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Le Shâhnâmeh ou Livre des Rois de Ferdowsi

Le Shâhnâmeh ou Livre des Rois de Ferdowsi

par Arefeh Hedajazi

Ex: http://mediabenews.wordpress.be/

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Abolghâssem Hassan ben Ali Ferdowsi, grand maître de la langue persane, fut une personnalité aussi légendaire que ses héros. Du jeune noble, lettré et bien élevé, qui décide de transcrire sous forme d’un immense ouvrage épique les légendes et les mythes de l’ancienne Perse, au vieux sage usé et fatigué qui, vers la fin de sa vie, nous conte les tourments de son âme en peine, l’itinéraire de ce héros inclassable et obstiné est unique. Il fut noble dehghân, poète de cour, satiriste, chef de file du mouvement sho’oubbieh et surtout, l’auteur du Shâhnâmeh ou Livre des Rois, recueil épique de 120 000 vers, où l’histoire de l’Iran ancien rejoint celle des autres civilisations antiques. Même si, pour les persanophones du monde entier, Ferdowsi est non seulement un poète, mais il constitue également un patrimoine personnel destiné à chaque membre de cette communauté. La vie de ce maître est, telle celles de ses héros, entourée de légendes et de mystères qui ne donnent que plus de valeur à la place qu’il tient unanimement dans le cœur de tout iranien.

Dans la traduction arabe du Shâhnâmeh réalisée par Albandâri datant approximativement de l’année 1223, le nom de Ferdowsi est « Mansour ben Hassan ». Il apparaît ailleurs sous le nom de « Hassan ben Ali » ou  » Hassan ben Eshagh Sharafshâh ». Pour les chercheurs, c’est la version de la traduction arabe du Livre des Rois par Albandâri qui paraît la plus probable. Son patronyme « Abolghâssem Ferdowsi » est quant à lui unanimement accepté et il n’existe pas de doute au sujet de son exactitude.

Ferdowsi est né à Baj dans la région de Touss. La date précise de sa naissance est inconnue mais les divers recoupements permettent de croire qu’il est né en 940 ou 941. De ses études, on ne sait pas grand-chose mais il connaissait certainement la littérature persane et arabe. Certains pensent que Ferdowsi aurait pu être zoroastrien. C’est une idée totalement fausse. Comme toujours avec les auteurs, le meilleur moyen de connaitre exactement leur biographie est de prendre en compte ce qu’ils en ont dit dans leurs œuvres. D’après les biographes officiels et Ferdowsi lui-même, il était musulman chiite, d’une optique proche de celle des Mo’tazzelleh. C’est ce que dit également Nezâmi Arouzi dans ses Quatre Articles. Ferdowsi présente son chiisme dans l’introduction du Shâhnâmeh :

Tu ne verras point de tes deux yeux le Créateur

Ne les fatigue donc point à Le voir

Par ailleurs, dans beaucoup d’autres vers, il loue l’Imam Ali et c’est dans son Hajvnâmeh, recueil satirique, qu’il montre le plus franchement son appartenance au chiisme. D’autre part, Ferdowsi s’est toujours montré fidèle à ses idéaux et son patriotisme ne doit pas être pris pour une tendance zoroastrienne. Le Maître de Touss était monothéiste, et en de très nombreux endroits de son Livre des Rois, il loue Dieu l’unique et parle de Son Unicité et de Son Immatérialité. Sa plus célèbre louange est celle qui introduit

le Shâhnâmeh :

Tu es le haut et le bas de ce monde

Je ne sais point ce que Tu es,

Tu es tout ce que Tu es.

Ferdowsi était noble et descendait d’une très vieille famille de propriétaires terriens. Cette naissance et cette situation familiale jouèrent sans aucun doute un rôle important dans la formation du jeune Ferdowsi. Premièrement car en tant que noble persan, il s’était familiarisé très jeune avec l’histoire mythique de l’Iran antique. Il est intéressant de noter qu’en la matière, Ferdowsi n’est que le digne héritier des Khorâssânis : quand les Arabes musulmans envahirent l’Iran en l’an 641, toute la cour sassanide, ainsi que les grands administrateurs de cet empire immense se réfugièrent dans la région du Khorâssân, qui comprenait également à cette époque une partie de la Transoxiane. C’est pourquoi, après l’arabisation forcée de la culture iranienne qui ne s’est pas fait sans résistance, ainsi qu’avec la politique de discrimination raciale mise en œuvre par les califes omeyyades, la région du Khorâssân, géographiquement la plus lointaine de la capitale du califat, devint le centre de la résistance iranienne culturelle, religieuse et même militaire et politique. Ce d’autant plus que le Khorâssân était, dès avant l’islam, une satrapie particulièrement importante étant donné qu’elle avoisinait les tribus nomades et très peu civilisées de l’Asie centrale et que par conséquent, les habitants avaient depuis très longtemps un patriotisme à la limite du chauvinisme qui ne fit que s’exacerber avec les exactions arabes. Après l’invasion arabe et la migration de l’élite sassanide, qui parlait une langue noble, le dari, c’est-à-dire la langue du « darbar » (la cour), cette province devint le bastion des défenseurs de l’identité persane, symbolisée par le dari. C’est par la voie de cette langue, qui se répandit rapidement et perdit son statut de langue privilégiée, que les légendes et les mythes de l’ancienne Perse, rassemblés dans des textes religieux tels que le Khodâynamak ou « Le Livre divin », ou dans des semi biographies narrant l’histoire des rois perses, telles que les multiples Tâj namak ou « Livre des couronnes », commencèrent à circuler, narrés par les conteurs ambulants ou sous forme de contes pour enfants. C’est pourquoi Ferdowsi le Tousssi, pur enfant du Khorâssân, connaissait, comme tous les habitants de cette région, les mythes de l’Iran préislamique.

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Siyâvosh et Afrâsiyâb sur le terrain de chasse, artiste inconnu, Shâhnâmeh du Shâh Esmâïli, 1564

Il est d’ailleurs intéressant de souligner ici le rôle des vieilles familles patriciennes de propriétaires terriens, les « dehghâns », d’où était issu Ferdowsi, dans la préservation du patrimoine littéraire et culturel persan. En effet, lors des premiers siècles de l’histoire de l’Iran islamique, à l’époque où la politique d’arabisation des Ajams ou adorateurs de feu qu’étaient les Iraniens au regard des Arabes était appliquée par les califes avec la plus grande rigueur, ce furent ces familles qui, beaucoup plus que les rois, furent les mécènes des artistes persans et les protecteurs du patrimoine culturel iranien.

L’autre importance qu’eût le statut familial de Ferdowsi dans la rédaction de son livre fut l’aspect financier. En tant que propriétaire, Ferdowsi vécut et travailla son ouvrage magistral sur ses terres sans être inquiété par la nécessité d’avoir un emploi. Il est vrai que trente-cinq après le commencement de la rédaction du Livre des Rois, le poète n’était plus qu’un octogénaire fatigué et appauvri, ayant perdu ses terres, sa fortune engloutie par son œuvre, qui cherchait un mécène.

La rédaction du Shâhnâmeh

C’est vraisemblablement dès avant la mort de Daghighi, son prédécesseur dans la rédaction du Shâhnâmeh, que Ferdowsi a commencé à versifier les mythes anciens. Semblable en cela en la plupart des poètes du Xème siècle, Daghighi est un poète très peu connu. La plupart des auteurs de cette période ne sont connus qu’à travers les œuvres des autres écrivains ou de par quelques rares vers qui nous sont parvenus à travers les anthologies. De Daghighi, l’on sait qu’il fut poète lyrique, qu’il vécut à la cour des Ghaznavides et qu’il était très talentueux, au point d’en être célèbre dans cette cour pourtant si riche en poètes. Grâce à son talent, Daghighi était capable de manier tous les genres et de jongler avec tous les styles. C’est pourquoi, quand en poète Khorassani, il décida comme tant d’autres avant lui, de mettre en vers les mythes de la Perse, il put, comme il l’avait fait en tant qu’auteur lyrique, impressionner en tant que poète épique dans son Gashtasbnâmeh. Mais Daghighi avait un mauvais caractère, querelleur et belliqueux. Ses contemporains poètes ont préféré garder le silence à ce sujet ou se sont cantonné à y faire allusion. Ferdowsi dit de lui que, malgré sa jeunesse, ses dons et son talent, il avait le mal en lui et que c’est de par sa propre faute qu’il perdit la vie. En effet, Daghighi mourut jeune, tué par son esclave, alors qu’il avait à peine rédigé cinq cents distiques de son Gashtasbnâmeh.

C’est probablement la mort de Daghighi, qui n’avait qu’à peine eu le temps d’entreprendre sa compilation des mythes de l’Iran antique, qui provoqua chez Ferdowsi le désir de continuer cette compilation. D’après les divers recoupements, on a estimé que le travail de la rédaction du Shâhnâmeh fut définitivement entamée entre les années 980 et 982, à une époque très troublée par les dissensions qui opposaient les trois héritiers du gouverneur de Khorâssân, et les escarmouches ravageuses qui opposaient les armées du roi samanide à celle du roi bouyide, que Ferdowsi évoque dans son ouvrage. Autre indice, Ferdowsi fait également état d’une famine violente l’année où il termina la version première du Livre des Rois ; d’après un historien du XIIème siècle, Attabi, cette famine sévit de 992 à 994, ce qui correspond à la date déterminée par les chercheurs.

D’après les recherches des biographes, à ce moment là, Ferdowsi avait déjà exercé sa plume à versifier quelques unes des légendes anciennes.

Parmi les divers travaux d’écriture que Ferdowsi avait déjà amorcés quand il commença la rédaction du Shâhnâmeh, l’on peut citer la légende de « Bijane et des sangliers », également connue sous le nom de « Bijane et Manijeh ». Cette légende, qui forme l’un des chapitres du Livre des Rois, a été très visiblement écrite par un Ferdowsi à la plume encore inexpérimentée, un Ferdowsi qui n’a pas encore trouvé sa vitesse de croisière et son style particulier, précis et puissant, c’est-à-dire par Ferdowsi jeune, quelques années avant qu’il ne se lance de façon sérieuse dans la rédaction de son œuvre. La légende de « Bijane et les sangliers » est donc le premier chapitre rédigé du Livre des Rois. D’ailleurs, cette légende était visiblement très connue au Xème siècle car de nombreux auteurs l’ont cité dans leurs ouvrages. On peut mentionner les vers de Manoutchehri, qui compare la nuit à la chevelure de Manijeh et au puits de Bijane, ainsi que quelques uns des vers de Ferdowsi lui-même, qui prouvent que cette légende inspirait à l’époque non seulement les gens de lettres, mais également et beaucoup plus les architectes, les décorateurs et les graveurs.

