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samedi, 01 mars 2025

Jean Parvulesco et le secret de la Nouvelle Vague

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Jean Parvulesco et le secret de la Nouvelle Vague

Nicolas Bonnal

Rebelote avec Jean Parvulesco et le cinéma qui loin de sa marotte était sa Fin ultime: voyez son texte sur David Lynch, le cinéma comme révélation et comme dévoilement de ce monde... Je rappelle qu’il fut émerveillé par Eyes Wide Shut, dernier film du monde, qui annonçait notre post-monde (élites hostiles folles et génocidaires, masse complice et aveugle): il découvrait Kubrick.

Mais parlons de la Nouvelle Vague. Moi aussi elle me rendit prodigieusement nostalgique, comme s’il s’était agi d’une époque, les Sixties, d’ailleurs assez agréables à vivre, et où l’on touchait du doigt le cinéma via la cinéphilie, ce culte nouveau mais bref. Tout s’effondra dans les années 70, assez brutalement je dois dire: mai 68, France défigurée, pornographie, télé, bagnole, gauchisme, crise du pétrole, destruction de Paris : voir notre texte sur Mattelart car cette destruction se fit sur ordre US.

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Fin 1998. Nous sommes à Paris à la Rotonde. Comme toujours Jean est arrivé en avance. Il me dit tout joyeux qu’il allait se faire éreinter dans la revue 1895 (voyez le film de la femme de Coppola, un étrange voyage vers Paris, une traversée de la France en cabriolet 504, et qui passe par une curieuse visite au musée du cinéma à Lyon) par une certaine universitaire nommée Hélène Liogier : du temps de sa jeunesse folle, Parvulesco avait écrit dans une revue de droite espagnole que la nouvelle vague était « fasciste. » Rappelons d’abord que si ce mot est une insulte fourre-tout pour la gauche, il est un vocable fourre-tout pour une certaine droite !

Le texte était évidemment enflammé et hyperbolique, bien dans son style. Il était surtout attrape-tout. Il est évident que ce petit monde qui fut acheté ensuite par les subventions de la culture et de Jack Lang n’allait pas rester longtemps provocateur : il attendait sa retraite sur fond de Kali Yuga français (voyez l’excellent Rebelle de Gérard Blain, acteur de Howard Hawks tout de même, qui exprime le désespoir de cette fin des années Giscard).

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Mais l’auteure, qui l’éreinte plus ou moins bien, oublie certains faits. Parvulesco fut toujours ami de Rohmer, qui fut un fan du Graal et de l’ésotérisme, un arpenteur de la France en sommeil, et même un provocateur (le salut « Montjoie ! » bras tendu au début de La collectionneuse). Même Louis Malle cite Drieu La Rochelle dans le Souffle au cœur et il le filme même quinze ans plus tôt avec Maurice Ronet, qui disait aimer « le goût amer de l’échec ». Voyez mon livre sur la Damnation des stars où je fais le lien entre les stars et le sujet brûlant de l’après-guerre: les rock stars britanniques de la grande époque (Jimmy Page, Bowie, Keith Moon…) furent étonnamment provocantes et tentées. Même un apparent gauchiste comme Jean Eustache fait lire dans la Maman et la putain (deux obsessions du fasciste) un livre sur la SS au copain de J. P. Léaud (quelle vie celui-là : douze ans de rêve, cinquante ans d’oubli). Et l’on connaît le penchant de Truffaut qui a été proche de Rebatet, si l’on oublie le fascisme déclaré de Raoul Coutard (photo,ci-dessous), plus grand chef-op’ de l’après-guerre, héros de la guerre d’Indochine qui célébra SAS ou la légion sautant sur Kolwezi...

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Je repense à un des derniers films du cinéma, Hatari, avec John Wayne, Gérard Blain, Michèle Girardon, future suicidée et actrice de Rohmer - et bien sûr Hardy Kruger : on est dans un exercice de fascisme cool, post-historique mais encore bien colonial. On s’amuse, on attrape des filles (encore que ce soit plutôt les filles qui attrapent des pigeons) et des animaux, on retombe en enfance et on découvre que Nietzsche s’est trompé : on ne renaît pas comme dans Zarathoustra ou dans 2001 quand on retombe en enfance.

