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samedi, 10 mars 2007

Erreurs stratégiques des Gaulois

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LES ERREURS STRATEGIQUES DES GAULOIS FACE A CESAR

Par PHILIPPE RICHARDOT

La guerre des Gaules est presque toujours vue du côté des Romains, car il n'y a pas eu de grands historiens gaulois pour rapporter l'évènement. Qui plus est, la guerre des Gaules est vue du côté du conquérant romain, Jules César, auteur du seul grand récit sur le sujet, admirablement ramassé dans ses Commentaires. Même lorsque certains historiens contemporains essaient de prendre César en flagrant délit de désinformation, c'est toujours du côté romain qu'ils se placent, tant la conquête de la Gaule a, après deux millénaires, romanisé les descendants des fils de la Gaule vaincue. Le nom même de 'Gaulois' est un jeu de mots latins qui signifie 'coq', déformé d'après le nom que se donnaient les Celtes de Gaule. Limage classique de César est celle d'un conquérant de marbre qui réalise un grand projet de civilisation sur un peuple aussi indiscipliné que divisé dont l'ardeur bravache vient se briser contre l'art des légions. Hors des poncifs et d'une analyse romanocentrique, cet ouvrage montre un César politicien qui mène une quasi-guerre privée, sinon partisane pour financer sa carrière à Rome, voire pour échapper au tribunal. En face de lui, des Gaulois, certes divisés, dont la partie méridionale, déjà romanisée, choisit le camp de César. Des Gaulois, dont la communauté de culture apparaît malgré les clivages politiques aussi profonds entre tribus rivales qu'à l'intérieur d'elles-mêmes. Mais c'est une Gaule riche, en proie à une crise démographique et militaire qu'aggresse César avec un cynisme implacable : une Gaule incapable de s'opposer aux migrations armées des Germains et des Helvètes, avant d'être écrasée par le conquérant Romain. Si le résultat de la lutte est connu, les calculs des Gaulois, la valeur stratégiques de leurs chefs, l'art militaire des peuples celto-germaniques, les opérations les moins avouables de César sont peu étudiées, les Gaulois pouvaient-ils l'emporter? César était-il un maître joueur d'échecs ou a-t-il vaincu sur les erreurs de stratégie des Celtes ?

Ed. Economica

Texte en français
184 pages
Format : 155 X 240

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Petite histoire de l'idéologie roumaine

Petite histoire de l'idéologie roumaine

 

 

 

par Robert STEUCKERS

 

 

 

Analyse:

 

Armin HEINEN, Die Legion "Erzengel Michael" in Rumänien. Soziale Bewegung und politische Organisation. Ein Beitrag zum Problem des internationalen Faschismus,  R. Oldenbourg Verlag, München, 1986, 558 S., DM 128, ISBN 3-486-53101-8.

 

 

 

L'ouvrage d'Armin Heinen, consacré au mouve­ment de Codreanu, diffère de beaucoup d'autres tra­vaux consacrés à la Garde de Fer et aux tu­mul­tes de la politique roumaine de l'entre-deux-guer­res. Il en diffère parce qu'il explore à fond le con­texte historique de la Roumanie depuis son émer-gence en tant qu'Etat et parce qu'il résume, de ma­nière limpide et pédagogique, les multiples li­néa­ments de l'idéologie nationale roumaine. Ce sont ces pages-là que nous analyserons dans le pré­sent article, laissant de côté  —mais pour y re­venir plus tard—  l'exposé brillant et détaillé des é­vé­nements politiques du terrain que Heinen nous livre dans son remarquable ouvrage. 