Quand il commença sa « compilation », Ferdowsi ne possédait pas encore le manuscrit du Gashtasbnâmeh. En effet, Daghighi venait à peine de mourir et son ouvrage inachevé n’avait pas encore été copié pour le public. C’était un vrai désagrément pour Ferdowsi car il avait besoin de cet ouvrage en tant que référence. Son rythme de travail risquait de se ralentir lorsqu’un ami bienfaiteur lui fit don du manuscrit du Shâhnâmeh d’Abou-Mansouri, le plus vieux des Shâhnâmeh en prose connu à ce jour.

Ce Shâhnâmeh ainsi que celui d’Aleman furent les deux principaux ouvrages de référence de Ferdowsi dans la mesure où le maître se servit de références écrites. Car contrairement à ce que les chercheurs ont longtemps cru, de nombreux chapitres du Shâhnâmeh ne trouvent pas leur source dans les deux ouvrages de référence cités plus haut. De fait, ces chapitres faisaient partie des contes et des légendes qui circulaient librement dans la société du Khorâssân et qui étaient connus par tous.

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Garsiva rencontre Siyâvosh, artiste inconnu, Shâhnâmeh, XVe siècle

Ainsi, Ferdowsi raconte dans l’un de ces chapitres qu’une nuit, l’inspiration lui manquant, son épouse, le voyant troublé et énervé, lui prépara une collation qu’elle lui servit tout en lui narrant en pahlavi l’une de ces légendes. Cette légende fut la référence principale du chapitre de Rostam et Esfandyâr. Il est intéressant de noter que Ferdowsi précise que la légende lui fut contée dans la langue pahlavi. Comme nous l’avons précisé plus haut, c’est avant d’avoir accès au manuscrit du Livre des Rois d’Abou-Mansouri que Ferdowsi commença à mettre en vers certaines légendes de l’ancienne Perse. C’est pourquoi, il n’avança pas dans l’ordre classique. Il préféra choisir les épisodes légendaires selon ses propres goûts et selon le plan général qu’il avait pour son Livre des Rois. C’est donc après avoir rédigé le livre dans son intégralité qu’il le remania entièrement et plaça les épisodes

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mardi, 20 novembre 2012 | Lien permanent

Extraits de la revue de presse de Pierre Bérard (13 mai 2019)

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Extraits de la revue de presse de Pierre Bérard (13 mai 2019)

Ex: http://metapoinfos.hautetfort.com

Au sommaire :

Emission de deux heures consacrée par Radio Méridien Zéro au dernier colloque de L’Institut Ilade, Europe, l’heure des frontières. Successivement, interview de Jean-Yves Le Gallou, du Rucher  patriote, François Bousquet qui résume le positionnement de la revue Éléments par la formule avoir un pied dans le système et un pied hors du système, d'un artisan du bois qui fabrique des objet de cuisine, de l’un des chroniqueurs de Sputnik Édouard Chanot, de Jean Peusse, géographe, de l’équipe artistique qui a confectionné les tentures exposées au colloque, d'un participant de la promotion Marc Aurèle, Romain Le Cap qui présente une exposition d’art liée à L’Institut qui aura lieu en septembre, de Sieghilde qui fabrique des objets de la quotidienneté dans des matières nobles, d'Anne-Laure Blanc qui insiste sur la transmission de l’héritage par la littérature-jeunesse, de Benoît Couëtoux pour terminer qui évoque la formation dispensée par L’Institut Iliade dont l’objectif est de créer un réseau d’influence centré sur l’héritage européen remplaçant ainsi un école défaillante :

 
Nous découvrons, dans un tribune publiée par Le Figaro, cet article de Mathieu Bock-Côté qui réfléchit aux propos du président Macron lors de sa conférence de presse du 25 avril qui disait vouloir pour la France un « patriotisme inclusif ».

" Dans sa conférence de presse du 25 avril, Emmanuel Macron a dit vouloir pour la France un « patriotisme inclusif ». La formule, qui se voulait positive, a peut-être néanmoins écorché certaines oreilles dans la mesure où elle laissait entendre que le patriotisme français, jusqu’à tout récemment, avait été « exclusif ». Doit-il connaître une mue idéologique pour redevenir moralement acceptable ? En quoi le patriotisme français d’hier et d’avant-hier échouait-il le test humaniste de l’hospitalité ? On serait en droit de poser la question à ceux qui se réclament de cette notion : que veut dire devenir inclusif ? Quels critères distinguent le bon patriotisme du mauvais ? Le patriotisme tragique du général de Gaulle était-il suffisamment inclusif ? On l’aura compris, en termes macroniens, le patriotisme français devrait passer de la société fermée à la société ouverte, ce qui n’est peut-être qu’une manière de reconduire en de nouveaux termes le clivage apparemment insurmontable entre progressistes et populistes que les premiers cherchent à imposer.

[...]

Le patriotisme inclusif témoignerait d’un autre rapport au monde. D’ailleurs, la formule n’est pas neuve. En 2013, le rapport Tuot, qui avait suscité un certain écho médiatico-politique, avait cherché à l’imposer en plaidant pour le modèle de la « société inclusive », délivré de toute conception substantielle de l’identité française, comme si cette dernière était autoritaire et poussiéreuse.

[...]

Pour peu qu’on traduise ce vocabulaire propre à la novlangue diversitaire, on retrouve tout simplement l’idéologie multiculturaliste.

[...]

Dans la perspective multiculturaliste, le peuple historique qui formait le corps de la nation n’est plus qu’une communauté parmi d’autres dans la société plurielle. Il doit consentir à son déclassement symbolique et consentir à une forme de décolonisation intérieure. S’il le refuse, il devient dès lors le principal obstacle à la reconstruction d’une nation véritablement inclusive, dans la mesure où il refuserait d’accepter une différence déstabilisant ses certitudes. Une telle posture serait condamnable.

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L’OJIM s’interesse également à Mathieu Bock-Côté pour la parution de son dernier essai L’Empire du politiquement correct. Essai sur la respectabilité politico-médiatique  paru récemment aux Editions du Cerf dans la mesure ou l’auteur y décrypte l’idéologie dominante qui s’étale dans les médias. Comme d’habitude l’OJIM se livre à un travail salutaire :

 
Analyse du discours d’Emmanuel Macron lors de sa conférence de presse. L’auteur le désigne comme un Narcisse maladif :
 
 
 
Très belles réflexions d’Alain Finkielkraut au sujet de l’incendie de Notre-Dame de Paris. Pour lui le patrimoine est autre chose qu’un « filon touristique », c’est la présence des morts, un vestige palpable du passé. La présence de Notre-Dame rehausse de sa beauté et de sa spiritualité notre vie sur terre. C’est parce que nous sommes aussi des « habitants » que  nous avons besoin de ces choses durables qui résistent à l’érosion du temps. Pour que l’émotion qui nous étreint ne demeure pas sans lendemain, ajoute-t-il, il convient que la politique retrouve son sens. La politique n’est pas seulement comme elle tend à le devenir, gestion du processus vital (« bio-politique » comme disait Michel Foucault ou « administration ménagère » comme disait Anna Arendt). La tâche du politique est aussi de rendre le monde habitable, et l’une des bases de l’habitabilité c’est la beauté. Alors qu’Anne Hidalgo annonce fièrement que la cathédrale sera prête, pimpante pour les jeux olympique elle dévoile son jeu, celui du filon touristique, et celui de la vision économiste et marchande du monde. L’indécence du propos révèle, si besoin est, l’obscénité de nos gouvernants tous ancrés dans le culte du veau d’or. On notera également que Finkielkraut regrette que parler de racines soit devenu « réactionnaire » selon la doxa dominante et que donner une définition substancielle de la France soit prendre le risque d’exclusion des nouveaux arrivants si bien que dans notre pays même il est loisible d’afficher une identité quelle qu’elle soit à la condition de ne jamais faire mention de la notre ce que confirme la définition de l’Europe moderne selon le sociologue allemand Ulrich Beck : « Vacuité substancielle, ouverture radicale » (première référence).
L’émission qui promet d’être hebdomadaire reprend les recettes de L’esprit de l’escalier, toujours avec Elisabeth Lévy comme sparring-partner et tout cela dans un nouvel écrin au nom évocateur de 
« Réacnroll » qui s’annonce comme la web-télé des « mécontemporains » (deuxième référence)  :
 
 
 
Dans un article où il rappelle la tribune des 1170 conservateurs du patrimoine, architecte et professeurs qui estiment que 5 ans ne suffiront pas pour mener à bien les travaux de rénovations, Olivier Bost dénonce toutes les dérogations mises en place par le gouvernement pour précipiter les travaux de réfection de Notre-Dame de Paris. Visiblement Emmanuel Macron, homme pressé, entend faire de ce chantier une marque de sa mégalomanie de président bâtisseur en se passant des experts du patrimoine. On peut donc s’attendre au pire de la part de celui qui se veut le chef de file des « progressistes » :
 
 

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Extrait d’une réaction désabusée de l’architecte Rudy Ricciotti sur l’architecture contemporaine. « Si une façade du XIX siècle pouvait être décrite par 100 mots, aujourd’hui la façade d’un immeuble contemporain ne peut pas être décrite par plus de 3-4 mots ». Il célèbre également la beauté de Notre-Dame de Paris et déplore le manque de personnalité des bâtiments de notre époque ;
 
 
Michel Drac dans sa dernière vidéo rend compte de l’excellent livre de François Bégaudeau Histoire de ta bêtise. Drac ne cache pas son admiration pour cet écrivain d’ultra gauche qui a su, dans ce livre, prendre du recul face aux sermons de sa classe d’origine, en gros la bourgeoisie de gauche et les petits bourgeois d’extrême gauche, pour nous livrer un panorama consternant de leur cinéma. Les explications de Michel Drac pointent cependant l’impensé de l’auteur, ce qui fait de son exposé une bible pour la dissidence :
 
