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vendredi, 24 octobre 2025

De la bulle de l’intelligence artificielle et de la promesse lointaine d'une superintelligence

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De la bulle de l’intelligence artificielle et de la promesse lointaine d'une superintelligence

Markku Siira

Source:  https://geopolarium.com/2025/10/20/tekoalykupla-ja-supera...

La croissance explosive du secteur de l’intelligence artificielle a suscité des attentes d’innovations révolutionnaires, mais a également créé une bulle risquée qui rappelle la bulle Internet de la fin des années 1990. Des entreprises comme OpenAI ont investi des milliards dans le développement de l’IA, mais les pertes financières sont significatives, et les attentes des investisseurs quant aux retours se sont éloignées vers le futur — pour autant qu'elles se réalisent jamais.

L’incertitude économique a poussé les entreprises à chercher de nouvelles façons d’accroître leur base d’utilisateurs, comme la décision d’OpenAI d’autoriser des applications pour adultes basées sur l’érotisme. Cette tendance soulève des questions éthiques et sociales, notamment lorsque l’IA est développée vers une intelligence artificielle générale (Artificial General Intelligence, AGI), capable d’effectuer toute tâche intellectuelle humaine.

La bulle est visible dans les investissements massifs et dans des attentes déconnectées de la réalité. Les entreprises d’IA ont promis des technologies révolutionnaires, comme des véhicules entièrement autonomes, mais ces promesses ont souvent été déçues. Par exemple, les délais pour la pleine autonomie de Tesla ont été repoussés à plusieurs reprises, ce qui augmente la méfiance. La valorisation des entreprises repose largement sur le potentiel perçu et des images de marque, sans modèles commerciaux durables.

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La ligne d’OpenAI concernant les applications pour adultes montre les tentatives désespérées de commercialisation du secteur. Récemment, le PDG Sam Altman a assuré que l’entreprise ne développait pas de robots sexuels, mais après la conférence DevDay 2025, cette ligne de conduite a changé. De même, le personnage animé à connotations sexuelles de xAI a suscité des critiques, révélant la pression financière qui pousse la technologie vers des zones douteuses.

Ces orientations augmentent le risque d’abus. Des insiders rapportent des problèmes dans la gestion de matériel explicite, comme la violence envers des enfants. OpenAI promet des restrictions d’âge et une reconnaissance de l’âge basée sur le comportement, mais l’échec des mesures de Character.AI — comme le suicide d’un adolescent en Floride à cause d’un bot de jeu de rôle manipulatif — soulève des doutes. Aux États-Unis, une loi a été proposée pour interdire l’utilisation d’applications IA interactives par les mineurs.

Les défis technologiques et environnementaux accentuent la surchauffe du secteur. Le développement de l’IA repose sur d’énormes volumes de données et une puissance de calcul considérable, ce qui augmente la consommation d’énergie et soulève des questions écologiques. La formation de grands modèles linguistiques consomme beaucoup de ressources, mais le progrès reste concentré sur des domaines étroits, comme le traitement du langage, laissant de côté la résolution de problèmes généraux. Cela limite la capacité de la technologie à répondre aux attentes et accroît les risques liés à son développement.

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L’éclatement potentiel de la bulle de l’IA entraînerait de vastes conséquences. Sur le plan économique, il pourrait entraîner des pertes d’emplois dans le secteur technologique. Politiquement, cela accélérerait la réglementation aux États-Unis et en Europe, peut-être en limitant l’innovation tout en renforçant les normes éthiques. Socialement, la méfiance envers l’IA pourrait ralentir son adoption, mais un effondrement pourrait aussi orienter le secteur vers des applications plus durables.

L’objectif central du secteur est la superintelligence, qui dépasserait les capacités intellectuelles humaines, par exemple dans l’analyse médicale ou la résolution créative de problèmes. Son développement est techniquement et philosophiquement difficile, comportant d’importants risques et enjeux éthiques. La recherche de cette superintelligence alimente la surchauffe du secteur, car les attentes stimulent les investissements.

La rhétorique des dirigeants de l’IA révèle une logique cynique: la société doit accepter les dommages causés par le progrès technologique, comme la perte d’emplois et les crises éthiques. Cela se manifeste dans l’intégration de l’IA dans l’éducation, la santé ou le divertissement.

Même si la bulle économique éclate, l’IA ne disparaîtra pas de notre société. Son développement nécessite une évaluation critique et une régulation anticipée pour qu’elle serve l’intérêt général, et pas seulement les intérêts commerciaux à court terme. Sinon, la dystopie post-humaine créée par les entreprises technologiques pourrait devenir une réalité inévitable.

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jeudi, 23 octobre 2025

Sacré & consumérisme: des célébrations de Samhain à Halloween

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Sacré & consumérisme: des célébrations de Samhain à Halloween

La comparaison entre les deux interprétations de la fête de passage met en évidence la dégénérescence des liturgies dans le calendrier de la matérialité économique

par Riccardo Mulas

Source: https://www.barbadillo.it/125538-sacro-consumismo-dalle-c...

Samhain, le Nouvel An celtique

Nous l’admettons. La “fête” d’Halloween ne nous a jamais enthousiasmés. Au contraire, nous ne cachons pas une certaine méfiance envers une date que nous n’avons jamais vraiment ressentie comme étant celle qui révèlerait une identité propre. À vrai dire, les préjugés ont toujours été nombreux. Si nous devions écrire les mots qui viennent à l’esprit en pensant au 31 octobre, ce seraient avant tout: “costumes effrayants”. Ensuite, nous penserions à des fêtes déguisées, des soirées à thème, des locaux décorés, des étagères de supermarchés envahies par des citrouilles en plastique et des déguisements. Et à peu d’autres choses.

En somme, dans l’imaginaire, Halloween s’est toujours présenté comme une sorte de carnaval automnal, peut-être plus sombre, plus macabre, mais toujours dépourvu de substance. De même que nous n’attribuons pas de signification particulière aux œufs de Pâques ou aux bas de la Befana, symboles vidés à cause de leur commercialisation excessive; nous pensons que le 31 octobre est également devenu une mise en scène de style capitaliste, réduite au spectacle et à la consommation, privée de toute valeur spirituelle originelle.

