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Les jouissances du capitalisme

Hendrik CARETTE:

Les jouissances du capitalisme

 

Récemment, j’ai visité ce pays de fables qu’est la Slovénie, un petit pays, où l’on ne parle qu’une seule langue, où ne vit qu’un seul peuple dans des frontières qui sont vraiment anciennes. Le touriste qui veut franchir la frontière en automobile doit s’acquitter d’une vignette  qui coûte quinze euro par semaine et qu’il doit coller sur le pare-brise de son véhicule. Après cela, plus d’emmerdements: les montagnes du pays sont boisées, les vallées y sont vertes et la capitale Ljubljana (Laibach en allemand) est une ville charmante aux allures désuètes et provinciales. Les tartes qu’on y sert sont plus que succulentes; elles goûtent la vraie crème fraîche et nous replongent dans une atmosphère où l’on a l’impression à tout moment de croiser l’Impératrice Sissi, tant ce art de vivre et cette atmosphère rappellent la double monarchie impériale et royale austro-hongroise, dont la ville de Trieste, sur l’Adriatique, était le seul port.

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La Slovénie faisait partie de ce grand empire kitsch et tragique à la fois, que l’écrivain et journaliste alcoolique Joseph Roth a pu décrire comme nul autre et faire revivre dans ses oeuvres. La Slovénie est aujourd’hui une république à part entière, qui est membre de l’UE; elle a aussi été la première composante de l’ex-Yougoslavie du Maréchal Tito à se détacher définitivement du lien fédéral. Mais la Slovénie est surtout, à mes yeux, la patrie d’un philosophe, sociologue, critique, dissident, néo-marxiste, polémiste et anti-capitaliste notoire, que je qualifierai de flamboyant, et qui répond du nom de Slavoj Zizek, un nom simple, clair et approprié. L’homme est né à Ljubljana en 1949.

 

Ce que nous déclare, nous écrit, nous formule et défend publiquement ce Zizek barbu, au regard toujours sévère et mélancholique, eh bien, ce n’est pas du pipi de chat! J’avais déjà eu l’occasion de le renconter dans ce Paris agité, qui reste la Mecque des vieux soixante-huitards. Les paroles et les écrits de Zizek réveilleront brutalement un bon nombre de néo-libéraux somnolents, d’agents de la bourgeoisie, de sociaux-démocrates autoproclamés (à la Eric Defoort) ou d’autres démocrates aveuglés et égarés. Ses paroles en effet les arracheront à un sommeil très profond, à un sommeil de bourgeois très injuste et injustifié.

 

Je le répète, une fois de plus, pour nos lecteurs infatigables: ce que ce penseur pense est de grande fraîcheur, est tout d’originalité et témoigne d’un esprit rebelle et audacieux; cette pensée révèle une puissance de choc telle qu’elle nous force à abandonner définitivement les sentiers battus de la stupidité et de la médiocrité.

 

Cher lecteur, tu veux bien sûr que je te livre quelques exemples. Sois tranquille, je vais extraire de mes archives une longue citation, due à la plume de mon collègue Carel Peeters qui, le 5 septembre 2009, a recensé dans les colonnes de l’hebdomadaire “Vrij Nederland” le dernier ouvrage de Zizek, “Geweld” (= “Violence”) (publié chez Boom, 2009). Peeters écrit ce qui suit. Tiens-toi bien, lecteur, agrippe-toi aux branches de l’arbre, à tes bretelles à la mode qui t’ont coûté la peau des fesses, ou tout simplement à ta ceinture, celle que tu as dû serrer de quelques crans sous les effets de la crise. Et écoute: “Même si Zizek a des sympathies d’extrême-gauche, ces sympathies déboulent souvent dans le voisinage immédiat des droites. Il aime Karl Marx mais aussi de l’idéologue conservateur Carl Schmitt. Pour Zizek, l’Europe, et l’Occident en général, sont maintenus confits dans le sucre des jouissances du capitalisme. Le déploiement de l’individu en Occident depuis les années soixante, où chacun cultive ses propres désirs, son style de vie personnel et ses idées, n’a été possible qu’avec la globalisation  capitaliste à l’arrière-plan, affirme Zizek. Tous ces gens sont aliénés par rapport à la vraie vie originelle. Ce qui les lie entre eux n’est rien d’autre que le capital. Toutes ces différences amusantes masquent uniquement l’injustice profonde qui est à la base de notre société hédoniste, confite dans cet édulcorant; elles masquent la réalité crue: que les hommes sont tous esclaves, qu’ils ne sont plus maîtres de leurs forces de production, comme ils devraient l’être selon la doctrine communiste”.

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On le voit: Zizek énonce une dure vérité; et les dures vérités viennent souvent d’un coin d’où on ne les attendait pas, car, selon ce penseur slovène qui n’est pas si simple à comprendre (dans sa pensée se croisent et se mêlent les conceptions de Hegel, de Marx, de Benjmain et de Lacan), le fantôme du libéralisme hante l’Europe d’aujourd’hui. Je serai le dernier à le contrarier sur ce plan et le premier à encourager les lecteurs de “Meervoud” à lire ses livres; en néerlandais, on a déjà traduit “Het subject en zijn onbehagen” (= “Le sujet et son malaise”), “Welkom in de woestijn van de werkelijkheid” (= “Bienvenue dans le désert du réel”), “Schuins gezien” (= “Vu de biais”) et “Geweld” (= “Violence”). De surcroît, ce diable de Zizek aurait même écrit un “Plaidoyer pour l’intolérance” en 1998, que je veux  me procurer d’urgence, et que je lirai. Zizek, visionnaire, y aurait dit que nous, en Occident, sommes dominés par une “tolérance humaniste molle”. Cette forte parole de Zizek m’interpelle; elle est une douce musique à mes oreilles. Oui, moi aussi, je pense que cette “tolérance humaniste molle” est l’une des racines des maux qui nous frappent.

 

Hendrik CARRETTE

(Commissaire politique à la Culture, l’Enseignement et l’Edification du Peuple).

(article paru dans “Meervoud”, Bruxelles, sept. 2009; trad. franç.: Robert Steuckers).

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samedi, 03 octobre 2009 | Lien permanent

MICHEL ONFRAY contre les dogmes freudiens

MICHEL ONFRAY contre les dogmes freudiens


Pierre Le Vigan
Ex: http://metamag.fr/
 
Fidèle à sa méthode Michel Onfray cherche à opposer en tous domaines – ici la psychanalyse – les « autoritaires » d’un côté, les « libertaires-libertins » de l’autre. On peut le dire aussi différemment : les orthodoxes normatifs d’un côté, les hétérodoxes hédonistes de l’autre. On a compris : ceux qui ont précédé et préparé Onfray, et ceux qui ont précédés les ennemis d’Onfray. Pour être un peu sommaire ce clivage est  éclairant. Il met du désordre dans un faux ordre, travail philosophique s’il en est.
 

                                                                                Michel Onfray et Sigmund Freund
 
Dans Le crépuscule d’une idole, Michel Onfray avait produit une critique radicale – et retentissante ! – de Freud. Il avait certes repris les réflexions d’un Pierre Debray-Ritzen (La psychanalyse cette imposture, 1991) et bien entendu du Livre noir de la psychanalyse (2005) mais avec un écho plus grand. 
 
Otto Gross toxicomane et vitaliste 

Il s’attache à autre chose dans Les freudiens hérétiques. Son but est de défendre 3 figures de psychanalystes fâchés avec Freud. Le premier, Otto Gross, fils d’un criminologue conservateur, se veut révolutionnaire. Il se livre à toutes sortes d’expériences limites. Il oppose le « refoulement toxique du dionysisme individuel par l’apollinisme social. » à la nécessaire libération des forces dionysiaques- ce qui n’est pas faux mais renvoie à la structure de toute société. Il politise et socialise ainsi la question de l’inconscient. En termes freudiens, il prêche la mise à l’écart du surmoi au profit du ça.  Les pulsions primitives et vitales sont donc valorisées au détriment des normes sociales. « Otto Gross (…) ne se contente pas d’en appeler à une hétérosexualité libre, il souhaite également en finir avec la division des sexes et l’inscription des corps dans une logique dite aujourd’hui gendrée (ou genrée), avec d’un côté les hommes, de l’autre les femmes. » On voit qu’il ne suffisait pas de s’éloigner de Freud pour ne pas professer des absurdités ! Otto Gross est trouvé mort en 1920. Un infirmier note : « Le docteur en médecine Otto Gross, âgé de 42 ans et de religion mosaïque, est décédé à 5 heures du matin. Il a couché durant la nuit dernière dans un passage inutilisé conduisant à un entrepôt. Une pneumonie, aggravée par la sous-alimentation, ne pouvait plus être traitée ».
 

Otto Gross

Deuxième figure : Wilhelm Reich 
 
Issu d’une famille juive autrichienne très assimilé, proche de Gross quant aux idées, il «inscrit l’inconscient non pas dans un univers purement métapsychologique, mais dans un monde sociologique et politique. » (Michel Onfray). Autre différence, contrairement à Freud, il soigne surtout des pauvres.  
 
 
Sa thèse centrale est qu’ « il n’y a qu’un seul mal chez les névrosés : le manque de satisfaction sexuelle totale répétée. » Selon W. Reich la « mauvaise sexualité » vient du capitalisme. D’où la nécessité d’une révolution/libération sexuelle anticapitaliste. Il croit trouver l’Eden dans la Russie bolchévique, Lénine ayant déclaré que « le communisme ne doit pas apporter l’ascèse mais la joie de vivre, la vigueur et également une vie amoureuse comblée » (ce qui est peut-être beaucoup demander à la politique !).  Comme Rousseau, Wilhelm Reich croit qu’à l’origine des temps historiques l’acte sexuel était simple et sans complexe. Pourquoi ? Parce que dans le communisme primitif tout était la propriété commune de tous. Wilhelm Reich mourra en 1957 dans la cellule d’une prison américaine. Il avait écrit : « La plupart des psychanalystes étaient eux-mêmes des malades souffrants  de troubles sexuels, et cela n’était pas sans influer sur leur évolution. » (La fonction de l’orgasme).
  
Erich Fromm contre le mythe freudien de la pulsion de mort

Erich Fromm, le troisième hétérodoxe d’Onfray est sans doute le plus intéressant des trois - et le moins malade. Juif allemand, passionné par le Talmud, installé aux Etats-Unis à partir de 1934, il critique la société technicienne et cybernétique, refuse la notion de pulsion de mort telle que l’entendait Freud, et récuse l’hermétisme et l’intellectualisme distanciateur de Lacan et des freudiens orthodoxes. Il applique la méthode nietzschéenne de recherche de la généalogie d’une pensée pour la comprendre (La mission de Sigmund Freud). C’est l’application du « D’où parles-tu ? » à Freud.  Il en conclut que la philosophie de Freud n’est rien d’autre que sa confession et son autobiographie. Pour Erich Fromm, Freud a inscrit toute sa vie sous le signe de l’avoir : « l’argent, la réputation, les honneurs, les richesses ». Selon Fromm la psychanalyse est devenue « un produit de remplacement de la religion pour les classes moyennes, ou tant soit peu supérieures, des villes, qui ne souhaitaient pas faire un effort radical plus complet. » Ce qui n’est pas mal vu. 
 
