samedi, 10 mars 2007
Erreurs stratégiques des Gaulois
LES ERREURS STRATEGIQUES DES GAULOIS FACE A CESAR
Par PHILIPPE RICHARDOT
La guerre des Gaules est presque toujours vue du côté des Romains, car il n'y a pas eu de grands historiens gaulois pour rapporter l'évènement. Qui plus est, la guerre des Gaules est vue du côté du conquérant romain, Jules César, auteur du seul grand récit sur le sujet, admirablement ramassé dans ses Commentaires. Même lorsque certains historiens contemporains essaient de prendre César en flagrant délit de désinformation, c'est toujours du côté romain qu'ils se placent, tant la conquête de la Gaule a, après deux millénaires, romanisé les descendants des fils de la Gaule vaincue. Le nom même de 'Gaulois' est un jeu de mots latins qui signifie 'coq', déformé d'après le nom que se donnaient les Celtes de Gaule. Limage classique de César est celle d'un conquérant de marbre qui réalise un grand projet de civilisation sur un peuple aussi indiscipliné que divisé dont l'ardeur bravache vient se briser contre l'art des légions. Hors des poncifs et d'une analyse romanocentrique, cet ouvrage montre un César politicien qui mène une quasi-guerre privée, sinon partisane pour financer sa carrière à Rome, voire pour échapper au tribunal. En face de lui, des Gaulois, certes divisés, dont la partie méridionale, déjà romanisée, choisit le camp de César. Des Gaulois, dont la communauté de culture apparaît malgré les clivages politiques aussi profonds entre tribus rivales qu'à l'intérieur d'elles-mêmes. Mais c'est une Gaule riche, en proie à une crise démographique et militaire qu'aggresse César avec un cynisme implacable : une Gaule incapable de s'opposer aux migrations armées des Germains et des Helvètes, avant d'être écrasée par le conquérant Romain. Si le résultat de la lutte est connu, les calculs des Gaulois, la valeur stratégiques de leurs chefs, l'art militaire des peuples celto-germaniques, les opérations les moins avouables de César sont peu étudiées, les Gaulois pouvaient-ils l'emporter? César était-il un maître joueur d'échecs ou a-t-il vaincu sur les erreurs de stratégie des Celtes ?
Ed. Economica
Texte en français
184 pages
Format : 155 X 240
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Petite histoire de l'idéologie roumaine
par Robert STEUCKERS
Analyse:
Armin HEINEN, Die Legion "Erzengel Michael" in Rumänien. Soziale Bewegung und politische Organisation. Ein Beitrag zum Problem des internationalen Faschismus, R. Oldenbourg Verlag, München, 1986, 558 S., DM 128, ISBN 3-486-53101-8.
L'ouvrage d'Armin Heinen, consacré au mouvement de Codreanu, diffère de beaucoup d'autres travaux consacrés à la Garde de Fer et aux tumultes de la politique roumaine de l'entre-deux-guerres. Il en diffère parce qu'il explore à fond le contexte historique de la Roumanie depuis son émer-gence en tant qu'Etat et parce qu'il résume, de manière limpide et pédagogique, les multiples linéaments de l'idéologie nationale roumaine. Ce sont ces pages-là que nous analyserons dans le présent article, laissant de côté —mais pour y revenir plus tard— l'exposé brillant et détaillé des événements politiques du terrain que Heinen nous livre dans son remarquable ouvrage.
Au XIXième siècle, les principautés roumaines (la Moldavie et la Valachie), en s'émancipant de la tutelle ottomane, entrent automatiquement dans un champ conflictuel, excitant la convoitise des puissances voisines, l'Autriche-Hongrie et la Russie. La société, marquée par l'orthodoxie aux réflexes ruraux et par l'idéologie guerrière turque/ottomane, reçoit comme de mauvais greffons les éléments épars de l'occidentalisme, le libéralisme économique et politique. La société roumaine est affectée par une cascade de crises dues aux facteurs de modernisation: dans une société accoutumée à la dépendance voire au servage, l'émancipation moderne ébranle les structures sociales. En amont, chez les dirigeants, les principes individualistes, propres à la modernité politique, disloquent le sens du devoir de solidarité et de charité, plongeant du même coup les masses rurales dans la perplexité puis dans la colère. En aval, dans les masses, le respect pour les élites traditionnelles s'estompe et, vis-à-vis des élites importées ou de la bourgeoisie urbaine émergente, éclot une haine qu'il sera de plus en plus difficile de contenir. Pour les masses, les élites traditionnelles ont succombé aux tentations du mirage occidentaliste; elles ont basculé dans le péché, en oubliant leurs devoirs paternalistes de solidarité et de charité. Les élites importées et les élites urbaines (ou fraîchement urbanisées) sont, elles, les tentatrices, les vectrices du péché.