 

 

 

Au XIXième siècle, les principautés roumaines (la Moldavie et la Valachie), en s'émancipant de la tutelle ottomane, entrent automatiquement dans un champ conflictuel, excitant la convoitise des puis­sances voisines, l'Autriche-Hongrie et la Rus­sie. La société, marquée par l'orthodoxie aux ré­­flexes ruraux et par l'idéologie guerrière tur­que/ot­tomane, reçoit comme de mauvais gref­fons les éléments épars de l'occidentalisme, le li­béra­lis­me économique et politique. La société roumai­ne est affectée par une cascade de crises dues aux facteurs de modernisation: dans une société ac­coutumée à la dépendance voire au ser­vage, l'é­man­cipation moderne ébranle les struc­tures so­cia­les. En amont, chez les dirigeants, les principes in­dividualistes, propres à la modernité politique, disloquent le sens du devoir de solida­rité et de cha­rité, plongeant du même coup les masses ru­ra­les dans la perplexité puis dans la co­lère. En aval, dans les masses, le respect pour les élites tradi­tion­nelles s'estompe et, vis-à-vis des élites im­por­tées ou de la bourgeoisie urbaine émergente, éclot une haine qu'il sera de plus en plus difficile de contenir. Pour les masses, les élites tradition­nel­les ont succombé aux tentations du mirage oc­ci­dentaliste; elles ont basculé dans le péché, en ou­bliant leurs devoirs paternalistes de solidarité et de charité. Les élites importées et les élites urbai­nes (ou fraîchement urbanisées) sont, elles, les ten­tatrices, les vectrices du péché.

 

 

 

Le poporanisme, équivalent roumain du narodnikisme russe

 

 

 

Dans un tel contexte, à terme explosif, se profi­lent quatre filons idéologiques, dont trois sont cal­qués sur leurs équivalents ouest-européens: le libéralisme, le conservatisme, le socialisme; qua­trième filon, le «poporanisme», lui, est «na­tio­nal» (au sens ethnique) et paysan, c'est-à-dire at­ta­ché aux modulations traditionnelles des rela­tions sociales. Le libéralisme roumain est coincé en­tre une volonté théorique de démocrati­sation et la défense effective d'intérêts précis (ceux de la bour­geoisie «parvenue» et importée). Le conser­va­tisme roumain est, quant à lui, im­mobiliste: rai­sonnant en termes d'idéaltypes con­servateurs fi­gés, il refuse de prendre en compte toutes les mo­difications politiques survenues après 1848. Dans le conservatisme roumain, émerge tout de même une figure intéressante, celle de Constantin Radu­lescu-Motru, auteur de Cultura româna si politi­cia­nismul (= La culture roumaine et la poli­ti­cail­le). Radulescu-Motru es­time que les Roumains, par manque d'énergie, n'ont pas transformé leur culture rurale du départ en une culture plus vaste, plus générale, plus viable, semi-urbaine, ou d'u­ne urbanité non ou­blieuse de ses racines, à la mo­de allemande. Dans cette ruralité demeurée primi­tive et en consé­quence fragilisée, des «politi­cards» et des «avocats», rusés et spéculateurs, ont instrumen­talisé des idées étrangères, occi­den­tales, ont ra­tionalisé à leur profit l'appareil étati­que, pour prendre la place des élites déclinantes et pour bar­rer la route à toute élite nouvelle, issue du peuple roumain, qui se profilerait à l'horizon.

 

 

 

Une doctrine de l'Etat démocratique paysan

 

 

 