 
Erich Fromm fait l’apologie de la pulsion de vie aussi bien contre les dérèglements psychiques tels dit-il la pornographie ou le sadisme généralisé que contre les dérèglements sociaux tels la folie consumériste, le culte des gadgets, le nihilisme des valeurs. Toutes idées qui ne sont pas sans évoquer Herbert Marcuse ou Yvan Illich. Michel Onfray conclut son livre par un démontage aussi hilarant que convaincant de l’imposture lacanienne. « La chape de plomb du freudo-lacanisme fut une malédiction pour la scène intellectuelle [française]» écrit Michel Onfray. Une lecture roborative.
 
Michel Onfray, Les freudiens hérétiques. Contre histoire de la philosophie 8, 388 p., 20,90 €, Grasset, 2013.

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dimanche, 19 mai 2013 | Lien permanent | Commentaires (1)

La dictature de la transparence, de Mazarine Pingeot

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La dictature de la transparence, de Mazarine Pingeot

Par Johan Rivalland

Ex: http://www.contrepoints.org

maztr21192931.JPGÀ travers ce court essai, Mazarine Pingeot (fille de François Mitterrand, pour ceux qui l’ignoreraient), qui tire parti de sa propre expérience en la matière, sans toutefois se placer au centre du sujet, mais ne cherchant pas à l’éluder, aborde la question plus contemporaine que jamais de la transparence au sein de notre société.

Véritable mise en cause de l’idée de « transparence », cet essai est l’occasion pour elle de s’interroger sur « l’injonction de transparence » qui semble être émise de la part de tous ceux qui érigent cette requête en gage de progrès démocratique face à l’opacité des dictatures. Là où, par ses excès, elle y voit au contraire une attaque contre la démocratie.

Un monde où l’image « sature le réel »

Le problème central est ici la dérive moralisatrice à laquelle une idée qui pouvait apparaître saine a mené, là où la loi existe et pouvait ou devrait suffire, sans que la morale soit en définitive utilisée comme une arme, menant de manière insidieuse à une forme de dictature dont elle s’attache à montrer les ressorts.

La question posée est celle de la protection de l’intimité et de ses libertés au sein d’une société dans laquelle il devient de plus en plus difficile d’établir les limites entre sphère publique et sphère privée, la première ayant tendance à grignoter de plus en plus la seconde.

Dans cette frontière de plus en plus ténue entre l’être et le paraître, s’enclenche le règne de l’émotion, au détriment de la raison et de la pensée.

C’est ainsi que l’information laisse place à la rumeur, et au scandale.

Et tout le monde participe, à sa manière, à cet état de fait. En effet, si Mazarine Pingeot critique les travers de la télé-réalité et, de manière plus générale, de la société du spectacle, ce sont aussi les mises en scènes de soi sur les réseaux sociaux, la diffusion de plus en plus répandue d’images intimes, jusqu’à l’obscène, qui amènent à s’interroger sur l’espèce d’hystérie collective dans laquelle nous semblons de plus en plus être plongés.

Avec la crainte que les écrans ne deviennent plus réels que la réalité elle-même dans l’esprit de beaucoup de gens, notamment les plus jeunes, qui pratiquent la « fausse transparence » par les mises en scène qu’ils font d’eux-mêmes.

De l’idéal vertueux à l’injonction totalitaire

Au-delà des dangers représentés par les réseaux sociaux et l’étalage d’impudeur de la société du spectacle, Mazarine Pingeot aborde aussi la question de l’obsession de la transparence en politique, instrumentalisée en réalité par la communication et les médias.

De même qu’elle montre les dangers du conspirationnisme, vice de la démocratie qui a fait de plus en plus d’émules avec l’avènement de l’internet.

Mais avant de devenir une sorte d’idéal vertueux, la transparence a déjà revêtu dans le passé les habits de l’idéologie, menant à « l’Inquisition en Espagne au XVe siècle, 1793 et la Terreur, mais aussi d’une certaine manière [aux] lois raciales et antijuives du IIIe Reich (…) ».

Or, il existe des tas de bonnes raisons de ne pas tout dire : « (…) cacher pour ne pas blesser, omettre parce que ce n’est pas le moment, dissimuler car ça n’appartient qu’à l’intimité, garder pour soi par pudeur… la liste est longue ».

Mazarine Pingeot aborde aussi le débat qui confronte, depuis les attentats terroristes de 2001 et le Patriot Act aux États-Unis, l’arbitrage entre sécurité et liberté, avec tout ce que cela implique.

Il convient, à ce stade, de préciser que cet essai est avant tout de nature très philosophique. Les auteurs de référence de Mazarine Pingeot (Barthes, Foucault, Lacan, Deleuze, Sartre, Baudrillard, Platon, Rousseau, Descartes, mais aussi Montaigne ou Kant), appartiennent probablement à son univers intellectuel (ce que je ne saurais lui reprocher) et peu au mien, mais qu’importe ; le questionnement d’ensemble n’est pas inintéressant et est tout à fait actuel, même si les réponses ne me semblent, quant à elles, pas très tranchées ou abouties. J’espérais, de fait, trouver dans cet essai beaucoup plus de réflexion concrète et actuelle. Mais je respecte l’orientation plus philosophique de l’auteur.

La recherche du sensationnel

Si Mazarine Pingeot n’en néglige pas pour autant les côtés positifs de la transparence, via en particulier l’accès libre à la connaissance, à l’image de Wikipédia, qu’elle qualifie « d’idéal des Lumières réalisé », elle s’interroge ensuite sur la force des images et l’invasion de celles-ci dans les médias.

Sont-elles toujours un gage de transparence ou ne frisent-elles pas parfois, là aussi, l’obscène ? Le voyeurisme ne tend-il pas parfois à primer la connaissance ? La recherche du sensationnel a ainsi trop souvent tendance à remplacer les mots par l’image et substituer des représentations à la réalité (par exemple la terrible photo du cadavre du petit Aylan échoué sur une plage), empêchant la compréhension globale d’un phénomène. « Une image se consomme, mais ne se lit plus », regrette Mazarine Pingeot.

Quand la presse ne dépasse pas carrément les bornes, comme dans le cas Dominique Baudis (elle cite aussi celui de Laurent Fabius). Or, elle déplore le manque de synchronicité entre la temporalité des journaux, celle de la justice et celle de la vraie vie.

Et que dire de l’infotainment, ce concept télévisuel d’émissions mélangeant information et divertissement ? L’information y devient spectacle ou divertissement à part entière.. De même que l’internet évolue de plus en plus vers un format où images et vidéos remplacent le texte ( sauf sur Contrepoints, bien sûr !).

Ces simples « fragments du réel », diffusés par millions jusqu’à saturation et souvent sans véritable distinction, montrent sans contextualiser, empêchant en réalité de penser, là même où elle se voudrait transparence.

L’esthétique de la transparence

Le dernier chapitre, qui a pour sujet l’autofiction, l’art contemporain et le cinéma, n’est pas inintéressant en soi. Il vise, entre autres, à montrer « que l’art est paradoxalement seul à même de dénoncer la dangerosité des images ». Mais, là encore, on retombe il me semble dans l’écueil que je soulevais plus haut, à savoir une approche un peu trop « intellectuelle » ou abstraite, du moins à mon goût, d’un thème qui me semblait très concret et actuel.

En conclusion, un livre au thème intéressant, traité avec un certain talent, mais qui m’a laissé sur ma faim, même si je porte sans doute la responsabilité d’avoir probablement attendu autre chose que ce que l’auteur voulait traiter.

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dimanche, 03 juillet 2016 | Lien permanent

La cancel culture et la délégitimation de la mémoire : le ”délire suicidaire” de l'Occident

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La cancel culture et la délégitimation de la mémoire: le "délire suicidaire" de l'Occident

par Giulio Battioni

Ex: https://www.lavocedelpatriota.it/cancel-culture-e-delegittimazione-della-memoria-il-delirio-suicida-delloccidente/

Les péripéties de la "cancel culture" abondent dans l'actualité. Les déclarations publiques et les manifestations sociales, souvent violentes et parfois grotesques, dominent la scène politique contemporaine dans le nouveau monde, en Europe et outre-mer. De la démolition des statues de Christophe Colomb et de Churchill à l'incrimination des œuvres de Shakespeare, Dante et Homère, des accusations contre la musique de Mozart aux inquisitions linguistiques et symboliques frappant les contes de fées, les poèmes et les œuvres d'art de toutes les époques. Un "délire suicidaire", comme l'a défini Ernesto Galli della Loggia, qui démolit l'image que l'Occident a de lui-même, délégitime sa mémoire et paralyse son action culturelle.

imccages.jpgPour les politologues, la cancel culture est un phénomène typique de la modernité tardive, une théorie élaborée par une "culture dominante" qui change de contenu en fonction du contexte social: dans les sociétés pauvres, elle tend à coïncider avec une culture conservatrice en matière de morale et de religion, encline aux valeurs nationales; dans les sociétés riches, comme le monde postindustriel, elle tend à prendre la forme d'une culture progressiste, libérale et "fluide", favorable aux idéologies de genre, au "mariage entre personnes de même sexe" et au mouvement LGBTQ, enclin à un multiculturalisme inconditionnel.

En bref, elle peut être définie comme une stratégie politique adoptée par des militants exerçant une pression sociale pour parvenir à l'exclusion culturelle d'un ennemi public accusé de paroles ou d'actes pas nécessairement accomplis et donc, à ce titre, stigmatisé et criminalisé.

Aujourd'hui, cette méthode de censure et de discrimination a pris les connotations du politiquement correct, un néo-langage de propagande qui conditionne le débat intellectuel et sa liberté d'expression.

Il s'agit d'une police de la pensée qui évoque toutes les formes de contrôle totalitaire des idées du vingtième siècle, de l'autodafé des livres dans l'Allemagne nazie à la persécution sanglante des dissidents par les communistes, de Lénine à Mao.

Les origines de ce "procès du passé" se trouvent dans la tradition française de la "terreur jacobine" et de la fureur iconoclaste de 68.

Selon Marc Fumaroli, c'est la "folie de 1968" qui a associé le nihilisme et l'anarchisme juvénile aux vagues successives du léninisme, du trotskisme et du maoïsme littéraires, en y ajoutant Freud revu et corrigé par Lacan, la déconstruction de Derrida et la théorie postmoderne de Lyotard.