Le poporanisme, équivalent roumain du narodnikisme russe
Dans un tel contexte, à terme explosif, se profilent quatre filons idéologiques, dont trois sont calqués sur leurs équivalents ouest-européens: le libéralisme, le conservatisme, le socialisme; quatrième filon, le «poporanisme», lui, est «national» (au sens ethnique) et paysan, c'est-à-dire attaché aux modulations traditionnelles des relations sociales. Le libéralisme roumain est coincé entre une volonté théorique de démocratisation et la défense effective d'intérêts précis (ceux de la bourgeoisie «parvenue» et importée). Le conservatisme roumain est, quant à lui, immobiliste: raisonnant en termes d'idéaltypes conservateurs figés, il refuse de prendre en compte toutes les modifications politiques survenues après 1848. Dans le conservatisme roumain, émerge tout de même une figure intéressante, celle de Constantin Radulescu-Motru, auteur de Cultura româna si politicianismul (= La culture roumaine et la politicaille). Radulescu-Motru estime que les Roumains, par manque d'énergie, n'ont pas transformé leur culture rurale du départ en une culture plus vaste, plus générale, plus viable, semi-urbaine, ou d'une urbanité non oublieuse de ses racines, à la mode allemande. Dans cette ruralité demeurée primitive et en conséquence fragilisée, des «politicards» et des «avocats», rusés et spéculateurs, ont instrumentalisé des idées étrangères, occidentales, ont rationalisé à leur profit l'appareil étatique, pour prendre la place des élites déclinantes et pour barrer la route à toute élite nouvelle, issue du peuple roumain, qui se profilerait à l'horizon.
Une doctrine de l'Etat démocratique paysan
Le socialisme roumain, enfin, est un socialisme sans ouvrier, dans un pays aux structures industrielles peu développées. Le poporanisme, spécificité roumaine, élabore une doctrine de l'Etat démocratique paysan, optant pour une voie non capitaliste. Le poporanisme est donc bel et bien une expression de l'ethnicité rurale roumaine, orpheline de ses élites et haïssant les nouveaux venus dans la société roumaine. Il est démocratique parce qu'il estime ne plus avoir d'élites traditionnelles ou a perdu toute confiance dans les éléments qui subsistent de celles-ci. Les dominants traditionnels ayant dérogé, le peuple roumain doit prendre son destin en mains: ses élites doivent sortir directement de ses rangs. Mais son caractère démocratique ressort également parce qu'il refuse toute domination des masses rurales par de nouvelles élites dans lesquelles il ne se reconnaît pas. La voie est non capitaliste parce que le capitalisme est porté par des éléments non issus de ces masses rurales. L'idéologie poporaniste se base, au départ, sur les écrits de Constantin Stere, un socialiste qui a refusé le marxisme et s'est inspiré des narodniki russes (et orthodoxes). Le terme narodniki vient de narod (= peuple), comme "poporanisme" vient de popor (= peuple) (Cf. Constantin Stere, «Socialdemocratism sau poporanism», in Viata românesca, 2, 1907-1908). Stere refuse le marxisme parce qu'il ne convient pas à un pays à forte dominante agraire comme la Roumanie. L'idéologie marxiste a été incapable de produire un discours cohérent sur les masses rurales. Le modèle de l'idéologue populiste-paysan roumain est le Danemark (qui, en Grundvigt, avait eu son théoricien-poète de la ruralité et de la populité, initiateur du courant d'idées folkelig, de l'adjectif dérivé de folk, "peuple"). Le Danemark a su conserver intact son paysannat; par un réseau de coopératives, il a rendu les petites fermes familiales viables et les a couplées au monde industriel. En termes plus enthousiastes, G. Ibraileanu, un disciple de Stere, imagine une Roumanie démocratique, avec un Parlement de petits producteurs et une armée de paysans-soldats, à la mode des Boers sud-africains; ces chefs de famille permettraient à leurs cadets, filles et garçons, d'étudier des matières culturellement enrichissantes, à l'université ou dans les conservatoires, générant ainsi une nouvelle élite intellectuelle ayant acquis ses qualités en dehors de toutes préoccupations utilitaires. Contrairement aux conservateurs, les poporanistes se considéraient comme les successeurs des révolutionnaires de 1848. Mais, comme les conservateurs du mouvement Junimea, ils refusaient d'inclure dans leur vision idéale de la société, les éléments non issus des masses rurales.
