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Le Moyen-Orient est littéralement en train d’exploser...

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Le Moyen-Orient est littéralement en train d’exploser...
 
Ex: https://echelledejacob.blogspot.com
 
Le Moyen-Orient est littéralement en train d’exploser : les Houthis ont porté un coup extrêmement efficace à la production de pétrole saoudienne qui, selon eux, a maintenant chuté de 50% avant de rebondir ; il y a des rumeurs persistantes selon lesquelles les Su-35S et S-400 russes ont menacé d’abattre un avion israélien attaquant la Syrie; le Liban a déclaré qu’il se défendrait contre les attaques israéliennes. Le Hezbollah a menacé de lancer des frappes paralysantes sur Israël et même contre des responsables israéliens; la Turquie a acheté des défenses anti-aériennes russes et affirme que si les États-Unis refusent de livrer leur F-35S, la Turquie envisagera les Su-35 et peut-être même les Su-57. Bibi Netanyahu a essayé d’utiliser Poutine pour sa campagne de réélection – enfin, il essaie vraiment désespérément d’éviter la prison – mais a dû rentrer chez lui les mains vides et, selon le Jerusalem Post, sa mission a été un échec.

Enfin, et pour nous assurer que les crises ne se limitent pas qu’au Moyen-Orient : les Polaks et la Cour européenne ont engagé des poursuites en justice pour tenter de contraindre la Russie à utiliser le transit de gaz par l’Ukraine; les États-Unis invoquent d’anciens traités pour menacer le Venezuela ; le Royaume-Uni va en enfer; L’Europe – eh bien, l’Allemagne – ne peut même pas faire plier les Polaks au sujet du pipeline North Stream 2 – bon, ils se plient bien sûr, mais pour Oncle Shmuel, pas pour Angela Merkel; L’Inde et le Pakistan se menacent l’un l’autre par Cachemire interposé. Ai-je oublié quelque chose ?

Ah oui, la RPDC lance de nouveaux missiles. Les États-Unis veulent blâmer l’Iran pour les attaques houthies; la Chine rejette catégoriquement ces accusations, tandis que la Russie continue d’annoncer de nouvelles armes révolutionnaires reposant sur de nouveaux principes et prévoit de déployer le «Prométhée» S-500, histoire de s’assurer que l’Empire n’aura pas d’idées stupides pour tenter de frapper la Russie, ou ses alliés, qui achèteront le S-500 en 2021, selon des sources officielles.

Je suis sûr que j’en ai oublié beaucoup. Vraiment, l’Empire s’effondre sur tous les fronts et, à son tour, cela signifie que les chances de voir les bas-de-plafond ignorants de la Maison-Blanche faire quelque chose de très stupide, augmentent de façon spectaculaire.

Oui, je sais, Bolton a été viré. Et j’applaudis cela, mais étant donné que je crois que Pompeo est encore plus délirant et diabolique que Bolton – sans parler de son arrogance fantastique – ce n’est guère une raison d’espérer. Je viens de lire que Robert C. O’Brien succèdera à Bolton, il était l’envoyé spécial du président pour les affaires d’otages au département d’État ; je me demande si cela signifie encore plus d’enlèvements de ressortissants russes dans le monde… ? Il y a tellement de choses à couvrir ici que je vais me limiter à quelques points sur le Moyen-Orient qui, à mon avis, sont importants.

Premièrement, la destruction partielle des principales installations pétrolières saoudiennes est un énorme embarras pour les États-Unis. Rappelez-vous que le royaume RAS [Arabie Saoudite] est vraiment le « quartier général » du CENTCOM et même la raison de son existence pour « protéger » l’Iran de l’URSS, et protéger officiellement le Shah, mais en réalité, cela faisait également partie d’un accord majeur entre les États-Unis et le RSA : « Vous n’accepterez que les paiements en dollars et nous vous protégerons contre tout le monde ». Bien sûr, il existe une longue liste de comparses occidentaux auxquels une promesse similaire a été faite, notamment Saddam Hussein, Mouammar Kadhafi, Manuel Noriega, Hosni Moubarak et bien d’autres ; la plupart sont maintenant morts, les autres en prison – si je me souviens bien. Maintenant, c’est au tour des Saoudiens, semble-t-il, non seulement les super Patriots «meilleurs que les S-300» n’ont pas arrêté les missiles des Houthis, mais toute la puissance combinée du CENTCOM a également échoué.

Deuxièmement, je ne peux qu’être d’accord avec ‘b’ l’auteur du blog Moon of Alabama – la guerre est terminée pour l’Arabie Saoudite. Qu’ils s’en rendent compte ou non ne fait aucune différence. D’accord, cela fera une différence dans le temps, mais dans le temps seulement. Les Saoudiens et leurs clients anglo-sionistes ont trois solutions :
  • Continuer plus ou moins comme avant : telle est la définition de la folie s’ils en attendent des résultats différents.
  • Escalader et frapper l’Iran, après quoi tout le Moyen-Orient va exploser avec des conséquences dramatiques.
  • Faire ce que les États-Unis font toujours : déclarer la victoire et partir.
De toute évidence, la troisième option est la seule raisonnable, mais qui a dit que Bibi, Trump ou Mohammed ben Salmane sont raisonnables ? Tulsi Gabbard s’est jointe à moi pour traiter Trump de pute, sauf que je dit que c’est une pute israélienne, alors que Gabbard pense pute saoudienne. Du pareil au même !

Il y a cependant un facteur restrictif : si Trump frappe l’Iran, il deviendra le «président jetable» des néo-conservateurs : l’Iran utilisera cette opportunité pour frapper Israël et Trump sera accusé pour cela – les néo-conservateurs ont, après tout, le contrôle total du Parti Démocrate et de nombreux comités clés du Congrès.

Donc, tout se résumera à éreinter Trump et à savoir s’il a les informations et les neurones nécessaires pour se rendre compte, d’abord qu’un assaut contre l’Iran détruirait sa présidence – qui est déjà foutue dans les grandes largeurs et attaquer l’Iran serait le clou sur le couvercle du cercueil – et ensuite qu’il serait à la fois mis en accusation et, bien entendu, jamais réélu.

Troisièmement, les Houthis auraient-ils pu le faire ? Absolument oui. L’Iran n’a pas eu à frapper directement, précisément parce que les Houthis étaient capables de le faire eux-mêmes. Découvrez cette exposition officielle de missiles balistiques houthis et de drones et voyez par vous-même ici et . En outre, les Houthis ressemblent beaucoup au Hezbollah et ils ont clairement appris à maîtriser les capacités avancées en matière de missiles et de drones, grâce à l’Iran, raison pour laquelle les Israéliens et les États-Unis sont si furieux. Maintenant, je répète, je ne dis pas que l’Iran n’a pas aidé, ou que cette frappe aurait eu le même succès si l’Iran n’avait pas fourni de renseignements, d’expertise technique, etc. Mais s’il existe la moindre preuve d’une implication directe de l’Iran, laissez le « lamantin malveillant » – c’est ainsi que Fred Reed a qualifié Pompeo – la montrer au monde entier, et il vaut mieux que la preuve soit plus solide que la merde qu’ils ont montrée pour Skripal, ou pour les coups montés d’armes chimiques en Syrie.

Quatrièmement, cela signifie pour le RSA et ses clients anglo-sionistes que les Houthis peuvent frapper n’importe où à l’intérieur du royaume saoudien en toute impunité. Et pas seulement là-bas. De plus, je soupçonne que l’Iran peut aussi frapper toutes les installations liées au pétrole ou au gaz situées au Moyen-Orient, tout comme il peut atteindre les objectifs américains / CENTCOM / OTAN / Israël qu’il souhaite. De plus, en cas de guerre totale au Moyen-Orient, vous pouvez vous attendre à ce que des missiles arrosent les installations américaines, non seulement au Yémen par les Houthis, et au Liban par le Hezbollah, mais aussi potentiellement en Syrie, en Irak et en Afghanistan.

Cinquièmement, peu importe où et ce que les États-Unis et / ou les Saoudiens et / ou les Israéliens enverront contre l’Iran, la réponse sera la même, du moins selon le professeur Marandi : ce sera énorme et la capacité d’exportation de pétrole et de gaz de tout le Moyen-Orient sera menacée. Il n’existe aucun moyen sûr, bon marché ou efficace de frapper l’Iran. Mais est-ce que les gens à Washington le réalisent ?

Ensuite, je voudrais faire quelques remarques sur l’interception présumée de F-35 israéliens par un Su-35S russe sur la Syrie.

Premièrement, nous n’avons pas vraiment les faits, alors attendons un peu. La plupart des histoires à ce sujet proviennent d’un journal en ligne arabe. Au cours des dernières 24 heures, il y a eu une « sorte de » confirmation de la part de la Russie, mais pas de la part des responsables. Ces informations ne donnaient pas tant de détails factuels, tels que la jubilation de voir Netanyahu revenir de Russie sans rien, la queue entre les jambes.

Deuxièmement, ma meilleure hypothèse est que cette histoire est probablement basée sur la réalité. Les Israéliens se comportent comme s’ils ne se souciaient pas de la présence russe en Syrie : ils ont donc recours à des frappes aériennes exclusivement à des fins de relations publiques – rappelez-vous que Bibi veut éviter la prison ! Et les Russes se sont probablement plaints, ont été ignorés, et finalement en ont eu marre.

Troisièmement, le fait que le Jerusalem Post ait dû publier un article horrifié sur cet événement prouve de manière concluante que ceux qui essayaient de nous convaincre que la Russie et Israël travaillaient main dans la main et que Poutine était le meilleur ami de Bibi étaient bien remplis de conneries, et leur piège à clics n’était que ça : un piège à clics.

Quatrièmement, il existe des passionnés de technologie qui essaieront toujours de prouver que le Su-35S est nettement supérieur au F-35 et que cette histoire est très crédible. Ceux qui expliqueront que le F-35 est nettement supérieur au Su- 35S et que cette histoire est une pure invention. La vérité est qu’il est inutile de comparer deux aéronefs avancés «dans l’abstrait» ou de déclarer qu’un est bien meilleur que l’autre. Oui, oui, le Su-35S est supérieur au F-35 à de nombreux égards, mais certainement pas dans tous les scénarios possibles. En fait, nous aurions également besoin de savoir quels autres avions étaient dans les airs à ce moment là – y compris les AWAC, SEAD et EW – et nous devrons déterminer le rôle exact joué par les S-400 russes, le cas échéant. De manière générale, je vous exhorte à ne pas vous engager dans le «comptage des haricots» – en ne regardant que la quantité de matériel en présence, ou en effectuant des comparaisons directes entre avions de combat. Dans ce dernier cas, nous aurions besoin de savoir quel type – et combien – d’entraînements les pilotes ont reçu, de quel type d’armes ils disposaient, de quel type de capteurs ils se sont servis et comment, et plus généralement, comment les Israéliens ont décidé de structurer leur attaque et comment les Russes ont décidé de réagir. Enfin, nous devrions obtenir des détails sur la fusion des capteurs, les opérations de réseau, les liaisons de données, etc. Comme nous ne savons rien de tout cela, je recommande de ne pas nous attarder sur les appareils / radar / missile de X versus les aéronefs / radar / missile de Y. Cela ne vaut tout simplement pas la peine.

Revenons aux frappes sur les installations pétrolières saoudiennes, il y a déjà des rumeurs selon lesquelles il s’agirait d’une opération sous fausse bannière des Israéliens, des Britanniques, du RSA ou des États-Unis. Eh bien, je ne peux certes pas prouver le contraire, mais je ne vois aucune raison impérieuse de tirer de telles conclusions. D’abord, c’est une très mauvaise nouvelle pour l’Empire et, de plus, les Houthis ont déjà mené des actions similaires à plusieurs reprises et il n’y a aucune raison de penser qu’ils n’auraient pas pu faire ce qu’ils ont fait. Néanmoins, il est également indéniable que toute hausse du prix du pétrole profite à de nombreuses personnes – schiste américain, Russie, RSA, etc. Enfin, il y a toujours et par définition le risque des Israéliens et de leurs alliés néocons concoctant une sorte de faux drapeau pour déclencher enfin une attaque américaine contre l’Iran. Tous ces arguments ne sont toutefois qu’indirects, du moins jusqu’à présent. Le fait qu’un faux drapeau soit possible ne signifie pas qu’il s’est réellement produit, ne l’oublions jamais et ne tombons jamais dans des conclusions prématurées ou non fondées.

Maintenant, regardons les cibles elles-mêmes. Nous parlons d’installations pétrolières énormes, qui, dans la logique des États-Unis / OTAN / Israël – ou « Axe du Bien » – sont très certainement classées comme «infrastructures de soutien du régime» ou quelque chose de similaires. En outre, même dans le cadre d’une logique qui ne relève pas de l’« Axe du Bien », les lois de la guerre autorisent des frappes sur des infrastructures essentielles à l’effort militaire de l’ennemi. Ainsi, alors que les stations de télévision, les ambassades ou les hôpitaux ne sont pas des cibles légales, les installations pétrolières critiques le sont. La seule condition est que l’attaquant fasse un effort honnête dans la sélection des cibles et des munitions et tente d’éviter des pertes évitables. Autant que je sache, les Saoudiens n’ont mentionné aucune victime. Oui, c’est peu probable, mais c’est ainsi que les choses se passent pour le moment. Dans ce cas, la frappe des Houthis était tout à fait légitime, compte tenu en particulier du type de dévastation génocidaire que l’« Axe du Bien »et le SA ont déclenchée contre le Yémen.

Enfin, je vais tenter de comprendre pourquoi la défense aérienne américaine et saoudienne était si nulle : ils ne s’attendaient probablement jamais à une attaque du Yémen, du moins pas aussi sophistiquée. La plupart des défenses aériennes US / RSA sont déployées pour se défendre contre une attaque venant d’Iran, venant du nord. Le fait que cette frappe ait eu un tel succès suggère fortement qu’elle venait du sud, du Yémen.

Conclusion au 18 septembre 2019

J’allais conclure que, selon Russia Today, le ministre saoudien du Pétrole a déclaré que le RSA «ne sait pas encore qui est responsable» et que c’était une bonne nouvelle. Ensuite, j’ai vu ceci : «L’Arabie saoudite accuse l’Iran de parrainer une attaque contre une usine pétrolière, affirmant qu’elle n’aurait pas pu venir du Yémen», également sur RT. Pas bon. Pas crédible non plus.

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D’une part,

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mercredi, 02 octobre 2019 | Lien permanent

Revoir l’Europe: la construction européenne selon Laurent Wauquiez

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Revoir l’Europe: la construction européenne selon Laurent Wauquiez

par Georges FELTIN-TRACOL

LW-livbre.jpg« La force de l’Europe est sans doute d’avoir été perpétuellement traversée par une envie d’ailleurs, une forme de doute existentiel qui nous a poussés à aller toujours plus loin, à nous questionner et à nous remettre sans cesse en cause. Ce besoin de dépassement est pour moi la plus belle forme de l’esprit européen (p. 290). » C’est à tort qu’on attribuerait ces deux phrases à Guillaume Faye. Leur véritable auteur n’est autre que Laurent Wauquiez, le nouveau président du parti libéral-conservateur de droite Les Républicains. Il avait publié au printemps 2014 Europe : il faut tout changer. Cet essai provoqua le mécontentement des centristes de son propre mouvement, en particulier celui de son mentor en politique, Jacques Barrot, longtemps député-maire démocrate-chrétien d’Yssingeaux en Haute-Loire. Après sa sortie sur le « cancer de l’assistanat » en 2011, ce livre constitue pour l’ancien maire du Puy-en-Velay (2008 – 2016) et l’actuel président du conseil régional Auvergne – Rhône-Alpes une indéniable tunique de Nessus. Il convient cependant de le lire avec attention puisqu’il passe de l’européisme béat à un euro-réalisme plus acceptable auprès des catégories populaires.

Laurent Wauquiez avoue volontiers avoir cru à 16 ans que « nous serions cette génération qui accoucherait du fédéralisme européen (p. 9) ». Le projet européen conduit par François Mitterrand, Helmut Kohl et Jacques Delors stimulait son imagination juvénile. « La cause était entendue : les limites nationales étant trop étroites pour enfermer nos rêves de grands espaces, c’est résolument vers l’Europe que nos regards rêveurs se tournaient (p. 9). » Il ne s’agit pas d’une allusion aux grands espaces schmittiens : l’auteur ignore tout de ce penseur majeur du XXe siècle… Ce n’est pas son seul manque. Bien que major à l’agrégation d’histoire, il avoue volontiers ignorer la vie et l’action de Grundtvig (p. 256). Preuve qu’il n’a jamais lu les ouvrages de Jean Mabire. Trois décennies plus tard et après ses expériences d’élu local et de secrétaire d’État porte-parole du gouvernement (2007 – 2008), de secrétaire d’État chargé de l’Emploi (2008 – 2010), de ministre des Affaires européennes (2010 – 2011), et de ministre de l’Enseignement supérieure et de la Recherche (2011 – 2012), son enthousiasme s’étiole et se tiédit. Certes, « les grands desseins politiques ont besoin d’incarnation (p. 27) ». Or, il remarque à juste titre que « l’Europe manque cruellement de grands projets mobilisateurs et fédérateurs (p. 27) ».

Ses critiques font mouche quand il ironise respectivement sur la Commission européenne qualifiée de « tapir qui se regarde le nombril (p. 112) », le Conseil européen de « tribu des Lémuriens (p. 119) » dont « les grandes manœuvres [… en font un] pays des grands fauves (p. 123) », le Parlement européen de « grenouille et […] bœuf (p. 128) » et la Banque centrale européenne de « dernier rempart fédéral (p. 213) ». Il prévient que les bâtiments à Bruxelles – Strasbourg – Francfort – Luxembourg sont cernés par « la meute des lobbies (p. 135) ». À qui la faute ? À la sempiternelle coalition libérale – sociale-démocrate-chrétienne qui monopolise l’eurocratie ?

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Refonder politiquement l’Europe ?

Cet ouvrage s’inscrit dans la continuité des essais signés naguère par Michel Poniatowski, Philippe de Villiers, voire Bruno Mégret (1), avec cette sous-estimation notable des enjeux de puissance. Les manques y sont notables ! Laurent Wauquiez agrémente sa démonstration de nombreuses et parfois savoureuses anecdotes ministérielles. Ainsi, dès qu’il faut aborder les questions européennes, les députés français quittent-ils en masse l’hémicycle… Il déplore « la démission du politique face à l’expertise administrative (p. 121) » et constate que « c’est le politique qui a abandonné Bruxelles et non le fonctionnaire qui a pris la place (p. 123) ». Comment alors redonner aux institutions européennes un sens politique quand celles-ci persévèrent à neutraliser toute action du politique ?

Si les plumitifs le poursuivent de leur vindicte, c’est probablement parce que Laurent Wauquiez défend un « choc des civilisations » et les racines spirituelles de l’Europe. Outre l’humanisme et les Lumières, il se rabat sur l’habituel et paresseux triangle Athènes – Rome – Jérusalem bien qu’il reconnaisse que l’« apport barbare constituera la matrice des futurs États-nations (p. 287) ». À ses yeux, les billets en euro témoignent de l’absence d’identité concrète. « L’identité européenne vue par les institutions actuelles s’y trouve toute entière résumée : une construction artificielle, sans frontière, sans début, sans fin, sans contenu (p. 276). » Il assume pour sa part que « l’Europe a été chrétienne et on se condamne à ne rien comprendre si l’on cherche à tout prix à nier ce pan de notre histoire (p. 284). » En revanche, il ne voit pas Charlemagne en père de l’Europe. « Le véritable enfantement historique de l’Europe est le Moyen Âge. Cette naissance […] est la résultante de deux tendances : l’action du christianisme et l’opposition à l’islam (p. 279). » Il souligne que « notre histoire est une histoire commune, mais c’est l’histoire d’un affrontement entre la civilisation européenne et la civilisation ottomane (p. 168) ». Par conséquent, « historiquement, la Turquie n’a jamais été un pays européen. […] Le combat entre la Sublime Porte et les puissances européennes était un combat à mort pour la suprématie d’une puissance sur l’autre (p. 167) ». Cette logique d’affrontement est plus qu’actuelle avec la nouvelle Turquie du Reis Erdogan qui maintient son inacceptable occupation du Nord de Chypre et son blocus scandaleux envers la vaillante Arménie.

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La Turquie ne devrait pas rejoindre l’Union européenne comme d’autres États candidats à l’adhésion tels que « l’Ukraine a vocation à être un pays charnière entre Europe et Russie et doit le rester (p. 88) ». Il rappelle qu’à l’instar d’Emmanuel Macron, Nicolas Sarközy défendait l’élargissement aux États des Balkans, ce que ne veut pas Wauquiez qui rejette, quant à lui, les élargissements récents. Il considère même que « c’est l’élargissement qui a tué l’Europe (p. 293) ».

Pour ce livre, l’auteur entreprend un vibrant « plaidoyer pour une rupture (p. 171) ». Il existe une particularité européenne par rapport à d’autres continents eux aussi européens. « Il y a en Europe une combinaison de facteurs que l’on ne trouve pas en Amérique : l’enracinement dans un paysage (l’architecture, la nature travaillée par l’homme, les frontières); l’enracinement dans des langues et, au final, une recherche permanente d’équilibre (pp. 289 – 290). » C’est quand même à demi-mot que Laurent Wauquiez s’insurge contre une certaine forme du politique correct. « Tétanisés par Maastricht, les pro-européens n’osent plus émettre la moindre critique. Ils ont abdiqué toute forme d’esprit critique (p. 16). » D’après lui, « dénoncer les défaillances de l’Union européenne ne revient pas à se classer automatiquement dans le camp des anti-européens (p. 22) ». Les pro-européens manquent de lucidité critique, ce qui favorise la perdition certaine des institutions de l’Union pseudo-européenne. Il condamne l’idéologie mortifère de la Direction générale de la concurrence sise à Bruxelles. Ses lubies idéologiques ultra-libérales nuisent aux intérêts européens. « La concurrence devrait être un moyen et non une fin en soi (p. 47). » Quant aux normes de plus en plus intrusives et dispendieuses, elles « ne sont pas une dérive, elles sont le mal profond d’une Europe qui faute de faire des grands projets s’ennuie dans des sujets accessoires (p. 34) ». Les instances soi-disant européennes ne sont pas les seuls responsables de cet ennui existentiel. « Les États membres contribuent à cette dérive (p. 33). » Qu’on ne s’étonne pas ensuite que « l’Europe n’arrive plus à dépasser les lobbies et les querelles d’intérêts entre États membres (p. 34) ». En effet, « dans les négociations européennes, chacun met toute sa pugnacité à faire reconnaître tel ou tel particularisme local, qui alimente encore plus le luxe de détail des directives européennes (p. 33) ». L’absence de coordination effective incite les participants à jouer leur propre carte sans s’aviser de la dimension continentale des défis. Par ailleurs, bien qu’impolitique, « l’Europe a une capacité étonnante à se faire des ennemis. L’accès aux aides européennes est ainsi un épouvantable parcours du combattant (p. 25) ». Il regrette par exemple la lenteur d’application du programme Galileo du fait de la nonchalance du commissaire italien de l’époque, Antonio Tajani, « un homme sympathique mais qui a manqué de rigueur et de détermination (p. 29) ». Aujourd’hui, Antonio Tajani préside le Parlement européen et serait le probable candidat Forza Italia de Silvio Berlusconi à la fonction de président du Conseil en cas de victoire aux législatives de mars prochain de la Coalition des droites.

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Pour l’euro

Laurent Wauquiez se veut pragmatique. S’il s’oppose à « notre folie libre-échangiste (p. 226) », il aimerait que « l’Europe doit nous permettre de bâtir un patriotisme industriel européen à même de faire face à la Chine et aux États-Unis (p. 53) ». Cela ne l’empêche pas d’approuver la logique libre-échangiste globalitaire de l’OMC. Il paraît ne pas connaître les travaux d’Emmanuel Todd, ni même les écrits du Prix Nobel d’économie Maurice Allais qui était un libéral atypique. Wauquiez aurait tout intérêt à s’en inspirer. Mais il ne le fera pas de crainte de déplaire aux médiats officiels de désinformation.

L’entité soi-disant européenne est une bureaucratie. Soit ! Mais « quand la technocratie prend le pouvoir, ce n’est pas la technocratie qu’il faut blâmer mais le politique (p. 214) ». Comment politiser l’Europe alors que celle-ci est foncièrement impuissante ? La question se fait pressante. Par « un réarmement intellectuel à un moment où l’Europe doit faire face aux défis venus des continents qui se réveillent (p. 279) », écrit-il. Il se doute que « le danger est tout simplement que l’Europe sorte de l’histoire et s’enfonce dans une molle décadence (p. 21) ». Pour Laurent Wauquiez, l’Europe est une nécessité, sinon « ce rendez-vous est sans doute le dernier. […] Différer, attendre, revient à choisir de sortir de l’histoire. Nous sommes dans la position des empires décadents. Nous avons encore la possibilité de choisir notre destin, mais demain il sera trop tard et l’avenir se fera alors sans nous (p. 297) ». Il réclame un changement profond des structures institutionnelles européennes. La France devrait sortir de l’Espace Schengen, retrouver la maîtrise complète de ses frontières, exiger que l’immigration revienne aux États membres et que Paris pratique une politique migratoire fondée sur des quotas ! Dans le même temps, l’Union dite européenne devrait établir des limites géographiques précises à son extension. « Oui, il faut des frontières, oui, il faut des protections et des règles : cela vaut pour l’immigration comme pour l’économie. L’Europe, si elle renonce à défendre son limes, se condamne (p. 252). »

Hostile au sans-frontièrisme, il conspue l’action délétère de la Cour européenne des droits de l’homme et invite les fonctionnaires européens à travailler pour de courtes périodes dans les administrations nationales. Là où son discours ne surprend plus concerne la monnaie unique. Laurent Wauquiez « reste convaincu que renoncer à l’euro serait une folie (p. 195) ». Parlant des États membres de l’Eurolande, il a bien compris que « l’euro les oblige à être ensemble mais la réalité est que leurs divergences restent fortes et ne permettent pas de constituer un véritable affectio societatis européen (p. 181) ». En fait, « la crise de l’euro n’est pas une crise de la dette ou des déficits excessifs. […] La crise de l’euro est avant tout la crise de pays dont les chemins économiques divergeaient de plus en plus et qui n’avaient plus du tout la même compétitivité. Les marchés se sont tout simplement pris à douter qu’il soit possible de tenir la même monnaie entre une Allemagne forte et une Grèce ou une Espagne exsangues sur le plan économique (p. 199) ». Il ignore là encore l’influence néfaste de la Haute Finance cosmopolite. Donc, conclut-il, « l’euro a besoin d’un exécutif fort (p. 217) ». Oui, mais comment ?

euro-373008_640.jpgIl reste sur ce point d’une grande ambiguïté. « Toute tentation fédéraliste, tout renforcement quel qu’il soit des institutions européennes dans le cadre actuel doit être systématiquement rejeté (pp. 293 – 294). » Il est révélateur qu’il n’évoque qu’une seule fois à la page 187 la notion de subsidiarité. Il pense en outre qu’« il n’y a pas un peuple européen, et croire qu’une démocratie européenne peut naître dans le seul creuset du Parlement européen est une erreur. Il faut européaniser les débats nationaux (p. 139) ». Dommage que les Indo-Européens ne lui disent rien. Il reprend l’antienne de Michel Debré qui craignait que le Parlement européen s’érigeât en assemblée constituante continentale. « Construire l’Europe avec la volonté de tuer la nation est une profonde erreur (p. 285). » À quelle définition de la nation se rapporte-t-il ? La nation au sens de communauté de peuple ethnique ou bien l’État-nation, modèle politique de l’âge moderne ? En se référant ouvertement à la « Confédération européenne » lancée en 1989 – 1990 par François Mitterrand et à une « Europe en cercles concentriques » pensée après d’autres par Édouard Balladur tout en oubliant que celui-ci ne l’envisageait qu’en prélude à une intégration pro-occidentale atlantiste avec l’Amérique du Nord, Laurent Wauquiez soutient une politogenèse européenne à géométrie variable. Dans un scénario de politique-fiction qui envisage avec deux ans d’avance la victoire du Brexit, il relève que « le Royaume-Uni a quitté l’Union européenne suite à son référendum, mais a contribué à faire évoluer les 27 autres États membres pour qu’ils acceptent une forme plus souple de coopération autour d’un marché commun moins contraignant (p. 191) ». D’où une rupture radicale institutionnelle.

Un noyau dur « néo-carolingien »

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mardi, 20 février 2018 | Lien permanent

Du côté de chez Michel Déon, une rencontre avec Stanislas Beren

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Du côté de chez Michel Déon, une rencontre avec Stanislas Beren

par Luc-Olivier d'Algange

C’était par une de ces fins d’été tumultueuses où l’ordre du monde, longtemps immobilisé par des beaux jours presque indiscernables les uns des autres dans leur perfection, semble se remettre en mouvement, tout en gardant de la haute saison, sa lumière puissante derrière les nuées, si bien que les brusques averses étaient lustrales ; et miroitantes comme des mirages les rues de Paris. A chaque seconde on attendait un arc-en-ciel dont les couleurs étaient annoncées par celles des parapluies, seuls accessoires, en la mode morose de cette année, à oser encore le versicolore.

2070369994.jpgJe sortais d’un cinéma où m’avait chassé une averse. Les intempéries sont, mieux que les critiques, les propagandistes les plus convaincants des salles obscures. J’avais aimé quelque peu le film, intitulé Un Taxi mauve, où des acteurs de belle allure et de grand style faisaient vibrer la langue française dans leur poitrine, où les regards s’apaisaient en douces mélancolies vertes et grises dans les paysages ruisselants. Les cinéphiles s’étaient promptement dispersés. Nous seuls demeurions abrités près des affiches, avec nos chemisettes et nos sandales. Nous, c’est à dire un homme d’une blondeur quelque peu hirsute qui semblait vouloir lier conversation, et moi-même, qui était, ce jour-là, d’excellente humeur à écouter.

« C’est être, sans doute, sans indulgence de dire que ce film vaut bien moins que le livre dont il s’inspire, car un film est, par définition, toujours en-deçà d’un livre, l’image étant réduite par le mouvement, le son réduit par l’image, les mots réduits par le son et l’image… On songe infiniment devant un Carpaccio, on est emporté par quelques notes de Couperin ou de Debussy, et un seul vers de n’importe quel poète, et je me refuse à dessein de citer les plus grands, les plus monumentaux, un seul vers de Jean-Paul Toulet ou de Francis Jammes, sauvegarde en nous, et mieux encore, invente en nous, des heures essentielles, nous subjugue, tout en nous laissant la liberté de le quitter des yeux et de la mémoire… Alors que le cinéma, avec ses lourdes machineries, sa volonté de fascination, l’obligation qu’il nous fait de suivre son récit à son rythme, est aussi plein de distractions, et d’ailleurs, le mieux qu’on y peut faire, en général, est de s’y endormir, s’en distraire, honorant ainsi la salle obscure, et d’y faire un rêve plus beau que le film, ou bien de se laisser divaguer par une compagne intimidante qu’en plein jour nous n’eussions osé embrasser… J’espère que ce préambule n’offense point le cinéphile que vous êtes peut-être, et comme l’était au demeurant l’auteur même dont s’inspire ce film que nous venons de voir, Michel Déon, dont vous connaissez peut-être les ouvrages, et dont je crois pouvoir vous parler quelque peu, si quelque tâche urgente ne vous requiert pas. »

Les tâches urgentes étant si peu mon fort qu’il m’était impossible même de les feindre, l’otium étant inscrit sur ma face comme la compassion humaine sur celle d’un huissier, il m’était bien impossible de décliner l’offre d’une conversation à propos d’un auteur qui avait, par surcroît, écrit un livre dont le titre Je me suis beaucoup promené résumerait sans doute mon existence à l’heure dernière.