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Le jacobinisme intellectuel parisien a ensuite été porté en triomphe sur les campus universitaires américains, dans un curieux aller-retour de ce côté-ci de l'Atlantique, avec les contradictions connexes de la démocratie américaine.

La culture "woke", après tout, le nouveau mot d'ordre du conformisme libéral, ne serait rien d'autre que l'appel aux armes des vieilles élites culturelles occidentales contre leur propre passé.

Sous le prétexte humanitaire de l'égalité et de la justice sociale, les nouvelles "oligarchies de la vertu" surveillent le politiquement correct de la pensée, incitant les masses à la violence contre les mots, les œuvres d'art, les monuments et les symboles de tous les temps. Le "rester éveillé" (Stay woke !) est la nouvelle haine déguisée par la démagogie de la lutte contre les discriminations raciales, coloniales et de genre, réelles ou supposées.

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Les apologistes de cette éternelle épreuve du passé, naturaliter occidentaux, méditerranéens, européens et américains, prêchent l'odium sui (la haine de sa propre culture) et la libération définitive des constructions de la civilisation bourgeoise, tout en oubliant ses avantages moraux et matériels.

Les enfants et petits-enfants des maîtres à penser de la contestation se revendiquent tiers-mondistes et anticapitalistes, accusant les pays riches d'exploiter les pays pauvres, tout en omettant les conquêtes morales et juridiques du vieux monde: liberté, droits de l'homme, égalité entre hommes et femmes, travail, démocratie.

En bref, la cancel culture est la nouvelle frontière du politiquement correct. Héritière de la guillotine révolutionnaire, elle constitue une nouvelle forme de censure, de plus en plus grave, qui ne provient pas d'une culture réactionnaire ou conservatrice, mais de la gauche radicale, libertaire et néo-communiste, et des mouvements de libération des "minorités opprimées". Ce n'est certainement pas le vieux moralisme victorien, ni le maccarthysme de la guerre froide, mais un nouveau mouvement né dans les bons salons de la culture et qui s'est ensuite répandu dans les rues américaines, avec Me Too et Black Lives Matter.

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Les effaceurs du passé ne se limitent plus à critiquer les opinions jugées non conformes aux totems et aux tabous de l'idéologie progressiste, mais visent directement l'élimination des œuvres et l'exclusion morale, sociale et civile de leurs auteurs. Les artistes, les journalistes, les écrivains, les professeurs, les scientifiques et les philosophes sont licenciés du jour au lendemain et condamnés à l'éloignement collectif.

Dans le même temps, le panthéon de notre culture est sacrifié à un esprit du temps, un bacchetton sanguinaire, hostile à toute impureté d'un passé dont on célèbre l'embrasement collectif. Et dans l'enfer des gommes s'achève toute la tradition classique, de la littérature à la musique en passant par les arts figuratifs.

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Si les Talibans et les islamistes de tout poil ont démoli les Bouddhas de Bamiyan et les trésors archéologiques de Palmyre, les nouveaux mauvais maîtres démolissent symboles et monuments au nom du Bien et du Progrès: Christophe Colomb n'est plus le grand navigateur qui a découvert le nouveau monde, mais le père de l'extermination des indigènes; Abraham Lincoln n'est plus le "grand émancipateur" de la guerre de sécession américaine, mais un suprémaciste blanc, coupable d'avoir réservé certaines épithètes aux Afro-Américains, un enfant de son temps; même Forrest Gump, un héros toujours prêt à défendre les handicapés, les malades et les vétérans de guerre, a été accusé de connivence avec le Ku Klux Klan.

En bref, la nouvelle censure frise le ridicule, surtout à l'étranger. Mais même en Europe, nous ne devons pas baisser la garde, étant donné le zèle négationniste qui a récemment frappé les Foibe, les fosses où les partisans titistes jetaient les cadavres des ressortissants la minorité italienne d'Istrie et de Dalmatie qu'ils avaient massacrés, et, partant, la mémoire historique de tous les Italiens.

Le procès du passé, avec la décontextualisation des actions, des comportements et des langages d'une période historique spécifique, conduit à une damnatio memoriae qui délégitime la culture et génère le désarroi des nouvelles générations. "Détruire les statues ne transformera pas le passé, cela le rendra moins compréhensible", a déclaré Abnousse Shalmani, un écrivain iranien en exil en Occident.

Effacer le passé, c'est mettre en danger l'avenir et la relation profonde que chaque culture entretient avec le temps. Si l'univers des valeurs de toute civilisation s'enracine dans le temps, l'effacement de la culture est une menace pour la culture qui vit et se nourrit de la mémoire. La haine du passé des nouveaux Goebbels du politiquement correct est à l'origine de l'incommunicabilité de notre époque et condamne l'Occident à son extinction. Restez éveillés !

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jeudi, 23 septembre 2021 | Lien permanent

Slavoj Žižek et l'homme comme catastrophe

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Slavoj Žižek et l'homme comme catastrophe

Par Alexander Markovics

Plus radical que "dernière génération": le "communisme de guerre" contre la crise climatique

"Dernière génération" appelle au respect de l'objectif de 1,5 degré, mais il y a des gens dans le monde pour qui cela n'est pas assez radical. Dans une interview accordée au journal allemand taz, le philosophe d'extrême gauche et mondialiste Slavoj Žižek, né en 1949, appelle à l'introduction du "communisme de guerre" pour résoudre la crise climatique. Mais quelle stratégie se cache derrière cette réclamation tapageuse et quel est son objectif réel ?

Contre le politiquement correct et l'immigration de masse, mais pour le mondialisme - un cas d'opposition intellectuelle factice

Le penseur slovène aime se mettre en scène en tant qu'opposant: il rejette le politiquement correct parce que pour lui, cela signifie parler sans agir, l'immigration de masse en Europe représente même pour lui l'un des quatre cavaliers apocalyptiques de notre époque. Mais en même temps, ce disciple du freudo-marxiste Jaques Lacan profite de la crise climatique, montée en épingle par les élites et les ONG occidentales, pour discuter de mesures encore plus radicales allant dans l'esprit du mondialisme. Car là encore, selon Žižek, on parle trop, mais on n'agit pas assez.

Un prétendu opposant au service des mondialistes : minimisation des mesures extrêmes pour le Great Reset

Par analogie avec les climato-collabos et leurs penseurs radicaux, il parle d'un "piège climatique" qui ne peut être surmonté que par des mesures autoritaires. Ainsi, Žižek, le philosophe slovène, minimise délibérément le terme utilisé: au lieu de parler de la bureaucratisation et de la militarisation totales de l'économie de guerre communiste, y compris la terreur et la violence contre les dissidents, auxquelles il fait référence par ce terme, il fait référence au président américain Franklin D. Roosevelt et à son intervention directe dans la politique économique afin d'augmenter la production d'armes. Pour justifier des mesures autoritaires telles que l'élimination de la démocratie au profit du climat, notre penseur slovène évoque un état d'urgence apocalyptique: nous sommes dans une guerre pour la survie, qui ne peut être gagnée que par une augmentation de la "bonne gouvernance".

L'État totalitaire et autoritaire comme dernier recours pour le projet mondialiste

Pour lui, cette bonne forme de gouvernement ne peut plus être une démocratie, mais seulement un État totalitaire qui fait tout ce que les élites occidentales jugent bon. De ce point de vue, il est logique que Slavoj Žižek plaide pour la fin du multipartisme afin de trouver "une issue au piège climatique". La raison pour laquelle le Forum Economique Mondial (FEM), l'UE et d'autres institutions occidentales ont de plus en plus recours à ce type de propagande, y compris chez les intellectuels slovènes, est qu'ils reconnaissent une crise du libéralisme, idéologie qui n'est plus en mesure de mobiliser suffisamment de personnes pour atteindre ses objectifs. Ce n'est pas pour une autre raison que le Great Reset a été conçu pour maintenir en vie le projet de mondialisation menacé d'échec: en préconisant et en prenant des mesures coercitives. La carotte ne suffit plus à faire adhérer les Européens aux mesures du libéralisme mondialiste, il faut donc, du point de vue des élites, sortir le bâton.

La menace de l'apocalypse comme moyen de pression pour une politique "sans alternative"

Dans l'esprit des mondialistes, c'est l'homme qui pose problème, et non une idéologie erronée ou des élites corrompues. Ce n'est pas seulement l'individu qui leur pose problème et qui devient une "catastrophe", mais surtout ceux qui sont organisés politiquement ou qui se considèrent même comme un peuple. Ce n'est pas un hasard si Žižek met en garde contre le "populisme", par lequel il entend tous ceux qui ne veulent pas se soumettre au Grand Remplacement. On peut avoir l'impression que dans l'esprit de l'élite mondiale, le slogan des lundis, jadis en RDA, "Nous sommes le peuple, le mur doit disparaître" a été inversé en "Nous sommes le mur, le peuple doit disparaître" et est devenu le principe directeur de leur politique. Ce faisant, ils créent délibérément des images d'une apocalypse imminente, que les médias grand public martèlent jour après jour dans l'esprit des gens. Leur but n'est pas seulement d'effrayer leurs propres citoyens et de les rendre dociles à des mesures toujours plus extrêmes. Ceux qui refusent de s'y plier sont déshumanisés, la société est divisée entre "négationnistes du climat" et "partisans des bonnes mesures". Au final, ils visent ainsi à donner l'illusion de l'absence d'alternative à leurs propres mesures, comme en 2015 avec la politique des frontières ouvertes d'Angela Merkel et en 2019 et suivantes dans le sillage de CO VID-19. Sur ce point au moins, on peut donner raison au philosophe slovène, surnommé en plaisantant "Hegel la cocaïne" en raison de son nez qui coule en permanence lors de ses apparitions publiques: dans l'Occident réellement existant, la question du climat est effectivement devenue l'un des quatre cavaliers apocalyptiques.

Pourtant, l'"apocalypse climatique" n'est pas une menace réelle, mais une mesure thérapeutique soigneusement mise en scène pour nous inciter à adopter le bon comportement, c'est-à-dire à obéir aux mondialistes. Mais peu importe les menaces des politiciens libéraux et de leurs philosophes de cour, peu importe ce qu'ils veulent nous faire craindre: si nous parvenons, en tant que peuple, à rester unis et à nous organiser politiquement dans le sens d'une lutte pour l'hégémonie, alors la panique climatique, tout comme la panique coronoviresque, ne mènera à rien.

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lundi, 21 août 2023 | Lien permanent

Cartographie cosmique de l'Eurasie

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Cartographie cosmique de l'Eurasie

Markku Siira

Source: https://markkusiira.com/2023/03/02/euraasian-kosmista-kartanpiirtoa/

Le traité ésotérico-philosophico-politique complexe de l'Italien Xantio Ansprandi, Eurasian Universism : Sinitic Orientations for Rethinking the Western Logos (PRAV Publishing), est certainement l'un des ouvrages les plus uniques et les plus stimulants de cette année; selon son sous-titre, il dessine des "orientations sinitiques" sur la carte cosmique eurasienne qui émerge de l'ombre de la tradition philosophique occidentale.