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J’allais oublier Paul Gégauff tué au couteau par sa femme, grand provocateur, créateur de la fameuse scène des Cousins : on descend en officier SS dans un escalier le chandelier à la main, en écoutant du Wagner et en épelant du Nietzsche (pauvre Brialy). Gégauff aura avec Chabrol bien montré la transformation en monstre du mâle froncé, à coups de bagnole et de téléradio, au cours des années gaullisto-pompidoliennes : revoyez le Boucher ou que La bête meure en ce sens.

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Rappelons aussi que Le petit soldat fut censuré, comme La religieuse de Rivette ou Les Sentiers de la gloire de Kubrick – et que Malraux, liquidateur de la culture française, abolit la cinémathèque française en 68, ce qui déclencha une mémorable révolte. C’était avec le renvoi de Langlois la fin d’une Eglise. Le cinéma allait devenir ce qu’en dit Duhamel : un divertissement d’ilotes.

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Parvulesco fut l’upagourou de Godard. Il est interviewé à la fin d’A bout de souffle. Habillé comme Bogart (jouer au gangster ou au privé américain, c’est être un homme libre, au moins dans ce foutu hexagone), il répond à une interview à l’aéroport. La vieille France va disparaître et la femme moderne, la « dégueulasse » va prendre le pouvoir avec la sinistre Jean Seberg qui joua aussi Jeanne d’Arc et Bonjour tristesse.

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Parvulesco joué par Melville : saluons encore ce juif, pas très gauchiste non plus, et qui dépeignit admirablement la destruction vitrifiée de la France durant les années gaullistes, voyez ma Destruction de la France au cinéma. Il est temps en tout cas de comprendre que notre anti-héros américain a tout pour fasciner l’intellectuel de droite en Europe. Aldrich dira de son propre Mike Hammer qu’il était un fasciste : certes, mais un fasciste en lutte contre les mafias et le Deep State US dans  En quatrième vitesse. Toute la quincaillerie Belmondo-Delon aura pastiché ces géants du film noir américain.

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Mais il faut reparler de Godard.

Je vais alors rappeler  en quelques mots l’essentiel à savoir sur Godard :

Godard pour moi n’a existé que dans les années soixante, au temps de la splendeur de Bardot, de Belmondo, de Marina Vlady, actrice d’Orson Welles, qui sera lui aussi accusé de fascisme par les gauchistes de la fin des années Malraux. On vivait, pas encore anesthésiés à l’heure de la Conquête du cool décrite par Lipovetsky, et Godard incarne à la fois une révolte formelle – qui a totalement disparu depuis du cinéma – et politique, une révolte proche dans l’esprit de celle des situationnistes.

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En quelques films il remet en cause la réalité de la France bourgeoise, consumériste et gaulliste – et ne propose rien. Il s’est euthanasié ailleurs à plus de 90 ans et, dans un de ses textes cités par Liogier, Parvulesco parle de fascisme qui débouche sur du nihilisme. Pensez aussi à Dominique Venner. Quand il va proposer quelque chose (la Chine maoïste, les Black Panthers, etc.), Godard va sombrer.

Dans A bout de souffle l’aéroport aussi est un signe : on quitte la France profonde, le paysage ancestral devient un terminal. Jünger en a très bien parlé dans Soixante-dix s’efface (NRF, p. 534) de cette disparition du monde et de cette surabondance de paysages spectraux. Dès Alphaville ou Weekend, plus grand pamphlet anti-bagnole de l’Histoire, le monde a disparu. On sent la même intensité du néant palpiter dans les Killers de Don Siegel (toujours lui…) ; dernier grand film de Lee Marvin et aussi dernier film d’un certain Ronald Reagan…

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Aucune envie de polémiquer. Je rappellerai donc que :

Dans A bout de souffle, Godard montre (et dénonce sans doute sans le vouloir) l’américanisation en profondeur et en surface de la France. La France est déjà un pays englouti par l’américanisation, peut-être plus que d’autres (d’où sans doute ce très inutile antiaméricanisme qui nous marque tous). La belle américaine mène notre voyou franchouillard à la mort (comme aujourd’hui ils nous remmènent à l’abattoir – on y a pris goût).