« On dit souvent, continua le sympathique personnage, que l’on aime sans raison, mais s’il s’agit d’un amour qui n’est pas seulement bêtifiant ou funeste, n’est-ce pas qu’on peine à dire la raison de notre amour surtout parce que toutes les bonnes raisons alors convergent en une seule, que nous peinons à dire, n’en discernant que le point d’impact qui nous aveugle ou nous assourdit à cela même que nous devrions aimer ? Je ne crois guère à l’indicible. Vaut-t-il d’être dit si nous ne pouvons le dire ? N’est-il point la part laissée à la plus mauvaise paresse ? L’otium réclame une énergie intacte et éclatante. Les bourreaux de travail sont des énervés, littéralement des hommes sans nerfs, ils travaillent car ils sont sans nerfs, débilités, faits comme des rats de laboratoire…  Aussi bien si vous me demandez pourquoi j’ai aimé les livres de Michel Déon, je m’en vais vous le dire sans barguigner, et vous le dire avec des raisons, non des ratiocinations, des raisonnements, mais des raisons comme on dit des raisons d’être, comme on songe à ce que disait, il y trois siècles environ, cette belle expression, l’entendement humain, et qu’on ne peut comprendre vraiment sans éveiller en soi quelque lignage spirituel grec ou français. »

416BPVKBJYL._SX210_.jpg« Oui, les Pages grecques, les Pages françaises… Il me semble qu’il n’est rien de plus universel que d’appartenir, et ces seuls mots, « françaises », « grecques », s’accordent parfaitement à cette beauté lissée, miroitante, qui nous environne à ces coloris enlevés, ravivés par l’eau, aux pavés soudains plus sombres et rutilants, à cette pluie claire et drue, à ce frémissement de fin d’été, où la nostalgie des belles heures revient comme un ressac, comme une houle homérique, comme un étincellement d’esprit… »

Je n’allais pas beaucoup plus loin dans mon exégèse, avouant joyeusement mon ignorance à cet amateur plus éclairé que moi, et bien décidé, par surcroît, à jouir de ce plaisir, plus fréquent que l’outrecuidance humaine habituelle n’aime à le concevoir, à apprendre quelque chose de précieux, d’amusant ou de rare d’un de mes semblables. Si l’idée m’est rarement venue de me féliciter de quoique ce soit, mes actes n’ayant à mes yeux rien d’esbaudissant ni de franchement répréhensible (et le temps presse !) il m’est arrivé cependant maintes fois de me congratuler de cette heureuse disposition d’esprit qui me laisse écouter au lieu de m’épuiser à sans cesse vouloir en remontrer. J’en fis part, par le propos et l’exemple, à mon ami de la dernière pluie, dont je ne savais pas encore le nom,  pour qu’il fût à son aise de poursuivre, sans guère limites temporelles, ses libres propos, avec tout l’art digressif dont je le devinais capable. Je lui trouvais d’ailleurs, à le regarder autant qu’à l’écouter, quelque chose de si peu temporel, que placé comme il se trouvait, en contre-jour, devant un soleil certes voilé mais impérieux, il me semblait un peu fantomatique, mais que les fantômes parlent, rien ne plus heureusement naturel ! Au demeurant, il abondait dans le sens de mes propos, ce qui est toujours agréable, et nous donne le sentiment, non point d’être intelligent, mais de n’être pas indésirable.

«  On ne saurait, mieux que vous ne le faites à l’instant, définir la qualité propre du lecteur et de l’auteur de romans, et de Michel Déon en particulier. Si les intellectuels se ruent sur de fastidieux, et souvent presque illisibles, ouvrages de psychologie et de sociologie, au lieu de lire des romans aimables et profonds, sans doute est-ce qu’ils ne peuvent consentir à être les hôtes d’une pensée étrangère qui ne s’offre que pour elle-même et le plaisir de moments moins esseulés, sans accroître en rien ce pouvoir illusoire que nous croyons avoir sur les choses en les expliquant… Il n’est point de plus âpre xénophobe que celui qu’un roman importune comme du temps perdu dans sa recherche de la vérité.  Ce dont un autre homme que lui songe ou se souvient l’écarte de ce qu’il croit devoir savoir. Cette effrayante restriction mentale a fait les hommes de ce siècle, les spécialistes, les idéologues, les moralisateurs, et autres atrabilaires de l’impératif catégorique, hommes creux, comme dit le poète, ou hommes sans visages, qui préfèrent leurs abstractions à la simple dignité des êtres et des choses. Ils descendent, ces auto-proclamés humanistes, des universités françaises, hélas (comme les lémures des montagnes du Grand Forestier dont parle Ernst Jünger) et retournent dans leurs pays pleins de charmes et de senteurs pour massacrer, aux noms d’immortels principes, les trois quarts de leurs population… Mais je m’égare dans l’évidence, c’est le Pol-Pot aux roses, n’en disons pas plus, il n’y a aucun argument à leur opposer, ils sont parfaits, et, au contraire des personnages des romans, ils n’ont nul besoin de notre indulgence… On ne réfute point le sinistre, on lui échappe, et s’il est un écrivain qui eut le sens des échappées belles, c’est bien l’auteur dont je vous parle. Impossible d’en remontrer aux démonstrateurs, à moins de se faire, comme eux, monstrueux. Je puis maintenant me livrer à un aveu, je dois à Michel Déon de m’avoir laissé m’échapper… »

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Cette dernière phrase ayant été dite sur un ton sinon plus grave, du moins plus assourdi, et la pluie étant devenue clairsemée, des gouttes ici et là comme tombant de très-hauts arbres invisibles, je proposais que nous poursuivions notre conversation en marchant, en attendant de nous laisser séduire par un café ou une brasserie, favorablement située et sans musique d’ambiance, ni clones appareillés de portables à oreillettes, - cette pollution humaine et sonore qui donne aux plus équanimes des hommes de goût des instincts terroristes. A leurs branches les plus jeunes, des arbres oscillaient avec bonhomie au vent qui avait dispersé l’averse sans l’abolir. Nous croisions en quantité égale les parapluies fermés, nous donnant raison, et les parapluies ouverts comme des reproches maternels. La vie semblait bien vive dans ses effluves. Elle redoublait de sympathie pour nous, et nous étions quelque peu émus de lui appartenir.  L’après-midi, d’ordinaire plus pesante que ne le sont les matinées et les soirées, était réveillée par le hasard et notre bonne volonté, si l’on peut nommer hasard, cette rencontre, cette conversation. Je fis remarquer à mon compagnon de route que l’été était si peu oublié qu’il nous offrait encore, par intermittence, des donzelles courts vêtues, qui, cheveux mouillés, avaient l’air de sortir de la douche et dont les peaux blondes s’irisaient par éclats. Aux regards obliques, mais rieurs, qu’elles nous jetaient en passant, on devinait qu’elles devinaient nos pensées.

« Peu de personnages féminins, dans les romans, échappent à la caricature, à l’esprit de vengeance des romanciers qui en ont bavés, et qui ne désirent plus, ou au ridicule, lorsque les romanciers sont des romancières. Il fallut attendre la fin de la littérature romantique, pour que les femmes fussent honorées, en l’étant en toutes lettres, puis encore, en les tenant plus ou moins pour des créatures humaines, et parfois trop, mais délicieuses, et dont on ne peut se lasser, si toutefois, contrairement à ce qu’elles croient, on peut s’en passer ! (Je laissais résonner un moment la phrase, comme après l’avoir entendu sans y prêter attention, on recompte le son des cloches disant l’heure.)

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Dans les romans de Michel Déon, continua mon compagnon, les femmes sont merveilleusement dissemblables, il en est de cyniques, de folles, de généreuses, d’habiles, de farouches, de légères, de gracieuses, de vaines, de profondes, de méchantes, de perverses et d’innocentes (parfois les mêmes). Leur beauté les emporte et l’âge ne les détruit pas toujours. Le lecteur remercie à chaque page l’auteur de ne pas nous parler de la Femme, ou des Hommes, avec des majuscules, de fuir les généralités, de n’avoir pas l’outrecuidance de juger, ou de le faire avec indulgence et bonté. C’est un art qui s’est perdu. De nos jours, il semble que les femmes et les hommes écrivent surtout pour se plaindre et en appeler à des cours internationales pour qu’il soit jugé des torts réels ou imaginaires qu’ils ressassent. On est tenté, parfois, de voler dans ces plumes vengeresses : elles nous fatiguent, elles offensent le don dont elles héritent et qui mérite mieux, car en son secret gît le secret de nommer, admirable aventure ; et les sensations même qui affleurent en nous, dans ce beau voyage qui va de la profondeur vers la surface, comme le savait Condillac, tiennent étroitement, amoureusement, aux mots qui les disent. N’est-ce pas assez de cette puissance, de cet honneur ? L’ingénuité  heureuse est la plus profonde sagesse. Si l’on croit tant que les mots nous mentent, et qu’ils sont sans pouvoir, pourquoi, au lieu d’écrire, ne pas vendre des aspirateurs ? Voici donc, dans les romans de Michel Déon, des personnages, des paysages, des époques, toute l’illusion romanesque si l’on veut, mais comment prouver que cette illusion est moins illusion, ou cette réalité moins réelle que celle qui nous entoure aujourd’hui ? Voyez par exemple, le nom de cette rue, qui file à votre droite vers un jardin de marronniers, j’étais persuadé depuis toujours qu’elle portait un autre nom que celui que nous pouvons lire, vous et moi à cet instant : la rue André Fraigneau… Il nous reste à marcher entre les gouttes jusqu’à la place Valery Larbaud, où nous seront sûr de nous retrouver après nous être quittés, - ce qui est si rarement le cas, nous l’oublions trop… Les êtres humains, se plaisent, se parlent, se quittent avec une indifférence qui me semble souvent abominable, sans être jamais effleurés par le sentiment, je ne dis pas la crainte (car la crainte n’éloigne pas le danger comme disaient les romains) qu’ils pourraient fort bien ne se revoir jamais, et que les derniers mots entendus, un banal au-revoir, une plaisanterie à la venvole, puisse être les derniers. Bien sûr ceux qui n’imaginent pas, ne peuvent pas être romanciers, et moins encore des romanciers qui suscitent l’amitié de leurs lecteurs. Cette petite merveille qu’est un roman nous donne la chance inouïe de retrouver, après quelques décennies un personnage aimé, alors que l’ami qui nous offrit le roman est mort mais revit, dans le roman qu’il nous a offert et qui nous redit de pages en pages le nom de celui qui en fut, pour nous, le passeur… Il y a des spécialistes pour classer des romans, en nouveaux, anciens, expérimentaux, classiques, d’autres pour dépouiller leurs « procédés narratifs » leurs « focalisations internes ou externes ». Ces brave gens s’évertuent à expliquer l’art romanesque un peu comme un musicologue maniaque s’évertuerait à expliquer Couperin en démontant le clavecin. A chacun ses lubies. Mais au fond, je crois qu’il n’est que deux sortes de romans, ceux qui offrent l’hospitalité au lecteur et ceux qui la lui refusent. Michel Déon appartient incontestablement aux hôtes bienveillants, et qui savent recevoir, et qui savent être reçus. Et l’art en la matière est aussi de deviner quant il faut lever l’ancre et laisser partir… Et là, je crois le moment bien venu de me présenter, ce que j’eusse fait déjà si je n’avais tant été charmé par la qualité de votre attention à mes propos peut-être un peu décousus… »

Et de me tendre une main, sèche et vigoureuse : « Monsieur, je me nomme Stanislas Beren ! »

imagesmdds.jpgUne éclaircie soudaine m’enivra. J’étais encore dans le charme de la conversation, dans les remuements météorologiques qui s’accordaient si bien avec cet échange, que je tardais à reconnaître la raison de mon saisissement, l’attribuant tout d’abord à une cause qui lui était étrangère. Mais ce n’était pas le monde qui tournait imperceptiblement dans le jour, ce n’était pas cette atmosphère qui me faisait penser au début des Voyages dans les Empires de la Lune et du Soleil de Cyrano de Bergerac, ce n’était pas d’être au cœur d’une après-midi magnifiquement sauvée de la banalité, ce n’était pas même une de ces sensations de « déjà vécu », que les scientifiques expliquent par un micro-sommeil, et nomment paramnésie, c’était le nom, tout simplement, qui me revenait, Stanislas Beren, le nom du personnage  d’un des plus beaux romans de Michel Déon, Le déjeuner de soleil.  Le plus étrange fut sans doute que pas une seconde  je ne doutais que mon ami de la dernière pluie se nommait effectivement Stanislas Beren. La ressemblance frappante avec le personnage décrit par Michel Déon  et jusqu’à son inquiétude visible de n’être pas cru, avaient ôté de mon esprit l’hypothèse vulgaire d’une blague ou celle, désobligeante, d’un cas de démence

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vendredi, 22 janvier 2021 | Lien permanent

Don d'information, résistance à la globalisation

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Frédéric VALENTIN:

Le don d'information, résistance à la globalisation

Un pamphlet bien conçu, publié récemment par Bernard Maris (1), a ou­vert la boîte de Pandore de la cuistrerie contemporaine : les dis­cours des experts en économie. On y trouve clairement exposé qua­tre thèmes qui ferment définitivement, du moins pour des penseurs hon­nêtes, la prétention des pseudo-spécialistes en économie :

- A la fin des années 70, la démonstration mathématique de ce que le modèle de concurrence est dans une impasse totale est acquise. Gé­rard Debreu a démontré que le marché ne conduit pas, naturelle­ment, à l’équilibre. Puis, Lipsey-Lancaster et Nash établissent que le mar­ché ne donne pas l’optimum. Ainsi, de même que les planifica­teurs socialistes, s’inspirant de la théorie de l’optimum et de Walras, ont finalement assassiné leur pays, de même les libéraux éradiquent l’Europe à l’abri de superstitions ridicules.

- Les auteurs Henri Simon (prix Nobel 1978) et Maurice Allais (prix No­bel 1988) ont prouvé que les agents sont irrationnels dès que l’on introduit de l’aléa dans leurs gains. La rationalité n’est qu’un postulat commode, sans lien avec le réel. Pour avoir osé préten­dre qu’ils avaient fabriqué le modèle adéquat à la réalité, les deux No­bel Merton et Scholes ont fait plonger leur portefeuille dont les clients ont été renfloués, comme toujours, par le prélèvement fiscal sur les populations laborieuses (2).

- Si certains savants finissent par devenir malhonnêtes en se trans­for­mant en « experts », les experts qui s’autorisent de la complexité de la science économique sont toujours malhonnêtes. Il en résulte que les économistes lucides refusent de parler de la réalité éco­nomi­que : elle n’existe pas. Tout ce qui se dit est parfaitement dé­montrable mais invérifiable et insanctionnable.

- La seule économie possible est l’histoire. Confession du prix No­bel John Hicks, peu avant sa mort ; et pratique régulière de Maurice Al­lais. Edmond Malinvaud, cherchant pourquoi les économistes ne font pas de découvertes, répond maintenant que cette science est sem­blable à la casuistique.

Une fois que l’esprit a été éclairé sur l’absence d’une science éco­no­mique prouvant quoi que ce soit, le point de vue de Carl Schmitt s’impose avec force : l’économie est un moyen de contrôle social in­di­rect. Il dépend de la volonté des élites et du sens de l’action op­portune, que de désobéir et /ou ne pas obéir aux diktats fondés sur cette pseudo-science. Il existera toujours des alternatives aux vec­teurs actuels de la globalisation que sont la finance, le commerce et les médiats. Nous montrerons que la problématique du don est l’une des orientations pour remettre en cause la théorie de l’information-mar­chandise véhiculée par la globalisation. Contre l’enfer de la glo­ba­lisation, soutenons le don. A l’information marchandise, opposons la valeur qualitative du lien social fondé sur des informations données et partagées.

A – Démythifier la globalisation

La globalisation désigne l’accroissement des mobilités de tout ce qui est codifiable (3). Sont concernés : la circulation des capi­taux, les marchandises et informations qui peuvent être numérisées et se transporter indépendamment des hommes. Tout ce qui se dé­place rapidement et à faible coût (sauf, évidemment, les hommes) a fa­cilité le développement des firmes globales. Par la double impulsion des États qui ont démoli leurs frontières, et du progrès technique orienté par le type de compétition que les entreprises subissent, la glo­balisation creuse chaque jour les inégalités au sein des pays et en­tre les régions du monde, en particulier entre les emplois compéti­tifs et les emplois protégés.

Les firmes globales pratiquent de la manière suivante :

- Décomposition de la chaîne de production, depuis la recherche-dé­­ve­lop­pement d’un nouveau produit jusqu’à sa distribution, en ac­ti­vi­tés unitaires simples.

- Localisation des activités sédentaires là où elles doivent l’être.

- Installation des autres processus dans les territoires qui offrent les meil­leures conditions pour leur fonctionnement.

Les experts-économistes serviteurs des marchands cherchent à faire croi­re que le progrès technique est la seule source du chômage et des inégalités. Puisque personne ne peut refuser le progrès tech­ni­que, il n’y a rien à faire... En réalité, c’est le processus de globa­lisa­tion qui est responsable d’une grande partie du chômage, en sorte qu’un certain protectionnisme servirait les intérêts des populations. Mais, pour les castrats au service des puissances économiques, il s’agit de camoufler le fait essentiel que le libéralisme de façade sert à réinstaller la société de castes : les patrons cèdent leur pla­ce aux héritiers ; en politique et dans la haute administration, les mê­mes noms se retrouvent sur plusieurs générations. Les lettrés sont en­fon­cés dans l’oubli par la promotion des « merducons » (4) du spec­tacle (cinéma, radio, chanson, sport) qui orientent les passions des foules. Cette nouvelle caste des têtes d’affiche, leaders d’opi­nion, transmet son succès à ses descendants. L’“affirmative action” (ou discrimination positive) applique le principe de la naissance à la pla­­ce du mérite. Partout en Europe, des mafias ethniques venant du vaste monde, des sectes monothéistes spécialisées dans le grand ban­ditisme intellectuel et le crime comme les humains qui pensent, pos­sèdent à nouveau, collectivement et donc par droit de naissance pour chacun, un statut juridique de race supérieure. Le fait d’être un dé­vot de telle secte ou de venir d’ailleurs, hors d’Europe, assure au­to­matiquement une préférence sur tous et favorise l’embauche par les satrapes politiques contrôlés par les marchands.

Par le processus de globalisation, l’oligarchie qui pilote l’Occident, fu­sion de la politique et des affaires, a réussi à inverser l’ordre tra­ditionnel des fonctions : l’avoir commande le pouvoir qui donne des ordres au savoir. Le sublime libéralisme mondial est en réalité une imposition violente, par propagande, meurtres et déporta­tions, d’une idéologie religieuse monothéiste et d’une organisation cléricale. Le droit de l’homme comme réalité est la continuation de la tyrannie mo­­nothéiste : la caste des purs auto-proclamés guide le troupeau et pu­­ri­fie le monde des mal-pensants.

La justification de la globalisation par des économistes-charla­tans ca­che donc le règne d’organisations centralisées à l’échelle du globe, vé­ritables Églises dirigées par des oligarchies de trafiquants. Si, en pratique, on vit le retour de la société raciste théo­cratique, l’absence d’une noblesse au service du peuple et d’une aris­tocratie spirituelle indépendante se fait déjà cruellement sentir. La mondialisation se dé­roule donc dans un certain contexte, spatial­e­ment et temporellement localisé. Quelques mensonges pieux ont été re­levés par l’économiste Bernard Maris (5) :

- La mondialisation n’est pas le commerce, mais l’organisation con­certée au niveau mondial des grands oligopoles.

- Les changements institutionnels qui favorisent le processus de glo­balisation sont soigneusement programmés dans des institutions spé­cialisées dans la dérèglementation, comme la commission euro­péen­ne ou l’OMC.

- La globalisation n’est pas la mondialiation des échanges. Pour plus de la moitié, le commerce se limite aux filiales de firmes globales.

Le mouvement de globalisation renvoie plutôt aux enclosures qui pré­cé­dèrent la révolution industrielle. Ce fut un mouvement de destruc­tion du collectif transformé en propriétés privées. De la même ma­niè­re, la globalisation organise la privatisation du monde et, corrélative­ment, tiers-mondise les Nations. Les oligarchies de trafiquants se dé­sengagent de toute obligation de façon radicale : plus de devoirs à l’é­gard de multiples groupes : employés, âgés ou jeunes, générations à venir, conditions de vie, etc. Ne pas avoir à assumer les con­sé­quences de ses actes, voilà l’avantage des nouveaux maîtres et les rai­sons de leur préférence en faveur des religions monothéistes fon­dées sur la culpabilisation, la délation et le meurtre intellectuel de mas­se.

Sous le prétexte fallacieux de pratiquer la science économique, les ec­clesia financières entretiennent des claque-dents affirmant que la guerre de tous contre tous est un progrès. L’idéologie occidentiste, par l’abus de la métaphore guerrière, tente de voiler les conditions réelles de la privatisation du monde. De même qu’il fallut une “grande transformation” pour stopper les conséquences des enclosures, de mê­me il faudra d’autres organisations (6) pour freiner les ardeurs des maîtres de l’heure. La compréhension de leur propagande vomitive amène à repenser la logique du Don - Contre-Don qui, quoique étouf­fée par les échanges monétaires, est une voie de réappropriation de l’humanité de l’homme en ce qu’elle fait appel à la valeur qualitative du lien social.

B – Don, dette, information

La production économique a besoin d’informations et de motivation. L’information est celle du travailleur ou de l’entrepreneur sur ce qu’il doit faire pour satisfaire au mieux des besoins ou désirs. Transmettre aux divers agents économiques les informations nécessaires sur les désirs et possibilités des autres est traditionnellement considéré par les économistes comme le problème majeur qu‚un système écono­mique doit résoudre (7). Les marchés avec leurs prix, la planification avec ses transferts administratifs d’information apportent des solu­tions qui, dans l’ensemble, sont impressionnantes. Mais si la motiva­tion existe ou est développée, des agents peuvent vouloir se trans­mettre volontairement des informations économiques à titre gracieux. Car le don d’information améliore le calcul, diminue les inconvénients du coût élevé de toutes informations, et donc son imperfection et son manque. La publicité qui incite à la consommation perd une grande par­tie de sa rentabilité si l’information est donnée et transmise gratui­tement. Le don d’information limite aussi les ravages du mensonge, car la motivation du secret perd de son importance.

Le capitalisme a d’autres possibilités d’avenir que la globalisation et la société de castes à fondement raciste théocratique dans laquelle les riches et les purs (justes et pieux selon la bible) dominent le trou­peau des impurs. Mais il faut pouvoir étudier l’autogestion, l’écologie, les autonomies, les décentralisations et les démocratisa­tions, etc. Pour préférer quelque chose il faut le connaître et, pour pouvoir le réa­liser il faut, de plus, savoir que c‚est possible. Aussi, la large diffu­sion de la connaissance de possibilités de transformations sociales est nécessaire pour que ces possibilités soient comprises et effec­tuées par le maximum de personnes. Car dans le champ des réfor­mes sociales, les personnes sont tout à la fois acteurs et auteurs, le suc­cès requérant que le progrès soit perçu (la fin est immanente aux moyens en ces matières).

Le don d’informations lutte contre la négligence de l’étude des so­cié­tés possibles par rapport à celle des sociétés réalisées (présentes et passées). L’argument clef des conservatismes de toutes les factions au pouvoir est devenu que seul ce qui existe est possible. Cela prou­ve une pauvreté d’imagination et de connaissance et une inaptitude à penser logiquement. Le seul critère « mérite d’exister » n’est pas le cri­tère de qualité d’une société. La recherche des inexistants pos­si­bles, la quête des ailleurs réalisables, l’analyse des utopies réalistes sont nécessairement la plus scientifique des activités. Pour savoir ce qui, parmi l’inobservé, est possible ou ne l’est pas, il faut avoir une con­naissance en profondeur de la nature et de la structure du mon­de. Le chant révolutionnaire affirme : « la liberté guide nos pas ». En fait, c’est l’espoir de liberté, c’est-à-dire l’imagination du futur, du pos­si­ble, du désirable : l’utopie. L’utopie de maintenant, c’est de donner le plus d’informations possibles pour limiter les relations hostiles, ré­dui­re les activités de parasitisme, connaître les méthodes de la ty­ran­nie monothéiste. La société actuelle des trafiquants pieux ne devien­dra problématique que si un maximum de gens peuvent en concevoir une différente. Or, toute information transmise peut créer une dé­cou­verte nouvelle ou une prise de conscience, en se combinant avec ce que sait déjà celui qui la reçoit ; de sorte que la diffusion d’in­for­ma­tions doit emprunter toutes les voies de la communication. Par exem­ple, le don d’informations provoquerait instantanément des amélio­ra­tions dans les domaines sociaux suivants :

- Les simples annonces de demande et d’offre d’emploi, développées et systématisées.

- Les accords de livraison présente ou future de biens et services, pas­sés deux à deux.

- Chaque unité économique ferait ses propres études de marché pour l’usage de ses produits et services.

- Des groupes auraient la possibilité de se transmettre des “prix fictifs” représentant des taux de substitution entre leurs désirs, ou des taux de transformation entre leurs possibilités, ou encore se don­ne­raient les rapports entre les coûts marginaux et les productivités mar­ginales.

- Les effets externes positifs ou négatifs créés par une activité se­raient connus. Le centre de décision calculerait le profit « fictif » inté­grant ces externalités. Les mensonges comptables diminueraient.

On peut donner et contre-donner pour bien des raisons : amour de l’au­tre, gratitude, reconnaissance, sens de l’équilibre ou du devoir, re­cherche de l’estime ou du statut, crainte de perdre la face, ou pour que l’autre continue de donner. Une forme classique de lien social, l’at­tachement d’un individu à ceux avec lesquels il est en relation in­stitutionnelle, est le sentiment que la personne a envers une (des) au­tre(s) une dette qu‚elle ne peut jamais entièrement repayer : dettes envers les parents, l’Empereur (cas japonais), mais ces sentiments existent souvent envers des groupes, des collectivités, des entités so­ciales (Patrie) ou des divinités créatrices. La notion de réseau rap­pelle qu’on donne en général plus facilement lorsqu’on connaît celui qui reçoit. Le réseau permet de savoir si l’aide offerte procure plaisir et de s’informer si les autres donnent aussi.

La globalisation n‚est pas la meilleure économie possible pour le plus grand nombre. La technique ne justifie aucunement la globalisation. C’est l’absence de réflexion sur le don, sur le rôle de l’information dans les conceptions sociales qui limitent la société à l’horreur ac­tuelle. Nous montrerons ci-dessous comment la théorie de l’informa­tion marchandise, véhiculée par les organisations dominantes, ré­sulte d’une conception monothéiste du marché et débouche sur la propagande et la censure. Puis nous établirons comment le don, re­fusant que l’information n’ait qu’une valeur quantitative, renoue avec la tradition de l’homme-mesure de toutes choses, conquérant de sa li­berté.

C – La théorie de l’information-marchandise

La vulgate économique pose en hypothèse que dans un monde d’a­tomes individuels et de concurrence pure et parfaite, et en l’absence de barrières techniques ou institutionnelles, les discours de tout un cha­cun et de tous types circulent. Le monde parfait, pur et immaculé, posé a priori, permet aux énoncés d’être émis, entendus, lus, é­cou­tés, vus sans entraves. La stratégie des ententes est alors d’obtenir une rente de monopole par la censure et la propagande.

1 – Censure, propagande et information-marchandise

La censure et la propagande sont deux manières complémentaires d’ob­tenir des rentes de monopole (8) :

- La censure augmente le coût, pour les producteurs et les utili­sa­teurs, des énoncés concurrents. Elle intervient tant sur le support ma­té­riel de la pensée (livres, ordinateurs,...) que sur les idées (inter­dic­tion d’enseignement, doctrines imposées, censures doctrinales) que sur les personnes (procès, sanctions, intimidations).

- La propagande diminue artificiellement le coût des énoncés de l’au­torité. Elle suppose un contrôle monopolistique sur les médiats, ces principaux moyens de diffusion des messages destinés aux foules et à l’intelligentsia. Les sources alternatives sont plongées dans le si­lence et les populations se convertissent, peu à peu, par la répétition des énoncés, aux superstitions qui conviennent à l’autorité. L’en­sei­gnement est toujours le premier visé puisqu’il permet une pro­pa­­gande « préventive » à l’usage des futurs croyants adultes.

Censure et propagande mobilisent un personnel important organisé en ecclésia. L’acceptation de la propagande et de la censure par les foules et l’intelligentsia est recherchée à travers le mécanisme étho­logique de l’argument d’autorité : les censeurs et autres prédicateurs sont présentés comme des leaders d’opinion et des locomotives so­cia­les dont les pensées sublimes sont crédibles. La cohérence des sain­tes doctrines s’appuie sur la hiérarchie des « élus », caste su­bli­me à laquelle les médiats demandent leur consentement avant de dif­fuser un énoncé. Enfin, les bourreaux de la magistrature, par envie de plaire et crasse intellectuelle, recherchent l’hérésie à tout prix et développent l’hystérie et l’efficacité de la censure.

Propagande et censure vont de pair. Elles naissent dans des socié­tés ouvertes qu’elles ferment ensuite pour longtemps. La propagande et la censure ne peuvent tolérer les libertés de l’esprit, assimilées au péché. L’éducation évolue vers la propagande, la censure déclenche l’au­tocensure et la sottise bestiale en résulte naturellement. Ces deux phénomènes ont toujours et partout dénaturé la pensée authentique et accouché de nouveaux systèmes d’idées extravagants mais com­pa­tibles avec la tyrannie.

En occident aujourd’hui, l’offre oligopolistique de messages tant cul­turels (idéologies) qu’informationnels (nouvelles) et la censure tou­chant les œuvres, leurs supports et leurs créateurs, ramènent le mar­ché de l’information à une fiction. La demande d’informations est con­di­tionnée par l’éducation / propagande à laquelle chacun est soumis depuis son enfance. Les offreurs sont organisés en consistoires : 100 chaînes et cent fois la même chose (et les mêmes têtes). Le con­tenu des messages est toujours imprégné de la même idéologie. Le mo­ment de la consommation ne change plus le contenu : du matin au soir, le médiatique autoréfère. Et une formation intellectuelle plus in­dé­pendante a un coût prohibitif, conséquence logique de l’efficacité de la censure. Pour les trafiquants et leurs cochons truffiers, l’infor­ma­tion-marchandise est un moyen d’enrichissement et de domi­na­tion. Ils demandent donc que la valeur soit appréciée selon les cri­tè­res de toute marchandise : la structure de préférence de l’individu ab­strait.

2 – Quelle valeur pour les flux d’information ?

Le morcellement effectif du pouvoir a toujours été la seule garantie contre l’intolérance. Si propagande et censure fleurissent aujourd’hui en occident, c’est qu’elles accompagnent la concentration des pou­voirs entre les mains d’oligarchies marchandes. Celles-ci affirment que l’information obéit aux mêmes lois que celles qui régissent les échanges marchands. Pourtant, dans une information se combinent la connaissance (un savoir), la donnée matérielle (informatique), la nouvelle (domaine informationnel). Mais les trafiquants affirment qu’une information est semblable à une marchandise ou à un service: c’est une chose que l’on peut quantifier et évaluer. Un paradoxe é­merge cependant : information et appréciation se correspondent. On ne peut évaluer une information si l’on ne présuppose pas une pos­sibilité d’appréciation. Une appréciation résulte d’informations préa­la­bles... Comment fixer la valeur?

Les experts qui analysent l’information sous l’angle d’un service é­co­no­mique particulier emploient leurs instruments habituels, la pré­fé­ren­ce et l’évaluation. La valeur dépend de la qualité de la relation éta­blie entre le producteur et l’usager. En tant que service, l’information obéit à cette règle, même si elle n‚est pas « appropriable » puis­qu’elle forme le substrat sur lequel s’appuient les décisions. Chaque bran­che de l’économie, de la théorie du capital humain aux in­ves­tis­se­ments immatériels, la traite alors à sa façon. Il reste toutefois que le don, en posant la question de la gratuité, ouvre d’autres voies qui re­nouent avec la pensée philosophique traditionnelle : l’homme est la me­sure de toutes choses ; l’homme accepte des conventions ; l’hom­me est un créateur.

D – Don et valeur de l’information

Max Weber (9) a développé, au début de ce siècle, la compréhension des comportements humains fondés sur l’intérêt et sur la fidélité à une conviction. Les hommes donnent de la valeur à l’objet et valo­ri­sent leur action. Ce phénomène de l’évaluation est impliqué dans toute action qui veut réaliser un but et cherche à s’en donner les moyens. Pour Weber, la valorisation consiste à donner une dignité su­périeure à un type d’actions sur les autres. Mais il est impossible de faire que les hommes ne croient qu’à un système de valeurs et portent tous uniformément la même appréciation sur le cours des choses.

Toute relation sociale s’inscrit soit dans l’éphémère soit dans la du­rée, est fermée ou ouverte (dans un parti politique, on recrute un ma­xi­mum de membres). L’activité sociale, orientée d’après autrui, met en jeu des réciprocités (pas nécessairement de la solidarité ou de la coopération) et possède un degré de probabilité pour que les rap­ports sortent du cadre dans lequel ils sont établis (exemple : la non obéissance ou la désobéissance vident des règles ou des structures de leurs possibilités d‚existence). Le don d’information agira donc sur les formes d’activité sociale et sur le type de relations. Les fragments de Protagoras ouvrent la première piste.

1 – La tradition sophistique

Le premier fragment de Protagoras affirme : « De toutes les choses, la mesure est l’homme : de celles qui sont, du fait qu’elles sont ; de celles qui ne sont pas du fait qu’elles ne sont pas » (10). L’homme-mesure s’interprète de plusieurs manières. Le grec « métron » pro­vient des racines indo-européennes *me- ; *met- ; *med-, « me­su­rer » (11). La valeur originelle a été « mesurer le temps ». Elle a eu des emplois dérivés, notamment les mesures autres que temporelles et spatiales : soit en vue d’un résultat tangible (destiner, gouverner, soigner) ; soit en vue de la cohérence du discours (inférer, déduire, apporter une preuve). L’homme-mesure est donc celui qui crée l’har­mo­nie, l’unité et la différence dans les choses. Il décèle l’existence et la manière dont les choses existent. Il laisse la possibilité aux choses d’être et de devenir. Il en valorise une sans que celle-ci en ait pour un groupe. Il peut refuser de classer et de hiérarchiser, laissant les cho­ses dans un état d‚indifférence, l’une n’ayant pas plus de valeur que l’autre. L’existence simultanée de mesures plus ou moins com­pa­ti­bles est donc normale.