 
L’Inactuelle a eu l’excellente idée de republier un entretien revigorant de Cornelius Castoriadis sur l’écologie politique. Il y déclare, entre autre pépite, que « le politique est une architectonique de la cité dans sa totalité. Elle a de cette manière rapport au sacré, par son ancrage dans un récit, une histoire, un passé, un présent et un avenir, sans quoi le monde moderne s’effondrera sous le joug de la volonté de puissance de la techno-science… »  :
 

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lundi, 13 mai 2019 | Lien permanent

Carleton Coon: Histoire de l'Europe & Sur les Allemands

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Carleton Coon et l'histoire de l'Europe

par Joakim Andersen 

Source: https://motpol.nu/oskorei/2021/12/08/carleton-coon-och-europas-historia/

Parmi les phrases les plus lapidaires de la nouvelle droite figure l'idée que "l'avenir appartient à ceux qui ont la mémoire la plus longue". En bref, le désintérêt pour l'histoire et l'identité a des conséquences. En même temps, l'histoire est un sujet fascinant en soi, au-delà de tout aspect politico-instrumental. Ceci est particulièrement vrai pour l'interface entre l'histoire et l'anthropologie physique. Quiconque a connu les forums Internet du début des années 2000 se souvient de fils de discussion tels que "classez Georg Wilhelm Friedrich Hegel", où diverses célébrités étaient classées selon les catégories de l'anthropologie physique. Tout cela faisait appel à la même curiosité humaine sur les racines et l'appartenance que la généalogie et les tests ADN, et généralement les utilisateurs eux-mêmes étaient également classés. Des termes comme nordide, brachycéphale, cro-magnonide, PalSup (Paléolithique Supérieur), réduit, Hallstatt et Brünn étaient largement utilisés.

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Parmi les classiques de l'anthropologie physique, nous trouvons The Races of Europe de Carleton S. Coon, datant de 1939. S'appuyant principalement sur les squelettes de nos ancêtres, mais aussi sur la linguistique, l'archéologie, les peintures et les sources écrites, Coon a reconstitué l'histoire fascinante de notre continent, tout en s'intéressant à des régions connexes telles que la Corne de l'Afrique, l'Iran et la Turquie. Coon n'avait pas accès aux preuves génétiques d'aujourd'hui, mais ses conclusions recoupent dans une large mesure la recherche génétique contemporaine. Par exemple, il a conclu, sur la base d'anciens restes osseux, que "la souche néandertalienne ne s'est pas éteinte, mais est passée dans le stock génétique de l'homme moderne", théorie longtemps considérée comme pseudo-scientifique et redécouverte seulement récemment par les généticiens.

Coon a établi un lien entre l'héritage de Neandertal et les personnes de grande taille qui vivaient en Europe et en Afrique du Nord au cours du Paléolithique supérieur, ou PalSup en abrégé. Ces "PalSup" étaient physiquement des géants, mais pas au sens biblique. Coon a écrit que "les hommes étaient plus grands que les humains moyens de tous les pays européens modernes, à l'exception de l'Islande et du Monténégro, mais pas plus grands que les Américains modernes. Les femmes, par contre, étaient vraiment petites". Cette population indigène a persisté jusqu'au Mésolithique, l'âge de la pierre de chasse. Coon écrit à leur sujet que "dans l'ensemble des traits du visage, à quelques exceptions près, on peut dire que les hommes du Paléolithique supérieur ressemblaient aux hommes blancs modernes. Certains, cependant, ressemblaient probablement à un certain type d'Indiens d'Amérique... cette comparaison, il faut le rappeler, est entièrement morphologique, puisque nous ne connaissons pas la pigmentation, la forme ou la répartition des cheveux de l'homme du Paléolithique supérieur".

Aujourd'hui, l'anthropologie physique est complétée par l'anthropologie génétique, avec des termes tels que SHG (Scandinavian Hunters-Gatherers, ou chasseurs-cueilleurs scandinaves; voir illustrations ci-dessous) et WHG (Western Hunters Gatherers ou chasseurs-cueilleurs occidentaux). Coon a déploré que la couleur des yeux et des cheveux ne puisse être évaluée lorsque l'on ne dispose que de squelettes, mais la recherche génétique contemporaine suggère que les SHG étaient relativement dépigmentés.

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Nos ancêtres du paléolithique ne formaient pas nécessairement un groupe entièrement homogène ; Coon a décrit des sous-groupes tels que les Borreby, les Brünn et les Afalou d'Afrique du Nord, ces derniers datant d'avant que le Sahara ne devienne un désert. Il a supposé que l'héritage de ces aborigènes du paléolithique subsiste dans certaines parties de leurs terres ancestrales, notamment dans certaines régions de Scandinavie, de Frise, de Fehmarn et chez les Berbères actuels. La recherche archéogénétique contemporaine suggère qu'il avait raison, le groupe du paléolithique supérieur (ou des chasseurs-cueilleurs) constitue l'un des trois principaux éléments du patrimoine génétique de l'Europe moderne. Dans certaines parties de l'Europe méridionale, ils ont été plus ou moins complètement remplacés par de nouveaux venus de l'Est, ce qui n'est pas le cas en Europe du Nord.

Dès le mésolithique, des migrations en provenance de la région méditerranéenne orientale ont eu lieu. Les archéogénéticiens d'aujourd'hui parlent d'EEF, Early European Farmers. Coon a parlé des Méditerranéens, "la grande famille des types raciaux étroitement liés qui ont une tête longue, orthognathe, mésorrhine ou leptorrhine, un visage étroit et une taille de tête moyenne". Dans certaines parties de l'Europe, ils ont remplacé les aborigènes, dans d'autres, l'héritage paléolithique ave l'épée a délogé l'apport de la Méditerranée. Coon a distingué plusieurs vagues et types sur le pourtour de la Méditerranée, dont les bâtisseurs mégalithiques qui ont atteint la Scandinavie et dont l'héritage est encore perceptible ici. Il est intéressant de noter que les conclusions de l'auteur sont, là encore, conformes aux recherches actuelles.

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À propos de la Sardaigne, il écrit que "la Sardaigne et la Corse étaient peuplées au début du Néolithique par une race de Méditerranéens bruns, dolichocéphales, de petite taille, venant probablement de plusieurs régions, notamment des côtes européennes adjacentes, de l'Afrique du Nord et de la Méditerranée orientale. Les immigrations ultérieures d'autres peuples méditerranéens n'ont que peu affecté la composition raciale de ces îles". La Sardaigne est aujourd'hui considérée comme l'un des endroits où le patrimoine du FEE est le plus important.

Le troisième élément de la mosaïque européenne est aujourd'hui décrit comme les éleveurs de la steppe occidentale (WSH). Ces nomades aristocrates ont atteint l'Europe depuis les steppes, apportant avec eux, entre autres, les langues indo-européennes et un élément renouvelé dans le type des chasseurs-cueilleurs (EHG et CHG, chasseurs-cueilleurs de l'Est et du Caucase). Même Coon les a identifiés et décrits, notamment sous le nom de Bell Beaker (ci-dessous, première illustration) et Corded (ci-dessous, deuxième illustration). À propos de cette dernière, il a écrit que "sur la base des preuves matérielles également, il est probable que les Cordés soient venus de quelque part du nord ou de l'est de la mer Noire".

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Dans ce livre, Coon passe en revue des éléments tels que l'histoire et le patrimoine des peuples germaniques, la périphérie védoïde du sud-est, les Basques, les Turkmènes et les peuples finno-ougriens. Le livre est plein de curiosités. À propos des Monténégrins, par exemple, il écrit que "le type Vieux-Monténégrin, concentré dans la frange montagneuse sud-ouest du Monténégro, juste au nord du lac de Scutari, dans la partie la plus conservatrice du royaume sur le plan culturel, et le centre ethnique de la nation monténégrine, n'est ni plus ni moins qu'une survivance ou une réémergence locale du Paléolithique supérieur brachycéphale non réduit, comparable à celles que l'on trouve en Europe du Nord et en Afrique du Nord. Sa croissance jusqu'à une taille extrême est une spécialisation locale". On nous dit aussi que la "règle du 1%" n'est pas seulement une invention anglo-saxonne mais a aussi un équivalent arabe ("le produit du mélange reste, en règle générale, dans la catégorie des Hojeri"). Il est intéressant de noter qu'un phénomène que Coon a nommé réémergence est que des formes plus anciennes qui ont été temporairement repoussées par les nouveaux venus et les conquérants ont ensuite gagné en importance. Il écrit par exemple à propos de l'Allemagne que "l'Allemagne, dans l'ensemble, est un pays dans lequel une variété de types raciaux pré-méditerranéens ont connu une ré-émergence maximale". L'un des facteurs à l'origine de ce phénomène semble être que les types nordiques étaient plus souvent attirés par les villes et qu'ils y ont disparu.

Les réflexions de Coon sur les liens entre le mythe et l'anthropologie physique sont également fascinantes. Il a inclus Rigstula, reliant les esclaves à la fois aux "prisonniers amenés en Scandinavie par les marins nordiques" et à un groupe plus ancien de "descendants de Danubiens, Dinariens et Alpins qui ont été importés par leurs suzerains plus aristocratiques". Le Charlemagne qu'il analyse comme "probablement largement indigène ... un mélange entre les robustes chasseurs et pêcheurs du Mésolithique, et les peuples mégalithiques et cordés". Il les relie à Tor. Les Jarls, par contre, il les relie à Oden, "un nordique d'Europe centrale voyageant en mer, qui avait échangé son cheval contre une monture adaptée à un nouvel environnement, avec la coopération d'un corps vigoureux d'artisans et de guerriers indigènes, dans le corps racial duquel son propre groupe s'est rapidement fondu". Soit dit en passant, les Arabes médiévaux considéraient les habitants du Nord comme des géants, et Hyltén-Cavallius a décrit des bandes qui étaient considérées comme composées de descendants des géants ou des guerriers. Bertil Lundman a identifié une population autochtone plus sombre en Dalécarlie et autour de Dovre, entre autres endroits. Ces "demi-trolls" étaient décrits comme "de grandes figures maladroites avec des visages aux os larges, des nez larges et plats, des cheveux foncés et des yeux sombres". Ils apparaissent dans les contes de fées, notamment chez Egil Skallagrimsson, et étaient souvent considérés comme magiques. Lundman leur a donné les noms de Tydalentyp (type tydaliens) et Paleo-atlantide. Mais revenons à Coon.