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Dans Alphaville, Godard annonce le nazisme numérique de la Commission de Bruxelles. C’est la victoire du professeur von Braun et de la machine. On a tant écrit sur ce sujet – pour rien encore…

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Dans Deux ou trois choses que je sais d’elle, Godard filme l’horreur des banlieues et des HLM. Le grand remplacement a déjà eu lieu et il est dans les têtes et les paysages. Relire Virilio et mon texte sur ce très grand auteur, repris par son éditeur Galilée.

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Dans Le Petit soldat, Godard fait un film d’extrême-droite, peut-être le seul du cinéma français. C’est sur la guerre d’Algérie. Le film vaut par la surperformance de Michel Subor, acteur d’origine russe-azéri, que l’on retrouvera dans le Rebelle de Blain.

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Dans Le Mépris, Godard lamente, avec le thème sublime de Delerue, la fin du cinéma, la Fin des dieux (il cite Hölderlin et nous montre Fritz Lang), et la fin de la Méditerranée. Le touriste va remplacer les héros odysséens. La crise du couple postmoderne nous barbe beaucoup plus. L’homme aux dieux grecs, à Ulysse et à Ithaque est tout bonnement prodigieux. Ne lisez que Virgile, Homère et Ovide (les Métamorphoses).

D’autres films pourraient être cités de cette extraordinaire époque anarchiste de droite, comme Les Carabiniers, qui avaient enchanté Roman Polanski. Rappelons que ce dernier a longtemps travaillé avec Gérard Brach, devenu un ami grâce à la rédaction de mon livre sur Jean-Jacques Annaud, et qui était un ancien de l’armée allemande... Doux et désabusé, Gérard est présent une seconde dans A bout de souffle.

Les aventuriers de l’arche perdue pourraient aussi suivre les errances de Barbet Schroeder (un autre mutant du cinéma de cette époque), dans More (belles allusions à Otto Skorzeny) et de son équipe dans la Vallée en Nouvelle-Guinée : sublime moment quand Bulle Ogier récite dans le désordre les Scènes de la vie des marionnettes de Kleist sur fond de  monde fragmenté. Certaines scènes annoncent avec beaucoup moins d’argent mais autant d’inspiration Apocalypse now et les citations de T. S. Eliot du colonel Kurz. Godard s’était fait un devoir de défendre ses citations.

Et ce que le cinéma nous aura appris à Jean et à moi finalement c’est qu’on peut faire des films d’extrême-droite tout en étant parfaitement de gauche ; à l’inverse des conservateurs (cf. John Ford) peuvent faire n’importe quoi avec leurs bonnes intentions de droite. De toute manière la question n’est pas là. Une flamme brillait, celle du génie de la Liberté, qui n’est plus là.

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Sources:

https://www.persee.fr/doc/1895_0769-0959_1998_num_26_1_1376

http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2022/09/13/j...

https://www.dedefensa.org/article/kleist-et-le-transhumai...

https://www.dedefensa.org/article/parvulesco-et-david-lyn...

https://www.dedefensa.org/article/la-destruction-de-la-fr...

https://www.dedefensa.org/article/mattelart-les-jo-et-la-...

https://www.dedefensa.org/article/eric-zemmour-et-le-crep...

Rod Dreher et la civilisation de l’avenir

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Rod Dreher et la civilisation de l’avenir

Claude Bourrinet

Source: https://www.facebook.com/profile.php?id=100002364487528

Rod Dreher, dans un article paru dans The European Conservative, repris par breizh-info.com, le 27 février, rappelle ce qui peut sembler une évidence, que, « sans les Européens, l’Europe n’a pas d’avenir ».

