce désir des origines perdues s’exprime non seulement à travers des voyages spirituels dans le lointain, mais aussi dans la reconstitution d’un passé imaginaire. La Grèce de Friedrich Hölderlin illustre cette relation au passé, poétiquement condensée, et qui confronte une Antiquité mythologiquement sublimée à la réalité profane de sa propre époque :

«La vie cherches-tu, cherche-la, et jaillit et brille
Pour toi un feu divin du tréfonds de la terre,
Et frissonnant de désir te
Jettes-tu en bas dans les flammes de l’Etna.
Ainsi dissolvait dans le vin les perles l’effronterie
De la Reine ; et qu’importe ! si seulement
Tu ne l’avais pas, ta richesse, ô poète,
Sacrifiée dans la coupe écumante !
Pourtant es-tu sacré pour moi, comme la puissance de la terre,
Celle qui t’enleva, mis à mort audacieux !
Et voudrais-je suivre dans le tréfonds,
Si l’amour ne me retenait, ce héros.» 

Dans un second temps, émerge le romantisme politique. Il prend racine à partir du concept de nation chez Fichte, de l’idée d’un « Etat organique » développée par Adam Müller, ainsi que dans le populisme artificiel de Ernst Moritz Arndt et de Friedrich Jahn. Il se nourrit également de la haine à l'encontre de Napoléon et des Français, transfigurée par la littérature de Heinrich von Kleist. Aussi le romantisme s’est-il éloigné de ses prémisses philosophiques. Cette prise de distance caractérisera également la littérature du romantisme tardif d’un Josef von Eichendorff et d’un E.T.A. Hoffmann.

Réceptions du romantisme : un concept polémique

Qui sont les philosophes ou les théoriciens qui, sous la République de Weimar, opposent le romantisme à ce qu’ils perçoivent comme des errements de la modernité? . Christian E. Roques distingue trois principales lectures du « romantisme politique ».

La première, de 1918 à 1925, fait immédiatement suite à l’instauration de la République weimarienne : elle met en place un discours à la recherche d’une communauté nouvelle ainsi qu’une critique de l’individualisme libéral. Le romantisme, traditionnellement identifié à un discours conservateur, a inspiré des projets communautaires d’inspiration à la fois socialistes et romantiques, cherchant à donner sens au politique après la conflagration guerrière de 1914-1918. A droite, au contraire, certaines voix comme celle du philosophe Carl Schmitt s’élèvent contre le romantisme.

La seconde lecture du « romantisme politique », de 1925 à1929, est plus apaisée : elle tente d’établir le romantisme comme fondement de la « pensée allemande ». C’est ce qui structure la pensée du philosophe et sociologue autrichien Othmar Spann tout au long des années 1920-1930. Le romantisme politique devient chez lui un discours droitier. Il met en place tout un travail philologique sur les auteurs romantiques. Quant au sociologue allemand Karl Manheim, il démontre dans sa thèse de 1925,  comment le conservatisme est inhérent au romantisme. Il révèle ainsi à partir de ses travaux un nouveau rapport entre politique et savoir, ouvert sur la dimension irrationnelle de l’existence humaine.

Puis de la crise de 29 jusqu’à la veille de l’avènement du parti nazi, l’ampleur des troubles socio-économiques rend caduque le questionnement théorique sur la question de la modernité et de son dépassement, face à l’imminence de la crise politique et l’urgence de la question du « que faire ? » - qualifiée de léniniste par Christian Roques. Ainsi, si l'ancien officier de la Wehrmacht Wilhem von Schramm affirme encore l’actualité du projet romantique, c’est en proposant d’adopter la démarche de « l’ennemi bolchévique », à savoir sa méthode révolutionnaire d’enthousiasme pseudo-religieux, afin de retrouver l’esprit communautaire vécu dans les tranchées. Le théologien protestant allemand Paul Tillich ouvre dans un même temps un dialogue avec les forces « socialistes » de tout bord.


romcom260.jpgRéactiver la polémique du romantisme au XXIe siècle ?

Mais l’essentiel se situe peut-être après le moment de Weimar : en effet, ce sont les discours et les actions politiques produites pendant la République à partir de ces lectures des romantiques, qui donneront sens aux réflexions et décisions politiques après Weimar. A ce titre, l’ouvrage de Christian E. Roques s’apparente au laboratoire d’une modernité en crise. Il y expérimente, par des lectures croisées du « romantisme politique », des rencontres imprévues entre des penseurs au positionnement politique opposé. De fait, dès Weimar, le « romantisme politique » est d’abord un concept polémique pour comprendre le réel présent : c’est une sorte d’instrument de mesure des idéologies politiques actuelles, à la lumière des idéologies passées d’Etats en crise.

Dans le monde moderne, le romantisme se présente comme le correctif salutaire aux discours politiques « rationnels », dans la mesure où ses aspirations transgressives font apparaître les limites de la rationalité. C’est en cela qu’on a pu y lire une opposition aux Lumières ou du moins une réflexion sur les limites du pouvoir de la raison. Le philosophe brésilien Michael Lôwy, déclarait, en faisant référence à Marx que le romantisme était d’abord une « vision du monde » en opposition à la bourgeoisie au nom d’un passé antérieur à la civilisation bourgeoise, et qu’il perdurerait tant que cette bourgeoisie sera là, comme son contre-modèle indissociable  : « On pourrait considérer le célèbre vers de Ludwig Tieck, Die mondbeglanzte Zaubernacht, « La nuit aux enchantements éclairée par la lune », comme une sorte de résumé du programme romantique » .

Finalement, le travail de Christian Roques se justifie par sa conviction que le concept romantique n’aurait rien perdu de sa force polémique dans notre propre présent : « Au regard notamment du retour en force du discours écologique (voir éco-socialiste) qui repose fondamentalement sur un appel à une approche universaliste, dépassant les égoïsmes individuels pour adopter une conception globale, il semble légitime de se demander si nous ne sommes pas à l’aube d’une nouvelle "situation romantique". » . Présenté comme alternative au discours libéral en temps de crise, le romantisme politique réapparaît aujourd’hui avec des références politiques et philosophiques qui dépassent le cadre binaire des partis politiques. .

Christian E. Roques, (Re)construire la communauté : La réception du romantisme politique sous la République de Weimar, MSH, 2015, 364 p., 19 euros

 À retrouver sur nonfiction.fr

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Présentation de l'éditeur:

(sur: http://www.fabula.org ) 

"Le "romantisme politique" connaît un regain d'intérêt important en Allemagne sous la République de Weimar (1918-1933), au point de devenir un élément essentiel du discours politique de l'époque. Avec la "communauté", la "nation" ou le "peuple", le "romantisme" va constituer un des mots magiques autour desquels se cristallisent les débats de la vie intellectuelle weimarienne. Le présent ouvrage entreprend donc d'analyser les stratégies de discours politiques qui se structurent autour du paradigme romantique entre 1918 et 1933. À partir d'un corpus d'auteurs variés, pour certains célèbres et pour d'autres tombés dans l'oubli (Arthur Rubinstein, Carl Schmitt, Othmar Spann, Karl Mannheim, Wilhelm von Schramm, Paul Tillich), il est possible de montrer l'existence non d'une idéologie politique clairement définie, mais d'une sensibilité "romantique" qui transcende les oppositions politiques traditionnellement conçues comme imperméables (gauche/droite, conservateur/progressiste, nationaliste/universaliste, etc.) et qui se construit dans l'opposition fondamentale à l'individualisme matérialiste du "libéralisme" capitaliste."

Sommaire:

  • Introduction : La république de Weimar, laboratoire d'une modernité en crise -- Romantisme, romantisme politique : l'impossible définition ? -- La généalogie du romantisme : un paradigme fantôme -- Le romantisme politique : de gauche, de droite, au-delà ? -- Pour une archéologie de la réception -- La rupture méthodologique -- Le problème de la téléologie : savoir historique et condamnation morale des engagements en faveur du nazisme -- Le champ discursif du "romantisme politique" : les marqueurs d'une renaissance -- Des "néoromantiques" sous la République de Weimar ? -- La redécouverte d'Adam Müller -- Le socialisme romantique : un projet démocratique post-marxiste -- Socialisme, marxisme, romantisme : affinités électives ? -- Landauer, penseur socialiste vakisch -- Les jeunesses socialistes entre romantisme et marxisme -- Une révolution sous le signe des conseils -- Faire sens du moment révolutionnaire -- Crise de la théorie marxiste -- Une nouvelle idée émerge : des soviets allemands ? -- Le conseil au coeur de la nouvelle démocratie -- Du paradis médiéval aux abysses absolutistes -- Le Moyen Âge communautaire et démocratique -- La barbarie de l'absolutisme : contrat social et souveraineté -- Crise de l'absolutisme -- Romantisme et absolutisme -- Le romantisme comme projet d'avenir -- Le romantisme, une hérédité occultée -- Une critique radicale du libéralisme -- La radiographie de l'ennemi : Carl Schmitt contre le romantisme politique -- Un livre sous influences : les racines françaises de la critique schmittienne -- Le jeune Schmitt : une position atypique entre isolement et influence étrangère -- Les inspirateurs allemands -- Les parrains français -- Le romantisme politique : l'idéologie de l'ennemi -- Romantisme : l'impossible définition ? -- Aux sources intellectuelles du romantisme -- L'essence du romantisme : l'occasionnalisme subjectivisé -- Le romantisme comme impuissance politique -- Qui est l'ennemi ? Schmitt et la crise de l'idéologie allemande -- Schmitt l'inquisiteur de Carl ? -- Continuités d'une pensée en guerre -- La mort de l'intellectuel apolitique -- L'universalisme romantique d'Othmar Spann : la réponse allemande à l'individualisme moderne -- Spann et la galaxie universaliste -- Othmar Spann, père de l'Église néoromantique -- L'école néoromantique -- "L'État véritable" et l'actualité du romantisme politique -- De l'histoire économique au projet politique -- Les éléments de la contre-offensive romantique -- Rejet nazi de l'universalisme spannien : l'enjeu romantique -- Penser l'envers de la modernité : romantisme et conservatisme chez Karl Mannheim -- Penser à la marge -- L'émigré hongrois -- Un travail scientifique entre décentrement et écriture essayistique -- Trouver sa place à l'université : la thèse de 1925 -- La naissance romantique du conservatisme -- Conservatisme et traditionalisme : de l'anthropologie à l'idéologie -- Morphologie du conservatisme allemand : à contre-courant de la modernité -- Le locus antimoderne : le romantisme aux sources du conservatisme -- Une nouvelle synthèse ? -- S'ouvrir à l'irrationnel : penser comme conservateur -- La synthèse et ses "vecteurs" : une conceptualité romantique ?
  • La politique radicale de Wilhelm von Schramm : vic

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dimanche, 22 mai 2016 | Lien permanent

Jean-Jacques Rousseau: souveraineté populaire et nationalisme

Rousseau.jpgArchives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1986

 

Jean-Jacques Rousseau: souveraineté populaire et nationalisme

 

Aux origines du fascisme? Réflexions sur les thèses de Noel O'Sullivan

 

par Thierry MUDRY

 

Le nationalisme français des origines dans lequel, si l'on en croit le professeur Sternhell, le fascisme plonge ses racines n'a pas été tendre avec Rousseau pas plus qu'avec Kant: Maurras et La Revue d'Action Française ont repris contre Rous-seau les sarcasmes de Voltaire et les Cahiers du Cercle Proudhon , expérience "fasciste" avant l'heure (1), à laquelle participèrent des hommes venus du syndicalisme révolutionnaire (dont Edouard Berth) et du nationalisme intégral, n'ont pas épargné non plus le malheureux Rousseau, père présumé de la "démocratie", en reprenant contre lui les attaques de Proudhon (2). Les fascistes, et parmi eux tout particulièrement l'Espagnol José-Antonio, reprirent à leur compte la polémique anti-rousseauiste des maurrassiens. Barrès, de son côté, s'en prenait au "kantisme de nos universités", au "kantisme" d'un Bourdeiller qui transformait les jeunes Lorrains en déracinés en leur enseignant des vérités et une morale universelles (3).

 

Apparemment donc, rien n'est plus éloigné de l'univers intellectuel du fascisme que la pensée d'un Rousseau ou celle d'un Kant. Pourtant, pour Noel O'Sullivan (Fascism, J.M. Dent & Sons, London and Melbourne, 1983), Rousseau et Kant sont d'une certaine façon à l'origine du phénomène fasciste! Noel O'Sullivan définit en effet le fascisme comme l'avant-dernière manifestation, avec le communisme, d'une tradition politique "activiste" européenne dont Rousseau (et éventuellement Kant) serait le père (4).

 

Noel O'Sullivan oppose le style politique activiste à un style politique limité, étroitement lié au développement du concept d'Etat depuis la fin de l'ère médiévale (le style politique activiste étant lié, lui, à la notion de "mouvement"). Parmi les caractéristiques de ce style limité, l'auteur cite:

- la loi conçue comme seul lien social (dans la tradition activiste, c'est un tout commun exprimé dans une idéologie qui tient lieu de lien social);

- la distinction entre la vie publique et la vie privée, entre l'Etat et la Société (dans la conception activiste, la politique devient une activité totale. Il n'y a pas d'existence apolitique de la société ou de l'individu qui, de sujet, se transforme en citoyen ou militant);

- le pouvoir y est toujours objet de suspicion (dans la conception activiste, le pouvoir n'est plus pensé comme intrinsèquement suspect -pervers- et les garanties constitutionnelles contre son abus sont ignorées);

- l'Etat est pensé comme une unité territoriale particulière, produit de l'histoire (le style activiste s'oppose à l'ordre international établi pour des raisons d'ordre idéologique; le plus souvent, il allie le messianisme révolutionnaire à une volonté d'expansion nationale).

 

Noel O'Sullivan situe les origines du style politique activiste dans la dernière partie du XVIIIème siècle. Alors apparurent:

 

- une nouvelle théorie sur l'origine et la nature du Mal et une nouvelle conception de la politique; celle-ci est désormais conçue comme une croisade activiste contre le Mal et n'a plus pour objet essentiel d'assurer la paix et la prospérité. Depuis Rousseau, on ne considère plus le Mal comme une part intrinsèque de la condition humaine -l'homme est né innocent et libre- mais comme une conséquence de l'ordre (social) établi. Ainsi se dessine une rupture avec le pessimisme anthropologique chrétien qui est à la base de la tradition politique médiévale, voire absolutiste, puis contre-révolutionnaire (Bonald, de Maistre, Donoso Cortes).

 

- la doctrine de la souveraineté populaire: la légitimité, désormais, réside dans le peuple, vient "d'en bas" (mais s'exprime le plus souvent d'une manière extra-constitutionnelle et extra-parlemen-taire). La conception du "peuple" peut varier: il peut s'agir du Tiers-Etat (c'est-à-dire de la classe moyen-ne) opprimé par les aristocrates et les prêtres, ou du prolétariat  exploité par la bourgeoisie capitaliste, ou encore de la Nation dominée par l'étranger ou menacée par l'ennemi extérieur et l'"ennemi intérieur" (Juifs, Francs-Maçons, etc.).

 

- une nouvelle conception de la liberté: la li-berté pour les partisans du style politique limité (Locke) concernait la relation purement extérieure entre les différents sujets et entre les sujets et leur gouvernement; la liberté signifiait alors la sécurité pour les personnes et leurs propriétés. Avec Kant et Rousseau, une nouvelle conception de la liberté ap-paraît à la fin du XVIIIème siècle: la liberté comme réalisation de soi (dans la soumission à l'impératif catégorique ou à la volonté générale. La "vraie li-berté" dans la soumission inconditionnelle à la vo-lonté générale chez Rousseau évoque la "vraie li-berté" chez Hobbes,  conçue dans la soumission in-conditionnelle au souverain -monarque ou as-semblée- nécessaire si l'on veut éviter le retour à l'état de nature où les personnes et les biens seraient la proie des "loups") mais aussi la liberté comme sa-crifice de soi.

 

Cette conception intérieure de la liberté devient affirmation et lutte contre le monde extérieur. Ainsi, pour Robespierre, la liberté dont la fin est la "vertu", réalisation de soi, requiert la terreur contre les ennemis de la liberté (Rousseau n'écrivait-il pas déjà que celui qui ne voulait pas être libre, c'est-à-dire se soumettre à la volonté générale, il fallait le forcer à la liberté?). Le terrorisme et la guerre accompagnent nécessairement, si l'on en croit Noel O'Sullivan, une telle conception de la liberté.

 

Dans le style politique activiste fondé sur le sacrifice de soi, la politique devient prioritairement une "affaire" de jeunes (O'Sullivan de citer "Jeune Italie" de Mazzini -il aurait pu citer aussi les "Burschenturner" allemands).

 

Autre caractéristique du "style activiste": le volontarisme ou la croyance en la capacité illimitée qu'a la volonté humaine, particulièrement celle d'un homme ou de certains hommes (une élite), de trans-former l'ordre social et l'homme du commun lui-même.

 

Au terme de cette démonstration, dont on vou-dra bien excuser le caractère énumératif, il apparaît que le fascisme fut "the most extreme, ruthless and comprehensive expression of the new activist style of politics, which the western world has yet expe-rienced" (pages 41 et 84). Autrement dit, le fascisme poussa la logique de l'activisme à son terme.

 

Noel O'Sullivan qualifie le fascisme de "poli-tique théâtrale" et attribue la paternité de cette poli-tique à Rousseau.

 

En effet, dans Le contrat social,  Rousseau rejette le style politique limité (qui, à son époque, caractérise aussi bien le despotisme éclairé que l'absolutisme!) parce qu'il ne connait pas l'enga-gement des masses (fût-ce de masses numériquement limitées comme le préconisaient les bourgeois li-béraux des débuts du XIXème siècle, limitées par la propriété et les "capacités") et parce que son objectif est d'assurer la paix et la prospérité (ainsi le des-potisme éclairé qui repose sur l'intervention éco-nomique de l'Etat). Ces Etats, constate Rousseau, courent à leur perte en ne créant pas ce sens de la solidarité ou de l'unité spirituelle, qui est la ca-ractéristique d'un peuple grand et libre, et cor-rompent leurs sujets en ne leur inspirant pas le désir de se sacrifier dans des actes héroïques sans lesquels la vie est dénuée de toute dignité. Rousseau, dans ses Considérations  sur  le  Gouvernement  de  Pologne  cherche à compléter Le  contrat  social  par une théorie de l'activisme politique destinée à trans-former les membres d'un Etat de sujets passifs en citoyens actifs et vertueux, amoureux de leur Etat et de leur Patrie: ainsi l'Etat pourrait-il acquérir cette unité spirituelle qui le renforcerait et renforcerait donc la liberté collective et l'existence humaine pourrait enfin acquérir ce sens et cette dignité qui lui manquent grâce à l'héroïsme et au dévouement à la Patrie.

 

Pour cela, Rousseau préconisait, outre la sup-pression de la distinction traditionnelle entre la vie privée et la vie publique (la politique devenant une activité totale), un système d'éducation publique sous le contrôle direct de l'Etat, la part la plus importante de cette éducation consistant en une éducation physique collective (l'inspiration lacédé-monienne est ici manifeste); la soumission des grou-pes sociaux et des intérêts particuliers à la volonté générale. Autre trait marquant: le refus des insti-tutions représentatives: Rousseau prônait un style politique théâtral reposant sur des spectacles publics (jeux, fêtes, cérémonies) qui permettrait une large participation des masses en même temps qu'une identification de celles-ci à la Patrie et à l'Etat, en somme, une manière de démocratie directe. Ces techniques destinées à assurer la "nationalisation des masses" et la "socialisation de l'individu", d'abord appliquées en France pendant la Révolution, seront, après la normalisation opérée par l'Empire, ré-cupérées par les nationalistes allemands Jahn et Arndt (5) et leurs disciples, les Burschenturner, puis par le national-socialisme et le IIIème Reich (bien qu'Hitler dira à Rauschning s'être inspiré de ses adversaires sociaux-démocrates, sans mentionner ses précurseurs nationalistes) (6). En Italie, les idées de Rousseau seront reprises par Mazzini et puis, après la Grande Guerre, mises en pratique par d'Annunzio à Fiume (lors de la Régence du Carnaro) et bien sûr par le fascisme.

 

A ceux qui, malgré ces prémisses, s'étonneront encore de voir Rousseau transformé en créateur du fascisme, Noel O'Sullivan concède que l'influence de Rousseau sur le fascisme ne fut pas directe: le fascisme procéda en effet à une révision du style activiste en substituant un "activisme dirigé" à "l'activisme spontané" des origines (7).

 

Cette révision de l'activisme fut entamée lors de la dernière décennie du XIXème siècle. A cette époque se fit jour l'idée qu'un mouvement activiste ne pouvait reposer entièrement sur la spontanéité des masses mais devait encadrer et diriger les masses d'en haut (8). Le fascisme devait réduire cet acti-visme dirigé à trois éléments: le chef, le mouvement, le mythe qui met les masses en mouvement (page 114).

 

Déjà chez Rousseau (qui entrevoit dans ses Considérations   sur  le  Gouvernement  de  Pologne,  la nécessité d'un législateur de la trempe d'un Moïse, d'un Lycurgue et d'un Numa) (9) apparaît un certain pessimisme à l'égard des masses. Mais c'est surtout après 1848/49 que la désillusion gagne les milieux activistes: en France, avec Napoléon III, une dictature plébiscitaire fondée sur l'appel direct aux masses clôt la Révolution de 1848 et restaure un régime d'"Ordre"; la Commune de 1871, qui est un échec, laisse la place à la IIIème République et à ses politiciens opportunistes. En Italie et en Allemagne, l'unité nationale (inachevée) fut le fait non des masses mais, au-dessus d'elles, de la diplomatie traditionnelle d'un Cavour et d'un Bismarck (10).