Les piliers d'un nationalisme ethnique, farouchement
anti-occidental
Le conservatisme du mouvement Junimea, dont Radulescu-Motru fut le principal théoricien, et le poporanisme ruraliste de Stere et Ibraileanu sont les deux piliers de l'anti-occidentalisme roumain, dont la Garde de Fer sera, plus tard, un avatar radicalisé. Ceci dit, Stere refusera toujours la radicalisation légionnaire; demeurant rationnel et fidèle à son «modèle danois», basant ses arguments sur des statistiques et sur des observations empiriques, se bornant à déplorer l'accroissement trop rapide des populations non roumaines en Roumanie (et des Juifs en particulier), Stere restera éloigné de toutes les déformations mystiques de son socialisme agrarien.
Sur cette double généalogie idéologique, s'est greffé un antisémitisme qui, dans un premier temps, était principalement littéraire. Des figures comme Mihail Eminescu, Aurel C. Popovici et Nicolae Iorga effectueront, petit à petit, la synthèse entre le populisme roumain, conservateur ou poporaniste, le nationalisme inspiré des autres nationalismes européens et de l'antisémitisme. Parmi les leitmotive de cette synthèse: la modernité, en accordant un droit égal à tous, confisque aux paysans pauvres, porteurs de la substance ethnique roumaine, l'égalité des chances; la société moderne, impliquant la division du travail, induit un clivage entre producteurs (paysans et artisans) et «parasites» (commerçants et spéculateurs). L'antisémitisme qui découle de ces ressentiments sociaux présente toutes les nuances et gradations du genre: pour les uns (Iorga et Eminescu), les Juifs sont assimilables s'ils adoptent des «métiers productifs»; pour Stere, qui raisonne en termes rationnels, la naturalisation demeure possible, si les Juifs s'adaptent à la culture roumaine (ce qui revient en fait à adopter les mêmes métiers que les Roumains); pour d'autres, comme V. Alecsandri, B.P. Hasdeu, N.C. Paulescu et Alexandru C. Cuza, toute vie en commun avec les Juifs est impossible. Comment justifient-ils cette exclusion sans appel? En mettant en avant, comme beaucoup d'autres antisémites européens, des citations du Talmud (Rohling, Rosenberg, Picard, etc.). Pour cette tradition anti-talmudiste, l'existence du Talmud dans l'héritage spirituel juif interdit l'assimilation et la coexistence pacifique.
Nicolae C. Paulescu introduit cependant des nuances: la substance populaire roumaine n'est pas tant menacée par la concurrence économique de l'élément juif que par la perte des «directives restreignantes». Une société rurale est une société «économe», épargnante, qui restreint ses pulsions vers la consommation. Le rôle de la morale est de pérenniser cette propension à la restriction, pour que la société ne perde ni son équilibre ni son harmonie. A.C. Cuza introduit dans ce discours des éléments tirés de Malthus: deux peuples, les Roumains et les Juifs, ne peuvent pas vivre «dissimilés» sur un même territoire, sans que n'éclate une guerre à mort.
Le divorce entre le peuple et l'élite
Pour Eminescu, la Roumanie est passée de l'obéissance aux Turcs à l'obéissance à l'étranger (hongrois, juif ou allemand), parce qu'en 1878, au Congrès de Berlin, qui instaure l'indépendance définitive de la Roumanie, les puissances imposent comme clause que les non orthodoxes peuvent acquérir la citoyenneté roumaine, introduisant de la sorte une cassure difficilement surmontable entre la ville et la campagne. Cette cassure marginalise une intelligentsia brillante, de souche paysanne et roumanophone, très nombreuse et privée d'avenir parce que les postes sont déjà occupés dans les villes, par les francophiles, les fils urbanisés et francisés des boyards (dénoncés surtout par Iorga), les Juifs, les étrangers. L'idéal de ces laissés-pour-compte, c'est une culture authentiquement roumaine qui puisse accéder à l'universel, être appréciée dans le monde entier, exprimer la créativité profonde de l'âme roumaine aux yeux de tous les peuples de la planète, souder la solidarité des Roumains vivant à l'intérieur et à l'extérieur des frontières du royaume.