L’homme-mesure est à la fois individuel et social. Il prononce des o­pi­nions et agit selon des convictions. Créant la différence, il protège la valeur potentielle des choses. Car par différence, elles demeurent sans valeur affirmée mais acquièrent une valeur latente, non quan­ti­fia­ble. Ainsi, lorsqu’on refuse de classer des informations, on affirme que ce que l’on reçoit n’a aucune importance, aucune valeur : ça nous indiffère ici et maintenant. Dans le temps, les choses in­diffé­ren­tes s’actualiseront éventuellement. C’est dans le processus de trans­formation des choses au cours du temps que la valeur s’actualise.

Il n’existe pas d’universalité des valeurs. La curiosité intellec­tuelle, la déambulation, le souhait de connaître, valorisent à certains moments telle ou telle modalité de l’être. Du fond latent des choses, informes et sans valeur, sortent les œuvres des hom­mes, la valeur créative. L’hom­me-mesure met à plat les va­leurs proclamées des choses et des qualités et refuse de se sou­mettre à une définition quantitative dé­finitive de la valeur.

Le poète français Charles Baudelaire a illustré parfaitement cette dé­marche. Le monde extérieur et notre univers intime sont entourés de mystères. Les images picturale, poétique ou musicale guident vers des correspondances où tout se vaut. Le poète est l’un de ceux qui dé­voilent les richesses du monde, et sépare la valeur d’usage d’une œuvre d’avec sa valeur marchande grâce au choc esthétique. Un tel rap­port entre l’homme et l’objet exclut toute espèce de classement et de hiérarchie.

2 – Les conventions

L’économiste écossais David Hume, au XVIIIième siècle, affirmait que la convention est le sentiment de l’intérêt commun (par exemple, la justice résulte de conventions humaines). Pour les auteurs contem­porains qui en redécouvrent l‚intérêt et la portée, elle est un réfé­rentiel sans autre raison d’être que de garantir aux actions humaines une certaine continuité, durée et pérennité. Contrairement au contrat ou à la promesse, elle résulte d’un accord unanime et libre. « C’est une solution stable et régulière, offerte par l’environnement socio-économique dans lequel les acteurs sont plongés » (12). Puisqu’elle cherche à mettre en place des relations de confiance, elle touche au domaine de l’éthique. Toute la question est de savoir sur quoi se fon­de la conviction des individus quant à la généralisation de l’adoption d’une convention. Les conventionnalistes parlent d’écran d’informa­tions (13) pour désigner l’ensemble des règles qui définissent un système d’interprétation de l’information. Un pont est rétabli avec la phi­losophie grecque qui se préoccupait déjà de l’influence des ac­teurs sur les flux d’informations et de l’interprétation de celle-ci.

Il ne suffit pas de recevoir des informations pour que les conduites de­viennent cohérentes ou coordonnées. L’individu n’est pas maître du tissu informationnel qui l’entoure : information et individu sont é­troi­tement liés. Au sein d‚un groupe, un grand nombre d’informations ne sont pas traitées mais admises comme telles. Les conventions é­vitent à chacun d’avoir à manipuler un grand nombre de données, si­gnaux, énoncés, disparates. Elles sont des écrans informationnels en­tre les individus qu’elles placent dans un espace de confiance. Elles diffusent de l’information sur les convictions partagées, les rè­gles et normes. Les écrans d’informations assurent la conviction, trans­fèrent l’information afin de répondre à la question: Comment les in­dividus savent-ils (et sont-ils convaincus) que la convention est une norme générale ? Les conventions en tant que structure d’infor­ma­tions contiennent deux dimensions: l’énoncé qui véhicule le contenu donnant du sens à la convention ; le dispositif matériel qui assure tech­niquement le transfert d’information sur l’existence de la con­ven­tion auprès de chaque individu. « En tant qu’écran d’information, la con­vention est donc à la fois composée de discours qui l’énoncent et d’objets qui mettent en relation les adopteurs » (14).

L’information n’est plus ici un flux autour duquel les individus gra­vi­tent ; elle fait écran au sens et empêche que chacun se méfie et dou­te du comportement des autres en les informant du respect de la nor­me. L’information est organisation sociale.

Le Don d‚informations va-t-il alors définir à lui seul la valeur de l’in­for­ma­tion ? Ou ce don ne sera-t-il qu’un vecteur de l’échange mar­chand? En réalité, puisque le don est une convention morale à valeur im­matérielle, qui ne saurait s’identifier à la gratuité, l’association avec l’information nous conduit à l’économie de l’immatériel qui met l’accent sur l’attente d’une réaction qualitative à l’acte de donner. On sort de la logique de l’échange si on escompte, dans le don, la re­la­tion à venir (contre-don) en termes qualitatifs. Dans le don d’infor­ma­tions domine l’idée d’un retour anticipé qui prend la forme de la rela­tion donateur/donataire. Le retour s’effectuant gratuitement, la nou­veau­té réside tout d’abord dans la nouvelle perception du temps (le moment du retour est inconnu) et dans l’anticipation d’une conduite at­tendue de l’autre. Donner de l’information valorise le rapport à l’au­tre, l’aspect qualitatif de rapports communautaires par le partage d’in­for­mation. Le don d’informations dans le cadre des conventions exis­tantes aide celles-ci à résister au temps, à ne point se périmer. Il re­fu­se la marchandisation puisque l’entretien de la convention n’est pas monétarisé. Le don d’informations est à la fois invisible, sans retour attendu, sans dette à l’égard de qui que ce soit. Les conventions so­ciales définies comme des processus informationnel fonctionneront d’au­tant mieux que:

- L’interactivité entre les locuteurs est régulière.

- Celui qui reçoit l’information l’enrichit en la traitant.

- L’information circule. Le mouvement en garantit la valeur en tant que processus décisionnel.

- Chaque acteur a un statut propre : il reçoit des informations dans une zone donnée, sur des thèmes spécifiés. Il se peut que certaines informations aient une valeur marchande. Mais un grand nombre n’en auront pas.

- Le contexte dans lequel est perçu l’information n’est pas négligé.

Le don d’information pratiqué dans les réseaux interpersonnels et in­terorganisationnels accroît l’importance des liens amicaux et commu­nautaires, à la place des régulations marchandes. Le don est lui-mê­me une convention d’après laquelle on distribue des connaissances sans qu’il y ait d’utilité marchande ; des énoncés sont offerts sans hié­rarchisation directe et immédiate des contenus. La productivité du don en matière d’information réside dans la création de ressources nou­velles, puisque individus et conventions se forment mutuellement.

E – Reconquérir notre liberté

A l’écart de la globalisation et de l’information-marchandise, moyen de propagande et objet de censure, le don dévoile la question du rap­port entre l’homme et la division du travail. Les membres des groupes de production, hier comme aujourd’hui, ont besoin de connaître la valeur de leurs contributions respectives. Or le technicien, depuis la plus haute antiquité, est celui qui anticipe la valeur future. Le tech­ni­cien, comme le donneur d’informations, parie sur le futur dans sa di­men­sion qualitative. Cette anticipation des qualités à venir, par les tech­niciens et les donneurs d’informations, est une dimension de ce que les anciens Grecs nommaient la liberté.

Platon, dans La République, avait déjà posé la question de la valeur d’une production. Il avait répondu que la mesure de la valeur cor­respondait à la quantité de travail servant à la production. Il en va de mê­me aujourd’hui pour le don et l’échange d’informations au sein des ré­seaux informationnels. Pour Platon, le rapport entre les travaux qui ser­vent à produire les biens est un rapport d’équité, de justice com­mu­tative. Appliqué à l’information, l’équité s’exprime par une valeur indifférenciée. Puisque l’information est appréciée selon des valeurs qua­litatives comme la coopération, la confiance, la convention, elle ne tombe pas dans le domaine marchand et on ne peut lui appliquer les notions de coût, prix, investissement... Par ailleurs, si nous substi­tuons à La République de Platon les réseaux interpersonnels et inter-organisationnels, la division du travail devient le partage de l’infor­ma­tion et le don d’information est le moyen par lequel l’agent (l’acteur, l’hom­me, le citoyen) réalise sa liberté. Car seul un sujet actif, un hom­me libre, peut donner.

Le retour sur investissement (le rendement) de toute affectation de res­sources prend, avec le don, une autre dimension. Le donateur at­tend un retour qualitatif. En matière d’éducation par exemple, le don an­ticipe l’amélioration de la qualité du donataire qui sera utile à tous. Par là, de nouvelles ressources ont été créées. Dans le domaine de la technique, a enseigné Heidegger, nous ne devons pas en rester aux mécanismes et procédures car la technique exprime des formes de futur anticipées dont certaines seront opératoires. Le projet tech­ni­que est une anticipation selon le schéma du don, anticipation de fu­turs possibles.

Conclusion

Don, Technique et ordre social fondé sur le mérite forment un tout qui, reposant sur l’anticipation de futurs possibles, affirme la liberté de l’homme. Information-marchandise, logique de l’adaptation à la globalisation et ordre social fondé sur la naissance orchestrent le mépris de toutes les potentialités au profit de l’empire de la servitude, la tyrannie de l’opinion imposée par les médiats. La société actuelle (l’occidentisme) vit donc dans une schizophrénie qui la ronge : elle met l’accent sur la technique mais, simultanément, re­con­sti­tue les castes et traite l’information comme une marchandise. Elle fonctionne avec de multiples conventions et, parallèlement, incite à s’enrichir par des stratégies de modification de celles-ci.

L’occident a réactivé les méthodes des ecclesia monothéistes, responsables de la propagande et de la censure. Le jugement à l’é­gard des censeurs restera pour nous aujourd’hui ce qu’il fut au XIIIiè­me siècle, sous la plume de Roger Bacon : « Ils avaient commis une gra­ve erreur, ils étaient même coupables ; leur décision, injustifiable, ne pouvait que naître d’une profonde ignorance » (15). Les conven­tions valables dans les sociétés ouvertes fondées sur la technique sont qu’aucun pouvoir ne doit posséder le monopole de la doctrine. Cen­sure et propagande prouvent, une fois de plus, que les marchands sont tentés par une simplification dramatique du monde à laquelle il nous faut nous opposer de toutes nos for­ces. Le don associé à l’information émerge comme un moyen privi­lé­gié de réaliser notre liberté.

Frédéric VALENTIN.

Bibliographie :

BIANCHI Luca : Censure et liberté intellectuelle à l’université de Paris. Les Belles Lettres, 1999.

COULOUBARITSIS L. : Aux origines de la philosophie européenne. De Boeck, 1992.

FREUND Julien : Philosophie et Sociologie. Cabay, Louvain, 1984.

GIRAUD Pierre-Noël : Économie, le grand satan ? Textuel, 1998.

GOMEZ Pierre-Yves : Le gouvernement de l’entreprise. InterÉditions, 1996.

HAUDRY Jean : Études Indo-Européennes, 1992.

KOLM Serge-Christophe : La bonne économie. PUF, 1984.

LECLERC Gérard : La société de communication. PUF, 1999.

MARIS Bernard : Ah Dieu ! Que la guerre économique est jolie ! A.Michel, 1998.

MARIS Bernard : Lettre ouverte aux gourous de l’économie qui nous prennent pour des imbéciles. A.Michel, 1999.

MILON Alain : La valeur de l’information. PUF, 1999.

ZINOVIEV Alexandre : Le communisme comme réalité. Le livre de poche, 1983.



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vendredi, 22 juin 2007 | Lien permanent | Commentaires (1)

Kan Europa zonder Rusland?

Kan Europa zonder Rusland?

Ex: http://www.n-sa.be/

De term geopolitiek kan op verschillende wijzen gedefinieerd worden. Van Dale definieert Geopolitiek als “de wetenschap van de invloed van de aardrijkskundige gesteldheid op staatkundige vraagstukken”. De Zweed Rudolf Kjellén stelde in 1924 dat Geopolitiek "de leer was van de staat als geografisch organisme of als ruimtelijk fenomeen". De Belgische historicus Jan A. Van Houtte definieerde Geopolitiek in 1945 als “deze tak van de aardrijkskunde en van de politieke wetenschap die de werking van het milieu op de politieke bedrijvigheid van den mensch, en van den mensch op de politieke gesteltenis van het milieu bestudeert.” In 2005 definieerde de Belgische politicoloog David Criekemans Geopolitiek als “het wetenschappelijk studieveld behorende tot zowel de Politieke Geografie als de Internationale Betrekkingen, die de wisselwerking wil onderzoeken tussen de politiek handelende mens en zijn omgevende territorialiteit (in haar drie dimensies; fysisch-geografisch, menselijk-geografisch en ruimtelijk)".

PrimaryOGPipestoEur06.gifWe mogen in geen geval uit het oog verliezen dat geopolitiek een middel is om binnenlandse doelstellingen te bereiken. Daarom kunnen we het begrip Geopolitiek definiëren als “ het benaderen van het streven om politieke binnenlandse doelen te bereiken op basis van geografisch gefundeerde argumenten".  De Britse geopolitieker Peter J. Taylor stelt duidelijk dat geopolitieke analyses altijd een nationale inslag hebben. “In het geval van geopolitiek is het steeds makkelijk geweest om de nationaliteit van een auteur aan de inhoud van zijn teksten te identificeren.” De Franse geopolitieker Aymeric Chauprade wijkt van de meeste van zijn collega’s af door weliswaar de staat belangrijk te vinden maar door geopolitiek het vakgebied “Internationale Betrekkingen” van elkaar los te koppelen. Hij zegt : “Zeggen dat de Nationale staten het centrum van geopolitieke ambities zijn, betekent niet dat de nationale staten de enige spelers in de wereld zijn. Het verschil met het vakgebied internationale betrekkingen is dat de geopolitieke wetenschap andere acteurs en andere geopolitieke realiteiten toestaat.”

In dit kader kan ik duidelijk het volgende stellen: ja, ik pleit in het belang van mijn volk voor een Europese as met Rusland als alternatief voor de Europese Unie. Ik kan me goed inbeelden dat sommigen hier zich bij zullen afvragen waar Rusland ons kan helpen en waar Rusland ons een oplossing kan aanrijken voor het feit dat sommigen onder jullie werkloos zijn. Kortom: als men werkloos is – in tijden van crisis zoals nu meer regel dan wens – dan is het begrijpelijk dat men opmerkt : “Wat kan Rusland me schelen, ik wil een job”. Vandaag krijgen jullie een antwoord hoe een geopolitieke as tot in Vladivostok ons kan helpen daarbij.

Nu een eerste principe. Een volk dat begenadigd is met een goede leiding, heeft als ambitie om het leven van haar leden zo goed mogelijk te organiseren. Een goede leiding ambieert naar een steeds hogere levenskwaliteit. Een belangrijk facet van wat men noemt “de levensstandaard” is de economie. Via arbeid en handel bouwt een volk een bepaalde levensstandaard op. Een goede regering zal er over waken dat deze economie de normen van de rechtvaardigheid niet overschrijdt. Een goede regering zal er over waken dat één sociale groep de andere niet uitbuit en/of tot slavernij brengt. In een solidaristische maatschappij geniet men van goede beloning voor geleverde arbeid en de garantie dat de hongersnood niet aan de deur komt kloppen in geval van economische tegenslag. Het is dus begrijpelijk dat sommige economische kasten – de kasten van de rijken, van zij die “hebben” – deze visie totaal zullen verwerpen. Zij willen meer en steeds meer “hebben”. Deze liberale kasten – sommigen bevinden zich op wereldniveau, anderen op het Europese, nog anderen op het Belgische en het Vlaamse niveau – hebben er alle belang bij dat men arbeid zo weinig mogelijk beloont en dat men diegene die de pech heeft over geen arbeidsmogelijkheden te beschikken, zich kosteloos van kan ontdoen. De economie van de Verenigde Staten is daar een schoolvoorbeeld van. Obama wil daar nu sociale zekerheid invoeren en botst op enorme weerstand. De “haves” willen niet delen met de “not haves”. Hiermee komen we aan een ander punt: sociale bescherming ligt zeer moeilijk in etnisch verdeelde naties. We stellen wereldwijd vast dat zowat elke groep van mensen die iets hebben opgebouwd, met klem benadrukt “dat zij voor die andere niet gaan opdraaien”. Bijvoorbeeld, men kan op straat letterlijk uit de mond van een blanke horen : “Ik betaal niet voor die zwarte”. Andere reële variant is een zwarte Amerikaan die zegt: “Ik betaal niet voor die Chinees”. Enzovoort. Bij geopolitiek moet absoluut etnopolitiek worden ingecalculeerd. Anders maakt men onvermijdelijk zware fouten bij het analyseren van de problemen waarmee onze maatschappij vandaag te kampen heeft. Geopolitiek zonder etnopolitiek heeft geen enkele zin. Ik wens daarbij wel te benadrukken dat etnopolitiek niets te maken heeft met het begrip “racisme”, door onze vrijheidsbeperkende wetgeving een nogal vaag omschreven begrip. Het gaat hier om een vanuit de evolutie ingegeven basisreactie.

Een tweede principe. Om als volk onafhankelijk te overleven moet het beschikken over een aantal onafhankelijke materies. Belangrijk zijn het zelf beschikken over voedsel en energie. We kunnen dus stellen dat een volk enkel kan overleven indien het beschikt over een voor haar geschikt levensgebied. Volgend op dit principe een volgende stelling: een volk is het aan zichzelf verplicht om de levensnoodzakelijke elementen waarover het niet beschikt veilig te stellen. Voor velen lijkt dit eenvoudig en logisch. Maar dit is niet eenvoudig. Neem het voorbeeld van Leningrad in de periode 1941-45. Tijdens deze periode werd Leningrad door middel van een Duitse blokkade tijdelijk van een megastad in het Sovjet-Rijk naar een stadstaat herleid. Deze stad kon onmogelijk aan de levensnoodzakelijke noden van het volk voorzien. De stad heeft geen voor landbouw voorzien territorium, de enkele kleine stadsmoestuintjes niet meegerekend. Het verhaal eindigde triest met bijna een miljoen hongerdoden en kannibalisme. In de Middeleeuwen werden stadsstaten tijdens oorlogen na een blokkade meer dan eens tot de overgave gedwongen.

Om als volk te overleven moet men ervoor zorgen dat, in functie van de beschikbaarheid van voedsel en energie, er niet teveel inwoners per vierkante kilometer wonen. In dit kader is het duidelijk dat een massale immigratiestroom onherroepelijk tot het einde van de integriteit en belangenbehartiging van dat volk leidt. De immigratiestroom verandert de samenstelling van een volk in die mate dat de etnische eigenschappen veranderen. Een andere etnische samenstelling verandert de geopolitieke visie van de “bevolking”. Zo zal een volk met stijgend aantal Noord-Afrikaanse immigranten mettertijd veel belang hechten aan een geopolitieke band met de landen van herkomst. De Turkse gemeenschap verblijvend in de Europese Unie zal het wel leuk vinden mocht Turkije er vrolijk bij komen om die reden.

Hoe meer voedsel en energie men moet importeren, hoe meer afhankelijk men van anderen wordt. Zijn die anderen vriendelijke bondgenoten, dan valt de balans nog mee. Wordt het territorium van waaruit men voedsel en/of energie importeert geregeerd door keiharde zakenmensen of plots door vijanden (na een machtswissel), dan staat het eigen volk voor een zwaar probleem dat ze niet in de hand heeft. Nog een punt is daarbij dat een vijand steeds de alimentaire en grondstoffelijke aanvoerlijnen kan saboteren.

In dit kader moeten de Lage Landen zich bezinnen over wie de beste bondgenoten zijn en wie niet. Uiteindelijk moet de geopolitiek van de Lage Landen dienen om binnenlands een compleet soeverein programma uit te voeren: het herinvoeren van echte grenzen, het herinvoeren van een eigen munt, het nationaliseren van banken, het begrenzen van persoonlijk bezit, remigratie van arbeidsproductieve overschotten, het solidariseren van nationale kernsectoren, het invoeren van een solidaristische maatschappelijke orde, het sociaal welvaartsmodel herdefiniëren op basis van volkseenheid.

Daarom moet Vlaanderen na het ontbinden van de Belgische economische kaste – en daardoor de Belgische staat – een eigen munt creëren met economisch compatibele landen zoals Nederland, Wallonië, Luxemburg, Noord-Frankrijk (Zuid-Vlaanderen). Na een “Vlaamse revolutie”, zoals het afstoten van België zal genoemd worden, moeten de Lage Landen vanuit gemeenschappelijk belang overgaan tot nieuwe staatsverbanden.

Internationaal is samenwerking met bepaalde landen wenselijk. Niet met de VSA maar wel met sommige tegenstanders van de VSA, zoals Rusland, Wit-Rusland, Syrië en Iran. Er zijn genoeg kandidaten.

In de veranderende wereld zullen China, India en de VS hoofdrolspelers zijn. Dit is nieuw want gedurende eeuwen was de Middelandse Zee zowat het centrum van de wereld. Vanaf het ogenblik dat men internationale betrekkingen op wereldschaal begon te ontwikkelen, dat is 500 jaar geleden, tot 1945 bevond het heersende wereldrijk (Rome, China, Mongolen, Griekenland, Frankrijk, Portugal, Spanje, de Nederlanden enzovoorts) zich steeds op het Euraziatisch continent. In 1945 ontstond er voor het eerst een wereldmacht die buiten het Euraziatisch continent ligt. Op zich is dit een verandering die men kan vergelijken met een tektonische verschuiving. Ondanks deze verschuiving van macht naar het Amerikaans continent blijft het geopolitiek belang van het Euraziatisch continent centraal.

Eurazië is het enige terrein waar een eventuele rivaal van de VS zou kunnen verschijnen. Daar bevindt zich de sleutel van de Amerikaanse geopolitiek.

Mackinder stelt in 1904 al in zijn eerste werk “De geografische spil van de geschiedenis” : “Wie Oost-Europa beheerst, beveelt het hart van de wereld. Wie het hart van de wereld beheerst, beveelt het eiland van de wereld. Wie het eiland van de wereld beheerst, beveelt de wereld.” Mackinder was een Brit en ging ervan uit dat het Britse Rijk – toen op een hoogtepunt – haar macht moest kunnen behouden. Jarenlang heerste Groot-Brittannië over de wereldzeeën dankzij een superieure vloot. Echter, ook de technologische ontwikkeling nam haar vlucht en zo kwamen er nieuwe technieken die ertoe leidden dat het over het land voortbewegen door middel van bijvoorbeeld stoomtreinen, steeds gemakkelijker en vlugger ging. Mackinder ging ervan uit dat in de nabije toekomst de politieke macht van Groot-Brittannië wel eens geringer zou kunnen worden. In een wereld waar deze opgedane politieke macht te danken was aan een maritieme vloot, en verbindingen over land een sterkere positie zouden gaan innemen, zouden continentale landen als Rusland meer politieke macht vergaren. Groot-Brittannië zou geen grip kunnen krijgen op deze continentale gebieden en zo haar politieke macht zien afnemen. Mackinder wees erop dat al vaker beschavingen vanuit dit continentaal gebied erin slaagden anderen te overheersen.

Een andere geograaf uit deze tijd, maar dan behorende bij het 'vijandige' Duitse kamp was sterk onder de indruk van Mackinder's werk: Karl Haushofer (1869-1946). Hetgeen Mackinder vreesde, dat was voor Haushofer een wensdroom. Haushofer zag het als volgt: wanneer Duitsland heerschappij over het 'Heartland' zou hebben, zouden zij heersen over het 'World Island' wat zou betekenen dat Duitsland een hegemoniale macht zou zijn. In de geopolitieke ideeën van Haushofer neemt het begrip ‘Lebensraum’ een centrale plaats in. Dat begrip ontleende hij aan Friedrich Ratzel (1844-1904) en aan Rudolf Kjellen (1864-1922) die Ratzels ideeën in geopolitieke zin had verscherpt. Ratzel beschouwde staten als organismen. In feite voegde Ratzel aan Darwins concept van de the struggle for life een ruimtelijke dimensie toe. Het gaat niet alleen om een strijd om het bestaan, maar elke strijd om het bestaan was een strijd om de ruimte waarin dat bestaan zich moest afspelen. Vandaar het begrip ‘Lebensraum’. Dat laatste moet gezien worden als het totale gebied dat voor het bestaan van een volk nodig is. Haushofer bezorgde het begrip daarbij een etnische inslag. Hieruit kunnen we stellen dat indien de Lage Landen leefbaar willen blijven, we heden ofwel aan gebiedsuitbreiding moeten doen of aan bevolkingsvermindering. Annexatie of remigratie. Annexatie is heden onmogelijk dus rest er maar één oplossing: remigratie.

Willen de Lage Landen een belangrijke rol spelen, dan is een goede verstandhouding met het “heartland” geen overbodige luxe. In een Europees samenwerkingsverband, als alternatief voor de EU, is het mogelijk om de economische afzetmarkt te vergroten. Door een samenwerking met Oost-Europa en Rusland te stimuleren, verzekeren we onze aanvoer van energie en voedsel. Het moet wel de bedoeling zijn dat we zoveel mogelijk zelf ons voedsel produceren, maar door middel van een verbond van Europese landen en volkeren kunnen de Lage Landen hun toekomst integraal veilig stellen.

Heerschappij over Eurazië, constante in de Angelsaksische geopolitiek

Een sterke aanwezigheid op het Euro-Aziatisch continent garandeert de VSA wereldheerschappij. Zeker dankzij de daar aanwezige grondstoffen. De VS zijn een supermacht dankzij de aanwezigheid in de drie randzones van het continent. Eurazië is het enige terrein waar een eventuele rivaal van de VS zou kunnen verschijnen. Opnieuw, hier bevindt zich de sleutel van de Amerikaanse geopolitiek. De gedachtengang van Brzezinski wordt al jaren door de Engelsen uitgevoerd.

“De NAVO is het middel om te verhinderen dat het Euraziatisch blok ooit één wordt,” zegt generaal Gallois. Volgens geopolitieker Halford John Mackinder (1861-1947) is “het ergste wat er kan gebeuren een continentale alliantie van Duitsland met Rusland”. Deze kunnen de wereldsuprematie van de Angelsaxen beëindigen. Daarom pleit Mackinder voor een gordel van staten tussen Duitsland en Rusland om het militair-sterke Duitsland te absorberen.

De Britse geopolitieker Homer Lea pleit in zijn boek “The Day of the Saxons”  voor het indijken van Rusland. De Russen mogen zelfs niet onrechtstreeks de Bosporus en de Dardanellen beheersen. Tijdens de Krimoorlog werd zijn theorie toegepast. Engeland en Frankrijk steunden de Turken tegen de Russen. Het doel van de orthodoxe tsaar was om het Heilige Land te bevrijden en Constantinopel opnieuw in te nemen. Vandaar konden de Russen doorstoten naar de Indische Oceaan. De Westerse mogendheden schrokken van de gedachte dat de Russische hoofdstad Sint-Petersburg kon verhuisd worden naar de Middellandse Zee. Mocht de tsaar zijn wil hebben kunnen doorvoeren, dan sprak men heden niet over “Istanboel” maar nog steeds over Constantinopel.

Een ander voorbeeld van Britse steun aan de vijanden van Rusland vindt men terug tijdens de Russo-Japanse oorlog. Zowel Groot-Brittannië als Japan maakten zich zorgen over de groeiende macht van Rusland in Mantsjoerije. Op 30 januari 1902 sloten zij een bondgenootschap. Hierin werd overeengekomen dat indien één van beide landen in een oorlog werd meegesleept ter verdediging van haar regionale belangen, de andere natie niet alleen neutraal zou blijven maar er alles aan zou doen om te vermijden dat het conflict zich zou uitbreiden.

Henri Kissinger zei dat “men Rusland moet aanmoedigen zich enkel op haar eigen grondgebied bezig te houden. Een land dat zich uitstrekt over 11 tijdszones, van Sint-Petersburg tot Vladivostok, heeft niet veel last van claustrofobie.” Een rapport van de Amerikaanse Landsverdediging van 1992 verdedigt dat er Amerikaanse nucleaire wapens op Rusland gericht blijven “want Rusland is de enige macht ter wereld die in staat is de Amerikaanse wereldheerschappij te doorbreken”. Dit document van 1992 houdt het plan in om alle landen van het voormalige Warschaupact op te zetten tegen Rusland. U begrijpt nu waar het raketschild in Polen en Tsjechië toe dienen.

Brzezinski (CFR) zei dat “de NAVO moet uitgebreid worden naar het Oosten om elke dreiging van Rusland in Oost-Europa tegen te gaan”. Ook daarom eisen de Amerikanen dat Turkije bij de EU komt. Dan is Rusland zowel economisch als militair omsingeld. Turkije bij de EU is slecht voor Europa maar goed voor de geopolitieke belangen van de VSA. Om de Amerikaanse omsingelingen tegen te gaan rekent Rusland dan weer op Servië, Griekenland, Iran en Armenië.

Kissinger schreef: “Indien we falen bij het uitbreiden van de NAVO richting Oost-Europa, dan kan dit leiden tot gevaarlijke geheime akkoorden tussen Rusland en Duitsland”. Het  Molotov-Von Ribbentroppact had als doel de VS buiten het Europese continent te houden. Volgens rassoloog Vladimir Avdeev, die bepaalde KGB-documenten kon inkijken, hield het pact ook een etnisch aspect in. “Beide partners zouden Europa Indo-Europees houden”, stelt hij. Vandaar dat Lazar Kaganovitsj, opperrabbijn in de officiëel atheïstische Sovjet-Unie, het gastland waar hij verbleef via politieke druk aanspoorde tot een agressievere houding tegenover Duitsland, met miljoenen onnodige Europese doden tot gevolg en alsook het einde van de macht van de Europese landen.

De rivaliteit tussen de VSA en de Sovjet-Unie beheersten de volgende 5 decennia na het einde van de voor Europa zeer nefaste Tweede Wereldoorlog. De geopolitici zijn in hun nopjes. De bipolaire competitie bevestigt hun theorieën. Tegenover elkaar staat enerzijds de grootste maritieme macht, die over de gehele Atlantische en Stille (Grote) Oceaan heerst, en anderzijds de grootste continentale macht, die heerst over een aanzienlijk deel van het Euraziatische continent. Het Russo-Chinees blok heerst over een territorium dat bijna overeenkomt met het gebied waar de Mongolen ooit heer en meester van waren. De strijd was niets meer dan Noord-Amerika tegen Eurazië, met de gehele wereld als inzet. De overwinnaar overheerst de gehele wereld. Tijdens deze armworsteling kon geen enkele andere macht iets zinnigs inbrengen. Beide kampen beloofden een hemel op aarde.

Er was hier een groot verschil met de Europese Rijken (Imperia). De Britten, Fransen, Duitsers, Portugezen, Nederlanders en Spanjaarden heersten wel over een deel van de wereld, maar geen enkele Europese macht heerste ooit over geheel Europa. Nog een verschil met vorige Imperia ligt in het nieuwe militaire arsenaal en de komst van een nieuw wapen: de atoombom. Dit hield in dat een clash tussen beide grootmachten zo goed als uitgesloten was. Het gebruik ervan zou leiden tot de vernietiging van beiden en daarmee het verdwijnen van een belangrijk deel van de mensheid. Dit verklaart waarom vele conflicten aan de rand van het Euraziatische continent uitgevochten werden (en worden). Het Russo-Chinese blok is er nooit in geslaagd om de randen van het continent te beheersen. De VSA waren er wel in geslaagd daar ankerpunten te leggen. De blokkade van Berlijn en de Koreaanse Oorlog waren testmatchen. Toen de Sovjet-Unie Afghanistan binnenviel, reageerden de VSA dubbel. Ze steunden openlijk de Afghaanse weerstand met enorme wapenleveringen, en vermeerderden hun aanwezigheid in de Perzische Golf. De VSA wilden vermijden dat de Sovjet-Unie de handen zou uitsteken naar de Euraziatische randgebieden en zo totale controle over het gehele continent zou verkrijgen. Dit noemen zij de politiek van containment, of het terugdringen.

Een belangrijk gegeven waarom het Russo-Chinese blok er niet in geslaagd is geheel Eurazië te beheersen, ligt in de splitsing van dat blok, terwijl de VSA hun coalitie wel kon samen houden. De Amerikaanse coalitie injecteerde haar cultuur in de landen en volkeren die aan haar zijde stonden. In het Amerikaanse kamp ontstond een soort Amerikaanse eenheidsworst. De Amerikaanse propaganda overtuigt de vazallen van dat de VSA “de Toekomst” is: “Wil men dit ook bereiken, dan moet men de gehele VS-cultuur overnemen”. De VS verstonden het om tegenover de vazallen soms ook eens soepelheid te vertonen. Dit gebrek aan soepelheid leidde bij de vazallen van het Euraziatische blok tot afschuw voor de Sovjet-Unie. Deze nu achterhaalde afschuw wordt door de VSA politiek misbruikt om voormalige Sovjet-bondgenoten tegen het huidige Rusland op te zetten.