 

L'impuissance historique des masses à réaliser l'idéal activiste donne alors naissance à la théorie des élites (Pareto, Mosca et Michels) et à la "psychologie des foules" de Le Bon dont on peut dire qu'elles inspirèrent aussi bien Lénine (Que Faire?)   et Sorel (Réflexions sur la violence),  qui entamèrent une révision révolutionnaire du marxisme en rejetant le kautskysme, qu'Hitler (Mein Kampf)   qui entama une révision révolutionnaire du nationalisme völkisch alors pris dans les rêts du conservatisme allemand (11).

 

Pour Lénine, les sociaux-démocrates ne doi-vent pas s'attendre à un soulèvement prolétarien spontané. Aussi préconise-t-il la création d'une élite de révolutionnaires professionnels. Pour Sorel, l'u-topie, construction intellectuelle, n'est génératrice que de révoltes; seul le mythe peut conduire les masses à la révolution. Aussi Sorel propose-t-il au prolétariat le mythe de la grève générale. Quant à Hitler, il met la propagande diffusée par une organisation de combat au service de l'idéologie völkisch, du mythe racial proposé aux masses allemandes. Hitler applique les recettes de Le Bon: Le Bon ne décrit-il pas le chef qui, ayant suffisamment de "prestige" (de charisme) et con-naissant la psychologie des foules et ses lois, saura manipuler les masses?

 

O'Sullivan montre enfin l'importance de la Grande Guerre et de ses suites dans le triomphe de l'activisme dirigé sur l'activisme spontané: le putsch bolchevik appuyé sur les thèses de Rosa Luxemburg, écrasé par les Corps-Francs, la marche sur Rome, prouvent dans l'immédiat après-guerre la supériorité de l'activisme dirigé sur la spontanéité des masses.

 

Mais la Grande Guerre a montré aussi l'impact du mythe national sur les masses et fourni aux acti-vistes un modèle d'organisation calqué sur l'armée. Mussolini et ses amis d'extrême-gauche retiendront la leçon!

 

Noel O'Sullivan rompt avec l'analyse idéo-logique classique du fascisme qui fait de celui-ci l'héritier d'une réaction contre le XVIIIème siècle, portée en France par le maurrassisme (version Nolte: Le  fascisme  dans  son  époque,  tome I), ou née de la rencontre du maurrassisme et du sorélisme (cf. Sternhell La  droite  révolutionnaire): cette hostilité au XVIIIe siècle se manifestait en Alle-magne dans le courant du "pessimisme culturel" puis dans la "Révolution Conservatrice" auxquels de nombreux auteurs attribuent une responsabilité importante dans la naissance de l'idéologie nazie (selon Jean-Pierre Faye, auteur de Langages totalitaires,   le langage de la Révolution Conser-vatrice a rendu acceptable le langage hitlérien de l'extermination).

 

En revanche, le livre d'O'Sullivan n'est pas sans rapports avec Les  origines  de  la  démocratie totalitaire  écrit par J-L. Talmon (Calmann-Lévy, Paris, 1966). Dans ce livre, l'auteur oppose la démocratie (empirique) libérale à la "démocratie" (messianique) totalitaire" qui conduit au com-munisme, l'une et l'autre plongeant leurs racines dans la pensée du XVIIIe siècle individualiste et rationaliste. La démocratie totalitaire qui "ne re-connaît basiquement qu'un seul plan d'existence, le plan politique", qui ne conçoit la liberté "qu'à travers la poursuite et la réalisation d'un but collectif absolu" (page 12) évoque par plus d'un trait le style activiste décrit par O'Sullivan. Talmon oppose ensuite le totalitarisme de droite (le fas-cisme) au totalitarisme de gauche, pourtant assez proches l'un de l'autre: le totalitarisme de gauche ne conçoit-il pas le citoyen idéal sur le modèle spartiate ou romain comme "superbement libre tout en étant un prodige de discipline ascétique. Membre à part égale de la Nation souveraine, il n'a de vie ni d'intérêts extérieurs au destin collectif"(page 22). Talmon donne d'ailleurs aux totalitarismes de droite et de gauche un même ancêtre: Rousseau. Ainsi Talmon croit discerner, dans Le  contrat  social,  "la transformation de la pensée de Rousseau, qui passe du rationalisme individualiste au collectivisme de type organique et historique. L'être connaissant qui veut librement être transformé en produit de l'en-seignement et du milieu ambiant d'abord, puis, passé les traditions, en produit du milieu ambiant et, pour finir de l'esprit national. De la même manière, l'idée et l'expérience patriotiques font passer la volonté générale, vérité à découvrir, dans le fonds commun, avec toutes les particularités qu'il comporte. C'est à ce point que l'apport de Rousseau se dédouble pour influencer deux courants; d'une part, la tendance individualiste nationaliste et éventuellement collectiviste de gauche, et, d'autre part, l'idéologie nationaliste irrationnelle de droite, avec ses affinités pour le romantisme politique allemand de Fichte, Hegel, Savigny. Le passage au rationalisme a lieu dans les Considérations  sur  le  Gouvernement  de Pologne   (page 345). Le propos de Talmon rejoint ici celui de Noel O'Sullivan.

 

Noel O'Sullivan ne croit pas que le fascisme ait été un regrettable accident dans l'histoire euro-péenne et place résolument le fascisme dans une tradition politique européenne activiste dont il ne serait qu'une des manifestations parmi les plus radi-cales. Malgré sa pertinence, la thèse d'O'Sullivan apparaît insuffisante: peut-on mettre dans le même sac les nationalismes populaires libéraux et démo-cratiques du XIXème siècle, les divers socialismes, le radicalisme patriotique et républicain français, le bolchévisme et les fascismes sous prétexte qu'ils partagent une même conception activiste de la vie (politique)? N'est-ce pas là nier la spécificité idéologique et institutionnelle de chacun de ces phénomènes? Noel O'Sullivan ne néglige certes pas l'étude de la Weltanschauung   fasciste mais, à son sens, il n'y a pas réellement de projet sous-tendu par une idéologie fasciste, ou alors il ne s'agit que d'un masque: l'idée selon laquelle le fascisme réaliserait l'union du nationalisme et du socialisme, idée défendue par Georges Valois en 1926 et par Meinecke en 1946, ne rend pas la dimension du fascisme selon O'Sullivan (une telle union est-elle d'ailleurs propre au fascisme)? Le fascisme a-t-il réalisé dans la théorie et dans les faits cette union? Et de quel nationalisme, de quel socialisme s'agit-il ici? Pour l'auteur, qui reprend à son compte les assertions de Rauschning sur l'hitlérisme et de Megaro sur le fascisme italien, le fascisme est un pur dynamisme qui tend à mobiliser les masses de manière permanente sans leur assigner de buts précis. Les traits de la Weltanschauung fasciste entrent parfaitement dans ce cadre: un corporatisme instrumental destiné à encadrer les masses et non à résoudre la question sociale, une conception de la révolution permanente produit paradoxal d'un conservatisme radical, le "führerprinzip" qui évite au fascisme les débats internes d'ordre idéologique, la mission messianique de la Nation fasciste dont les linéaments ont été dessinés en Italie par Mazzini et en Allemagne par les radicaux du Parlement de Francfort, l'autarcie.

 

La thèse de Noel O' Sullivan traduit une mé-fiance anglo-saxonne envers la tradition politique européenne qui, née de la Révolution française, prend ses distances avec les Révolutions anglaises et américaine et la pensée whig d'un Locke; qui met l'accent sur le pouvoir et non sur le détachement bourgeois vis-à-vis du pouvoir (dans le lexique poli-tique européen du XIXème siècle, le terme "libéral" ou "libéral-démocratique" désigne l'exigence de li-bertés politiques qui permettent l'engagement du ci-toyen, non son retrait dans la sphère privée), dont les fondements sont souvent laïques c'est-à-dire in-différents aux considérations morales (dans le mon-de anglo-saxon, les fondements de l'action politique sont exclusivement moraux). Cette tradition politi-que européenne ne peut produire selon les Anglo-Saxons que le totalitarisme, communiste ou fasciste.

 

Thierry MUDRY.

 

NOTES

 

(1) Dans "Combat" (février 1936, n°2), Pierre Andreu décrit sous le titre "fascisme 1913" l'expérience des Cahiers.

(2) Par exemple, dans un article intitutlé "Rousseau jugé par Proudhon" sont abondamment cités des passages de La  Justice  dans  la Révolution  et  dans  l'Eglise  dans lesquels Rousseau est qualifié par Proudhon de "premier de ces femmelins de l'intelligence..." (Cahiers  du Cercle  Proudhon,  3ème et 4ème cahiers, mai-août 1912, pages 105 à 108).

(3) Cf. Les  Déracinés  et les Scènes  et  doctrines  du Nationalisme.

(4) Dernière manifestation en date de cette tradition: le terrorisme des Brigades Rouges, de la Fraction Armée Rouge et d'Action Directe.

(5) L'idéal humain de Jahn et Arndt (des citoyens allemands héroïques dévoués au Bien Comun, des Germains aux mœurs pures et simples) tout autant que leur idéal politique activiste les rapprochaient de Jean-Jacques.

(6) Sur l'Allemagne, l'ouvrage de référence est The  nationalization of  the  masses   de George Mosse (1975).

(7) Comme exemples d'activisme spontané, on peut citer les Girondins et les anarchistes, les uns et les autres victimes de l'activisme dirigé, discipliné, de leurs concurrents montagnards et bolcheviks. Dès la révolution française, l'activisme dirigé semble apparaître sous la Terreur, puis chez les conspirateurs babouvistes dont l'héritage passe avec Buonarroti aux sociétés secrètes révolutionnaires du XIXème siècle: une élite de conspirateurs doit préparer la chute des tyrans (carbonarisme, voire blanquisme).

(8) A cette époque apparaissent d'ailleurs en France avec la Ligue des Patriotes, les premières manifestations modernes de la propagande de masse (cf Zeev Sternhell,  La  droite  révolutionnaire).

(9) Mais aussi chez Saint-Just pour qui "le peuple est un éternel enfant".

(10) Noel O'Sullivan éclaire dans son ouvrage le destin particulier de l'Italie et de l'Allemagne: la vulnérabilité de ces deux pays à l'égard du fascisme ne s'expliquerait pas, selon l'auteur, par le caractère tardif (et partiel) de l'unification nationale mais plutôt par les caractéristiques mêmes du mouvement d'unification qui se développa en Italie et en Allemagne sous les auspices de l'activisme (national et libéral, puis national-démocratique, voire socialiste): "In both countries the ideal of unification was shaped and moulded within the framework of a new acticvist style of politics which tended naturally towards demagogic extremism. The fact that unification itself was the work of politicians who despised activism is beside the point; what matters is the fact that they themselves encouraged activist dreams for their own purposes" (page 181).

(11) Hitler a-t-il pris connaissance de l'œuvre d'un Le Bon ou d'un Pareto? Cette hypothèse semble improbable, mais cela est sans importance: Hitler s'est laissé porter par l'esprit du temps, un élitisme et un darwinisme social ambiants.

Dans le début des années 1920, et dans Mein  Kampf,  Hitler se livrait à une critique "révolutionnaire" du nationalisme völkisch. Il s'en prenait d'abord aux méthodes d'action politique des Völkischen, méthodes qu'il jugeait inefficaces et auxquelles il prétendait substituer un activisme politique (Hitler ne faisait là que renouer avec les méthodes employées par les agitateurs antisémites allemands Heinrici et Böckel dans les années 1880/90. Ce ne fut d'ailleurs qu'apèrs l'échec des expériences Heinrici et Böckel que les antisémites völkisch abandonnèrent l'acti-visme). Il s'en prenait ensuite au caractère bourgeois et intellectuel des formations völkisch et prétendait conférer au nouveau mouvement völkisch un caractère populaire, "ouvrier" et "socialiste" marqué (d'où l'adoption du drapeau rouge et du qualificatif de Parti "ouvrier" national-socialiste"). Là encore rien de très original à vrai dire: déjà certaines formations völkisch avaient récupéré le qualificatif de "socialiste" -exemple: le Parti socialiste allemand  -et puis le "socialisme allemand" comme mot d'ordre). En cela, Hitler fut approuvé par de nombreux militants völkisch qui, plus tard, devaient s'estimer trahis par les compromis d'Hitler avec l'Eglise et la monarchie, les capitalistes et les Junkers, l'armée et la bureaucratie, la légalité weimarienne et l'Occident, etc.

 

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vendredi, 05 mars 2010 | Lien permanent

Sur la question allemande: un ouvrage indispensable

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SYNERGIES EUROPÉENNES - Juillet 1986

Detlev BAUMANN:

Sur la question allemande: un ouvrage indispensable...

Quarante ans après la fin de la deuxième guerre mondiale, il est temps de tirer un bilan politique des événements en Allemagne et d'envisager les potentialités qu'offre l'a-venir et d'affronter les exigences d'un XXIème siècle qui va bientôt s'amorcer. LE politique interpelle les Allemands et il est urgent pour eux de répondre clairement, dans la cohérence, à cette interpellation. En effet, les générations nées après la plus grande cassure qu'ait connue l'histoire alle-mande se sont complues dans un consumé-risme matérialiste; elles sont sorties volon-tairement de l'histoire avec une confondante insouciance. Il en a résulté un dangereux vi-de spirituel, qui menace l'existence du peu-ple allemand plus que toute autre chose. C'est pourquoi un renouveau intellectuel s'impose, afin de reconstruire le pays et de lui donner la place qu'il mérite dans le con-cert international.

Parallèlement à l'effon-drement spirituel allemand dans le consumé-risme, un débat s'est ouvert depuis quelques années, celui qui a pris pour objet "l'identité allemande". Ce débat n'a cessé de s'ampli-fier. A gauche de l'échiquier politique, on est retourné à cette fameuse question natio-nale, préalablement délaissée au nom de l'internationalisme et de l'anti-fascisme. A l'étranger, bon gré mal gré, on commence à se rendre compte que cette question allemande n'est rien d'autre que LA grande question européenne et que la division de l'Allemagne, c'est la division de l'Europe. De plus en plus d'Européens, à l'Est comme à l'Ouest du Rideau de fer, savent désor-mais que les implications de Yalta et Pots-dam doivent être définitivement surmontées.

C'est sur la base de ce triple constat qu'ont décidé d'agir le Professeur Bernard WILLMS et Wigbert GRABERT, directeur des éditions Hohenrain de Tübingen. Dans un projet d'é-dition en trois volumes, ils souhaitent faire le tour de la question allemande et de poser les premiers jalons du renouveau qui s'im-pose. Le premier volume, sorti l'an dernier à l'occasion de la célèbre Foire du Livre de Francfort, rassemble les contributions de treize auteurs (B.WILLMS, M.RASSEM, G. WOLANDT, W.G.HAVERBECK, A. de BE-NOIST, M.VOGT, H.J. von LOHAUSEN, A.SCHICKEL, D.BLUMENWITZ, E. SCHWINGE, H.RUMPF, Caspar von SCHRENCK-NOTZING, A.MöLZER).

Trois contributions ont particulièrement retenu notre attention, d'autant plus que nous écrivons cette recension pour un public non-allemand, guère au courant des arcanes juridiques de la politique allemande, déter-minée par des traités internationaux, géné-ralement co-signés par les quatre puissances occupantes de 1945. C'est sans doute avec quelque tristesse que nous n'évoquerons pas, ici, les contributions de l'historien SCHI-CKEL, directeur du centre de recherches sur l'histoire contemporaine d'Ingolstadt, du ju-riste BLUMENWITZ, spécialiste des traités qui régissent actuellement l'Allemagne et de RUMPF, également juriste, spécialiste de la notion de souveraineté et auteur d'un livre sur Carl SCHMITT et Thomas HOBBES. Mais nous savons d'emblée que commenter, même superficiellement, la situation juridique d'une nation comme la nation allemande excède le cadre d'une simple recension. Plus impor-tantes pour notre propos, sont, à notre sens, les contributions de HAVERBECK, de VOGT et de SCHWINGE.

HAVERBECK aborde le sens philosophique et religieux de la notion de liberté (Freiheit) en langue allemande, en procédant par chro-nologie, c'est-à-dire en analysant ce que  "liberté" a signifié à chaque étape de l'his-toire allemande. VOGT analyse la question nationale allemande, telle qu'elle a été per-çue par les milieux socialistes de 1848 à 1985. SCHWINGE analyse le fameux "Plan Morgenthau" et fustige le mépris que les Américains ont affiché à l'égard du droit des gens au temps de l'occupation militaire directe de l'Allemagne.

Le point de départ de la notion de "liberté", pour HAVERBECK, c'est la Réforme portée par LUTHER. Le XVIème siècle voit l'éclo-sion de "la conscience qu'a l'homme de lui-même". Cette éclosion postule le respect de l'identité et de l'auto-détermination des in-dividus et des communautés. L'individu en communauté n'est pas isolé: il est une per-sonne qui sert sa communauté, en déployant ses talents, ses potentialités, son génie. Au XVIIIème, cette liberté s'exprimera de deux manières: chez GOETHE de manière per-sonnaliste et chez HERDER sous l'angle de la communauté populaire, dépositaire d'une spécificité propre. FICHTE prendra le relais dans son "Discours à la Nation Allemande", puis les "nationalistes romantiques et jaco-bins" ARNDT et JAHN vulgariseront, en un langage plus accessible, l'identité philo-sophique entre "déploiement de la per-sonnalité" et "engagement pour le Volkstum (JAHN) ou la Volkheit (GOETHE)". L'ex-pression politique et collective de cette phi-losophie a été le mouvement révolutionnaire des "Burschenschaften" (Corporations d'Etu-diants) qui organisa un grand rassemblement d'universitaires à l'occasion du tricentenaire de la Réforme, en octobre 1817.

Ce mouve-ment étudiant véhiculera, contre l'absolu-tisme, l'idée nationaliste, libertaire et socia-liste, la notion moderne de démocratie orga-nique et directe et rejetera toute construc-tion politique basée sur des oligarchies fer-mées à toute circulation des élites ou tirant leur justification d'un pouvoir étranger, com-me l'Eglise catholique romaine. Héritiers de ces "Burschenschaften" du début du XIXème, sont le mouvement de jeunesse "Wander-vogel" et les "Bündischen". L'idée de liberté germanique s'y est vécue en communauté, entre hommes et femmes libres de déter-miner leur agir. La Nation allemande, dans cette optique "réformée", n'a pas néces-sairement un contenu "biologique": elle re-présente un mode de vie, une conception li-bertaire de l'existence que tous peuvent par-tager, indépendamment de leurs origines eth-niques. Le patriotisme "allemand" qui en dé-coule procède dès lors d'une défense de cette manière de concevoir l'existence, si-multanément universelle et soucieuce des spécificités, créations de Dieu et, comme telles, aimées de Dieu. L'universalité, ici, n'implique pas le culte iconoclaste du bras-sage cosmopolite, du brouet insipide que constituerait le mélange indifférencié de toutes les ethnies, peuples et races de ce monde.

Différence et Universalité font ici bon mé-nage: une double leçon est à tirer de ce constat; 1) les cosmopolites actuels qui se réclament du marxisme ignorent généra-lement que c'est précisément cet arrière-plan luthérien, goethien, herdérien et fich-téen qui est à l'origine des forces populaires qui ont sous-tendu, à ses débuts, le mouve-ment socialiste et que cette ignorance con-duit leurs discours et leurs démarches à la stérilité; 2) l'actuel débat qui tracasse les intellectuels parisiens, rassemblés dans le sillage de la revue Globe,  quant à la gran-de lutte manichéienne opposant "univer-salistes" (eux et les néo-libéraux) et "identi-taires" (la "Nouvelle Droite", les régiona-listes, les écolos,...), s'avère pure vacuité pour quiconque possède un minimum de cul-ture "réformée".

Le texte de HAVERBECK recèle en consé-quence une portée universelle: il nous dé-voile les racines de la pensée politique anti-absolutiste du XIXème siècle et nous indique quels organisations politiques et cuturelles l'ont exprimée sans détours.

Michael VOGT aborde, pour sa part, l'histoire du marxisme allemand (le seul marxisme "pur" qui soit) et analyse, dans cette histoire, quels ont été les liens entre les mouvements sous-tendus par la philosophie marxiste et la pensée nationale allemande. Certes, en théorie, le marxisme ne retient pas la "nation" comme catégorie essentielle du jeu politique ou de la nature humaine mais la perçoit comme cadre concret de son action politique, de son combat quotidien. LENINE et STALINE ont eu des mots très durs pour les particularismes nationaux. STALINE réfutait les démonstrations des austro-marxistes RENNER et BAUER, qui revendiquaient l'auto-détermination des eth-nies au sein de l'Empire austro-hongrois. Le "nationalisme" n'est donc, selon STALINE, qu'un esprit de clocher stérile. Mais si ce nationalisme correspond à une libération na-tionale et sociale, dirigée contre la bour-geoisie cosmopolite et se révélant solidaire à l'égard des prolétaires en lutte ailleurs dans le monde, il acquiert, aux yeux de STALINE et des staliniens, une "valeur pra-tique positive".

VOGT va alors démontrer que, dans la tra-dition marxiste, le nationalisme allemand a quasiment toujours été considéré comme une valeur pratique positive. Chez LASSALLE, chef du mouvement ouvrier allemand jus-qu'en 1864 (année où il meurt en duel), le socialisme triomphera lorsqu'il sera garanti par la monarchie contre les égoïsmes de la bourgeoisie. Ce socialisme monarchiste, por-té par l'alliance de la couronne et des orga-nisations de base ouvrières, n'avait bien en-tendu rien de marxiste; néanmoins, il dé-signe l'ennemi commun du pouvoir politique pur et des masses déshéritées: l'indivi-dualisme bourgeois, libéral et égoïste, cos-mopolite et sans patrie.