Le socialisme roumain, enfin, est un socialisme sans ouvrier, dans un pays aux structures indus­trielles peu développées. Le poporanisme, spéci­fi­cité roumaine, élabore une doctrine de l'Etat dé­mocratique paysan, optant pour une voie non ca­pitaliste. Le poporanisme est donc bel et bien une expression de l'ethnicité rurale roumaine, or­phe­line de ses élites et haïssant les nouveaux ve­nus dans la société roumaine. Il est démocratique par­ce qu'il estime ne plus avoir d'élites tradition­nel­les ou a perdu toute confiance dans les élé­ments qui subsistent de celles-ci. Les dominants tradi­tion­nels ayant dérogé, le peuple roumain doit pren­dre son destin en mains: ses élites doivent sortir directement de ses rangs. Mais son carac­tè­re démocratique ressort également parce qu'il re­fuse toute domination des masses rurales par de nouvelles élites dans lesquelles il ne se reconnaît pas. La voie est non capitaliste parce que le capi­talisme est porté par des éléments non issus de ces masses rurales. L'idéologie poporaniste se ba­­se, au départ, sur les écrits de Constantin Ste­re, un socialiste qui a refusé le marxisme et s'est inspiré des narodniki  russes (et ortho­doxes). Le terme narodniki vient de narod (= peuple), com­me "poporanisme" vient de popor  (= peuple) (Cf. Constantin Stere, «Socialdemocratism sau po­poranism», in Viata românesca, 2, 1907-1908). Stere refuse le marxisme parce qu'il ne con­vient pas à un pays à forte dominante agraire comme la Roumanie. L'idéologie marxiste a été in­capable de produire un discours cohérent sur les masses rurales. Le modèle de l'idéologue po­pu­liste-paysan roumain est le Danemark (qui, en Grundvigt, avait eu son théoricien-poète de la ru­ralité et de la populité, initiateur du courant d'i­dées folkelig, de l'adjectif dérivé de folk, "peu­ple"). Le Danemark a su conserver intact son pay­sannat; par un réseau de coopératives, il a ren­du les petites fermes familiales viables et les a cou­plées au monde industriel. En termes plus en­thousiastes, G. Ibraileanu, un disciple de Stere, ima­gine une Roumanie démocratique, avec un Par­lement de petits producteurs et une armée de paysans-soldats, à la mode des Boers sud-afri­cains; ces chefs de famille permettraient à leurs cadets, filles et garçons, d'étudier des ma­tières cul­turellement enrichissantes, à l'université ou dans les conservatoires, générant ainsi une nou­velle élite intellectuelle ayant acquis ses quali­tés en dehors de toutes préoccupations utilitaires. Con­trairement aux conservateurs, les popora­nis­tes se considéraient comme les successeurs des ré­volutionnaires de 1848. Mais, comme les con­ser­vateurs du mouvement Junimea, ils refu­saient d'inclure dans leur vision idéale de la so­ciété, les éléments non issus des masses rurales.

 

 

 

Les piliers d'un nationalisme ethnique, farouchement

 

anti-occidental

 

 

 

Le conservatisme du mouvement Junimea, dont Radulescu-Motru fut le principal théoricien, et le poporanisme ruraliste de Stere et Ibraileanu sont les deux piliers de l'anti-occidentalisme roumain, dont la Garde de Fer sera, plus tard, un avatar ra­di­calisé. Ceci dit, Stere refusera toujours la ra­di­ca­lisation légionnaire; demeurant rationnel et fi­dèle à son «modèle danois», basant ses argu­ments sur des statistiques et sur des observations empiriques, se bornant à déplorer l'accroissement trop rapide des populations non roumaines en Rou­manie (et des Juifs en particulier), Stere res­te­ra éloigné de toutes les déformations mystiques de son socialisme agrarien.

 

 

 

Sur cette double généalogie idéologique, s'est gref­fé un antisémitisme qui, dans un premier temps, était principalement littéraire. Des figures com­me Mihail Eminescu, Aurel C. Popovici et Ni­colae Iorga effectueront, petit à petit, la syn­thè­se entre le populisme roumain, conservateur ou po­poraniste, le nationalisme inspiré des autres na­tionalismes européens et de l'antisémitisme. Par­mi les leitmotive de cette synthèse: la moder­nité, en accordant un droit égal à tous, confisque aux pay­sans pauvres, porteurs de la substance ethni­que roumaine, l'égalité des chances; la so­ciété mo­derne, impliquant la division du travail, induit un clivage entre producteurs (paysans et artisans) et «parasites» (commerçants et spécula­teurs). L'an­tisémitisme qui découle de ces res­sentiments sociaux présente toutes les nuances et gradations du genre: pour les uns (Iorga et Eminescu), les Juifs sont assimilables s'ils adoptent des «métiers productifs»; pour Stere, qui raisonne en termes ra­tionnels, la naturalisa­tion demeure possible, si les Juifs s'adaptent à la culture roumaine (ce qui re­vient en fait à adopter les mêmes métiers que les Roumains); pour d'autres, comme V. Alecsandri, B.P. Hasdeu, N.C. Paulescu et Alexandru C. Cu­za, toute vie en commun avec les Juifs est im­pos­sible. Comment justifient-ils cette exclusion sans appel? En mettant en avant, comme beau­coup d'autres antisémites européens, des citations du Talmud (Rohling, Rosenberg, Picard, etc.). Pour cette tradition anti-talmudiste, l'existence du Tal­mud dans l'héritage spirituel juif interdit l'as­si­milation et la coexistence pacifique.