Dans l'ensemble, la description que fait Coon de l'histoire européenne est une lecture passionnante. Il propose une introduction approfondie à des termes tels que "PalSup", alpin et dinaride, et offre une perspective historique à grande échelle. C'est un point de vue qui est aujourd'hui tabou, même si Coon était un érudit objectif qui ne laissait pas ses propres opinions s'immiscer dans le texte. Pour certains, il s'agit donc d'un livre à lire en cachette, mais dans tous les cas, c'est une lecture intéressante et passionnante.

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Carleton Coon et les Allemands

par Joakim Andersen 

Ex: https://motpol.nu/oskorei/2021/12/14/carleton-coon-och-germanerna/

L'anthropologie physique offre une des nombreuses pièces du puzzle dans la reconstitution de l'histoire ; c'est souvent une science fascinante. Un exemple de cela est l'énorme ouvrage de Carleton Coon, The Races of Europe, publié en 1939. Coon est parfois poétique, dans des passages tels que "les autres exceptions étaient les Norvégiens de la côte, auxquels on apportait pour la première fois la civilisation en quantité significative. A l'abri de leurs fjords froids, les nouveaux nordiques se sont mélangés aux chasseurs et aux pêcheurs résiduaires de l'âge de glace, qui, grâce à ce nouveau véhicule génétique, étaient assurés d'une survie permanente". Son raisonnement sur nos ancêtres germaniques est fascinant, car il souligne à quel point les peuples autochtones scandinaves sont uniques. Grâce à notre lien avec les chasseurs-cueilleurs de l'ère paléolithique, nous sommes comparables, et de loin, aux Berbères d'Afrique du Nord.

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M. Coon a décrit l'Europe du Nord et du Nord-Ouest comme une périphérie où ces peuples indigènes importants et distinctifs ont persisté, même après que les agriculteurs de l'Est aient balayé comme des raz-de-marée démographiques une grande partie de l'Europe. Il écrit que "pendant tout le Néolithique, la quasi-totalité de la Norvège, ainsi que le centre et le nord de la Suède, sont restés à un stade de culture de cueillette de nourriture, bien que des haches et autres objets néolithiques aient été échangés avec eux depuis le sud. Il ne fait guère de doute que, dans une large mesure, les chasseurs du Nord étaient des descendants directs de l'homme du Mésolithique, et donc du Paléolithique supérieur. De nombreux traits de leur culture dite arctique ont survécu jusqu'à une époque récente".

Des vagues de nouveaux arrivants sont arrivées chez eux, de l'est, de l'ouest et du sud. Coon parle ici de Megalithic, Corded et Hallstatt, c'est-à-dire de bâtisseurs mégalithiques, de culture cordée (Corded) et de culture Hallstatt, entre autres. Il décrit les Allemands comme le fruit de cette rencontre, en plaçant leur centre au Danemark, au sud et au centre de la Suède, en Norvège, au nord de l'Allemagne, à Gotland et à Bornholm. Selon Coon, la linguistique a mis en évidence l'indo-européanisation relativement tardive des peuples germaniques, "la position linguistique excentrique des peuples germaniques dans la famille indo-européenne totale a sa connotation raciale". Il a également affirmé qu'"il est très probable que le parler germanique ancestral ait été introduit en Scandinavie par les envahisseurs qui ont apporté la culture de Hallstatt dans cette région arriérée."

La combinaison des influences nordiques de Hallstatt et des populations plus anciennes a donné naissance à un type germanique, représenté entre autres par les Wisigoths. Coon écrit à leur sujet que "ce type physique s'accompagne d'une grande taille, d'environ 170 cm, et d'une lourdeur et d'une robustesse considérables des os longs. La constitution corporelle était clairement plus lourde et plus épaisse que celle des nordiques étudiés précédemment. Le fait qu'il était typiquement blond est attesté par la pigmentation d'exemples vivants ainsi que par de nombreuses descriptions anciennes". Avec les migrations, il s'est répandu bien au-delà de ses domaines d'origine. En Norvège, entre autres, nous trouvons un autre type, où les éléments de grande taille du paléolithique supérieur sont plus évidents. Coon a écrit à leur sujet que "Thor était apparemment le dieu des peuples plus anciens, de la classe des carl, et il représente dans sa personne et ses attributs un mélange entre les robustes chasseurs et pêcheurs du Mésolithique, et les peuples mégalithiques et cordés. Son association avec le dernier nommé est clairement démontrée par sa dévotion au marteau à deux têtes, qui n'était probablement ni plus ni moins que la hache de bateau."

Le lien éventuel entre les aborigènes du Mésolithique et certains éléments de l

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mercredi, 12 janvier 2022 | Lien permanent

Gastronomiquement correct. McDonald's et la mondialisation à table

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Gastronomiquement correct. McDonald's et la mondialisation à table

Diego Fusaro

Source: https://posmodernia.com/gastronomicamente-correcto-mcdonalds-y-la-mundializacion-a-la-mesa/

L'identité gastronomique se déclare au pluriel car il y a de nombreuses traditions à table et chacune d'entre elles existe dans un nexus constant de mélange et d'hybridation avec les autres. Chaque identité existe, en soi, comme le résultat jamais définitif d'un processus par lequel elle s'entrelace ou - pour rester dans le domaine des métaphores culinaires - se mélange avec les autres.

Il est vrai que dans le passé, si l'on s'aventure dans l'"archéologie du goût", cette riche pluralité culturelle liée aux traditions alimentaires a eu tendance, dans certains cas, à dégénérer en des formes de nationalisme culinaire, en vertu desquelles chaque peuple se considérait comme détenteur d'une sorte de primauté oeno-gastronomique. À cet égard, certains ont inventé la catégorie de "gastro-nationalisme", bien qu'en réalité, même si la cuisine est fondamentale pour tracer les frontières politiques et culturelles des identités nationales, les traditions culinaires n'ont jamais existé à l'origine sous une forme nationale, étant plutôt des héritages régionaux, comme l'a montré Mintz. Quoi qu'il en soit, les politiques gastro-nationales se sont également manifestées en raison de la tendance des États à utiliser la reconnaissance de leur propre patrimoine alimentaire comme un instrument de leur propre politique, de leur propre reconnaissance sur la scène internationale et dans la sphère de ce qui est généralement défini comme la "gastro-diplomatie", faisant ainsi allusion à la pratique qui tire parti de la nature relationnelle de la nourriture et cherche à consolider et à renforcer les liens au niveau politique.

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Dans l'apothéose d'une sorte de "boria delle nazioni", comme aurait pu l'appeler la Scienza nuova de Giambattista Vico, les Anglais se croyaient supérieurs grâce à leur roast-beef, les Français grâce à leur grande cuisine - le camembert, en particulier, est devenu un "mythe national" gaulois - ou les Italiens grâce à leur variété, unique au monde. Très souvent, cette pluralité a favorisé un désir fructueux d'expérimenter et de connaître ce qui est différent, et donc un dialogue interculturel médiatisé par le patrimoine alimentaire de chaque peuple.

À cet égard, l'étude de Mennell sur la différence gastronomique entre les Anglais et les Français, emblème de la diversité des deux peuples, reste essentielle. Montanari, pour sa part, s'est risqué à soutenir la thèse suggestive selon laquelle l'identité italienne est née à table bien avant l'unification politique du pays. Par ailleurs, Ortensio Lando, dans son Commentario delle più notabili e mostruose e cose d'Italia ed altri luoghi (1548), décrit les spécialités gastronomiques et œnologiques des différentes villes et régions italiennes avec un luxe de détails et de particularités. Et le plus célèbre cuisinier italien du 15ème siècle, le maestro Martino, avait inscrit dans son livre de recettes le chou romanesco et le gâteau bolognais, les œufs florentins et tant d'autres spécialités locales qui, en fait, forgeaient l'identité italienne à table.

Conformément à son idéologie, la désimbrication capitaliste mondiale trouve dans la suppression des identités œno-gastronomiques et dans l'éloignement de leurs racines historiques un moment fondamental qui lui est propre. Même la table est submergée par les processus de redéfinition post-identitaire et homologue qui sont essentiels au rythme de la globalisation turbo-capitaliste.

C'est pourquoi nous assistons très souvent au remplacement des aliments dans lesquels se trouve l'esprit du peuple et de la civilisation dont nous sommes les enfants - la viande rouge, le fromage, le vin, les aliments locaux et villageois - par des substituts créés ad hoc et, plus précisément, par des aliments produits par des multinationales sans visage et sans racines, ces mêmes multinationales qui financent assidûment les opérateurs et les agences qui décideront "scientifiquement" ce qui est sain et ce qui ne l'est pas, en prolongeant le lien hégémonique entre le marché capitaliste et le système techno-scientifique.

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Ainsi, dans le cadre du nouvel ordre gastronomique "indigeste", les goûts tendent à devenir de plus en plus horizontaux à l'échelle planétaire, dans l'anéantissement de la pluralité et de la richesse oeno-gastronomique dans laquelle s'enracinent les identités des peuples: si la tendance actuelle n'est pas contrée, on assistera à la création d'un mode d'alimentation unique et standardisé, privé de variété et de diversité, ou, si l'on préfère, d'un sentire idem global, qui se présentera comme la variante gastronomique d'un consensus de masse. Les aliments historiquement ancrés dans le patrimoine identitaire et les racines traditionnelles des peuples - il y a en effet un genius gustus et un genius loci - seront remplacés par des aliments sans identité et sans culture, intégralement désymbolisés, identiques dans tous les coins de la planète, comme c'est déjà en partie le cas. Cela nous permet d'affirmer que le gastronomiquement correct est la variante alimentaire du politiquement correct, tout comme le "plat unique" devient l'équivalent de la pensée unique. L'ordre économique dominant produit, à son image et à sa ressemblance, les ordres symboliques et gastronomiques correspondants.