De implosie van de Sovjet-Unie plaatse de VSA in een unieke positie. Ze werden het machtigste land ter wereld, zonder concurrentie. De vergelijking met het Romeinse Rijk gaat goed op. Het Romeinse Rijk, dat op zijn hoogtepunt stond in het jaar 211, beschikte over een leger van 300.000 soldaten om de grenzen van het Rijk te verdedigen, dit zijn 300.000 soldaten buiten Rome. Het VS-leger bevat 296.000 beroepssoldaten, gelegen buiten de VS, om de grenzen van haar domein te verdedigen. In Rome had men het civis romanum sum of ik ben  een Romeins burger en het bekende Pax Romana. De VSA passen dezelfde principes toe, het Pax Americana.

Vandaag heerst een macht afkomstig van buiten het Euraziatisch continent over Eurazië. Deze macht tracht Rusland in te dammen in het Westen (de EU en het tandem Polen-Oekraïne); in het Zuiden (Turkije, Oezbekistan, Kirgizië) en in het Zuid-Oosten (Japan, Zuid-Korea).

Een kijk op de wereldkaart maakt ons duidelijk waarom het continent zo belangrijk is. Eurazië geeft zo goed als onmiddellijke toegang tot Afrika. Vanuit Oost-Siberië kan men makkelijk naar het Amerikaanse continent en naar Oceanië. In Eurazië  woont 75% van de mensheid. Hier bevinden zich het grootste deel van de grondstoffen en fysieke rijkdom zoals kapitaalsgoederen en arbeidskrachten. Hier bevindt zich 75% van de energievoorraad. Hier bevinden zich het grootst aantal dynamische en talentvolle staten en volkeren, die nog in staat zijn iets zinnigs op te bouwen. Na de VSA komen de zes volgende landen op de lijst van grootste budgetten en grootste legers uit Eurazië. Hier bevindt zich het grootste aantal nucleaire wapens. In Eurazië  bevinden zich de twee meest bevolkte landen ter wereld (China en India). Het Euraziatische continent steekt in geval van unie met kop en schouders in alle domeinen boven de VSA uit. Dit is zelfs al het geval als er toch een Europese as Parijs-Berlijn-Moskou zou bestaan of een Europese samenwerking van Gibraltar tot Vladivostok zou komen.

Men kan het gespeelde spel in Eurazië  beschouwen als een schaakspel, met Eurazië  als schaakbord. De VSA zullen de belangrijkste rol blijven spelen zolang Centraal-Europa aansluiting zoekt bij West-Europa (EU & NAVO), het zuiden van Rusland verdeeld blijft en het Oosten geen eenheid vindt. Het komt eigenlijk hier op neer: zolang de VSA hun miliitaire basissen in de Euraziatische randgebieden kunnen behouden, blijven ze de numero uno. Indien West- en Centraal-Europa aansluiting vinden bij Rusland, het zuiden de VSA beu worden een het Oosten van Azië wel overeenkomen, dan is het gedaan met de overmacht van de VSA. Eén van de pogingen van het Zuiden (Midden-Oosten) om met de VS-overheersing te breken, is het idee om olie met de euro te betalen en niet langer met de opgedrongen papieren dollartijger. Saddam Hoessein bekocht deze plannen met zijn leven. Iran heeft ook al geopperd dat het beter zou zijn om de grondstoffen met de euro te betalen. We kennen nu al het dreigend vervolg: Wereldoorlog III.

Vraag aan eender welke burger wat hij van de Duitse bezetting van dit land vindt, en hij zal terecht antwoorden: “Zij hadden hier niets te zoeken”. Vraag aan diezelfde burger wat hij ervan vindt indien bijvoorbeeld de Russen in dit land 1.300 manschappen permanent zouden stationeren. Hij zou deze idee erg vinden en misschien in de weerstand gaan. De feiten zijn wel dat de VSA in België 1.297 manschappen permanent stationeert, waaronder een deel om het binnenlandse doen en laten via Echelon (grote installatie te Gooik) te registreren. De VSA hebben in totaal 84.500 manschappen ingezet om Europa blijvend bezet te houden. Iedereen vindt dit blijkbaar normaal. In 2010 was het budget voor het Amerikaanse leger alles bij elkaar 607 miljard dollar. Tweede op de lijst is China met 85 miljard dollar. Hier moet men aan toevoegen dat de budgetten voor defensie van de NAVO-landen als aanvulling van de Amerikaanse belangen dienen. De NAVO wordt ingezet daar waar Amerika, en dus Wallstreet, belangen heeft. Daar en nergens anders.

Op het Euraziatische continent bevinden er zich 5 belangrijke hoofdspelers: Frankrijk, Duitsland, Rusland, China en India. Groot-Brittannië, Japan en Indonesië zijn belangrijk maar hebben deze status van hoofdspeler niet. Groot-Brittanië heeft enkel maar een kleine betekenis als vazal, we mogen zelfs stellen: als Paard van Troje voor de VSA in Europa. De VSA hebben Groot-Brittannië nooit ingefluisterd haar sabotage van de Europese eenheid te stoppen. Maar verder dan geostrategisch gepensioneerde reikt de Britse rol niet meer. Oekraïne, Azerbeidzjan, Korea, Turkije en Iran vervullen de rol van belangrijk draaipunt.

Maar we pleiten natuurlijk niet voor het verenigen van geheel Eurazië tot één blok of tot één land. Daarvoor zijn de etnische tegenstellingen bovendien te groot. Vandaag zijn China en Rusland nog objectieve bondgenoten. Doordat Europa keer op keer de uitgestoken hand van Rusland weigerde, doen de Russen nu wat Amerikaanse geopolitici wensen: Rusland keert zich meer en meer weg van Europa en richt zich in de plaats meer en meer tot Azië. Rusland behoort tot de BRIC-landen en is bondgenoot van China door hun gezamenlijk lidmaatschap van de Shanghai Samenwerkingsorganisatie.

Dit komt omdat beide landen geen zin hebben in een aanhoudende VS-hegemonie over de wereld. Maar op zeker ogenlik zullen zij concurrenten worden, wat nu al op een paar domeinen het geval is. Beide strijden voor een monopolie in Centraal-Aziatische landen zoals Kazachstan, Oezbekistan en Kirgizië. De Chinese economie heeft veel energie nodig. Langs één kant werken ze samen met de Russen, langs de andere kant proberen ze hen de loef af te steken. De Russische grondstoffen, hoeveel er ook mogen zijn, kunnen maar éénmaal boven gehaald worden. Elke liter olie kan men maar éénmaal bovenhalen en verbruiken. Dankzij de sadomasochistische rol van Europa, door gratis de vazal van de VS te spelen, verkopen de Russen meer en meer olie en gas aan China. Hierdoor maken de Russen een potentiële tegenstander groot. Heel Zuid-Siberië wordt nu al ingepalmd door Chinese illegalen. Men schat hun aantallen daar nu al op 5 miljoen. Moskou wordt de laatste jaren overspoeld door etnische Aziaten die aan spotprijzen in bepaalde sectoren tewerk gesteld worden, zoals de bouwnijverheid. China zelf verwacht dat het de macht van de VS overneemt tegen maximaal 2020. China heeft daar zelfs een nucleaire oorlog voor over.

 

Sommige wetenschappers hebben de Oeral plechtig tot grens tussen Europa en Azië verheven. De Russische autochtonen denken daar iets anders over. Rusland beschikte tot de 17de eeuw niet over natuurlijke grenzen. De Steppen verschaften de Turko-Mongoolse nomaden onbeperkt toegang tot het hart van het Rijk. Na twee eeuwen juk hebben de Russen zich eindelijk kunnen bevrijden. En op hun ééntje. Daarom werden ze verplicht de grenzen zo ver mogelijk te leggen met als resultaat de verovering van Siberië. Het verschil met Westerse kolonisatie ligt in de defensieve motieven voor de Siberische veroveringen.

Vandaag bevindt de kracht en het belang van Siberië zich in de grondstoffen, in de houtproductie, in haar ligging tot de Noordpool, waardoor Rusland in 2007 op 4.000 meter diepte haar vlag kon planten. Dank zij Siberië is Rusland de tweede grootste steenkoolproducent van de wereld. In de grond bevinden zich massa’s uranium, zilver, titanium, lood, zink en zelfs diamant. Het ontdooien van de permafrost biedt enorme perspectieven. Dit is zeer vruchtbare Siberische grond die heel lang bevroren is geweest, waardoor de mens deze niet kon mishandelen of ontginnen. Jaarlijks komen er talloze vierkante kilometers vruchtbare grond bij. In het kader van de noodzakelijke voedselproductie is dit een meevaller. Door het smelten van delen van de Noordpool komen er waterwegen vrij die vanaf Noord-Siberië kunnen bevaren worden.  Het enige zwakke punt van Siberië is het lage bevolkingsaantal, ongeveer 43 miljoen mensen. Om economische redenen trekken veel daarvan bovendien naar de rijkere regio Moskou-Sint-Petersburg, waardoor de nataliteitsbalans negatief is (denken we nu ook weer aan de tegelijk daarmee lopende immigratie vanuit China).

De noodzaak van ruimte

Iedereen kan het beland van levensruimte inzien. Deze ruimte geeft ons de mogelijkheid te overleven, om ons te ontwikkelen. Hoe groter de ruimte waarover men beschikt, hoe meer lucht, hoe meer brood, hoe meer bossen en rivieren, des te groter de afstand tussen de mensen waardoor de leefbaarheid vergroot en er meer mogelijkheden zijn om de drukte van de stad te ontlopen. Wie enkel maar techniek heeft om te verhandelen, wordt benadeeld. Genoodzaakt worden levensmiddelen in te voeren maakt een land en volk zwak. Nu al kunnen we stellen dat Japan ooit de vazal van China wordt door een gebrek aan ruimte. Zich afkeren van de ruimtelijke idee staat gelijk aan het zich afkeren van het leven.

Ruimtelijk gezien stellen we vast dat Moskou zich op twee uur verschil – twee tijdzones –  van Brussel of Antwerpen bevindt. Aan de andere kant zien we dat Brussel en Antwerpen zich op zes uren verschil – zes tijdzones – van Washington bevindt. Met Moskou is er direct continentaal contact. We kunnen er bij wijze van spreken tevoet, met de ezel of met de fiets naartoe. Anders is het met Washington. Daar ligt een enorme oceaan tussen. Een enorme natturlijke grens en barrière. Geografisch kan iedereen met een beetje goede wil vaststellen dat we meer gemeen hebben met Rusland dan met de VSA.

Na de implosie van de Sovjet-Unie verloor het enorme Rijk een belangrijk deel van haar territorium. Het daalde van 22 miljoen vierkante kilometer tot 17 miljoen vierkante kilometer. Rusland blijft ondanks dit verlies het grootste land ter wereld.

Rusland is ongeveer tweemaal zo groot als de VSA of China. Het bestrijkt een totale ruimte van 11 tijdzones. De Europese volkeren hebben recht op een woonplaats van Gibraltar tot Vladivostok.

De globalisatie en het protectionistische antwoord

We moeten ons bewust worden van de ernst van de globalisatie. Deze opgedrongen globalisatie leidt ons meer en meer naar de armoede. De Vlaming voelt het heden meer dan ooit aan den lijve. Er is steeds meer werkloosheid, er zijn meer gezinnen die hun schulden niet meer kunnen afbetalen, meer immigranten die aan spotlonen het werk overnemen, meer onveiligheid, minder sociale zekerheid, onze pensioenen worden bedreigd enzovoort. De Europese Unie wordt geacht ons normaliter te beschermen tegen deze kwalen maar doet net het tegenovergestelde. De EU haalt het ene na het andere Paard van Troje binnen. Het is aldus geen toeval dat de Fransen en de Nederlanders in 2006 tegen de EU hebben gestemd. In andere landen hielden de democraten bewust geen opiniepeilingen of vervalsten deze in het belang van de globalisten. Voor de Europese landen is globalisatie een nachtmerrie. Voor de Chinezen en de Indiërs een zegen. Ieder jaar komen er in China 25 miljoen banen bij. Deze komen er voor een belangrijk deel als vervanging van Europese en dus ook Vlaamse banen. China heeft de VS vervangen als voornaamste exporteur naar de EU. De eonomisten vertellen ons, net als indertijd met Japan, dat de ontwikkeling van dat land ons banen zal opleveren. Wie gelooft dit nog ? Het verschil is dat het Europese banenverlies dankzij China een veelvoud in het kwadraat zal zijn van het banenverlies door Japan. Ooit maakten ze ons wijs dat de Chinezen enkel maar goedkope rommel produceerden. China staat op nummer één van de wereldranglijst, na de VSA (!), wat betreft het fabriceren van “high tech”. China heeft 1.731 universiteiten en levert jaarlijks vele duizenden ingenieurs af.

Dankzij het mondialisme verliezen de Europese landen jaarlijks honderdduizenden banen. Eerst verloor men de minst gekwalificeerde banen. Tot dan kon onze economische kaste zich nog in de handen wrijven. De goedkope immigrant en goedkope invoer leverde enorme winsten op. Vandaag verliezen de Europese landen hoogtechnologische banen aan o.a. China. Onze middenstand heeft het niet veel beter. Het zogenaamde proletariaat bevindt zich niet meer bij de arbeidersklasse, maar groeit stilaan uit naar alle economische klassen van ons volk. Het enige wat men in onze schapenmaatschappij doet is afwachten. Toen de Britse Eerste Minister Brown in China vertoefde, kon hij geen enkel groot contract loswrikken. Hij kon enkel brabbelen over “de voorname rol van het Engels op de beurs in Londen”. En langs de andere kant is zijn land, het belangrijkste industrieland van de 19de eeuw, een onthaalland geworden voor Chinese producten.

Men vertelde ons dat de globalisering wereldwijd de lonen omhoog zou trekken. Niets is daarvan terecht gekomen. Integendeel. Het mondiaal reserveleger aan arbeidskrachten bevat in China alleen al 750 miljoen mensen. Zij zijn in staat om in de VSA en in Europa iedereen in de werkloosheid te trekken. 300 miljoen van hen leven met minder dan een euro per dag. De economische delokalisering is niet meer marginaal – zoals de media ons willen doen geloven –  maar structureel. Het internationale grootkapitaal kan eenieder van ons doen werken voor bijvoorbeeld twee euro per dag. Eerst schaft men de sociale zekerheid af. Dan voert men hongersnood in. Dan stelt men : “Als jij niet werkt voor twee euro per dag dan doet die Chinees het wel, en dan gaan jij en je kinderen dood”. De tijden van priester Daens komen in het kwadraat terug.

In Davos heeft Stephen Roach (economist en big boss van de bank Morgan Stanley) duidelijk gesteld : “Men heeft de mensen uitgelegd dat globalisering een proces is dat enkel maar winnaars zou kennen, zowel voor de gesalarieerden in het Noorden als voor die in het zuiden. We ontdekken echter dat in het Noorden in de eerste plaats de bezitters van kapitaal de grote winnaars zijn.” We stellen vast dat in Europa het aandeel van de lonen daalt en het aandeel van de winsten heel sterk stijgt.

De grote boosdoener van heel wat Europese armoede ligt in de gedwongen invoering van het liberaal-globalistisch economisch model. Daar zijn we nu van overtuigd. Het antwoord ligt dan ook in het tegenovergestelde. We moeten onze markt afschermen. Grenzen kunnen wegvallen tussen staten die economisch met elkaar verwant zijn, zoals tussen Vlaanderen, Nederland, Wallonië en Luxemburg, dergelijke clustering is welkom. In een ruimere context kan dit ook op Europese schaal gebeuren, maar dan wel op voorwaarde dat de economische situatie eerst compatibel is met die van de Lage Landen.

We zouden het zo kunnen regelen dat van elk basisproduct of korf van basisproducten een minimaal percentage uit eigen regio moet komen. Volgens Maurice Allais, een Frans econoom, schommelt dit percentage best rond de 80%. Met 80% eigen productie en de mogelijkheid te gaan tot 20% import vermijdt men dat een bepaalde sector in eigen land verdwijnt. Met dit systeem zou onze textielnijverheid zelfs terug kunnen komen. Allais gaat er van uit dat men voor een belangrijke sector als de landbouw de eigen productie wettelijk opvoert tot 90%.

Op protectionistisch vlak moet het beleid zich gedragen als een goede huisvrouw. De ramen en deuren worden ofwel hermetisch gesloten, ofwel half geopend, of in geval van goede temperaturen meer geopend. Tijdens de huidige economische mondiale storm kan men enkel maar alle ramen deuren zo goed mogelijk sluiten. De toepassing van sociale BTW en douane-importtaxen schermt de eigen markt en aldus de eigen loontrekkenden af. Het is beter om de import extra te belasten dan het loon uit arbeid.

We moeten ons niet enkel beschermen tegen import, maar ook tegen overnames  door vreemde investeerders. Overal ter wereld schermt men de eigen markt af: de VSA, China, Duitsland en Rusland zijn maar een paar voorbeelden. Enkel de EU beschermt de vreemde investeerdersin de plaats van het eigen volk. De Europese ruimte moet volledig op zichzelf staan. Binnen dit gebied zou import bijna uitzonderlijk moeten zijn.

Op dit ogenblik bevinden de meeste economische sectoren binnen de Europese ruimte zich in directe concurrentie met voormalige Derde Wereldlanden. Inderdaad, er was een tijd dat we van hen geen concurrentie ondervonden. Deze periode is nu voltooid verleden tijd. Gezien de lage lonen die men ginder betaald, zullen al onze bedrijven in een niet-afgeschermde binnenlandse marktruimte het onderspit delven.

Besluit

De as Washington-Brussel-Tel Aviv is nefast voor de Europese landen en dus ook voor de Lage Landen. Deze as maakt onze cultuur kapot! Deze as neemt onze vrijheid af. Dit is de as van de burgeroorlog, van de chaos, van de chip-implant, van Big Brother.

De as Washington-Brussel-Tel Aviv wordt tot mijn grote verbazing gesteund door betaalde heerschappen en groepen die “Eigen Volk Eerst” roepen. Ik heb niets tegen andere volkeren en andere etnische groepen... in hun eigen land. Maar de massa-immigratie gebruiken om onze maatschappij te terroriseren, dat kan niet.

Na tientallen jaren bezetting van Europa - West-Europa door de Amerikanen en Oost-Europa door de Sovjet-Unie - zien we dat de “American Way of Life” bij ons zowat alles heeft aangetast. In Oost-Europa kennen de mensen hun tradities en hun cultuur nog, men is er meer patriottisch of nationalistisch.

Er mag geen as standhouden van Washington over Brussel naar Tel Aviv. Ook geen as van Portugal tot de Oeral. Maar er moet een as komen van Gibraltar tot Vladivostok, omdat dit laatste één geografisch geheel is.

Enkel deze laatste as betekent de overlevingskans voor Europa. Enkel deze laatste as kan Europa, en daardoor de hele wereld, behoeden voor toestanden neergeschreven door Georges Orwell’s 1984. De EU vervormdt zich geleidelijk aan tot één grote gevangenis. De “War on Terror” met zijn anti-terreurwetten geven de slaafse overheden carte blanche om iedereen zonder vorm van proces en zonder recht op verdediging uit te schakelen.

De mengeling van wetten die onze vrije meningsuiting dagdagelijks doen afnemen, het wegrukken van onze wortels, het opdringen van massa-immigratie, het toelaten van de meest gruwelijke vormen van decadentie, het overdreven materiële welzijn, het uit ons leven verdwijnen van het spirituele spectrum enzovoorts... Deze leiden naar een zekere ondergang van de Indo-Europese beschaving. Als solidaristen stellen we dat dit alles is wat we niet willen.

 

Wie “Eigen Volk Eerst” zegt  – en wij doen dat zeker, wij zijn deze slogan niet vergeten omwille van de salonfähigkeit –  moet er ook akkoord mee gaan dat andere volkeren dit in hun landen ook zeggen. “Eigen Volk Eerst” geldt voor de Vlamingen. Maar “Eigen Volk Eerst” geldt eveneens voor de    Iraniërs, de Irakezen, de Palestijnen, de Duitsers, de Russen en wat dat betreft voor de Eskimo’s. “Eigen Volk Eerst” schreeuwen in Vlaanderen maar dit niet toelaten voor bijvoorbeeld de Irakezen en er tegelijkertijd de Amerikaanse bezetting goedkeuren, is ofwel hypocriet ofwel een politieke lijn gedicteerd door de internationale bankiers met hun Amerikaans-Britse regeringen. Men kan geen enkele logica vinden in het “Eigen Volk Eerst” schreeuwen en het akkoord gaan met de bombardementen van volkeren die in eigen land wonen.

Dit alles doet ons vragen stellen: is dit gepland ? Wie heeft dit gepland ? Wie heeft er belang bij? Wie werkt er mee aan dit plan? Wie speelt er Rattenvanger van Hamelen door kiezers te lokken en te kanaliseren op de kap van de huidige slechte immigratiepolitiek en een vals anti-immigratiediscours te verkopen? Men kan niet tegen immigratie zijn en tegelijkertijd de hielen likken van de joodse lobbies. Men kan niet tegen moslimscholen zijn – in dit systeem hebben onze kinderen geen last van cultuurconflicten – maar wel toestaan dat er Joodse scholen bestaan. Men kan niet zeggen : “Geen islam, Noord-Afrikaanse immigranten zijn geen Vlamingen” terwijl men wel stelt : “Joden vormen een deel van ons Vlaams volk”.

Laat u niet vangen door een vals remigratiediscours, nu plots herondekt nadat het N-SA vanaf de stichting dit in het programma had staan. Men kan niet “de islam bekampen” en in de VSA emotioneel staan roepen “America we fight for you !”. Het is net de VSA die de immigratie in Europa steunt, die Kosovo heeft opgericht en nu Turkije bij Europa wil sleuren. Remigratie is enkel mogelijk binnen een Euro-Russische As.

De belangrijkste vraag luidt: wat kunnen we eraan doen? Hierop kunnen we ten minste al één antwoord geven: informeren. Kennis is macht. En zeker niet meelopen met de internationale bankiers en hun Rattenvangers. De Rattenvangers zullen bij hun eigen ondergang geen hulp van het hun geliefde Israël en de omnipresente joodse lobbies krijgen. Dat zien we nu al.

Zo stemmen de Rattenvangers in onze parlementen, samen met het hele internationale systeem, resoluties mee die Iran verbieden kernwapens te ontwikkelen. De Rattenvangers hebben nooit een resolutie voorgesteld die Israël verbiedt kernwapens te bezittten. Het is toch logisch dat ofwel in principe iedereen kernwapens mag bezitten, ofwel niemand, zelfs zij niet die ze ooit al gebruikten! Zij die ze ooit gebruikten – de VSA - zouden trouwens de eersten moeten zij om in te zien hoe gemeen, vuil en laf een kernwapen is en ze bij hun thuis ontmantelen als voorbeeld.

Integendeel. Nu willen ze raketten plaatsen om zogezegd Iraanse en Koreaanse raketten tegen te houden. Deze raketten zouden, bij het beschikken over genoeg vermogen, Europa kunnen bereiken via Turkije en Griekenland. Kijk maar eens naar de kaart. Iran heeft nu geen raketten die meer dan 2.000 mijl afleggen. Om Europa te bereiken hebben ze raketten met een actieradius van bijna 4.000 mijl nodig. Dit zou volgens de Amerikaanse geheime diensten nog vele jaren duren. Maar om ons te beschermen, plaatsen ze zelf wel raketten ver ten noorden van Griekenland:  in Tsjechië  en Polen! Amerika bereidt de omsingeling van Rusland voor. Ik vermoed inderdaad dat er ooit een Amerikaanse aanval op Rusland komt.

De internationale bankiers willen dat er overal chaos heerst. De chaos in het huidige Irak is bewust veroorzaakt. De voorwaarde om enige mogelijke vorm van verzet een kans te geven is het scheppen van orde. De internationale bankiers kunnen enkel maar gedijen daar waar er chaos heerst. Zij willen dat we elkaar wantrouwen, verraden en bekampen.

We staat voor de keuze: ofwel met de internationale bankiers en geglobaliseerde slavernij, ofwel met Rusland en de solidaristische vrijheid. Ik heb al gekozen. Ik rebelleer tegen het kapitalistisch systeem en kies voor de Euro-Russische as. Omdat Rusland het enige land is dat ons kan bevrijden van de Amerikaanse bezetting, zonder ons zelf te bezetten, omdat een gezond bondgenootschap de meeste garantie kan geven voor de opbouw van een solidaristisch politiek systeem in onze eigenste Lage Landen.

We hebben niet veel tijd meer. Door gebrek aan geloof, aan kinderen, aan moed en offervaardigheid beleeft het huidige Europa een eindtijd. Als jullie niet willen dat de Afrikanen en de Aziaten ooit naar de film “De laatste der Indo-Europeanen” zullen kijken, verwerp dan Amerikaanse as. Kies dan voor een Europa met Rusland als bondgenoot. Laat Europa signalen geven aan Rusland dat we met hen willen samenwerken. Anders zullen ze zich ontgoocheld met hun rug naar ons keren en kiezen voor bondgenootschap met Aziatische landen. Wij hebben hen nodig en zij ons. Geloof de leugenachtige Amerikaanse propaganda over Rusland niet. In Oost-Europa hebben wij een vriend. Laten wij vriendschappelijk zijn voor hem.

Ik ben voor een grootse samenwerking van alle Europese landen en volkeren, van Gibraltar tot Vladivostok.

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lundi, 31 mai 2010 | Lien permanent

Le capitalisme, c'est la guerre!

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XV° Table Ronde de Terre et Peuple : Demain la Révolution ?

Intervention de Roberto Fiorini

Villepreux, le 24 octobre 2010

Le Capitalisme c'est la Guerre !

Mes chers camarades, bonjour.

Mon intervention portera sur des aspects sociaux et économiques de notre société, pour vous montrer combien la situation est tendue. Si on regarde au delà des apparences, on verra que la situation est éminemment révolutionnaire.

Nous devons prendre garde, en nous focalisant sur l'immigration, de ne pas oublier le terrain économique, en nous coupant, du coup, de certaines réalités, Car l’immigration que nous vivons, nous a été imposée par les marchands ; il ne faut pas l’oublier. Tout ce que nous subissons découle de ce point de départ…

Nous portons au quotidien un regard très critique, sur la désinformation qui règne au sujet de l’immigration. Il nous faut porter le même regard critique sur les aspects sociaux et  économiques que nous présente le pouvoir !

L’information qu’on nous donne, est orientée, instrumentalisée. Et c’est pour cela, qu’en tant qu’identitaires, nous devons absolument sortir du clivage factice, qui structure le monde actuel : nous ne sommes ni de Droite, ni de Gauche. Car Droite et Gauche instaurent durablement la division de notre communauté.

Nous avons hérité d’un monde qui est artificiellement divisé en deux camps opposés. La fracture nous a été imposée par la dictature économique. La primauté du tout économique, a imposé la lutte des classes à la communauté du travail, et a ainsi durablement divisés travailleurs, et entrepreneurs. Nous sommes identitaires par ce que le droit du Sang est pour nous essentiel, et par ce qu’il est essentiel nous devons être solidaires !

Certains, à l'extrême-droite, sont tombés dans les filets du piège médiatique, et regardent l’actualité avec l’œil des Libéraux. Nous savons rester lucides, et nous ne tombons pas dans le piège qui nous est tendu. Nous n’avons pas vocation à servir la soupe aux élites décadentes, contrairement à ce qu’on remarque partout en Europe ! Car dans certains pays Européens, des mouvements d’extrême droite, font de bons scores électoraux. Bien sûr, et c’est indéniable, ils sont portés par le mécontentement populaire, lié à la déferlante migratoire ; mais, dans leurs programmes économiques, ils restent fidèles au modèle Libéral. Dans ce contexte, posons nous cette question, demandons-nous si ces mouvements, ne servent pas uniquement à canaliser le mécontentement populaire, sans jamais remettre en cause l’essentiel, à savoir ce qui créé cette immigration ?

Notre mission historique, nous devons nous en souvenir, c’est de Libérer l’Europe, mais aussi de couper les autres liens qui nous enchainent et qui ont été tissés par le Libéralisme.

Je vais donc essayer de vous montrer qu’en empruntant le terrain social, nous pourrions ouvrir une autre voie, et conquérir d’autres âmes.

Le combat que nous devons impérativement engager n’est pas simple ; il est des plus difficiles même, car nous avons à combattre une pensée unique qui s’est transformée en religion officielle non négociable : cette religion mondialisée interdit l’échange des idées ; le débat n’y est pas permis ! On dirait même que nous sommes arrivés à la fin de l’histoire. On dirait  que c’est le meilleur modèle possible qui s’est imposé. Plus rien n’est négociable, face à ce diktat économique. Ceux qui tentent de s’y opposer sont considérés comme des hérétiques, et sont jugés comme tels par les tribunaux de la nouvelle Inquisition.

Mais le modèle qui s’est imposé, est un modèle qui ne peut vivre qu’en opposition à quelque chose : pour que ce Dieu là existe, on doit lui opposer un Satan ! Problème pour la Démocratie, on ne discute pas avec Satan, alors la Démocratie tourne à la Dictature ! Et nous le savons bien, nous qui sommes muselés en permanence par les lois Liberticides !

Ce jeu mondialisé, ce Monopoly planétaire exige l’uniformité : et le meilleur moyen pour que la loi soit unique, c’est de la faire s’imposer, de façon identique et supranationale, à tous.

Certains y travaillent depuis longtemps. Le FMI, l’OMC, la Banque Mondiale, et plus récemment l’Union Européenne servent à cela : empêcher que d’autres règles « économiques » divergentes, viennent semer la discorde dans le commerce mondialisé.

Il n’est donc pas étonnant que le capitalisme ait déclaré la guerre aux modèles collectivistes, et avant eux aux modèles dirigistes. Il ne doit pas y avoir de modèle différencié, pour ne pas inciter les éventuels compétiteurs, à choisir un modèle économique plutôt qu’un autre : une seule paroisse doit indiquer le chemin à suivre.

Adam Smith inventait en son temps, le concept de la main invisible du marché qui régule tout. Une idée Géniale qui permit d’imposer ainsi la religion du laisser faire économique. Dérégulation, suppression des barrières aux échanges, suppression des lois inutiles, seul le marché commande… Comme le rappelaient Thatcher et Reagan : « pour le néo libéralisme, le problème, c’est l’état » ! Sous entendu SURTOUT, pas de lois pour entraver le Libre échangisme Mondialisé !

Depuis les accords du GATT ont été remplacés par ceux de l’OMC, et le néo libéralisme s’est imposé partout, en asservissant les peuples, et en tuant à petit feu la planète et ses diversités!

L’OMC et les technocrates corrompus de Bruxelles,  ont imposé à nos pays, les règles déloyales de la compétition économiques.  Faut-il rappeler que 80 % de nos lois nous sont imposées par l’Union européenne ! Et si nous avons souvent le sentiment que ces lois sont idiotes et contraires à nos intérêts, et bien c’est normal, elles ne servent pas nos intérêts. Elles servent ceux du marché unique européen, qui est sommé d’entrer dans le jeu de la mondialisation…

Victime de cette mondialisation, le peuple Européen, confiant dans ses élites dirigeantes, se soumet aux lois du marché libre échangiste.

L’idée générale de la mondialisation des échanges, c’était de permettre à d’autres zones géographiques de se développer : et bien bonne nouvelle, c’est chose faite : l’Asie se développe, l’Amérique du Sud aussi : seule l’Afrique en est incapable à cause de la corruption qui ronge ce continent. Si les Africains coupaient les bonnes têtes, et viraient les exploiteurs, alors ce continent n’aurait plus à exporter sa jeunesse affamée sur notre continent !

Voilà donc l’objectif de l’OMC : ouvrez vos frontières, faites sauter toutes les protections aux échanges, et mettez vos travailleurs en compétition avec d’autres travailleurs. Pour être très précis, nous sommes mis en compétions avec au bas mot, 3 milliards de personnes, dont les couts salariaux sont de 10 à 30 fois moins élevés que les nôtres ! Voilà ce que nous impose l’OMC, une concurrence déloyale, à laquelle il faut se plier religieusement !

Ce crédo économique  nous a imposé des lois qui pèsent lourdement sur nos économies. Après l’industrie, Bolkenstein nous a rappelé que les métiers des services étaient aussi visés ! Depuis 1980, l’industrie française a perdu 40 % de ses effectifs ! Et sur ces 40 % d’emplois perdus, six emplois sur dix  ont été détruits par la mondialisation.