 

 

 

Nicolae C. Paulescu introduit cependant des nu­an­ces: la substance populaire roumaine n'est pas tant menacée par la concurrence économique de l'élément juif que par la perte des «directives res­trei­gnantes». Une société rurale est une société «é­conome», épargnante, qui restreint ses pul­sions vers la consommation. Le rôle de la morale est de pérenniser cette propension à la restriction, pour que la société ne perde ni son équilibre ni son harmonie. A.C. Cuza introduit dans ce dis­cours des éléments tirés de Malthus: deux peu­ples, les Roumains et les Juifs, ne peuvent pas vi­vre «dissimilés» sur un même territoire, sans que n'éclate une guerre à mort.

 

 

 

Le divorce entre le peuple et l'élite

 

 

 

Pour Eminescu, la Roumanie est passée de l'o­béissance aux Turcs à l'obéissance à l'étranger (hongrois, juif ou allemand), parce qu'en 1878, au Congrès de Berlin, qui instaure l'indépen­dan­ce définitive de la Roumanie, les puissances im­posent comme clause que les non orthodoxes peu­vent acquérir la citoyenneté rou­maine, intro­dui­sant de la sorte une cassure diffici­lement sur­montable entre la ville et la campagne. Cette cas­su­re marginalise une intelligentsia bril­lante, de souche paysanne et roumanophone, très nom­breu­se et privée d'avenir parce que les postes sont déjà occupés dans les villes, par les franco­philes, les fils urbanisés et francisés des boyards (dénoncés surtout par Iorga), les Juifs, les étran­gers. L'idéal de ces laissés-pour-compte, c'est une culture authentiquement roumaine qui puisse accéder à l'universel, être appréciée dans le mon­de entier, exprimer la créativité profonde de l'âme roumaine aux yeux de tous les peuples de la pla­nète, souder la solidarité des Roumains vi­vant à l'intérieur et à l'extérieur des frontières du ro­yaume.

 

 

 

Cet idéal, les Roumains sentent qu'ils ne pour­ront le réaliser. Raison pour laquelle leur nationa­lisme, au début du XXième siècle, est le produit d'une «conscience malheureuse», de doutes et de peurs. Les Roumains ont l'impression, en 1900, que, dans le siècle qui s'annonce, ils auront le statut d'«ilotes». Heinen (pp. 86-87) résume ce pas­sage au nationalisme angoissé chez Eminescu: «[Chez Eminescu], la nation apparaît comme une essence spécifique, qui déploie ses propres re­ven­dications et a sa propre personnalité. Elle se trouve au-dessus de l'idée de liberté individuelle, ce qui veut dire qu'elle ne se constitue pas par la volonté de ses membres mais est un donné natu­rel se situant au-delà d'eux. Le sens qu'acquiert la vie individuelle d'un chacun existe par la Na­tion et pour la Nation. Le corps populaire me­nace toutefois d'être détruit à cause de la lutte des clas­ses, principe égoïste, rendant impossible le don de soi à la Nation. L'inégalité, résultant de la di­vi­sion du travail social, et les conflits qui en dé­coulent doivent être limités par la conscience d'u­ne appartenance à la Nation. Quant à A.C. Cuza, il estime que la réalité Roumanie ne réside pas dans la lutte des classes mais dans la lutte des races, c'est-à-dire dans la question de savoir si ce sont des Roumains ou des Juifs qui conduiront le pays».