Ansprandi, qui étudie la philosophie pérenne, estime que le monde moderne, ayant abandonné sa tradition, se trouve dans un état de déséquilibre et de désordre. L'Europe traverse une crise philosophique, spirituelle et politique profonde : le logos (intellect, principe central ou mode de pensée) qui l'animait autrefois disparaît dans un maelström de chaos, tandis que l'ensemble de l'ordre mondial occidental moderne se désintègre.

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À l'autre bout du continent, la Chine connaît une ascension historique qui confère au potentiel de la "civilisation sinisée" une pertinence toute nouvelle dans les limbes instables actuels entre l'ancien et le nouvel ordre.

Les logos occidentaux peuvent-ils se remettre de leur décadence et quel rôle les traditions confucéennes et les innovations de la Chine communiste joueront-elles dans la nouvelle situation ? Le "néo-eurasisme" parviendra-t-il à inspirer la philosophie politique de la Fédération de Russie ?

Ansprandi crée une synthèse extraordinaire qui place la métaphysique occidentale et orientale dans un dialogue difficile mais novateur. En s'appuyant sur la mythologie comparée, la linguistique, les courants philosophiques et politiques et la sinologie moderne, le penseur italien dessine une carte cosmique où la civilisation eurasienne rencontre une civilisation occidentale affaiblie.

Il agit comme un anthropologue culturel doté de pouvoirs magiques qui, au milieu de la décadence de la société contemporaine, combine des éléments sains hérités du passé avec un nouveau symbolisme pour un avenir post-libéral. Ce renouveau apportera-t-il des résultats tangibles ou restera-t-il un exercice excentrique pour scribes marginaux ?

Quoi qu'il en soit, l'auteur aborde avec une assurance fascinante les parallèles entre la vision cosmologique germanique et la philosophie chinoise du taoïsme et du kung-fu. On atteint bientôt l'ancien "berceau de la civilisation", la Mésopotamie de la pointe de la flèche, dont les constellations ont permis d'extraire le graphème eurasien, le centre de toutes choses, pour donner une direction et un ordre au présent chaotique.

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Les concepts préchrétiens des dieux sont présentés au lecteur dans cette vertigineuse exploration étymologique et ésotérique, qui identifie le "dieu suprême du ciel" eurasien comme le pôle Nord céleste, la source créatrice de toute énergie et le patriarche du cosmos tout entier, qui ne peut être contenu dans les dogmes étroits du christianisme, et encore moins dans les constructions doctrinales du dualisme cartésien.

Si des philologues, linguistes et religieux célèbres, de Georges Dumézil à Mircea Eliade, sont déjà connus du lecteur, Ansprandi mentionne également le travail de pionnier du philosophe et sinologue français François Jullien, ainsi que le confucianisme politique du philosophe chinois Jiang Qing, dont les points de vue sont combinés et transcendés dans cette symphonie multiverselle des forces primordiales.

Il admet avoir reçu d'autres directives de René Guénon, de l'école traditionaliste, et du philosophe et historien des religions italien Ernesto de Martino, qui ont tous deux envisagé une réincarnation de la pensée occidentale à travers des influences orientales. Une autre source d'inspiration importante est le philosophe russe controversé Alexandre Douguine, dont les écrits sont cités à plusieurs reprises dans différents chapitres du livre.

Le néo-eurasisme de Douguine est fortement présent dans l'œuvre d'Ansprandi qui, comme le politologue russe, voit l'Occident libéral décadent et sa métaphysique sclérosée étouffer dans son propre nihilisme. Dans cette atmosphère de fin d'une époque, le "sujet radical" doit rester debout, ne serait-ce qu'au milieu des ruines.

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Les dissidents qui vivent dans le présent, à la fin du cycle historique de la civilisation occidentale, ne devraient pas seulement travailler à la manière de Nietzsche pour accélérer cette chute, mais aussi aider à la résurrection du logos et de la véritable culture européenne, et par extension eurasienne, des cendres de la merveille hivernale spenglérienne qui est tombée sur terre.

"L'universalisme eurasien est un manifeste anti-moderniste et post-libéral et en même temps une étude académique qui rejette les dogmes religieux, philosophiques et politiques du modernisme. L'ouvrage d'Ansprandi n'est pas facile à lire, car pour progresser dans ce voyage métaphysique, il faut déjà être familier avec (ou au moins disposé à apprendre) de nombreux concepts obscurs afin de comprendre le raisonnement ésotérique de l'auteur.

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L'"Orientation siniste" se déroule étonnamment bien, cependant, car l'auteur a disséminé suffisamment d'indices dans son vaste essai pour révéler un "tout sous le ciel" teinté de chinois. Dans ce tableau, l'Occident, qui a abandonné sa propre civilisation, reste en fin de compte un simple système territorial, qui cède la place à un ordre mondial plus diversifié sur le plan culturel. Cependant, Ansprandi espère que l'Europe s'éveillera à son tour.

Si le logos grec, le dieu germanique Odin, la cosmologie chinoise, le Dasein de Martin Heidegger, Jacques Lacan, la Quatrième théorie politique d'Alexandre Douguine, la philosophie du traditionalisme et une vision critique du libéralisme occidental vous intéressent, cet ouvrage original mérite d'être lu - mais sachez qu'il peut entraîner l'esprit curieux sur des chemins nouveaux et peu familiers.

 

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jeudi, 09 mars 2023 | Lien permanent

Slavoj Zizek: De nar die de koning de waarheid zegt

Slavoj Zizek: De nar die de koning de waarheid zegt. Gesprek met de Sloveense filosoof en volksmenner

Ex: http://solidarisme.be

Van een verwaaide extremist die niet kan zwijgen over Hegel, Marx en Lacan is de Sloveense filosoof Slavoj Zizek uitgegroeid tot het boegbeeld van ieder die jong is en iets anders wil. De Occupiers dragen hem op handen, maar of hij blij is met al die eer, is een andere vraag.

MARNIX VERPLANCKE

slavojzizek.jpg'Toen ik in Wall Street het parkje naderde waar de Occupy-activisten zich verschanst hebben, kreeg ik dezelfde indruk als overal elders: hoe dichter je komt, hoe groter de teleurstelling wordt. Laten we eerlijk zijn, die mensen weten niet wat ze willen. Ze zouden een voorbeeld moeten nemen aan die Poolse overlevende van Auschwitz die ieder jaar naar het kamp trok en daar gewoon stond, in een stil protest. Maar nee, ze willen de wereld iets meedelen en dat is alleen maar bullshit zoals: 'Het geld moet de mensen dienen.' Daar zou zelfs Hitler het mee eens zijn geweest, want als het geld de mensen niet dient, dient het de Joodse bankiers. Ik hou anders wel van de term Occupy. Normaal verwijst die naar de machthebbers, die buitenlandse gebieden bezetten of kolonies stichten. Hier wordt dat omgedraaid. Dat is leuk, maar Occupy heeft geen programma en dat zal de dood zijn van die beweging."

De Sloveense filosoof Slavoj Zizek staat erom bekend zijn mening niet onder stoelen of banken te steken en daarbij steevast tegen de haren van zijn geestesverwanten in te strijken. Hij is de communist die in de jaren tachtig door het Joegoslavische communistische regime een beroepsverbod van vijf jaar opgelegd kreeg, de psychoanalyticus die met zijn constante geëmmer over Hegel en vooral Marx zijn collega's de gordijnen in jaagt en de volksmenner die op Wall Street een stel jongeren steunt en aanmoedigt en hen daarna lelijk te kakken zet. En misschien wel terecht, want wie op YouTube de beelden ziet van een orerende Zizek wiens woorden zin voor zin door de Occupiers nagescandeerd worden, kan bijna niet anders dan denken aan die scène uit Life of Brian waarin Brian zijn ongewenste volgelingen probeert weg te sturen met de boodschap dat ze voor zichzelf moeten denken en zij dit gewoon gedachteloos herhalen.

Beweren dat Zizek de John Cleese van de hedendaagse filosofie is, gaat misschien wat ver, maar grappig is hij ongetwijfeld. Hij is de nar die al schertsend de koning de waarheid zegt en zich zo verzekert van een miljoenenpubliek. Vorige week kreeg hij er een paar duizend van bij elkaar in de Brusselse Bozar, waar hij een lezing gaf over ons Europese erfgoed en het gesprek dat we nadien hadden kwam automatisch uit bij het lot van dit oude Avondland. "Wanneer je een Chinees alle kwaad van de wereld toewenst, zeg je: 'Dat je in interessante tijden moge leven.' Wel, vandaag leven we in interessante tijden. We kunnen kritiek hebben op wat er in West- Europa na de Tweede Wereldoorlog is verwezenlijkt, maar je moet de duivel uiteindelijk ook geven wat hem toekomt. Was er ooit een moment in de geschiedenis van de mensheid waarop zo veel mensen een vrij, welgesteld en veilig leven konden leiden? Het verontrustende is echter dat dit op zijn einde loopt. Neem nu het antifascistische pact dat de Europese democratische partijen vanzelfsprekend vonden, dat komt vandaag op de helling te staan. Je had vroeger ook extreemrechtse partijen, maar daar praatte je niet mee. In Oostenrijk en Nederland geldt die regel opeens niet meer en sluiten ze overeenkomsten met extreem rechts. En onze kijk op de geschiedenis wordt er ook door aangetast. Hitler is nog steeds des duivels, maar de vroege Franco of Mussolini, ho maar! Het enige wat zij deden was zich terecht verzetten tegen het communisme. Wij staan dus op het punt iets heel belangrijks overboord te gooien. En hier ga ik akkoord met Peter Sloterdijk wanneer hij zegt dat je een onderscheid moet maken tussen de sociaaldemocratie en sociaaldemocratische partijen. Na de oorlog werd de sociaaldemocratie iets vanzelfsprekends, ook voor christendemocratische en liberale partijen. Het deed er niet toe wie er aan de macht was, de sociaaldemocratie werd niet ter discussie gesteld. Ik vrees dat dit voorgoed voorbij is."

Is dit geen wereldwijd fenomeen? Uit de VS komt er ook al geen goed nieuws.

"Hoe raar het ook moge klinken, de meest linkse president die ze daar ooit hadden, was Richard Nixon. Na hem zijn onderwijs, cultuur, ziekenzorg en andere sociale programma's er alleen maar op achteruit gegaan. Zoals we in Griekenland en Italië op dit moment al kunnen zien, en misschien ook wel in Nederland, wacht Europa een pact tussen technocraten en antimigrantenrechts.