Ce catholique américain a publié, il y a quelques années, un essai roboratif, quoique pessimiste, Le Pari bénédictin, remettant, pour ainsi dire, l’église au centre du village, non sans souligner combien il serait vain d’attendre de cette restitutio un « avenir » redonnant, comme un « rivival » civilisationnel, un nouveau souffle à l’Occident. Il constatait en effet que la société engendrée par le triomphe matérialiste, consumériste, hédoniste, individualiste de la modernité, avait vidé de tout sens religieux, spirituel, et même humain, les relations politiques, sociales, familiales, amoureuses etc.

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Il concluait donc que le « progrès » avait instauré un monde radicalement hostile au christianisme et à ce qu’il incarne, à ses valeurs de solidarité, d’amour du prochain, de sacrifice, de pauvreté assumée, de beauté gratuite, de respect des choses, et à sa croyance en une réalité suprahumaine qui nous inspire et règle, pour certain, le mode d‘existence. Il percevait même dans cette disparition intégrale de ce qui faisait notre identité un oubli total des principes métaphysiques et des grands Récits constitutifs de ce que nous avions été. Le passé n’est plus connu, et l’inculture religieuse est fréquente, même aux États-Unis, où, dorénavant, les athées sont en nombre supérieur à celui des croyants, et où même ces derniers, candidement, adhèrent à un programme « progressiste » (avortement, GPA, euthanasie, changement de sexe etc.) qui aurait fait horreur à leurs grands-parents. Il anticipait, de ce fait, les conclusions d’Emmanuel Todd, qui a désigné l’étape actuelle de la déchristianisation dans l’Occident décadent, comme le degré zéro de la religion, après l’étape précédente, le stade « zombie ».

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Pour lui, l’une des déclinaisons de cet effondrement civilisationnel est la baisse démographique catastrophique des pays européens. Il s’empresse de rappeler, néanmoins, que cette décroissance touche toutes les nations, sauf celles de l’Afrique subsaharienne. Le renouvellement des générations n’est donc pas assuré. L’avenir, notre avenir, nous est donc fermé. No Future, clamaient les Punks.

Cette diminution affolante de la substance vitale de l’Europe est prise comme une fatalité, qui a semblé justifier les politiques européistes d’immigration massive. Dreher assure que les députés « conservateurs » ont protesté contre ce programme, qui s’impose aux dépens d’autres politiques possibles. A vrai dire, et nous n’entrerons pas dans les détails, il paraît plutôt que cette perspective démographique a été mise en œuvre aussi bien par la gauche que par la droite, contredisant apparemment les peuples, qui, pourtant, ont toujours voté pour eux, et marginalisant les réfractaires par des accusations de racisme. L’immigration de masse a été organisée au nom des « valeurs » de l’Occident, de ses valeurs humanistes, etc. Toute hostilité la concernant s’est heurtée à un mur de béton, à une « pensée unique ».

Toutefois, comme Dreher le rappelle, l’évolution du rapport des forces a changé. Pour lui, on entre dans un nouveau « paradigme ». La pression de la « réalité » a permis à certains partis de droite anti-immigration d’accéder au pouvoir, comme en Hongrie. Il cite, à cet égard, longuement Viktor Orbán.

L’alternative à l’immigration serait bien entendu un surcroît d’enfants. Le gouvernement hongrois a déployé une politique nataliste décidée, mais sans grands effets. La dernière mesure est «une exonération à vie de l’impôt sur le revenu pour les femmes qui ont deux enfants ou plus ». Il s’agit là, pour l’État, d’un manque à gagner considérable, mais qui fait le pari de l’avenir. Les résultats sont « mitigés ». Dreher cite le démographe nataliste Lyman Stone : « Les politiques de la Hongrie jusqu’à présent révèlent une triste réalité: les changements de politique, même spectaculaires, ne suffisent tout simplement pas à créer le monde que de nombreux conservateurs souhaitent ». Le volontarisme, en ce domaine, est vain, comme, dans un autre ordre, l’interdiction de l’avortement.