Leur dénominateur commun est la destruction de la pluralité des cultures, sacrifiées sur l'autel du monothéisme du marché et du modèle du consommateur individualisé et standardisé, soumis à cette "grande charrette" qui succède au Big Brother orwellien. Les pédagogues du mondialisme et les architectes du néo-capitalisme, avec un paternalisme alimentaire sans précédent fondé sur l'ordre du discours médico-scientifique, cherchent à rééduquer les peuples et les individus au nouveau programme gastronomiquement correct, c'est-à-dire au nouveau menu mondialisé composé d'aliments homologués et homogénéisés, L'alimentation composée d'aliments standardisés, souvent incompatibles avec l'identité des peuples, est présentée par les administrateurs du consensus comme optimale pour l'environnement et la santé, contrairement aux plats traditionnels, qui sont ostracisés comme "nocifs" à tous égards.

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Cela confirme, également sur le plan alimentaire, la thèse du Manifeste "marxo-engelsien": le Capital "a imprimé un cachet cosmopolite à la production et à la consommation de toutes les nations", en les poussant vers cette homologation qui est la négation du pluralisme internationaliste. La dé-souverainisation des aliments, menée au nom du mondialisme gastronomiquement correct et des intérêts multinationaux, est pilotée par les cyniques et apatrides seigneurs du profit, grâce aussi à l'utilisation d'outils biologiques spécifiques, tels que les pesticides et les engrais de synthèse, ainsi qu'aux pratiques du génie génétique. C'est ainsi que s'explique, à titre d'exemple, l'utilisation des "organismes génétiquement modifiés" (OGM), qui contaminent génétiquement les espèces naturelles, sabotent l'agriculture conventionnelle et privent les peuples de leur souveraineté alimentaire. Ce faisant, ils les obligent à dépendre des multinationales qui leur fournissent des semences et des substances brevetées, protégeant dans l'abstrait, au niveau de la propagande idéologique, la santé de tous et, dans le concret, les profits de quelques-uns.

D'après ce qui a été expliqué ci-dessus, historiquement, l'alimentation a toujours été un véhicule culturel fondamental et, en particulier, interculturel, se révélant comme la manière la plus simple et la plus immédiate de décoder le langage d'une autre culture, afin d'entrer en contact avec elle et ses coutumes. L'élimination des spécificités alimentaires locales est, pour cette même raison, cohérente avec la désintégration continue de toute relation authentiquement interculturelle, remplacée par le monoculturalisme de la consommation: la multiplicité historique des goûts enracinés dans la tradition est remplacée par l'unité des goûts an-historiques et a-prospectifs du menu mondialisé. Après la limitation de "ce qui peut être dit et pensé" par l'imposition du nouvel ordre symbolique politiquement correct, la nouvelle réglementation de "ce qui peut être mangé et bu" est maintenant imposée, de plus en plus furieusement, selon l'ordre hégémonique global-élitiste du bloc oligarchique néolibéral.

Si, dans le passé, la cuisine déterminait aussi les identités culturelles, aujourd'hui, surtout depuis 1989, elle tend à les supplanter. Les aliments traditionnels enracinés dans l'histoire des peuples sont de plus en plus souvent remplacés - parce qu'ils ne sont plus considérés comme "convenables" - par ces aliments de marque délocalisés et "global fusion" qui, dépourvus d'identité et d'histoire, donnent naissance à un régime alimentaire artificiel et nomade, déraciné et culturellement vide, qui homogénéise les palais et les têtes ; un régime qui, cependant - nous assurent les stratèges du consensus - respecte l'environnement et la santé.

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Grâce au pouvoir immédiat et inégalé de l'image, une scène de Salò (1975) de Pier Paolo Pasolini - un film conçu ad hoc pour être horrible et obscène, tout aussi horrible et obscène que la civilisation de consommation qu'il photographie - peut valoir plus que n'importe quelle description conceptuelle articulée. La scène se déroule dans l'un des "cercles infernaux" les plus macabres dont le film est composé et qui, à son tour, se veut une allégorie de la civilisation de consommation et de ses erreurs: les détenus de la Villa de los suplicios sont condamnés à manger des excréments.

L'acte coprophagique devient ainsi le symbole même de la société marchande, qui condamne quotidiennement ses ergostuli dociles et inconscients à manger la merde liée à la forme marchandise, un objet simple et apparemment banal, qui cristallise pourtant en lui toutes les contradictions de la société capitaliste, à commencer par celle liée à l'antithèse entre valeur d'usage et valeur d'échange. Entraînant Pasolini "au-delà de Pasolini", cette scène macabre et scandaleuse semble trouver une nouvelle confirmation dans les nouvelles tendances gastronomiquement correctes de la société de marché globale qui, sans autre violence que le glamour de la manipulation, contraint ses propres serviteurs au geste coprophagique.

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À l'ère du capitalisme mondial, l'alimentation est généralement gérée par des multinationales et des sociétés offshore, qui manipulent le goût et contrôlent l'abandon de tout ce qui est pluriel et qui n'est pas spécifiquement modelé par le nouveau style de vie déraciné et flexible. Dans ce contexte, McDonald's (paradigme indépassable du "non-lieu", interrogé par Marc Augé - et on pourrait aussi ajouter, du "non-alimentaire") représente la figure par excellence de la globalisation gastronomique et de l'impérialisme culinaire de l'assiette unique triomphant après 1989 : une seule façon de manger et de penser la nourriture, de la distribuer et de la présenter, de la produire et d'organiser le travail, naturalisant un geste et ses conditions d'opportunité dans quelque chose d'aussi évident et manifeste que l'air que nous respirons.

Mais McDonald's lui-même incarne le sens profond de la mondialisation d'un autre point de vue, identifié par Ritzer et exprimé dans sa considération selon laquelle "il est devenu plus important que les États-Unis d'Amérique eux-mêmes". McDonald's, en effet, représente le pouvoir écrasant du capital supranational, aujourd'hui au-dessus - par la puissance et la force spécifique, par la reconnaissance et par la capacité d'attraction - des pouvoirs nationaux traditionnels qui, précisément pour cette raison, ne sont pas capables de le gouverner et, souvent, sont fortement conditionnés par lui.

Que le célèbre fast-food mondialiste représente la figure par excellence de la mondialisation capitaliste semble d'ailleurs conforté par le fait que les deux arcs jaunes qui forment le "M" stylisé de son logo sont aujourd'hui, selon toute vraisemblance, plus célèbres et plus connus que la croix chrétienne, le croissant islamique et le drapeau américain lui-même. Le merchandising universel se confirme, même sur le plan iconographique, comme la grande religion de notre temps en termes de diffusion, de nombre de prosélytes et de capacité à conquérir les âmes avant les corps. C'est pourquoi les arches jaunes de McDonald's, tout comme la bouteille profilée de Coca-Cola, représentent le symbole de la mondialisation en tant que "mauvais universalisme" et, en même temps, la cible privilégiée de l'anti-impérialisme gastronomique.

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Comme le souligne Marco D'Eramo, mordre dans un hamburger McDonald's peut, à première vue, sembler un geste évident et naturel. Avec ses saveurs standardisées, sa moutarde et son ketchup, ses cornichons et ses oignons, les mêmes de Seattle à Singapour, de Gênes à Madrid, servis de la même manière et par des serveurs vêtus d'uniformes identiques, le hamburger semble toujours et partout le même, presque comme si, partout dans le monde et à tout moment, il était prêt à se matérialiser à la demande du client; presque comme s'il était la manière naturelle de manger et, pour cette raison même, générait partout une identification et un sentiment de familiarité.

Comme la table dont parlait Marx dans les premières sections du Capital, le hamburger de McDonald's apparaît désormais comme un objet évident et trivial, mais qui, s'il est analysé du point de vue de la "valeur d'échange" et de la socialité, de la division du travail et de la standardisation de la manière de manger, révèle tout le volume de significations et de contradictions qui innerve

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dimanche, 24 mars 2024 | Lien permanent

FEMEN ou l’art de se mettre au service de l’impérialisme

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FEMEN ou l’art de se mettre au service de l’impérialisme

Le groupe d’origine ukrainienne Femen, présenté en Occident comme un groupe féministe à l’avant-garde de la lutte contre le patriarcat et le fascisme, a pris ces derniers mois une part active dans le mouvement ayant servi à renverser le gouvernement de l’ex président ukrainien Viktor Ianoukovytch, qui a cédé la place au gouvernement fascisant actuel issu des violences de la place Maïdan.

Afin de leur assurer une certaine médiatisation, les Femen se revendiquent du sextrémisme, féminisme radical qui se veut selon Inna Chevchtchenko, une des cofondatrices du mouvement, « un nouveau type d’activisme féminin qui est certes agressif mais encore non-violent, provocateur mais délivrant un message clair ». Les Femen sont devenues internationalement connues pour avoir organisé des actions volontairement provocatrices.

Le 12 février 2013, les Femen se sont ainsi exhibé seins nus dans Notre-Dame de Paris pour fêter à leur manière la démission du pape Benoît XVI.

Le 3 avril de la même année, trois membres du mouvement féministe ont brûlé un drapeau dit « salafiste » (en fait, un drapeau noir barré de la profession de foi des musulmans) devant la Grande Mosquée de Paris, en exhibant sur leur torse dénudé l’inscription : « Les femmes arabes contre les islamistes », « Liberté pour les femmes », et « Merde à vos morales ». Les FEMEN entendaient dénoncer l’Islam intégriste.

Le lendemain, les Femen ont organisé une action coup de poing dans différentes villes d’Europe. À Berlin, six militantes ont manifesté la poitrine nue devant le plus ancien lieu de culte musulman de la capitale allemande, la mosquée Ahmadiyya, scandant en cœur « Freedom for women » ou encore « Fuck islamism ».

Ces formes de lutte qui sont à des années lumières des pratiques des mouvements féministes ont atteint leur apogée le 2 mai 2014 lorsqu’une des membres du groupe a posé devant la maison des syndicats d’Odessa que les putschistes de Kiev venaient d’assiéger après y avoir mis le feu à l’aide de cocktails Molotov. Trente-huit personnes, essentiellement des militants antifascistes, perdirent la vie dans cet incendie.

Le discours des Femen n’a pas résisté longtemps à l’épreuve des faits : leur apparente radicalité sert à accréditer des groupes ouvertement au service de l’impérialisme. Il faut absolument tenir éveillé notre sens critique dans cette affaire et dénoncer comme il convient toute récupération du patrimoine féministe et antifasciste.