Chez les pères fondateurs directs du mar-xisme, MARX et ENGELS, le nationalisme allemand, en tant qu'idée pratique, apparaît clairement, voire crument. Dès le "Manifeste du Parti Communiste" de 1848, ils réclament "la constitution d'une république grande-alle-mande unitaire et indivisible". En 1884, trente-six ans après, ENGELS n'a pas changé d'avis, nous rappelle VOGT: il refuse la prussianisation de l'Allemagne dans le cadre du Reich petit-allemand (sans l'Autriche ger-manique) de BISMARCK pour réclamer une "république unitaire et révolutionnaire" qui comprendra l'Autriche. L'oeuvre de BIS-MARCK est critiquée parce qu'incomplète. ENGELS pourtant ne considère pas cette oeuvre comme négative; pour lui, BIS-MARCK crée le cadre étatique où se dérou-lera la future révolution, en éliminant les privilèges des petits princes et en domptant les églises et la bourgeoisie, forces centri-fuges qui ne visent que leurs intérêts par-ticuliers. ENGELS critique sévèrement la condamnation du bismarckisme par les sociaux-démocrates regroupés autour de LIEBKNECHT: "Vouloir, comme Liebknecht, faire revenir l'histoire à la situation d'avant 1866, c'est de la bêtise...".

C'est ENGELS, en fait, qui est à l'origine du patriotisme unanimiste de la classe ou-vrière allemande en août 1914. La sociale-démocratie vote les crédits de guerre, afin de lutter contre l'autocratisme tsariste, en-nemi des libertés et du socialisme, et contre la France qui, malgré son républicanisme reste "bonapartiste". Seule une infime frac-tion, regroupée autour de Rosa LUXEM-BURG et Karl LIEBKNECHT s'affirme hos-tile à la guerre. Cette fraction n'aura le dessus qu'en 1918, quand des "conseils" (Räte) d'ouvriers, de soldats et de matelots déclencheront la révolte spartakiste. Cette révolte, ce seront les sociaux-démocrates embourgeoisés qui la materont et l'écrase-ront. Pour VOGT comme pour l'historien Hellmut DIWALD, réputé conservateur, le spartakisme, nonobstant ses discours interna-tionalistes, aurait pu forger une nation so-cialiste, créer un socialisme authentiquement allemand. VOGT poursuit: "Avoir écrasé la révolution rouge fut la grande faute de la République de Weimar; avoir négligé de ré-concilier les matelots rouges avec les sol-dats des corps francs dans le cadre d'un so-cialisme allemand, a été la grande erreur de la SPD. Elle a au contraire donné l'ordre aux corps francs, d'extrême-droite, d'écraser la révolution. Et pourtant, les hommes de ces corps francs, qui avaient expérimenté, dans les tranchées de la Grande Guerre, un socialisme frontiste, caractérisé par une ca-maraderie de soldats dépassant les clivages de classe, ne faisaient montre d'aucune nos-talgie monarchiste, n'avaient pas le moindre scrupule réactionnaire. L'histoire allemande a raté là une chance unique, celle de conci-lier les idéaux socialistes avec un patrio-tisme intransigeant. C'est pourquoi matelots révolutionnaires et combattants des corps francs demeurèrent des ennemis; le socia-lisme et le patriotisme devinrent des valeurs antagonistes".

LENINE, qui venait de triompher en URSS, se montrait aussi agressif que les natio-nalistes allemands à l'égard du Traité de Versailles: "une paix d'usuriers et d'é-trangleurs, de bouchers et de bandits". Le KOMINTERN, dont le représentant en Alle-magne est alors Karl RADEK, donne l'ordre à ses filiales d'embrayer sur le discours na-tionaliste allemand. Cette politique atteint son sommet lors de l'occupation de la Ruhr et de l'exécution d'Albert Leo SCHLA-GETER par les autorités militaires fran-çaises. Mais malgré Rapallo (1922), cette orientation du KPD s'enlise dans la querelle qui l'oppose aux "sociaux-fascistes" (STA-LINE) de la SPD. Pourtant le KOMINTERN demeure favorable en gros à un nationalisme puissant en Allemagne: en 1924, le parti communiste polonais est rappelé à l'ordre parce qu'il n'a pas inscrit dans son pro-gramme le retour des terres silésiennes et ouest-prussiennes (le "Corridor") à l'Alle-magne. En 1930, les communistes polonais et tchèques obéissent aux injonctions de Moscou et promettent le retour de la Haute-Silésie et des Sudètes au Reich. Le 10 janvier 1933, le KOMINTERN fait savoir qu'il sou-tient les revendications allemandes en ce qui concerne les révisions du Traité de Ver-sailles, qu'il soutient le combat du PCF pour l'autonomie alsacienne, du PCB pour les droits à l'auto-détermination du peuple fla-mand et des populations d'Eupen-Malmédy.

Ces proclamations patriotiques valent au KPD un regain de popularité et de sièges au Reichstag. Mais les communistes avaient perdu trop de temps, entre la Doctrine Ra-dek et l'opposition au Plan Young, soutenue par STALINE à l'extérieur et... HITLER à l'intérieur. Nazis, communistes et nationaux-conservateurs s'y opposent avec énergie. Plus tard, en 1935, le secrétaire général du KOMINTERN, Georgi DIMITROFF avoua que la stratégie et la propagande communistes avaient été inefficaces, mal adaptées aux besoins et aux aspirations du peuple. Selon DIMITROFF lui-même, les Nazis avaient mieux joué et s'étaient montrés plus cré-dibles. Wilhelm PIECK, futur Président de la RDA, prononcera la même auto-critique.  L'accession de HITLER au pouvoir et l'éli-mination du KPD de la vie politique al-lemande rafraîchiront les relations germano-soviétiques et permettront à l'interna-tionalisme gauchiste de prendre pied au sein des PC occidentaux. Les relations germano-soviétiques seront restaurées en août 1939, malgré les événements de la guerre d'Es-pagne, où STALINE n'avait pas pris les Ré-publicains au sérieux et où HITLER traitait FRANCO de "marchand de tapis venu du Maroc" (allusion au débarquement aérien des premières troupes franquistes en Andalousie). L'invasion allemande de juin 1941 mettra fin au tandem Moscou-Berlin, dirigé au fond contre les puissances occidentales.

VOGT analyse ensuite les projets de STALINE à l'égard de l'Allemagne. Dès mai 45, le chef de l'Union Soviétique proclame sa volonté de ne pas diviser l'Allemagne. Après que la coalition anti-hitlérienne se soit ef-fondrée avec la guerre froide, STALINE ne changera jamais d'avis et réitérera régu-lièrement ses propositions de voir se consti-tuer une Allemagne unie et neutre. Après lui, les Soviétiques reviendront à la charge en 1954 et en 1955. L'épisode tragique de la révolte ouvrière de Berlin en juin 1953, VOGT l'interprète comme une revendication légitime du prolétariat patriotique berlinois mais aussi comme un débordement incon-trôlé, satisfaisant pleinement les Américains qui gardent prudemment le silence, débor-dement qui a obligé les Soviétiques à réagir violemment, donnant prétexte aux pro-oc-cidentaux, regroupés derrière ADENAUER, à rejeter les propositions soviétiques de réu-nification. VOGT analyse méticuleusement le contenu des notes de STALINE, de BERIA et de KHROUTCHEV et signale que les diri-geants de la RDA n'ont jamais renié l'ob-jectif final de la réunification au profit de leur "état partiel". En témoigne notamment le testament politique laissé par Walter UL-BRICHT.

En dehors des cercles communistes orthodo-xes et de la SED est-allemande, l'idéal na-tionaliste a également été porté par la "gauche non dogmatique", surtout celle re-groupée autour de Rudi DUTSCHKE. Cette gauche s'opposait autant à l'occupation so-viétique en RDA qu'à l'occupation améri-caine en RFA. DUTSCHKE et son camarade RABEHL adoptèrent, au sein du SDS ("Sozia-listischer Deutscher Studentenbund" ou Fédé-ration des Etudiants Socialistes Allemands), des positions assez proches du nationalisme plus classique: ils organiseront une marche de protestation contre le Mur érigé en 1961 et une marche du souvenir en mémoire du massacre de juin 1953. En juin 1967, DUTSCHKE suggère un plan pour la réuni-fication allemande, partant d'une "république des conseils" berlinoise, d'une "Commune" semblable à celle de Paris en 1871. DUTSCHKE, comme d'ailleurs bon nombre de partis classés très hâtivement par les stratèges de l'ignorance à "l'extrême-droite" en Europe occidentale, parle de la com-plicité objective des deux super-gros, du ca-pitalisme yankee et de l'asiatisme soviétique (allusion aux théories de Karl A. WITT-VOGEL sur le despotisme oriental). Pour DUTSCHKE, il ne saurait être question de considérer le problème allemand comme clos. Ce serait renier le dynamisme inhérent à la vision socialiste de l'histoire et opter pour une approche fixiste des réalités poli-tiques.

La "gauche non dogmatique", depuis la dis-parition de DUTSCHKE, ne déploie plus le même sérieux, ne démontre plus le même souci pour les problèmes de "grande poli-tique", n'entretient plus la conscience histo-rique de ses militants, en mettant en exer-gue que l'aliénation économique et sociale de la vie quotidienne est le produit direct et immédiat d'une aliénation globale et na-tionale, produit de l'impérialisme étranger. La gauche a désormais opté, en majorité, pour la flexibilité théorique de l'écologisme. Mais dans ce magma un peu fumeux, le no-yau dur demeure "national", dans le sens où il prône le départ des troupes d'occupation. Dès 1979, la problématique des missiles américains passe à l'avant-plan, montrant à quel point la RFA n'a plus la moindre sou-veraineté (et pas seulement la RFA...). Un regain d'intérêt pour la question nationale saisit depuis lors l'ensemble des milieux po-litiques allemands. En conséquence, écrit VOGT, il faudrait remercier les présidents américains CARTER et REAGAN d'avoir dé-claré sans circonlocutions, que l'Europe Cen-trale, en cas de conflit, sera inévitablement atomisée et versée au bilan négatif, sa-crifiée sur l'autel de la démocratie libérale. Le libéralisme économique, la consommation effrénée, les productions cinématographiques de Hollywood valent-ils autant que le plus modeste des vers de GOETHE? J'en doute..

Le Dr. jur. Erich SCHWINGE commente deux livres américains d'Edward N. PETER-SON et John H. BACKER, consacrés à l'his-toire de l'occupation américaine en Alle-magne au lendemain de la seconde guerre mondiale. La conclusion des deux auteurs américains est très négative: "Malgré les ef-forts du Général Lucius D. CLAY, la poli-tique d'occupation américaine a été un la-mentable échec. Les Américains ont l'art de toujours gagner les guerres mais aussi de toujours perdre la paix". Cette dernière phrase signifie que la diplomatie américaine s'avère incapable de créer un "ordre" juste dans les régions du monde où elle est ame-née à intervenir militairement.

L'échec de la diplomatie américaine en Eu-rope Centrale était prévisible quand on se souvient des plans abracadabrants élaborés dans l'entourage de ROOSEVELT quant à l'avenir de l'Allemagne. EISENHOWER vou-lait liquider 3000 à 3500 dirigeants alle-mands (militaires, policiers et membres de la NSDAP). Joseph PULITZER, lui, rêvait de faire fusiller ou pendre 1.500.000 individus, industriels et banquiers compris.

Mais la palme du ridicule macabre revient indubitablement au Ministre américain Henry MORGENTHAU. Des militaires américains avaient élaboré un plan prévoyant la remise sur pied rapide de l'industrie allemande après les hostilités. Y avait notamment col-laboré le Ministre de la Guerre Henry Lewis STIMSON. Ce plan, serein, conforme à cer-taines tendances de la diplomatie américaine des années 20, ROOSEVELT le rejeta comme "mauvais", parce qu'il ne "punissait" pas les Allemands, ne prévoyait pas leur castration et leur éradication biologique (sic!). ROOSEVELT ne pouvait souscrire qu'à un plan farfelu, conforme à ses fantasmes; ce fut le "Plan Morgenthau". ROOSEVELT don-na l'ordre de retirer le plan Stimson de la circulation et donna aussitôt des directives à MORGENTHAU: 1) les Allemands ne pou-vaient plus posséder d'avions; 2) plus per-sonne en Allemagne ne pouvait porter d'uni-forme; 3) plus aucun défilé, plus aucune pa-rade ne pouvait avoir lieu en Allemagne. On mesure là la puérilité du Président des Etats-Unis. Mais, pour MORGENTHAU, l'es-sentiel était de briser définitivement les reins de l'industrie allemande. Le Reich, en conséquence, devait être transformé en "Etat agricole", de façon à ce que les in-dustries britannique et belge puissent prospé-rer. Les 18 millions de travailleurs alle-mands superflus devraient alors être dépor-tés en Afrique Centrale pour "y travailler" ou nourris par les cuisines roulantes de l'ar-mée d'occupation américaine (sic!). Les installations industrielles et les carrières de minerais devaient être dynamitées, les mines de charbon noyées, la Ruhr internationalisée, la Sarre annexée à la France, etc.

Après la mort de ROOSEVELT, survenue le 12 avril 1945, et l'accession à la présidence de TRUMAN, les idées farfelues de MOR-GENTHAU firent long feu. Les Britanniques (CHURCHILL excepté) considérèrent d'em-blée ces spéculations comme irréalisables et insensées. Ce sera STIMSON qui accom-pagnera TRUMAN à Potsdam. Mais l'esprit de MORGENTHAU continua à hanter bon nombre de cerveaux américains. Le régime d'occupation allait, malgré les efforts de STIMSON et de CLAY, ressentir les effets de la propagande orchestrée autour du Plan Morgenthau.

Les démocraties occidentales considéraient leur participation à la guerre comme une croisade en vue de rétablir le droit. Il y a tout lieu de rester sceptique à l'encontre de telles intentions, écrit SCHWINGE, lorsque l'on étudie la praxis réelle de l'occupation. Les Américains ont agi de manière systè-matique contre les conventions de La Haye. Celles-ci n'ont été en vigueur que tant que subsistait une situation de belligérance et un gouvernement allemand, en l'occurence celui de DöNITZ. Celui-ci cesse d'exister par dé-cret des quatre puissances occupantes le 5 juin 1945, décision confirmée lors de la con-férence de Potsdam, le 1 août 1945. Le gouvernement allemand est remplacé par une Commission interalliée qui représentera seule l'autorité jusqu'au début des années 50. Par l'inexistence d'un gouvernement, les limites que le droit international impose norma-lement aux occupations militaires tombent. Les alliés procèdent sans que n'existent des normes juridiques valables. En fait, l'Al-lemagne n'existait plus et, en conséquence, il n'y avait plus de "prisonniers de guerre" allemands; ceux-ci étaient traités comme des apatrides, comme des sujets dépourvus de droits.

SCHWINGE dénonce, dans son texte, trois pratiques en contradiction avec les con-ventions de La Haye: 1) L'arrestation auto-matique des suspects et leur concentration dans des "camps d'internement"; 2) rien n'avait été prévu pour le traitement des pri-sonniers de guerre en Allemagne; des cen-taines de milliers d'hommes sont massés sans abris, ne reçoivent aucune nourriture digne de ce nom et ne disposent pas des moindres installations d'hygiène; par ailleurs, les Français négocient avec certains Amé-ricains la livraison d'un million de pri-sonniers de guerre allemands, afin de "re-construire la France". CLAY s'y opposera, traitant ce maquignonnage de "marché d'es-claves". 3) La justice militaire américaine procède de manière incohérente, selon la plus ahurissante des fantaisies; elle devait essentiellement traiter des affaires de droit commun mais parfois aussi des cas plus compliqués, pour lesquels ses juges n'avaient aucune compétence.

Ces abus sont des conséquences directes des élucubrations de MORGENTHAU. Caspar von SCHRENCK-NOTZING, dans sa contribution, explique les implications politico-culturelles de l'occupation américaine: la "rééducation" (euphémisme pour "lavage de cerveau") et son corollaire immédiat, la crise d'identité qui a ravagé une ou deux générations d'Al-lemands et fait perdre à l'ensemble des Eu-ropéens toute compréhension globale de leur histoire.

L'initiative du Professeur WILLMS et de Wigbert GRABERT, mérite certes une plus grande attention que cette simple recension. L'ampleur des interrogations, la pertinence des bilans qui font ce livre montrent à quel point cette "question allemande", non réso-lue, récapitule le malaise européen, les nos-talgies libertaires qui tourmentent tous les peuples soucieux de leur auto-détermination, la crise actuelle du marxisme, détaché de ses racines historiques et perdu dans des spéculations souvent sans objets...

Detlef BAUMANN.

Bernard WILLMS (Hrsg.), Handbuch zur Deutschen Nation, Band 1, Geistiger Bestand und politische Lage, Hohenrain-Verlag, Tü-bingen, 1986, 457 S., 49,80 DM. 

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mercredi, 15 juillet 2009 | Lien permanent

Evola e il mondo di lingua tedesca

Evola e il mondo di lingua tedesca

Alberto Lombardo

Ex: http://www.centrostudilaruna.it/

evola_envers_cong.pngLa Germania e in genere il mondo di cultura tedesca ebbero per Evola un’importanza centrale. Sin da giovanissimo questi apprese il tedesco per avvicinarsi alle opere della filosofia idealistica; la sua dottrina filosofica deve molto all’idealismo, ma ancor più a Nietzsche, Weininger e Spengler. Nel 1933 compì il suo primo viaggio in Austria ; per tutti gli Anni ’30 e ’40 continuò a tenersi aggiornato leggendo saggî scientifici in lingua tedesca sui diversi argomenti dei quali si occupava: dalla romanità antica (Altheim) alla preistoria (Wirth, Günther), dall’alchimia (Böhme) alle razze (Clauß, ancora Günther), dalla teoria politica (Spann, Heinrich) all’economia (Sombart) e via dicendo. In generale, considerando gli apparati di note, i riferimenti culturali e in un bilancio che tenga conto di tutti gli apporti non mi sembra affatto di esagerare sostenendo che il peso degli studi pubblicati in tedesco sia nell’opera complessiva di Evola almeno pari a quello di quelli italiani.

Tutto questo è già assai indicativo dell’influenza della cultura tedesca sull’opera di Evola. Vanno aggiunti però altri dati: richiamando qui quanto accennato in sede biografica nel capitolo primo, ricordo i lunghi soggiorni di Evola in Austria e Germania, le numerose conferenze ivi tenute, i rapporti con esponenti della tradizione aristocratica e conservatrice mitteleuropea e della Konservative Revolution etc . Inoltre nei paesi di lingua tedesca Evola godette, almeno sino alla fine della seconda guerra mondiale, di una notorietà diversa da quella che ebbe in Italia, poiché vi fu accolto quasi come l’esponente di una particolare corrente di pensiero italiana, e ciò sin dal 1933, anno della pubblicazione di Heidnischer Imperialismus . Questo il giudizio in merito di Adriano Romualdi: «L’azione di Evola in Germania non fu politica, anche se contribuì a dissipare molti equivoci e a preparare un’intesa tra Fascismo e Nazionalsocialismo. Essa investì il significato di quelle tradizioni cui in Italia e in Germania si richiamavano i regimi, il simbolo romano e il mito nordico, il significato di classicismo e romanticismo, o di contrapposizioni artificiose, come quella tra romanità e germanesimo» .

Dal 1934 Evola tiene conferenze in Germania: in un’università di Berlino, al secondo nordisches Thing a Brema, e all’Herrenklub di Heinrich von Gleichen, rappresentante dell’aristocrazia tedesca (era barone) col quale stabilì una «cordiale e feconda amicizia» . Così Evola ricordò nel 1970 quest’importante esperienza: «ogni settimana si invitava una personalità tedesca o internazionale in quel circolo di Junkers. Devo dire peraltro che, se ci fossimo aspettati di vedere dei giganti biondi con gli occhi azzurri la delusione sarebbe stata grande, poiché per la maggior parte erano piccoli e panciuti. Dopo la cena e il rituale dei toasts, l’invitato doveva tenere una conferenza. Mentre questi signori fumavano il loro sigaro e sorseggiavano il loro bicchiere di birra, io parlavo. Fu allora che Himmler sentì parlare di me» .
È effettivamente assai verosimile che l’attenzione da parte degli ambienti ufficiali per Evola sia nata in seguito alle prime conferenze in Germania. I suoi rapporti col nazionalsocialismo furono di collaborazione esterna, e specialmente con diversi settori delle SS tra cui l’Ahnenerbe ; Evola espresse nei confronti dell’“ordine” guidato da Himmler parole assai positive , anche nel dopoguerra , che da una parte gli valsero i prevedibili (e fors’anche scontati) strali dei suoi detrattori, dall’altra determinarono una rilettura – in seno alla storiografia e allo stesso “sentimento del mondo” della Destra Radicale del dopoguerra – del nazionalsocialismo come di un movimento popolare guidato da un’élite ascetico-guerriera . Dagli ormai numerosi dati d’archivio pubblicati, risulta un quadro di Evola tenuto in considerazione ma sempre osservato con cura dagli ambienti ufficiali tedeschi .

Dopo il conflitto mondiale la notorietà di Evola nei paesi di lingua tedesca andò scemando; la sua immobilità fisica pare che gli impedì, tra l’altro, ulteriori viaggi all’estero. Solo negli ultimi decenni Evola è stato fatto oggetto di una sorta di riscoperta, per merito soprattutto di Hans Thomas Hansen, che ne ha tradotto (e ritradotto) la buona parte delle opere, con il consenso dello stesso Evola quando questi era ancora in vita, e che viene giustamente considerato uno dei massimi conoscitori del pensiero e della vita di Evola. Oltre alla rivista da questi fondata e animata, «Gnostika» (che come suggerisce il titolo ha interessi prevalentemente esoterici), negli ultimissimi anni stanno nascendo diverse attività che si ispirano in vario modo all’opera di Evola, tra le quali meritano una menzione le riviste tedesche «Elemente» e «Renovatio Imperii» e soprattutto l’austriaca «Kshatriya», diretta da Martin Schwarz (autore della più ampia bibliografia evoliana sino a oggi stilata ), di più marcata impronta “evoliana ortodossa”. A margine di ciò, si stanno iniziando a tenere convegni sul pensatore e a tradurre sue ulteriori opere. Inoltre il centenario della nascita di Evola, nel 1998, è stato occasione per varie testate tedesche per ricordarlo con ampi articoli, tra cui quelli apparsi sulla storica «Nation & Europa» (che esce ormai da mezzo secolo, e cui nei primi Anni ’50 lo stesso Evola collaborò), «Criticn» e la prestigiosa «Zeitschrift für Ganzheitforschung», altra rivista cui Evola collaborò (nei primi Anni ’60) e che fu fondata e lungamente diretta da Walter Heinrich (sino alla morte di questi, avvenuta nel 1984), che era in grande amicizia con Evola. Come curiosità, segnaliamo che per l’occasione numerosi complessi e gruppi musicali tedeschi e austriaci hanno dedicato nel centenario allo scrittore tradizionalista un disco, intitolato Cavalcare la tigre.