Nous utilisons volontairement le mot “dégénéré” parce qu’animés par la curiosité de comprendre ce que jusqu’alors nous avions seulement jugé, nous avons découvert que derrière Halloween se cache en réalité une célébration très ancienne, dotée d’un sens symbolique et spirituel profond: le Samhain des peuples celtes. En laissant de côté les apparences et les préjugés, nous avons approfondi ses origines et sommes tombés sur une histoire qui fascine et surprend, faite de mythes, de légendes et de rites nés dans la mystérieuse et verte Irlande. 

Les racines celtiques d’une fête de “passage”

Les Celtes, peuples de bergers intimement liés aux rythmes de la nature, fondaient leur existence sur une relation sacrée avec la terre, source de vie et de prospérité. Pour eux, chaque saison avait une signification précise, et le passage du temps coïncidait avec le renouvellement cyclique de la nature. La fin de l’été, qui tombait précisément le 31 octobre, marquait la fin des pâturages et des récoltes, ainsi que le début de l’hiver, saison d’obscurité et de repos. En gaélique, Samhuinn signifiait “fin de l’été”.

Halloween naît donc de ces fêtes de passage, où la communauté célébrait non seulement la clôture d’un cycle, mais aussi le début de la nouvelle année naturelle. C’était un temps de transition, chargé d’ambivalence, de joie et de peur, de gratitude et d’incertitude, de fête et d’introspection. Le Samhain représentait le moment où les liens sociaux et spirituels se renforçaient, et où les rites de protection et de purification servaient à conjurer les peurs collectives et à invoquer la bienveillance des dieux.

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Avec le christianisme

Avec l’avènement du christianisme, ces traditions ne disparurent pas complètement ; au contraire, elles furent en partie intégrées, superposées ou réinterprétées. Le culte des esprits et de la mort se fondit avec celui des défunts et des saints, en maintenant vive la même tension spirituelle : l’idée que la “mort de l’été” n’était pas la fin, mais le début d’un nouveau cycle vital. En hiver, en effet, la nature semble mourir, mais en réalité elle se renouvelle dans le silence de la terre, où reposent les graines et les morts. De cette analogie naît le lien profond entre Samhain et le culte des défunts : la croyance que, dans la nuit entre la vieille et la nouvelle année, les esprits pouvaient franchir le seuil entre les mondes, unissant pour un instant l’au-delà et la vie terrestre. 

Cette nuit-là, les Celtes allumaient le Feu Sacré sur les collines, symbole de purification et de protection. Pendant trois jours, on dansait, on festoyait, on se déguisait avec la peau des animaux sacrifiés pour effrayer les esprits maléfiques, et on laissait en dehors des maisons de la nourriture et du lait pour les esprits bienveillants.

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C’était une fête qui parlait de peur et d’espoir, de fin et de renaissance, de nuit et de lumière. Un moment d’unité, où la communauté retrouvait sa propre essence face au plus grand mystère : celui du temps et de la mort.

La déformation d’Halloween

Si l’on met en parallèle les deux visions de la fête en question, l’ancienne et la moderne, on voit plus clairement l’évolution, ou plutôt, la dégénérescence, de la société: d’un monde où l’esprit dominait la matière, à un monde où la matière a fini par étouffer l’esprit; d’une communauté qui, en se rassemblant autour d’un feu sacré, affirmait son unité, à la société moderne qui exploite chaque occasion pour alimenter le consumérisme et remplir les poches de la caste marchande.

Halloween représente donc le miroir de notre temps, une métaphore d’une époque perdue et d’une société, qui n'est plus communauté, une époque qui erre entre la dissolution de la tradition, du sacré et de la mémoire, et l’émergence du monde illusoire de la consommation et de la matière.

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mercredi, 22 octobre 2025

Petra Steger: «L'interdiction d'importer du gaz russe dans l'UE est un suicide économique!»

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Petra Steger: «L'interdiction d'importer du gaz russe dans l'UE est un suicide économique!»

Par Petra Steger

La députée européenne de la FPÖ autrichienne, Petra Steger, critique avec virulence l'interdiction définitive d'importer du gaz naturel russe jusqu'à fin 2027, laquelle doit être votée aujourd'hui par le Conseil des ministres de l'UE: «Une interdiction totale des importations de gaz naturel russe équivaut à un suicide économique. L'UE se dirige ainsi sciemment vers une spirale descendante de désindustrialisation, de hausse rapide du chômage et de perte irréversible de compétitivité internationale. De tels volumes d'importation ne peuvent tout simplement pas être compensés dans un avenir prévisible, et certainement pas à des conditions économiquement viables. Le gaz naturel liquéfié (GNL) est non seulement beaucoup plus cher, mais il pose également d'énormes défis logistiques et écologiques ».

Selon Mme Steger, l'industrie européenne est déjà soumise à une pression énorme: « Les prix de l'énergie, qui sont supérieurs à la moyenne depuis des années, poussent de nombreuses entreprises à délocaliser leur production hors d'Europe. Une nouvelle augmentation des coûts, provoquée par une politique énergétique motivée par des considérations idéologiques, accélérerait considérablement cet exode et détruirait des dizaines de milliers d'emplois».

Dans ce contexte, Mme Steger critique tout aussi vivement le gouvernement fédéral autrichien: «Un gouvernement qui agit dans l'intérêt de sa propre population n'aurait pas dû faire autre chose que d'opposer aujourd'hui un veto clair et net à cette question cruciale. Mais au lieu de s'engager résolument en faveur d'un approvisionnement énergétique sûr et abordable, condition indispensable à la performance économique et à la cohésion sociale, on suit aveuglément, cette fois encore, les directives irréalistes de Bruxelles».

En conclusion, la députée européenne de la FPÖ réclame un changement de cap fondamental dans la politique énergétique et les sanctions européennes: «Il faut revenir à la raison économique, respecter strictement notre neutralité et reconquérir de manière cohérente la souveraineté énergétique nationale. Ceux qui, par obstination idéologique, excluent catégoriquement l'achat de gaz russe bon marché mettent en danger non seulement la base industrielle de l'Europe, mais aussi notre prospérité, notre stabilité sociale et, en fin de compte, la paix intérieure de notre continent».

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Petra Steger

Membre de la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures (LIBE);

Membre suppléante de la commission de l'industrie, de la recherche et de l'énergie (ITRE);

Membre suppléante de la commission de la sécurité et de la défense (SEDE).