Cet idéal, les Roumains sentent qu'ils ne pourront le réaliser. Raison pour laquelle leur nationalisme, au début du XXième siècle, est le produit d'une «conscience malheureuse», de doutes et de peurs. Les Roumains ont l'impression, en 1900, que, dans le siècle qui s'annonce, ils auront le statut d'«ilotes». Heinen (pp. 86-87) résume ce passage au nationalisme angoissé chez Eminescu: «[Chez Eminescu], la nation apparaît comme une essence spécifique, qui déploie ses propres revendications et a sa propre personnalité. Elle se trouve au-dessus de l'idée de liberté individuelle, ce qui veut dire qu'elle ne se constitue pas par la volonté de ses membres mais est un donné naturel se situant au-delà d'eux. Le sens qu'acquiert la vie individuelle d'un chacun existe par la Nation et pour la Nation. Le corps populaire menace toutefois d'être détruit à cause de la lutte des classes, principe égoïste, rendant impossible le don de soi à la Nation. L'inégalité, résultant de la division du travail social, et les conflits qui en découlent doivent être limités par la conscience d'une appartenance à la Nation. Quant à A.C. Cuza, il estime que la réalité Roumanie ne réside pas dans la lutte des classes mais dans la lutte des races, c'est-à-dire dans la question de savoir si ce sont des Roumains ou des Juifs qui conduiront le pays».
Un vigoureux plaidoyer
contre la «raison pure»
Aurel C. Popovici introduisit dans la littérature roumaine la critique conservatrice moderne des fondements du libéralisme. Appuyée sur les travaux de Burke, de Joseph de Maistre, de Gustave Le Bon, de Taine, Langbehn, Houston Stewart Chamberlain et Gumplowicz, sa démarche vise essentiellement à déconstruire le mythe de la raison pure. Heinen la résume comme suit (p. 87): «L'oeil humain n'a pas été créé pour ne regarder que le soleil. Nous ne pouvons pas éduquer nos jeunes gens pour n'être que de purs savants; nous aurions pour résultat une catégorie sociale de demi-cultivés ridicules, avançant des prétentions irréalisables [...]. La raison pure dissout tout, remet en question les structures traditionnelles et met ainsi en danger l'intégration sociale [...]. Sans religion, les gens simples du peuple perdent leur retenue morale, la haine sociale et l'envie "rongent des trous" dans la vie spirituelle de la nation». Popovici estime que tous les maux du monde moderne sont réunis dans la démocratie. Par le fait qu'elle hisse les intérêts matériels de la plèbe insatiable et égalitariste au rang de source des décisions politiques, nous voyons nécessairement naître un monde de démagogie, de lutte des classes, orienté seulement vers la satisfaction des intérêts particuliers et éphémères. La ville moderne reflète d'ores et déjà, pour Popovici, cette dégénérescence des mœurs politiques.
A la décadence de la Roumanie de la fin du XIXième siècle, les nationalistes opposent, nous explique Heinen (p. 89), la grandeur nationale des XVième et XVIième siècles ou évoquent les Daces. Les nationalistes roumains préféraient d'office tout ce qui s'était passé avant 1800, les époques de simplicité patriarcale, où règnait une solidarité naturelle entre paysans, boyards et lettrés. L'assaut des mœurs occidentales délétères, la pénétration en Roumanie d'éléments étrangers a ruiné définitivement cette harmonie.
Un César lié au peuple
Mais les nationalistes ne veulent pas pour autant d'un retour au Moyen Age. Les innovations de la modernité, notamment dans les domaines économique et militaire, doivent être assimilées et soumises à des principes directeurs pré-modernes. L'évolution de la société doit être graduelle, mais c'est le paysannat de souche qui doit la contrôler, de façon à ce qu'il demeure toujours la classe sociale dominante. Pour chapeauter ce paysannat, les nationalistes réclament une monarchie héréditaire, se plaçant au-dessus des classes sociales; le monarque souhaité n'est pas absolu: il devra être un César lié au peuple. A ses côtés, devra se trouver une oligarchie politique capable de comprendre l'évolution naturelle des choses. Raisonnant sur un mode «évolutionnaire», rejettant toute forme de rupture révolutionnaire, A.C. Cuza et N. Iorga préconisaient une démocratie constitutionnelle, ayant pour organe législatif un parlement des états, calqué sur ceux de l'Ancien Régime mais adapté aux impératifs de l'heure. Contrairement à Popovici, influencé par les idéologèmes sociaux-darwiniens, Cuza et Iorga préconisaient l'intervention de l'Etat, notamment dans les domaines de l'enseignement et de la formation professionnelle, parce que le retard économique de la Roumanie était dû, pour une bonne part, à l'absence de corps de métier, de maîtres éducateurs, de gildes, d'instituts agronomiques. Eminescu, Iorga et Cuza réclamaient le partage des grands domaines au profit de groupes, familiaux ou villageois, composés de petits paysans. Cette revendication distingue les nationalistes des conservateurs, pour qui l'Etat agrarien doit être dirigé par les gros propriétaires et pour qui l'individualisme de type occidental ne doit pas être abandonné et/ou éradiqué au profit d'un don total de la personne à la nation.
