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samedi, 24 mars 2012

NOTRE EPOQUE, UN CUL DE SAC CIVILISATIONNEL

NOTRE EPOQUE, UN CUL DE SAC CIVILISATIONNEL

Par Jure Georges Vujic

http://www.juregeorgesvujic.com/

 Et si nous vivions dans un cul de sac civilisationnel ? la question quelque peu prémonitoire pourrait très bien être posée par Arthur Koestler qui déjà dans « les Somnanbules » avait détecté les impasses d’une rationalité  technoscientiste qui continue de jouer á l’apprenti sorcier au mépris de toutes règles morales et éthiques. Le cul de sac est prosaiquement apparenté á une voie sans issue, une impasse dans laquelle on ne peut ni avancer ni reculer. Oui, notre civilisation technicienne, matérialiste et americanocentrée prend l’allure d’un cul de sac généralisé, une impasse á la fois sociale, existentielle, culturelle, et spirituelle. Le degré d’autonomisation et les dommages collatéraux d’une technoscience livrée á elle-même, d’une société oú règne l’anomie généralisée , d’une économie financialiste et virtuelle déconnéctée de la réalité sociale et du monde du travail, d’une politique lilliputienne et poltrone inféodée aux intérêts de l’oligarchie financière, d’une culture mielleuse  et narcissique révèlent ce manque de point d’ancrage structurant et articulant, cet absence de pivot téléologique vertèbrant, qui permet l’envol et la projection dans le monde d’une civilisation qui n’est qu’après tout qu’une vision du monde singulière. Et ce cul de sac est précisément une impasse sur la possibilité d’une « présence au monde » spécifique, car il devient de plus en plus difficile de pratiquer l’ »être-lá « Heideggerien, confiné dans  l’espace cathodique d’un cul de sac qui n’offre aucune ouverture. Si comme les 68-huitards l’aiment á dire que « la société de jadis était bloquée », alors l’on pourrait surenchérir et dire que la société contemporaine elle est enkystée par excès de (non) sens. Mais plutôt que de parler de voie sans issue qui peut être ouvre l’unique possibilité nihiliste de rentrer dans le mur, notre civilisation ressemble plus á un cul de sac sous forme de gyroscope, ce curieux appareil qui tourne sur lui-même, un axe qui regarde sa propre rotation, un axe qui n’a aucune vertu axiologique si ce n’est lui-même.  Ce cul de cas gyroscopal  reproduit ad vitam aeternam un conformisme de pensée et de mouvement qui paralyse toute potentialité de synthèse-dépassement, de sublimation voir de transcendance. Plus cette machine civilisationnelle gyroscopale croit matériellement et techniquement, plus son degré de spiritualité décroit. Le cul de sac mental est cet impossibilité de penser « l’inédit » car l’impensable est déjà pensé et contenu dans l’hyper-évènementiel alors que l’innommable se dissout dans l’inflation de signes. En effet, cette mégamachine ne peut se reproduire et perdurer, comme toute structure totalitaire, sans la complicité  passive et le conformisme de ses composantes. Le poète polonais Czeslaw Milozc parlait avec raison dans son livre «  la pensée captive », du règne de l’ »homme gyroscopal » cet individu générique issu d’un cocktail de mimétisme généralisé, le prototype d’un personnage qui s’accommode de toutes les régimes politiques, le type même d’opportuniste qui retourne sa veste á  bon escient. Nombreuses sont les figures littéraires et philosophiques de ce type d’individu interchangeable très en vogue dans les démocraties parlementaires contemporaines: du Ketman de Czeslaw Milozs, l’homme caméléon, « le dernier homme » Nietzchéen, de l’équilibriste social sociologue David Riesman, de l’homme du mensonge de Scott Peck jusqu’à la figure humouristique du Zelig de Woody Allen et l’opportuniste de Dutronc. Et ce n’est pas par hasard  que L’effet gyroscopique est également observable dans un powerball et dans  le jeu de yo-yos. Car comment  ne pas comparer les successives politiques néolibérales et monétaristes visant á  assainir la crise financière au jeu sournois d’un  yo-yo, qui pour guérir les maux de la dérégulation et de la libéralisation du marché, préconisent les mêmes  remèdes empoisonnées monétaristes du Consensus de Washington., de rigueur budgétaire, de hausse des impôts,  et de l’illusion déflationniste, qui servent les grandes fortunes. Tout le monde fait semblant de ne pas savoir alors que tout le monde sait très bien qu’il s’agit du bis repetita cynique d’un mensonge bien rôdé. Personne n’est dupe mais tout le monde consent á la duperie.  Il n’est point nécessaire que le yoyo néolibéral ne résoudra rien et qu’il finira par revenir toujours á la case de départ. Et si la globalisation était l’axe même de ce gyroscope sociétal ?, qui par le levier de l’uniformisation et du consumérisme du marché  n’en finit pas de démultiplier les culs de sac culturels, mentales, linguistiques et ethniques, ou l’histoire, les traditions, « l’excellence », la valeur et les différences sont réductibles á la forme capital et á la consommation ostentatoire. En effet que l’on parte du point A en Alaska ou a New Delhi jusqu’á l’extrême du point C en Australie en passant par le point B á Paris ou Moscou, on finit toujours par retrouver au bout de ce cul sac occidentiste une seule et même boite á conserve de Coca cola, dans laquelle il ne nous reste plus qu’á shooter.  Quoi de plus déprimant et claustrophobe que de demeurer dans une société ou tout est jetable, recyclable et monnayable. Notre cul de sac est indéniablement cette impossibilité de se dépayser, de s’isoler dans le silence dans ce que Jean Raspail aimait á nommer ces « isolats », les quelques ilots  de liberté et de résistance qui nous restent . Et peut être de dire en toute liberté « mort aux vaches » et « merde aux cons », tout en sachant qu’il s’agit encore lá d’un  façon quelque peu  misérable de réenchanter le monde…

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