La dangereuse dépendance de l'Europe sous perfusion technologique américaine

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La dangereuse dépendance de l'Europe sous perfusion technologique américaine

Plan-les-Quates/Suisse. La fuite des cerveaux qui dure depuis des décennies – l'exode de main-d'œuvre qualifiée et performante – et surtout la politique agressive « America first » des États-Unis ont des répercussions: une étude récente révèle aujourd'hui l'ampleur de la dépendance technologique des entreprises européennes vis-à-vis des fournisseurs américains. L'analyse du fabricant de logiciels suisse Proton montre que 58% des entreprises allemandes cotées en bourse et même 74% des entreprises européennes utilisent des systèmes centraux provenant des États-Unis, tels que des services de messagerie électronique ou de télécommunication.

Cette dépendance concerne toutes les tailles d'entreprises: 74 % des grands groupes dont la valeur marchande dépasse les dix milliards d'euros ont recours à des fournisseurs américains, et ce chiffre atteint encore 67% pour les entreprises dont la valeur marchande se situe entre 300 millions et deux milliards d'euros. Même les petites entreprises dont la valeur marchande est inférieure à 300 millions d'euros utilisent à 55% des services de messagerie électronique américains.

Certaines branches sont particulièrement touchées. Le secteur des produits d'entretien ménager et de soins corporels atteint le taux le plus élevé avec 88%, suivi par les fonds immobiliers avec 78% et les entreprises de médias et de divertissement avec 73%. Le commerce de détail et la distribution de biens de consommation ainsi que le secteur pharmaceutique et biotechnologique affichent chacun un taux de dépendance vis-à-vis des États-Unis de 70%.

Avec ses 58%, l'Allemagne se positionne plutôt bien dans le classement européen: le Royaume-Uni affiche une dépendance vis-à-vis des États-Unis de 88%, l'Irlande même de 93%. La France se situe à 66%, le Portugal à 72% et l'Espagne à 74%.

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Les experts mettent en garde contre les dangers considérables liés à l'unilatéralité technologique. L'ingénieur en systèmes informatiques et auteur du blog « Caschys Blog » met en garde : « Des perturbations dans les réseaux américains ou des tensions politiques pourraient nuire à la continuité des activités». L'Europe doit retrouver son autonomie numérique, car sa dépendance vis-à-vis des États-Unis lui a fait perdre en grande partie le contrôle des données, de l'innovation et des décisions stratégiques (mü).

Source: Zu erst (octobre 2025).

Tianxia plutôt que la Paix de Westphalie – L'OCS fait avancer l’ordre mondial multipolaire

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Tianxia plutôt que la Paix de Westphalie – L'OCS fait avancer l’ordre mondial multipolaire

Tianjin. Le sommet récemment organisé à Tianjin, en Chine, par l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS) marque une étape importante pour l’ordre mondial des prochaines décennies. Autrefois conçu comme un forum modeste pour les questions de sécurité entre la Chine et les États d’Asie centrale issus de l’ex-Union soviétique, l'OCS est aujourd’hui l’une des plateformes multilatérales les plus influentes au monde – et l’instrument principal de l’intégration de la grande région eurasiatique.

Créée en 2001 par la Chine, la Russie, le Kazakhstan, le Kirghizistan, le Tadjikistan et l’Ouzbékistan, l’organisation repose sur les principes du “Groupe de Shanghai,” fondé en 1996. Son objectif initial – la résolution des conflits frontaliers et la promotion de la stabilité régionale – a été depuis remplacé par un projet beaucoup plus ambitieux: la création d’un modèle alternatif de coopération internationale, qui s’affranchit délibérément des alliances militaires occidentales et des blocs économiques.

L’“esprit de Shanghai,” tel qu’il est inscrit dans les documents fondateurs, repose sur les principes de confiance mutuelle, de bénéfice mutuel, d’égalité, de respect de la diversité culturelle et de recherche d’un développement commun. Ces valeurs ont permis à l'OCS, au cours des dernières décennies, de devenir un acteur unique sur la scène mondiale. Alors que d’autres alliances sont souvent marquées par la rivalité stratégique ou des intérêts économiques propres, l’organisation mise sur la coopération, qui va au-delà de la simple rhétorique.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes: avec l’Inde et le Pakistan, qui ont rejoint en 2017 en tant que membres à part entière ; l’adhésion de l’Iran en 2023 ; et l’intégration de la Turquie, de l’Arabie saoudite et de l’Égypte en tant que partenaires de dialogue, l'OCS rassemble aujourd’hui 40 % de la population mondiale et génère plus de 20 % du produit intérieur brut global. Cette expansion est non seulement géographiquement significative, mais aussi politiquement. Elle signale l’essor d’une nouvelle ère multipolaire, qui remplacera l’époque unipolaire menée par les États-Unis. Rien qu’à Tianjin, la Russie et la Chine ont signé plus de 20 accords de coopération dans divers domaines. Le fait que l’Inde, grande rivale de Pékin, ait rejoint l’organisation comme troisième puissance eurasiatique, a été un signal qui a inquiété de nombreux stratèges occidentaux.

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Aujourd’hui, l'OCS ne se limite plus à la politique de sécurité. Au cours des dernières années, ses activités se sont étendues à l’économie, aux infrastructures et à l’énergie. La priorité est donnée à l’intégration des technologies vertes: Tianjin, ville hôte du sommet récent, est considérée comme un pionnier dans le développement de l’énergie solaire, éolienne et autres sources renouvelables. La ville ne réduit pas seulement ses émissions, mais sert aussi de centre d’échange de solutions durables au sein de l’organisation. Ceci montre comment l'OCS aide ses membres à relier les objectifs de l’initiative chinoise “Belt and Road” à une politique environnementale moderne. Le sommet de Tianjin souligne cette dynamique. Il est plus qu’un événement diplomatique – c’est une preuve que l'OCS “fonctionne et le prouve au monde entier”, comme le déclarent les communiqués officiels.