Weet je wat Lacan zei over jaloerse mannen? Dat hun jaloezie pathologisch is, ook al bedriegt hun vrouw hen aan alle kanten. Wat van belang is, is niet of de man gelijk heeft, maar waarom hij zo pathologisch gefixeerd is op dat overspel. Hetzelfde zie je vandaag met de angst voor moslims. Zelfs al zijn er inderdaad moslims die terroristische aanslagen voorbereiden, dat is het probleem niet. Dat ligt in de onmogelijkheid voor extreem rechts om een Europa op te bouwen dat zijn identiteit niet ophangt aan de oppositie tegen de islam. Vandaar mijn oproep om deze politiek van de angst achter ons te laten. Angst is vandaag de grote politieke hefboom geworden, ook voor links trouwens, die mensen bang maakt voor hervormingen. Niemand gelooft blijkbaar nog in een positieve visie op wat de toekomst zou kunnen zijn. Ik vind dat jammer."

Is dat geen teken dat onze beschaving in een crisis verkeert?

"Het enige wat politici vandaag beloven, is dat de boel zal blijven draaien. De fundamentele crisis van vandaag is dus niet economisch of politiek, maar wel spiritueel, en ik ben er mij van bewust dat dit een rare uitspraak is uit de mond van een marxist. Niet dat ik me tot het katholicisme heb bekeerd en de paus gelijk geef wanneer hij zegt dat we met een morele crisis te maken hebben geleid door hebzuchtige bankiers. Dat is gewoon dom, want wat zou een bankier anders moeten zijn dan hebzuchtig, dat is toch zijn job? Het probleem ligt bij ons systeem dat steunt op dit type bankiers. De paus bezondigt zich hier aan protofascistisch denken: het probleem ligt niet bij het systeem, maar bij die vuige bankiers, en als het een beetje meezit zijn het ook nog eens Joodse bankiers. Kijk naar de VS, waar alle schuld op de schouders van Bernie Madoff werd geschoven. Daar hebben we een corrupte Jood! Maar over de ondergang van Lehman Brothers werd gezwegen, terwijl Madoff in vergelijking maar een schooljongetje was. We moeten dus niet zitten zaniken dat het kapitalisme egoïstisch is, maar juist nog veel egoïstischer zijn. We moeten aan onszelf denken en aan onze toekomst."

De openlijke speculatie met voedsel lijkt wel het lelijkste gezicht van het kapitalisme.

"Zelfs Bill Clinton sprak zich uit tegen het economische neokolonialisme van vandaag, waarbij de vruchtbare gronden in ontwikkelingslanden verpacht worden aan firma's uit het Westen die er landbouwproducten verbouwen louter voor de export. Pas op, ik zeg niet dat we terug moeten naar een oubollige socialistische landbouwpolitiek. Dat was de grootste ramp die het socialisme ooit veroorzaakte. Zuidwestelijk Rusland en Oekraïne bezaten de vruchtbaarste landbouwgrond van heel de wereld. Oekraïne zou op zijn eentje heel Europa kunnen voeden. En toch diende de Sovjet-Unie vanaf de jaren zestig constant voedsel in te voeren. Daar moeten we dus zeker niet naar terug."

En wat met het argument dat het allemaal de schuld is van China, het land dat oneerlijk concurreert door de waarde van zijn munt kunstmatig laag te houden?

"De crisis van 2008 veroorzaakte in China op slag en stoot 13.000.000 werklozen, maar een paar maanden later waren die alweer aan de slag. Het autoritaire regime kon de banken verplichten geld te lenen met het doel de binnenlandse vraag aan te wakkeren en weg was de crisis. Voor mij is dit de donkere boodschap van de crisis: dat de democratie het op zo'n moment moet afleggen tegen om het even welk autoritair regime. We dachten altijd dat het kapitalisme enkel kon floreren onder een democratisch regime, maar dat is vandaag niet meer zo. De dictaturen fietsen ons lachend voorbij. Kijk naar het boegbeeld van de politiek autoritaire maar economisch ultraliberale praktijk, Singapore. In 2009, toen de crisis het zwaarst toesloeg, tekende dat land een economische groei van 15 procent op, een record. Ik vind dat verontrustend."

Is Chinese democratie denkbaar?

"China heeft geen nood aan meer politieke partijen, maar wel aan een vrije samenleving, met ecologische drukkingsgroepen en onafhankelijke vakbonden. In het China van vandaag kun je gerust de vloer aanvegen met Marx. Niemand geeft nog om die ouwe troep. Maar wanneer je een staking probeert op te zetten, ben je - poef - zo maar opeens verdwenen. Iedere samenleving heeft zijn heilig boek en in China is dat De geschiedenis van de Communistische Partij. In de laatste editie bleek een bepaalde paragraaf opeens weg. Het gekke is dat die paragraaf heel lovend was voor de Partij. Hij ging over de jaren dertig, net voor de Japanse invasie, toen de streek rond Shanghai een economische boom beleefde en de Communistische Partij arbeiders verenigde in vakbonden. Stel dat dit mensen op ideeën brengt, dacht men wellicht, en dus ging die paragraaf eruit. Kijk, ik ben geen catastrofist die het einde van de wereld verkondigt. Ik doe niet meer dan de crisis serieus nemen en beweren dat het tijd wordt om na te denken over een alternatief voor het kapitalisme."

En wat is dat alternatief?

"Zeker niet het oude communisme, want dat is zo dood als een pier, en de sociaaldemocratische welvaartsstaat wellicht ook. In de twintigste eeuw wisten we wat we moesten doen, maar we wisten niet hoe. Vandaag zitten we met het tegenovergestelde probleem: we zien dat we iets moeten doen, maar we weten niet wat. Iemand vroeg me ooit waarom ik alleen kritiek heb en geen oplossingen aandraag. 'Waarom gun je ons geen blik op het licht aan het einde van de tunnel?', vroeg hij. Dus gaf ik hem het perfecte Oost-Europese antwoord: 'Dat doe ik liever niet aangezien het licht aan het einde van de tunnel afkomstig is van een andere trein die aan topsnelheid op ons afkomt.' Ik vind al die oplossingen zo goedkoop dramatisch: je beschrijft een probleem en op het einde bied je de oplossing. Zo makkelijk is het, maar wat als er geen hoop is? Volgens mij is de eerste stap naar een oplossing het besef dat er geen makkelijke hoop is. In dit leven kun je alleen maar pessimistisch zijn, vind ik. Dat is de enige manier om nog af en toe ook gelukkig te zijn, want optimisten worden constant teleurgesteld".

Maar toch blijft u streven naar een nieuw soort communisme?

"Waarom doe je dat Slavoj, vragen mijn vrienden, want je weet toch dat iedereen bij het horen van de term communisme meteen aan de stalinistische goelag denkt? Precies, antwoord ik dan, ik gebruik communisme omdat alle andere termen bezwaard geraakt zijn. Neem socialisme, iedereen is tegenwoordig toch socialist? Zelfs Hitler was er een. Socialisme staat immers voor een soort gemeenschappelijke solidariteit, waardoor het niet meer is dan gegeneraliseerd kapitalisme. Wie heeft in Amerika in 2008 de banken gered? Inderdaad, links, want rechts wou ze failliet laten gaan. Zonder socialisme hadden we vandaag misschien zelfs geen kapitalisme meer. Voor mij is communisme eerder de naam van een probleem, niet van de oplossing. Met het nieuwe communisme bedoel ik een manier om zinvol om te springen met al onze gemeenschappelijke goederen."

Bron: De Morgen, 7 december 2011, pp. 33-35

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vendredi, 13 janvier 2012 | Lien permanent

Les châteaux en Espagne de Rémi Soulié

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Les châteaux en Espagne de Rémi Soulié

 

Entretien

 

A quelques jours de la parution de son nouvel essai, Le vrai-mentir d'Aragon, Aragon et la France, aux éditions du Bon Albert, Rémi Soulié a accepté de nous entretenir de son précédent ouvrage, publié chez L'Age d'Homme, Les Châteaux de glace de Dominique de Roux

 

«De Roux a renouvelé notre façon de lire. Là encore, c'est révolutionnaire»

 

Pourquoi, aujourd'hui, écrire sur Dominique de Roux? Son nom, qui reste sulfureux (on se souvient du mot: «A force d'être traité de fasciste, j'ai envie de me présenter ainsi: moi, Dominique de Roux, déjà pendu à Nurem­berg»), n'a laissé aucun chef-d'œuvre impérissable. Ses livres sont pour la plupart des collages d'idées anarchi­ques, anarchiquement assemblées pour former une pâte de textes indigestes jetée sans autre souci à la figure d'un lecteur qui n'est pas habitué à être reçu ainsi. Mis à part une poignée d'irréguliers, personne ne le réclame. Seuls quelques éditeurs hors du sérail ont relevé le pari de publier les fulgurances et les formules bancales de ce styliste épileptique, qui se voulut tour à tour et en mê­me temps géométaphysicien, poète dissident du monde, impérialiste pacifique infiltré à la solde d'une Interna­tio­nale révolutionnaire gaulliste qui n'exista jamais ailleurs que dans son esprit enfiévré. Sa vie brusquement écour­tée ressemble à l'image finale de ce film de Werner Her­zog, Aguirre, où l'on voit Klaus Kinski dériver seul sur un radeau au milieu dune multitude de petits singes jaunes à têtes noires, debout dans son armure rouillée de con­qui­stador renégat, défiant Dieu, le regard halluciné, dé­voré par son rêve d'empire d'au-delà de la jungle amazo­nienne, avec la caméra qui s'éloigne. Pourquoi en effet, quand on s'appelle Rémi Soulié, écrire une biographie de Dominique de Roux, sinon pour tout ce qui vient d'être dit ?

 

Dès la première page des Châteaux de glace le ton est donné: «Rêvons un peu à une France vomissant ses tièdes et ses mous! Plus de sociaux-démocrates ni de démocrates-chrétiens, plus de libéraux sociaux ni de sociaux libéraux! La politique enfin restaurée en mystique par quelques ro­yalistes, des gaullistes métaphysiques aussi et des révo­lu­tion­naires intacts à la Fajardie! "Heureux comme Dieu en France", cette neuvième béatitude sortirait de la morgue où la science épigraphique congèle les anciennes senten­ces!» Soulié, maurrassien c'est sûr, n'aime pas son époque, aux songes creux et à la bouche pleine de gargouillis («droits de l'homme», «citoyenneté», «démocratie»...), et encore moins sa littérature. La gauche, hier insurgée, s'a­bîme dans la social-démocratie. La droite a trahi de Gaulle —c'était quand? Les écrivains se regardent le nombril et les éditeurs jouent les barbouzes. Lui voudrait un écrivain qui soit à la fois un idéologue et un aventurier, de droite et un peu à gauche, un militant et un esthète, Lawrence et Rim­baud, Monfreid et Malraux. Sa rencontre avec de Roux était fatale.