La presse occidentale présente les Femen comme un groupe féministe courageux, n’hésitant pas à protester avec véhémence contre certains rassemblements du Front national et d’autres mouvements se revendiquant de l’extrême-droite. Ce qui n’est pas suffisant pour les classer péremptoirement comme antifascistes. Car les Femen ont officiellement dit leur soutien à une alliance politique en Ukraine avec le parti Svoboda, un parti nationaliste, et fréquentent à l’occasion des skinheads.

Loin de tomber dans le panneau, des étudiantes de Birmingham créèrent en avril 2013 le mouvement Muslim Women Against Femen (Femmes musulmanes contre les Femen). Elles considèrent à juste titre que les Femen sont islamophobes et impérialistes. Ce groupe lancera notamment une campagne sur Internet dont le slogan « Muslimah Pride » (Fière d’être musulmane) interpelle face à l’indécence de celles qui s’autoproclament féministes.

En France, on ne voit pourtant pas les choses sous le même angle. Olivier Ciappa est l’auteur du nouveau timbre Marianne que François Hollande dévoila le 14 juillet 2013. S’il a choisi Inna Chevchtchenko comme modèle principal, « c’est parce qu’il est évident que la Marianne de 1789 aurait été une Femen. Parce qu’elle a les seins nus … Mais aussi en raison des valeurs qu’elle défend. Les Femen ne militent pour rien d’autre que la liberté, l’égalité et la fraternité. Il n’y avait pas pour moi de meilleur symbole ». La nominée réagira rapidement sur Twitter : « désormais, tous les homophobes, extrémistes, fascistes devront lécher mon cul pour envoyer une lettre ».

Ces pseudo-rebelles soutenues par un des pays phares de l’impérialisme occidental sont bel et bien protégées par le système. Difficile de croire qu’elles n’en sont pas un des rouages. Elles en sont en tout cas les idiotes utiles. Et ça, tout le monde en conviendra aisément…

Capitaine Martin.

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mercredi, 25 juin 2014 | Lien permanent

Pourquoi les «idéopôles» votent-ils encore à gauche ?

Pourquoi les «idéopôles» votent-ils encore à gauche ?

 
par Fabien Escalona et Mathieu Vieira
Ex: http://aucoeurdunationalisme.blogspot.com
 
Depuis le milieu des années 1990, ces villes post-industrielles fondées sur l'économie de la connaissance sont de nouveaux bastions du PS. Il y a mieux résisté aux municipales, mais est menacé par la gauche alternative, qui confirme son implantation.
 
Qu'ont en commun Paris, Lyon, Toulouse, Montpellier, Strasbourg, Grenoble, Nantes, Lille et Aix-en-Provence –et, à un degré moindre, Rennes et Bordeaux? Selon une note que nous avions écrite pour la Fondation Jean-Jaurès en 2012 (1), il s'agit d'idéopôles, c'est-à-dire des villes-centres des métropoles les plus intégrées à la globalisation, dont ils représentent des «points d'ancrage».
 
Ce sont les territoires gagnants d'un processus qui accroît la polarisation entre, d'un côté, l'archipel métropolitain qu'ils dessinent, et de l'autre, leurs périphéries urbaines et rurales. Des lieux qui concentrent plus qu'ailleurs les groupes sociaux pour lesquels la mondialisation est une source d’opportunités ou, tout du moins, ne représente ni une menace matérielle ni une menace identitaire.
 
Quatre critères permettent de les définir (et nous ont notamment conduit à en écarter Marseille): une métropole régionale (taille critique), une production axée sur la connaissance et l’innovation (profil économique), une population qualifiée (profil sociologique) et l’attractivité du territoire.
 
Il faut bien sûr prendre garde à ne pas fétichiser ces territoires, sociologiquement divers et stratifiés. Une explication sociologique reste en effet bien plus pertinente qu'une explication géographique pour comprendre les différences de comportements électoraux entre le XVIème et le XXème arrondissement de Paris (au passage, la même observation peut être faite à propos du fameux espace «périurbain», qui est loin d'avoir l'homogénéité qui lui est abusivement prêtée). Cela dit, les idéopôles nous semblent précisément être des laboratoires privilégiés pour observer les alliances et les rivalités entre groupes sociaux qui se déploient dans le grand jeu de la «révolution globale».
 
Mutation dans les années 1990
 
Dans de précédents travaux, nous avons mis en évidence la surreprésentation du PS dans ces grandes villes post-industrielles depuis le milieu des années 1990, qui témoigne de la capacité de ce parti à prospérer dans les zones les plus dynamiques du capitalisme contemporain.
 
Elle constitue aussi un indice, fondé sur des résultats réels, de l'importance de certains groupes dans le noyau électoral socialiste, à savoir un salariat diplômé et urbain mais pas forcément riche en patrimoine (les «classes moyennes et supérieures intellectuelles») et les milieux populaires à forte proportion de Français d'origine étrangère.
 
Un survote socialiste a pu être mesuré pour les élections présidentielles depuis 1995, et dans une moindre mesure lors des scrutins européens, pour lesquels la concurrence écologiste a joué à plein. En effet, les idéopôles constituent incontestablement les zones de force des écologistes, comme en a attesté le doublement de leur score national dans ces territoires lors de la dernière élection présidentielle. En y réalisant un score moyen de 23,8% à l’occasion des européennes de 2009 (soit +7,5 points par rapport à sa moyenne nationale), EELV avait même devancé les listes socialistes de 5,5 points.
 
Lors de l’élection présidentielle de 2012, l’avance relative de la gauche dans les idéopôles ne s'est pas démentie, en particulier dans les espaces dits «gentrifiés» (2) de ces derniers, comme les Ier et IVe arrondissements de Lyon ou les Xe et XIe arrondissements de Paris. Ce scrutin a aussi marqué l’apparition du phénomène pour le Front de gauche, qui a dépassé la barre des 15% à Toulouse, Montpellier, Grenoble et Lille, alors que les candidats communistes avaient jusque-là été clairement sous-représentés dans ces territoires.
 
A l'inverse, les idéopôles sont devenus des terres de faiblesse structurelle pour le Front national, dont la sous-représentation aux élections présidentielles s'est toujours plus accentuée de 1995 (-5% par rapport à sa moyenne nationale) à 2012 (-39%). Le graphique ci-dessous illustre la sur- ou la sous-représentation des forces politiques de gauche par rapport à leur moyenne nationale.
 
Fabien Escalona et Mathieu Vieira
 
 
 

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vendredi, 25 avril 2014 | Lien permanent

Les mythes d'argile

Les mythes d'argile

« Avec ses 440 000 sites identifiés environs,
le Japon est une des nations
à avoir accumulé le plus de matériaux
et de renseignements sur son passé
et investi considérablement dans ce domaine.
Comme le souligne Pierre Vial, dans la préface du livre,
c’est une “vraie volonté politique identitaire ”!
»

Entretien avec Rémy Valat, auteur de Les Mythes d’argile (éditions Dualpha)

(Propos recueillis par Fabrice Dutilleul)

Pourquoi un livre sur la religion des peuples mésolithiques du Japon ?

Couv-Mythes-Argile-e.jpgC’est un coup de foudre et peut-être une « nostalgie des origines ». De parents breton et aveyronnais, grande a été ma surprise de découvrir au Japon des mégalithes et autres tumuli de l’Âge du Bronze, la période kofun  (300 av JC-645 ap. JC). J’ai cependant choisi d’aborder une période plus ancienne, le Mésolithique ou période Jômon. Le Mésolithique est une étape essentielle de l’aventure humaine, car c’est la période durant laquelle les hommes se sont sédentarisés pour exploiter les ressources alimentaires, favorisant le contrôle et le stockage des moyens de subsistance. Surtout d’un point de vue religieux, l’angle choisi pour mieux connaître ces populations de chasseurs-cueilleurs inventeurs de la poterie, le Jômon paraît être le moment où le Mythe de la Création nippon serait apparu. Les traces matérielles, et en particuliers les artefacts religieux, statuettes d’argile et autres pierres phalliformes, sont les indicateurs probants de rites, véhiculant des croyances, exprimées par ce mythe. La culture Jômon a une parenté spirituelle avec les autres traditions des populations pratiquant la domestication des plantes, dont les mythologies associent plantes alimentaires et mise en scène du sacrifice d’un être divin (les primo-populations du Pacifique et, plus proche du Japon, de Chine).

Comment saisir alors l’âme et l’identité de ses peuples disparus ?

Grâce à Mircéa Eliade, bien sûr ! La somme eladienne est un décryptage des grands principes du fait religieux : de portée universelle, elle contient les données utiles à la compréhension du phénomène dans sa globalité. Mircea Eliade avait compris la vanité d’expliquer la propension humaine (souvent inconsciente) pour le Sacré, dont les manifestations et le mode d’être n’existent que sur leur propre plan de référence. Pour révéler la fractale, la structure et la logique de la mosaïque religieuse, l’herméneutique multidisciplinaire eladienne reste un outil à mon avis encore inégalé, bien que critiqué à des fins partisanes. Une méthode reposant sur des sources exceptionnelles : l’investissement du gouvernement japonais est exemplaire. Avec ses 440 000 sites identifiés environs, le Japon est une des nations à avoir accumulé le plus de matériaux et de renseignements sur son passé et investi considérablement dans ce domaine. Comme le souligne Pierre Vial, dans la préface du livre, c’est une « vraie volonté politique identitaire » ! Si les interprétations historiques sont scientifiquement plurielles, les Japonais ont fait le choix de s’approprier Leur histoire ; c’est un choix métapolitique. Un choix qui assure la stabilité d’un pays qui mêle à la fois ultramodernité et tradition. Une réalité porteuse d’espoir, pour nous identitaires français et européens : le rêve est possible. Les « rêveurs de jour sont des hommes dangereux » disait Lawrence d’Arabie.

Les Mythes d’argile, Rémy Valat, préface de Pierre Vial, L’Æncre, collection « Patrimoine des religions » dirigée par Philippe Randa, 248 pages, 31 euros.

BON DE COMMANDE

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mardi, 20 mai 2014 | Lien permanent

Ridley Scott et le rétrofuturisme

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« C’est un conservateur initiatique à l’anglaise
 comme je les aime ;
un homme de culture un rien sceptique,
mais épris d’aventures, de chevauchées
et de navigation »

Entretien avec Nicolas Bonnal, auteur de Ridley Scott et le rétrofuturisme (éditions Dualpha)

(propos recueillis par Fabrice Dutilleul)

Pourquoi ce livre sur un cinéaste si commercial ?