Derrière ce succès se trouve un concept profondément enraciné dans la tradition chinoise: Tianxia (天下), littéralement “tout sous le ciel.” Originellement, dans la Chine ancienne, ce terme désignait le monde connu, mais il représentait toujours bien plus qu’une simple description géographique. Tianxia incarnait la vision d’un ordre mondial basé sur l’harmonie, la hiérarchie et l’ordre moral. L’Empire se percevait non pas comme un État parmi d’autres, mais comme un centre civilisateur autour duquel l’humanité se regroupait. Les peuples voisins pouvaient faire partie de cet ordre en reconnaissant la suprématie symbolique de l’empereur – non pas par une domination directe, mais par un respect rituel et un bénéfice mutuel. Le système tributaire, qui échangeait des avantages commerciaux contre reconnaissance politique, était la mise en pratique de cette idée. Avec la dynastie Zhou (11ème-3ème siècle av. J.-C.), Tianxia s’est étroitement lié aux notions confucéennes de justice et d’harmonie cosmique. Sous les dynasties Han, Tang et Ming, ce modèle a façonné la relation de la Chine avec le reste du monde: ceux qui acceptaient l’ordre sino-centré étaient considérés comme “civilisés,” tandis que ceux qui s’en détournaient étaient vus comme “barbares.”

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Aujourd’hui, Tianxia offre un contre-modèle au système westphalien, basé depuis 1648 sur des États-nations concurrents. Alors que ce dernier conduit souvent à des conflits et des luttes de pouvoir, Tianxia mise sur l’intégration et la responsabilité commune. L'OCS incarne cette philosophie. Elle prouve que les conflits ne peuvent être résolus par l’hégémonie, mais par la coopération. Un exemple concret en est les “Ateliers Luban,” des centres de formation initiés par la Chine qui forment aujourd’hui des spécialistes dans 30 pays, favorisant ainsi le développement local. En 2024, ce projet a reçu le “World Vocational Education Award” et a été salué par les médias internationaux comme un “centre technologique de la marque éducative mondiale”.

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Tianjin joue un rôle central dans cette dynamique. Son port (photo), le plus grand du nord de la Chine, et un nœud clé de la “Belt and Road”, constitue le cœur logistique du commerce avec les États membres de l'OCS. Par des projets d’infrastructure modernes – de chemins de fer, routes, réseaux énergétiques – l’organisation renforce non seulement la connectivité économique, mais aussi l’attractivité de la région. L’“esprit de Shanghai” montre ici sa mise en pratique: il crée des avantages communs et privilégie le dialogue plutôt que la confrontation.

Dans une époque où de nombreux formats traditionnels de coopération internationale sont sous pression, l'OCS gagne encore en importance. Elle offre surtout aux pays du Sud global une alternative convaincante: la coopération plutôt que l’unilatéralisme, les marchés ouverts plutôt que le protectionnisme. Les adhésions récentes de pays du Moyen-Orient prouvent que l’organisation peut rassembler des intérêts divers et favoriser la stabilité dans des régions incertaines.

Plus important encore: suivant l’exemple des BRICS, l'OCS a décidé à Tianjin de créer un système financier alternatif, pour se libérer de la dépendance au dollar américain. Des experts soulignent que le commerce entre les pays de l’organisation reste encore bien en deçà du commerce extérieur global. La création d’une banque de développement commune et d’un système de paiement partagé doit, à terme, offrir une protection et réduire la vulnérabilité face au système financier occidental. Le chef du Kremlin, Poutine, a proposé d’émettre des obligations communes. Il a également évoqué l’idée de mettre en place un système de paiement unifié pour le commerce, soulignant l’importance d’une infrastructure commune de compensation et de paiement.

Sur le plan géopolitique, l'OCS constitue peu à peu un “ceinture de protection” autour du “Rimland” — cette zone stratégique intermédiaire que les père fondateurs de la géopolitique, les Anglo-Saxons Halford Mackinder et Nicholas J. Spykman, avaient identifiée comme la clé de la domination mondiale. Mais, contrairement aux alliances classiques, l'OCS ne vise pas à contrôler le “Heartland” (cœur du continent), mais à créer un équilibre multipolaire.

Le message de Tianjin est clair: alors que l’Occident mise souvent sur l’idéologie et la tutelle, l'OCS privilégie le développement. Elle investit dans des projets concrets qui améliorent la vie quotidienne — que ce soit par la facilitation du commerce, la coopération en matière de sécurité ou l’échange culturel. Dans un monde en quête de nouvelles solutions, cette approche pourrait rapidement devenir incontournable, voire indispensable. L’Occident devra tôt ou tard se rendre compte s’il veut ignorer cette évolution ou mieux la soutenir. Car l'OCS ne montre pas seulement qu’elle fonctionne. Elle démontre aussi que la sagesse asiatique et les traditions occidentales ne sont pas incompatibles, mais peuvent se compléter harmonieusement (he).

Source: Zu erst, Octobre 2025.

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Les manœuvres militaires «Dacian Fall 2025» de l'OTAN maintiennent la tension en Europe de l'Est

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Les manœuvres militaires «Dacian Fall 2025» de l'OTAN maintiennent la tension en Europe de l'Est

Source: https://mpr21.info/las-maniobras-militares-dacian-fall-20...

Les relations entre l'OTAN et la Russie restent tendues, avec un climat d'incertitude en Europe de l'Est. L'OTAN n'a aucun intérêt à détendre la situation. Au contraire, elle souhaite resserrer les rangs et montrer à la Russie qu'elle est capable d'agir rapidement et de manière coordonnée dans n'importe quelle situation.

Depuis lundi, dix membres de l'Alliance participent à l'exercice «Dacian Fall 2025», déployé sur plusieurs sites en Roumanie et en Bulgarie. Ce déploiement montre que l'OTAN combine préparation militaire et stratégie politique.

Les manœuvres impliquent plus de 5000 soldats et environ 1200 véhicules, répartis dans différentes zones afin de simuler diverses situations opérationnelles.

Parmi les participants figurent les membres fondateurs de l'OTAN, la France, l'Italie et le Portugal, ainsi que des membres plus récents comme la Macédoine du Nord. L'exercice vise à tester la coordination entre les alliés et à vérifier la capacité des forces à se déplacer rapidement, tout en fournissant le soutien logistique nécessaire à des opérations complexes.

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Depuis le début de l'année, les provocations de l'OTAN à l'encontre de la Russie se sont considérablement intensifiées, sous prétexte d'incursions de drones et d'avions russes dans l'espace aérien de pays membres de l'OTAN, tels que la Pologne, la Roumanie et l'Estonie.

Ce nouvel entraînement militaire envoie un message clair: l'OTAN ne relâchera à aucun moment son emprise sur l'Europe orientale. Les scénarios testés permettent d'identifier les points faibles, d'affiner les échanges entre les unités et de garantir que tous les membres puissent agir de concert en cas d'agression.