 

Ecrire une biographie c'est aussi, c'est surtout, écrire sur soi-même, retracer les étapes d'une vie étrangère pour mieux comprendre son propre cheminement intérieur. Rémi Soulié a donc mis ses pas dans ceux du Don Quichotte avey­ronnais, ce qui nous vaut de jolis passages, rencontré des témoins, nourri une abondante correspondance avec ses pro­ches. Son livre est riche de citations, et dans sa relation intime avec de Roux, il lui parle autant qu'il nous parle de lui. Raison pour laquelle Soulié ne craint pas de se montrer par endroit hermétique, voire ésotérique.

 

De Roux, la littérature et la droite. C'eût été un parfait sous-titre si Rémi Soulié avait jugé bon d'en ajouter un. En­core faut-il, avec un aussi subtil dialecticien, s'entendre sur les mots. De quelle droite parlons-nous ? En politique, de Roux honnissait le nationalisme et la propriété privée. En France, ce voyageur infatigable se considérait en territoire ennemi. Côté littérature, de Roux méprisait les hussards, qu'il qualifiait dédaigneusement de «chevaux-légers de la bourgeoisie». La Droite selon Dominique de Roux, Droite avec un grand "D" (comme Evola l'écrivait du reste, et Sou­lié ne manque pas de faire le lien), est partout où domine le tragique, donc le sens du sacré, dans la marche de l'His­toire. Héroïsme et folie sont valeurs de droite, qui définis­sent en littérature le Grand Art. Sont de droite Claudel, Hei­degger, Gombrowicz, Lawrence, Jünger, Benn, Céline, Artaud, Biely, Blanchot, Cummings, Pound, Genet, Nizan, Yeats, Joyce, Ungaretti, Gadda, Michaux. Une droite re­con­nue par lui seul, qu'il réinvente et redessine au gré de ses illuminations.

 

«Je soupçonne Dominique de Roux d'avoir lâché la corde avant terme pour ne pas assister à l'ultime désastre. Pro­phète comme il l'était, il aura préféré la vision béatifique à la société du spectacle.» Certains doutent de sa mort et préfèrent croire qu'il dort, roi du monde pétrifié dans la ro­che, sous un glacier, attendant son heure. D'autres pen­cheraient plutôt pour un repli stratégique dans une faille tel­lurique, quelque part entre Thulé et l'île de Pâques. Plus disert, Rémi Soulié conclut par l'impérieuse nécessité de sa relecture. «Dominique de Roux (...) desperado sudiste di­gne de notre piété.»

 

Entretien.

 

Q: Rémi Soulié, on sort de votre essai, Les Châteaux de glace de Dominique de Roux, converti. Il émane de cha­cune de ses pages une attraction mystérieuse que j'attri­buerai autant aux révélations que vous nous apportez sur ce personnage extraordinaire que fut Dominique de Roux qu'à l'inexplicable envoûtement de votre style, touché par une sorte de grâce qui le transfigure. Parfois, je me suis surpris à lire des paragraphes pour leur seule poésie, incapable «au réveil» de me souvenir de ce qu'ils disaient. Ce livre est celui d'un mystique. Au reste, son titre est déjà porteur d'un sens initiatique, comme s'il fal­lait entrer dans son œuvre comme on part en pè­le­rinage.

 

Rémi Soulié: Dans Immédiatement, Dominique de Roux évoque sa grand-mère et son «château de glaces». J'ai donc choisi ce titre parce que c'était une formule de Dominique de Roux lui-même, quelle renvoyait métaphoriquement à une demeure familiale  —et je me suis attaché à montrer ce que de Roux devait aux vacances passées en Aveyron, pen­dant son enfance— mais aussi parce que le château et la glace sont lourds de sens: ils évoquent à la fois l'en­ra­cinement profond, aristocratique, dans l'histoire de France, dans l'ancienne France, un «palais des glaces» où se réflé­chissent une image de soi fragmentée, une identité plu­riel­le, et, enfin, la mort. Dominique de Roux était hanté par la mort. Etait-ce pressentiment d'une fin prématurée, tro­pis­me romantique ? Sans doute les deux à la fois, et sans dou­te plus encore.

 

Q.: Dominique de Roux écrivain révolutionnaire -écrivain ET révolutionnaire, il ne viendrait plus aujourd'hui à l'i­dée de personne d'en douter. Mais dans quel camp était-il ? Droite-gauche-gaulliste-anar de droite ?

 

R.S.: Certainement pas révolutionnaire de gauche. Cela n'au­rait aucun sens. Son intérêt pour la Chine de Mao était esthétique, poétique —en ceci, il n'est pas très éloigné de Sol­lers, mutatis mutandis. Révolutionnaire de droite suppo­serait de sa part une adhésion doctrinale à un système par­ticulier également, or, même si l'on trouve dans son œuvre, surtout dans le Contre Servan-Schreiber, un jeu intellectuel sur le lexique maurrassien, Dominique de Roux ne saurait être réductible à une seule pensée politique. Il fut un hom­me d'action, certes, au service de la France gaullienne, en Angola, mais son gaullisme était mystique, non politique, selon la distinction de Péguy. Je vois en de Roux un poète de l'action, comme le colonel Lawrence ou Mishima. Il était attaché, sans doute, à une «certaine idée de la France», mais à une idée poétique, littéraire. Son anticommunisme, néanmoins, est évident. La catégorie d'anar de droite, si in­téressante soit-elle, François Richard la bien montré, est un peu un fourre-tout. On y «case» les irréductibles, ceux qui sont allergiques aux conneries puritaines de la bigoterie contemporaine et éternelle, à la figure increvable du «bour­geois», celle que Baudelaire, Flaubert, Bloy, Barbey ont décrit. Un Dictionnaire des idées reçues serait d'ailleurs impubliable de nos jours. Les hérauts socialistes et émi­nem­ment bourgeois de la liberté nous en empêcheraient. De Roux, en définitive, était bien révolutionnaire, parce que c'était un écrivain, et que tous les écrivains dignes de ce nom le sont. Pound, Borgès, Jouve, Céline, Gombrowicz, c'est aussi lui, c'est souvent d'abord lui.

 

Q.: Dominique de Roux nous a quitté il y a un quart de siècle. Selon vous, qui le connaissiez bien, qui peut pré­tendre aujourd'hui avoir pris sa place ? Ce qui m'amène à vous poser une deuxième question: quel apport à la lit­térature française fut le sien ?

 

R.S.: Personne n'a pris sa place, car personne ne prend ja­mais la place d'un écrivain —surtout un autre écrivain. Do­minique de Roux a néanmoins des admirateurs, par exem­ple certains jeunes collaborateurs de la revue Immédia­te­ment, placée sous son patronage. Marc-Edouard Nabe est un excellent connaisseur de de Roux. De Roux a marqué l'his­toire littéraire française, comme écrivain et comme édi­teur. Les Dossiers H de L'Age d'Homme, dirigés par Jac­que­line de Roux, sa femme, n'existeraient pas sans les Ca­hiers de l'Herne. Les auteurs dont je parlais précédemment sont entrés dans notre bibliothèque grâce à lui. Il a renou­velé notre façon de lire. Là encore, c'est révolutionnaire.

 

Q.: Au fond, que représente-t-il pour vous ?

 

R.S.: C'est un intercesseur, pour reprendre le mot de Bar­rès. Il donne des leçons de style, de courage, de vitesse, de passion, d'absolu, de colère; de Roux est un esprit libre, un homme seul qui a suivi sa vocation. C'est un «littéraire in­tégral», un homme pour qui la littérature était une vision du monde.

 

Q.: Le romancier Dominique de Roux m'a toujours in­trigué...

 

R.S.: Quoi qu'il écrive, Dominique de Roux était un styliste doué, d'emblée maître de son écriture et de son univers. Il est donc difficile, et sans doute réducteur, de comparti­men­ter son œuvre. Plus que pour d'autres écrivains, la ques­tion du genre, à mon avis, ne se pose pas vraiment chez lui. Je suis sensible à tous ses «romans» de Mademoi­selle Anicet au Cinquième Empire en passant par Harmo­nika-Zug et Maison jaune. Avec Mademoiselle Anicet, il a montré qu'il pouvait écrire, très jeune, un roman de fac­tu­re classique, «à la française», comme Une curieuse solitude de Sollers, avec lequel un parallèle s'impose à nouveau; à l'autre bout de l'œuvre, Le Cinquième Empire se lit comme un poème, lui aussi parfaitement maîtrisé. La beauté du Por­tugal éternel, mythique, celui du Roi caché, transparaît dans l'évocation dune situation exceptionnelle de crise. L'écriture de Dominique de Roux est limpide, et il a assi­milé Rimbaud.

 

Q.: Avant de lire Les Châteaux de glace votre nom m'é­tait inconnu. Force est de constater que votre livre se montre d'une grande discrétion à ce sujet. Rien ne filtre, ni sur vous ni sur vos antécédents. Quelques mots de votre part seraient les bienvenus à présent.

 

R.S.: J'ai trente-deux ans. Avant ce Dominique de Roux, j'ai publié un traité sur la promenade (*); j'avais alors une acti­vité d'enseignant-chercheur en littérature française, à l'U­ni­versité de Toulouse. J'ai collaboré à différentes revues, pu­blié plusieurs articles, universitaires ou non.

 

Q.: Et quels sont vos projets désormais ?

 

R.S.: Je corrige en ce moment les épreuves d'un essai sur Aragon, à paraître en janvier 2001 aux Editions du Bon Al­bert: Le vrai-mentir d'Aragon, Aragon et la France. J'es­père également publier dans les mois à venir une étude sur Jean Boudou, immense écrivain occitan, traduit en fran­çais, qui est l'égal de Jean Genet ou Mishima, pas moins! Je me suis attaché à le lire avec les lunettes de Freud et de Lacan —une écriture de la perversion, en bordure de la psy­chose. Je n'ai pas la religion de la psychanalyse, loin s'en faut, mais pour qui sait lire, surtout l'œuvre de Lacan, l'éclairage analytique, philosophiquement, est passionnant. Je publie en janvier 2001 une nouvelle, dans un recueil col­lectif, aux côtés de Georges-Olivier Châteaureynaud, Ho­meric, Victor Martin, Marie-Hélène Lafon et Denitza Ban­tcheva.

(propos recueillis par Laurent SCHANG).

(*) De la promenade, Editions du Bon Albert, 1997.

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samedi, 14 juin 2008 | Lien permanent

La crise du symbolique et la nouvelle économie psychique

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La crise du symbolique et la nouvelle économie psychique

par Anne Bussière

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En passant de l’économie industrielle du XIXè siècle à l’économie financière du néolibéralisme, nous sommes passés d’une économie de la névrose, bâtie sur le refoulement, à une économie de la perversion fondée sur la jouissance.