* * *

Sebbene alcuni elementi politici della storia d’Italia e di quella tedesca appaiano affini, (il processo di unificazione nazionale avvenuto nella seconda metà dell’Ottocento, la comune partecipazione alla Triplice Alleanza, l’Asse Roma-Berlino), Evola individua nella “tradizione germanica” dei tratti che differenziano nettamente – in senso positivo – i paesi di lingua tedesca dall’Italia. Così anzitutto «può dirsi che in Germania il nazionalismo democratico di massa di tipo moderno non fece che una fuggevole apparizione. […]. Il nazionalismo in tal senso, con un fondo democratico, non andò oltre il fugace fenomeno del parlamento di Francoforte del 1848, in connessione con i moti rivoluzionari che in quel periodo imperversavano in tutta l’Europa (è significativo che il re di Prussia Federico Guglielmo IV rifiutò l’offerta, fattagli da quel parlamento, di mettersi a capo di tutta la Germania perché accettandola egli avrebbe anche accettato il principio democratico – il potere conferito da una rappresentanza popolare – rinunciando al suo diritto legittimistico, sia pure ristretto alla sola Prussia). E Bismarck, creando il secondo Reich, non gli diede affatto una base “nazionale”, vedendo nella corrispondente ideologia il principio di pericolosi disordini anche dell’ordine europeo, mentre i conservatori della Kreuzzeitung accusarono nel nazionalismo un fenomeno “naturalistico” e regressivo, estraneo ad una più alta tradizione e concezione dello Stato» . Estranei a questa forma “naturalistica” di nazionalismo, i paesi di lingua tedesca cullarono un diverso spirito, quello del Volk, che animò lo spirito pangermanico. La corrente völkish, che un notevole peso ebbe anche nella genesi del nazionalsocialismo, affondava le sue radici nei Discorsi alla nazione tedesca di Fichte, in Arndt, Jahn e Lange e soprattutto nel Deutschbund e nella deutsche Bewegung . In questa diversità di retroterra si ha la prima divaricazione tra Italia e Germania.

Ma le differenze di ambiente sono assai più nette. Nel suo saggio sul Terzo Reich, delineando le correnti culturali complesse e spesso irriducibili che cooperarono nella sua genesi, Evola scrive: «Dopo la prima guerra mondiale in Germania la situazione era sensibilmente diversa da quella dell’Italia. […] Mussolini dovette creare quasi dal nulla, nel senso che nel punto di combattere la sovversione rossa e di rimettere in piedi lo Stato non poteva rifarsi ad una tradizione nel senso più alto del termine. Tutto sommato, ad essere minacciato era solo il prolungamento dell’Italietta democratica ottocentesca, con un retaggio risorgimentale risentente delle ideologie della Rivoluzione Francese, con una monarchia che regnava ma non governava e senza salde articolazioni sociali. In Germania le cose stavano altrimenti. Anche dopo il crollo militare e la rivoluzione del 1918 e malgrado il marasma sociale sussistevano resti aventi radici profonde in quel mondo gerarchico, talvolta ancora feudale, incentrato nei valori dello Stato e della sua autorità, facenti parte della precedente tradizione, in particolare del prussianesimo. […]. In effetti, nell’Europa centrale le idee della Rivoluzione Francese non presero mai tanto piede quanto nei restanti paesi europei» .

evola_julius_-_meditations_on_the_peaks.jpgIn un’occasione Evola cita la teoria giuridica di Carl Schmitt dell’international law . Il filosofo della politica tedesco aveva espresso l’idea della caduta del diritto internazionale europeo consuetudinario avvenuta, all’incirca, dopo il 1890, e la conseguente affermazione di un diritto internazionale più o meno ufficializzato. «Noi però qui non siamo interamente del parere dello Schmitt», scrive Evola, spiegando che «di contro all’opinione di molti, nei riguardi dell’azione svolta da Bismarck, sia all’interno della Germania che in Europa, non tutte le cose sono “in ordine”. […]. Più che Bismarck, a noi sembra che, se mai, Metternich sia stato l’ultimo “Europeo”, vale a dire l’ultimo uomo politico che seppe sentire la necessità di una solidarietà delle nazioni europee non astratta, o dettata solo da ragioni di politica “realistica” e da interessi materiali, ma rifacentesi anche a delle idee e alla volontà di mantenere il migliore retaggio tradizionale dell’Europa» . Contrariamente a quanto sostenuto da Baillet , Evola fu dunque piuttosto critico nei confronti di Bismarck, che non ebbe, secondo la visione tradizionale evoliana, il coraggio di opporsi in modo sistematico e rigoroso al mondo moderno e della sovversione (nella sua forma economico-capitalistica), ma dovette in alcuni casi venire a patti con esso.

La stessa Germania federiciana e poi guglielmina, seppur conservante le strutture e l’ordine di uno stato tradizionale, nel quale la stessa burocrazia e l’apparato statale apparivano quasi come corpi di un ordine, conteneva i germi della dissoluzione, dovuti alle idee illuministe che avevano iniziato a filtrare – in modo più larvato che altrove – presso le varie corti. Se il giudizio evoliano nei confronti del codice federiciano conservante l’ordinamento diviso negli Stände è positivo, ciò è poiché, per l’epoca in cui sorse, quel codice conservava meglio d’ogni altro le strutture feudali e gerarchiche precedenti. Esse, tramite la tradizione prussiana, affondavano nell’Ordine dei cavalieri teutonici e nella loro riconquista delle terre baltiche: un ordine ascetico-cavalleresco formato da una disciplina e da una severa organizzazione gerarchica. Così, sin da giovanissimo Evola intuì l’assurdità della “guerra civile europea” che, come ufficiale, egli andava a combattere sulla frontiera carsica: l’Italia si schierava cioè contro ciò che restava della migliore tradizione europea. «Nel 1914 gli Imperi Centrali rappresentavano ancora un resto dell’Europa feudale e aristocratica nel mondo occidentale, malgrado innegabili aspetti di egemonismo militaristico ed alcune alleanze sospette col capitalismo presenti soprattutto nella Germania guglielmina. La coalizione contro di essi fu dichiaratamente una coalizione del Terzo Stato contro le forze residue del Secondo Stato […]. Come in poche altre della storia, la guerra del 1914-1918 presenta tutti i tratti di un conflitto non fra Stati e nazioni, ma fra le ideologie di diverse caste. Di essa, i risultati diretti e voluti furono la distruzione della Germania monarchica e dell’Austria cattolica, quelli indiretti il crollo dell’impero degli Czar, la rivoluzione comunista e la creazione, in Europa, di una situazione politico-sociale talmente caotica e contraddittoria, da contenere tutte le premesse per una nuova conflagrazione. E questa fu la seconda guerra mondiale» .

Come accennato, anche nei confronti della tradizione dell’Austria Evola espresse un giudizio marcatamente positivo. La stessa linea dinastica degli Asburgo ebbe un ruolo di rilievo in questa valutazione (Evola si era espresso in termini molto positivi nei confronti di Massimiliano I) ; nel periodo in cui visse a Vienna Evola respirò ciò che restava dell’atmosfera antica dell’Austria felix, e venne in contatto con quella temperie culturale e spirituale e soprattutto con uomini in cui, per usare le parole di Ernst Jünger, «la catastrofe aveva certo lasciato le sue ombre […], ma si era limitata a distruggerne la serenità innata senza distruggerla. A tratti scorgevamo […] una patina di quella sofferenza che potremmo definire austriaca e che è comune a tanti vecchi sudditi dell’ultima vera monarchia. Con essa venne distrutta una forma del piacere di vivere che negli altri paesi europei già da generazioni era diventata inimmaginabile, e le tracce di questa distruzione si avvertono ancora nei singoli individui. […]. Da noi nel Reich, se si prescinde dal generale esaurimento delle forze, si incominciava a notare tutt’al più la disparità degli strati sociali; qui invece si erano aperte, come voragini, le differenze tra le varie etnie» . In questo humus storico degli anni compresi tra le due guerre, in cui ancora forti erano i legami sentimentali ed etici di molti con la precedente tradizione imperiale – la monarchia asburgica d’Austria aveva almeno formalmente conservato, sino al Congresso di Vienna, la titolarità del Sacro Romano Impero – Evola ebbe anche modo di percepire direttamente l’attaccamento diffuso a livello popolare alla monarchia , e lo spiegò in questi termini: «Senza riesumare forme anacronistiche, invece di una propaganda che “umanizzi” il sovrano per accattivare la massa, quasi sulla stessa linea della propaganda elettorale presidenziale americana, si dovrebbe vedere fino a che punto possano avere un’azione profonda i tratti di una figura caratterizzata da una certa innata superiorità e dignità, in un quadro adeguato. Una specie di ascesi e di liturgia della potenza qui potrebbero avere una loro parte. Proprio questi tratti, mentre rafforzeranno il prestigio di chi incarna un simbolo, dovrebbero poter esercitare sull’uomo non volgare una forza d’attrazione, perfino un orgoglio nel suddito. Del resto, anche in tempi abbastanza recenti si è avuto l’esempio dell’imperatore Francesco Giuseppe che, pur frapponendo fra sé e i sudditi l’antico severo cerimoniale, pur non imitando per nulla i re “democratici” dei piccoli Stati nordici, godette di una particolare, non volgare popolarità» . In questo stesso senso nel 1935, scrivendo a proposito della possibilità di una restaurazione regale in Austria, Evola riferisce ciò che gli esponenti del pensiero conservatore e monarchico in quel paese sostenevano: «La premessa, intanto, è quella a cui ogni mente non ingombra di pregiudizî può anche aderire, cioè che il regime monarchico, in generale, è quello che più può garantire un ordine, un equilibrio e una pacificazione interna, senza dover ricorrere al rimedio estremo della dittatura e dello Stato centralizzato, sempreché nei singoli sussista la sensibilità spirituale richiesta da ogni lealismo. Questa condizione, secondo dette personalità, sarebbe presente nella gran parte della popolazione austriaca, se non altro, per la forza di una tradizione e di uno stile di vita pluricentenario» .

Il problema dell’Anschluss, dell’annessione dell’Austria alla Germania naizonalsocialista, fu negli anni che lo precedettero a

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samedi, 21 mai 2011 | Lien permanent

Les visions d'Europe à la base de la ”Révolution Conservatrice”

Université d'été de la F.A.C.E. (juillet 1995) - Résumé des interventions

Vendredi 28 juillet 1995 (après-midi)

 

Les visions d'Europe à la base de la “Révolution Conservatrice”

(Intervention de Robert Steuckers)

 

fidus-kyberspruch.gifPremière question: la révolution conservatrice allemande a-t-elle développé des visions d'Europe nou­velles et vraiment spé­cifiques? Réponse: pas vraiment. Des visions d'Europe très différentes se bouscu­lent dans les corpus théoriques de ceux qu'Armin Mohler compte parmi les représentants de ce courant de pensée, né au cours d'une longue “période axiologique” de l'histoire, soit une période où de nouvelles valeurs se pensent, s'insinuent (lentement) dans les esprits et s'installent dans la société et dans le con­cert des nations. Les valeurs que représente la “révolution conservatrice” sont des valeurs qui entendent remplacer celles mises en avant pas les formes involuées de christianisme anorganique et par l'idéologie des Lumières, in­duite par la révolution française. L'idéologie de la révolution conservatrice ne date donc pas de ce siècle. Elle n'est pas tombée subitement du ciel après 1918.

 

La RC consiste en un interprétation nouvelle de l'héritage nationaliste, protestant et hégélien (où la “nation” particulière, en l'occurrence la nation allemande) est l'instrument du Weltgeist); elle est une tra­duction idéologico-politique des philosophies de la Vie, mâtinée de darwinisme ou de biologisme matéria­liste (Haeckel) voire d'une interprétation vitaliste du “mystère de l'incarnation” cher à beaucoup de catho­liques populistes et/ou conservateurs; enfin, elle est un espace idéologique où l'on tente de concrétiser la vision nietzschéenne de la volonté de puissance ou la notion bergsonienne d'“élan vital”.

 

En ce qui concerne les visions d'Europe, la RC a aussi des antécédents. A l'époque des Lumières, les in­tellectuels européens décrivent l'Europe comme un espace de civilisation, de “bon goût”. Mais un certain pessimisme constate que cette civilisation entre en déclin, qu'elle est inadaptée aux premières manifes­tations d'industrialisme, que le culte de la raison, qui est son apa­nage, bat de l'aile et que le modèle fran­çais, qui en est le paradigme, vient à être de plus en plus souvent contesté (hostilité à la “gallomanie”, non seulement dans les pays germaniques, mais aussi dans les pays latins).

 

Herder propose dans ce contexte une vision, une manière de voir (Sehweise), qui met en exergue le sens de l'individualité historique des constructions collectives. Contrairement à Rousseau, qui raisonne en termes d'individus, de nations et d'universalité, et qui juge, péremptoire, que l'Europe est “moralement condamnable”, Herder voit des peuples et des cultures enracinés, dont il faut conserver et entretenir les spécificités. L'Europe qu'il appelle de ses vœux est un concert de peuples différents et enracinés. L'Europe, telle qu'elle existe, n'est pas “moralement condamnable” en soi, mais il faut veiller à ne pas ex­porter, en dehors d'Europe, une européisme artificiel, basé sur les canons de la gallomanie et du culte figé d'une antiquité greco-romaine ad usum delphini. L'Europe dont rêve Herder n'est pas une so­ciété d'Etats-personnes mais doit deve­nir une communauté de personnalités natio­nales.

 

Tel était le débat juste avant que n'éclate la révolution française. Après les tumultes révolutionnaires, Napoléon crée le bloc continental par la force des armes. Ce bloc doit devenir autarcique (Bertrand de Jouvenel écrira dans les années 30 l'ouvrage le plus précis sur la question). Napoléon a à ses côtés des partisans allemands de ce grand dessein continental (Dalberg, Krause, le poète Jean-Paul). Ce bloc doit être dirigé contre l'Angleterre. A Paris, le Comte d'Hauterive décrit ce bloc autar­cique comme un “système général”, orchestrée par la France, qui organisera le continent pour qu'il puisse s'opposer effica­cement à la “mer”. Dès 1795, le Prussien Theremin, dans un ouvrage écrit en français (Des intérêts des puissances continen­tales relativement à l'Angleterre),  s'insurge contre la politique anglaise de colonisation commer­ciale de l'Europe et des Indes. Le système libre-échangiste anglais est dès lors un “despotisme maritime” (idée qui sera reprise par l'école des géopolito­logues, rassemblée autour de la personne du Général Haus­ho­fer). Le Baron von Aretin (1733-1824), revendique une “Europe celtique”, fusion de la romanité fran­çaise et de la germanité catholique de l'Allemagne du Sud, qui s'opposerait au “borussisme”, à l'“anglicisme” et au “protestantisme” particulariste. Après 1815, les “continentalistes” ne désarment pas: Welcker propose une alliance entre la Fran­ce et la Prusse pour réorganiser l'Europe; Glave, lui, propose une alliance entre la France et l'Autri­che, pour exclure la Russie et l'Empire ottoman du concert européen. Woltmann, dans Der neue Leviathan, pro­pose une Gesamteuropa  contre l'universalisme thalassocra­tique, thèses qui annoncent celles de Carl Schmitt. Bülow sug­gère l'avènement d'une “monarchie eu­ro­péenne universelle” qui procèdera à la conquête de l'Angleterre et unifiera le continent par le truchement d'un projet culturel, visant à éliminer les petits particularismes pouvant devenir autant de prétextes à des ma­nipulations ou des pressions extérieures.

 

Parmi les adversaires conservateurs et légitimistes de Napoléon, nous trouvons les partisans d'un équi­libre européen, où toutes les nations doivent s'auto-limiter dans la discipline (principe en vigueur dans l'Europe actuelle). Les Républicains natio­nalistes (Fichte, Jahn) qui se sont opposés à Napoléon parce qu'ils l'accusaient de faire du “néo-monarchisme” veulent un repli sur le cadre national ou sur de vastes confédérations de peuples apparentés par la langue ou par les mœurs. Les parti­sans de la restauration autour de Metternich plaident pour un bloc européen assez lâche, la Sainte-Alliance de 1815 ou la Pentarchie de 1822. La Restauration veut réorganiser rationnellement l'Europe sur base des acquis de l'Ancien Régime, remis en selle en 1815. Franz von Baader, dans ce contexte, suggère une “Union Reli­gieu­se” (qui sera refusée par les catholiques intransigeants), où les trois variantes du christianisme eu­ro­péen (catholicisme, protestantisme, orthodoxie) unifieraient leurs efforts contre les principes laïques de la révolution française. A cette époque, la Russie est considérée comme le bastion ul­time de la religion (cf. les textes du Russe Tioutchev, puis ceux de Dostoïevski, notamment le Journal d'un écrivain). Cette russophilie conservatrice et restauratrice explique l'Ostorientierung de la future RC, initiée par Moeller van den Bruck. Le continentaliste russophile le plus cohérent est le diplomate danois Schmidt-Phiseldeck qui plai­de, dans un texte largement ré­pandu dans les milieux diplomatiques, pour un eurocentrage des for­ces de l'Europe, contre les entreprises colonialistes; Schmidt-Phiseldeck veut l'“intégration intérieure”. Il avertit ses contemporains du danger américain et estime que la seule ex­pansion possible est en direction de By­zance, c'est-à-dire que la Pentarchie européenne doit lever un corps expéditionnaire qui envahira l'Em­pire Ot­to­man et l'incluera dans le concert européen. Cette volonté d'expansion concertée et pan­eu­ro­péenne vers le Sud-Est sera reprise en termes pacifiques sous Guillaume II, avec le projet de chemin de fer Ber­lin-Bagdad qui suscitera la fameuse “question d'Orient”. Görres, ancien révolutionnaire, voit dans l'Al­le­magne recatholicisée l'hegemon européen paci­fique, contraire diamétral du bellicisme moderne napo­léo­nien. L'Allemagne doit joue ce rôle parce qu'elle est la voisine de presque tous les autres peuples du con­tinent: elle en est donc l'élément fédérateur par destin géographique. L'universalité (c'est-à-dire l'“eu­ro­péanité”) de l'Allemagne vient de l'hétérogénéité de son voisinage, car elle peut intégrer, assimiler et syn­thé­tiser mieux et plus que les autres.

 

Constantin Frantz met en garde ses contemporains contre les fanatismes idéologiques: l'ultramontanisme ca­tholique, le parti­cularisme catholique en Bavière, le national-libéralisme prussien, le capitalisme, etc. Le Reich doit organiser la Mitteleuropa, se doter d'une constitution fédéraliste, conserver et renforcer sa pla­ce au sein de l'équilibre pentarchique européen. Mais ce­lui-ci est en danger, à cause de l'extraversion que provoquent les aventures coloniales de l'Angleterre, qui se cherche un des­tin sur les mers, et de la Fran­ce, qui s'est embarquée dans une aventure algérienne et africaine. Les Occidentaux provoquent la guer­re de Crimée, en prenant le parti d'un Etat qui n'appartient pas à la Pentarchie (la Turquie) contre un E­tat qui en est un pilier constitutif (la Russie).

 

Sous Guillaume II, les plans de réorganisation de la Mitteleuropa, plans tous parfaitement extensibles à l'ensemble de notre sous-continent, se succèdent. La plupart de ces projets évoquent une alliance et une fusion (d'abord économique) entre l'Allemagne forgée par Bismarck et l'Empire austro-hongrois. Dans l'op­ti­que des protagonistes, il s'agissait de parfaire une élargissement grand-allemand du Zollverein, en mar­che depuis le milieu du siècle. Le Français Guillaume de Molinari, “doctrinaire” du libéralisme, envisage une alliance entre l'Allemagne, l'Autriche-Hongrie, la France, la Belgique, les Pays-Bas, le Danemark et la Suis­se, dans un article qui connaîtra un grand retentissement dans les milieux industriels et diplo­ma­ti­ques: «Union douanière de l'Europe centrale» (in: Journal des économistes, V, 4, 1879, pp. 309-318). Paul de Lagarde, l'orientaliste aux origines intellectuelles du mouvement pangermaniste (Alldeutscher Ver­band)  et, pour certains, du national-socialisme, la “Mitteleuropa” devait se limiter aux espaces ger­ma­ni­ques et s'organiser comme un bloc contre la Russie. Paul de Lagarde est ainsi le premier homme de droi­te, élaborant des projets européens, qui est russophobe et non pas russophile. La russophobie étant une tradition de gauche au XIXième siècle. La tradition pangermaniste/pré-nationale-socialiste est donc rus­sophobe et la RC, initiée par Moeller van den Bruck, reste russophile, en dépit de l'avènement du bolche­visme. Telle est la grande diffé­rence entre les deux mouvements. En 1895, l'industriel et écono­miste au­trichien Alexander von Peez exhorte les Européens à prendre conscience des dangers du panaméricai­nisme, incarné par les actions de la Navy League de l'Amiral Mahan. Pour von Peez, l'Europe doit se constituer en un bloc pour s'opposer à la Panamérique, sinon tous les peuples de la Terre risquent de périr sous les effets de l'“américanisation universelle”. Plus tard, ce type d'argumentation sera repris par Adolf Hallfeld, Giselher Wirsing et Haushofer (dans sa dénonciation de la “politique de l'anaconda”).