Ridley Scott est un créateur visuel, un réalisateur qui a beaucoup filmé et sur lequel il y a beaucoup à dire. Notre inconscient collectif depuis quarante ans a été façonné par lui. Pensez à Alien (quelle parabole sur nos sociétés !), Blade runner, Gladiateur ou Prométhée. Je pense en outre que le cinéma d’auteur n’a jamais eu grand-chose à dire, alors que les œuvres grand public ont deux ou trois niveaux de lecture. Blade runner aura obsédé ma génération par son aura visuelle, sa rêverie nietzschéenne, sa dystopie cruelle et ses conflits métaphoriques.

Qu’est-ce que le rétrofuturisme ?

Je l’ai évoqué dans mon livre publié en 2000 sur Internet, nouvelle voie initiatique. C’est l’idée qu’à l’ère des jeux vidéo, des réseaux, des labyrinthes, des codes secrets, la Bible, la Genèse, la mythologie, la culture archaïque ont plus à nous apprendre que notre culture littéraire bourgeoise. Cela rejoint la remarque de Kubrick que la littérature de fantaisie nous parle plus que le romanesque. Alien évoque ainsi le minotaure, Blade runner les anges rebelles, Prométhée les géants du ciel et tous les thèmes Illuminati. J’aime aussi la fascination de Ridley Scott pour l’histoire – pensez aux duellistes napoléoniens – et pour le passé mythique. Si son Gladiateur est un grand film musical, ses opus sur le Moyen Âge relèvent par contre de ce que j’ai nommé les épopées désabusées, des pensums.

Y a-t-il un grand Ridley Scott ?

En tant que grand moghol de la pub, il a une dimension luciférienne. Il éblouit et fait vendre. Il a créé le look Lady Gaga dans le très Illuminati Légende, il a enluminé Apple. C’est aussi un cinéaste « impérial », tant britannique qu’américain – mais moins que d’autres ou que son frère. D’un autre côté, c’est un conservateur initiatique à l’anglaise comme je les aime ; un homme de culture un rien sceptique, mais épris d’aventures, de chevauchées et de navigation. Son film d’apprentissage Lame de fond est un modèle de cinéma politiquement incorrect. Scott défend l’héroïsme et l’imaginaire dans la grande tradition européenne. En même temps, dans tous ses films de science-fiction, il nous a prévenus : nous sommes dévorés tout crus par les grandes corporations. C’est fait. Et quel artiste visuel !

Votre approche ?

Au fil de l’eau, pour le plaisir. J’ai commencé par une étude de son profil, de ses idées, de son esthétique. Ensuite les thèmes entremêlés de son cinéma touffu : la mythologie, l’androïde, l’ascension de la femme, l’épopée ratée. Enfin la conclusion : la référence au cinéma noir, c’est-à-dire l’idée que la civilisation moderne est un piège.

Votre film préféré ?

Le premier, Boy and Bicycle. Le cinéaste révèle tout sur lui. C’est une matrice, une vraie mine. A voir et écouter !

Ridley Scott et le rétrofuturisme de Nicolas Bonnal, 256 pages, 31 euros, éditions Dualpha, collection « Patrimoine du spectacle », dirigée par Philippe Randa.

BON DE COMMANDE

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lundi, 31 mars 2014 | Lien permanent

Réflexions sur l'identité de Bruxelles

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Réflexions sur l'identité de Bruxelles

Résumé du discours tenu par Robert Steuckers au Par­le­ment Flamand, le 8 septembre 2001, dans le cadre d'un colloque pluraliste, organisé par le « Vormingsinstituut Frank Goovaerts », présidé par le député Karim Van Over­­meire. Y ont également pris la parole : André MON­TEYNE, économiste et historien, auteur d'une His­toi­re des Bruxellois, parue en trois langues (F, NL, An­glais), Maître Fernand KEULENEER, du Barreau néerlan­do­phone de Bruxelles, le député Dominiek LOOTENS, l'ancien Com­missaire-en-chef de Schaarbeek et député de Bru­xelles Johan DEMOL et Bernard DAELEMANS, ré­dacteur en chef de la revue Meervoud, qui s'inscrit dans le cadre d'un nationalisme de gauche.

L'identité de Bruxelles est particulièrement com­­­ple­xe.

◊ En 1884, les associations catholiques de pro­vince organisent une manifestation contre la politique scolaire des libéraux bruxellois. Les Bru­xellois ri­po­stent par une contre-manifes­ta­tion violente. Depuis lors, une césure profonde sé­pare Bruxelles de ce qui vit et se développe en province. Les entreprises bru­xelloises sont boy­cottées. Pourquoi Bruxelles est-elle deve­nue, à cette époque, une ville libérale et pro­gres­siste, alors qu'elle avait été auparavant très cro­yante et abritait en son sein un grand nom­bre d'in­stitutions religieuses? Ce glis­se­ment constitue la pre­mière mutation dans l'i­den­tité de Bruxelles de­puis 1789, an­née où la vil­le était encore conser­va­trice à l'ex­trême et très catholique.

◊ A l'époque des bourgmestres Karel Buls (Bru­xelles) et Léon Vanderkinderen (Uccle) ré­gnait à Bruxelles une certaine “flamando­phi­lie”, liée à des idéaux démocratiques, fédé­ra­lis­tes et libéraux. Ce “compositum” constitue en fait une “révolution con­servatrice”, dans le sens où elle souhaite, en même temps, con­ser­ver une identité (l'identité brabançon­ne et thioi­se) et forcer l'établissement à parfaire les in­novations nécessaires. Remarquons que ce “com­positum” ne connaît pas encore de césure entre la droite et la gauche : les conservateurs cul­turels et les socialistes (ou les libéraux pro­gres­sistes) tra­vaillent main dans la main pour don­ner à Bruxelles un “visage” brabançon et fla­mand.

Un art libertaire, enraciné et émancipateur

 

◊ Chez Karl Buls, la révolution conservatrice (an­te lit­teram) se lie à une volonté de pro­mou­voir une architecture spécifique à Bruxelles. Cet­te architec­ture trouve son expression la plus pure et la plus originale dans le style “Art Nouveau” ou “Jugendstil”, dont les premiers bâ­timents sont érigés en 1893 par le célèbre ar­chitecte Victor Horta. Tant chez Horta que chez Henry Van de Velde, entre autres génial con­cepteur de mobiliers, ce style “organique” tente de se démarquer clairement des notions “géo­métristes” issues de la révolution françai­se et des pra­tiques jacobines de l'administra­tion politique.  Les opposants à ce nouveau cou­­rant artistique l'ap­pellent avec mépris “le sty­le nouille”. Dans son o­rientation organique, l'Art Nouveau” était d'in­spi­ra­tion conservatrice, tandis que son soutien au jeune mouvement so­cialiste était considéré à l'époque com­me un acte révolutionnaire. Partout en Europe, on trou­ve des mouvements artistiques similaires, surtout à Vienne (avec la “Wiener Sezession”) et à Barcelone, avec l'architecte Gaudi. Pour ce qui con­cerne plus spécifiquement les concep­tions politiques, qui sont liées à cette révolu­tion culturelle, nous pouvons dire qu'elles ont toutes pour noyau central la notion de liberté. L'i­dée de liberté est perçue comme “flaman­de”, comme un héritage des Arte­vel­de gantois (cf. les travaux que leur a consacrés Van­der­kin­deren, célèbre historien et médiéviste), et, dans la foulée, comme “germanique”, lato sen­su, ou comme “thiois” (Diets). Chez Karel Buls, Léon Van­derkinderen, Alphonse Wauters et E­mile de Laveleye la liberté est toujours définie comme “germanique”, tandis que les formes de tyrannies sont qualifiées de “françaises”, de “jacobines” ou d'“espagnoles” (voir à ce sujet, la figure de Tijl Uilenspiegel chez Charles De­co­ster, où l'ironie sert d'arme contre la puis­sance étrangère et aliénante). Il nous paraît re­marquable de constater que ces idées fonda­mentales du mou­vement flamand au 19ième siècle ont d'abord été exprimées en français et lancées dans le débat.

 

Une terrible mutation démographique

 

◊ A cette période, une glissement s'opère dans la structure démographique de notre ville. C'est la deu­xième mutation dans l'identité de Bru­xelles, après le passage d'un conservatisme catholique extrême, celui des Statistes de la ré­volution brabançonne de 1789, à un libé­ra­lis­me selon Karel Buls, qui est é­man­cipateur, li­bre-penseur, enraciné et conscient de l'iden­ti­té du peuple. Entre 1880 et 1900, la popula­tion de Bruxelles augmente de 1700% (i. e. un Bru­xel­lois de souche pour 17 nouveaux ar­ri­vants de tou­tes les provinces belges). Cela si­gni­fie que la po­pulation bru­xelloise et braban­çon­ne de souche dis­paraît, pour laisser la pla­ce à un melting pot belgo-belge, avec des gens venus de tous les coins du pays, des gens qui se sentent détachés de leurs com­munautés vil­la­geoise ou citadine d'origine et qui perçoivent à tort ou à raison ce sentiment de dé­ra­cine­ment comme une émancipation. Quelques chif­fres : à l'époque en Belgique, le rapport en­tre Fla­mands ­et Wallons était de 51/49. A Bru­xelles, la ré­partition se chiffrait comme suit: 21% de Flamands, 43% de bi­lingues (pour la plupart Flamands d'ori­gi­ne) et 26% de fran­cophones purs.

 

Après Buls : un vandalisme sans frein

 

◊ La révolution culturelle de Buls et Vander­kin­deren, qui est émancipatrice et consciente de l'identité po­pulaire, ne peut plus atteindre ses objectifs dans de telles conditions démo­gra­phiques. Le bourgmestre De­mot, qui prend la succession de Buls, ne mène plus une poli­ti­que d'embellissement architectural comme son prédécesseur et suit, dès 1900, une voie pu­re­ment utilitariste, dépourvue de tout projet es­thétique, ce qui nous a donné, après quelques dé­cennies, ce vandalisme culturel typiquement bel­ge et bruxellois. Le patrimoine est aveuglé­ment sacrifié sur l'autel de Mammon. Dans les dix premières an­nées du 20ième siècle, certains immeubles de style “Art Nouveau” sont abat­tus, alors que leurs archi­tectes étaient encore en vie! Ce vandalisme culmine avec la démo­li­tion de la Maison du Peuple socialiste que Hor­ta avait fait construire dans la Rue Stevens. Ain­si, les socialistes ont délibérément trahi leurs propres racines culturelles et idéolo­gi­ques, car les pro­jets d'embellissement de la vil­le, caressés par le bourgmestre Buls, a­vaient effectivement un volet so­cialiste et par­ce qu'Horta lui-même voyait le so­cialisme comme un instrument pour émanciper les mas­ses et leur donner une esthétique.