L’économie industrielle s’achève en août 1971 avec la fin de l’étalon or et l’auto-régulation du Marché. Simultanément, on constate au niveau sociétal un effacement de l’étalon phallus – cette instance symbolique qui régule le manque et permet la subjectivation de l’individu – dont le déclin, il convient de le dire, s’est amorcé au siècle des Lumières ; l’individu doit désormais s’auto-réguler en dehors de toute référence symbolique, ce qui génère une nouvelles économie psychique donnant libre cours à la jouissance aux dépens du désir. On constate que les mêmes mécanismes sont à l’œuvre dans l’économie financière et dans la nouvelle économie psychique, soit le déni du réel au profit du virtuel et de l’imaginaire.

Cependant, cette thèse concernant la nouvelle économie psychique, partagée par la majorité des freudo-lacaniens, est remise en question par un certain nombre de psychanalystes. Ces derniers contestent la prééminence de l’étalon phallus dans la construction de la subjectivité et pointent l’instrumentalisation de ce concept en vue de préserver la domination masculine. Dans cette perspective, les détracteurs de l’étalon phallus dénoncent une stratégie qui consiste à transformer un fait historique et culturel en donnée anthropologique universelle ; ils annoncent la fin du dogme paternel et plaident pour de nouvelles formes de paternalité.

On remarquera la contradiction dans laquelle se trouvent les détracteurs du néolibéralisme économique qui, par ailleurs, plaident pour la suppression de l’étalon phallus et pour une économie psychique émancipée de toute référence symbolique au manque. Soutenir une telle posture c’est ignorer le rapport entre l’infra structure et la super structure

La question du patrimoine et de la transmission qui nous occupe aujourd’hui engage celle du père. Chacun sait que dans la société traditionnelle patriarcale le patrimoine est transmis par le Père. Or, il se trouve que la figure paternelle est sérieusement mise à mal dans notre société dite postmoderne. Il est donc légitime de se poser les deux questions suivantes : le père est-il encore en capacité de remplir sa fonction de transmission ? Dans le cas contraire, quelles sont les conséquences de ce déficit sur l’économie psychique du sujet ?

Le discours sur le déclin du Père, ses causes et ses conséquences, fait l’objet depuis un certain nombre d’années d’un débat animé opposant les psychanalystes freudo-lacaniens de stricte obédience et les psychanalystes dissidents, les philosophes, historiens, sociologues et bien évidemment les mouvements féministes ; pour les uns : « il y aurait péril en la demeure », car ce déclin signerait la fin du monde, pour les autres, ce discours ne serait en fait qu’une stratégie de défense destinée à voler au secours d’un patriarcat chancelant sur le point de perdre le trône qu’il occupe depuis plusieurs siècles.

Avant d’aborder ces deux thèses adverses, je voudrais mettre l’accent sur le lien de cause à effet existant entre la dérégulation financière qui caractérise l’économie de ces cinquante dernières années et la dérégulation de l’économie psychique. On observera en effet que le néolibéralisme économique, dans sa phase ultime d’économie financière, comme le montre Edmond Cros (Voir, dans les mêmes Actes : « Du capitalisme financier aux structures symboliques – Á propos de deux idéologèles [ Temps réel, Réalité virtuelle] ») se fonde sur la disparition de l’étalon-or ; cette dernière entraîne la dérégulation des monnaies, la soi-disant auto-régulation des marchés et la mutation profonde de l’économie que l’on peut désormais qualifier de financière et virtuelle.

Simultanément, on constate les effets produits sur la super-structure et notamment sur l’économie psychique de l’individu par cette mutation de l’infra-structure. De fait, la disparition de l’étalon-or entraîne celle de son équivalent psychique que je nommerai « l’étalon-phallus », soit l’instance phallique ou encore la fonction paternelle ; on observe, en l’absence de ces repères, une dérégulation des normes sociales et culturelles et, à la suite, ce que les uns qualifieront de dysfonctionnement de l’économie psychique du sujet, tandis que d’autres n’y verront que de simples mutations historiques.

On observe que les deux thèses s’accordent quant au constat sur le déclin du Père, mais qu’elles en tirent des conclusions opposées. Je m’attacherai donc à développer successivement les deux argumentaires en mettant l’accent sur l’essentiel du débat, à savoir : quelle part, dans ces bouleversements ou simples évolutions, selon le point de vue, revient à la dimension anthropologique de l’être humain ou à sa dimension historique et culturelle ? Quel est l’objet de la transmission dans la société patriarcale ? Le Père assure-t-il cette fonction dans la société actuelle dite post-moderne et si non, quelles sont les conséquences et les effets produits sur l’économie psychique de l’individu ?

Le_cigare_de_Lacan.gifRappelons que pour les psychanalystes freudo-lacaniens l’instance phallique ou encore le langage instituent, régulent et transmettent le manque. En effet, la théorie de Jacques Lacan, et c’est là l’essentiel de son apport à la théorie freudienne, développe la thèse du rôle fondateur du langage dans la subjectivation du sujet. Dans cette perspective, le langage médiatise le rapport du sujet au monde et à soi-même ; il est mis en place non par l’objet mais par le manque de l’objet, le premier objet qui vient à manquer étant la mère. Le renoncement à l’objet aimé est donc la condition pour que l’être parlant puisse s’accomplir, il institue une limite qui entretient le désir. Il s’en suit que tout être humain doit s’accomoder d’une soustraction de jouissance, ce renoncement servant de fondement au désir et à la Loi. Dans l’expérience de la castration, en effet, l’enfant doit renoncer à la « Toute- jouissance » de la mère et donc à sa propre « Toute –puissance ».

Dans ces conditions, ce qui assure la transmission chez l’être humain c’est non seulement les gènes mais les signifiants dont le réseau instaure une distance irréductible par rapport à l’objet, un vide qui constitue le sujet (Lebrun :2007 p.55). Pour Lacan, le langage n’est pas un simple outil, il est ce qui subvertit la nature biologique de l’humain et fait dépendre notre désir de la langue. L’aptitude à la parole se paye d’un prix : parce qu’il doit passer par le défilé des signifiants, le désir humain est condamné à la seule représentation. Le langage donc inscrit la perte, il met fin au rapport fusionnel avec la mère et au régime de la jouissance ; il fonde l’économie du désir et ouvre à l’altérité. « L’étalon phallus », soit encore le langage, ou la métaphore paternelle, a pour mission de transmettre du manque, d’imposer une soustraction de jouissance.

La postmodernité et l’absence de transmission :

Or, les freudo-lacaniens observent un décrochage entre ce statut anthropologique du langage et les pratiques et discours de notre société postmoderne ; selon eux, ce décrochage affecte l’équilibre psychique de l’individu. Tout se passe comme si notre société ne transmettait plus la nécessité du vide, de sorte que l’objet se substitue à sa représentation et la jouissance au désir.

En effet, nous avons intériorisé le modèle du Marché qui ne connaît pas de limites à l’expansion exponentielle et globalisée du cumul des richesses. De nos jours, pas plus l’économie financière que l’économie psychique collective et individuelle ne font sa place au vide. La société de consommation issue du néo-libéralisme économique cherche avant tout à créer des consommateurs et, dans ce but, elle reproduit le lien fusionnel à la mère en situant le sujet, si tant est que l’on puisse parler de sujet, sous le régime de la dévoration dont le tableau de Goya : « Saturne dévorant ses enfants » est la métaphore parfaite.

L’urgence consommatrice nourrit et remplit sans sevrage, générant le processus de l’addiction, c’est-à-dire la jouissance indéfinie et absolue de l’objet sans médiatisation symbolique. L’objet est possédé et détruit dans l’instant, sans aucun différé, la jouissance s’est substituée au désir et c’est toute la dimension temporelle qui s’en trouve bouleversée. De fait, ce régime suppose l’effacement du futur mais aussi du passé, de l’historicité et donc de la transmission symbolique d’une génération à l’autre : « L’oralité dévorante qui s’est emparée de notre société évoque la rage de se remplir, la crainte du vide. » (Barbier : 2013 p. 169).

Charles Melman à son tour souligne le lien entre l’économie néo-libérale et la nouvelle économie psychique en ces termes : « l’expansion économique a besoin de lever les interdits pour créer des populations de consommateurs avides de jouissance parfaite. On est désormais en état d’addiction par rapport aux objets » (Melman, 2005 p. 71).

Dominique Barbier souligne que le lien social se délite ; ce n’est pas pour autant le triomphe de l’individualisme qui marque notre époque, mais bien plutôt celui de l’égoïsme grégaire. L’égoïste ne cherche que la satisfaction de ses pulsions, alors que l’individu doit être capable de les assumer et de les réfréner en les convertissant en une forme symbolique viable. De nos jours, au sein de la famille, la métaphore paternelle ne fonctionne plus, de sorte que le passage à l’âge adulte est repoussé indéfiniment et la subjectivation compromise ; l’enfant, plus tard l’adolescent, est incapable de renoncer à la Toute-jouissance et à la Toute-puissance. Dominique Barbier parle à ce propos d’une attitude familiale fusionnelle où les places ne sont pas définies par la triangulation oedipienne.

mendelgéreard.jpgGérard Mendel, promoteur de la sociopsychanalyse, observe dans la famille postmoderne le même type de dysfontionnement concernant la traditionnelle triangulation oedipienne. Il analyse le déclin de l’image du père mise en évidence par le mouvement de mai 68 et l’attribue au développement incontrôlé de la technologie dans notre société néo-libérale.

Selon lui, la puissance technologique est ressentie par l’adolescent comme Toute-puissance, ce qui le renvoie aux expériences vécues avec la mère dans la première phase archaïque ; il se trouve que l’image paternelle, traditionnellement associée aux institutions qui fondent la société, est elle aussi indissociable de la puissance technologique ; or, de nos jours, cette dernière est plus forte que les institutions, lesquelles ne défendent plus les valeurs traditionnelles (droit, justice,vérité, liberté). L’adolescent ne dispose donc pas de deux images parentales bien différenciées, l’image du père étant infiltrée par les éléments archaïques de la mère (le chaos, l’inconnu, l’arbitraire) ; en l’absence d’une médiation paternelle, l’adolescent se retrouve dans l’impossibilité d’affronter le conflit oedipien et de renoncer à la Toute-jouissance (Mendel : 1974).

Dans cette perspective, la société de consommation, issue de l’économie néo-libérale et de la dérégulation produit des effets désastreux sur l’équilibre mental des individus. Selon Charles Melman : « nous passons d’une culture fondée sur le refoulement des désirs, et donc de la névrose, à une autre qui recommande leur libre expression et promeut la perversion » (Melman, 2003, p.17).

On a pu constater que le discours sur la perversion fait désormais florès dans les medias : en témoignent les titres de la littérature psychanalytique, psychologique et sociologique : La perversion ordinaire, La fabrique de l’homme pervers et les articles consacrés au pervers narcissique qui envahissent les pages des revues. C’est pourquoi il convient de définir le concept de perversion qui tend à se diluer dans un usage indiscriminé et de revenir à Freud. Ce dernier, en ce qui concerne la perversion fétichiste, arrime le concept au déni de la réalité de la différence des sexes et donc de la castration.