L’acceptation de ces règles, a permis aux entreprises qui le souhaitaient, de délocaliser leur outil de production, dans ces pays. Des pays où l’on ne se syndique pas, des pays ou les contraintes réglementaires, imposées par les luttes sociales, et ensuite garanties par l’état, n’existent pas et permettent de faire travailler beaucoup de monde pour pas cher.

On pourra prendre en exemple la Chine, ce paradis rêvé du Capitalisme Productif, qui a imposé la dictature économique à son peuple ! Car la dictature économique, qu’elle soit imposée par l’état prolétarien, ou par la finance mondiale, reste la dictature économique : tous deux enfants d’une même maladie !

Mais le comble de ce système économique, c’est que ces pays accumulent les devises que nous leur fournissons. Et avec ces devises accumulées, ils nous prêtent ensuite de l’argent, ou même pire encore, ils rachètent nos entreprises… On marche sur la tête  !!!

On marche sur la tête, et nous avons oublié de le rappeler aux travailleurs européens !

Ce que nous voulons nous c’est un système, appelons-le économie organique, ou l’économie est soumise aux intérêts de la communauté toute entière, et pas uniquement pour quelques privilégiés. Nous voulons un système qui préserve les identités et qui soit solidaire. Un système, ou le politique doit diriger l’économie et pas le contraire.

Vous vous demandez parfois pourquoi on n’arrive pas à résorber le chômage ? C’est une question que des générations de politiciens se sont posées, et que les ouvriers se posent encore ? La réponse est apparue évidente avec la crise de la finance de 2007 : les milliards servent à spéculer plutôt que de servir à créer des emplois ! Grâce à la finance internationale, l’argent spéculatif rapporte plus que l’argent productif ! Maddof et ses amis proposaient une rentabilité allant jusqu’ à 15 %. La cupidité des hommes a fait le reste ! Ceux qui ont les capitaux, ne créent plus d’emplois et préfèrent spéculer. Voilà une des causes du chômage chez nous !

Mais il y a aussi des patrons qui résistent et qui continuent à créer de l’emploi ici, et qui refusent de délocaliser les outils de production. Et ceux là, comme leurs ouvriers, ont besoin de se protéger face à cette loi de la jungle, qui leur est imposée d’en haut.

Mais pour ceux là, la mission est bien plus difficile : car pour résister ils doivent se battre contre des couts de main d’œuvre qui sont bien moins élevés ailleurs ; Si le smic Chinois est à 115 €, celui du Maghreb est proche de 150 €, cela fait un cout de la main d’œuvre 10 fois moins élevé.

Le raisonnement simpliste proposé par les Libéraux, fait dire aux médias, que les Européens sont devenus trop gourmands, et que ce qui leur arrive, c’est bien fait pour eux ! Et bien c’est faux : les Européens ont mené des luttes sociales pour résister à l’oppression du Capitalisme Productif ; et cela leur a permis de se protéger durablement.

Il est important de ne pas mettre tous les patrons dans le même sac… J’insiste ici sur cette différence entre le capitalisme productif, celui qui crée des emplois et le capitalisme spéculatif, qui ne crée rien, à part des parasites. Et ils sont nombreux de nos jours les parasites qui vivent de ce système ! Autant d’ennemis potentiels !

L’économie est une autre forme de compétition, une autre forme de combat, une guerre qui ne dit pas son nom ! Alors refuser de se protéger, c’est admettre d’aller à la guerre sans cartouches ! L’Europe, aux mains des maffieux qui sont aussi à Bruxelles, meurt en silence, et laisse ses emplois et ses entreprises disparaitre ! Nous ne combattons pas à armes égales, et ces lois là, elles nous ont été imposées par les traitres de tous bords qui nous gouvernent depuis trop longtemps !

On nous dit le Protectionnisme, c’est la guerre ! Mais l’économie, c’est aussi la guerre… !!! Une guerre qui prend une autre forme ! Maurice Allais, décédé ce 10 Octobre, avait été nominé prix Nobel d’économie. Il fut le seul français à obtenir un Nobel d’économie, contrairement à tous les spécialistes, qui défilent sur les plateaux de TV, pour nous réciter la messe. Lui qui avait connu la crise de 1929,  déclarait en Décembre 2009 dans les colonnes de Marianne : il nous faut réaliser un protectionnisme, raisonné et intelligent, à l’échelle Européenne, pour préserver notre modèle social !

Là aussi il y a un consensus religieux : plus personne n’ose dire qu’il faudrait rétablir des règles de loyauté dans le commerce  mondial : on se soumet et on se tait. Pourtant les patrons des dernières industries européennes devraient saisir la chance d’un protectionnisme raisonné, s’ils ne veulent pas voir disparaitre les outils qui ont fait leurs fortunes !

On nous dit, que rien ne peut être fait contre le Libéralisme, qui est divinisé, et que son Satan, c’est le protectionnisme. Mais dans le traité du GATT, précurseur de l’OMC, il existait un article qui légitimait les mesures de défense de l’économie :

•         L'article XIX de l'Accord général permet à un membre du GATT de prendre une mesure “de sauvegarde” pour protéger une branche de production nationale spécifique contre une augmentation imprévue des importations qui lui porte, ou menace de lui porter, un préjudice grave.

Une des  questions centrales qui se pose ici, est celle-ci : pourquoi l’homme blanc, avec ses industries et ses ouvriers devrait il se sacrifier sur l’autel du commerce mondial afin que naisse un marché mondial uniformisé ?

Pourquoi le monde qui vient devrait se faire, avec des minima sociales réduites et un maximum de profit ? Pourquoi doit-on abattre le modèle social Européen, pour le remplacer par un Diktat marchand et financier qui s’harmonise par le bas ?

Se poser la question c’est déjà y répondre : ils veulent créer un marché mondial, avec des zones économiques régionales harmonisées. Après l’Europe du marché commun, ils ont finalement imaginé un autre espace, un marché plus grand encore, reliant l’Europe et l’Amérique : ils veulent créer un grand marché commun transatlantique !

Rassurez-vous, tout cela a déjà été adopté, démocratiquement, en mai 2008 par le parlement européen ! D’ici à 2015 doit se mettre en place ce grand marché transatlantique, unifiant les zones économiques des USA et l’Europe… Vous avez aimé l’Euro, vous aimerez certainement la suite ! Car pour y parvenir, on doit harmoniser les deux zones : vous comprenez pourquoi Obama a mis en place un régime de santé public ? Vous comprenez pourquoi l’Europe rogne son modèle social ? Il faut que les deux zones d’échanges convergent le plus possible, que ce soit fiscalement, socialement ou économiquement !

Leur manège est désormais apparent pour tous : ils ne cachent même plus leurs projets de gouvernement Mondial ! Ils ne sont forts que de nos faiblesses, et tant qu’on les laissera faire, ils avanceront !

Il est donc venu le temps de nous protéger, et de refermer la parenthèse libérale qui a été ouverte ! Si nous, ne nous protégeons pas, si nous continuons à nous laisser faire, si nous continuons à supporter cette concurrence déloyale, demain nous serons complètement plumés, et nos enfants seront des esclaves métissés.

Pourtant, esclaves nous le sommes déjà, même si nous avons encore conscience de ce qui nous enchaine ; mais demain la désinformation sera telle, qu’il sera encore plus difficile de faire marche arrière.

Le même Maurice Allais déclarait aussi, que l’émission de monnaie, réalisée par le système des Banques centrales, équivalait à de la fausse monnaie ! Car qui contrôle la monnaie contrôle la Nation, c’est bien connu !

Alors oui nous sommes encore tenus en laisse par autre chose, de tout aussi invisible mais de tout aussi puissant : car après les lois du commerce mondialisé libre échangiste, et la capitulation monétaire, nous sommes victimes d’un autre piège, et pas des moindres, celui de l’usure !

En 2007 éclatait une crise de la finance ; elle mettait en évidence la toute puissance des banquiers, et de ceux qui jouent avec les mêmes outils qu’eux en spéculant. On pensait que le Capitalisme financier allait s’écrouler, et bien détrompons nous, il en ressort renforcé et encore plus exigeant envers les peuples et les états. L’absence de volonté des hommes politiques en place, n’a aucunement permis de réformer quoi que ce soit.

L’histoire nous rappelle que la crise de 1929, était déjà une crise de la dérégulation financière, et pour y répondre, partout dans le monde, on avait assisté au retour de l’état : en Europe essentiellement, mais aussi aux USA ou Roosevelt mettait une camisole de force aux banques, et obligeait les entreprises à embaucher, sous prétexte de solidarité nationale, avec la NRA. La NRA permettait aux industries de créer un « code de concurrence loyale » qui visait à mettre fin à la « concurrence destructrice ».

Les temps ont changé, les hommes ont oublié, mais l’histoire nous ressert les mêmes plats : la finance corrompt toujours les gouvernants, pour exiger les lois dont elle a besoin.

En 2007, il fallait sauver les banques, sinon, cela aurait été le chaos absolu ! Alors placés face à un tel choix, les Etats se sont endettés pour sauver les banques,

Et maintenant que l’orage est passé, après avoir demandé aux états et aux peuples de s’endetter, pour sauver les banques, le système financier exige désormais que les états se désendettent !

Car les états doivent acheter de l’argent sur les marchés privés. On dit donc aux états, « désendettez-vous au plus vite », sinon, les taux d’intérêts vont augmenter, et cela va vous couter plus cher ! Exactement ce qui est arrivé à la Grèce !

Ce que nous aurions aimé entendre, de la part des femmes et des hommes politiques qui dirigent la France et l’Europe c’est plutôt : pourquoi avons-nous besoin de payer des intérêts pour nous financer ? Pourquoi avons-nous besoin d’emprunter sur les marchés ?

Et bien tout simplement par ce que depuis le 3 janvier 1973, Mr Georges Pompidou, cet ancien salarié de la banque Rothschild, a imposé à la France une nouvelle loi. Une loi qui : "interdit au Trésor public, d’être présentateur de ses propres effets, à l’escompte de la Banque de France": depuis cette date, la France est obligée d’aller chercher de l’argent sur les marchés privés, et paye pour cela de lourds intérêts !

Depuis 1975, plus aucun budget de l’état français n’a été à l’équilibre, et ces déficits annuels se cumulent dans la Dette pour atteindre près de 1800 mds €.

En 2009, les intérêts de cette dette étaient de 43 mds € ! 43 MDS qui partent dans des poches inconnues. Juste par ce que certains ont changé la loi. Mais tous ceux qui se succèdent au pouvoir, participent à ce travail de désinformation et de conditionnement des esprits. Car si on peut faire admettre au bon peuple qu’il est endetté, en lui mentant sur le pourquoi il est endetté, alors le bon peuple acceptera volontiers de céder sur tout, pour payer ses dettes !

L’appétit de ces gens est sans limite, donc tant que leur supercherie n’est pas démasquée, ils avancent, et cela semble même légitime ! Nous avons à faire à des virtuoses, à des magiciens !

Alors parlons-en de la dette, et surtout de ses intérêts, et des conséquences qu’elle impose aux peuples de France, d’Europe, et du monde entier !

La crise de la dette des états, c’est comme cela qu’on l’a appelée, nous a donné un bel aperçu de ce qui se mettait en place. Pour que les taux cessent d’augmenter, il fallait que les états européens se désendettent : alors ils ont tous, mis en place des plans de rigueur ; on les a vu débarquer au mois de mai 2010, sous l’approbation bienveillante du FMI, et de son président Dominique Strauss Kahn :

L’objectif annoncé était de calmer les marchés et d’engager la réduction des déficits. Ces mesures concernent quasiment tous les pays d’Europe, à des degrés divers.

Voici les mesures principales !

  • Gel des salaires des fonctionnaires
  • Non remplacement des fonctionnaires ou suppression de postes ? David Cameron, champion toutes catégories, a annoncé cette semaine, pour plaire à son compatriote Strauss Kahn, que 500 000 postes de fonctionnaires seraient supprimés en Angleterre !
  • Gel des pensions
  • Départs à la retraite retardés
  • Hausse de la tva
  • Réduction des dépenses militaires au Portugal, mais surtout en Grèce, qui a pour ennemi principal ;  la Turquie, candidate à l’entrée dans l’UE
  • Imagination fiscale pour déguiser des hausses d’impôts, en rognant sur les niches fiscales ou sociales
  • En Espagne, suppression d’une prime d’aide  à la naissance de 2500 € : à quoi ca peut bien servir ces primes vu qu’il y a pleins de petits Marocains juste en face !

 

Pourquoi personne ne nous a dit, « remettons en cause ce système d’usure qui nous rend prisonnier de nos débiteurs ? »

Tout simplement par ce qu’ils sont aux ordres !

A cause des contraintes du libéralisme, et de l’endettement, les caisses des pays sont vides ! Alors ceux qui sont censés nous gouverner, comme ils sont pris entre le marteau et l’enclume, n’ont plus de marges de manœuvre, pour diriger leurs pays ! On entre donc dans une logique de réduction de tout à outrance !

Tout ce que ces gouvernements peuvent faire, c’est organiser des transferts de charges.  Entendez par là, qu’ils prennent dans la poche de l’un, pour donner à l’autre ! Et ca finit par se voir !

La rengaine est toujours la même, ces salauds de pauvres gagnent trop ! On va donc leur en prendre un peu pour rester compétitifs ! Avec cette logique de pillage, ils veulent réduire les salaires, les services publics, le patrimoine national, ou bien encore la solidarité nationale.

Mais commençons par parler des salaires.

La chute du pouvoir d’achat des salariés s’est amorcée en 1981. En 1981, la gauche, bien conseillée à l’époque par Mr Attali, a démocratiquement trompé le peuple : elle aura permis que les salaires ne soient plus revalorisés en fonction de l’inflation !  Le résultat est nettement visible en 2010 : la répartition de la richesse produite par les entreprises (la valeur ajoutée), s’est faite au détriment des salariés, qui ont perdus près de 10 % dans cette répartition face à la rémunération du capital !

Augmenter les salaires ? Ce n’est plus possible, ce n’est qu’un rêve d’ouvrier. Tout ce qui est sérieusement envisageable pour nos gouvernants, c’est de les réduire.

Réduire les salaires ? Les politiciens ne font quand même pas cela, ca se verrait ?  Ils ne font rien et ca se voit ! Avec la crise, les chantages à l’emploi sont nombreux : que ce soit chez British Airways, ou chez Fiat à Turin, ou chez Général Motors, à Strasbourg, ou même chez RVI à Vénissieux ou encore chez Bosch ou chez Siemens, on n’hésite plus : si vous voulez garder votre job, vous devez accepter d’abandonner des RTT, voir d’abandonner une partie de vos primes ou de vos congés ou de travailler encore plus sans hausse de salaire ! Voilà ce qu’a aussi permis la crise de 2007.

Enfin quand je disais que les politiciens ne font rien, c’était une boutade ! Saviez vous que l’état subventionne les bas salaires ? Eh oui, car droite et gauche accordent aux employeurs de colossales  exonérations de cotisations sociales, sur les bas salaires : ces exonérations coutent  30 Milliards € par an à la sécu !

Nos politiciens peuvent changer les choses : Ils les changent, mais pas dans le sens que certains peuvent croire ! Au fait en passant, 30 milliards d’exonérations de cotisations sociales, c’est 30 milliards de recettes en moins dans les caisses de la sécu !

Mais on reviendra plus loin sur le pillage de la solidarité nationale, arrêtons nous un bref instant sur le pillage du patrimoine public. Avant 1981, le patrimoine public était inaliénable ; la loi interdisait de vendre les biens de la nation…Et bien devinez quoi ? Cela ne l’est plus désormais, une autre loi le permet désormais : tout est à vendre, si on a de l’argent. Et tout se vend : les autoroutes, l’eau, le gaz, et demain l’électricité…

Sur ce sujet des privatisations et ou des nationalisations, posez vous cette question : pourquoi détestent ils tant Vladimir Poutine ou Hugo Chavez ? Ne serait ce pas par ce qu’ils ont nationalisé les compagnies de gaz et de pétrole pour les rendre à leurs peuples respectifs ? Ne serait ce pas par ce qu’ils refusent de jouer le jeu des multinationales privées, afin que les recettes du gaz et du pétrole russe, servent au bien être du peuple russe ou vénézuélien, au lieu d’aller dans les poches d’éventuels actionnaires ?

N’écoutons pas le chant des Sirènes, comme nous l’enseigne Ulysse dans ses voyages ! Résistons à leurs manipulations, qui servent à nous emprisonner intellectuellement. La seule logique qui commande pour nous, c’est celle de l’intérêt collectif, et certainement pas celle de l’intérêt particulier. Pour nous l’individu n’est rien, s’il ne sert pas l’intérêt de la communauté ! Ceux qui ne l’ont pas compris perdent leur temps ici !

Parlons à présent des services publics.

On nous bassine sur le fait qu’il y a trop de fonctionnaires : alors le gouvernement, pour faire plaisir à Bruxelles et aux marchés, a mis en place la RGPP ; comprenez la réduction générale des politiques publiques.

On a donc économisé 700 millions € en supprimant 100 000 postes de fonctionnaires. Très bien, bravo dirons certains, et pourquoi pas d’ailleurs, si on peut faire mieux, et que cela coute moins, faisons le ! La logique la plus élémentaire le commande.

Mais le souci c’est que dans le même temps, le gouvernement a mis en place le célèbre bouclier Fiscal : 700 Millions €  ont été distribués au profit de 16 000 bénéficiaires…  Entendez bien 700 millions distribués à 16 000 nantis, tandis que dans le même temps on supprimait 100 000 postes de fonctionnaires, pour un cout équivalent de … 700 Millions €.

Voilà la conception de la justice de nos Versaillais version XXI° siècle !

Pourtant, réduire le nombre de fonctionnaires, c’est aussi admettre qu’on aura moins de pompiers, et moins de policiers, avec moins de moyens pour remplir leurs missions. Mais c’est aussi moins de militaires, et on ne s’étonnera même plus qu’avec ces dingues qui nous gouvernent, on ait déjà confié les accès du ministère de la défense, à une société privée.

Mais moins de fonctionnaires c’est aussi moins de places dans les crèches, moins de classes dans les villages, et une santé publique qui va se dégrader…

Evoquons maintenant l’épineux sujet de la solidarité nationale, ou autrement dit, la sécu. Cette sécu qu’on accuse de tous les maux et qui affiche un déficit de 30 milliards € Insoutenable nous martèlent Droite et gauche confondues !

Il faut avant tout rappeler que la  France dépense près de 26 % de son PIB en dépense sociales contre seulement 21 % L’Allemagne. 5 % d’écart avec l’Allemagne, cela fait 90 MDS €

Des différences qui sont conséquentes, mais qui marquent aussi des choix de société. La France a voulu une République Sociale, et s’est battue pour la maintenir. Quand la crise fut venue, tous étaient bien contents de trouver certains amortisseurs sociaux !

Ces écarts peuvent aussi se justifier par un système de santé parmi les meilleurs au monde, qui nous est envié, et qu’il convient de préserver. Ou viennent se faire soigner les Anglais les plus fortunés, eux qui trucident leurs services publics ?  En France bien sûr !

Mais le reste de la différence peut aussi s’expliquer par le poids de l’immigration sur le budget de la France ! Les tentatives récentes de chiffrage des couts de l’immigration, vont de 46 Mds € par an  pour Contribuables associés, à 90 MDS € pour le FN !

Quand un système est en péril, il convient de réfléchir à ce qui permet de le préserver. Et pour le préserver, on peut déjà commencer par envisager de le réserver à ceux qui y contribuent !

Autre rappel important concernant la solidarité sociale, c’est qu’elle est financée dans sa grande majorité, par les salaires de ceux qui travaillent.  Alors forcément quand il y a moins de cotisants, en période de crise, ou par ce que les richesses vont à la spéculation, au lieu de créer des emplois, forcément le système est en déficit.

Pour bien saisir l’importance de la solidarité sociale, il faut rappeler que le budget de la sécu, tous régimes confondus c’est 400 mds € par an, vous entendez bien, c’est plus que les 350 milliards du budget de l’état.

La sécu c’est en fait un énorme gâteau, que ne peuvent pas croquer les acteurs du privé, et qui excite bien des convoitises… Alors si le système était déficitaire, imaginez le nombre d’heureux que cela pourrait faire.

Et bien comme on l’a vu précédemment, l’état offre déjà 30 milliards d’exonérations de cotisation sociales aux employeurs, afin d’être plus compétitifs sur le marché mondial de la main d’œuvre. Ca doit faire un petit manque dans le budget de la sécu ces 30 milliards non ? 30 MDS de déficit, 30 mds d’exonérations, on dirait que ca pourrait presque s’équilibrer 30 et 30 ? Non ?

Mais le déficit de la sécu est encore accentué par les retards de paiement de l’état, qui oublie de verser à la sécu ce qu’il lui doit : cela représente encore  6 Milliards € par an ! Mensonge, direz-vous ? Non, c’est le rapport de la cour des comptes qui le rappelle tous les ans.

Et puis il y a encore la cerise sur le gâteau : les Retards de cotisations des entreprises auprès de l’ URSAFF qui représentent elles 18 Milliards €  par an

30 + 6 + 18 = cela fait 54 MDS € par an de manque à gagner pour la sécu ! Pour un déficit de 30, qui justifie tant de déremboursements ! Si le système n’est pas équilibré, c’est par ce que c’est voulu, et comme ça on peut justifier qu’on tente de le réformer !

Oui, nous avons face à nous des gens qui organisent la mort de la solidarité nationale, pour ensuite légitimer sa privatisation. On peut comprendre qu’ils soient nombreux à hurler avec les loups et que cela attises bien des convoitises…

Parlons un peu des retraites, désormais, ah les retraites, elles qui justifient de faire venir tant d’immigrés !

Même si nous sommes opposés à la grève systématique, il faut bien reconnaitre que les comportements très autoritaires du pouvoir ne laissent pas beaucoup d’autres moyens d’actions !

Il faut bien avoir à l’esprit que jamais, la question de la réforme des retraites n’a été dans le programme du candidat Sarkozy, jamais ! Si vous vous rendez sur son site de campagne, Sarko 2007, pour le sujet retraite, on y trouve 2 sujets et uniquement ceux-ci : La première : «Augmenter de 25% le minimum vieillesse », la seconde mesure, visait à  « Améliorer les retraites des femmes ayant cessé leur activité professionnelle pour éduquer leurs enfants ».

On n’y trouve rien de plus, alors quand vous entendez Mr Fillon, dire que le parlement et le sénat sont légitimes pour réaliser les projets de la campagne électorale, nous avons à faire à un mensonge d’état.

Autre point sur la forme toujours, les partenaires sociaux, les syndicats, qui gèrent paritairement la sécu, n’ont pas été consultés ! C’est ce qu’ils rappellent à tue tête, et c’est aussi ce que rappelle la rédactrice en chef du magazine économique challenge. Il n’y a pas eu de négociations. Négocier ? Mr Fillon a jugé ça inutile, car la réforme du gouvernement est inspirée du congrès de la CFDT, ce syndicat dit réformiste, (entendez par là qui collabore avec le système libéral) ET qui a voté l’allongement de la durée de cotisation pour les retraités à 43 ans. Et le gouvernement s’est appuyé sur ce syndicat pour construire sa réforme.

Car après le bipartisme droite/gauche, la sociale démocratie souhaite mettre en place un bi syndicalisme, avec la CFDT qui dit oui a tout (les collabos) et la CGT qui serait le grand méchant qui dit non à tout ! Eux étaient près à transiger : la monnaie d’échange aurait été que le gouvernement aurait ouvert les TPE, les Très Petites Entreprises, au monde syndical, ce qui leur est encore interdit, par la loi.

Sauf que la base des militants s’est rangée à l’avis d’une autre centrale syndicale, en réclamant le retrait du projet ! Et maintenant ils sont dépassés : la base exige le retrait, et la population même désinformée en permanence n’en veut pas ! 70 % des français sont contre ce passage en force! La rupture entre le peuple et les élites apparait une seconde fois : ils sont tous pour la réforme des retraites et le peuple n’en veut pas ; tout comme le traité constitutionnel européen. 95 % des médias et des élites censées nous représenter étaient pour ; mais le peuple à dit NON ! On connait la suite, la dictature Démocratique est passée en force !

Que voulait mettre en place la CFDT ? Et bien ce qu’on déjà proposé certains sénateurs centristes au sénat cette semaine, et qui est aussi soutenu par Mr Colomb, le maire socialiste de Lyon : on évoque le modèle de retraites Suédois, dit notionnel, par points. 

C’est un modèle de solidarité inter générationnelle, qui tient le coup quand la communauté est réellement homogène, donc inexportable chez nous ! D’abord par ce que chez nous la communauté est tout sauf homogène et solidaire, mais surtout par ce que nos élites Versaillaises ne sont pas raisonnables et sont trop gourmandes pour partager avec les Communards !

On admet dans ce modèle, que les revenus peuvent baisser pour maintenir le système à l’équilibre. Depuis 20 ans, le taux de remplacement est passé de 80 % à 62 % du revenu de base : Soit une baisse de 18 % des revenus en 20 ans ! Ces chiffres sont cités par des spécialistes des retraites de l’OCDE !

En réalité, comme pour le reste, ils veulent flinguer le système actuel : la retraite par points à la suédoise est une première étape, qui commence à être évoquée, comme solution pour arrêter les grèves. Mais depuis le début, c’est là qu’ils veulent en arriver ! La CFDT cassera le front syndical, puisqu’il faudra bien sortir des grèves. Ensuite, dans quelques années, ils introduiront  un système par capitalisation, qui ferait la part belle à la bourse, et finira de légitimer définitivement la finance. Mais  qui pourra se payer une retraite par capitalisation ?

Au fait, en France la retraite, c’est combien ?

La moyenne est de 1400 € par mois, en y incluant celles des cadres  et des autres revenus les plus élevés. Mais l’autre  réalité  c’est que 4 millions de français ne toucheront que 770 € par mois, et que  5 autres millions de français ne toucheront que 1000 € par mois

Si on compare ces sommes avec le seuil de pauvreté, qui est de 950 €, on voit alors que 9 millions de retraités sont en dessous ou proches de ce seuil de pauvreté ! Mais bon, les vieux, ce sont des boulets, alors à quoi bon s’encombrer ?

Ce n’est un secret pour personne il y a longtemps que nos petits vieux n’arrivent plus à boucler les fins de mois ! Quand un loyer bouffe les deux tiers de leurs revenus, que leur reste-il pour  manger ? Rien ! Enfin si, de quoi acheter des boites pour chat, par ce qu’ils ne peuvent pas se payer de viande !

Mais depuis 2007, et la crise de la finance, on sait ce qu’il est advenu des fonds de pensions sur les marchés : le rendement boursier de ces fonds de pension a baissé jusqu’à - 25 % et même jusqu’à – 35 % en Irlande

On ne nous dit pas qu’Eron, une entreprise qui avait choisi ce système par capitalisation, avait pillé les retraites de ses salariés lors de sa faillite, dans les années 2000 !

On ne nous dit pas qu’actuellement en Amérique les personnes de 70 ou 80 ans emballent les courses des clients à la sortie des supermarchés, pour pouvoir survivre, tellement leur système de retraite est performant !

On ne nous dit SURTOUT pas qu’après la crise de 2007, 5 400 mds $ de fonds de pensions ont disparus  sur les marchés boursiers.  5 400 mds c’est colossal !

Le chancelier Bismark, qui créa l’Allemagne industrielle, grâce à une politique protectionniste, fut aussi l’inventeur du système des retraites par capitalisation en Allemagne. Il comprit vite que ce système avait vocation à se faire piller par les marchés boursiers, et revint alors à une retraite par répartition. Ce même système vit encore aujourd’hui en France!

De toute façon, cette réforme est ressentie comme totalement injuste par le peuple, qui voit bien que ce sont les plus humbles qui vont payer la facture des retraites !

La réforme coutera 26 MDS €, mais 85 % en sera supportée par les salariés qui payeront 22 Mds €, 15 %   de la réforme seulement sera supportée par les plus riche pour 4 Mds € seulement

Et la finance dans tout ca ? Elle qui est à l’origine de tous les maux, elle va participer à hauteur de combien ? 0 % Rien !

Alors que les  produits financiers pèsent 4 000 Milliards €, ils ne seront pas mis à contribution ! Rien ne sera supporté par la finance spéculative.

Touche pas au Grisbi : voilà comment ils conçoivent la Justice, les Versaillais qui nous dirigent !

Par contre pour amuser la galerie on communique sur la réforme éventuelle du bouclier fiscal ou de la TVA Sociale,… mais tout cela ne porte que sur des sommes infimes au regard des enjeux, et de toute façon, c’est pour distraire le peuple !

Patrick Artus, président de la banque Natixis, et membre du conseil économique et  social, donc quelqu’un qu’on ne peut pas taxer d’être un homme de gauche, donne des chiffres édifiants : taxer la finance comme le travail rapporterait 100 milliards € par An !

Ecoutons enfin Madame Parisot, la patronne du MEDEF, elle nous donne une autre clé de lecture de cette arnaque : « La réforme des retraites augmentera les charges de l'assurance chômage » ; car malgré cette réforme, nos « séniors » continueront d’être licenciés avant le terme de leur retraite. Si la réforme des retraites est votée en l'état, l'assurance chômage risque de devoir prendre en charge, un nombre de seniors sans emploi, du fait du report de  l'âge légal de la retraite de 60 à 62 ans,

Et la boucle sera ainsi bouclée ;  l’Unedic déficitaire ou mise à mal pourra être privatisée à son tour ! Voilà le dessous des coulisses, voilà ce qu’ils essayent de nous vendre !

Pour nous faire admettre tout cela, nous sommes donc soumis à un bombardement permanent de mauvaises nouvelles ! C’est désormais un Dresde médiatique qui s’opère sous nos yeux. On conditionne ainsi le bon peuple pour le soumettre. Il est utile de rappeler que les médias appartiennent tous aux grands capitaines d’industries en France, et sont donc des alliés de fait du système.

Arrêtons de croire dans la Démocratie et dans sa pluralité : les techniques de désinformation, nous les voyons à l’œuvre au quotidien sur le sujet de l’immigration ; par contre, dès qu’il s’agit d’un autre sujet, les médias diraient la vérité ! Cessons d’être crédules : désinformation un jour, désinformation toujours.

La réalité est donc travestie, habillée comme ils l’entendent et dénaturée, pour terminer en mensonges …  et arriver au conditionnement escompté.

Entrepreneurs et salariés sont opposés en permanence, dans cette lutte des classes organisée, pour préserver leurs intérêts respectifs… Et selon le principe de pénurie lentement initié par l’endettement, ce qui est pris à l’un, doit être donné à l’autre !

Certains ont plus de poids que d’autres pour mettre en place des stratégies qui vont influer sur le gouvernement.  Le MEDEF, la CGPME et tous les autres groupements patronaux ne sont finalement que des syndicats de patrons, et si les syndicats de patrons nous semblent légitimes, alors ceux de salariés doivent l’être aussi.

Les patrons fédérés demandent et obtiennent de quoi survivre auprès du gouvernement, ca s’appelle du Lobbying, et ca se fait à coups de millions de bakchichs ! Madame Chirac n’est elle pas au conseil d’administration du groupe Louis Vuitton, comme madame Woerth ? Elles y touchent de confortables jetons de présence !

Voici les plus récents transferts de charges organisés par le pouvoir en faveur des entreprises, et en défaveur des salariés :

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dimanche, 07 novembre 2010 | Lien permanent | Commentaires (1)

J. Mabire: la Normannité

La Normannite

 

Trouver sur : http://perso.wanadoo.fr/unite.normande/Normannite.htm

 

par Jean Mabire, publié à Jersey le 25 octobre 1980

 

 

Je dois d'abord avouer que j'ai en horreur ce genre de néologisme. Nous avions déjà connu, au début du siècle, dans les années fiévreuses et poétiques qui ont procédé la célébration du Millénaire de 1911, des mots à prétention plus ou moins barbare. On a parlé de « normannisme ». Parfois même en employant un y, comme si, croyait-on naïvement, le normannysme devait faire plus anglo-saxon ou plus scandinave... Voici donc, aujourd'hui, proposé par le Mouvement Normand, le terme de « normannité ».

 

 

Normannité, permanence de la « manière normande »

 

 

J'eusse préféré que l'on parlât plus simplement et que l'on se contentât d'évoquer la « manière normande », tout comme nos ancêtres, voici quelques siècles, parlaient encore de la « danesche manere », pour désigner cette forme de mariage « more danico », qui devait engendré de nombreux bâtards, dont certains fort illustres.

 

 

Il est pourtant de fait que l'adjectif même de normand peut sembler, à lui seul, ambigu. Je n'en veux pour preuve que mon dictionnaire. J'ouvre le tome 7 du Grand Larousse en 10 volumes et je lis à la page 814 : Normand, adjectif : « roué, retors, à qui l'on ne peut se fier ». Il faut croire que les ligues spécialisées dans l'élimination - tant souhaitable - du racisme, n'ont pas encore épuré tous les dictionnaires!