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Car, en vérité, les raisons de faire ou de ne pas faire d’enfant(s) ne dépendent pas du facteur financier. La cause en est surtout culturelle, au sens large, sociologique, du terme. Dans tous les pays où le niveau de vie a augmenté, et où il aurait été possible de « nourrir » plus d’enfants, c’est le contraire qui s’est produit. Ce sont dans les milieux pauvres, voire misérables, que la natalité est prolifique. Les ménages qui accèdent à un certain statut d’existence lié à la société de consommation, et à tout ce que ce cadre promet de divertissement, de loisirs, de « libertés » (même conditionnées par le marché), ne désirent pas s’embarrasser d’une progéniture qui implique des servitudes. En outre, nous sommes dans une société où le présent est le seul horizon existentiel. On ne se soucie pas de laisser une descendance, laquelle symbolise l’idée d’« avenir ». Et il est difficile de contraindre à procréer !

On invoque, pour justifier l’immigration, à la suite du constat que les Européens ne font plus d’enfants, les nécessités de main-d‘œuvre. Il faut bien avouer que  Viktor Orbán lui-même, à la suite de Giorgia Meloni, qui a régularisé 500.000 « sans-papiers », a été obligé de se plier à cet impératif économique, puisqu’il a « importé » 500.000 immigrés, ce qui représenterait, pour notre pays, qui affiche six fois plus d’habitants que la Hongrie, quelque trois millions d’étrangers.

In fine, Rod Dreher, à la fin de son article, revient à son idée première: c’est bien l’effondrement religieux qui est cause de l’effondrement civilisationnel, donc démographique (dans le sens où l’espoir, vertu humaine essentielle, se projette sur ce qui nous perpétue).

Nous sommes donc dans une impasse, à moins que ne se produise un miracle, comme le Baby Boom, qui s’est initié en France, je le rappelle, sous Pétain. Les « lois » de la démographie, les spécialistes en conviennent, sont très capricieuses.

Pour finir, je ne manquerai pas de souligner la grande contradiction dans laquelle s’enferre Dreher. En effet, dans Le Pari bénédictin, il insiste sur l’idée que tout projet politique est vain. Mais dans son dernier article, il procède comme s’il pensait qu’un sursaut fût possible, avec toutes les limites que nous avons rappelées, et que, même, la « civilisation » occidentale existerait encore, ce qui le conduit à vouloir la sauver. Pourtant, dans son essai, il parait de couleurs apocalyptique ce qui ressemblait bien à une fin du monde, du moins d’un monde. Pour lui, il était devenu impossible de redresser quoi que ce fût. Il était nécessaire, pour les chrétiens, de se grouper, et de créer une contre-culture.

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Or, la civilisation européenne, quant à elle, n’existe plus. Peut-être d’ailleurs faudrait-il parler de plusieurs civilisations européennes. Celle du moyen âge est complètement différente de celle des Temps modernes, cette dernière de l’âge contemporain (à partir de 1789), et le 19ème siècle du 20ème siècle. Quant à la rupture actuelle, il semblerait bien que l’on entrât dans une autre ère, celle du transhumanisme nihiliste. A cette aune, la question démographique promet d’être radicalement réglée par la robotique.

Pourtant certains affirment que ce serait une solution. Le Japon s’est largement et profondément plongé dans cette voie. Mais que dire d’un pays qui ne serait peuplé que de vieillards, destinés du reste à disparaître rapidement ? Une société est-elle vivable, habitable, si les machines remplaçant les jeunes pullulent, quitte à nous submerger, et où ces jeunes, qui délivrent de l’énergie, de l’inventivité, de la séduction, bref, de la vie, manquent ?

A mon sens, il nous faut désormais repenser notre civilisation, qui n’est pas un passé (qui sait vraiment ce qu’elle est, tant l’inculture et l’amnésie ont fait table rase des références au passé ou les ont viciées?), mais reste à faire. Elle est encore en gestation, et elle est dans l’avenir. Nous sommes dans une époque de transition.