 

De Kim Il Sung à Hölderlin et Kafka - L'itinéraire d'un révolutionnaire allemand des années 1960

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De Kim Il Sung à Hölderlin et Kafka

L'itinéraire d'un révolutionnaire allemand des années 1960

par Werner Olles

Dans les beaux jours du mouvement de protestation estudiantin de 1967/68, je fis la connaissance de KD Wolff en tant que président fédéral de l’Union des étudiants socialistes allemands (SDS), dont je suis devenu membre le Jeudi Saint 1968, le jour de l’attentat contre le responsable du SDS à Berlin, Rudi Dutschke. Le Vendredi Saint, le SDS est passé devant notre appartement à Bockenheim près de l’université à bord d’une vieille Volkswagen, et depuis notre balcon, j’ai entendu le haut-parleur qui diffusait la chanson de Joan Baez “It’s all over now, Baby blue!”. Ensuite, une invitation a été lancée pour se retrouver l’après-midi sur le campus et se rendre ensemble à l’imprimerie Societät pour empêcher la livraison du Bild Zeitung, car la presse de Springer, et en particulier le “Bild,” était jugée responsable de l’attentat contre Dutschke à cause des titres à teneur diffamatoire que ce journal grand tirage n'avait cessé d'imprimer. Les affrontements violents qui ont suivi avec la police, en partie montée, nos protestations et manifestations contre la guerre de l’impérialisme américain au Vietnam, la Conférence internationale du Vietnam en février 1968 à Berlin-Ouest, la lutte ratée contre la loi d’exception, et la recherche d’une reconstruction de la théorie révolutionnaire dans l’espace sis entre la théorie critique et la pratique activiste, visant à développer un socialisme anti-autoritaire et non stalinien, ont été durant plusieurs années les points communs qui m’unissaient à KD. Il n’y a pas de raisons pour se livrer, aujourd'hui, à des distanciations hypocrites.

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Le comité fédéral du SDS, comptant dans la fraction anti-autoritaire des “Loups Rouges” (Wolff = Loup), KD et son frère cadet Frank, prônait un modèle d’émancipation anti-autoritaire, sans réaliser que le système politique en Allemagne de l’Ouest évoluait depuis longtemps vers une société libérale et tolérante.

Contrairement à ce que prétend KD Wolff dans son autobiographie — où il évoque “un passé nazi dissimulé par le silence et une éviction de la question de la culpabilité” —, la tendance à “affronter le passé” était très faible, du moins au sein du SDS de Francfort et de Berlin. En réalité, KD a suivi une longue psychanalyse pour traiter les traumatismes liés à ses parents, qui avaient parfois sympathisé avec le national-socialisme. Il faut donc voir la rébellion de 68 aussi comme une lutte des fils contre leurs pères, où les grands-pères (Marcuse, Adorno, Horkheimer, etc.) leur venaient en aide.

Heureusement, chez les intellectuels et penseurs comme Hans-Jürgen Krahl, Rudi Dutschke et Bernd Rabehl, la tendance à s’occuper du passé était très faible, ils avaient probablement compris que “chaque peuple a connu son Hitler,” comme l’avait dit le sage président égyptien Anouar el Sadat. Leur préoccupation portait surtout sur le rôle de l’intelligentsia dans le contexte du pouvoir politique, tout en sachant clairement que l’intelligence ne se trouve pas uniquement dans la tête. KD, en revanche, était l’organisateur qui maintenait ensemble, au sein du SDS, les différentes factions, celles des antiautoritaires, des sympathisants de la DKP et de la faction maoïste en vestes de cuir.

Les premiers conflits entre KD d’une part, et Krahl et Dutschke de l’autre, ont éclaté lors de la 22ème Conférence des délégués du SDS en septembre 1967 à Francfort. La déclaration de principe des deux exprimait clairement que le modèle archaïque d’un mouvement de protestation avec des manifestations et des rassemblements, ainsi qu’une attitude purement théorique, n’était plus capable de faire bouger quoi que ce soit, mais que théorie et pratique devaient fusionner dans la revendication “Education par l’action” (Aufklärung durch Aktion)

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Dutschke parlait ouvertement d’organiser une “guérilla urbaine,” qui devait s’inspirer des mouvements révolutionnaires latino-américains. La question sensible était celle de la violence, celle qui permettrait de dépasser les limites du système. KD était littéralement atterré, il ne voulait pas aller jusque-là. Mais avec la mort d’Adorno en août 1969 et le décès tragique et accidentel de Krahl en février 1970, l’atmosphère dans le SDS a finalement basculé dans la consternation et la résignation. S’y ajoutait la conversion de nombreux activistes du SDS au néo-léninisme, leur entrée dans la DKP financée par la RDA, et la dogmatisation de la théorie marxiste en une vision du monde socialiste, qui s’est exprimée dans des sectes comme le KBW, la KPD/AO, diverses KPD/ML et groupes trotskystes.

La dissolution de l’Union fédérale du SDS, dont les actifs sont malheureusement tombés entre les mains d’un groupe mafieux qui a donné naissance plus tard au KBW, dont les membres ont même dû apporter leur patrimoine en adhérant, avec ses tendances radicales, a certes marqué la fin du mouvement étudiant, mais à Francfort, on était prêt à explorer de nouvelles voies.

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KD a fondé avec les futurs terroristes Winfried “Boni” Böse et Johannes Weinrich la maison d’édition “Roter Stern” ("Etoile Rouge") avec ses librairies éponymes à Bochum, Marburg et Mayence, et a noué, après un voyage en Corée du Nord (voir Kursbuch n° 30, “Le socialisme comme pouvoir d’État”), des liens commerciaux avec ce régime. Parallèlement, des groupes comme “Roter Gallus,” “Rote Panther,” et le “Comité de solidarité des Black Panthers” sont apparus, dont KD Wolff était au moins le “leader informel”.

Le fait que des membres de la RAF aient encore séjourné en avril 1971 dans les locaux de l’éditeur à Westend/Francfort, et aient été fournis en armes par Weinrich et Böse, n'aurait pas été remarqué par KD, selon ce qu'il nous raconte aujourd'hui. Personnellement, je pouvais parfois affranchir le courrier chez l’éditeur, et j'ai cependant pu constater que Weinrich et Böse approvisionnaient notamment des groupes terroristes grecs et italiens en armes, en les dissimulant dans les garnitures intérieures des portières de voitures, puis en les faisant passer clandestinement vers la Grèce et l’Italie.