 

 

La normannité, puisque normannité il y a, c'est donc tout bonnement la manière normande, ou, si l'on préfère, l'esprit normand, pour parler comme autrefois.

 

 

Je pense qu'il ne faudrait pas chercher à définir la normannité par rapport à un terme qui a sans doute inspiré les créateurs de ce barbarisme et qui est la francité, mot qui ne figure d'ailleurs pas dans mon dictionnaire en 10 volumes, et qui garde un sens étroitement linguistique : la francité étant l'ensemble des peuples parlant la langue française, de la Wallonie au Sénégal et de l'île Maurice à la province du Québec, en passant éventuellement par la vallée de la Loire. En ce sens étroit, la normannité regrouperait des îlots de patoisants, « étierpis » de Jersey en Pays de Caux. Sans nier cette réalité, qui se moque au moins d'une frontière - ce qui n'est déjà pas si mal - je pense que nous ne saurions fonder sur elle seule ce que nous avons décidée de nommer normannité.

 

 

On pourrait sans doute plus justement opposer la normannité à ce gallicanisme tricolore dont Michel Debré se veut le pape laïc et dont Alexandre Sanginetti avait été le prophète. Pourtant, la normannité ne peut se réduire à n'être que le contraire du jacobinisme, qu'il soit monarchique ou républicain, conservateur ou gauchisant. La normannité, plus que le contraire de la francité, cette fois au sens politique du terme, apparaît bien davantage comme le contraire du parisianisme.

 

 

On commence ainsi à s'avancer ainsi sur un terrain plus solide, plus explicité en tout cas.

 

 

Je pense que le mieux, si l'on veut vraiment définir a contrario la normannité, c'est encore de dire qu'elle est le contraire de l'actualité.

 

 

Par rapport à l'éphémère, qui noircit la première page des journaux ou tonitrue dans les téléviseurs, la normannité est d'abord l'expression d'une permanence. Permanence invisible et même secrète, mais qui doit nous conforter, au plus profond de nous-mêmes, sur l'importance de ce que nous entreprenons, malgré, bien souvent, l'incompréhension et même l'hostilité.

 

 

La Normandie, c'est-à-dire, pour nous, le peuple normand, l'histoire normande, la culture normande, tout cela représente une réalité infiniment plus essentielle et nécessaire que les modes, les régimes, les opinions dont nos contemporains doivent faire leur pâture quotidienne, à la lecture de leur journal favori ou à l'écoute de leur poste habituel.

 

 

Pourtant, ce dont tout le monde parle aujourd'hui n'aura plus guère d'importance dans un mois, très peu dans un an et pas du tout dans quelques dizaines d'années. La normannité reste infiniment plus forte, plus durable, plus significative que toutes les idéologies et toutes les querelles qui constituent le tam-tam de l'actualité.

 

 

La loi absolue des media modernes est de focaliser l'opinion sur un événement voué inexorablement à être englouti par événement suivant. Tout le monde connaît - si l'on peut dire - le « problème du jour », comme ce fameux « plat du jour » servi dans les restaurants, mais personne ne souvient de ce qu'il a mangé la semaine dernière... Quant à l'année dernière, autant parler d'avant le déluge. Car il y a, en effet, déluge de mots et de slogans, que barbouillent de leurs diarrhées verbales les mandarins spécialistes de la rationalisation intellectuelle.

 

 

La normannité n'est donc pas un thème de réflexion journalistique. Elle n'appartient pas à ce fameux débats des « Idées », que nous assène tous les jours un organe aussi indispensable et aussi incomplet que Le Monde.

 

 

 

 

 

La normannité : une réalité et un combat...

 

 

La normannité n'est pas une « idée » comme on dit. Elle est, à la fois, une réalité et un combat.

 

 

Une réalité, parce qu'il existe une manière normande d'appréhender le monde. C'est-à-dire une manière normande de sentir et de créer, de juger et de prier, d'aimer et de vivre. De mourir, aussi.

 

 

Un combat, parce que cette véritable « conception normande de la vie » reste bien souvent inconsciente et devient chaque jour plus menacée. Au cours des âges, elle a quitté d'ailleurs le terrain du fait pour celui du mythe. Mais, devenant mythe, cette normannité redevient, du même coup, fait à nouveau. Puisqu'il existe des hommes et des femmes pour transformer cette prise de conscience en volonté de lutte.

 

 

Il convient de faire une parenthèse qui n'a que trop tardé. Si l'on admet que la normannité est - ou peut devenir - le patrimoine et le moteur de trois millions de Normands, on peut s'inquiéter que ce sentiment ne soit alors que la centième parcelle de ce que l'on pourrait appeler l'esprit européen. Et mesurer par ailleurs combien cette Europe semble peu compter, eu égard à ce que Jean-Jacques Servan-Schreiber nomme le « défi mondial ». Ce serait nier la qualité au bénéfice de la quantité, appliquer je ne sais quelle arithmétique pseudo-démocratique. Nous sommes de ceux qui croyons que les peuples, comme les hommes, sont irremplaçables et irréductibles.

 

 

Parler de normannité, c'est d'abord refuser le monde gris des individus partout semblables, soumis à une loi, à un pouvoir, à un religion uniques, voués à quelque monothéisme charlatanesque et planétaire. Les Islandais sont dix fois mois nombreux que les Normands et qui oserait soutenir qu'ils n'ont pas le droit, et même le devoir, de défendre et d'illustrer une véritable conception islandaise de la vie - à laquelle, il faut bien le dire, nous nous sentons et nous nous voulons étroitement apparentés.

 

 

Un second écueil serait de prêter le flanc à un procès d'intention que l'on fait parfois aux militants du renouveau normand, en les accusant de vouloir faire du peuple normand je ne sais quel peuple élu, supérieur aux autres en quelque sorte. Le cher marquis de Saint-Pierre, quand il présidait aux destinées des Normands de Paris, avait ainsi une formule que j'estime pour ma part assez malheureuse : « Les Normands premier partout ». Nous ne plaçons pas les Normands « über alles in der Welt », au dessus de tout dans le monde... Nous pensons seulement que leurs qualités et leurs défauts en valent bien d'autres, et qu'ils ont le droit le plus strict de les préférer, pour eux, aux qualités et aux défauts des autres peuples.

 

 

La normannité n'est donc pas conçue pour nous comme un réflexe d'arrogance ou une volonté d'agression. Nous nous sommes toujours moqués de ce que les autres pensaient de nous - même quand c'est imprimé dans le dictionnaire Larousse. Mais, ne voulant pas imposer aux autres notre manière de voir le monde, nous ne désirons pas plus qu'ils nous imposent la leur.

 

 

 

 

 

... dont nous sommes responsables

 

 

En revanche, nous nous différencions radicalement de ceux qui pleurnichent sur le « colonialisme » - qu'il soit français ou américain - auquel nous serions, politiquement ou culturellement soumis. Nous pensons que si nous avons perdu notre normannité - ou si nous sommes en train de la perdre - nous en sommes les premiers responsables. Ou bien notre peuple pourra se libérer en accomplissant sa révolution culturelle. Et nous l'y aiderons de toutes nos forces. Ou il en sera incapable et subira alors une loi implacable de la vie, contre laquelle il ne sert à rien de gémir et d'en appeler à je ne sais quelle morale universelle, droits de l'homme ou droits des peuples.

 

 

Nous n'éprouvons pas de sentiment de supériorité et ne ressentons donc pas de sensation de culpabilité. Nous n'éprouvons pas d'avantage de sentiment d'infériorité et nous nous passons donc de réflexe moralisateur.

 

 

Voilà qui situe déjà la normannité et tend à rappeler que le Normand a généralement « bonne conscience » - ce qui n'est pas obligatoirement une vertu, mais explique en partie le succès du protestantisme dans cette province.

 

 

Allons même plus loin. Ce sentiment peut aller jusqu'au contentement de soi. « Je sais ce que je vaux et crois ce qu'on m'en dit », selon la formule de Pierre Corneille.

 

 

Cette attitude, pleine de « glorieuseté » du Normand devant la vie n'est-elle pas semblable à celle de son ancêtre - ancêtre réel ou ancêtre voulu, peu importe - le fameux Viking d'ail y a un millénaire ? Disciple fidèle de Fernand Lechanteur, je le crois assez volontiers. Et je discerne une continuité qui unit les sagas islandaises aux tragédies cornéliennes. S'y exalte un même type de héros.

 

 

Il est révélateur que le Nordique païen comme le Normand chrétien se réfère finalement, malgré un substrat religieux différent, à un système de valeurs identique - que l'on va retrouver au Grand Siècle sous les travestissements hispanique ou romain. Le héros cornélien est le même que le héros islandais. On peut dire qu'il vit totalement sa normannité.

 

 

La Structure de la saga septentrionale et de la tragédie classique offre une indéniable similitude : un homme solitaire affronte un destin tragique. Il ne se fait pas d'illusion sur l'issue fatale, mais reste jusqu'au bout fidèle à son devoir. C'est le triomphe du pessimisme héroïque et d'un sentiment, d'une rare plénitude, où l'orgueil se confond avec le sens de l'honneur. Le héros islandais ou cornélien est un personnage non pas de soumission mais de volonté. C'est exactement l'esprit du légendaire germanique : le héros connaît son destin, il ne s'y dérobe pas, mais, au contraire, l'assume totalement et trouve alors une sorte de joie amère à le mener jusqu'au bout. Comme le dira le Viking Ragnar Lodbrog dans la fosse aux serpents : « Je meurs en souriant ».

 

 

La plus ancienne caractéristique de la normannité est donc la reconnaissance du tragique de la vie. C'est ce qui entraîne un pessimisme foncier. Le Normand n'a pas d'illusions, ni sur lui-même, ni sur les autres et la vie est ce qu'elle est. La révolte est inutile. Pire, elle est « ignoble ».

 

 

Comme l'écrit Maupassant, à la fin de son roman Une vie : « La vie, voyez-vous, ça n'est jamais si bon, ni si mauvais qu'on croit ».

 

 

La normannité exclut toute attitude de fuite, tout refuge dans l'irréel d'un arrière-monde. Devenu chrétien, le Normand fera sienne la maxime : « Aide-toi, le ciel t'aidera ».

 

 

 

 

 

La normannité : permanence d'un tempérament

 

 

La normannité se manifeste donc, en tout premier lieu, par la permanence d'un certain tempérament.

 

 

Abel Miroglio avait fondé au Havre, juste après la dernière guerre, un Institut de Psychologie des Peuples, dont les travaux ont été aussi passionnants que méconnus. Un de ses collaborateurs pour la Normandie était, tout naturellement, Fernand Lechanteur, qui se méfiait de la psychologie scientifique et qui faisait plutôt de la psychologie populaire, conjuguant avec bonheur une solide hérédité paysanne et une bonne formation universitaire. Son étude sur Les deux populations de la Manche est restée à juste titre célèbre. Elle contient un portrait du Normand « nordique », qui confirme, à l'aide de multiples exemples, ce que nous savions déjà par la lecture des travaux d'André Siegfried.

 

 

Il faut toujours se reporter à une remarquable conférence, vieille déjà d'un quart de siècle sur la Psychologie du Normand . Le sociologue havrais s'attache à mettre en valeur un certain nombre de traits qui constituent justement la normannité, et d'abord dans le domaine politique - qui n'est que la projection d'un tempérament que l'on pourrait aussi bien découvrir dans la littérature ou les arts plastiques.

 

 

Avant tout réalistes, les Normands ne sont ni des réactionnaires, ni des révolutionnaires, considérant les extrémismes comme des utopies, et se méfiant des utopies, qui leur semblent à la fois stupides et dangereuses. Ce sont plutôt des conservateurs, qui possèdent à la fois le sens de l'égalité et celui de la hiérarchie, ce qui apparaît pas sans quelque contradiction.

 

 

Sans illusion sur la nature humaine, ils se défient des rêveries à la Jean-Jacques Rousseau. Pessimistes et sceptiques de nature, ils tiennent à leur liberté, ce qui est somme toute assez fréquent, mais aussi à celle des autres, ce qui l'est moins. Aussi ils gardent le sens des nuances et refusent les fanatismes. Ils détestent les doctrinaires et sont essentiellement pragmatiques. Ils pensent assez volontiers que ce qui est bon, c'est ce qui réussit...

 

 

Une des formules d'André Siegfried me semble remarquable : « Les Normands ne pensent pas que la vérité soit toute entière d'un seul côté ». Aussi sont-ils tolérants de nature, ne détestant réellement que le sectarisme. Ils ne sont fanatiques que de la modération. Épris d'indépendance, mais amoureux de l'ordre, ils abominent tout autant la tyrannie que l'anarchie. Et la méfiance reste leur grande sauvegarde.

 

 

Ce tableau, dont les grandes lignes furent confortées par des observations « sur le terrain » lors de campagnes électorales (datant il vrai du début de ce siècle) se trouve sans aucun doute modifié par l'intrusion brutale des media modernes. Pourtant, il reste assez juste dans son ensemble et définit assez bien ce que peut être la normannité dans le domaine politique.

 

 

La géographie électorale de la Normandie témoigne encore d'une certaine constance qui va du bonapartisme sous le Second Empire au gaullisme plus récemment. Le reflux de ces tentations d'unanimisme conservateur, à la fois nationaliste et socialisant (la « participation ») se marque désormais par un goût pour le centrisme, qui englobe à la fois le centre droit et le centre gauche, et explique tout aussi bien les récentes poussées du parti socialiste ou de l'UDF, au détriment du RPR ou du Parti Communiste, que les médiocres résultats des droitiers ou des gauchistes. Quant à l'écologie, elle n'a de succès que lorsqu'elle apparaît comme un centrisme et non comme un extrémisme.

 

 

Plus que les conséquences électorales de la normannité politique, importe peut-être davantage pour nous l'origine même de ce tempérament particulier. Jean Datain a publié naguère un excellent essai sur la mentalité normande et les influences nordiques, qui recoupe parfaitement les remarques et les observations d'André Siegfried comme de Fernand Lechanteur.

 

 

Il s'attache à montrer que le tempérament normand reste avant tout sensible au sens des nuances et ne craint pas les contradictions apparentes.

 

 

L'Histoire a montré à quel point les Normands de la période ducale étaient à la fois braves et prudents, suivant d'ailleurs en cela l'enseignement du Havamal, le livre de l'antique sagesse scandinave.

 

 

D'autre part, les Normands ont montré au cours des âges et au hasard des conquête, une étonnante capacité à s'adapter à d'autres peuples et d'autres cultures, c'est-à-dire à se transformer en surface tout en restant fidèle à eux-mêmes dans le fond.

 

 

Hors de son pays, le Normand semble souvent perdre de son identité, alors que sa spécificité réside justement dans cette disparition apparente de la normannité extérieure.

 

 

Aussi, paradoxalement, les plus Normands de nos compatriotes sont souvent des gens ayant quitté leur pays, parfois depuis plusieurs générations. En revanche, des gens venus d'ailleurs - des horzains - se sont parfaitement acclimatés et sont devenus aujourd'hui des Normands exemplaires.

 

 

La normannité ne fonctionne donc pas en cercle fermé. Elle est un échange constant entre le plus profond de nous-mêmes et ce qui pourrait apparaître comme le plus étranger.

 

 

D'un côté, le Normand s'adapte. De l'autre, la Normandie adopte.

 

 

 

 

 

Les écrivains normands : des fondateurs et des précurseurs...

 

 

Parce qu'ils n'ont pas une langue particulière - je classe totalement à part les patoisants - les écrivains normands passent souvent à des yeux ignorants pour des écrivains français « comme les autres ». Cette impression pourrait s'accentuer encore quand on mesure à quel point les écrivains d'origine normande ont contribué à créer et à enrichir la littérature française. Et c'est bien là leur première caractéristique, celle d'être des fondateurs et des précurseurs.

 

 

Le Normand Turold, avec la Chanson de Roland, donne le coup d'envoi de la littérature héroïque médiévale. Et nous ne cesserons plus ensuite de nous trouver à l'aube de toutes les révolutions littéraires, y compris la poésie féminine avec marie de France et la satire politique avec Olivier Basselin.

 

 

On peut dire, sans trop exagérer, que Malherbe « invente » le classicisme, Fontenelle la philosophie du siècle des Lumières, Bernardin de Saint-Pierre le romantisme, Barbey d'Aurevilly le régionalisme, Flaubert et Maupassant le naturalisme, Alphonse Allais l'humoriste, Maurice Leblanc, Gustave Lerouge et Gaston Leroux (précédés par Hector Malot) le roman populaire, André Breton le surréalisme ou Léon Lemonnier le populisme.

 

 

Ces écrivains ont la passion de la langue, du mot juste, du verbe précis. Ils font, dans un certain sens, une littérature de juristes. Épris d'ordre, ils le sont autant de liberté et d'indépendance. Ils ne craignent pas la démesure, mais ils la contrôlent. Ils restent maîtres d'eux-mêmes et de leurs folies. Ils sont éloquents plus que lyriques. Ils possèdent tous une forte logique interne, même si ce n'est pas celle de tout le monde. Il existe un sens très normand de l'enchaînement inéluctable des causes et des effets. « Prendre les choses par le bon bout de la raison », disait toujours Rouletabille. Mais ces raisonneurs ne sont pas des sophistes. Et quel goût pour les solides réalités de la terre - qui n'est pas forcément le « terroir » dans un sens étroit.

 

 

Ces écrivains normands sont aussi bien souvent des témoins lucides et amers, à la fois profondément de leur temps et totalement en marge de la mode. Cela est très sensible avec des hommes aussi différents en apparence et aussi semblables dans le fond que Saint-Evremond et Boulainvilliers, Gobineau et Tocqueville, Frédéric Le Play et Georges Sorel, Rémy de Gourmont et André Gide, Drieu La Rochelle et Jean Prévost. Sans oublier Raymond Queneau.

 

 

Il existe chez eux une véritable normannité qui s'exprime dans cette passion d'observer les hommes et le monde, de les comprendre et de les deviner. Tout cela sans aucun souci des idéologies dominantes, des illusions morales, des tabous religieux.

 

 

La normannité se trouve, plus que nulle part ailleurs, dans ce paysage intellectuel situé à la charnière de la littérature et de la politique. Nous y avons brillé, avec une pléiade d'écrivains à la fois solitaires et inclassables et dont toute l'œuvre, d'analyse plus que de doctrine, est dominée par la double idée du scepticisme et de la tolérance. Tous sont des « moralistes », à condition de donner à ce mot sa véritable signification, puisque justement ils n'ont pas de « morale » au sens habituel et bourgeois du terme.

 

 

 

 

 

... mais aussi des sceptiques, des inclassables

 

 

Ces écrivains, qui incarnent, sans doute plus que d'autres, la normannité dans sa permanence, sont souvent des encyclopédistes-nés tout autant que des politologues d'instinct. Voir Émile Littré. Ces Normands sont curieux de nature, incapables de se désintéresser de la marche des choses, avides de « démonter la machine ». Et pourtant sans aucune illusion sur le néant final.

 

 

Flaubert reste assez exemplaire de cette attitude, avec Maupassant dans son ombre, aussi choqué par l'avidité de la classe possédante que par l'envie des partageux, comme on disait alors. D'où cette phrase immortelle de l'ermite de Croisset, qui résume assez bien une certaine sagesse politique normande, toute d'observation et de scepticisme : « L'idéal de la démocratie, c'est d'élever le prolétaire au niveau de la bêtise du bourgeois ».

 

 

Nos penseurs politiques expriment sans doute le plus la normannité dans ce qu'elle a d'original et de permanent. Ils restent, la plupart du temps, inclassables dans un parti traditionnel. Tocqueville n'est pas un vrai démocrate, ni Gobineau un vrai raciste, ni Sorel un vrai socialiste, ni Drieu un vrai fasciste (pas plus que son ami Raymond Lefevre n'était un vrai communiste, sans doute) ni Jean Prévost un vrai radical.

 

 

Le silence dont on entoure encore aujourd'hui la personnalité et l'œuvre de Jean Prévost montre à lui seul que grand résistant, fusillé par les Allemands au Vercors, n'est pas perçu comme un résistant semblable aux autres. Il gêne parce qu'il correspond à lui-même et non pas à l'image qu'on voudrait se faire de lui.

 

 

Quand il s'est agi de politique politicienne et non plus analytique, beaucoup d'entre eux, éternels insatisfaits par goût de l'absolu, ont navigué de la droite à la gauche et vice-versa. Le romancier Octave Mirbeau est assez exemplaire : antisémite devenu dreyfusard et socialiste devenu patriote.

 

 

La plupart ne sont pas anticléricaux, comme on disait autrefois, ni même croyants. Pourtant, ils montrent presque tous un intérêt passionné pour la religion ou plutôt pour l'intrusion du sacré dans la vie. Le scepticisme qui les éloigne de la foi ne les conduit pas pour autant à l'intolérance et au sectarisme. Ils sont de véritables agnostiques.

 

 

Un des traits constants de la normannité chez nos penseurs politiques, c'est leur souci de dépasser les frontières. Ils sont forts peu sensibles au nationalisme hexagonal. Mais quand ils se disent Normands, ce n'est jamais pour construire un micro-nationalisme, mais au contraire pour trouver des parentés et des aventures au-delà des frontières imperméables de la nation française.

 

 

La Normannité n'est jamais un repli frileux sur la province, mais au contraire une découverte de ce que notre ami Pierre Godefroy nomme l'universalisme - et dont il fait d'ailleurs le contraire du cosmopolitisme.

 

 

Déjà Pierre Dubois, sous Philippe Le Bel, au début du XIIIème siècle, rêvait de « faire l'Europe » et osait opposer le pouvoir temporel du souverain au pouvoir spirituel du pape. L'abbé de Saint-Pierre, d'une autre manière, a imaginé les États-Unis d'Europe et la Société des Nations, Saint-Evremond a vécu et est mort à Londres. Tocqueville s'est passionné tout autant pour la Russie que pour l'Amérique, Gobineau a voyagé dans le monde entier en cherchant les vestiges du grand choc planétaire des races, Rémy de Gourmont sans bouger de chez lui a été révoqué de son poste de fonctionnaire pour avoir été un petit pamphlet le joujou du patriotisme , Georges Sorel a inspiré Lénine tout autant que Mussolini, Drieu s'est voulu européen jusqu'à la démesure et s'est enflammé pour Genève, Berlin et Moscou, Jean Prévost a compris l'Espagne et l'Amérique mieux que nul autre. Quant à André Siegfried, il était comme chez lui dans le monde entier.

 

 

Si les écrivains normands, et spécialement les penseurs politiques, sont presque tous fascinés par leur souche originelle de lointaine origine scandinave, on ne trouve guère chez eux de racisme, mais au contraire curiosité et goût de la différence. L'idée que tous les hommes puissent être semblables leur paraît la plus dangereuse des utopies. Plutôt l'individualisme solitaire que l'état mondial. De surcroît, ils se méfient de la conscience universelle, comme ils se méfient de tout absolu et de toute chimère.

 

 

 

 

 

Mais encore des lucides et des solitaires

 

 

La normannité peut parfois sembler un refus de s'engager, tant la tolérance est instinctive et le scepticisme paralysant. Les Normands sont souvent assez lucides pour mesurer la vanité des choses. Ils ne se lancent dans l'action que par un difficile sursaut - voir Drieu et Prévost - mais souvent leur lucidité les freine. Ce sont plus des conseillers - solitaires et jalousés, d'ailleurs - que des meneurs. Peu de généraux et peu d'amiraux chez nous. Le seul Normand important pour Napoléon n'est pas un traîneur de sabre, mais c'est le consul Lebrun, celui qu'il aimait à nommer « mon sage Mentor ».

 

 

Il semble bien que les Normands répugnent à se classer et se sentent mal à l'aise quand ils doivent se frotter à la politique telle qu'elle est vécue dans l'hexagone. André Siegfried remarquait que le Normand était d'instinct un « Whig » et qu'un tel parti, s'il est une réalité outre-Manche, n'existe pas sur l'échiquier politique français.

 

 

Les Normands ont donc une étrange caractéristique, celle de se trouver partout chez eux. De se sentir « biens dans leur peau » n'importe où dans le monde. Et, en même temps, d'éprouver le sentiment d'être partout des étrangers, des « horzains ». Le Normand qui s'est frotté au monde a l'impression d'avoir été mal compris par les non-Normands. Certes. Mais il a aussi l'impression de n'être plus compris par ses compatriotes restés au pays. Content de lui, il ne se sent pourtant à l'aise nulle part désormais. Aussi la normannité est-elle souvent vécue comme une solitude.

 

 

Le Normand conscient de sa normannité appartient à ce peuple dont mon ami Paul-René Roussel aime à dire qu'il est « the people between », expression intraduisible, mais significative.

 

 

 

 

 

La normannité : une permanence et non « la tradition »

 

 

Cette normannité, cet esprit normand, dont nous avons entrevu les manifestations dans le monde éthique, littéraire ou politique, ne s'est pas manifesté avec une égale acuité au cours des siècles.

 

 

D'abord instinctive et vitale, la normannité a été l'irruption sur le terroir de Neustrie d'une force neuve. « Pure », comme dirait Patrick Grainville. Cette force s'est muée en conscience historique, grâce à la volonté du Duc Guillaume. Après l'abâtardissement dû aux Plantegenets, après la coupure entre le continent et la Grande Île, après l'annexion à la France, la normannité a glissé du plan souverain et guerrier au plan artistique et littéraire. Les Normands, ne pouvant s'exprimer politiquement, ont été obligés de trouver un substitut à leur trop-plein de vitalité et à leur désir de marquer le monde de leur empreinte.

 

 

Les étapes de la « réduction » qui vont conduire de l'indépendance à l'autonomie et du particularisme à l'assimilation, sont connues : 1204, 1469, 1790, pour n'en citer que trois. A chaque épreuve, il semble que les Normands « compensent « par un véritable réflexe inconscient, en se réfugiant dans les lettres et les arts. La politique - interdite - se transmue en architecture ou en littérature. Le dernier avatar est le folklore.

 

 

Il apparaît clairement que si nous voulons retrouver les grandes lignes de force de la normannité, nous ne devons pas nous contenter d'en appeler à une « tradition », qui aurait trouvé son aboutissement dans la civilisation rurale du siècle dernier.

 

 

Cette Normandie, qui va - en gros - de la Monarchie de Juillet à la guerre de 1914, nous paraît à la fois proche et lointaine. Proche, parce que nous en avons nous-mêmes connu et vécu de nombreux vestiges dans notre enfance. Lointaine, parce qu'elle est, dans ses manifestations extérieures, condamnée par l'évolution scientifique du monde moderne.

 

 

Le plus grand danger qui nous guette serait d'identifier la normannité à cette Normandie du XIXème siècle, figée en une sorte de musée Grévin des arts et des traditions populaires. Un attachement sentimental, et respectable, nous conduirait à en gommer tous les aspects négatifs. Entre autres la misère ouvrière et rurale, l'acceptation d'une tutelle administrative de plus en plus envahissante, l'alcoolisme partout présent, l'abandon total devant le centralisme, l'émigration vers paris considérée comme une promotion, etc...

 

 

N'attachons pas la normannité à une époque où la Normandie cesse volontairement de vouloir rester elle-même. Quand le naturel devient mascarade, on peut se demander comment pourrait subsister ce que nous appelons justement la normannité.

 

 

Et cette normannité ne se confond pas obligatoirement pour nous avec le seul niveau populaire, où il en subsiste encore des traces. Ne craignons pas de le dire : l'esprit normand a été vécu, exalté, transmis par des individus d'élite.

 

 

Il pouvaient certes être fils de pauvre paysans, comme Jean-François millet, mais ils se sont faits eux-mêmes, selon la belle expression, et sont devenus « des gens de marque ».

 

 

Ce sont ces « premiers hommes », comme on dit parfois, qui sont pour nous les vrais garants de la normannité. Celle-ci n'est pas une sorte d'état de grâce que partageraient tous ceux qui ont quatre grands-parents normands, de préférence natifs d'un bourg rural. La normannité est avant tout l'apanage de ceux qui ont donné un sens à notre peuple et qui lui ont ouvert la voie, les maîtres d'œuvre, les créateurs, les poètes qui sont aussi des prophètes.

 

 

 

 

 

La normannité : un ordre et une création

 

 

C'est pourquoi la normannité, nous la chercherons plus dans le cloître d'une abbaye que dans un pressoir à pommes, plus dans un essai politique original que dans une chansonnette qui a traîné dans tout l'hexagone, plus dans des œuvres littéraires nouvelles que dans des exaltations gastronomiques ou des superstitions villageoises.

 

 

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mardi, 30 janvier 2007 | Lien permanent

Désarrois de l'agroalimentaire

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Les désarrois de l'agro-alimentaire

L’agression de l’Europe par le système qui con­trôle l’Amé­ri­que est devenue systématique : violences financières, at­tentats culturels, incitations des non européens à la haine. D’un bout à l’autre de l’année, les laquais de l’occiden­tis­me éructent et paralysent toute volonté de résistance. L’é­mer­gence de nouvelles difficultés dans le monde agro-ali­men­taire résulte certes pour partie des tensions entrete­nues par la mythologie technicienne. Mais les éradicateurs de l’Europe, en embuscade par tout temps, trouvent ici une nouvelle opportunité de manifester leur capacité de nui­sance.

I - Les mythes techniciens et leurs effets pervers

Si au XX° siècle de grandes quantités de livres et d’émis­sions médiatiques diverses ont débattu des avantages et in­convénients de la technique, le résultat n’a jamais été pro­bant. Car le monde des trafiquants, de l’État et de la scien­ce a fusionné, rendant non opératoire toute critique in­dé­pen­dante.

L’essence de la science, rappelle Julien Freund (1), est la con­­naissance dans toutes les acceptions du terme. Elle donne lieu à une activité rationnelle spécifique, car seule la rationalité est source d’investigation méthodique. La technique, par contraste, est plus généralement une com­binaison de moyens matériels et est caractérisée par l’asso­ciation de démarches et de procédés intellectuels. Evo­luant entre l’innovation et la routine, mobilisant la ra­tio­nalisation comme l’improvisation, la technique n’a au­cu­ne finalité propre. Son impératif réside dans l’efficacité au service des autres activités.

 

La pénétration de la technique dans l’ensemble de l’a­gri­culture, suite à sa pénétration dans tous les domaines de la vie humaine a de nombreux effets pervers, comme de favo­riser “une société qui s’habituait à raisonner en termes mé­caniques et devenait de plus en plus incapable de per­ce­voir les hommes comme des personnes” (2). Der­rière l’utili­sa­tion systématique de la science et de la technique en a­gri­culture et dans l’alimentation on ne retrouve guère que l’aiguillon du profit commercial. Puisque l’économie devint au cours du siècle un moyen de contrôle social, par la réa­lisation d’une synarchie finance, commerce, médiats, les ac­tivités économiques en liaison avec la technique devin­rent le moyen d’une domination absolue des conditions de vie des peuples et d’éradication des cultures (3).

 

Homo technicus

 

La conception officielle de la vie, véhiculée par les savants médiatiques et les revues de prédication scientiste est ré­su­mée ainsi par Henri Atlan (4): “On sait maintenant que les êtres vivants sont des êtres physico-chimiques, et que la biologie ne nous renseigne pas sur la vie”. Les succès de la biologie ne sont-ils pas là pour accréditer cette thèse ?  Les ma­­­nipulations de gènes, les plantes et animaux trans­gé­ni­ques n’expriment-ils pas la grandeur de cette vision ?  De la con­ception mécanique de la vie à la foi en la vérité de cel­le-ci le pas est vite franchi. L’homme de science, le techni­cien avec ses appareillages connaît mieux la vie que l’agri­cul­teur ou l’éleveur. Il convient de lui obéir et que les au­tres se plient à ses lubies.

 

La recherche du profit maximum provoque simultanément l’anéantissement de multiples espèces de par le monde et la production intensive de choses à manger. La production de viande sort d’usines à poules et à autres espèces sous la haute protection intellectuelle d’une pensée scientifique destinée à justifier le profit. “Les poules préfèrent les ca­ges” (5) affirment ceux qui n’hésitent pas à camoufler leurs méfaits derrière des comités d’éthique, puisque désormais est dénommée ainsi la théorie rationnelle du bien et du mal.

 

La réalité est mutilée pour en éliminer ce qui ne sert pas les intérêts des producteurs. A l’abri de tant de murailles règnent des castes qui modifient les critères d’enregistre­ment, de mesure, lorsqu’elles le jugent nécessaire à leurs intérêts. La fraude scientifique a connu, dans ce sillage, une explosion. La dénaturation du monde, menée avec di­ligence, impose toujours une réalité fictive pour oc­culter la nature réelle. La disparition de nombreuses es­pèces animales s’accompagne de la création, par les biolo­gistes et biotechniciens, de nouvelles espèces au moyen d’une manipulation des gènes. “d’une part la faune na­tu­relle était progressivement appauvrie, d’autre part les ani­maux artificiels devenaient de plus en plus nombreux” (6).  Dans le domaine agricole, à la création artificielle de nou­velles céréales et de nouveaux arbres fruitiers  par les bio­techno­logies se sont ajoutées les méthodes culturales pour accroître les rendements. La culture hors sol est même par­fois devenue un slogan.