 

 

 

Un vigoureux plaidoyer

 

contre la «raison pure»

 

 

 

Aurel C. Popovici introduisit dans la littérature roumaine la critique conservatrice moderne des fondements du libéralisme. Appuyée sur les tra­vaux de Burke, de Joseph de Maistre, de Gustave Le Bon, de Taine, Langbehn, Houston Stewart Chamberlain et Gumplowicz, sa démarche vise es­sentiellement à déconstruire le mythe de la rai­son pure. Heinen la résume comme suit (p. 87): «L'oeil humain n'a pas été créé pour ne regarder que le soleil. Nous ne pouvons pas éduquer nos jeunes gens pour n'être que de purs savants; nous aurions pour résultat une catégorie sociale de de­mi-cultivés ridicules, avançant des prétentions ir­réalisables [...]. La raison pure dissout tout, re­met en question les structures traditionnelles et met ainsi en danger l'intégration sociale [...]. Sans religion, les gens simples du peuple perdent leur retenue morale, la haine sociale et l'envie "ron­gent des trous" dans la vie spirituelle de la na­tion». Popovici estime que tous les maux du mon­de moderne sont réunis dans la démocratie. Par le fait qu'elle hisse les intérêts matériels de la plèbe insatiable et égalitariste au rang de source des décisions politiques, nous voyons nécessai­rement naître un monde de démagogie, de lutte des classes, orienté seulement vers la satisfaction des intérêts particuliers et éphémères. La ville mo­derne reflète d'ores et déjà, pour Popovici, cet­te dégénérescence des mœurs politiques.

 

 

 

A la décadence de la Roumanie de la fin du XIXième siècle, les nationalistes opposent, nous ex­plique Heinen (p. 89), la grandeur nationale des XVième et XVIième siècles ou évoquent les Da­ces. Les nationalistes roumains préféraient d'of­fice tout ce qui s'était passé avant 1800, les époques de simplicité patriarcale, où règnait une so­lidarité naturelle entre paysans, boyards et let­trés. L'assaut des mœurs occidentales délétères, la pénétration en Roumanie d'éléments étrangers a ruiné définitivement cette harmonie.

 

 

 

Un César lié au peuple

 

 

 

Mais les nationalistes ne veulent pas pour autant d'un retour au Moyen Age. Les innovations de la modernité, notamment dans les domaines éco­no­mique et militaire, doivent être assimilées et sou­mises à des principes directeurs pré-mo­dernes. L'évolution de la société doit être gra­duelle, mais c'est le paysannat de souche qui doit la contrôler, de façon à ce qu'il demeure toujours la classe so­ciale dominante. Pour chapeauter ce paysannat, les nationalistes réclament une monar­chie héré­di­taire, se plaçant au-dessus des classes sociales; le monarque souhaité n'est pas absolu: il devra ê­tre un César lié au peuple. A ses côtés, devra se trou­ver une oligarchie politique capable de com­pren­dre l'évolution naturelle des choses. Raison­nant sur un mode «évolutionnaire», rejet­tant toute forme de rupture révolutionnaire, A.C. Cuza et N. Iorga préconisaient une démocratie constitu­tion­­nelle, ayant pour organe législatif un parle­ment des états, calqué sur ceux de l'Ancien Ré­gime mais adapté aux impératifs de l'heure. Con­trairement à Popovici, influencé par les idéolo­gèmes sociaux-darwiniens, Cuza et Iorga préco­ni­saient l'intervention de l'Etat, notamment dans les domaines de l'enseignement et de la forma­tion professionnelle, parce que le retard économique de la Roumanie était dû, pour une bonne part, à l'absence de corps de métier, de maîtres éduca­teurs, de gildes, d'instituts agronomiques. Emi­nes­cu, Iorga et Cuza réclamaient le partage des grands domaines au profit de groupes, fami­liaux ou villageois, composés de petits paysans. Cette re­vendication distingue les nationalistes des con­servateurs, pour qui l'Etat agrarien doit être dirigé par les gros propriétaires et pour qui l'indivi­dua­lisme de type occidental ne doit pas être abandon­né et/ou éradiqué au profit d'un don total de la personne à la nation.