 

◊ Ce vandalisme culturel a reçu un nom dans le jar­gon des architectes du monde entier : la bru­xel­li­sa­tion! Ce vandalisme est l'héritage de tous les partis traditionnels qui ont géré notre ville. La “Déclaration de Bruxelles”, rédigée par des architectes et par des étudiants de l'Ecole d'architecture de la Cambre à Ixelles, peut nous servir aujourd'hui comme source d'inspi­ra­tion pour promouvoir un nouveau projet cul­turel pour Bruxelles.

 

Les lamentables contradictions de la gauche dite “progressiste”

 

◊ Cette évolution déplorable (ou, pour être plus pré­: cette involution) de la vie cultu­rel­le bruxelloise nous amène à poser une ques­tion : existe-t-il encore au sein du peuple une aspiration réelle à faire démarrer une nou­velle révolution culturelle à Bruxelles, cal­quée sur celle dont avaient rêvée Buls et Van­der­kin­deren? Les forces progressistes de la gau­che ne semblent pas conscientes de leurs pro­pres con­tra­dictions : d'une part, elles exigent des autorités de met­tre un terme à la bru­xel­lisation, dont à la des­truc­tion de notre pa­tri­moi­ne architectural (ce qui est une bonne idée con­servatrice), mais, d'autre part, toute ten­ta­tive de restructurer la conscience de no­tre i­den­tité est disqualifiée de “raciste” ou de “fas­cis­te”.  Dans ce sens, les étudiants, qui se di­saient de gau­che et qui ont co-rédigé la Dé­cla­ra­tion de Bru­xelles, ne seraient rien d'autres que des fascistes dé­guisés, tandis que le pau­vre Karel Buls n'aurait été rien d'autre qu'un fasciste ante litteram.

 

◊ Pour ce qui concerne l'immigration et l'inté­gra­tion, on peut affirmer tranquillement que Bru­xelles, au­jourd'hui, ne propose rien, n'a plus d'épine dorsale culturelle. La politique cul­tu­relle connaît certes des événements très in­té­ressants, mais, dans l'ensem­ble, cette poli­ti­que apparaît comme un patchwork incompré­hen­sible, où l'on trouve tout et le contraire de tout. Comment les immigrés, quelle que soit leur origine, pourraient-ils dès lors respecter une ville qui n'offre rien de sacré, aucune va­leur?

 

◊ Conclusion : le renouveau de la culture fla­mande à Bruxelles devra immanquablement re­nouer avec les idées et les créations esthé­ti­ques de la fin du 19ième siècle. Car ces idées sont l'expression de la nouvelle synthèse bru­xel­loise des années 1880-1900. Et bien qu'el­les soient spécifiquement fla­mandes, thioises ou brabançonnes (ou affirmaient l'ê­tre), elles pos­sèdent néanmoins une aura uni­verselle par leur beauté et leur qualité. Elles ap­partiennent aujourd'hui au patrimoine de l'humanité toute entière et sont respectées à ce titre. Si notre ville, en tant que capitale des institutions euro­péen­nes, veut obtenir le respect à l'étranger, el­le devra développer un projet culturel inspiré par ces grands modèles mais adapté aux exi­gences de notre temps. Dans cette perspective la dualité belge entre Fla­mands et Franco­pho­nes à moins d'importance que dans la vie po­litique quotidienne, car cette unique et der­niè­re révolution culturelle née en nos murs a réa­li­sé des œuvres issues de cerveaux tant néer­lan­dophones que francophones, tout en consi­dé­rant ses productions comme partie inté­gran­te de l'héritage thiois et brabançon. Tant les néer­landophones que les francophones de Bru­xelles peuvent trouver au­jourd'hui encore un ac­­cès aisé à ce patrimoine.

 

Robert STEUCKERS.

Bibliographie:

◊ Paul ARON, La Belgique artistique et littéraire. Une anthologie de langue française (1848-1914), textes réunis et présentés par P. Aron, avec la collaboration de Jacques Aron, Isabelle Dumont et Roland Van der Hoeven, Ed. Complexe, Bruxelles, 1997.

◊ Françoise AUBRY & Jos VANDENBREEDEN, Horta: van Art Nouveau tot modernisme, Ludion, Gent, 1996.

◊ André BAREY, Propos sur la reconstruction de la Ville européenne. Déclaration de Bruxelles, Archives d'Architecture Moderne, Bruxelles, 1980.

◊ Dirk CHRISTIAENS, Brussel is een vreemde stad - 75 dichters over 1 stad, 1385-1985, Houtekiet, Antwerpen/Baarn, 1989.

◊ Francine CLAIRE-LEGRAND, «1884-1914. De l'instinct à la réflexion», in: Maurice CULOT, René SCHOONBRODT, Léon KRIER, La reconstruction de Bruxelles, Recueil de projets publiés dans la Revue des archives d'architecture moderne de 1977 à 1982 augmenté de trente pages inédites, Ed. Archives d'architecture moderne, Bruxelles, 1982.

◊ Gabriele FAHR-BECKER, L'Art Nouveau, Könemann, Köln, s.d.

◊ Michel B. FINCŒUR, Marguerite SILVESTRE & Isabelle WANSON, Bruxelles et le voûtement de la Senne, Bibliothèque Royale de Belgique, 2000.

◊ Hans H. HOFSTÄTTER, Symbolismus und die Kunst der Jahrhundertwende, Dumont, Köln, 1965-78.

◊ Charles JENCKS, Modern Movements in Architecture, Pelican, Harmondsworth, 1973-77.

◊ Mina MARTENS (sous la direction de), Histoire de Bruxelles, Ed. Universitaires/Privat, Toulouse, 1979.

◊ Peter MENNICKEN, Stadt ohne Antlitz?, Steenlandt, Brüssel, 1943.

◊ André MONTEYNE, De Brusselaars in een stad die anders is, Lannoo, Tielt/Bussum, 1981.

◊ Charles PERGAMENI, L'esprit public bruxellois au début du régime français, H. Lamertin, Bruxelles, 1914.

◊ Arlette SMOLAR-MEYNART & Jean STENGERS, La région de Bruxelles. Des villages d'autrefois à la ville d'aujourd'hui, Le Crédit Communal, 1989.

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lundi, 04 juin 2007 | Lien permanent

Le nucléaire, l'Iran et la France

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Le nucléaire, l’Iran et la France

Révélation dans le n°13/2007 de l’hebdomadaire allemand « Der Spiegel ». Voici le texte publié en p. 18 :

 

L’Iran profite directement, en tant qu’actionnaire de la firme française EURODIF, de l’enrichissement de l’uranium en Europe. Les traités et accords, tenus partiellement secrets jusqu’ici, entre l’Iran et la France ont été révélés par une nouvelle étude commanditée par les Verts européens. Déjà en 1974, ce grand pays du Moyen Orient avait investi plus d’un milliard de dollars dans la firme SOFIDIF, spécialisée dans l’enrichissement de l’uranium. En contrepartie, les signataires étaient convenus de livrer dix pourcents de l’uranium enrichi pour le fonctionnement des centrales nucléaires. Une année plus tard, l’entreprise a acquis des parts de la firme EURODIF, qui fait fonctionner une usine d’enrichissement de l’uranium dans la localité de Pierrelatte dans le sud de la France. Aujourd’hui, la firme prétend que son objectif est « d’étudier l’enrichissement de l’uranium, d’appliquer le résultat de ces études, qui reposent sur les techniques de diffusion du gaz en France ». L’organisation de l’énergie atomique, qui dépend de l’Etat et est dirigée par le vice-président iranien Gholamresa Aghasade, retire de sa participation de 40% dans la SOFIDIF un bénéfice annuel estimé à quelque sept millions d’euro. Pour l’experte des Verts et députée européenne Rebecca Harms, « c’est une monstruosité de constater que l’ONU, sous pression des Etats-Unis,  envisage des sanctions commerciales contre l’Iran, tandis que l’Europe fait des affaires avec ce pays sur le plan nucléaire ».

 

Nos commentaires :

 

-         Les accords nucléaires franco-iraniens datent de l’époque du Shah. Ils avaient concouru à la chute du monarque Pahlavi. Le domaine du nucléaire demeure sensible : Washington refuse tout développement du nucléaire civil iranien, quel que soit le régime en place à Téhéran. Simultanément, Washington refuse toute coopération euro-iranienne en quelque domaine que ce soit. Cette deuxième position est inacceptable pour l’Europe. Tout ceux qui s’opposent à une transaction commerciale à un niveau aussi élevé entre l’Europe et une puissance tierce, extérieure à l’Europe stricto sensu, sont des traîtres à nos peuples et n’hésitent pas à se mettre au service d’une puissance qui veut nuire à l’Europe, à ses peuples et à son développement industriel.

 

-         Le fait que la révélation et la dénonciation de ces accords commerciaux et industriels, vieux de plus de trente ans, viennent des Verts, indique bel et bien que cet aréopage politicien n’a pas pour but de sauver la nature, le patrimoine écologique européen, la santé des habitants de l’Europe, mais sert en ultime instance à faire triompher en Europe la volonté malveillante des Etats-Unis, qui veut un ressac général des industries clefs de notre continent, que ce soit en métallurgie, en industrie automobile, dans les domaines nucléaire et aéronautique, dans toutes les technologies de pointe, en télécommunications et en informatique. L’aréopage politicien vert est un instrument de l’Amérique pour affaiblir l’Europe. L’aréopage politicien vert relève donc de la haute trahison.

 

-         Il est urgent de prendre en Europe des mesures contre les actes de désinformation perpétrés par les médias et les officines tenues par des écervelés politiciens.  

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lundi, 02 avril 2007 | Lien permanent

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