Alors qu’elle perçoit la réalité, la personne qui la dénie se comporte comme si la réalité n’existait pas. A partir de là, on voit bien comment s’articule la perversion sur la non- transmission du manque. Lebrun observe que les nouveaux sujets postmodernes et le pervers stricto sensu ont en commun le même fonctionnement, à savoir le déni du manque : « Ils veulent récuser la modalité de jouissance prescrite par le langage pour pouvoir en prôner une autre non soumise à tous ces avatars qui limitent ladite jouissance […] un mode de jouir où le lien à l’objet n’est plus médiatisé par le signifiant » (Lebrun : 2007, 339). Il souligne encore au sein de la famille une forme de complicité entre les parents et les enfants dans le but de dénier le manque, de l’éviter. Les parents cherchent à éviter le conflit et les enfants en profitent, ils refusent la soustraction de jouissance, revendiquent la Toute-puissance et transgressent la Loi.

mel41JOeYYpanL.jpgSelon Charles Melman, la nouvelle économie psychique consiste dans un rapport spécifique du sujet à l’objet : chez le névrosé, tous les objets se détachent sur fond d’absence, le pervers, quant à lui, se trouve pris dans un mécanisme où ce qui organise la jouissance est la saisie de ce qui normalement échappe. Le comportement addictif en est un symptôme : pousser le plaisir tiré de la possession de l’objet jusqu’à l’extrême de la jouissance (Melman, 2003, 64). En outre, le pervers

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mardi, 31 mars 2015 | Lien permanent

Slavoj Zizek, un fascista di sinistra dei nostri giorni

Slavoj Zizek, un fascista di sinistra dei nostri giorni

di Luciano Lanna

Ex: http://robertoalfattiappetiti.blogspot.com/

 Articolo di Luciano Lanna
Dal Secolo d'Italia di venerdì 30 ottobre 2009
«È tempo di sporcarsi le mani!», ci dice Slavoj Zizek, ironizzando sul «moralismo sterile» e il disincanto minimalista che pervade pressoché tutte le culture politiche. Non se ne può più, aggiunge, con quella miscela che determina quel pensiero unico - prospettato come il solo ammissibile - obbligato a oscillare tra un impolitico liberalismo permissivista e una correlativa enfasi retorica sui valori. E si deve, a suo dire, fuoriuscire da questa forma unica del senso comune attraverso un "salto" che conduca nelle ragioni profonde delle vecchie cause perse, di tutto ciò che ormai viene delineato come folle e legato ai fallimenti storico-politici del Novecento.
«Come riscattare - spiega Zizek - il potenziale emancipatore di quei fallimenti evitando la doppia trappola dell'attaccamento nostalgico al passato e dell'adattamento un po' troppo furbo alle nuove circostanze?». Una cosa è certa: i progetti di "grande politica" del '900 sono stati attraversati dalla tentazione totalitaria conducendo direttamente al proprio fallimento e a veri e propri incubi collettivi. Quei tentativi di imporre la rivoluzione hanno pordotto soprattutto regimi in cui il popolo è stato ridotto al silenzio. Ma, bisogna stare attenti - è l'invito esplicito di Zizek - a non buttare il bambino insieme all'acqua sporca. Per dirla tutta: potrebbe esistere un altro percorso possibile tra i fallimenti del '900 e l'idea e la prassi contemporanea di una riduzione della politica alla sola dimensione di amministrazione razionale di interessi?
Al filosofo di Lubiana d'altronde ne hanno dette di tutti i colori, accusandolo a seconda delle volte di essere l'«Elvis Presley della teoria della cultura» o anche un «fascista di sinistra». Ma lui in tutta risposta se n'è uscito con questo suo ultimo librone, In difesa delle cause perse (Ponte alle Grazie pp. 638, € 26,00), andato a ruba anche nelle librerie italiane. Classe 1949, laureato in filosofia, ha approfondito i suoi studi a Parigi. L'interesse per la politica è centrale nella sua riflessione tanto che nel 1990 fu anche candidato alle elezioni presidenziali del suo paese per il partito Democratico Liberale. Il suo pensiero è integralmente caratterizzato dall'applicazione e dalla chiarificazione sociale e politica dei concetti di Lacan ma tra i suoi riferimenti rientrano anche Heidegger, la Scuola di Francoforte, Kierkegaard, Pascal e da mistici quali Jakob Boehme e Angelus Silesius. È nota inoltre la sua ammirazione per Chesterton, di cui ha tradotto diversi libri in sloveno. I suoi maggiori riferimenti contemporanei sono senza dubbio Deleuze, Badiou e Rancière. La peculiarità del suo stile filosofico e della sua stessa scrittura, all'origine del suo notevole successo mediatico, è la capacità di trattare di pensiero politico facendo riferimento alla letteratura e al cinema popolari contemporanei (da Fight Club e Pulp Fiction al B-Movie italiana degli anni '70 sino ai film con Bruce Lee).
Inviso ai nostalgici dei vecchi recinti e a chi rifiuta sconfinamenti del pensiero nell'ambito dell'immaginario, Zizek viene spesso assimilato a torto ai teorici del postmodernismo e ai sostenitori della fine delle grandi narrazioni. Ma la sua posizione è addirittura antitetica a queste prospettive: «Nella lotta anni '60, tra Beatles e Rolling Stones, io stavo con gli Stones: i Beatles erano troppo soft...». E rilancia, anzi, con la necessità di riappropriarsi di una politica fatta "di passione". Tra «liberali anemici» e «fondamentalisti» pseudo-appassionati lui contesta l'opposizione di questa alternativa e invita a recuperare in politica le dimensioni del sacrificio e della disciplina. Non a caso, intervistato qualche tempo fa dal quotidiano il Manifesto, rilanciava con un ossimoro tipicamente novecentesco: «Non mi dispiace definirmi ironicamente un "fascista di sinistra"».
È originale la sua analisi degli ultimi quarant'anni: «Un aspetto dell'immediato del dopo-‘68 è stato il progressivo scivolamento verso una sorta di spiritualità all'americana. Lo spazio per l'azione collettiva era scomparso e lasciava il posto alla sessualità spiccia o a una violenza individuale diretta verso il terrorismo. La catastrofe iniziò lì». D'altronde in Italia sbagliano quei suoi detrattori che, accusandolo di nichilismo e relativismo, considerano le sue analisi rivolte esclusivamente alla sinistra. Eppure Zizek è durissimo contro la logica anti-statalista che accomuna larga parte della sinistra alla stessa impostazione di buona parte della destra, vero pensiero unico dominante: «Purtroppo non vedo - dice - nessun segno della cosiddetta estinzione dello Stato, al contrario. Perfino negli Stati Uniti, ad esempio, quasi ogni volta che si determina un conflitto tra la società civile e lo Stato, mi ritrovo a essere dalla parte di questo piuttosto che di quella...».
Le pagine di In difesa della cause perse sono estremamente chiare da questo punto di vista: «Quando le persone di sinistra lamentano il fatto che oggi solo la destra si mostra appassionata, è in grado di proporre un nuovo immaginario mobilitante, mentre la sinistra si impegna solo nell'amministrazione, esse non vedono la necessità strutturale di ciò che percepiscono». E la metafora più evidente, a suo avviso, sta nel destino dell'europeismo che di fatto «non riesce a suscitare passioni: esso è fondamentalmente un progetto di amministrazione, non un impegno ideologico». Ragion per cui il superamento dell'impasse passa, secondo Zizek, nel recupero di una libertà intesa come prassi, attraverso una versione «impegnata» della stessa libertà: «Non è qualcosa di dato - precisa il filosofo sloveno - ma essa è sempre riconquistata attraverso una dura lotta, in cui si deve essere pronti a rischiare tutto... La vera libertà non è una libertà di scelta fatta da una distanza di sicurezza, come scegliere tra una torta di fragole e una torta di cioccolato». E anche per questo, in un clima generalizzato e globale di «permissivismo che funge da ideologia dominante» è forse giunto il momento per riappropriarsi della «disciplina» esistenziale e dello «spirito di sacrificio». La libertà come tensione irriducibile e il vero libertarismo come tutt'altro dal permissivismo postmodernista. Una libertà presa sul serio e che non si determina con la rassegnazione minimalista conseguente alla presa d'atto del fallimento del Novecento. Non a caso tutto il terzo capitolo del libro è dedicato a Heidegger e agli altri intellettuali radicali tentati dal totalitarismo, ma dei quali Zizek vuole recuperare il positivo. C'è qualcosa che accomuna certe riflessioni dello sloveno a quelle dello storico israeliano Zeev Sternhell quando sosteneva: «Si può essere pieni di ammirazione per la vitalità della cultura fascista, per lo stesso senso di unità che il fascismo restituiva alla collettività, ma nello stesso tempo aborrire il totalitarismo, lo Stato poliziesco, il crimine politico. Non si è necessariamente candidati al posto di guardiani di campi di concentramento o di servi delle dittature se si riesce a percepire quello che i dissidenti degli anni '30 ammiravano nello spirito del tempo e cioé la rivolta contro la concezione utilitaristica della società».
Sbaglia quindi chi volesse accostare le suggestioni di Zizek a qualsiasi tentazione estremista o fondamentalista. Vale su tutto la sua confutazione della lettura neocon del film 300 di Zack Snyder: «I razzisti culturali occidentali amano affermare che, se i persiani fossero riusciti a sottomettere la Grecia, oggi ci sarebbero minareti ovunque in Europa. Ma quest'affermazione stupida è doppiamente sbagliata: non solo non ci sarebbe stato un Islam in caso di sconfitta della Grecia (dal momento che non ci sarebbe stato un pensiero greco e dunque un cristianesimo, presupposti storici dell'Islam); ancora più importante - conclude - è il fatto che ci sono minareti in molte città europee oggi, e il genere di tolleranza multiculturale che ha reso questa cosa possibile è per l'appunto il risultato della vittoria greca sui persiani».
Luciano Lanna, laureato in filosofia, giornalista professionista dal 1992 e scrittore (autore, con Filippo Rossi, del saggio dizionario Fascisti immaginari. Tutto quello che c'è da sapere sulla destra, Vallecchi 2004), oltre ad aver lavorato in quotidiani e riviste, si è occupato di comunicazione politica e ha collaborato con trasmissioni radiofoniche e televisive della Rai. Già caporedattore del bimestrale di cultura politica Ideazione e vice direttore del quotidiano L'Indipendente, è direttore responsabile del Secolo d'Italia.
L'articolo è anche sul sito web del Secolo d'Italia:
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samedi, 09 janvier 2010 | Lien permanent

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