Aujourd’hui, on sait qu’avec des pistolets livrés au groupe terroriste italien Lotta Continua, deux jeunes du MSI, la jeunesse néofasciste, qui montaient la garde devant leur siège à Rome, ont été assassinés de manière sournoise depuis des tirs venus d'une voiture. Encore aujourd’hui, à Rome, chaque année, le jour de leur assassinat, des milliers de jeunes hommes leur rendent hommage; leurs noms sont appelés, et une voix unanime s’élève alors dans la rue: “Présente !”.

Mais aussi les “Rote Panther”, les "Panthères rouges", dont j’étais membre, n’ont pas été inactifs. Après les plénières, deux ou trois camarades se retrouvaient généralement et lançaient des attaques nocturnes contre des cibles telles que la "Cité de l’Emploi" américaine, la société Hochtief, le United Trade Center ou le consulat général d’Espagne. Heureusement, aucune personne n’a été blessée lors de ces actions, et nous n’avions aucun problème à commettre des violences contre des biens. Cependant, tout cela devenait dangereux puisqu’une nuit, une terroriste de la RAF — selon mes souvenirs, il s’agissait d’Astrid Proll — a reçu une arme. Nous fûmes alors poursuivis par la police d’État, qui nous avait observés, à travers tout Francfort. Et qu’en était-il encore une fois de l’appartement secret dans la cour dans la Leipzigerstraße, dans le quartier Bockenheim de Francfort, qui aurait été loué pour cacher un agent du consulat américain à l’occasion d’une opération de kidnapping? Le fait que KD ne mentionne pas tout cela, n'en dit pas un seul mot, est totalement incompréhensible, car d’une part tout est depuis longtemps prescris, et d’autre part, il savait non seulement tout de nos actions nocturnes, mais il était aussi présent lors de la majorité d’entre elles.

Winfried Böse, (tué en 1976 à l'aéroport d'Entebbe par une unité spéciale israélienne après que les passagers juifs d'un avion détourné aient été sélectionnés — après quoi ils furent séparés du reste —), et Hannes Weinrich, (qui purge une peine de prison à vie à Berlin en tant que bras droit du tueur en série Carlos), ont ensuite fondé les Cellules révolutionnaires, qui auraient apparemment accidentellement tiré sur le ministre des Finances de Hesse, Heinz-Herbert Karry (FDP), j’ai quitté le scène parce que j'ai lutté pendant des décennies contre une maladie extrêmement grave que j’avais contractée en 1969 lors d’un camp d’entraînement de terroristes palestiniens du Fatah au Liban. En ce lieu, des membres du SDS s’entraînaient avec des terroristes de l’Armée rouge japonaise, de l’ETA basque, de l’Action directe française et de l’IRA pour acquérir les techniques de la guérilla.

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Les succès ultérieurs de KD en tant qu’éditeur de Hölderlin, Kafka, Manes Sperber et des “Fantaisies masculines” de Klaus Theweleit, ainsi que son existence de père de famille comblé de bonheur, on les lui auraient bien souhaités. En ce sens, il est effectivement un “Hans-la-chance.” On aurait toutefois pu attendre un peu de compassion pour ceux du “mouvement” qui ont ensuite eu une vie difficile et dont la trajectoire n’était pas celle qu’ils avaient imaginée. Peut-être aussi quelques mots sur les scandales antisémites que nous avions provoqués à l’époque avec notre “solidarité avec la Palestine”, laquelle était en réalité clairement antisémite, et qui dominent aujourd’hui les “universités” allemandes ruinés par les années 68, ou la cancel culture est tout sauf “libérale” et “tolérante,” menée qu'elle est par les successeurs ratés du soulèvement de l’époque, et qui se traduisent par des menaces et de la violence contre des maisons d’édition conservatrices et de droite. Malheureusement, il n’y a pas un seul mot à ce sujet, dans l'autobiographie de KD. Une chose est cependant hautement méritoire: selon ses propres dires, il n’a jamais voté pour les Verts.

Werner Olles

KD Wolff : Bin ich nicht ein Hans im Glück? Studentenrevolte - Hölderlin - Kafka (= Ne suis-je pas un Hans-la-chance ? Révolution étudiante — Hölderlin — Kafka). Klostermann Verlag. Francfort 2025. 260 pages. 28 euros

La lecture dialectique initiale de l’œuvre d’Evola selon Douguine

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La lecture dialectique initiale de l’œuvre d’Evola selon Douguine

Raphael Machado

L’étude de la dimension politique de l’œuvre du philosophe traditionaliste italien Julius Evola se heurte toujours au « mur » représenté par sa phase tardive — celle qui se définit par le célèbre (et peu lu) livre Cavalcare la Tigre (= Chevaucher le Tigre).

L’œuvre en question tire son nom d’une parabole orientale qui raconte la terreur causée par un grand tigre dans une région désertique. La seule solution, que trouve le « héros », le cas échéant, est, au lieu d’affronter directement le tigre, de sauter sur son dos, de l’agripper et de s’y tenir jusqu’à ce que la bête s’épuise. Ce n’est qu’alors qu’il devient possible de donner le « coup de grâce ».

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Ce que cela signifie politiquement, pour Evola, fait l’objet d’innombrables interprétations divergentes.

La période tardive d’Evola est habituellement décrite comme une période de «lassitude» face à l’engagement politique — surtout celui de ses «disciples», puisque lui-même n’a eu que quelques années pour tenter d'influencer positivement les régimes fascistes européens des années 30-40.

Cependant, l’Italie des années 50 et du début des années 60 représentait le nadir spirituel de la nation. Elle était occupée militairement par une puissance étrangère, culturellement corrompue par l’invasion de produits de l’industrie culturelle américaine, psychologiquement fracturée par le chaos démocratique, et dans le panorama politique intérieur, Evola voyait que même le nationalisme anti-libéral et anti-communiste s’était rendu conforme à l’ordre hégémonique de manière qui n’était pas simplement superficielle.

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En sous-main, de plus, les plus exaltés commençaient à recourir au terrorisme et à la guérilla urbaine comme tactique de déstabilisation de l’ordre libéral-démocratique. Aux yeux d’Evola, une aventure vouée à l'échec.