15:12 Publié dans Réflexions personnelles | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : rod dreher, avenir, démographie | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Guénon et Georgel: un lien philosophique et métaphysique

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Guénon et Georgel: un lien philosophique et métaphysique

Alexandre Douguine

Georgel a crédité Guénon de lui avoir fourni la "boussole" pour naviguer et développer ses idées, en particulier celles dérivées de la cosmologie hindoue et d'autres sources traditionnelles.

Gaston Georgel (1899–1978) était un historien et écrivain français qui est devenu un adepte et disciple intellectuel significatif de René Guénon, le célèbre métaphysicien et penseur traditionaliste.

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Georgel n'était pas un élève dans le sens formel d'un étudiant en fac, mais plutôt quelqu'un de profondément influencé par les idées de Guénon, en particulier son travail sur les doctrines traditionnelles et les cycles cosmiques.

Leur relation était davantage une dynamique de mentor-disciple, ancrée dans des recherches intellectuelles et spirituelles partagées. Georgel, étudiant en histoire à Paris, est tombé sur le concept des cycles historiques à travers un article qu'il avait lu dans une salle d'attente durant les années 1930.

Cela a éveillé sa curiosité pour les motifs présents dans l'histoire, le conduisant aux écrits de Guénon. Guénon, déjà une figure bien établie à ce moment-là, avait esquissé la doctrine des cycles dans des œuvres comme Formes Traditionnelles et Cycles Cosmiques (publiée à titre posthume mais basée sur des articles antérieurs).

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Georgel a crédité Guénon de lui avoir fourni la "boussole" pour naviguer et développer ses idées, en particulier celles dérivées de la cosmologie hindoue et d'autres sources traditionnelles. La contribution la plus notable de Georgel, Les Quatre Âges de l’Humanité (1949), s'appuie directement sur le cadre des cycles de Yuga établi par Guénon — la division de l'histoire humaine en quatre âges déclinants (Satya, Treta, Dvapara et Kali).

md31942040984.jpgGuénon avait proposé un Manvantara (un cycle complet de l'humanité) de 64.800 ans, le Kali Yuga, l'actuel "âge sombre", s'étendant sur 6480 ans. Georgel a poussé cela plus loin, calculant des dates spécifiques, suggérant initialement que le Kali Yuga avait commencé vers 4450 av. J.-C. et se terminerait en 1999 apr. J.-C., bien qu'il ait par la suite ajusté cela pour proposer l'année 2030 apr. J.-C. dans Le Cycle Judéo-Chrétien (1983).

Guénon a examiné les premiers travaux de Georgel, approuvant la plupart d'entre eux mais suggérant un cycle plus large de 25.920 ans lié à la précession des équinoxes, que Georgel a incorporé dans ses études ultérieures.

Leur connexion n'était pas seulement intellectuelle — il existe des preuves de correspondance directe entre eux, dont certaines subsistent aujourd'hui. Le travail de Georgel a attiré l'attention pendant la Seconde Guerre mondiale, mais ses livres, comme Les Rythmes dans l’Histoire, ont été saisis par la Gestapo en 1942 pour leur critique perceptible de l'idéologie nazie, l'amenant en prison jusqu'à ce que la Croix-Rouge intervienne. Guénon, vivant alors au Caire, est resté pour lui une influence-guide, encourageant Georgel à affiner ses théories sous le prisme traditionaliste.

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Alexandre Douguine: L'Allemagne cherche une alternative

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L'Allemagne cherche une alternative

Alexandre Douguine

Alexander Douguine affirme que, bien que l'Allemagne cherche une alternative, la CDU reste une formation emblématique du globalisme, et seul l'AfD représente le bon sens en terres germaniques. Cependant, toute alliance entre la Russie et l'Allemagne est impossible sous Merz, figure-clef du libéralisme occidental, ce qui, de surcroît, rend une coopération future avec Trump beaucoup plus improbable.