 

Les libéraux de gauche Ernst Jäckh et Paul Rohrbach restent russophobes, parce que c'est la tradition dans le milieu politico-idéologique dont ils sont issus, mais suggèrent une alliance ottomane et militent en faveur du chemin de fer Berlin-Bagdad. En fait, ils reprennent l'idée d'un contrôle européen (ou simple­ment allemand) de l'Anatolie, de la Mésopotamie et de la Palestine que l'on trouvait jadis chez Schmidt-Phiseldeck. Mais ce contrôle s'effectuera dans la paix, par la coopération économique et l'aide au déve­loppement et non pas par une conquête violente et un peuplement de ces régions par le trop-plein démo­graphique russe. L'alliance entre les Empires européens et la Sublime Porte sera une alliance entre égaux, sans discrimination reli­gieuse. Paradoxalement, ce faisceau d'idées généreuses, annonciatrices du tiers-mondisme désintéressé, hérisse les Britanniques, déjà agacés par l'accroissement en puissance de la flotte allemande, créée non pas pour s'opposer à l'Angleterre mais pour faire pièce à la Navy League américaine. Ce n'est donc pas le pangermanisme, dénoncé effectivement dans les propagandes anglaise et française, qui est le véritable prétexte de la première guerre mondiale. Les discours nationa­listes et racialistes des pangermanistes ne choquaient pas fondamentalement les Anglais, qui en tenaient d'aussi radicaux et d'aussi vexants pour les peuples colonisés, mais cette volonté de coopération entre Européens et Ottomans en vue de réorga­niser harmonieusement les zones les plus turbulentes de la pla­nète.

 

Robert Steuckers n'a pu, en deux heures et demie, que nous donner une fraction infime de ce grand tra­vail sur l'Europe. A la suite des thématiques et des figures analysées, son texte écrit compte une analyse de la situation sous Weimar, les pourpar­lers entre Briand et Stresemann, la vision européenne des con­servateurs catholiques et de Hugo von Hoffmannstahl, la logique paneuropéenne dans l'école de hausho­fer et plus particulièrement chez Karl C. von Loesch, les idées de Ludwig Reichhold, celles du Prince Karl Anton Rohan (ami d'Evola), du grand sociologue Eugen Rosenstock-Huessy, de l'esthète Rudolf Pannwitz, de Leopold Ziegler, la diplomatie classique de Staline pendant la seconde guerre mondiale (qui explique la russo­philie d'une bonne part de la droite allemande, conservatrice ou nationaliste). Le texte paraîtra in extenso sous forme de livre.

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mardi, 16 février 2010 | Lien permanent

J. Mabire: entretien sur la figure de l'Aventurier

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Entretien exclusif avec Jean Mabire : Réflexions sur la figure de l'aventurier

Jean Mabire, quels que soient les domaines que vous ayez abor­dés dans vos 90 et quelques volumes publiés à ce jour (ndlr:170, en fait, nous confiera Jean Mabire lui-même dans la lettre accompagnant ses réponses), des SS français aux 55 jours de Pékin, d'Amundsen à l'histoire de la Normandie, toujours ressort en filigrane, sinon d'évidence, une idée ré­currente, mieux, une certaine définition de l'homme, dont les valeurs pourraient se résumer par un mot: l'aventure. Jean Hoh­barr ne s'y trompait pas, qui écrivait dans un numéro du Fran­çais : «Mabire l'avoue, il ne tient pas la littérature pour un genre “neutre”, mais bien comme l'expression d'une vision du mon­de». Sans doute le sang viking qui coule dans vos veines de Normand n'y est pas étranger. Toujours est-il qu'aujourd'hui, l'aventure paraît définitivement ressortir du domaine du passé, à l'heure du tout-media et de la photographie par satellite. La conquête de l'espace, le mercenariat ou l'exploit sportif (voir la lutte contre le SIDA selon certains) seraient-ils les dernières formes d'aventure ouvertes à l'homme de demain?

Jean Mabire: Quand Ernst von Salomon, cet aventurier-type de notre siècle, se vit obligé, après la défaite de son pays, de répondre à un Questionnaire, il ne fallut pas moins de 650 pages pour ce faire, ce qui lui permit d'ailleurs d'écrire son meilleur livre. On s'aperçut alors qu'il n'avait jamais cessé de se mettre en scène lui-même et qu'il avait tout au long de sa vie mélanger sa bibliographie et sa biographie. Tel n'est certes pas mon cas. Je m'intéresse bien davantage à mes personnages —imaginés ou restitués— qu'à moi-même. Et bien davantage peut-être à mes lecteurs qu'à mes personnages.

Certes, mes «héros» vivent une aventure, à commencer par le très singulier Roman Feodorovitch von Ungern-Sternberg, cas extrême s'il en fut. Je pense cependant que le terme d'aventurier ne leur con­vient guère. Il m'arrive de préférer celui de militant. Ou si l'on veut ce­lui de «soldat politique», expression inventée, je crois, par Ernst Roehm, qui n'est pas le moins singulier de tous mes sujets et qui a l'avantage d'être plus véridique que romanesque, d'où le côté assez «instructif » du livre que je lui ai consacré.

Puisque vous parlez d'aventurier, je crois qu'il faut revenir à un essai (si important que j'ai consacré à son auteur une chronique entière dans Que lire?).

Il s'agit du Portrait de l’aventurier de Roger Stéphane. On sait qu'il y évoque trois hommes hors du commun: Lawrence d'Arabie, André Malraux et l'indispensable von Salomon. Ce petit livre, publié en 1950 et récemment réédité, est précédé d'une très éclairante étude de Jean-Paul Sartre. Une vingtaine de pages, mais elles me sem­blent capitales pour répondre à votre interrogation. Sartre distingue as­sez bien: «Aventurier ou militant: je ne crois pas à ce dilemme. Je sais trop qu'un acte a deux faces: la négativité, qui est aventurière, et la construction qui est discipline. Il faut rétablir la négativité, l'in­quié­tude et l'autocritique dans la discipline ».

Dans une fameuse querelle, vieille d'un demi-siècle, je me sens plus proche de Sartre que de ces «Hussards» qui harcelaient le lourd convoi de la littérature engagée.

Je crois, par ailleurs, qu'il y a quelque simplification abusive à oppo­ser aventurier de l'action et aventurier du rêve. Drieu la Rochelle l'a­vait fort bien compris qui se refusait à enfermer l'aventure dans le car­can dérisoire de la gratuité. Si l'on parle voile, le plaisancier peut se révéler aussi «aventurier» que le navigateur de compétition. Et vice-versa. Moilessier-Tabarly.

L'opposé de l'aventurier? C'est le bourgeois. Voir Flaubert qui a tout dit là-dessus. Le champ reste vaste, infini même, y compris avec la boutade de Péguy qui prétendait que les pères de famille étaient les aventuriers de son siècle.

Sur la littérature comme «vision du monde», je voudrais encore citer Drieu. J'ai récemment découvert un article du 20 février 1932: «Il n'est donné à personne d'écrire une ligne qui, à un égard quel­con­que, soit neutre. Un écrit présentera toujours une significa­tion politique aussi bien qu'une signification sexuelle ou reli­gieuse».

Non, I'aventure n'est pas le passé. Croyez-moi, on vivra encore fort dangereusement au XXIe siècle.

Pierre Mac Orlan, dans son fameux Petit manuel du parfait aventurier (aujourd'hui réédité au Mercure de France) mettait l'accent sur le paradoxe de l'aventurier, à savoir que celui-ci n'existe pas, qu'il n'est que recréation a posteriori, minéralisa­tion pseudo-mythologique par une société bourgeoise avide de rêves et d'exploits; et que, a contrario, ce même aventurier ne mon­trait dans ses actes que cruauté, nihilisme et cynisme, si­non cupidité. On est là, nous semble-t-il, à mille lieues du message que diffusent vos ouvrages, plus proches de Jack London que de Lawrence d'Arabie.

JM: Je devais avoir une douzaine d'années quand j'empruntais dans la bibliothèque de mon père ce petit manuel dont vous parlez et je me souviens d'avoir été fort déçu. Brusquement privé de mon ima­ginaire adolescent, nourri de L'île au trésor de Stevenson et des Cor­sai­res du roi de t'Serstevens. D'où mon ultérieure méfiance envers Mac Orlan, maître-démystificateur. Il me retira l'envie d'être un aven­turier. J'en devins, par réaction sans doute, militant.

Cela n'enlève rien à la sombre fascination des gentilshommes de fortune. Mais je m'identifiais plus facilement à Cyrano qu'à L'Olon­nois ou Borgnefesse...

Il devait toujours me rester, du drame épique d'Edmond Rostand, l’opinion que c'est bien plus beau quand c'est inutile... Cette sensation fut confortée par le film La patrouille perdue de John Ford, avant de trouver son épanouissement avec Le désert des Tartares de Buzzati. J'ai été frappé du fait que les batailles fondatrices —ces aventures exemplaires— sont toujours des batailles perdues: Sidi Brahim, Camerone, El Alamo, Bazeilles, Berlin, Dien Bien Phu. Cela devait renforcer mon pessimisme foncier (toujours Flaubert, bien plus que Stendhal). Mais un pessimisme qui incite à l'action plus qu'au rêve. Voir là-dessus les sagas et Corneille.

Dans mon cas très personnel, ce qui m'a rendu assez exaltante la guerre d'Algérie en 58-59, c'est que je savais qu'elle était perdue pour l'armée dans laquelle je me battais. On retrouve ce sentiment à la puissance dix quand j'ai rejoint Philippe Héduy et l'équipe de L 'Esprit public à la fin de 1962.

A l'âge des relectures, j'ai repris La Bandera, La cavalière Elsa et même Picardie, avec un constant sentiment de malaise. Seul bou­quin à surnager: L'ancre de miséricorde.

Il est de fait que le «roman d'aventure» n'est que substitution. Le lecteur vit ce qu'il n'est pas, revit même ce qu'il n'a pas vécu. Phé­nomène auquel la télévision donne une dimension fasci­nan­te et onirique. On «fait» la guerre ou l'amour par procuration de­vant le petit écran. Triomphe de l'illusion absolue.


Mac Orlan (…) me retira l'envie d'être un aventurier. J'en devins, par réaction sans doute, militant»

Le héros de votre dernier livre, Padraig Pearse (Patrick Pearse une vie pour l'Irlande, éditions Terre et Peuple) donne aussi cette impression d'osciller entre l'idéalisme révolutionnaire et le plus noir nihilisme, l'amour des hommes et la froide détermination criminelle. Un peu comme Ungern avant lui, et ce, dans une perspective très proche des Conquérants de Malraux.

JM: Ce côté nihiliste et même suicidaire de Patrick Pearse a été souvent mis en avant par ses adversaires. Si vous retirez cette im­pression de mon livre, c'est que j'aurais manqué ma démonstration. Car c'en est une. Ce court essai décrit une sorte de cheminement inévitable qui conduit un homme —qui est un écrivain, donc un artiste— du combat culturel à l'engagement politique et de cet engagement à la lutte armée. Une autre dimension de Pearse, et non la moindre, est son rôle d'éducateur à Saint-Enda.

Nous sommes très loin d'un aventurier, comme le sera après lui, par bien des traits de son caractère, un homme comme Michael Collins. Pearse me semble la plus haute incarnation du «soldat politique». Il va accomplir un geste fou, mais qui lui semble le seul capable de réveiller le peuple irlandais. Evoquer Les Conquérants à son sujet me paraît fort éclairant.

Ne pas oublier aussi que ce petit livre se situe dans la même ligne que mon gros ouvrage sur Les éveilleurs de peuples (Jahn, Mazzini, Mickiewicz, Petöfi et Grundtvig). Pearse se bat dans leur sillage et conjugue en lui tous les aspects de leurs diverses personnalités: poèt­e, éducateur, militant, prophète, martyr...

Ungern, lui, échappait à cette sorte de «rationalisation de la folie». Il était à la fois plus dément et plus lucide.

Dans votre livre La Torche et le Glaive, vous écrivez ces mots, superbes: «Ecrire pour moi n'est pas un plaisir ni un privilège. C'est un service comme un autre. Rédiger un article ou distribuer des tracts sont des actes de même valeur (...) Ecrire doit être un jeu dangereux. C'est la seule noblesse de l'écrivain, sa seule manière de participer aux luttes de la vie». Or, en relisant Dominique de Roux, quelle ne fut pas notre surprise de retrouver des propos similaires, et écrits à peu près à la même époque: «Ces dernières années, j'ai compris ceci: la littérature et l'action révolutionnaire directe sont, toutes les deux, des modalités d'approche de la mort (...) C'est à travers la mort que la littérature devient action révolutionnaire, et c'est par la mort que l'action révolutionnaire rejoint la littérature». Il ne paraît pas usurpé aujourd'hui de voir en lui un aventurier des lettres.

Fort de ces confidences, et au risque de nous répéter, l’aven­ture du prochain siècle ne serait-elle pas davantage intérieure? Entendez par là une attitude que nous qualifierions de « Re-deviens ce que tu es». N'est-ce pas là somme toute l'objectif supérieur assigné à la littérature, tels que vos écrits nous le laissent à penser?

JM: D'abord, ne nous faisons pas trop d'illusions, nous autres écri­vains, sur l'importance de ces «aventures» que sont nos livres. On ne sait trop quel usage en feront nos lecteurs. Ainsi l'influence d'un Barrès nous apparaissait hier surprenant et aujourd'hui incro­yable.

Je suis d'une génération marquée au fer rouge par Montherlant et Malraux. C'est dire si Sartre et Camus m'ont paru ensuite d'une rare fadeur. On revenait à la littérature «fin de siècle» avec l'esthétisme méditerranéen et l'intellectualisme dreyfusard.

La contre-attaque des «Hussards» m'a semblé moins pertinente que celle des garçons de la fournée suivante, et notamment Dominique de Roux et Jean-Edern Hallier. On se doit d'ajouter Jean-René Hu­guenin et Jean de Brem, mais ils sont morts trop tôt.

Il faudrait parler de la mort. Dominique comme Jean-Edern en avait la fascination, la prescience. C'est une réflexion qui ne vient pas seu­lement avec l'âge. Là encore, on retrouve Malraux. L'idée tragique de la vie. Vous posez ensuite une sorte d'opposition entre «action in­térieure» et «action extérieure». Il y a là une tentation: la voie royale Guénon/Evola. Elle m'intéresse, mais c'est un chemin qui ne m'attire guère. Je suis plutôt fasciné, dans le même ordre d'esprit, par la dia­lec­tique paix/guerre. Disons Giono/Malraux (toujours lui). Nietzsche a­vait assez bien pressenti tout cela. La tentation de la tour d'ivoire se heurte à la brutale affirmation que la rue appartient à celui qui y descend.

Il est évident que pour un écrivain, l’acte d'écrire est intérieur et l'acte de publier extérieur. Deux aventures strictement complémentaires. Il me semble que vous faites allusion à «la politique». Autant sa version politicienne et même politicarde m'est totalement étran­gère, autant le sort de la cité, de ma patrie charnelle à l'Europe, n'a jamais cessé de me hanter. D'où une réflexion sur l'Etat, dont le but doit être de «fortifier » le peuple et non de servir une idéologie.

« Je suis d’une génération marquée au fer rouge par Montherlant et Malraux, c'est dire si Sartre et Camus m’ont paru ensuite d 'une rare fadeur »

Toujours dans le même registre, mais autre aventure aussi intensément vécue depuis bientôt cinquante ans, l’engagement fédéraliste, qui combine dans la même absoluité européisme passionné et défense des identités charnelles. Vous dites dans le Manifeste pour la renaissance de la culture normande que la culture française ne sera sauvée que par son ressourcement dans ses traditions régionales et son ouverture à l'Europe des lettres. Pouvez-vous préciser?

JM: L'identité d'un peuple, c'est son esprit autant que sa chair. C'est pourquoi le «culturel d'abord» me paraît plus décisif que le fameux «politique d'abord» de Maurras. Certes, je ne nie pas la vi­sion politique. Mais je la situe hors des multiples et néfastes contin­gen­ces actuelles. Pour moi, tout se résume dans la dialectique, di­sons plutôt la confrontation, entre ces deux entités, non contra­dic­toires mais complémentaires, qu'est l'Empire, c'est-à-dire l'Europe, et les peuples qui ne se confondent certes pas avec les états-nations existants.

L'Europe, si elle veut préserver son identité et s'affirmer par rapport au reste du monde, c'est-à-dire en résistant d'abord et avant tout à l'impérialisme américain, doit être avant tout une et diverse.

Une politiquement, militairement, diplomatiquement, économique­ment. Mais diverse culturellement. C'est pourquoi la France n'a de signification qu'en assurant d'abord ce que la Pléiade nommait «la défense et l'illustration de la langue française». En ce domaine, le rôle de la Wallonie comme de la Suisse romande est capital, même si ces deux entités excitent le mépris du parisianisme le plus stérile.

Cette culture française, incarnée dans une langue, ne pourra retrou­ver quelque vivacité qu'en intégrant toutes ses spécificités régio­nal­es.

Je ne parle pas ici des langues dites «minoritaires», breton, flamand, alle­mand, corse, catalan, basque, occitan, mais aussi des différents dia­lectes d'oïl, tout comme de ce qu'on nomme le «français régio­nal», qui varie selon les pays et les usages.

L'actuelle promotion du «langage des banlieues» aboutit à un terrible appauvrissement, entre autres facteurs par l'emploi du «verlan», qui est le contraire d'une création pour devenir une mécanique.

Maintenir le langage écrit contre le langage parlé est un des aspects de la guerre culturelle. Cela se heurte certes à la modernité qui ne connaîtra bientôt plus qu'une sorte de basic French assez analogue à ce qu'est l'américain par rapport à la langue de Shakespeare.

Cette attitude implique le souci des «humanités» comme on disait autrefois, c'est-à-dire la connaissance du grec et du latin. On doit y ajouter, pour les patries charnelles concernées, une certaine con­nivence avec leurs racines les plus profondes. C'est-à-dire, en Nor­mandie, par exemple, des notions élémentaires sur le mode nor­rois primitif qui nous permettrait de maintenir le lien avec notre plus ancienne culture.

Et parce que pour vous l'aventure continue, pouvez-vous, pour les lecteurs de Nouvelles de Synergies Européennes, nous indiquer quelques prochaines pistes de lecture...

JM: Je n'ai pas à l'heure actuelle le projet d'écrire quelque grand document sur la Seconde Guerre mondiale, même si je suis loin d'en avoir terminé avec la vaste fresque des «corps d'élite», commencée voici près de trente ans chez l'éditeur Balland. Il me reste à écrire deux volumes de l'histoire des volontaires français sur le front de l'Est: 1943 et 1944. J'attends que mon jeune ami Eric Lefèvre me fournisse, comme cela a été dans le passé, les documents néces­sai­res à l'évocation de cette aventure. Je laisse à d'autres le soin d'évo­quer les motivations et les combats des volontaires baltes, ukrai­niens ou hongrois. Cela me demanderait trop de temps en recher­ches et traductions.

Après Béring et Amundsen, j'aurais eu envie de faire revivre d'autres explorateurs polaires comme le Suédois Nordenskjöld et le Danois Rasmussen. Mais le marché du livre et l'incuriosité du public sont tels que je n'envisage pas de me lancer dans ces aventures. Alors, je me concentre sur mes chroniques de Que lire? Le volume 6 est terminé et devrait paraître à la fin de cette année. J'en suis à plus de 450 écrivains et il reste environ deux cents auteurs que j'estime indispensable de traiter.

J'ai aussi l'intention de consacrer un livre à ce mystère qu'est la per­ma­nence de la Normandie depuis onze siècles. Mon projet d'une gi­gan­tesque histoire des écrivains normands, en plusieurs volumes, res­te pour le moment à l'état de notes et de fiches, faute d'avoir trouvé un éditeur assez entreprenant.

Quant au roman sur la dernière guerre dont j'ai l'idée depuis plus d'un demi-siècle, il sera peut-être réduit à une simple nouvelle.

De la part de la rédaction, M. Mabire, merci.

(Entretien recueilli par Laurent Schang)

 

 

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dimanche, 21 octobre 2007 | Lien permanent

Evola et l'espace germanophone

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Evola et l'espace germanophone

Alberto Lombardo

Ex : http://www.centrostudilaruna.it/

L'Allemagne et, en général, le monde de la culture allemande ont eu une importance centrale pour Evola. Dès son plus jeune âge, il apprend l'allemand afin d'aborder les œuvres de la philosophie idéaliste ; sa doctrine philosophique doit beaucoup à l'idéalisme, mais plus encore à Nietzsche, Weininger et Spengler. En 1933, il fait son premier voyage en Autriche ; tout au long des années 1930 et 1940, il continue à se tenir au courant des productions littéraires et philosophiques allemandes en lisant des essais scientifiques sur les différents sujets qu'il traite lui-même : de la Rome antique (Altheim) à la préhistoire (Wirth, Günther), de l'alchimie (Böhme) à la raciologie (Clauß, Günther encore), de la théorie politique (Spann, Heinrich) à l'économie (Sombart), etc. En général, compte tenu de l'appareil de notes, des références culturelles, et dans un équilibre qui tient compte de toutes les contributions, je ne pense pas du tout exagérer en affirmant que le poids des études publiées en allemand est au moins égal à celui des études italiennes dans l'ensemble de l'œuvre d'Evola.