Dans ce contexte, la posture à adopter par « l’homme différencié » est celle de l’apolitisme (l'apoliteia).

À partir de ce point, cependant, il est possible d’offrir une vision peut-être plus profonde; la question pourrait être la suivante: dans le stade actuel du cycle civilisationnel, tout effort pour inverser ou contenir la déchéance par l’action politique serait voué à l’échec — le cycle étant trop avancé, et la pourriture intérieure du fascisme et son échec inévitable en étant la preuve évidente.

Selon cette lecture, assez répandue, aucune action politique n’est plus utile ou nécessaire jusqu’à la fin du Kali Yuga. Cavalcare la Tigre représente l’attitude de ceux qui, simplement, « vivent parmi les ruines » en attendant la Fin. D’où l’apolitisme. Naturellement, il ne s’agit pas d’une attente passive, mais d’une attente dans laquelle « l’homme différencié » entreprend le chemin de la lutte spirituelle, cherchant à atteindre sa libération — ou, selon la phase philosophique d’Evola, à devenir « l’individu absolu ».

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Certains disciples d’Evola ont toutefois compris l’apolitisme non comme un abandon de tout engagement politique extérieur, mais comme une disposition intérieure impliquant un double engagement: 1) ne pas se soumettre aux règles politiques du système hégémonique; 2) ne pas s’impliquer émotionnellement dans tout engagement politique extérieur (d’où l’appel au dialogue entre Krishna et Arjuna dans la Bhagavad Gita, comme modèle d’un ethos de l'« action désintéressée »). Pour l’« homme différencié », il restait, selon cette lecture plus radicale, le chemin de la « milice » et de la « guerre sainte ».

Ce dernier point est resté marginal dans l’école évolienne, la majorité ayant toujours interprété l’apolitisme comme une abandon total de l’engagement politique et une focalisation complète sur la « jihad intérieur », avec un autre courant adoptant une posture « modérée » à l’égard de l’engagement politique.

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Le « premier Douguine » propose une lecture particulière de cette question.

Plus récemment, Douguine s’est longuement replongé dans la pensée d’Evola et lui a consacré un livre entier — Julius Evola : Stella del Mattino (= Étoile du Matin), publié jusqu’à présent en Italie uniquement. Dans cette œuvre, notre ami russe propose une lecture essentiellement métaphysique et alchimique de la métaphore du Cavalcare la tigre, en se concentrant sur le caractère yang/yin de la métaphore (puisque Douguine fait remonter la maxime jusqu’à la Chine ancienne), où le tigre représente les forces déchaînées du yin, et le chevaucheur, qui est sous-entendu dans la parabole, n’est pas proprement le yang (qui serait, en réalité, affaibli, déchu à l’ère présente), mais le représentant terrestre du yang.

9163161-978779318.jpgMais 35 ans auparavant, en 1990, Douguine avait formulé quelques réflexions politiques significatives sur l'ouvrage Cavalcare la Tigre, qui furent peu après publiées dans son livre intitulé Révolution conservatrice (Konservativnaïa Revolioutsia). Le penseur russe le situe spécifiquement dans une sorte d’antipode apparent de l’« impérialiste païen ».

Le terme désigne le sujet hypothétique de l’ouvrage Impérialisme païen, un texte de jeunesse dans lequel Evola propose une critique programmatique du fascisme à partir de la perspective d’une pensée politique « conservatrice révolutionnaire » fondée sur une tradition impériale à la fois romaine et gibeline. Là, Evola esquisse — parfois de façon générale, parfois en détail — sa conception de l’État idéal, sa « Platonopolis ». L’œuvre représente, peut-être, le « degré maximal » de politisation de la Tradition, et c’est dans ce sens que Douguine le pose comme la contrepartie de Cavalcare la Tigre.

Tandis que la posture prônée dans Cavalcare la Tigre ressemble à celle de l’anarque jüngerien qui amorce son « Waldgang » — ou, en d’autres termes, la figure de l’« anarchiste de droite » — 30 ans auparavant, Evola offrait au monde la perspective de l’« impérialiste païen ». Changement d’avis ? Maturité ?

Douguine nie toute chose de ce genre. Au contraire, dans la lecture douguinienne, l’« homme différencié » reste toujours le même, ce qui change est le monde du devenir, constamment affecté par les mouvements cycliques et les chocs entre volontés de pouvoir.

Et dans la mesure où le monde change, l’« homme différencié » aborde le monde de différentes manières, selon la phase dans laquelle il se trouve. En ce sens, l’« impérialiste païen », le « gibelin radical », le « conservateur révolutionnaire » devient « anarchiste » et « se retire dans la forêt » lorsque les conditions deviennent défavorables, et que la lutte politique devient infructueuse. La seule chose que l’« homme différencié » a à offrir au monde dominé par les forces de la Contre-Institution est son « Non ».

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Mais dans la mesure où le monde n’est pas, encore une fois, statique, l’«anarchiste» évolien est toujours prêt à «prendre d’assaut les cieux» lorsque les conditions objectives redeviennent favorables à l’action politique (désintéressée).

En réalité, toute la période de la « jihad intérieur » est aussi une préparation à la conquête extérieure du monde, à la «jihad extérieure», «lorsque les étoiles seront alignées».

La lecture douguinienne de cette question offre la sortie la plus adaptée à l’impasse de la «scolastique évolienne» concernant les possibilités d’action dans les phases finales du Kali Yuga.

mardi, 21 octobre 2025

Trump, le découplage et la fiancée étrusque

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Trump, le découplage et la fiancée étrusque

Conversation avec Alexandre Douguine pour le programme télévisé Escalade de Sputnik TV

Alexandre Douguine

Alexandre Douguine imagine un monde arrivé à un point de rupture: l'influence d'Israël sur l'Amérique s'amenuise, Trump joue au poker nucléaire, et l'Occident dépérit comme un cadavre en décomposition, tandis que l'Eurasie prépare sa résurrection.

Présentateur Alexandre Boukarev : Commençons par le sujet le plus brûlant, puisque Donald Trump prononce en ce moment un discours devant la Knesset. On pourrait dire que cela marque une pause ou même un tournant dans le conflit entre Israël et Hamas. La première question est la suivante: dans quelle mesure l’accord entre Israël et le Hamas, que Trump qualifie pompeusement de “fin de la guerre”, est-il réellement durable et, surtout, qui en tirera le plus grand avantage, en ce qui concerne les événements en Israël et dans la bande de Gaza ?