L'influence de la revue «Samanatorul»
Après la première guerre mondiale, quand la donne change de fond en comble, le poporanisme de Stere se transforme en «taranisme» (de "tsara", paysan). Le néo-nationalisme gardiste prend une coloration mystique, absente chez Iorga et Cuza. Le projet de fonder un système d'éducation rationnel, mettant l'accent sur l'agronomie et le développement des corps de métier, cède le pas, dans l'idéologie gardiste, à une éducation de type militaire (milice de Dieu) et activiste. Ce glissement vers le mysticisme armé et politisé, s'est opéré, graduellement, par l'intermédiaire d'une revue très lue, Samanatorul (= Le Semeur), dont Nicolae Iorga fut pendant un certain temps le rédacteur-en-chef. Le «samanatorisme» esquissa, dans le monde des lettres roumain, l'image d'un village où vivent deux peuples, selon des modes très différents. D'un côté, la Roumanie patriarcale, avec ses boyards, ses lettrés, ses prêtres et ses paysans; de l'autre, les étrangers et les parvenus sociaux d'origine non roumaine, qui ne vivent que pour satisfaire leurs intérêts et leurs pulsions.
Dans l'orbite de cette vision samanatoriste, d'abord circonscrite à la littérature, naît un roman, de la plume de Bucura Dumbrava, Haiducul (= L'Haiduc). Dumbrava y décrit une société déterminée par des conflits qui ne sont pas de nature sociale mais ethnique. Les Phanariotes grecs ont pu régner sur les Valaques et les Moldaves parce que l'élite nationale était désunie. Précisément parce qu'elle était étrangère, la domination des Phanariotes était arbitraire. L'idéal de Dumbrava est le Prince Vlad Tepes (1448-1476), souverain implacable mais national. Dans son roman, les bandes de brigands que sont les Haiducs, représentent le renouveau national. Ils se placent délibérément en dehors des lois, pour faire triompher le véritable droit national, oblitéré par les dominants étrangers. Les paysans considèrent les Haiducs comme leurs protecteurs et leurs sauveurs; ils les nourrissent et les cachent comme des partisans. A l'intérieur des bandes, les membres sont liés par serment et se placent sous l'autorité d'un chef aux qualités exceptionnelles, le Capitan. Trahir le Capitan implique non seulement une entorse aux règles du groupe mais est un crime contre l'ensemble du peuple roumain et mérite, de ce fait, la mort. Dans ce roman, lu par des quantités d'adolescents roumains, se retrouvent l'éthique nationale et l'esprit de corps de la Garde de Fer, expression d'un nationalisme nouveau par rapport à celui, littéraire et idéologique, des Eminescu, Iorga et Cuza, fondateurs du Parti National-Démocrate. A l'intérieur de ce parti, dans les années 20, nous trouvons une aile radicale, dirigée par Corneliu Sumuleanu et Ion Zelea-Codreanu. De cette aile radicale naîtra, après une rupture survenue quelques années plus tard, la Légion de l'Archange Michel.
(Nous donnons ici une vision assez incomplète du livre d'Armin Heinen; les chapitres sur l'évolution des doctrines nationalistes en dehors de la Légion et de la Garde sont importants eux aussi; notamment, quand il évoque, dans l'œuvre de Mihail Maïnolesco, le passage du néo-libéralisme technocratique roumain à la doctrine du parti unique et du corporatisme moderne. Maïnolesco a eu une influence très importante en Allemagne, en Italie, dans la France de Vichy et dans la Politieke Akademie de Victor Leemans à Louvain en Flandre. Maïnolesco a donné une dimension européenne à l'idéologie roumaine. Nous y reviendrons).