 

Planète transgénique

 

Le point de vue technoscientifique appliqué à l’agriculture favorise les plantes transgéniques mais souligne rarement les multiples facettes du problème (7). Notamment, que la na­ture n’est pas un meccano. Or, la biologie moléculaire travaille à partir d’un dogme : le gène code pour une pro­téine. Cette naïveté est dangereuse. Car la nature ne fonc­tionne pas de cette façon. Les manipulations génétiques mo­difient certainement l’équilibre du génome. Et les ris­ques écologiques sont déjà bien connus : il y a des fuites de gênes dans des espèces proches. Par exemple, le colza, es­pè­ce transgénique, a laissé passer un gêne de résistance à un herbicide à d’autres plantes que l’on voulait tuer et qu’on ne peut plus éliminer avec cet herbicide. Un im­men­se désordre s’installe ainsi dans la nature.

 

Évidemment, les travaux concernant les effets des OGM sont censurés lorsqu’ils déplaisent car il existe désormais en occident une liste de pensées pieuses qu’il faut ânon­ner. Cela installe une science des soviets financiers qui succède à la science prolétarienne. La FAO et l’OMS se voilent pudiquement la face devant l’évaluation des risques des désastres génétiques. C’est ainsi que, pour chaque pro­duit aboutissant sur le marché, il y en a peut-être vingt ou plus qui constituent un échec flagrant (8): le super cochon mo­difié génétiquement avec un gène hormone de croissan­ce humaine est devenu ulcéreux, aveugle, impuissant et ar­thritique ; le super saumon a développé une grande tête mon­strueuse avant de mourir par incapacité à respirer ou à s’a­limenter lui-même ; les clones de la brebis Polly sont anor­maux et leurs probabilités de décès à la naissance est huit fois supérieure à celle des agneaux ordinaires...

 

On ne s’étonne pas dès lors que les horreurs commencent à apparaître. Non seulement, ces vingt dernières années, on a constaté la résurgence des maladies infectieuses résis­tantes aux médicaments et aux antibiotiques (Jean-Marie Pelt affirme qu’en France on constate 10.000 décès par an dus à la résistance aux antibiotiques), ce qui pose le pro­blème de pandémies qui pourraient traverser les barrières des espèces et devenir incontrôlables, mais les résistances aux antibiotiques passent par la chaîne alimentaire. Les plan­tes transgéniques en effet transfèrent les transgènes aux bactéries du sol. Enfin, les herbicides totaux utilisés avec les plantes transgéniques alimentaires, tel le Round­up, ont des effets négatifs sur la fertilité des mammifères (9). Dans les études d’impact des cultures transgéniques, on a constaté que les insectes qui venaient se nourrir de telles plantes déclenchaient des effets sur leurs propres pré­dateurs dont la durée de vie se réduisait....

 

Les limites des savoirs

 

On se doit de rappeler ici les limites bien établies des sa­voirs. Car si elles sont négligées, c’est sous la pression d’in­térêts incarnés dans les consistoires et les soviets des fir­mes transnationales, en liaison avec les factions en pos­session des États.

 

Citons tout d’abord la démonstration rigoureuse qu’il existe des bornes aux connaissances dans les domaines où les sa­vants pensaient pouvoir éliminer toute subjectivité. Gödel, en arithmétique, a prouvé l’infinité des propositions indéci­da­bles. Heisenberg, en physique, a établi l’impossibilité de mesurer simultanément, avec une totale précision, les coor­données spatiales et les composantes d’impulsion de par­ticules. En économie, l’impossibilité de l’équilibre gé­néral, les paradoxes d’Allais et d’Arrow, etc. ont établi les li­mites de cette science. Bref, la vérité est toujours rela­tive et en réalité nous vivons au sein de récits et de mythes plutôt que dans les absolus de l’histoire et de la vérité.

 

La métaphore guerrière est un technique de mobilisation bien maîtrisée par les fonctionnaires du cerveau, stipendiés des oligarchies occidentistes. Selon un processus qu’avait bien souligné Orwell, dans le roman “1984”, l’état de guer­re doit être perpétuel car chaque agent du conflit soutient et justifie les autres. La guerre de tous contre tous est donc un moyen de légitimer tous les esclavages, toutes les pro­pagandes. “Il existait tout un ensemble de départe­ments spéciaux qui s’occupaient pour les prolétaires de lit­térature, de musique, de théâtre et en général de délas­sement. Là, on produisait des journaux stupides qui ne trai­taient presque entièrement que de sport, de crime et d’as­trologie, de petits romans à cinq francs, de films juteux de sexualité, de chansons sentimentales composées par des mo­yens entièrement mécaniques qui entraînaient un étouf­fement délibéré de la conscience par le rythme” (10). Les soviets de la finance, du commerce et des médiats éructent leurs ordres au savoir et au pouvoir politique. Toute pensée étrangère à leurs intérêts leur devient intolérable et l’oubli du passé, tout autant que sa mise à jour perpétuelle et con­tinue constituent des moyens propres à assurer la jus­tesse des prédictions faites par ces oligarchies. La tech­nique enchâssée dans l’obsession de convertir le monde à la juste domination de banksters, auto-proclamés race su­périeure, provoque la mise sur le marché de produits fre­la­tés aptes à empoisonner les populations soumises à leur pouvoir.

 

II - Les moyens de la stratégie de domination mondiale

 

Les pays d’Europe, et notamment l’Allemagne, ont mené des guerres en ce siècle qui n’eurent pas été possibles avec une agriculture mécanisée totalement ou une nourriture importée massivement. Après consommation des récoltes d’une année, rien n’aurait pu fonctionner correctement pour assurer la récolte suivante. En Allemagne “derrière le front un nombre à peine suffisant de femmes exploitaient, avec l’aide des prisonniers de guerre qui leur furent con­fiés, les fermes dont les produits alimentèrent la nation combattante” (11). La nourriture doit désormais provenir de lieux et compétences multiples pour qu’ainsi, divisée, rien d’indépendant ni d’autonome ne puisse plus émerger. Depuis que les sectes d’infâmes contrôlent l’occident, la tâ­che de démembrement de l’agriculture est une œuvre pieu­se. La guerre menée contre l’Europe verte débuta très tôt.

 

Désagréger l'Europe verte

 

La PAC (Politique Agricole Commune) naquit sur trois prin­cipes : la solidarité financière, l’unicité des prix institu­tion­nels, la préférence communautaire. Le Royaume-Uni, après son entrée dans l’Europe, respecta très mal la préférence communautaire, par habitude d’entretenir des relations com­merciales avec le Commonwealth. En outre, les hom­mes liges du parti de l’étranger, installés dans la machine à broyer du GATT, déclenchèrent de vives polémiques contre le protectionnisme européen. Leurs maîtres américains, fé­ro­cement protectionnistes pour leurs propres intérêts, é­ruc­tent régulièrement contre les Européens coupables d’ê­tre des victimes insuffisamment consentantes à leur servi­tu­de. De par la terreur américaine, les exceptions à la pré­fé­rence communautaire s’allongent indéfiniment (12) : ma­tières grasses végétales, produits de substitution aux cé­réales entrent en franchise. Plus les dérogations en faveur des viandes australienne ou argentine, du beurre néo-zé­landais...

 

En 1981, les exceptions permettaient déjà l’assèchement du FEOGA (Fonds Européen d’Orientation et de Garantie A­gri­cole). Diverses réformes conduisirent, en 1992, toujours sous la pression des terroristes affairistes américains, à dé­finir la situation agricole européenne par trois orientations: la maîtrise de la production ; la garantie de revenus pour les agriculteurs ; la protection de l’environnement et la pro­motion de la qualité des produits. Les mesures visent sy­sté­matiquement à abaisser les prix des céréales, du lait, de la viande,... et à geler des surfaces cultivées. Le but pro­clamé est l’euthanasie des agriculteurs, réputés trop nom­breux, et la collectivisation des activités, phase qui précède la domination par les congrégations multi­nationa­les.

 

Dans le cas français, les conséquences des décisions de Bruxelles et de la violence américaine ont été exposées par J. C. Davesnes (13):

 

1 - Les débuts du marché commun sont indissociables des in­térêts des multinationales hollandaises. Tous les vice-pré­sidents de la Commission européenne chargés de l’agricul­ture ont été Hollandais car la Hollande est le lieu géomé­trique des grandes transnationales qui contrôlent le com­mer­ce agro-alimentaire (par exemple : Unilever).  

2 - La liquidation du monde agricole s’est effectuée au mo­yen des différentes stratégies de domination et d’expan­sion de toute révolution (14) :

a - le changement par l’outil. C’est la forme la plus aisée qui correspond au progrès technique. Le machinisme a in­tro­duit par exemple la dépendance énergétique.

b - le changement par la procédure. Les règlements sont mo­difiés afin que les subventions orientent les choix, que les éleveurs soient conduits à dépendre d’un organisme ex­térieur pour l’insémination artificielle. C’est ainsi que la moitié des inséminations qui furent réalisées en France grâ­ce à la législation sur l’insémination artificielle ont mis en avant uniquement les races bovines Frisonnes et Holstein. Le reste a été sacrifié.

c - le changement par la restructuration : Le développe­ment agricole fut confié par Edgar Pisani aux chambres d’a­griculture. Elles prélevèrent des cotisations, employèrent des “spécialistes” dont les conseils devinrent contrai­gnants. Diverses lois d’orientation agricole créèrent des or­ga­nismes nouveaux à statut spécial : les SAFER (Sociétés d’A­ménagement Foncier et d’Établissement Rural), les grou­pements de producteurs pour l’élevage (porc mais aus­si aviculture), des sociétés d’économie mixte, et de nou­veaux syndicats serviles.

 

d - Changer les esprits par le changement des enjeux personnels. Dans la propagande en faveur des remem­brements du sol, par exemple, les fonctionnaires tou­chaient des primes en fonction de l’importance des tra­vaux. Le saccage des régions de bocage était donc juteux. De la même façon, dans la prédication en faveur de l’éle­vage préférentiel des vaches laitières de race Holstein, le ministère de l’agriculture fut intéressé financièrement. J. C. Davesnes précise de plus que le Crédit agricole eut ten­dance à prêter sous contrainte, le débiteur s’engageant à suivre les directives de l’administration. Enfin, l’indemnité viagère de départ accordée aux agriculteurs âgés quittant leur activité fut créée pour favoriser l’agrandissement des exploitations et non l’installation de jeunes exploitants.

 

Promouvoir les congrégations transnationales

 

L’argument du coût de la recherche chimique et biolo­gi­que, en liaison avec la prédication en faveur du libre-é­chan­gisme,  explique le balancement entre ententes et con­testations au sein de ce vaste secteur de l’agro-ali­men­taire.

 

La loi de la tendance à la monopolisation y fonctionne com­me dans les autres domaines. Déjà entre les deux guer­res, un cartel réunissait les firmes anglaises, allemandes et amé­ricaines. Récemment (1999), le cartel mondial des vitamines a été condamné. Mais rien ne vient contester l’intégration entre la recherche et l’activité industrielle, tant au sein des firmes que dans les restructurations des secteurs. Les congrégations transnationales cherchent à réunir et à contrôler simultanément les compétences de la recherche et celles du management. La volonté présente des oligarchies est de contrôler des domaines d’activité voi­re des produits précis. Ainsi se vendent des activités pendant que d’autres fusionnent. Nous avons vu cela pour la constitution d’AVENTIS ou au moment de la transfor­ma­tion d’ICI.

 

Les trusts chimiques ont mis la main sur la production et la distribution de semences depuis la “Révolution verte” des années soixante. Démarche logique : “puisque le succès des semences de variétés élaborées et fragiles était lié à l’em­ploi de produits chimiques, il était normal que les produc­teurs de ceux-ci cherchassent à contrôler ceux-là” (15). La mainmise est définitive par le jeu des brevets qui donnent à ces sociétés le monopole dans le domaine de la recherche et des obtentions. Ces congrégations poussent les semences qui nécessitent leurs produits chimiques et on aboutit à une politique de recherche qui articule simulta­né­ment végé­taux, animaux, humains.

 

Au rassemblement des compétences du management et de la recherche l’agro-alimentaire ajoute l’ahurissement par le marke­ting, à partir du concept de marque. La marque est une image durable et forte. Les grandes marques sont anciennes et pratiquement indétrônables. La stratégie vise donc à accroître leur part de marché puisqu’elles garantis­sent une faible sensibilité des produits aux variations de prix. De véritables conglomérats (ensemble d’entreprises sou­mises à un même pouvoir financier) disposent de multi­ples marques auxquelles s’appliquent deux types de politi­ques :

 

 - La segmentation des marchés. Une partie de la deman­de est peu sensible au prix alors que l’autre segment est in­sensible à la qualité. La justification des prix élevés prati­qués par certaines marques impose un recours massif à la pu­blicité chargée de proclamer la prégnance de celle-ci. Il convient d’en accroître les parts de marché dans le monde pour assurer sa réputation et, évidemment, améliorer régu­liè­rement la qualité du produit. Certains comparent l’agro­ali­mentaire au marché des quotidiens (16): “La concur­rence joue surtout par les prix pour les produits banals, elle joue exclusivement par la qualité pour les biens clai­re­ment identifiés”.

 

- La naissance de craintes de contamination et d’attein­tes à l’organisme humain par des aliments infectés, em­poi­sonnés ou génétiquement modifiés est retournée par les or­ganes de la justification mensongère en demande de sub­stances bonnes pour la santé.  Les congrégations trans­na­tio­nales organisent dans ce but la maîtrise de la produc­tion, de la distribution et des labels, la politique de marque qui assure fidélité et profits. En ajoutant à leurs activités les produits porteurs de substances favorables à la santé, les profits explosent : on citera la margarine Benecol (prix huit fois plus élevé), voire l’huile d’olive. Ici, les prix sont élevés et rigides. L’agroalimentaire fait alors cause com­mu­ne avec l’industrie chimique ou pharmaceutique. De nou­velles entités regroupent agro-alimentaire et chimie phar­macie. Les profits financent les campagnes de publi­ci­té destinées à séduire les consommateurs.

 

Spectacle, secret et meurtre de masse

 

L’économie dominée par les congrégations transnationales en est venue “à faire ouvertement la guerre aux humains; non plus seulement aux possibilités de leur vie, mais aussi à celles de leur survie” (17). La science justifie tout ce qui se fait en matière agro-alimentaire et la médecine n’a plus le droit de défendre la santé de la population contre l’en­vi­ron­nement pathogène car elle s’opposerait aux consistoires et autres mafias de l’État et des firmes chimiques, pharma­ceu­tiques, alimentaires,... Les produits bons pour la santé sont promus par les méthodes fort anciennes des tréteaux forains; illusionnistes et aboyeurs s’étalent dans le médiati­que pour vendre du macrobiotique sous vide... Ce monde des nihilistes patentés emploie d’immenses armées de po­li­ciers, espions et hommes de main. Chaque service de sé­cu­rité d’une industrie combat le sabotage chez lui et l’orga­nise chez les autres, soudoyant les médias pour répandre des rumeurs. Les manœuvres mondialistes des effaceurs amé­ricains ont bien été repérées par les Européens qui ont cherché, mais faiblement, à se protéger de l’horreur. Ci­tons le spécialiste A. Arette : “En pleine période de la va­che folle (dont l’affaire a été magnifiquement montée par des laboratoires sous contrôle américain), il s’est déroulé un combat juridique... Les Européens avaient interdit l’im­portation venant des USA de la viande hormonée. Le procès venu en appel a été perdu pour l’Europe... Autrement dit, les Américains nous obligent à un contrat d’empoisonne­ment public...”.

 

L’empoisonnement est aussi lié au problème de la dégra­dation des sols qui, dans les pays “développés” subit l’é­rosion ; et à l’infiltration des engrais azotés et des pesti­cides dans les eaux souterraines. L’empoisonnement s’in­si­nue aussi par les effets secondaires d’adjuvants aux vac­cina­tions animales (hydroxyde d’aluminium par exemple). Etc.

 

III - Empêcher les éradicateurs de nuire

 

La technique, (notamment les biotechnologies) n’est pas né­­cessairement une machine à empoisonner les peuples. Elle peut être mise au service de la compréhension de la vie et du foisonnement de sa diversité. Cela suppose évi­dem­ment de réduire les nuisances des ententes entre l’a­gro­nomie, la chimie et la biologie

 

Préférence pour la politique de diversification des approvisionnements

 

La fusion des transnationales et de l’État interdit-elle toute évolution interne de l’Europe en faveur de ses peuples ?  La pen­sée économique a pourtant affirmé fréquemment que la diversification des approvisionnements est un gage capital de l’épanouissement économique. La combinaison de plu­sieurs matières premières agricoles, la partition organisée OGM et non OGM, les viandes de diverses races, les pro­duits frais et les produits transformés, cette diversification est la seule solution conciliable avec le pouvoir actuel des con­grégations transnationales. La croissance équilibrée d’un secteur, d’une région, d’une zone est toujours liée à la diversification des approvisionnements.

 

La théorie de l’incertitude affirme aussi qu’il est favorable de composer plusieurs programmes économiques (18). Les effets bénéfiques de la diversification des portefeuilles fi­nanciers ne vaudraient-ils pas dans le cas des productions, des clients et des engagements internationaux touchant au do­maine agricole? Offrir des alternatives aux lubies crimi­nel­les de Bruxelles inspirées souvent par les assassins mo­raux des multinationales réduirait le risque d’effacer les peu­ples d’Europe. Pour résister au front uni des pillards nihilistes transnationaux, il convient de multiplier les filiè­res agricoles, bovines, etc. au sein de notre grand con­ti­nent. La diversité des approvisionnements dans des con­ditions de sécurité très grandes est réalisée par exemple avec les certificats d’origine (19). L’étiquettage indique les aliments issus d’OGM, l’origine des viandes, les conditions d’é­levage. Car la détection physique d’OGM s’applique ef­ficacement aux matières premières d’origine génétique alors que pour tous les autres produits, seul le certificat d’origine est fiable. Fondé sur des méthodes d’enregistre­ment certifiées conformes, un certificat suit les lots depuis la matière première. Puisque le mélange des produits OGM et non OGM est inévitable, la question à résoudre devient le choix des limites maximales de mélange acceptable.

 

Les réseaux de diffusion des produits non OGM, les coo­pé­ra­tives de production d’aliments à certificats d’origine, tou­tes ces possibilités ont à être protégées en tant qu’al­ter­natives aux produits mortifères des congrégations trans­na­tionales de l’agro-chimio-pharmaco-business.

 

Des politiques communes pour l'environnement et le consommateur

 

Les droits des consommateurs sont reconnus dans les pro­grammes européens découlant du traité de Maastricht. Il existe, depuis 1973, un conseil consultatif des consom­ma­teurs. De consultatif il convient d’en faire un partenaire dans les décisions qui touchent à l’agro-alimentaire. L’A­gence européenne de l’environnement, sans grands moyens —peut-être d’ailleurs est-ce volontaire— mériterait de dis­poser d’équipes indépendantes pour effectuer des tests et pouvoir porter le fer chez les nihilistes transnationaux de l’agro-business chaque fois que les normes retenues ne sont pas respectées.

 

L’environnement est désormais pris en compte dans le pro­jet écologiste, dont les représentants les plus honnêtes af­firment qu’il est urgent que l’homme s’intègre dans l’éco­système le plus intelligemment possible en abandonnant toute illusion sur la possibilité de le maîtriser. Défendre la faune et la flore, le patrimoine et les sites, la vie humaine, est l’autre versant de la domination technicienne.

 

L’économie politique a l’habitude de distinguer les revenus provenant du travail, de la propriété du capital, des res­sour­ces naturelles. Le capital est lui-même produit par du travail et des ressources naturelles. Le travail fonde plus de 95% du revenu. La question essentielle pour une “bonne so­ciété” réside dans la répartition des droits entre hommes, peuples et cultures. Pour retrouver nos libertés de choix sup­primées par la secte des destructeurs patentés, des élaborations intermédiaires sont nécessaires : privé, public, culturel. Les responsables des empoisonnements qui sévis­sent dans les appareils d’État ou dans les congrégations trans­nationales doivent aussi ressentir d’une façon ou d’u­ne autre les effets qu’ils causent à autrui. Une légitime ven­geance, une nécessaire sanction est une juste cause à servir.

 

Aurélien DERHINES.

 

(1)  Julien FREUND : Philosophie et sociologie. Cabay-Louvain, 1984, p.64 et suivantes.  

(2)  Pierre THUILLIER : La grande implosion. Fayard, 1995, chapitre 4 : homo technicus, p.270.

(3) Il est à remarquer que la coïncidence est frappante entre la do­mination synarchique finance, commerce, médias, utilisant la tech­ni­que la plus efficace pour affirmer son pouvoir culturel, et la ty­rannie dans l’ordre de l’esprit qui devient de plus en plus sy­sté­matique et violente. N’est-ce pas la configuration de la Re­nais­san­ce, la traque des sorcières intervenant en pleine époque carté­sienne ?

(4) On reprend ici les développements de Pierre Thuillier, op. cit.

(5)  Armand FARRACHI : Les poules préfèrent les cages. A. Michel, 2000.

(6)  Pierre THUILLIER : op.cit. p.378.

(7)  Jean-Marie PELT : Plantes transgéniques : santé et environne­ment. Dans: Transgénique : le temps des manipulations. Editions Fri­son-Roche, 1998, chapitre V,  p.67.

(8)  Mae-Wan HO : Technologie génétique et écologie des gènes. Dans : Transgénique : op.cit., chapitre 1, p.17.

(9)  Gilles-Eric SERALINI : Risques toxiques et environnementaux liés aux plantes transgéniques produisant ou tolérant des pesticides. Dans : Transgénique : ouv. cité, chapitre 2, p.37.

(10)  Georges ORWELL : 1984. Gallimard, coll. Folio, 1950, p.67.

(11)  Jordis Von LOHAUSEN : Les Empires et la Puissance. Livre-club du Labyrinthe, 1985, p.59.

(12)  On lira une présentation synthétique de ces problèmes dans : Pascal GAUCHON, Dominique HAMON, Annie MAURAS : La triade dans la nouvelle économie mondiale. PUF, coll. Major, 1ère édition 1992, deuxième partie : la CEE.

(13)  Jean-Clair DAVESNES : L’agriculture assassinée. Editions de Chiré, 1990.

(14)  Une bonne présentation reste celle de Jean BRILMAN : Modèles culturels et performances économiques. Ed. Hommes et Techni­ques, 1981, chapitre 12 : la problématique et l’organisation du chan­gement.

(15)  Jean-Clair DAVESNES : op.cit. p.159.

(16) Jean-Pierre OLSEM : Stratégie d’entreprise et politique industrielle dans la nouvelle économie mondiale. A. Colin, 1999, p.178.

(17) Guy DEBORD : Commentaires sur la société du spectacle. G.Lebovici, 1988, p.48

(18) Pierre-Maurice CLAIR : La préférence pour la politique de diversification des approvisionnements. Dans : Croissance, échange et monnaie en économie internationale. Mélanges en l’honneur de Jean Weiller. Économica, 1985, p.203

(19) Frans Van DAM et Huib de VRIEND : Étiquetage des OGM et méthodes de détection : le certificat d’origine. Dans : Transgé­nique... ouv. cité, chapitre IX.

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samedi, 02 juin 2007 | Lien permanent

Extraits de l'autobiographie d'A. Mohler

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Extraits de l'autobiographie d'Armin Mohler

Pour expliquer ses positions critiques à l'égard de l'histo­rio­graphie de la République Fédérale, Armin Mohler dans son ouvrage Der Nasenring. Im Dickicht der Vergangenheits­be­wältigung (Heitz und Höffkes, Essen, 1989), évoque quel­ques péripéties de sa jeunesse. Pour fêter ses 80 ans, nous en donnons une toute première version française à nos lec­teurs. Pour les anciens abonnés à Vouloir, cf. Willy Pieters, «Les Allemands, leur histoire et leurs névroses», n°40/42, 1987.

Mes années d'étude: Marx, Freud & Cie

Rétrospectivement, je ne regrette pas la ligne en zigzag qu'a pris mon cheminement à cette époque-là. Elle m'a permis des expériences qui m'ont préservé ultérieurement de tout encroûtement. Pendant quelque temps, je me suis défendu con­tre cette vision (fort juste) que la vie est faite de para­do­xes. Pendant de nombreuses années, j'ai tenté de voiler, de re­fouler, cette vision pertinente du paradoxal de l'existence qui s'installait pourtant lentement dans mes idées, mes sen­ti­ments et mes représentations. Je me suis soumis à une doc­tri­ne sotériologique et universaliste qui promettait de liquider tous les paradoxes et de révéler le sens du Tout. Ce fut une ex­périence qui, au moins, me préserva de fabriquer une au­tre doctrine sotériologique après m'être débarrassé d'une pre­mière.

Cette expérience a commencé quand j'avais seize ou dix-sept ans. Je voulais articuler ma révolte contre l'environ­ne­ment petit-bourgeois d'une façon “originale”, c'est-à-dire de “gauche”. Ce n'était pas si facile au milieu des années 30. La Suisse était déjà sur la voie de la “démocratie du consensus” (ou plus précisément: la démocratie des cartels). L'époque où la troupe avait tiré sur les ouvriers était passée, cela fai­sait au moins vingt ans. La couche de la population vivant dans le besoin s'amenuisait et se réduisait graduellement, pour rester confinée aux paysans des montagnes, dans les loin­taines vallées alpines. Les associations et les cartels des employeurs et des travailleurs avaient décidé de se partager pacifiquement le gâteau. Sur le plan physionomique, les bos­ses d'un camp comme de l'autre ne se distinguaient quasi­ment plus. Dans une telle situation, un marxisme radical se­rait mort de ridicule, car chaque besoin de la classe ouvrière était satisfait par la création d'une nouvelle association. Un anarchisme radical aurait tourné à vide dans un pays, où, certes, chaque autochtone ressent un malaise, mais où au­cun d'eux n'est vraiment opprimé. Personne ne pose des bom­bes contre soi-même.

S'introduire dans le monde des artistes

Parmi les mésaventures grotesques de mon existence: le fait que cette situation sociale, qui m'a fait fuir la Suisse, me rat­tra­pe dans ma nouvelle patrie d'adoption, l'Allemagne de l'Ouest. Des amis allemands, qui se moquent de moi, me po­sent malicieusement la question: «pensez-vous que certains signes permettent de dire qu'il y a “helvétisation” de la Ré­pu­blique Fédérale?». Je pense alors que peu avant la seconde guerre mondiale, seule une gauche intellectuelle avait ses chan­ces dans ma patrie suisse. Or cette chance était limitée à un domaine vraiment réduit: la caste des intellectuels, des lit­térateurs, des artistes avec leurs mécènes issus des clas­ses aisées de la société. C'est justement dans cette caste que je voulais m'introduire: elle me semblait être la porte ou­verte sur le vaste monde. En 1938, je m'inscris donc à l'uni­ver­sité de Bâle; branche principale: histoire de l'art; bran­ches secondaires: philologie germanique et philosophie.

Juste avant cette inscription, j'avais pénétré dans un nou­veau cercle de personnalités, celui des émigrés du Troisiè­me Reich, composés surtout de nombreux Juifs. Les familles juives bien établies à Bâle n'étaient pas trop ravies de cet apport nouveau. Moi personnellement, je me passionnais pour ces Juifs non assimilés. Ils nous apportaient de Berlin un petit reflet des Roaring Twenties, de Prague l'air qu'avait respiré Kafka, de Vienne un zeste de la décadence la plus fascinante de l'histoire récente. Avec les émigrés non juifs, ils prétendaient être “la meilleure Allemagne”. Mais ce furent également des émigrés juifs qui m'ont apporté les premiers éléments philosophiques et esthétiques qui contredisaient mes options libérales. Sur ce chapitre, je m'étais contenté jus­qu'alors d'étudier mon très proche compatriote, Carl Spit­te­ler, natif du Baselbiet, le pays rural autour de la ville de Bâ­le. Spitteler était un poète épique, le seul Suisse qui avait re­çu un Prix Nobel de littérature (sans compter Hermann Hes­se, qui est un naturalisé). Mais, avec la vague d'émigrés de 1938, la communauté poétique fondée par Stefan George, in­stallée à Bâle avant 1933, s'est trouvée renforcée numé­ri­que­ment, si bien que j'ai appris à connaître dans ce cercle des auteurs comme Rudolf Borchardt, Alfred Mombert, Lud­wig Derleth, et même Vladimir Jabotinsky, père fondateur d'un fascisme juif.

Mes intérêts se concentrèrent d'abord sur le plat principal, mitonné par des Suisses et des étrangers, des hommes de gauche, des avant-gardistes et des libéraux, pour être servi à cette gauche culturelle. C'était un savant mélange, parfois assez pertinent, de marxisme, de psychanalyse, de peinture abstraite, de musique atonale, d'architecture du Bauhaus, de films soviétiques, le tout nappé d'une sauce sucrée faite de pathos libéral. De ce côté du front, dans la guerre civile mon­diale, on trouvait ce qu'il y avait de meilleur dans les années 30, car on tentait de revalider le marxisme devenu un peu ca­duc en lui injectant de solides doses de psychanalyse. Wil­helm Reich n'a jamais été qu'un théoricien parmi beau­coup d'autres à avoir eu cette idée. C'était génial: faire entrer en scène de concert, Marx, le mage de la société, et Freud, le mage de l'âme, bras dessus bras dessous. Avec ce cou­pla­ge, le regard devenu un peu myope que jetait la gauche sur le monde, fut renforcé comme par un effet stéréo. A l'é­po­que aussi je croyais disposer, avec le psycho-marxisme, d'un code universel pour déchiffrer rationnellement le mon­de. Le tour de passe-passe scientifique, qui permit à cette doc­trine sotériologique nouvelle d'entrer en scène, la rendit si­multanément irrésistible. Voilà pourquoi, trois décennies plus tard, j'ai eu l'impression de voir des fantômes en Ré­pu­bli­que Fédérale quand les soixante-huitards se sont coiffés de ce vieux chapeau (mais, il est vrai, ils le portaient à la fa­çon californienne et non pas à la mode zurichoise).

Nous nous prenions pour de grands réalistes…

Chez les soixante-huitards, j'ai également découvert une ar­ro­gance élitaire identique à celle qu'affichaient mes amis a­vant-gardistes en 1938. Nous aussi avions commencé notre quê­te en évoquant la “dialectique” et le “refoulement”, nous avions forgé le jargon de notre petite clique pour nous dis­tancier des “masses”. Nous, nous savions “vraiment” ce qui se cachait “derrière” les choses. Une toile constructiviste de Piet Mondrian ne se composait pas seulement de traits droits qui formaient un angle droit, puis s'entrecoupaient, pour séparer agréablement et rythmiquement des carrés ou des rectangles rouges, bleus ou jaunes, le tout sur fond blanc (ce qui peut apaiser un individu hyper-stressé, tout com­me un beau tapis). Non, non, ce n'était pas que cette sim­ple géométrie, cela “signifiait” quelque chose. Ce que nous voyions n'était pas l'essentiel, mais ce que nous as­sociions dans l'image. Nous nous prenions pour de grands “réalistes”, mais nous n'étions que des “réalistes des uni­versaux” (et seulement, comme le veut la conditio humana, selon notre prétention).

Beaucoup d'entre nous pensaient avoir entre les mains la clef donnant accès aux énigmes de l'univers. En réalité, nous avions troublé notre regard sur le monde en usant d'un filtre d'abstractions. On devient ainsi la proie facile de ceux qui veulent nous faire gober que le vrai monde un jour vien­dra, mais dans le futur. Ou on devient la proie d'autres mar­chands d'illusions (moins nombreux mais plus dangereux) qui veulent nous faire croire que le vrai monde a déjà été, et qu'il est irrévocablement perdu. L'espoir existe, quand on com­mence à se rendre compte que l'on passe ainsi à côté de sa vraie vie, unique, spécifique et irremplaçable.

Armin MOHLER

(ex: Der Nasenring. Im Dickicht der Vergangenheitsbewältigung, op.cit., pp. 34-37).


Quand mes premières convictions se sont érodées…

Quand ai-je cessé d'être étudiant de gauche? Je sais du moins le jour où j'ai pris conscience que tout cela était absolument faux: le 22 juin 1941. Toutefois ma conviction que le psycho-marxisme était la clef de l'univers avait déjà été ébranlée.

Je n'étais pas le type prêt à déployer des efforts pendant toute sa vie pour réaliser les lunes de l'universalisme. Dans tous les cas de figure, on peut difficilement évaluer ce que l'on reçoit en héritage avant sa naissance. Personnellement, après ma naissance, j'ai eu de la chance. Mes parents vi­vaient un mariage heureux. Mon père était un homme dis­cret, mais il possédait une autorité naturelle et incontestée. Ma mère, plus entreprenante, était son complément parfait dans la vie. La maison parentale était une maison où régnait l'ordre, mais elle n'était pas ennuyeuse. Je n'ai pas été gâté. Mes parents n'en avaient pas les moyens. Les petites misè­res quotidiennes, physiques ou psychiques, n'ont jamais don­né lieu à des excitations ou des émotions hors de l'ordi­nai­re: on savait qu'elles faisaient partie du lot de tous les vi­vants. Ainsi, j'ai hérité d'un état d'esprit que je ne qualifierais pas d'optimisme mais plutôt de “goût pour la vie” (Lebens­lust).

