jeudi, 03 janvier 2008
Drieu: anti-moderne et Européen
Drieu La Rochelle, antimoderne et Européen
Recension : Drieu La Rochelle, antimoderne et européen (anthologie de citations récoltées par Arnaud Guyot-Jeannin), Perrin & Perrin, collection La Petite Bibliothèque n°2, 1999.
«Et après tout je ne suis pas qu’un écrivain, je suis un homme en proie au problème total» (Drieu). Et l’œuvre de Drieu, envisagée comme un projet total? Nombreux sont les biographes qui s’y sont essayés, peu les élus conviés au banquet intellectuel et spirituel offert par Drieu de Fonds de cantine à Beloukia. A retourner le problème dans tous les sens, après Mabire, Rouart et Vandromme, il est apparu à Arnaud Guyot-Jeannin, préfacier du recueil, qu’en définitive ce sont les textes qui parlent le mieux d’eux-mêmes. Histoire de briser les préjugés qui enferment depuis 50 ans Drieu dans le registre de «l’esthète bourgeois fasciste et suicidaire»; histoire aussi d’avancer certains aspects de son œuvre occultés par son engagement collaborationniste. Le titre, explicite, du présent opuscule (60 pages), «antimoderne et européen», réhabilite à son tour, après que la publication par NRF Gallimard de son Journal 1939-1945 a provoqué bien des polémiques sur le sujet. Où l’on découvre un Drieu loin de sa caricature antisémite et érotomane: «(...) au moment où de nombreux écrivains ou journalistes clament leur admiration gênée et partielle pour Drieu, nous devons affirmer au contraire la profonde unité de son œuvre. Certes, on trouvera chez lui des paradoxes, quelquefois des contradictions, mais n’est-ce pas le propre d’un homme qui n’est pas théoricien et qui totalise dans sa pensée tous les domaines de la vie?» Et Guyot-Jeannin d’ajouter: «La seule liberté que nous prendrons avec lui, c’est de l’aimer tout simplement à la lumière de ses meilleurs livres». «Il est, aux côtés d’Antoine de Saint-Exupéry et Georges Bernanos, ce grand enfant libre et incorruptible qui ne désire pas grandir» (AGJ).
Si Drieu fut le prophète d’une seule révolution, elle ne fut ni nationale ni socialiste, mais spirituelle, mystique. Une préoccupation constante, qui sourd tout le long de ses écrits: Genève ou Moscou, La comédie de Charleroi, Les derniers jours, Notes pour comprendre le siècle, l’inédit Roman, et qui fait de lui, toujours selon Guyot-Jeannin, un spécialiste de la question, l’égal de Guénon et Evola. Petit florilège: «Il n’y a plus d’ordre à sauver, il faut en refaire un»; «Il faut mettre de la profondeur dans chaque minute, dans chaque seconde; sans quoi tout est raté pour l’éternité»; «Oui, j’y crois. Je crois qu’il y a sous toutes les grandes religions une religion secrète et profonde qui lie toutes les religions entre elles et qui n’en fait qu’une seule expression de l’Homme. Unique et partout le même»; «Les dieux mènent à Dieu —et même au-delà».
Un peu cher peut-être (49 FF), mais il en est ainsi pour toutes les courageuses petites collections (rappelons que Perrin & Perrin ont déjà publié Evola, Malaparte, Vialatte et Chateaubriant) qui n’ont pas accès aux grands circuits de distribution. Alors, pourquoi bouder notre plaisir?
Max SERCQ.
00:50 Publié dans Littérature, Livre, Théorie politique | Lien permanent | Commentaires (0) | | del.icio.us | | Digg | Facebook