 

 

 

L'influence de la revue «Samanatorul»

 

 

 

Après la première guerre mondiale, quand la don­ne change de fond en comble, le poporanisme de Stere se transforme en «taranisme» (de "tsa­ra", paysan). Le néo-nationalisme gardiste prend une coloration mystique, absente chez Iorga et Cu­za. Le projet de fonder un système d'éducation ra­tion­nel, mettant l'accent sur l'agronomie et le dé­veloppement des corps de métier, cède le pas, dans l'idéologie gardiste, à une éducation de type militaire (milice de Dieu) et activiste. Ce glisse­ment vers le mysticisme armé et politisé, s'est o­pé­ré, graduellement, par l'intermédiaire d'une re­vue très lue, Samanatorul  (= Le Semeur), dont Ni­colae Iorga fut pendant un certain temps le ré­dacteur-en-chef. Le «samanatorisme» esquissa, dans le monde des lettres roumain, l'image d'un vil­lage où vivent deux peuples, selon des modes très différents. D'un côté, la Roumanie patriar­ca­le, avec ses boyards, ses lettrés, ses prêtres et ses paysans; de l'autre, les étrangers et les parvenus so­ciaux d'origine non roumaine, qui ne vivent que pour satisfaire leurs intérêts et leurs pulsions.

 

 

 

Dans l'orbite de cette vision samanatoriste, d'abord circonscrite à la littérature, naît un ro­man, de la plume de Bucura Dumbrava, Haiducul (= L'Haiduc). Dumbrava y décrit une société dé­terminée par des conflits qui ne sont pas de nature sociale mais ethnique. Les Phanariotes grecs ont pu régner sur les Valaques et les Moldaves parce que l'élite nationale était désunie. Précisément par­ce qu'elle était étrangère, la domination des Pha­nariotes était arbitraire. L'idéal de Dumbrava est le Prince Vlad Tepes (1448-1476), souverain im­placable mais national. Dans son roman, les ban­des de brigands que sont les Haiducs, repré­sentent le renouveau national. Ils se placent déli­bérément en dehors des lois, pour faire triompher le véritable droit national, oblitéré par les domi­nants étrangers. Les paysans considèrent les Hai­ducs comme leurs protecteurs et leurs sau­veurs; ils les nourrissent et les cachent comme des par­ti­sans. A l'intérieur des bandes, les membres sont liés par serment et se placent sous l'autorité d'un chef aux qualités exceptionnelles, le Capitan. Tra­hir le Capitan  implique non seule­ment une entor­se aux règles du groupe mais est un crime contre l'ensemble du peuple roumain et mérite, de ce fait, la mort. Dans ce roman, lu par des quantités d'adolescents roumains, se retrou­vent l'éthique na­tionale et l'esprit de corps de la Garde de Fer, expression d'un nationalisme nou­veau par rap­port à celui, littéraire et idéologique, des Emines­cu, Iorga et Cuza, fondateurs du Parti National-Dé­mocrate. A l'intérieur de ce parti, dans les an­nées 20, nous trouvons une aile radi­cale, dirigée par Corneliu Sumuleanu et Ion Zelea-Codreanu. De cette aile radicale naîtra, après une rupture survenue quelques années plus tard, la Légion de l'Archange Michel.

 

 

 

(Nous donnons ici une vision assez incomplète du livre d'Armin Heinen; les chapitres sur l'é­volution des doctrines nationalistes en dehors de la Légion et de la Garde sont importants eux aus­si; notamment, quand il évoque, dans l'œuvre de Mihail Maïnolesco, le passage du néo-libéra­lisme technocratique roumain à la doctrine du parti uni­que et du corporatisme moderne. Maïnolesco a eu une influence très importante en Allemagne, en I­talie, dans la France de Vichy et dans la Po­litieke Akademie de Victor Leemans à Lou­vain en Flan­dre. Maïnolesco a donné une di­men­sion euro­péen­ne à l'idéologie roumaine. Nous y revien­drons).

 

 

 

Robert STEUCKERS.    