Robert STEUCKERS.
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Balkan: Europäische Perspektive
Balkan: Europäische Perspektive, aber keine voreiligen Beitritte
Von Andreas Mölzer / http://www.zurzeit.at/ März 2007
Bei ihrem jüngsten Treffen haben die Außenminister der Mitgliedstaaten der Europäischen Union wieder einmal die Beitrittsperspektive für die Staaten des sogenannten Westbalkans bekräftigt. Zweifelsfrei sind Staaten wie Serbien, Montenegro oder Mazedonien ein Teil Europas, auch wenn sie jahrhundertelang vom Osmanischen Reich besetzt waren und deshalb auch erst relativ spät die politische Bühne betreten haben. Allerdings darf Brüssel nicht den Fehler der letzten, überhasteten Erweiterungsrunde wiederholen und jene Balkanstaaten, die noch nicht EU-Mitglieder sind, in Bausch und Bogen aufnehmen oder ihnen voreilig die Mitgliedschaft versprechen.
Derzeit erfüllt als einziger Staat in der Region nur Kroatien die Kopenhagener Kriterien, weshalb Agram auch aufgenommen werden sollte. Wann aber beispielsweise Serbien EU-reif sein wird, läßt sich heute beim besten Willen nicht sagen. Daher sollte Serbien, das Schlüsselland am Balkan, wie auch die übrigen Balkanstaaten, die schon laut an die EU-Türe anklopfen, erst nach entsprechend langen Vorlauffristen und erst dann, wenn an deren Beitrittsreife keine Zweifel mehr bestehen, in die EU aufgenommen werden.
Die vielzitierte europäische Perspektive für all jene Balkanstaaten, die in die EU drängen, ist vor allem als ordnungspolitische Aufgabe für Brüssel zu sehen. Denn mit dem Zusammenbruch der alten Ordnung, dem Untergang Jugoslawiens, einem Kunstprodukt der Pariser Vororteverträge, entstand am Balkan ein sicherheitspolitisches Vakuum, das von den Vereinigten Staaten und ihres militärischen Arms, der NATO, gefüllt werden könnte. Der Beitritt der Baltischen Staaten, Polens oder Tschechiens zum nordatlantischen Bündnis zeigte bereits die Folgen der aggressiven US-Außenpolitik auf europäischem Boden. Das Verhältnis zu Rußland, das der natürliche strategische Partner der EU ist, wurde belastet, und Warschau oder Prag fühlen sich in ihrer Außen- und Sicherheitspolitik weniger ihren „europäischen Partnern“, sondern vielmehr der Befehlszentrale in Washington verpflichtet. Daher kann das mögliche Festsetzen einer fremden Macht an seiner südöstlichen Flanke für Europa nicht von Interesse sein.
Das Wahrnehmen seiner ordnungspolitischen Aufgabe am Balkan ist auch ein Testfall dafür, wie es um die Gemeinsame Außen- und Sicherheitspolitik der EU wirklich bestellt ist. Noch vor eineinhalb Jahrzehnten, als das alte Jugoslawien in seine ethnischen Bestandteile zerfiel, zeigten sich auf bittere Weise jene Bruchlinien zwischen Deutschland, Frankreich und Großbritannien, die auf die alten, im späten 19. Jahrhundert fußenden Bündnisse zurückgehen. Als Kroatien seine Unabhängigkeit erklärte, fand Agram in Deutschland und Österreich, personifiziert durch die Außenminister Hans Dietrich Genscher und Alois Mock, die engagiertesten Unterstützer seiner Eigenstaatlichkeit, während Frankreich und Großbritannien ihren „serbischen Verbündeten“ auf dem diplomatischen Parkett alle erdenkliche Hilfe zukommen ließen. Als Folge dieses unwürdigen Schauspiels wurde die ganze Welt Zeuge der sicherheitspolitischen Ohnmacht Europas.
Und nicht zuletzt ist es ein Gebot der politischen Vernunft, daß die EU am Balkan, der – wie heute der Kosovo heute beweist – noch lange nicht befriedet ist, ihre außen- und sicherheitspolitischen Ankündigungen mit Leben erfüllt. Schließlich ist der Balkan anders als der Kongo, wo die Europäische Union im vergangenen Jahr für Ordnung und Stabilität sorgen sollte, ein Teil Europas.
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