41Dk9HPOYoL._SY445_QL70_ML2_.jpgTout cela est très révélateur de l'influence de la culture allemande sur l'œuvre d'Evola. Mais il faut ajouter d'autres données : en rappelant ici ce qui a été mentionné dans la biographie d’Evola, au premier chapitre, je me souviens de l’évocation des longs séjours d'Evola en Autriche et en Allemagne, des nombreuses conférences qui s'y sont tenues, de ses relations avec les représentants de la tradition aristocratique et conservatrice d'Europe centrale et de la révolution conservatrice, etc. En outre, dans les pays germanophones, Evola jouissait, au moins jusqu'à la fin de la Seconde Guerre mondiale, d'une notoriété différente de celle qu'il avait en Italie, car il y fut reçu comme l'exposant d'un courant particulier de la pensée italienne, et cela depuis 1933, année de la publication de Heidnischer Imperialismus. Voici l'opinion d'Adriano Romualdi sur le sujet : "L'action d'Evola en Allemagne n'était pas politique, même si elle a contribué à dissiper de nombreux malentendus et à préparer une entente entre le fascisme et le national-socialisme. Elle a investi le sens de ces traditions qui, en Italie et en Allemagne, ont été évoquées par les régimes, comme le symbole romain et le mythe nordique, le sens du classicisme et du romantisme, ou des oppositions artificielles, comme celle entre la romanité et le germanisme".

À partir de 1934, Evola tient des conférences en Allemagne : dans une université de Berlin, à la deuxième Nordisches Thing de Brême, et au Herrenklub de Heinrich von Gleichen, représentant de l'aristocratie allemande (il était baron) avec lequel il noue une "amitié cordiale et fructueuse". Evola a rappelé cette expérience importante en 1970 : « Chaque semaine, une personnalité allemande ou internationale était invitée à ce club de Junkers. Je dois dire, cependant, que si nous nous étions attendus à voir des géants blonds aux yeux bleus, la déception aurait été grande, car pour la plupart, ils étaient petits et ventrus. Après le dîner et le rituel des toasts, l'invité devait donner une conférence. Pendant que ces messieurs fumaient leurs cigares et sirotaient leurs verres de bière, j'ai parlé. C'est alors qu'Himmler a entendu parler de moi ».

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Il est en effet très probable que l'attention des milieux officiels pour Evola soit née après ses premières conférences en Allemagne. Ses relations avec le national-socialisme étaient ceux d’une collaboration externe, et surtout avec divers secteurs de la SS, dont l'Ahnenerbe ; Evola a exprimé des paroles très positives à l'égard de "l'ordre" dirigé par Himmler, même dans l'après-guerre, ce qui lui a valu, d'une part, la critique prévisible de ses détracteurs et, d'autre part a conduit à une réinterprétation - dans l'historiographie et le même "sentiment mondial" de la droite radicale d'après-guerre - du national-socialisme en tant que mouvement populaire dirigé par une élite guerrière-ascétique. Des nombreuses données d'archives publiées aujourd'hui, il ressort une image d'Evola qui a été prise en considération mais toujours soigneusement observée par les milieux officiels allemands.

Après la guerre mondiale, la renommée d'Evola dans les pays germanophones a diminué; son immobilité physique semble l'avoir empêché, entre autres, de poursuivre ses voyages à l'étranger. Ce n'est qu’au cours de ces dernières décennies qu'Evola a fait l'objet d'une sorte de redécouverte, grâce surtout à Hans Thomas Hansen, qui a traduit (et retraduit) une bonne partie de ses œuvres, avec le consentement d'Evola lorsqu'il était encore en vie, et qui est considéré à juste titre comme l'un des plus grands connaisseurs de la pensée et de la vie d'Evola. Outre la revue fondée et animée par Evola, Gnostika (qui, comme son titre l'indique, a des intérêts essentiellement ésotériques), ces dernières années, diverses activités sont nées qui s'inspirent de diverses manières de l'œuvre d'Evola, parmi lesquelles méritent d'être mentionnées les revues allemandes Elemente et Renovatio Imperii et surtout la revue autrichienne Kshatriya, dirigée par Martin Schwarz (auteur de la bibliographie la plus complète d'Evola à ce jour), avec une empreinte "d’orthodoxie évolienne" plus marquée. En outre, des conférences sur le penseur et des traductions de ses autres œuvres commencent s’organiser.

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En outre, le centenaire de la naissance d'Evola, en 1998, a été l'occasion pour diverses publications allemandes de se souvenir de lui avec de nombreux articles, parmi lesquels ceux qui ont été publiés dans la revue Nation & Europa (qui a été publié pendant un demi-siècle, et auquel Evola lui-même a collaboré au début des années 50), Criticon et la prestigieuse Zeitschrift für Ganzheitforschung, autre revue à laquelle Evola a contribué (au début des années 60) et qui a été fondée et dirigée pendant longtemps par Walter Heinrich (jusqu'à sa mort en 1984), qui était un grand ami d'Evola. Par curiosité, nous tenons à signaler que pour l'occasion, de nombreux groupes et ensembles musicaux allemands et autrichiens ont consacré un disque à l'écrivain traditionaliste, intitulé Riding the Tiger.

* * *

Bien que certains éléments politiques de l'histoire de l'Italie et de l'Allemagne semblent similaires (le processus d'unification nationale dans la seconde moitié du XIXe siècle, la participation commune à la Triple Alliance, l'Axe Rome-Berlin), Evola identifie dans la "tradition germanique" des traits qui différencient clairement - dans un sens positif - les pays germanophones de l'Italie. Ainsi, tout d'abord, "on peut dire qu'en Allemagne, le nationalisme démocratique de masse de type moderne n'a fait qu'une apparition fugace. […]. Le nationalisme en ce sens, sur fond démocratique, n'a pas dépassé le phénomène éphémère du parlement de Francfort de 1848, en liaison avec les soulèvements révolutionnaires qui, à cette époque, faisaient rage dans toute l'Europe (il est significatif que le roi de Prusse Frédéric Guillaume IV ait refusé l'offre, qui lui avait été faite par ce parlement, de devenir le chef de toute l'Allemagne car en l'acceptant, il aurait également accepté le principe démocratique - le pouvoir conféré par une représentation populaire – l’obligeant à renoncer à son droit légitime, même s'il était limité à la seule Prusse). Et Bismarck, en créant le second Reich, ne lui a pas du tout donné une base "nationale", voyant dans l'idéologie correspondante le principe de désordres dangereux pour l'ordre européen, tandis que les conservateurs du Kreuzzeitung accusaient le nationalisme d'être un phénomène "naturaliste" et régressif, étranger à une tradition et à une conception supérieures de l'État". En marge de cette forme "naturaliste" de nationalisme, les pays germanophones ont cultivé un esprit différent, celui du Volk, qui a animé l'esprit pangermanique. Le courant Völkisch, qui a également joué un rôle considérable dans la genèse du national-socialisme, trouve ses racines dans les discours de Fichte à la nation allemande, dans Arndt, Jahn et Lange et surtout dans le Deutschbund et la Deutsche Bewegung . C'est dans cette diversité d'origines que nous avons le premier écart entre l'Italie et l'Allemagne.

unnamedjessd.jpgMais les différences, du point de vue de l’environnement, sont beaucoup plus marquées. Dans son essai sur le Troisième Reich, qui décrit les courants culturels complexes et souvent irréductibles qui ont coopéré à sa genèse, Evola écrit : "Après la Première Guerre mondiale, la situation en Allemagne était nettement différente de celle de l'Italie. [...] Mussolini a dû créer presque tout à partir de rien, en ce sens qu'au moment de combattre la subversion rouge et de remettre l'État sur pied, il ne pouvait pas se référer à une tradition au sens le plus élevé du terme. Tout bien considéré, ce qui était menacé n'était que l'extension de l'Italie démocratique du XIXe siècle, avec un héritage du Risorgimento influencé par les idéologies de la Révolution française, avec une monarchie qui régnait mais ne gouvernait pas et n’avait pas d’articulations sociales solides. En Allemagne, les choses étaient différentes. Même après l'effondrement militaire et la révolution de 1918, et malgré le marasme social, il y avait encore des vestiges profondément enracinés dans ce monde hiérarchique, parfois encore féodal, centré sur les valeurs de l'État et de son autorité, faisant partie de la tradition précédente, en particulier du prussianisme. […]. En fait, en Europe centrale, les idées de la Révolution française n'ont jamais pris autant d'ampleur que dans les autres pays européens" .

A une occasion bien précise, Evola mentionne la théorie juridique du droit international de Carl Schmitt. Le philosophe politique allemand avait exprimé l'idée de l'effondrement du droit international coutumier européen (ius publicum europaeum), qui s'est produit, approximativement, après 1890, et l'affirmation conséquente d'un droit international plus ou moins formalisé. Ici, cependant, nous ne sommes pas entièrement de l'avis de Schmitt", écrit Evola, expliquant que "contrairement à l'opinion de beaucoup, en ce qui concerne l'action menée par Bismarck, tant en Allemagne qu'en Europe, tout n'est pas "en ordre". […]. Plus que Bismarck, il nous semble que Metternich a été le dernier "Européen", c'est-à-dire le dernier homme politique qui ait su ressentir le besoin d'une solidarité entre toutes les nations européennes qui ne soit pas abstraite, ou dictée uniquement par des raisons de politique "réaliste" et d'intérêts matériels, mais qui fasse également référence aux idées et à la volonté de maintenir le meilleur héritage traditionnel de l'Europe". Contrairement à Baillet, Evola était donc plutôt critique à l'égard de Bismarck, qui n'avait pas, selon la vision traditionnelle des évoliens, le courage de s'opposer de manière systématique et rigoureuse au monde moderne et à la subversion (sous sa forme économico-capitaliste), mais devait dans certains cas s'y résoudre.

411o7TsazkL.jpgLa même Allemagne de Frédéric II puis de Guillaume II, tout en conservant les structures et l'ordre d'un État traditionnel (Obrigkeitsstaat), dans lequel la même bureaucratie et le même appareil d'État apparaissaient presque comme les organes d'un ordre, contenait les germes de la dissolution, due aux idées des Lumières qui avaient commencé à filtrer - de façon plus subtile qu'ailleurs - dans les différentes instances. Si le jugement d'Evola sur le code de Frédéric, préservant l'ordre divisé en Stände est positif, c'est parce que, pour l'époque où il a été créé, ce code a mieux préservé que tout autre les structures féodales et hiérarchiques précédentes. Celles-ci, à travers la tradition prussienne, s'enracinent dans l'Ordre des Chevaliers Teutoniques et leur reconquête des terres baltes : un ordre ascético-chevaleresque formé par la discipline et une organisation hiérarchique stricte. Ainsi, dès son plus jeune âge, Evola pressent l'absurdité de la "guerre civile européenne" qu'il va devoir néanmoins mener, en tant que très jeune officier, à la frontière austro-italienne, celle du Karst : l'Italie prend parti contre ce qui reste de la meilleure tradition européenne. "En 1914, les Empires centraux représentaient encore un vestige de l'Europe féodale et aristocratique dans le monde occidental, malgré des aspects indéniables d'hégémonie militariste et quelques alliances suspectes avec le capitalisme présent surtout dans l'Allemagne wilhelminienne. La coalition contre eux était ouvertement une coalition du Troisième pouvoir contre les forces résiduelles du Deuxième pouvoir [...]. Comme peu d'autres dans l'histoire, la guerre de 1914-1918 présente toutes les caractéristiques d'un conflit non pas entre États et nations, mais entre les idéologies de différentes castes. Les résultats directs et attendus ont été la destruction de l'Allemagne monarchique et de l'Autriche catholique, les résultats indirects l'effondrement de l'empire du tsar, la révolution communiste et la création, en Europe, d'une situation politico-sociale si chaotique et contradictoire qu'elle contenait toutes les prémisses d'un nouvel embrasement. Et ce fut la Seconde Guerre mondiale" .

Comme mentionné ci-dessus, Evola a exprimé une opinion nettement positive sur la tradition autrichienne. La ligne dynastique continue des Habsbourg a joué un rôle important dans cette évaluation (Evola s'était exprimé en termes très positifs envers Maximilien Ier) ; dans la période où il vivait à Vienne, Evola a respiré ce qui restait de l'ancienne atmosphère de la Felix Austria (de « l’Autriche heureuse », et il est entré en contact avec ce climat culturel et spirituel et surtout avec des hommes chez qui, pour reprendre les mots d'Ernst Jünger, "la catastrophe avait certes quitté ses ombres [...], mais elle s'était limitée à en effacer la sérénité innée sans la détruire. On pouvait parfois voir [...] une patine de cette souffrance que l'on pourrait appeler autrichienne et qui est commune à tant de vieux sujets de la dernière vraie monarchie. Avec elle, on a détruit une forme de plaisir de vivre qui était inimaginable dans d'autres pays européens depuis des générations, et les traces de cette destruction se font encore sentir chez les individus. […]. Ici, dans le Reich, si l'on ne tient pas compte de l'épuisement général des forces, on commence tout au plus à constater la disparité des couches sociales ; ici, en revanche, les différences entre les différentes ethnies s'ouvrent comme des gouffres".

fotografia(6)95.jpgDans cet humus historique des années de l'entre-deux-guerres, dans lequel les liens sentimentaux et éthiques de beaucoup avec la tradition impériale précédente étaient encore forts - la monarchie des Habsbourg d'Autriche avait au moins formellement conservé, jusqu'au Congrès de Vienne, la propriété du Saint Empire romain - Evola a également eu l'occasion de percevoir directement l'attachement populaire généralisé à la monarchie, et de l'expliquer en ces termes : "Sans exhumer des formes anachroniques, au lieu d'une propagande qui "humanise" le souverain pour captiver les masses, presque sur le modèle de la propagande américaine pour les élections présidentielles, il faut voir dans quelle mesure les traits d'une figure caractérisée par une certaine supériorité et dignité innées peuvent avoir une action profonde, dans un cadre approprié. Une sorte d'ascétisme et de liturgie du pouvoir pourrait jouer un rôle ici. Précisément ces traits, s'ils renforceront le prestige de celui qui incarne un symbole, devraient pouvoir exercer sur l'homme grossier une force d'attraction, voire une fierté à l'égard du sujet. En outre, même à u

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mercredi, 23 décembre 2020 | Lien permanent

R. Steuckers: Petite histoire des Wandervögel

Petite histoire des Wandervögel

Robert Steuckers



Origines et racines culturelles :

- antécédents des guerres anti-napoléoniennes ; 1813 ; volontaires étudiants (Discours de Fichte ; mort au combat du poète Theodor Körner ; Jahn et ses sociétés de gymnastique);
- velléités nationales et révolutionnaires des Burschenschaften étudiantes ; opposition à l'Europe de la Restauration et de Metternich : pas de représentation populaire dans les assemblées décisionnaires ; opposition à la censure (attentat de l'étudiant Sand contre le poète, dramaturge et acteur réactionnaire Kotzebue) ; => 1848.

2nde moitié du XIXe siècle :

- Révolte générale contre les effets sociaux et esthétiques de l'industrialisation de l'Europe ;

- Angleterre: atténuer la laideur des villes industrielles : messages des poètes et des urbanistes. Pré-Raphaélites, mouvement des cités-jardins autour de l'artiste et architecte Ruskin, Mouvement dit des Arts & Crafts (jusqu'au début du XXe).

- Autriche : mouvement culturel revendiquant la réconciliation de l'art et de la politique.

- Allemagne : réunification en 1871 ; industrialisation outrancière ; révolte des philosophes et des poètes : Nietzsche, Langbehn (Rembrandt-Deutscher). Langbehn aura un impact prépondérant dans le développement des idées du mouvement de jeunesse allemand. Les choses de l'esprit, le donné naturel, l'âme simple des gens du peuple doivent recevoir priorité absolue sur l'esprit marchand et industriel, sur les choses construites par l'homme, sur les calculs de la bourgeoisie.

- 1896 : Hermann Hoffmann fonde une association d'étudiants en sténographie, liée au Lycée (Gymnasium) de Steglitz, une commune verte et non industrielle de la grande banlieue de Berlin. Une idée simple germe: la jeunesse ne peut pas rester prisonnière des cités enfumées de l'ère industrielle: elle doit sortir de cette cangue et partir en randonnée (mot magique en langue allemande: wandern). Résistance des autorités scolaires, contre les excursions proposées. Résistance balayée par les parents et des pédagogues moins classiques, conscients, grâce à leur lecture de Nietzsche et de Langbehn, que l'éducation doit quitter le trop-théorique pour prendre la vie et le réel à bras le corps.

- 1898 : 1ères excursions des lycéens de Steglitz sur les bords du Rhin ; 1899 : excursions de 4 semaines dans les forêts de Bohème. Ces 2 expéditions constituent une révolution dans le système éducatif de l'Allemagne wilhelminienne. Cette pédagogie non conventionnelle, ces excursions deviennent les symboles d'une révolte générale contre l'ordre établi (école, industrie, administration, etc.).

- Karl Fischer (19 ans, plus conscient de cette révolte que Hoffmann) prend le relais de son aîné : randonnées + critique fondamentale de l'ordre établi, au nom d'une éthique de l'austérité (anti-consumériste). Ses origines sont plus populaires (ni aristocrate ni bourgeois). Fischer instaure une discipline plus militaire et organise des excursions plus aventureuses : l'association des sténographes devient une Communauté alternative (à laquelle il donne le nom classique de Gemeinschaft).

- Le 4 novembre 1901, réunion dans une brasserie de Steglitz, présidée par Fischer : on y décide la fondation d'une association dénommée Wandervogel, Ausschuß für Schülerfahrten (= Oiseau migrateur. Commission pour les excursions scolaires). Veulent renouer avec la tradition médiévale des Vagantes, des escholiers pérégrinants.

- Introduction des soirées autour de feux de camp (dans la vallée de la Nuthe, près de Steglitz), visite de châteaux en ruines et de vestiges médiévaux (romantisme; enracinement dans l'histoire nationale) ; fêtes solsticiales ; romantisme de la montagne, des hauts sommets ; culte des lansquenets ; etc. Ces grandes idées ont été véhiculées par tous les mouvements de jeunesse idéalistes jusqu'à nos jours, y compris en France.

- Sous l'impulsion de Fischer, diffusion du mouvement dans toute l'Allemagne puis dans les Sudètes, à Prague et à Vienne. Le mouvement «Wandervogel» devient l'expression d'une jeunesse joyeuse, allègre, qui aime la musique, crée ses propres chansons et ses propres mélodies, etc. Mais elle commence à rêver d'un Jugendreich, d'un règne de la jeunesse, affranchi de la tutelle des adultes.

- En 1906, Fischer se retire du mouvement, s'inscrit à l'Université de Halle, puis part pour servir dans la marine allemande, dont une unité est casernée dans la forteresse de Tsing-Gao en Chine (il ne reviendra qu'en 1921, dans une Allemagne complètement transformée).

- Wilhelm Jansen (40 ans à l'époque) prend le mouvement en main : il veut créer une jeunesse énergique à l'âme forte. Il est un bon organisateur. En 1906, année où il prend ses fonctions, les 1ères sections féminines sont mises sur pied (Mädchenwandern), à l'initiative de Marie-Luise Becker. Au départ, hostilité à cette mixité et repli sur la masculinité (notion de Männerbund). A Iéna, les groupes mixtes sont acceptés sans aucune arrière-pensées.
=> scission : Wandervögel Deutscher Bund. 2 modes cohabiteront : la mixité et la masculinité exclusive (d'où le reproche récurrent d'homosexualité).

- Jansen quitte le mouvement
=> Hans Breuer, Hans Lissner, Edmund Neuendorff. Breuer, ancien lycéen de Steglitz, sera volontaire de guerre et tombera devant Verdun le 20 avril 1918. Il crée le chansonnier du mouvement, toujours d'actualité: le Zupfgeigerhansl.

- Toutefois la diffusion du mouvement de jeunesse Wandervogel est incompréhensible sans référence à la culture alternative qui se répandait en Allemagne à la même époque ; la figure-clef de ce renouveau culturel et métapolitique est l'éditeur Eugen Diederichs, qui fonde à Florence, Leipzig et Iéna une maison d'édition en 1896 (qui existe toujours aujourd'hui, sans renier son passé), la même année où Hoffmann lance son groupe d'excursionnistes sténographes à Steglitz. Diederichs est également inspiré par Langbehn et Paul de Lagarde. Mais il ne sombre pas dans un nationalisme étroit, il vise une universalité plurielle et alternative, qu'il oppose à l'universalisme monochrome et conventionnel du libéralisme dominant.

- On peut résumer la pensée et les objectifs de Diederichs en 8 points (que la dite révolution conservatrice radicalisera après 1918 :

1) donner priorité à la vie et au dynamisme (apport de Bergson, dont il sera l'éditeur allemand) ;
2) nécessité de promouvoir une nouvelle mystique religieuse, en dehors des institutions confessionnelles rigides ; recours aux patrimoines germaniques (Edda) ainsi qu'aux religiosités traditionnelles et non chrétiennes de Chine et d'Inde ;
3) valoriser un art organique (Langbehn, les Pré-Raphaëlites anglais, Ruskin et ses cités-jardins, les prémisses de l'art nouveau/Jugendstil) ;
4) retour au romantisme en littérature ;
5) revaloriser les liens légués par le sang et le passé ;
6) penser la nature (pensée écologique avant la lettre) ;
7) forger un socialisme dynamique, anti-bourgeois, éthique, inspiré de la Fabian Society anglaise, de Jean Jaurès et de Henri de Man ;
8) susciter sans relâche la créativité chez les adolescents (Raison pour laquelle Diederichs soutient le mouvement Wandervogel).

- Notons que Diederichs fonde lui-même une société juvénile et festive (alors qu'il a largement dépassé la quarantaine) : la société SERA, qu'il finance généreusement, où des artistes et des musiciens de renom viennent animer les initiatives. La société SERA fête les solstices, milite en faveur d'une joie de vivre débarrassée des conventions rigides.



- Grand moment de l'aventure Wandervogel : le grand rassemblement de la jeunesse allemande, tous groupes confondus, sur le sommet du Hoher Meissner en 1913. Le philosophe Ludwig Klages y prononce un discours sur la nécessité de préserver le donné naturel, inaugurant ainsi la pensée écologique qui ne cessera plus d'être virulente en Allemagne (sauf pendant les années 50 et 60). A partir de ce grand rassemblement, de nombreuses initiatives locales, étudiantes, lycéennes ou ouvrières se regroupent dans une structure souple et informelle qui reçoit le nom de Freideutsche Jugend.