 

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Balkan: Europäische Perspektive

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Balkan: Europäische Perspektive, aber keine voreiligen Beitritte
 
Von Andreas Mölzer /
http://www.zurzeit.at/  März 2007
 

Bei ihrem jüngsten Treffen haben die Außenminister der Mitgliedstaaten der Europäischen Union wieder einmal die Beitrittsperspektive für die Staaten des sogenannten Westbalkans bekräftigt. Zweifelsfrei sind Staaten wie Serbien, Montenegro oder Mazedonien ein Teil Europas, auch wenn sie jahrhundertelang vom Osmanischen Reich besetzt waren und deshalb auch erst relativ spät die politische Bühne betreten haben. Allerdings darf Brüssel nicht den Fehler der letzten, überhasteten Erweiterungsrunde wiederholen und jene Balkanstaaten, die noch nicht EU-Mitglieder sind, in Bausch und Bogen aufnehmen oder ihnen voreilig die Mitgliedschaft versprechen. 


Derzeit erfüllt als einziger Staat in der Region nur Kroatien die Kopenhagener Kriterien, weshalb Agram auch aufgenommen werden sollte. Wann aber beispielsweise Serbien EU-reif sein wird, läßt sich heute beim besten Willen nicht sagen. Daher sollte Serbien, das Schlüsselland am Balkan, wie auch die übrigen Balkanstaaten, die schon laut an die EU-Türe anklopfen, erst nach entsprechend langen Vorlauffristen und erst dann, wenn an deren Beitrittsreife keine Zweifel mehr bestehen, in die EU aufgenommen werden. 


Die vielzitierte europäische Perspektive für all jene Balkanstaaten, die in die EU drängen, ist vor allem als ordnungspolitische Aufgabe für Brüssel zu sehen. Denn mit dem Zusammenbruch der alten Ordnung, dem Untergang Jugoslawiens, einem Kunstprodukt der Pariser Vororteverträge, entstand am Balkan ein sicherheitspolitisches Vakuum, das von den Vereinigten Staaten und ihres militärischen Arms, der NATO, gefüllt werden könnte. Der Beitritt der Baltischen Staaten, Polens oder Tschechiens zum nordatlantischen Bündnis zeigte bereits die Folgen der aggressiven US-Außenpolitik auf europäischem Boden. Das Verhältnis zu Rußland, das der natürliche strategische Partner der EU ist, wurde belastet, und Warschau oder Prag fühlen sich in ihrer Außen- und Sicherheitspolitik weniger ihren „europäischen Partnern“, sondern vielmehr der Befehlszentrale in Washington verpflichtet. Daher kann das mögliche Festsetzen einer fremden Macht an seiner südöstlichen Flanke für Europa nicht von Interesse sein. 
Das Wahrnehmen seiner ordnungspolitischen Aufgabe am Balkan ist auch ein Testfall dafür, wie es um die Gemeinsame Außen- und Sicherheitspolitik der EU wirklich bestellt ist. Noch vor eineinhalb Jahrzehnten, als das alte Jugoslawien in seine ethnischen Bestandteile zerfiel, zeigten sich auf bittere Weise jene Bruchlinien zwischen Deutschland, Frankreich und Großbritannien, die auf die alten, im späten 19. Jahrhundert fußenden Bündnisse zurückgehen. Als Kroatien seine Unabhängigkeit erklärte, fand Agram in Deutschland und Österreich, personifiziert durch die Außenminister Hans Dietrich Genscher und Alois Mock, die engagiertesten Unterstützer seiner Eigenstaatlichkeit, während Frankreich und Großbritannien ihren „serbischen Verbündeten“ auf dem diplomatischen Parkett alle erdenkliche Hilfe zukommen ließen. Als Folge dieses unwürdigen Schauspiels wurde die ganze Welt Zeuge der sicherheitspolitischen Ohnmacht Europas. 


Und nicht zuletzt ist es ein Gebot der politischen Vernunft, daß die EU am Balkan, der – wie heute der Kosovo heute beweist – noch lange nicht befriedet ist, ihre außen- und sicherheitspolitischen Ankündigungen mit Leben erfüllt. Schließlich ist der Balkan anders als der Kongo, wo die Europäische Union im vergangenen Jahr für Ordnung und Stabilität sorgen sollte, ein Teil Europas.

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