Le mouvement frontiste en Suisse

Quand je me suis dégagé du corset des idéologies de gau­che, c'est ce goût pour la vie qui a été le moteur principal. Mais ce n'était pas le seul. Quoi qu'il en soit, ce n'est cer­tainement pas la droite suisse de l'époque qui a constitué un moteur supplémentaire. Pour autant qu'il y ait eu des grou­pe­ments qualifiables de “conservateurs” en Suisse du temps de ma jeunesse, et pour autant que ces groupements n'aient pas été édulcorés, ils étaient de nature “patricienne” et/ou catholique. Ces deux fondements m'étaient étrangers. J'étais issu de la petite bourgeoisie, je ne me suis jamais senti chré­tien et, au jour de ma majorité, j'ai quitté volontairement l'é­gli­se réformée, dans laquelle j'avais été éduqué. Le maur­ras­sisme, représenté en Suisse romande, aurait pu m'attirer. Mais le Suisse alémanique a toujours été coupé de la Suisse francophone. En général, il connaît mieux Paris ou la Pro­ven­ce. Pour un garçon comme moi, qui tentait de trouver une voie à droite, il ne restait plus que le mouvement fron­tiste en Suisse alémanique (c'est-à-dire des mouvements comme le Neue Front, le Nationale Front, le Volksbund, etc.). Ce mouvement était un de ces nombreux mouvements de renouveau qui surgissaient partout en Europe à cause de la crise économique et que les politologues contemporains qualifient de “fascistoïde”.

En 1931, au moment où les fronts connaissaient leur prin­temps, je n'avais que onze ans, sinon je me serais facile­ment laisser entraîner par eux. Ce mouvement de renou­veau, à ses débuts, pouvait compter sur l'assentiment de nom­breuses strates de la population. Il avait été initié par des jeunes loups issus des partis établis, qui voulaient créer quelque chose pour absorber le mécontentement général et la lassitude de la population contre les partis conventionnels. Pourtant, très vite, les fronts suisses ont créé leur propre dynamique. On vit apparaître des similitudes de style avec le fascisme tel qu'il se manifestait dans toute l'Europe mais, à partir de 1933, l'ombre compromettante du Troisième Reich s'est étendue sur le mouvement frontiste. Les représentants des associations de l'établissement, qui participaient à ces fronts, ont rapidement pris leurs distances, dès 1933. Les in­tellectuels, qui étaient les pendants suisses de la “Révolution Conservatrice” allemande à Zurich ou à Berne, sont resté plus longtemps dans ces formations politiques et ont béné­ficié de l'approbation de la Jeunesse dorée qui s'ennuyait. Cependant, lors des exécutions de la Nuit des Longs Cou­teaux, le 30 juin 1934, à Munich et à Berlin, plusieurs victi­mes étaient des représentants de la “Révolution conser­va­trice”; choqués, la plupart de ces intellectuels suisses con­ser­vateurs-révolutionnaires quittent la vie publique et se ré­fu­gient dans leur tour d'ivoire. Le seul siège frontiste au Par­lement suisse est rapidement perdu. Ce qui a subsisté des fronts a été marginalisé par la société libérale avec tous les moyens dont elle disposait. Les chefs les plus modérés se sont repliés sur leur vie privée. Une partie des leaders les plus radicaux se sont réfugiés dans le Troisième Reich pour échapper à la police et à la justice helvétiques. Il n'est plus resté qu'une troupe sans chefs, dont le nombre ne cessait de se réduire: des petites gens, obnubilés par une seule idée fixe, que les francs-maçons et les juifs (dans cet ordre) é­taient responsables de tous les maux de la Terre.

Le Major Leonhardt du Volksbund

Une théorie du complot aussi lapidaire n'était pas ce qu'il fallait pour un type comme moi, qui était sur le point de résoudre l'énigme de l'univers. Pourtant, un jour, je me suis ha­sardé dans l'antre du lion. J'ai assisté à un meeting du plus radical des chefs frontistes, le Major Leonhardt, chef du Volksbund, une dissidence du Nationale Front. (Comme l'ar­mée, à l'époque, était encore une institution sacro-sainte, le fils d'un Allemand naturalisé utilisait ses galons d'officier pour faire de la propagande en faveur du Volksbund). Ce mee­ting a dû avoir lieu au plus tard en 1939, car j'ai lu dans une thèse de doctorat consacrée au Volskbund, que Leon­hardt avait émigré en Allemagne en 1939 et qu'il y a trouvé la mort en 1945 lors d'un raid aérien allié. Extérieurement, il correspondait à son surnom: “le Julius Streicher suisse”. Ef­fectivement, son corps était d'allure pycnique, tassée, il sem­blait ne pas avoir de cou; il avait le même crâne pointu que Streicher, un crâne qui semblait toujours prêt à l'attaque. Il avait aussi des talents d'orateur comparables, comme j'allais ra­pidement le constater à mes dépens. Après le discours du Ma­jor —sur la Suisse “souillée” par les francs-maçons et les juifs— j'ai osé formuler une remarque. Je ne sais plus au­jourd'hui ce que j'ai dit alors. Mais je n'ai pas oublié que le Major Leonhardt a tout de suite repéré que j'étais étudiant. Il m'a directement attaqué ad personam. (Dans la thèse que j'é­voquais tous à l'heure, j'ai lu qu'il avait justifié sa rupture et celle de ses ouailles avec le Nationale Front car celui-ci était entièrement tombé sous la coupe des universitaires). Le Ma­jor a commencé à me répondre froidement, puis m'a admi­nistré une litanie d'injures, d'une voix toujours plus élevée; les insultes successives semblaient s'enrouler autour de moi comme une spirale. Leur contenu approximatif? Le contri­bua­ble suisse fait construire des universités avec son argent et qu'en sort-il? Des universitaires étrangers au monde, qui ont appris tant de choses inutiles qu'ils ne savent même plus quels sont les véritables ennemis du peuple! Leonhardt avait bien chauffé son public: les uns me regardaient avec un air nar­quois, les autres me lançaient des regards haineux; quant à moi, j'étais également échaudé car que peut-on op­poser à une telle avalanche d'insultes? Je n'ai revécu de si­tuation semblable qu'à la fin des années 60 et au début des années 70 dans les “discussions” qui avaient lieu à l'époque dans les universités ouest-allemandes.

Mobilisé dans l'armée suisse en 1940

Comme les fronts n'ont nullement contribué à me faire des­cen­dre de mon petit trône de libéral de gauche, quelle est a­lors la force qui m'en a fait descendre? Avec la distance que procure l'âge, je dois bien constater que ma mobilisation dans les rangs de l'armée suisse en 1940 a eu sa part. Le “drill” helvétique de l'époque était encore très rude: mes com­patriotes qui ont d'abord servi dans l'armée suisse puis, plus tard, dans la Waffen SS allemande, considèrent que l'in­struction dans notre pays était plus dure que celle qui prévalait dans les divisions de Himmler. Avec l'état d'esprit qui était le mien en ce temps-là, j'ai endossé l'uniforme avec des sentiments anti-militaristes. Je n'ai pas été un bon soldat et, à la fin de mes classes de conscrit, mon commandant m'a demandé si je voulais devenir aspirant officier (on le de­man­dait automatiquement à tout universitaire à l'époque). J'ai répondu “non merci!” et je suis resté simple fantassin. A ma grande surprise toutefois, je sentais que certains aspects du service me plaisaient. Ainsi la course avec paquetage d'as­saut et fusil me plaisait. Je ne pouvais pas me hisser au-dessus de la barre fixe mais j'étais un bon coureur à pied. Pour un étudiant anti-militariste, ces petits plaisirs peuvent en­core se justifier: c'est du sport. Mais, il y avait plus inquié­tant pour un pacifiste de gauche: des plaisirs quasi ataviques m'emportaient dans un domaine strictement militaire, notam­ment le drill. Je ne pouvais pas réprimer une profonde satis­fac­tion quand mon peloton, après des journées d'exercices, fai­sait claquer ses fusils sur le sol sans “effet de machine à é­crire”. (Pour les civils, cela signifie: lorsque les crosses des fu­sils tombent sur le sol en ne faisant plus tAc-TaC-taC-Tac dans le désordre et sans unisson, mais avec un seul et uni­que TAC métallique sur les dalles de la cour de la caserne). Quinze jours auparavant, je me serais encore moqué de ces “enfantillages”.

Aller au peuple

Cependant, l'expérience la plus importante de mon service mi­litaire est venue après l'école des recrues, quand je suis passé au service actif et quand j'ai été affecté à la garde de la frontière. On m'avait envoyé dans une compagnie de Schützen (= tirailleurs), composée d'hommes, aptes à porter les armes, issus de toutes les classes d'âge mais aussi, comme habituellement dans l'infanterie, d'hommes venus de tous les horizons de la vie civile. Dans une société haute­ment spécialisée, l'intellectuel éprouvera des difficultés à fai­re ample connaissance avec des “gens du peuple”. Il n'exis­te que deux institutions où il peut le faire, vingt-quatre heures sur vingt-quatre: la prison et le service militaire. Les deux ans de mon service le long de la frontière m'ont beaucoup plus apporté dans ma formation humaine que le double du temps que j'avais passé auparavant dans les universités. (…) Dans cette optique autobiographique, je me contenterai d'une citation, qui résume bien l'affaire. Elle provient de l'œu­vre d'un Suisse original, Hans Albrecht Moser (1882-1978); je l'ai tirée de son journal Ich und der andere, paru à Stutt­gart en 1962. La voici: «L'humain se trouve plus facile­ment dans l'homme normal que dans l'homme excep­tion­nel. C'est pourquoi cet homme normal m'attire da­van­tage. Pour satisfaire des besoins spirituels, il existe des livres».

Découvrir Spengler

Pour ce qui concerne les livres, je m'empresse de dire ceci: j'ai continué à en dévorer, sans discontinuité, et, parmi eux, j'ai surtout lu les grands critiques du libéralisme. Ces lectu­res ont beaucoup contribué à faire crouler mes palais imagi­nai­res et utopiques. J'avais déjà commencé à lire Nietzsche quand j'étais scout. Pendant mes deux ans de garde le long de la frontière, je suis passé aux autres grands anti-libéraux. L'expérience la plus originale que j'ai eue, c'est en lisant Os­wald Spengler. Au sommet de ma période de gauche, j'avais tenté de lire Le Déclin de l'Occident. (Bien sûr, pour appren­dre à connaître l'adversaire). Mais je n'étais pas parvenu à franchir le cap des premières pages: pour moi, le texte était absolument incompréhensible. La notoriété de cet ouvrage res­tait un mystère pour moi, même d'un point de vue thérapeu­tique. Vers la fin de ma période d'incubation, que je viens de vous esquisser —ce devait être au début de l'an­née 1941— les deux énormes volumes me sont tombés une nouvelle fois entre les mains. J'ai ouvert le premier à n'im­por­te quelle page et j'ai commencé à lire, sans m'arrêter, et au bout de quelques jours, j'avais entièrement parcouru les deux tomes. Pourquoi n'avais-je pas pu faire la même ex­pé­rience lors de ma première tentative? Quelque chose d'es­sen­tiel en moi avait changé, mais je n'en avais pas encore idée.

Armin MOHLER

(ex: Der Nasenring. Im Dickicht der Vergangenheitsbewältigung, op.cit., pp. 37-41).


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Extraits de l'autobiographie d'A. Mohler

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Extraits de l'autobiographie d'Armin Mohler

Pour expliquer ses positions critiques à l'égard de l'histo­rio­graphie de la République Fédérale, Armin Mohler dans son ouvrage Der Nasenring. Im Dickicht der Vergangenheits­be­wältigung (Heitz und Höffkes, Essen, 1989), évoque quel­ques péripéties de sa jeunesse. Pour fêter ses 80 ans, nous en donnons une toute première version française à nos lec­teurs. Pour les anciens abonnés à Vouloir, cf. Willy Pieters, «Les Allemands, leur histoire et leurs névroses», n°40/42, 1987.

Mes années d'étude: Marx, Freud & Cie

Rétrospectivement, je ne regrette pas la ligne en zigzag qu'a pris mon cheminement à cette époque-là. Elle m'a permis des expériences qui m'ont préservé ultérieurement de tout encroûtement. Pendant quelque temps, je me suis défendu con­tre cette vision (fort juste) que la vie est faite de para­do­xes. Pendant de nombreuses années, j'ai tenté de voiler, de re­fouler, cette vision pertinente du paradoxal de l'existence qui s'installait pourtant lentement dans mes idées, mes sen­ti­ments et mes représentations. Je me suis soumis à une doc­tri­ne sotériologique et universaliste qui promettait de liquider tous les paradoxes et de révéler le sens du Tout. Ce fut une ex­périence qui, au moins, me préserva de fabriquer une au­tre doctrine sotériologique après m'être débarrassé d'une pre­mière.

Cette expérience a commencé quand j'avais seize ou dix-sept ans. Je voulais articuler ma révolte contre l'environ­ne­ment petit-bourgeois d'une façon “originale”, c'est-à-dire de “gauche”. Ce n'était pas si facile au milieu des années 30. La Suisse était déjà sur la voie de la “démocratie du consensus” (ou plus précisément: la démocratie des cartels). L'époque où la troupe avait tiré sur les ouvriers était passée, cela fai­sait au moins vingt ans. La couche de la population vivant dans le besoin s'amenuisait et se réduisait graduellement, pour rester confinée aux paysans des montagnes, dans les loin­taines vallées alpines. Les associations et les cartels des employeurs et des travailleurs avaient décidé de se partager pacifiquement le gâteau. Sur le plan physionomique, les bos­ses d'un camp comme de l'autre ne se distinguaient quasi­ment plus. Dans une telle situation, un marxisme radical se­rait mort de ridicule, car chaque besoin de la classe ouvrière était satisfait par la création d'une nouvelle association. Un anarchisme radical aurait tourné à vide dans un pays, où, certes, chaque autochtone ressent un malaise, mais où au­cun d'eux n'est vraiment opprimé. Personne ne pose des bom­bes contre soi-même.

S'introduire dans le monde des artistes

Parmi les mésaventures grotesques de mon existence: le fait que cette situation sociale, qui m'a fait fuir la Suisse, me rat­tra­pe dans ma nouvelle patrie d'adoption, l'Allemagne de l'Ouest. Des amis allemands, qui se moquent de moi, me po­sent malicieusement la question: «pensez-vous que certains signes permettent de dire qu'il y a “helvétisation” de la Ré­pu­blique Fédérale?». Je pense alors que peu avant la seconde guerre mondiale, seule une gauche intellectuelle avait ses chan­ces dans ma patrie suisse. Or cette chance était limitée à un domaine vraiment réduit: la caste des intellectuels, des lit­térateurs, des artistes avec leurs mécènes issus des clas­ses aisées de la société. C'est justement dans cette caste que je voulais m'introduire: elle me semblait être la porte ou­verte sur le vaste monde. En 1938, je m'inscris donc à l'uni­ver­sité de Bâle; branche principale: histoire de l'art; bran­ches secondaires: philologie germanique et philosophie.

Juste avant cette inscription, j'avais pénétré dans un nou­veau cercle de personnalités, celui des émigrés du Troisiè­me Reich, composés surtout de nombreux Juifs. Les familles juives bien établies à Bâle n'étaient pas trop ravies de cet apport nouveau. Moi personnellement, je me passionnais pour ces Juifs non assimilés. Ils nous apportaient de Berlin un petit reflet des Roaring Twenties, de Prague l'air qu'avait respiré Kafka, de Vienne un zeste de la décadence la plus fascinante de l'histoire récente. Avec les émigrés non juifs, ils prétendaient être “la meilleure Allemagne”. Mais ce furent également des émigrés juifs qui m'ont apporté les premiers éléments philosophiques et esthétiques qui contredisaient mes options libérales. Sur ce chapitre, je m'étais contenté jus­qu'alors d'étudier mon très proche compatriote, Carl Spit­te­ler, natif du Baselbiet, le pays rural autour de la ville de Bâ­le. Spitteler était un poète épique, le seul Suisse qui avait re­çu un Prix Nobel de littérature (sans compter Hermann Hes­se, qui est un naturalisé). Mais, avec la vague d'émigrés de 1938, la communauté poétique fondée par Stefan George, in­stallée à Bâle avant 1933, s'est trouvée renforcée numé­ri­que­ment, si bien que j'ai appris à connaître dans ce cercle des auteurs comme Rudolf Borchardt, Alfred Mombert, Lud­wig Derleth, et même Vladimir Jabotinsky, père fondateur d'un fascisme juif.

Mes intérêts se concentrèrent d'abord sur le plat principal, mitonné par des Suisses et des étrangers, des hommes de gauche, des avant-gardistes et des libéraux, pour être servi à cette gauche culturelle. C'était un savant mélange, parfois assez pertinent, de marxisme, de psychanalyse, de peinture abstraite, de musique atonale, d'architecture du Bauhaus, de films soviétiques, le tout nappé d'une sauce sucrée faite de pathos libéral. De ce côté du front, dans la guerre civile mon­diale, on trouvait ce qu'il y avait de meilleur dans les années 30, car on tentait de revalider le marxisme devenu un peu ca­duc en lui injectant de solides doses de psychanalyse. Wil­helm Reich n'a jamais été qu'un théoricien parmi beau­coup d'autres à avoir eu cette idée. C'était génial: faire entrer en scène de concert, Marx, le mage de la société, et Freud, le mage de l'âme, bras dessus bras dessous. Avec ce cou­pla­ge, le regard devenu un peu myope que jetait la gauche sur le monde, fut renforcé comme par un effet stéréo. A l'é­po­que aussi je croyais disposer, avec le psycho-marxisme, d'un code universel pour déchiffrer rationnellement le mon­de. Le tour de passe-passe scientifique, qui permit à cette doc­trine sotériologique nouvelle d'entrer en scène, la rendit si­multanément irrésistible. Voilà pourquoi, trois décennies plus tard, j'ai eu l'impression de voir des fantômes en Ré­pu­bli­que Fédérale quand les soixante-huitards se sont coiffés de ce vieux chapeau (mais, il est vrai, ils le portaient à la fa­çon californienne et non pas à la mode zurichoise).

Nous nous prenions pour de grands réalistes…

Chez les soixante-huitards, j'ai également découvert une ar­ro­gance élitaire identique à celle qu'affichaient mes amis a­vant-gardistes en 1938. Nous aussi avions commencé notre quê­te en évoquant la “dialectique” et le “refoulement”, nous avions forgé le jargon de notre petite clique pour nous dis­tancier des “masses”. Nous, nous savions “vraiment” ce qui se cachait “derrière” les choses. Une toile constructiviste de Piet Mondrian ne se composait pas seulement de traits droits qui formaient un angle droit, puis s'entrecoupaient, pour séparer agréablement et rythmiquement des carrés ou des rectangles rouges, bleus ou jaunes, le tout sur fond blanc (ce qui peut apaiser un individu hyper-stressé, tout com­me un beau tapis). Non, non, ce n'était pas que cette sim­ple géométrie, cela “signifiait” quelque chose. Ce que nous voyions n'était pas l'essentiel, mais ce que nous as­sociions dans l'image. Nous nous prenions pour de grands “réalistes”, mais nous n'étions que des “réalistes des uni­versaux” (et seulement, comme le veut la conditio humana, selon notre prétention).

Beaucoup d'entre nous pensaient avoir entre les mains la clef donnant accès aux énigmes de l'univers. En réalité, nous avions troublé notre regard sur le monde en usant d'un filtre d'abstractions. On devient ainsi la proie facile de ceux qui veulent nous faire gober que le vrai monde un jour vien­dra, mais dans le futur. Ou on devient la proie d'autres mar­chands d'illusions (moins nombreux mais plus dangereux) qui veulent nous faire croire que le vrai monde a déjà été, et qu'il est irrévocablement perdu. L'espoir existe, quand on com­mence à se rendre compte que l'on passe ainsi à côté de sa vraie vie, unique, spécifique et irremplaçable.

Armin MOHLER

(ex: Der Nasenring. Im Dickicht der Vergangenheitsbewältigung, op.cit., pp. 34-37).

Quand mes premières convictions se sont érodées…

Quand ai-je cessé d'être étudiant de gauche? Je sais du moins le jour où j'ai pris conscience que tout cela était absolument faux: le 22 juin 1941. Toutefois ma conviction que le psycho-marxisme était la clef de l'univers avait déjà été ébranlée.

Je n'étais pas le type prêt à déployer des efforts pendant toute sa vie pour réaliser les lunes de l'universalisme. Dans tous les cas de figure, on peut difficilement évaluer ce que l'on reçoit en héritage avant sa naissance. Personnellement, après ma naissance, j'ai eu de la chance. Mes parents vi­vaient un mariage heureux. Mon père était un homme dis­cret, mais il possédait une autorité naturelle et incontestée. Ma mère, plus entreprenante, était son complément parfait dans la vie. La maison parentale était une maison où régnait l'ordre, mais elle n'était pas ennuyeuse. Je n'ai pas été gâté. Mes parents n'en avaient pas les moyens. Les petites misè­res quotidiennes, physiques ou psychiques, n'ont jamais don­né lieu à des excitations ou des émotions hors de l'ordi­nai­re: on savait qu'elles faisaient partie du lot de tous les vi­vants. Ainsi, j'ai hérité d'un état d'esprit que je ne qualifierais pas d'optimisme mais plutôt de “goût pour la vie” (Lebens­lust).

Le mouvement frontiste en Suisse

Quand je me suis dégagé du corset des idéologies de gau­che, c'est ce goût pour la vie qui a été le moteur principal. Mais ce n'était pas le seul. Quoi qu'il en soit, ce n'est cer­tainement pas la droite suisse de l'époque qui a constitué un moteur supplémentaire. Pour autant qu'il y ait eu des grou­pe­ments qualifiables de “conservateurs” en Suisse du temps de ma jeunesse, et pour autant que ces groupements n'aient pas été édulcorés, ils étaient de nature “patricienne” et/ou catholique. Ces deux fondements m'étaient étrangers. J'étais issu de la petite bourgeoisie, je ne me suis jamais senti chré­tien et, au jour de ma majorité, j'ai quitté volontairement l'é­gli­se réformée, dans laquelle j'avais été éduqué. Le maur­ras­sisme, représenté en Suisse romande, aurait pu m'attirer. Mais le Suisse alémanique a toujours été coupé de la Suisse francophone. En général, il connaît mieux Paris ou la Pro­ven­ce. Pour un garçon comme moi, qui tentait de trouver une voie à droite, il ne restait plus que le mouvement fron­tiste en Suisse alémanique (c'est-à-dire des mouvements comme le Neue Front, le Nationale Front, le Volksbund, etc.). Ce mouvement était un de ces nombreux mouvements de renouveau qui surgissaient partout en Europe à cause de la crise économique et que les politologues contemporains qualifient de “fascistoïde”.

En 1931, au moment où les fronts connaissaient leur prin­temps, je n'avais que onze ans, sinon je me serais facile­ment laisser entraîner par eux. Ce mouvement de renou­veau, à ses débuts, pouvait compter sur l'assentiment de nom­breuses strates de la population. Il avait été initié par des jeunes loups issus des partis établis, qui voulaient créer quelque chose pour absorber le mécontentement général et la lassitude de la population contre les partis conventionnels. Pourtant, très vite, les fronts suisses ont créé leur propre dynamique. On vit apparaître des similitudes de style avec le fascisme tel qu'il se manifestait dans toute l'Europe mais, à partir de 1933, l'ombre compromettante du Troisième Reich s'est étendue sur le mouvement frontiste. Les représentants des associations de l'établissement, qui participaient à ces fronts, ont rapidement pris leurs distances, dès 1933. Les in­tellectuels, qui étaient les pendants suisses de la “Révolution Conservatrice” allemande à Zurich ou à Berne, sont resté plus longtemps dans ces formations politiques et ont béné­ficié de l'approbation de la Jeunesse dorée qui s'ennuyait. Cependant, lors des exécutions de la Nuit des Longs Cou­teaux, le 30 juin 1934, à Munich et à Berlin, plusieurs victi­mes étaient des représentants de la “Révolution conser­va­trice”; choqués, la plupart de ces intellectuels suisses con­ser­vateurs-révolutionnaires quittent la vie publique et se ré­fu­gient dans leur tour d'ivoire. Le seul siège frontiste au Par­lement suisse est rapidement perdu. Ce qui a subsisté des fronts a été marginalisé par la société libérale avec tous les moyens dont elle disposait. Les chefs les plus modérés se sont repliés sur leur vie privée. Une partie des leaders les plus radicaux se sont réfugiés dans le Troisième Reich pour échapper à la police et à la justice helvétiques. Il n'est plus resté qu'une troupe sans chefs, dont le nombre ne cessait de se réduire: des petites gens, obnubilés par une seule idée fixe, que les francs-maçons et les juifs (dans cet ordre) é­taient responsables de tous les maux de la Terre.

Le Major Leonhardt du Volksbund

Une théorie du complot aussi lapidaire n'était pas ce qu'il fallait pour un type comme moi, qui était sur le point de résoudre l'énigme de l'univers. Pourtant, un jour, je me suis ha­sardé dans l'antre du lion. J'ai assisté à un meeting du plus radical des chefs frontistes, le Major Leonhardt, chef du Volksbund, une dissidence du Nationale Front. (Comme l'ar­mée, à l'époque, était encore une institution sacro-sainte, le fils d'un Allemand naturalisé utilisait ses galons d'officier pour faire de la propagande en faveur du Volksbund). Ce mee­ting a dû avoir lieu au plus tard en 1939, car j'ai lu dans une thèse de doctorat consacrée au Volskbund, que Leon­hardt avait émigré en Allemagne en 1939 et qu'il y a trouvé la mort en 1945 lors d'un raid aérien allié. Extérieurement, il correspondait à son surnom: “le Julius Streicher suisse”. Ef­fectivement, son corps était d'allure pycnique, tassée, il sem­blait ne pas avoir de cou; il avait le même crâne pointu que Streicher, un crâne qui semblait toujours prêt à l'attaque. Il avait aussi des talents d'orateur comparables, comme j'allais ra­pidement le constater à mes dépens. Après le discours du Ma­jor —sur la Suisse “souillée” par les francs-maçons et les juifs— j'ai osé formuler une remarque. Je ne sais plus au­jourd'hui ce que j'ai dit alors. Mais je n'ai pas oublié que le Major Leonhardt a tout de suite repéré que j'étais étudiant. Il m'a directement attaqué ad personam. (Dans la thèse que j'é­voquais tous à l'heure, j'ai lu qu'il avait justifié sa rupture et celle de ses ouailles avec le Nationale Front car celui-ci était entièrement tombé sous la coupe des universitaires). Le Ma­jor a commencé à me répondre froidement, puis m'a admi­nistré une litanie d'injures, d'une voix toujours plus élevée; les insultes successives semblaient s'enrouler autour de moi comme une spirale. Leur contenu approximatif? Le contri­bua­ble suisse fait construire des universités avec son argent et qu'en sort-il? Des universitaires étrangers au monde, qui ont appris tant de choses inutiles qu'ils ne savent même plus quels sont les véritables ennemis du peuple! Leonhardt avait bien chauffé son public: les uns me regardaient avec un air nar­quois, les autres me lançaient des regards haineux; quant à moi, j'étais également échaudé car que peut-on op­poser à une telle avalanche d'insultes? Je n'ai revécu de si­tuation semblable qu'à la fin des années 60 et au début des années 70 dans les “discussions” qui avaient lieu à l'époque dans les universités ouest-allemandes.

Mobilisé dans l'armée suisse en 1940

Comme les fronts n'ont nullement contribué à me faire des­cen­dre de mon petit trône de libéral de gauche, quelle est a­lors la force qui m'en a fait descendre? Avec la distance que procure l'âge, je dois bien constater que ma mobilisation dans les rangs de l'armée suisse en 1940 a eu sa part. Le “drill” helvétique de l'époque était encore très rude: mes com­patriotes qui ont d'abord servi dans l'armée suisse puis, plus tard, dans la Waffen SS allemande, considèrent que l'in­struction dans notre pays était plus dure que celle qui prévalait dans les divisions de Himmler. Avec l'état d'esprit qui était le mien en ce temps-là, j'ai endossé l'uniforme avec des sentiments anti-militaristes. Je n'ai pas été un bon soldat et, à la fin de mes classes de conscrit, mon commandant m'a demandé si je voulais devenir aspirant officier (on le de­man­dait automatiquement à tout universitaire à l'époque). J'ai répondu “non merci!” et je suis resté simple fantassin. A ma grande surprise toutefois, je sentais que certains aspects du service me plaisaient. Ainsi la course avec paquetage d'as­saut et fusil me plaisait. Je ne pouvais pas me hisser au-dessus de la barre fixe mais j'étais un bon coureur à pied. Pour un étudiant anti-militariste, ces petits plaisirs peuvent en­core se justifier: c'est du sport. Mais, il y avait plus inquié­tant pour un pacifiste de gauche: des plaisirs quasi ataviques m'emportaient dans un domaine strictement militaire, notam­ment le drill. Je ne pouvais pas réprimer une profonde satis­fac­tion quand mon peloton, après des journées d'exercices, fai­sait claquer ses fusils sur le sol sans “effet de machine à é­crire”. (Pour les civils, cela signifie: lorsque les crosses des fu­sils tombent sur le sol en ne faisant plus tAc-TaC-taC-Tac dans le désordre et sans unisson, mais avec un seul et uni­que TAC métallique sur les dalles de la cour de la caserne). Quinze jours auparavant, je me serais encore moqué de ces “enfantillages”.

Aller au peuple

Cependant, l'expérience la plus importante de mon service mi­litaire est venue après l'école des recrues, quand je suis passé au service actif et quand j'ai été affecté à la garde de la frontière. On m'avait envoyé dans une compagnie de Schützen (= tirailleurs), composée d'hommes, aptes à porter les armes, issus de toutes les classes d'âge mais aussi, comme habituellement dans l'infanterie, d'hommes venus de tous les horizons de la vie civile. Dans une société haute­ment spécialisée, l'intellectuel éprouvera des difficultés à fai­re ample connaissance avec des “gens du peuple”. Il n'exis­te que deux institutions où il peut le faire, vingt-quatre heures sur vingt-quatre: la prison et le service militaire. Les deux ans de mon service le long de la frontière m'ont beaucoup plus apporté dans ma formation humaine que le double du temps que j'avais passé auparavant dans les universités. (…) Dans cette optique autobiographique, je me contenterai d'une citation, qui résume bien l'affaire. Elle provient de l'œu­vre d'un Suisse original, Hans Albrecht Moser (1882-1978); je l'ai tirée de son journal Ich und der andere, paru à Stutt­gart en 1962. La voici: «L'humain se trouve plus facile­ment dans l'homme normal que dans l'homme excep­tion­nel. C'est pourquoi cet homme normal m'attire da­van­tage. Pour satisfaire des besoins spirituels, il existe des livres».

Découvrir Spengler

Pour ce qui concerne les livres, je m'empresse de dire ceci: j'ai continué à en dévorer, sans discontinuité, et, parmi eux, j'ai surtout lu les grands critiques du libéralisme. Ces lectu­res ont beaucoup contribué à faire crouler mes palais imagi­nai­res et utopiques. J'avais déjà commencé à lire Nietzsche quand j'étais scout. Pendant mes deux ans de garde le long de la frontière, je suis passé aux autres grands anti-libéraux. L'expérience la plus originale que j'ai eue, c'est en lisant Os­wald Spengler. Au sommet de ma période de gauche, j'avais tenté de lire Le Déclin de l'Occident. (Bien sûr, pour appren­dre à connaître l'adversaire). Mais je n'étais pas parvenu à franchir le cap des premières pages: pour moi, le texte était absolument incompréhensible. La notoriété de cet ouvrage res­tait un mystère pour moi, même d'un point de vue thérapeu­tique. Vers la fin de ma période d'incubation, que je viens de vous esquisser —ce devait être au début de l'an­née 1941— les deux énormes volumes me sont tombés une nouvelle fois entre les mains. J'ai ouvert le premier à n'im­por­te quelle page et j'ai commencé à lire, sans m'arrêter, et au bout de quelques jours, j'avais entièrement parcouru les deux tomes. Pourquoi n'avais-je pas pu faire la même ex­pé­rience lors de ma première tentative? Quelque chose d'es­sen­tiel en moi avait changé, mais je n'en avais pas encore idée.

Armin MOHLER

(ex: Der Nasenring. Im Dickicht der Vergangenheitsbewältigung, op.cit., pp. 37-41).

 

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vendredi, 19 octobre 2007 | Lien permanent | Commentaires (1)

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