- En 1914, la jeunesse se porte volontaire en masse pour la "Grande Randonnée" (Die Große Fahrt), qui se terminera tragiquement pour la plupart : des 12.000 Wandervögel d'avant-guerre, 7000 ne reviendront jamais des champs de bataille. 3 valeurs éthiques fondamentales animent ces jeunes volontaires : l'absence d'intérêts (matériels et personnels), l'altruisme et la camaraderie. Cette éthique s'exprime dans le livre de Walter Flex, disponible en français*, Der Wanderer zwischen beiden Welten (= Le Randonneur entre les 2 mondes).

* : voir
http://www.crevetabous.com ou http://www.geri-freki.com/livresneufs.htm

- Ernst Jünger*, récemment décédé, a également été jeune Wandervogel en 1911-12. Il dépassera l'éthique purement naïve et romantique du Wandervogel dans les tranchées et réfléchira sur l'irruption de la technique dans la guerre.
[* : cf. Nouvelle Ecole n°48,
http://www.labyrinthe.fr//Site2/edition.as...=NEC048&... ]

- Après 1918 : nécessaire réorganisation dans un climat de guerre civile entre Rouges et Corps Francs. Enrôlement de jeunes dans les Corps Francs en Silésie contre l'armée polonaise, dans le Corps Franc Oberland contre les Rouges en Bavière.

- 3 groupes dominent dans l'immédiat après-guerre : la Freideutsche Jugend (= la jeunesse libre-allemande), les Landesgemeinden (= communautés rurales) et le Kronacher Bund (la Ligue de Kronach). Mais ils connaîtront l'échec, vu l'impossibilité de réconcilier l'esprit Wandervogel d'avant 14, l'esprit des jeunes soldats revenus du front (désillusion, amertume, lassitude face aux discours trop idéalistes/cf. Jünger, déconfessionalisation, etc.), l'esprit de la "génération 1902", qui n'a pas eu le temps de connaître le front et l'idéalise outrancièrement et hors de propos. Volonté générale : pas d'activisme politique, ni gauche ni droite, mais toujours opter pour le "renouveau" (Bergson!).

- Une personnalité se profile : le manchot Ernst Buske, non mobilisé à cause de son terrible handicap, animateur dans le Reich en guerre des groupes de jeunes non encore mobilisés, inspirateur du Altwandervogel (une ligue qui entendait préserver les valeurs et l'esprit du 1er mouvement de Fischer), juriste professionnellement actif au service d'une association paysanne en Allemagne du Nord-Ouest, personnalité forte, tranquille, mûre, idéaliste, modeste, hostile à toute grandiloquence visionnaire, pragmatique. De 1920 à 1922, Buske fonde un nouveau concept : celui de Jungenschaft. En 1925-26, ce concept est à la base de la fondation d'un nouveau grand mouvement, la Freischar (= la libre bande), qui comptera de 10.000 à 12.000 membres, dont les 3/4 avaient moins de 18 ans. La Freischar regroupait de petites unités locales d'une moyenne de 16 jeunes. Buske meurt subitement en 1930.

- La Freischar a compté en son sein de fortes et célèbres personnalités du monde des lettres et de l'université, notamment les philosophes Hans Freyer, Leopold Dingräve (du Tat-Kreis révolutionnaire-conservateur), Eugen Rosenstock-Huessy (théoricien des révolutions européennes, que l'on range à tort ou à raison dans la catégorie de la révolution conservatrice) et l'activiste socialiste Fritz Borinski (auteur d'une excellente histoire du Wandervogel et des mouvements de jeunesse). A noter également la présence au sein de la Freischar de Johann Wilhelm Hauer, futur animateur de la Deutsche Glaubensbewegung (= Mouvement de la foi allemande), un mouvement souhaitant retourner aux racines religieuses de l'Europe et réhabiliter toutes les religiosités qui fondent les communautés humaines. Le thème central de la démarche de Hauer est effectivement la communauté. Il exprimera ses idées dans un mouvement de jeunesse plus philosophiques, le Köngener Bund (=Ligue de Köngen), qui organisera des colloques et des débats contradictoires très importants, notamment avec Martin Buber.


La Freischar: "Plus jamais de guerre".

- Matthias von Hellfeld, auteur d'ouvrages sur les mouvements de jeunesse allemands des années 30, mélangeant critique et enthousiasme, nous dresse un panorama des ligues de jeunesse de l'époque (Bündische Jugend), qui venaient de prendre le relais de la Freischar après le décès de Buske en 1930. M. von Hellfeld distingue :

1. Le courant idéaliste, fidèle à l'esprit de 1913 (Rassemblement sur le Hoher Meissner, discours de Klages) et à l'esprit de la Freideutsche Jugend. La Deutsche Freischar de Buske renoue avec cette tradition et entend concrétiser son rêve de Jugendreich par l'organisation régulière de "camps de travail" (Arbeitslager) où jeunes paysans, ouvriers et étudiants peuvent se retrouver pour construire une nation solidaire. L'esprit pragmatique de Buske a pu s'y exprimer. A sa mort, la direction du mouvement est reprise en main par l'Amiral von Trotha, adversaire en 1919 d'une élimination par la force armée des officiers putschistes de Kapp (ultra-droite; en fr. cf. le livre de Dominique Venner sur les Corps francs*). Beaucoup de jeunes voient d'un mauvais oeil le contrôle de ce vieil officier conservateur. D'où des dissidences ou, plus exactement, l'autonomisation de groupes menés par de jeunes chefs charismatiques.

[* : Histoire d'un fascisme allemand : les corps-francs du Baltikum et la révolution conservatrice de Dominique Venner, dispo sur
http://shop.upsylon.com/cgi-bin/librediff/00713.html... ou sur http://www.tilsafe.com/libfr/113-LRB-FPM.html... ]

Parmi eux :

- La Deutsche Jungenschaft von 1. 11 (= Les jeunes Allemands du 1 Novembre; en abrégé: d.j.1.11), dirigée par Eberhard Koebel , qui s'était déjà heurté à Buske en 1928 (Koebel n'est exclu de la Freischar qu'en 1930). Grande originalité de ce groupe : il appréhende le monde de la technique de manière plus positive que l'ancienne tradition idéaliste, véhiculée de Fischer à Buske. Plus rebelle mais aussi plus intellectuelle, la d.j.1.11 aborde des sujets philosophiques, littéraires, s'intéresse à l'architecture et aux courants de l'art contemporain. Elle fonde un théâtre, introduit le banjo et la balalaïka russe dans le folklore du mouvement de jeunesse. Les influences scandinaves, finnoise (la tente laponne dénommé dans le jargon des mouvements de jeunesse allemands, la Kohte) et russes sont prépondérantes. La d.j. 1.11 sort du cadre strictement allemand-germanique, voire européen quand elle se met à idéaliser le samourai japonais. Koebel, dit "tusk" depuis ses voyages en Scandinavie et en Finlande (tusk = allemand en langues scandinaves), crée un style nettement nouveau, un graphisme audacieux et moderne, plus dynamique et quelque peu futuriste. L'ensemble du mouvement de jeunesse tombe bon gré mal gré sous l'influence de cette étonnante modernité, y compris les groupements confessionnels, catholiques et protestants.

- La d.j. 1.11, fidèle à son romantisme scandinave, finnois et russe, a acquis une notoriété importante en Allemagne après avoir organisé une expédition sur les rives de l'Arctique et en Nouvelle-Zemble. "Tusk" en faisait évidemment partie et nous a laissé une description intéressante de la faune et des oiseaux des îles de l'Arctique. De même, on peut lire dans son carnet de bord, une fascination pour le jour éternel de la zone polaire en été.


Eberhard Koebel, dit « Tusk »

- Qualifié de "desperado du mouvement de jeunesse", Koebel ne trouve qu'un seul allié réel, le Suisse Alfred Schmid, chef du Graues Korps (= Le Corps Gris). Koebel fonde ensuite des "garnisons rouges-grises", dont la 1ère ouvre ses portes à Berlin en 1930. Ces garnisons sont des communautés d'habitation, où les jeunes peuvent vivre et loger, en dehors de toute tutelle adulte. En 1932, Koebel évolue vers le communisme et tente de mettre sa ligue au service du PC allemand, ce qui entraîne bon nombre de désaccords. Un ancien dira : «Je n'ai pas admis que Tusk ait envoyé des jeunes pour accompagner les colleurs d'affiches communistes dans les rues de Berlin».

- Parallèlement aux garnisons rouges-grises, Koebel fonde des "Kultur-Clubs", qui ont pour mission d'éduquer les jeunes "à la révolution et au socialisme". Cette orientation non déguisée vers le communisme marxiste provoque des scissions: la d.j.1.11 se scinde en 4 groupes. Quand les nationaux-socialistes prennent le pouvoir en 1933, Tusk est arrêté par la Gestapo. En juin 1934, il émigre en Suède puis en Angleterre. Il mourra à Berlin-Est en 1955.

- Autre évolution intéressante après la mort de Buske et toujours de le cadre de la jeunesse "idéaliste" (selon la classification de von Hellfeld) : les Nerother, surtout originaires de Rhénanie. Ceux-ci inaugurent des expéditions lointaines, plus lointaines encore que celles organisées par Tusk. Ainsi, on a vu des Nerother escalader les parois des Andes et revenir avec des films extraordinaires, présentées dans les salles de cinéma de toute l'Allemagne, pour financer le mouvement, qui ne comptera jamais plus de 1000 membres. Fondateurs du mouvement étaient les frères Oelbermann. Robert sera arrêté par la Gestapo et mourra à Dachau en 1941. Karl partira en Afrique pendant la guerre et ne reviendra que 19 ans plus tard dans une Allemagne complètement transformée.

 Réduction à 89% de la taille originale [ 572 x 600 ]

Nerother Bund

2) L'aile "völkisch" :

Plus nationaliste, moins liée à la tradition idéaliste et hégélienne, l'aile völkisch comprenait des mouvements comme les Adler und Falken (Aigles et Faucons), les Geusen (les Gueux), les Artamanen et la Freischar Schill. Les Artamanen fusionneront avec les services agricoles du IIIe Reich (leur activité principale avait été d'organiser des colonies agricoles dans les zones rurales de l'Allemagne et en Transylvanie roumaine, où vit une forte minorité allemande). Les ministres nationaux-socialistes Himmler (police) et Darré (agriculture) en firent partie. La Freischar Schill évolua vers le nationalisme-révolutionnaire, not. selon les directives des frères Strasser. Dirigée par Werner Lass, elle a pu bénéficier de la collaboration d'Ernst Jünger.

3) Les groupes nationaux-révolutionnaires :

Ils sont surtout animés par le Rhénan Hans Ebeling (Jungnationaler Bund - Deutsche Jungenschaft) et par le socialiste révolutionnaire Karl Otto Paetel, qui fondera le Gruppe sozial-revolutionärer Nationalisten (GSNR, en fr. : Groupe des Nationalistes sociaux-révolutionnaires). Paetel évoluera vers l'anti-fascisme, s'engagera côté républicain pendant la guerre civile espagnole, connaîtra un exil new-yorkais où il contribuera à lancer le mouvement contestataire de la Beat Generation dans les années 50. Il reviendra en Allemagne pour y mourir en 1969.

Citons encore la Schwarze Jungmannschaft de Heinz Gruber et la Bündische Reichsschaft de Kleo Pleyer.

A partir de 1933 vient la mise au pas progressive des ligues de jeunesse jugées trop indépendantes. Les jeunesses hitlériennes absorbent petit à petit les militants jeunes, marginalisant les chefs (Koebel, Paetel, Ebeling) et les contraignant à l'émigration.

Que conclure de ce panorama ?

- Les principes énoncés par Diederichs dans le cadre de sa maison d'édition et de son groupe SERA restent valables, non seulement sur le plan philosophique ou idéologique mais aussi et surtout sur le plan politique; une traduction politique de ce programme en huit points me paraît possible aujourd'hui, vu que ces 8 points résument parfaitement des problématiques qui travaillent, pour le meilleur comme pour le pire, la sphère politique européenne.
- Le discours écologisant du philosophe Klages en 1913 sur le sommet du Hoher Meissner reste valable, en tant que texte fondateur de l'écologie fondamentale.
- Le pragmatisme de Buske reste valable.
- Les démarches philosophiques de Hauer restent valables: à l'individualisme et au collectivisme, il faut opposer la notion de communauté (communauté de travail, de combat, d'étude, de survie, de loisirs, etc.).
- Les innovations de Tusk sur le plan du graphisme et sur le plan de l'audace restent valables, même si on ne partage pas son engagement communiste des années 32-33. L'idée de faire des expéditions lointaines intéressantes reste valable. L'idée de ramener des documents sonores et filmés également.


Aujourd'hui, à la lumière de ce passé, un mouvement de jeunesse doit :

- conserver l'esprit du Wandern, surtout dans son propre pays. La redécouverte du terroir régional/national est un impératif de réenracinement, mais aussi un mode de contestation des voyages de masse sans aventure, où tout est prépéparé, nivelé, patronné et mâché d'avance (Club Med, etc.).
- combiner cet esprit randonneur avec un engagement philosophique cohérent et solide (modèles : Diederichs, Hauer), puis organiser cette cohérence sur le plan pratique (création d'une maison d'édition ; celle de Diederichs a tenu le coup jusqu'à aujourd'hui <elle a été fondée en 1896> en dépit des crises économiques allemandes de 1918-23, 1929, 1945-49 ; les colloques de Hauer se sont poursuivis après 1945 et le relais a été pris à sa mort ; l'initiative qu'il a lancée se poursuit toujours).
- ne pas se limiter aux randonnées, mais ne pas s'enfermer non plus dans les spéculations philosophiques stériles ;
- reste le problème de l'engagement politique: il est exact que du temps de Tusk, par exemple, le jeune idéaliste était soit nationaliste soit communiste et souvent son choix oscillait entre ces deux extrêmes. Aujourd'hui, la donne a changé dans la mesure où, comme le disait l'hebdo français Marianne, les jeunes de notre décennie n'ont plus que des soucis limités: faire de l'argent, refuser toute formation culturelle, refuser tout service à autrui, refuser de penser la politique, etc. Toutes les idéologies politiques dominantes sont responsables de ce désastre pédagogique et anthropologique, y compris les partis qui leur ont servi de véhicule. Rien qu'avoir le souci de la Cité aujourd'hui constitue déjà une contestation radicale du pouvoir en place. Donc un acte politique.

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lundi, 25 juin 2007 | Lien permanent

PRESSESCHAU 1/März 2010

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1 / März 2010

Einige Links.

Bei Interesse anklicken...

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Deutsche Bewegung

Deutsche Bewegung, von W. Dilthey geprägte und durch den Pädagogen H. Nohl eingeführte Bezeichnung für die Blütezeit der deutschen Geistesgeschichte zwischen 1770 und 1830. Nach den Epochen überwiegender Fremdbestimmung (Renaissance, Humanismus, Barock, Klassizismus) stelle sie die erste Epoche eigenständiger deutscher Selbstverwirklichung nach dem Mittelalter dar: in der Dichtung (Sturm und Drang, Klassik, Romantik), der Philosophie (deutscher Idealismus), der Entdeckung der geschichtlichen Welt und des deutschen Mittelalters (J. Möser, J.G. von Herder, Romantik), der Neubegegnung mit der Antike (J.J. Winckelmann, Goethe, Schiller, Hölderlin), der Sprachdeutung und -erforschung (J.G. Hamann, Herder, J. Grimm, W. von Humboldt), der Entstehung des Nationalbewußtseins (J.G. Fichte, E.M. Arndt, F.L. Jahn), der Staatsauffassung (W. von Humboldt, Freiherr vom Stein). Die Epoche hat die Entwicklung der europäischen Geistesgeschichte nachhaltig beeinflußt.

Literatur: H. Nohl: Die Deutsche Bewegung. Vorlesungen und Aufsätze zur Geistesgeschichte von 1770–1830, herausgegeben von O.F. Bollnow und F. Rodi (1970).

(Brockhaus-Enzyklopädie, 19., völlig neubearb. Aufl., Bd 5, Mannheim 1988)

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Schwarzes Erdbeben
Von Claus Wolfschlag
Der alte weiße Mann ist ein Übel, weshalb sich die europäische Welt auch in eine „bunte“, eine „farbige“ Welt umzuwandeln habe. Vor einigen Tagen ermöglichte es die Frankfurter Rundschau in einem Interview dem Schweizer Soziologen Jean Ziegler, die These von der angeblichen Schuld des weißen Mannes neu in den Ring zu werfen.
http://www.sezession.de/12376/schwarzes-erdbeben.html#more-12376

Armeeführung unter Terrorverdacht
Ideologische Schlacht um die Zukunft der Türkei
Von Boris Kálnoky
Plante das Militär einen Putsch, oder sind die Vorwürfe gegen die verhafteten Generäle haltlos? Derzeit wird die gesamte türkische Armeeführung von 2004 unter Terrorverdacht verhört. Details der Verfahren werden gezielt über islamische Medien verbreitet, die der Regierung von Recip Tayyip Erdogan nahestehen.
http://www.welt.de/politik/ausland/article6555130/Ideologische-Schlacht-um-die-Zukunft-der-Tuerkei.html

Despot in Rage
Gaddafi ruft zum Dschihad gegen die Schweiz auf
Muammar al-Gaddafis Angriffe gegen die Schweiz werden immer schriller: Nach monatelangen diplomatischen Querelen ruft Libyens Staatschef nun zum Heiligen Krieg gegen die Alpenrepublik auf. Als Begründung nennt er das Minarett-Verbot der Eidgenossen – und fordert einen „Kampf mit allen Mitteln“.
http://www.spiegel.de/politik/ausland/0,1518,680418,00.html

Hier noch ein älterer Artikel, in dem es ebenfalls um Gaddafi geht ...
„Wenn ihr so viele tausend Ausländer ins Land laßt, braucht ihr zu eurem Schutz irgendwann einen Diktator.“
http://www.tagesspiegel.de/meinung/kommentare/art141,2823203

Medien-Streit
Auf den Stinkefinger folgt das Hakenkreuz
Als „Betrüger in der Euro-Familie“ betitelt der „Focus“ das verschuldete Griechenland, zeigt dazu Aphrodite mit dem Stinkefinger. Die griechische Presse reagiert empört mit einer Montage der Göttin Viktoria auf der Siegessäule mit einem Hakenkreuz. Nun folgen Proteste und eine Beschwerde beim deutschen Botschafter.
http://www.welt.de/politik/deutschland/article6534983/Auf-den-Stinkefinger-folgt-das-Hakenkreuz.html

Jetzt wird die Nazikeule erst richtig rausgeholt ...
Griechen erheben Nazi-Vorwürfe gegen Deutsche
Am Tag des Generalstreiks lenkt die griechische Regierung ihr Augenmerk auf Deutschland: Griechenland sei für die Nazi-Besatzung im Zweiten Weltkrieg nicht entschädigt worden, sagt Vize-Regierungschef Theodoros Pangalos. Und stellt – vor dem Hintergrund horrender Staatschulden – Forderungen.
http://www.welt.de/wirtschaft/article6536961/Griechen-erheben-Nazi-Vorwuerfe-gegen-Deutsche.html

Öl befeuert den Falkland-Konflikt
Von Thomas Kielinger
Argentinien ist wütend über Bohrungen rund um britisches Territorium und will die Vereinten Nationen einschalten – Proteste gegen London
http://www.welt.de/die-welt/politik/article6566828/Oel-befeuert-den-Falkland-Konflikt.html

Kampf gegen Terror
Bushs Folter-Juristen bleiben ohne Strafe
http://www.tagesspiegel.de/politik/international/Terrorkampf-Terror-CIA-Folter;art123,3036511

Kommentar
Die Deutschen haben recht mit ihrer Euroskepsis
Von Jörg Eigendorf
Die Deutschen glauben immer weniger an die Europäische Union. Und sie liegen richtig. Vor dem Hintergrund der Griechenlandkrise zeigt sich deutlich: Die EU ist eine Schönwetterveranstaltung. Unfähig, Spielverderber zur Vernunft zu bringen. Und diese Krise trifft die Menschen direkt in ihrem Geldbeutel.
http://www.welt.de/debatte/kommentare/article6544740/Die-Deutschen-haben-recht-mit-ihrer-Euroskepsis.html

DAS GROSSE ZITTERN UM DIE EUROPÄISCHE GEMEINSCHAFTSWÄHRUNG
Experte: Zusammenbruch des Euro nur eine Frage der Zeit
http://www.bild.de/BILD/politik/wirtschaft/2010/02/13/euro-zusammenbruch/experte-nur-noch-eine-frage-der-zeit.html

Herman ist Europas 1. Präsident
http://www.bild.de/BILD/politik/2010/01/02/herman-van-rompuy/ist-europas-erster-praesident.html

Du bist Terrorist:
http://www.dubistterrorist.de/
http://rettedeinefreiheit.de/
http://www.spiegel.de/media/0,4906,15385,00.swf

Was will man uns damit sagen ...
Verbrecher in Deutschland sind männlich
http://www.op-online.de/nachrichten/deutschland/verbrecher-deutschland-sind-maennlich-643938.html

Profildebatte in der CDU
Frustrierte Rechte machen gegen Merkel mobil
Von Philipp Wittrock
Angela Merkel hatte gehofft, die leidige Profildebatte in der CDU sei beendet. Doch jetzt formiert sich eine neue Basis-Initiative: Enttäuschte Rechtskonservative wettern gegen den „Linkstrend“ bei den Christdemokraten – und sammeln eifrig Unterstützer.
http://www.spiegel.de/politik/deutschland/0,1518,678809,00.html

Konservativ ist in der CDU fast ein Schimpfwort
http://www.welt.de/politik/deutschland/article5850528/Konservativ-ist-in-der-CDU-fast-ein-Schimpfwort.html

