mercredi, 09 janvier 2008
Propagande et homogénéisation des opinions publiques
Ernst BRANDL :
Propagande et homogénéisation des opinions publiques
Celui qui voudra, au 21ième siècle, écrire quelque chose sur la « propagande », devra commencer par lire les ouvrages de Harold D. Lasswell. A la fin des années 20 du 20ième siècle, Lasswell publia un livre intitulé « Propaganda Technique in the World War », devenu depuis lors un véritable classique sur les propagandes et les récits d’horreur élaborés par les parties belligérantes pendant la première guerre mondiale. D’après Lasswell, la propagande de guerre vise quatre objectifs : 1) mobiliser la haine contre l’ennemi, 2) renforcer l’amitié entre les alliés, 3) élaborer des modèles de coopération amicale à l’égard de puissances neutres, 4) démoraliser l’ennemi. Ces objectifs de la propagande de guerre n’ont guère changé depuis cette époque.
Entre-temps, tout le monde sait que les gouvernements engagent désormais des entreprises spécialisées en propagande pour dorer leur image dans d’autres pays ou pour créer de toutes pièces des images déformées de leurs adversaires ou encore pour préparer directement des guerres. Dans les guerres qui ont ravagé les Balkans récemment, de nouvelles constellations stratégiques ont vu le jour : les gouvernements en guerre confiaient leurs propagandes à des agences spécialisées qui transformaient, via leurs nombreux canaux de communication, leurs communiqués en messages plausibles. Le travail presté par ces agences a conduit à une forte homogénéisation de l’opinion publique aux Etats-Unis et dans les sociétés occidentales : le gouvernement américain, Amnesty International, Human Rights Watch, Freedom House, l’United States Institute of Peace, la Fondation Soros, les intellectuels libéraux de gauche, de vastes portions de l’aire intellectuelle conservatrice, les Nations Unies, l’univers médiatique en général, ainsi que les gouvernements de Zagreb et de Sarajevo, les chefs des Albanais du Kosovo et l’UçK : tous avaient, peu ou prou, à quelques nuances insignifiantes près, une lecture identique du conflit balkanique. Pour résumer de manière quelque peu lapidaire, cette lecture revenait à ceci : les Serbes sont tombés dans une folie nationaliste et veulent créer une Grande Serbie ; Slobodan Milosevic est un communiste impénitent, s’est proclamé « Führer » des Serbes, a attaqué avec l’armée fédérale yougoslave les républiques et les peuples non serbes, ce qui a entraîné des viols de femmes en masse, des épurations ethniques et des génocides. Les autres nations de l’ancienne Yougoslavie, les Slovènes, les Croates, les Bosniaques, les Albanais et les Macédoniens, étaient tous de gentils pacifistes, des peuples « démocratiques ». Telle était la vision des guerres balkaniques récentes véhiculée par les agences de presse et de propagande.
Le gouvernement croate a engagé de manière permanente de grandes firmes de propagande, de 1991 à 2002, pour que celles-ci défendent ses points de vue aux Etats-Unis. Au début du mois d’août 1995, l’armée croate déclenche l’opération « Sturm » ou « Tempête » et conquiert, en quatre jours à peine, la Krajina peuplée de Serbes. L’opinion publique américaine juge l’opération positive parce que l’agence Jefferson Waterman International l’avait bien préparée à la considérer comme telle. C’est ce que l’on peut appeler des « mesures accompagnatrices »…
Ernst BRANDL.
(article paru dans « zur Zeit », Vienne, n°50/2007).
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Evola: la thèse de Lippi
Julius Evola: la thèse de Jean-Paul Lippi
"L'Age d'Homme" publie Julius Evola, métaphysicien et penseur politique. Essai d' analyse structurale de Jean-Paul Lippi. Celui-ci souligne d'emblée la singularité de la pensée d'Evola en écrivant en introduction: « Le discours évolien se situe en effet au point de convergence, nécessairement problématique, de l'appel nietzschéen au “renversement de toutes les valeurs” et de la volonté guénonienne d'exposition d'une vérité supra-mondaine. Singulier rapprochement, peut-être intenable, car il apparaît pour le moins malaisé de concilier deux pensées aussi irréductibles, qui se déploient à partir de postulats radicalement divergents. La nécessité d'un dépassement du nihilisme occidental, prônée par le visionnaire de Sils-Maria, ne s'enracine dans aucune conception Traditionnelle du monde, alors que l'exposé guénonien demeure parfaitement étranger aux thématiques croisées de l'Eternel Retour et du Surhumain. Mais c'est cette dualité qui confère au discours de l'auteur de Révolte contre le monde moderne sa tonalité si particulière et en explique l'influence sur plusieurs générations d'intellectuels et de militants politiques. Sans Guénon, Evola aurait pu n'être qu'une manière de Rebatet italien; sans Nietzsche, il n'aurait à coup sûr été qu'un penseur de la Tradition parmi d'autres, sans doute inférieur pour la rigueur des analyses à un Frithjof Schuon, un Titus Burkhardt ou un Ananda K. Coomaraswamy. Pour cette raison, et sans méconnaître pour autant le rôle qu'ont pu jouer dans la formation intellectuelle du jeune Evola d'autres auteurs que lui-même cite, il nous parait infondé de dissocier, et plus encore de hiérarchiser, les importances respectives des deux écrivains, l'Allemand et le Français. Nous ne pouvons donc pas suivre Pierre-André Taguieff lorsque celui-ci affirme: "De façon générale, on ne peut que tomber d'accord avec l'hypothèse de Piero Di Vona, selon laquelle l'influence de René Guénon sur la formation de la pensée d'Evola a été plus importante que celle d'un Nietzsche ou d'un Spengler". Plus proche de la réalité nous semble être l'analyse de Christophe Boutin, pour qui: "L'influence de Frédéric Nietzsche court donc sous l'analyse évolienne". Si l'on juge l'arbre à ses fruits et si l'on essaie de déterminer l'influence de la pensée évolienne en France, on s'apercevra que son influence, contrairement à l'œuvre de Guénon, est quasiment insignifiante sur ceux qui se sont engagés dans une voie spirituelle. L'influence évolienne s'est donc exercée essentiellement sur quelques esprits libres dans le domaine culturel et politique. Force est de constater que cette influence n'a jamais dépassé , contrairement à l'Italie, le stade la réflexion intellectuelle ou esthétisante ».
Jean de BUSSAC.
Jean-Paul LIPPI, Julius Evola, métaphysicien et penseur politique. Essai d'analyse structurale, 1998, L'Age d'Homme (5 rue Férou, F-75.005 Paris), 312 pages.
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