A propos des élections en Allemagne: le chancelier Olaf Scholz a, bien sûr, perdu. Cependant, il est encore trop tôt pour dire que la société allemande commence à se réveiller. Après tout, la majorité a voté pour le parti de Friedrich Merz, qui est "chrétien" mais seulement de nom. L'Union chrétienne-démocrate (CDU) est une structure politique devenue entièrement libérale, n'ayant plus aucun lien réel avec le christianisme. Elle est tout aussi globaliste que le Parti social-démocrate de Scholz (la SPD).

Certes, le fait que le parti Alternative pour l'Allemagne (AfD) ait obtenu la deuxième place, avec plus de 20% des voix, est un succès significatif. Ce parti relativement nouveau propose des thèses raisonnables, et toutes les accusations de nationalisme ou de radicalisme de droite à son égard ne sont rien d'autre que de la diffamation pure et simple.

L'AfD représente les intérêts et les sentiments des citoyens modérés — des braves gens tout ordinaires de l'Allemagne. Ou plutôt, non pas simplement ordinaires, mais normaux, puisque même les gens ordinaires en Occident sont désormais divisés. Alors qu'auparavant, ils formaient la majorité saine de toute société, tandis que les idées absurdes et extrémistes "taient confinées à des petites strates marginales, aujourd'hui, une partie significative de la société occidentale est tombée dans un radicalisme et un extrémisme manifestes.

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Le parti de droite-conservateur allemand, l'AfD, selon sa dirigeante Alice Weidel, "s'est affirmé fermement dans le paysage politique allemand et n'a jamais été aussi fort au niveau national."

L'AfD défend le bon sens des gens normaux en Allemagne contre les représentants psychiquement dérangés qui grenouillent dans les autres formations politiques, qu'il s'agisse des "gauchistes", des "Verts", de la SPD de Scholz ou de la CDU/CSU de Merz. Mais dans l'ensemble, l'électorat allemand a fait un choix entièrement incorrect, malgré les conseils d'Elon Musk de voter uniquement pour l'AfD. Ceux qui l'ont écouté, ou qui ont simplement choisi l'AfD en fonction de leurs tristes expériences quotidiennes, ont pris la bonne décision. Cependant, cela ne suffit pas encore pour changer la trajectoire de l'Allemagne.

Malheureusement, toute discussion sur une alliance entre la Russie et l'Allemagne reste prématurée. Les globalistes craignent en effet notre rapprochement, mais avec une Allemagne dirigée par Merz, aucune alliance de ce type n'est possible. Cependant, avec l'AfD, qui a obtenu plus de 150 sièges au Bundestag (le parlement allemand), nous devons indéniablement rechercher la coopération. Ce sont des personnes rationnelles, constructives et relativement progressistes — pas strictement conservatrices dans le sens traditionnel. Et la Russie, en tant que bastion de la politique de bon sens, doit maintenir de bonnes relations avec toutes les forces qui défendent la raison.

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Friedrich Merz est un homme politique expérimenté et un globaliste pur jus. La CDU est une entité politique devenue au fil du temps complètement libérale et globaliste, sans véritables liens avec le christianisme.

Quant au nouveau chancelier, qui gouvernera bientôt l'Allemagne, Friedrich Merz, je dois le réitérer: c'est un globaliste pur jus. De plus, il croit qu'il est désormais nécessaire de créer un front européen pour contrer une Amérique de plus en plus rationnelle (que ce soit temporairement ou en permanence doit encore être vu). En ce sens, il est complètement irrationnel, s'opposant à la Russie, qui est orientée vers le bon sens, ainsi qu'à une Amérique qui évolue progressivement dans la même direction.

Par conséquent, je ne crois pas qu'une forme d'alliance germani-russe soit possible dans un avenir proche. Il est beaucoup plus probable que nous puissions construire un modèle de coopération alliée avec Trump qu'avec ces dégénérés européens, qui sont désespérés à l'idée de sauver à tout prix l'ordre libéral mondial en ruine.