Hamburg: CDU stürzt ab
Von Insa Gall; Florian Hanauer
Umfrage zur Halbzeit der Legislaturperiode – 69 Prozent unzufrieden mit Arbeit des Senats
Zur Halbzeit der Legislaturperiode ist die Hamburger CDU in der Gunst der Wähler regelrecht abgestürzt. Würde am Sonntag gewählt, verlören die Christdemokraten im Vergleich zur Bürgerschaftswahl 2008 ganze 11,6 Prozentpunkte und kämen nur noch auf 31 Prozent. Damit lägen CDU und SPD erstmals seit dem Machtwechsel 2001 wieder gleichauf, denn auch die Sozialdemokraten erhalten 31 Prozent.
http://www.welt.de/die-welt/regionales/article6513797/CDU-stuerzt-ab.html

Angebot an Sponsoren
NRW-CDU verkauft Gesprächstermine mit Rüttgers
Von René Pfister
Jürgen Rüttgers gerät durch eine Finanzaffäre unter Druck: Nach SPIEGEL-Informationen bietet die nordrhein-westfälische CDU zahlungskräftigen Sponsoren exklusive Gesprächstermine mit dem Ministerpräsidenten an – für Tausende Euro.
http://www.spiegel.de/politik/deutschland/0,1518,679130,00.html

Gespräche gegen Geld
Rüttgers opfert seinen Generalsekretär
Die Sponsoring-Affäre droht dem nordrhein-westfälischen Ministerpräsidenten Rüttgers schwer zu schaden – nur zweieinhalb Monate vor der Landtagswahl. Jetzt nahm Hendrik Wüst, Generalsekretär der Landes-CDU, alle Schuld auf sich und trat zurück.
http://www.spiegel.de/politik/deutschland/0,1518,679547,00.html

Deutsche Kanzlerin Merkel ein Stasi-Spitzel?
http://www.schweizmagazin.ch/2009/04/13/deutsche-kanzlerin-merkel-ein-stasi-spitzel/

Miserables Zeugnis: Sarrazin giftet gegen Merkels „gefährliche“ Politik
Gegen Merkels Regierungskurs hagelt es schon länger Kritik von allen Seiten. Die Wirtschaftsweisen warfen der Kanzlerin gar eine „Münchhausen“-Politik vor, weil sie behauptet hatte, die Staatsverschuldung lasse sich durch Wachstum abbauen. Merkel ließen die Vorhaltungen stets kalt. Doch jetzt schießt auch die Bundesbank gegen sie. Vorstandsmitglied Sarrazin attackierte sie scharf.
http://www.handelsblatt.com/politik/deutschland/miserables-zeugnis-sarrazin-giftet-gegen-merkels-gefaehrliche-politik%3B2490228

Hier schreibt ein ganz Schlauer ...
Landtagswahlen in NRW: Zu Besuch bei den Islamhassern
Mit Parolen gegen Moscheen, Muslime und Migranten versucht die Partei Pro NRW in den Landtag einzuziehen. Mit Neonazis will man nichts zu tun haben, gibt sich als Bürgerbewegung aus. Eine moderne Rechte oder ein Häuflein von gestern? Ein Besuch beim Parteitag. Von Lenz Jacobsen
http://www.stern.de/politik/deutschland/landtagswahlen-in-nrw-zu-besuch-bei-den-islamhassern-1545093.html

Ganz NRW unter der Lupe
Tunnel, Bahnen, Brücken – alles wird geprüft
Der Pfusch-Verdacht beim Ausbau der U-Bahn in Düsseldorf ruft Landesregierung, Behörden und Staatsanwaltschaft auf den Plan. Landesweit sollen sämtliche Großprojekte im U- und Straßenbahnbau der vergangenen 40 Jahre überprüft werden, außerdem Brücken und Tunnel.
http://www.rp-online.de/panorama/deutschland/Tunnel-Bahnen-Bruecken-alles-wird-geprueft_aid_824286.html


Die besoffene Margot Käßmann: Wasser predigen, Wein trinken
Von Robin Classen
Die Ratsvorsitzende der Evangelischen Kirche in Deutschland (EKD), Margot Käßmann, wurde am Samstagabend, mitten in der Fastenzeit, mit 1,54 Promille im Blut von der Polizei angehalten. Ohne mit dem Finger auf die Verfehlungen von Mitmenschen deuten zu wollen; schließlich ist Irren und Sündigen menschlich; ist es doch von Zeit zu Zeit notwendig, auf bestimmte Merkwürdigkeiten hinzuweisen. Merkwürdigkeiten, wie die doch auffällige Häufung an Verfehlungen, mit der Margot Käßmann seit ihrer Amtseinführung im Oktober 2009 gestraft wurde. Ob hier böse Geister am Werk sind?
http://www.blauenarzisse.de/v3/index.php/anstoss/1377-die-besoffene-margot-kaessmann-wasser-predigen-wein-trinken

Verhütungsmittel
Bremen fordert Gratis-Pille für Hartz-IV-Empfänger
Um die Zahl der ungewollten Schwangerschaften bei Hartz-IV-Empfängerinnen zu reduzieren, setzt sich das Bremer Gesundheitsressort für die staatliche Finanzierung der Verhütungsmittel ein. Wird der Vorschlag gebilligt, folgt eine entsprechende Bundesratsinitiative.
http://www.welt.de/politik/deutschland/article6433278/Bremen-fordert-Gratis-Pille-fuer-Hartz-IV-Empfaenger.html

Hartz-IV-Debatte: Soziale Wärme durch weniger Geld
Von Felix Menzel
Die Hartz-IV-Debatte ist in vollem Gang. FDP-Chef Guido Westerwelle hat jetzt noch einmal in der BILD am Sonntag nachgelegt und gefordert, Arbeitslose sollten Schnee schippen. Außerdem müsse der Staat aufpassen, daß sie das Geld für ihre Kinder nicht „in einen neuen Fernseher“ investieren. Um dies zu verhindern, sollten Bildungsgutscheine und Ganztagsschulen an die Stelle von finanziellen Zuwendungen treten.
http://www.sezession.de/12497/hartz-iv-debatte-soziale-waerme-durch-weniger-geld.html

Dem Steuerzahler ein Notwehrrecht!
Von Thorsten Hinz
In der letzten Zeit habe ich merkwürdige Anwandlungen, von denen meine gesetzestreue, biedere Seele bis vor kurzem nicht wußte, daß sie überhaupt möglich sind: Ich entwickle Verständnis für die Steuerhinterzieher, die ihr Geld in die Schweiz verfrachtet haben und nun zittern. Knapp 500 Millionen Euro sollen durch Selbstanzeigen bereits zusammengekommen sein, doch nicht mal Schadenfreude will deswegen bei mir aufkommen.
http://www.jungefreiheit.de/Single-News-Display-mit-Komm.154+M55265042f25.0.html


Der Polizist Bernd Merbitz ...
Von Götz Kubitschek
... ist einer der Verantwortlichen dafür, daß aus dem geplanten Trauermarsch der Jungen Landsmannschaft Ostdeutschland am 13. Februar in Dresden eine Standkundgebung wurde. Merbitz, seines Zeichens Polizeipräsident von Sachsen, begründete das passive Vorgehen der Polizei gegen die Blockierer von links mit einem Hinweis auf deren Gewaltlosigkeit.
Diese Einschätzung teilen weder wir (die wir vor Ort waren), noch etwa die Deutsche Polizeigewerkschaft, die sich mittels einer Pressemitteilung indirekt, aber vehement gegen ihren Polizeipräsidenten stellt.
http://www.sezession.de/12665/der-polizist-bernd-merbitz.html#more-12665
http://www.dpolg-sachsen.de/aktuelles/150210-presserklaerung/index.html

Dresden: Bomben vor 65 Jahren
Keinen Raum den Faschisten
http://www.sueddeutsche.de/kultur/67/503291/text/

Nachtrag zu Dresden: Fundstück aus dem Jahre 1963:
Sodom in Sachsen
LUFTKRIEG
Sieben Tage und acht Nächte lang stand die Stadt in Flammen. Ihre Menschen wurden verbrannt, erschlagen, vergiftet. Die berstenden Mauern begruben 135 000 Tote, 75 000 mehr als in Hiroshima.
http://www.spiegel.de/spiegel/print/d-45143910.html

Düsseldorf
Neuer Gastprofessor
Avi Primor holte Joschka Fischer
http://www.rp-online.de/duesseldorf/duesseldorf-stadt/nachrichten/Avi-Primor-holte-Joschka-Fischer_aid_822059.html

Afghanistan-Debatte
Lammert schließt Linke von Bundestagssitzung aus
In der Bundestagsdebatte über den Afghanistan-Einsatz der Bundeswehr ist es zu einem Eklat gekommen. Bundestagspräsident Norbert Lammert schloß die Linksfraktion von der Sitzung aus, weil sie mit Protestplakaten gegen den Einsatz demonstriert hatte. Über den Einsatz darf die Oppositionspartei aber wieder abstimmen.
http://www.welt.de/politik/deutschland/article6568721/Lammert-schliesst-Linke-von-Bundestagssitzung-aus.html

Debatte um katholischen Mißbrauch
Die Grünen, der Sex und die Kinder
Mißbrauch von Kindern als Folge der sexuellen Revolution? Auf Bischof Mixas Äußerungen folgte zu Recht Entrüstung. Ganz vorne dabei: die Grünen – und die hatten zum Thema Sexualität und Kinder einst Abenteuerliches zu sagen. Eine kleine Zeitreise von Jan Fleischhauer
http://www.spiegel.de/politik/deutschland/0,1518,678961,00.html

Elton John: „Jesus war ein schwuler Mann“
http://www.promiflash.de/elton-john/201002191815-elton-john-jesus-war-ein-schwuler-mann

Frankfurter Städel erforscht seine NS-Vergangenheit
http://www.welt.de/die-welt/kultur/article6499295/Frankfurter-Staedel-erforscht-seine-NS-Vergangenheit.html

Stadt Offenbach
Demo gegen NPD geplant
Jusos und andere Gruppen mobilisieren
http://www.fr-online.de/frankfurt_und_hessen/nachrichten/stadt_offenbach/2350146_Demo-gegen-NPD-geplant-Jusos-und-andere-Gruppen-mobilisieren.html

„Bewegung Morgenlicht“
Ein-Euro-Jobber nach Anschlägen in Frankfurt in U-Haft
http://www.faz.net/s/RubFAE83B7DDEFD4F2882ED5B3C15AC43E2/Doc~EAD3668DAC79D4F90B7AC22B05F7658F1~ATpl~Ecommon~Scontent.html?rss_googlenews

Deutsch-jüdische Symbiose
Von Ellen Kositza
Als ich gestern früh beim Müllrausbringen, ungekämmt und angetan mit u.a. einer Kittelschürze und übergroßen Schuhen von Kubitschek, in die ich schnell geschlüpft war, auf dem Weg zur „Gelben Tonne“ im Schnee ausrutschte und hinfiel, war mein erster Gedanke ziemlich absurd (...)
http://www.sezession.de/12623/deutsch-juedische-symbiose.html#more-12623

Melita Maschmann – Ein Nachruf
Von Karlheinz Weißmann
Es gibt den Fall, daß Menschen unserer Aufmerksamkeit entgleiten, auch dann, wenn sie in der Öffentlichkeit eine Rolle spielten, auch dann, wenn man ihren Lebenslauf mit Interesse verfolgt hat. Irgendwann verschwinden sie, ziehen sich freiwillig zurück, aus Altersgründen, weil sie ihre letzten Jahre in Ruhe verbringen wollen, beschränken sich auf eine private Existenz.
http://www.sezession.de/12456/melita-maschmann-ein-nachruf.html

Bundesrepublikanische Probleme ...
Geschichte
Kapelle mit Baumaterial aus Hitlers Berghof?
http://salzburg.orf.at/stories/424682/

Tondokument
Wie Hitlers Stimme wirklich klang
Ein finnischer Radiotechniker zeichnete 1942 heimlich ein Männergespräch auf: Darin erklärt Hitler einem finnischen General den Kriegsverlauf. Bis heute ist dies die einzige bekannte Aufnahme, auf der man den „Führer“ im normalen Gesprächston hört. SPIEGEL TV über ein außergewöhnliches Tonband.
http://www.spiegel.de/sptv/magazin/0,1518,319655,00.html

Hochinteressant (auch inhaltlich!) ...
Adolf Hitler secret recording 1942, part 1
http://www.youtube.com/watch?v=wkLKfClUiHQ&feature=channel

Adolf Hitler secret recording 1942, part 2
http://www.youtube.com/watch?v=kLlCEQ2wVsA&feature=channel

Adolf Hitler secret recording 1942, part 3
http://www.youtube.com/watch?v=PTdsvkWBGlo&feature=channel

Debatte um nationale Identität in Frankreich ...
Weder ein Volk noch eine Sprache
Von Alain de Benoist
„Waterloo“, „Begräbnis der politischen Klasse“, „bedingungslose Kapitulation“, „gravierende politische und ideologische Niederlage“: Die Kommentare zum Abschluß der im vergangenen Oktober von Staatspräsident Nicolas Sarkozy ausgerufenen „großen Debatte über die nationale Identität“ fallen eindeutig und einhellig aus. Echte Ergebnisse hat diese Debatte nicht gebracht, und ob der beschlossenen Maßnahmen weiß man kaum, ob man lachen oder weinen soll.
http://www.jungefreiheit.de/Single-News-Display-mit-Komm.154+M51268507178.0.html

Große Überraschung ...
Integrationsbeauftragte Böhmer
„Alarmierend hoher Migrantenanteil bei Hartz IV“
Die Integrationsbeauftragte Maria Böhmer ist beunruhigt über die hohe Migranten-Quote unter den Hartz-IV-Beziehern und mahnt bessere Sprachkenntnisse und eine gute Bildung an. Auch Kanzlerin Merkel beschäftigt das Thema Hartz IV. Sie verlangt Verbesserungen – doch der FDP ist das zu wenig.
http://www.welt.de/politik/deutschland/article6477554/Alarmierend-hoher-Migrantenanteil-bei-Hartz-IV.html

Frankfurt am Main: Abschied von der Integration
Frankfurt kommt nicht zur Ruhe. Nachdem letzte Woche der Hessische Rundfunk Enthüllungen über den Bau der dritten Moschee im Stadtteil Hausen an die breite Masse der Bevölkerung verbreitete (PI berichtete), und somit die Aussagen der damaligen BI Hausen – heute PI-Frankfurt – bestätigte, wurde von der Fraktion der Freien Wähler im Römer am 10. Februar 2010 nun eine Expertise zum Integrationskonzept von Dr. Nargess Eskandari-Grünberg vorgestellt.
http://www.pi-news.net/2010/02/frankfurt-am-main-abschied-von-der-integration/#more-118870

Kriminalität
Bande terrorisiert Hamburger Hochhaussiedlung
Von André Zand-Vakili
Straßenschlägereien, Drogenhandel, Raub und lebensgefährliche Raserei – die Kriminalität am Hamburger Mümmelmannsberg gerät außer Kontrolle. Eine „multi-ethnische Bande“ terrorisiert seit Jahren die Hochhaussiedlung. Die Polizei scheint machtlos, denn die meist jungen Intensivtäter sind gut organisiert.
http://www.welt.de/vermischtes/article3693816/Bande-terrorisiert-Hamburger-Hochhaussiedlung.html

Offenbach
Für Polizei und Staatsanwaltschaft sind türkische Kickbox-Zwillinge Schutzgelderpresser
Brutale Sponsoren-Suche
Von Thomas Kirstein
Offenbach – Das als „Fight Club“ firmierende Kampfsportstudio in der Großen Marktstraße stellt auf seiner aufwendigen Internet-Seite viele derjenigen vor, die sich als Sponsoren verdient machen.
Folgt man der Offenbacher Staatsanwaltschaft und der Kriminalpolizei, dann haben sie nicht freiwillig finanzielle Beiträge geleistet. Vielmehr sollen die meist türkischstämmigen Betreiber von Spielotheken, Wettbüros, Kiosken, Gaststätten, Telecafés und einem Hotel durch massiven Druck seitens zweier Landsleute und ihrer Helfershelfer zu regelmäßigen Zahlungen genötigt worden sein – aus anfänglich 50 Euro im Monat wurden bald 300.
Klarer Fall von Schutzgelderpressung, meinen Ankläger und Ermittler. Als Drahtzieher und Hauptakteure gelten die als Kampfsport-Trainer tätigen Zwillinge Deniz und Devrim Akarsu, beide 1977 in Offenbach geboren und türkische Staatsbürger.
http://www.op-online.de/nachrichten/offenbach/brutale-sponsoren-suche-636353.html

Raubüberfall mit unerwartetem Finale
Wir berichten immer wieder über Fälle von Migrantengewalt, bei denen sich das Opfer vermeintlich wehrlos seinem Schicksal ergibt. Etwas anders verlief am Samstag ein Raubüberfall im Bonner Stadtteil Pützchen. Dort holte sich ein „südländischer“ Täter von seinem Opfer eine blutende Nase.
http://www.pi-news.net/2010/02/raubueberfall-mit-unerwartetem-finale/
http://www.general-anzeiger-bonn.de/index.php?k=loka&itemid=10490&detailid=703394


Schweinfurt
„Ehrenmord“?: Türkin stirbt durch Attacke des Vaters
http://www.zeit.de/newsticker/2010/2/24/iptc-bdt-20100224-201-24004588xml

Eine ganz normale Woche in München
„Dank“ der Political Correctness ist es bekanntlich ziemlich schwierig herauszufinden, welcher Nationalität ein Straftäter angehört, da die Medien die entsprechenden Informationen meist verschweigen. Auf der Seite der Polizei München ist das – noch – anders, hier hat man keine Hemmungen, die (traurigen) Tatsachen beim Namen zu nennen. Jeden Tag außer samstags werden dort Straftaten veröffentlicht. Ein PI-Leser hat sich einmal die Mühe gemacht und die Veröffentlichungen der vergangenen Woche hinsichtlich Nationalität bzw. Migrationshintergrund analysiert.
http://www.pi-news.net/2010/02/eine-ganz-normale-woche-in-muenchen/

Massenschlägerei bereichert Fasnachtsumzug
Im bernischen Langenthal kam es beim örtlichen Karneval zu einem politisch inkorrekten Zwischenfall: Ausscherende Fasnächtler hatten einen Wagen mit Minarett und Initiativplakat gezimmert (Foto). Auf der Spitze stand offenbar ein „echter Muezzin“, denn er habe nach Bericht der „Berner Zeitung“ während des Umzugs „gröbere Sprüche“ gemacht und „blöd heruntergeplärrt“ – wie sich das eben gehört. Ungehörig fanden es jedoch südländische Jugendliche, die sich empörten, einen Streit anfingen und dabei ein paar eidgenössische Fäuste ernteten.
http://www.pi-news.net/2010/02/massenschlaegerei-bereichert-fasnachtsumzug/

Fasnachtsschlägerei: Jetzt sprechen die „Freaks“
Noch immer wird der fasnächtliche Minarettwagen und die anschließende Massenschlägerei in Langenthal (PI berichtete) in den Schweizer Medien heftig diskutiert. Vor allem die Frage, von wem der Streit zwischen einer Gruppe junger Dachdecker aus der Region und 20 jugendlichen Ausländern ausging, steht im Raum. Ein Ausländer sagte der „Berner Zeitung“, die Dachdecker wollten bewußt prügeln und seien mit Schlagringen bewaffnet gewesen. Alles gelogen, meinen die Dachdecker gegenüber PI.
http://www.pi-news.net/2010/02/fasnachtsschlaegerei-jetzt-sprechen-die-freaks/#more-120807

Gene lassen uns Gesichter erkennen
Von Pia Heinemann
London – Offenbar ist die Fähigkeit, ein Gesicht zu erkennen, nichts, was wir im Laufe der Kindheit erlernen.Wissenschaftler des University College in London berichten in PNAS über Hinweise darauf, daß in den Genen jedes einzelnen verankert ist, wie gut Gesichter erkannt werden können.Und offenbar ist die Arbeit, die das Gehirn beim Erkennen von Gesichtern leisten muß, wesentlich höher und komplizierter als bei anderen kognitiven Prozessen, etwa der Worterkennung. Die Wissenschaftler haben für ihre Studie eineiige und zweieiige Zwillinge getestet. „Gesichtserkennung ist eine Fähigkeit, die wir jeden Tag benötigen“, sagt Hirnforscher Brad Duchaine.
http://www.welt.de/die-welt/wissen/article6514900/Gene-lassen-uns-Gesichter-erkennen.html

Verkehrskonzept Speedway
Die elektrische Autobahn
Von Jürgen Pander
In seiner Diplomarbeit hat Designer Christian Förg das Reichweiten-Problem von Elektroautos gelöst – und gleich noch ein zukunftsweisendes Verkehrssystem entwickelt. Speedway heißt das Projekt. Die Prüfer an der FH München bewerteten es mit der Note 1,0.
http://www.spiegel.de/auto/aktuell/0,1518,678168,00.html

Abrisse in Wien
Historische Schutzzone in der Leopoldstadt in Auflösung begriffen
http://www.idms.at/index.php/meldungen-nach-bundesland/meldungen-wien/97-wien2/173-historischeschutzzoneinderleopoldstadtinaufloesungbegriffen

Weißrußland erklärt Rammstein zum Staatsfeind
http://www.stern.de/kultur/musik/weissrussland-erklaert-rammstein-zum-staatsfeind-1545542.html

Rammstein darf in Weißrußland auftreten
http://www.merkur-online.de/nachrichten/stars/rammstein-darf-weissrussland-auftreten-644355.html

Jud Süß ausgepfiffen und ausgebuht
http://www.moviepilot.de/news/jud-suess-ausgepfiffen-und-ausgebuht-105462
http://film-insider.de/info/94417/

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jeudi, 04 mars 2010 | Lien permanent

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