Alexandre Douguine : Il me semble qu’objectivement, c’est une réussite pour Trump. Il a traversé une période électorale difficile. Son soutien total à Netanyahu impliquait l’étape suivante: reconnaître le démantèlement de l’État palestinien, en le reportant indéfiniment. Netanyahu et le gouvernement israélien ont demandé à l’Occident et au monde de refuser totalement de reconnaître la Palestine sous quelque frontière que ce soit, ni à Gaza ni en Cisjordanie, ainsi que le droit d’Israël à créer le “Grand Israël”. C’était leur position, et, apparemment, la cause déclencheuse de la tragédie à Gaza, un vrai génocide de la population locale.

Du point de vue de Netanyahu et de ses partisans radicaux religieux-politiques – Ben-Gvir, Bezalel Smotrich et d’autres ministres – ils suivent les théories de Dov Ber et Yitzhak Shapira sur la préparation à la construction du Troisième Temple et sur le "sacrifice de la vache rouge". Les vaches rouges, entre autres, ont été amenées d’Amérique. Il s’agit d’un ancien rituel juif qui précède la venue du Messie et la construction du Troisième Temple. Pour que cela se réalise, la mosquée d’Al-Aqsa, le lieu sacré de l'Islam à Jérusalem, doit être détruite.

Récemment, Ben-Gvir, le ministre de la Sécurité nationale, y a mené un rituel religieux, violant ainsi les droits des musulmans tout en préparant symboliquement la mosquée à sa démolition. Il s'agissait d'un rite d’initiation pour la venue du Messie. Trump a soutenu cette ligne pendant longtemps, contre l’avis de ses partenaires occidentaux et de sa propre base, celle du mouvement MAGA, qui est en grande partie devenu anti-israélien. En raison de la politique pro-Netanyahu de Trump, des conflits ont éclaté entre ses propres soutiens en Amérique. Il a pris des risques, mais la prochaine étape de cette politique aurait signifié occuper Gaza, expulser les Palestiniens, refuser leur statut d’État et étendre le Grand Israël aux dépens de la Syrie et du Liban. Trump a suivi Netanyahu presque jusqu’à la fin, jusqu’à la ligne rouge, empruntant ainsi la voie du sionisme chrétien. Un travail idéologique, militaire et diplomatique immense a été réalisé pour orienter l’Amérique à soutenir le projet messianique de Netanyahu.

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Mais l’accord d’aujourd’hui est tout le contraire de cette orientation. Lorsque hier, l’envoyé spécial Witkoff a parlé devant les Israéliens et a mentionné Netanyahu, la foule a protesté et l’a fait taire. Ce n’est pas là une victoire de Netanyahu. L’échange d’otages, la libération de milliers de Palestiniens des prisons et le retrait des troupes de Gaza sont désormais compromis par Netanyahu lui-même. Les conditions du Hamas et des Palestiniens – forger un État palestinien indépendant, soutenu par de nombreux pays et même par l’OTAN, à l’exception des vassaux les plus fidèles de l’Amérique – ont prévalu.

Trump a changé de cap: en soutenant Netanyahu à 99%, il s’est toutefois arrêté juste avant la dernière étape. Ce n’est plus le Grand Israël, ce n’est plus la venue du Messie, ce n’est plus la "vache rouge", ce n’est plus l'édification du Troisième Temple, ce n’est plus la destruction d’Al-Aqsa, et ce n’est plus le transfert des Palestiniens.

À quoi donc ont servi les sacrifices d'hier? Les Palestiniens reviennent à Gaza sous la supervision d'un État palestinien reconnu par l’Occident. Le Hamas aurait pu déposer les armes mais, maintenant, il assiste à son propre triomphe: ses hommes ont combattu pour l’indépendance et y étaient proches. La logique messianique de Netanyahu, qui a lancé une guerre sous la bannière du Messie, s’est effondrée. L’Iran, malgré les attaques perpétrées contre lui, reste solide. Son patriotisme a grandi; les exigences envers les femmes ont diminué: à Téhéran, on voit de plus en plus de femmes sans hijab. La majorité des pays du monde s’opposent à Netanyahu. L’Occident est divisé: les mondialistes, Soros et les Démocrates le rejettent; Trump le soutient, même si ce n’est pas inconditionnellement. Il joue cinq ou six parties en même temps, sans jamais en gagner une, mais en défendant ses propres intérêts. Mais surtout, il a montré qu’il n’était pas la marionnette d’Israël, ce dont on l’avait accusé. Il a obtenu un cessez-le-feu à Gaza, mais il ne s’agit pas d’une paix stable. Netanyahu et le lobby messianique l’accepteront difficilement: car ce serait accepter leur défaite.

Pourquoi alors gaspiller le capital moral de l’Holocauste? Le monde voit maintenant comment les actions d’Israël ont sapé sa supériorité morale. Ce n’est pas le Grand Israël. Trump, plaisantant sur son avion dans le “Paradis”, qui rappelle Biden, transmet chaque pensée sur les réseaux sociaux avec une spontanéité d'extraverti. Ce n’est pas une paix durable, que l'on vient de nous concocter, mais une nouvelle version de la même triste réalité qui pourrait bien mener à la troisième guerre mondiale. Une victoire fragile et momentanée pour Trump, mais une victoire réelle pour le Hamas et les Palestiniens, qui ont discrédité Israël et se sont rapprochés de la création d’un État qui leur serait propre. Cela déstabilise la région avec la menace de nouvelles guerres, peut-être sous des formes encore plus terrifiantes.

Présentateur : Des sondages récents aux États-Unis montrent que même les chrétiens sionistes et évangéliques, qui soutenaient autrefois le lobby israélien – en particulier les jeunes – retirent de plus en plus leur soutien. Sans parler de l’Europe et de la communauté musulmane aux États-Unis, qui fait aussi partie de l’électorat de Trump. Dans ce contexte, puisque, comme vous le dites, Trump n’a pas achevé ce jeu, que pensez-vous que l’avenir réserve à Israël, d’un point de vue politique et existentiel, s’il n’a pas réussi à atteindre l’objectif pour lequel il a tout risqué ?

Aleksandr Dugin : L’objectif pour lequel Israël a tout risqué est un phénomène métapolitique: l’attente de la venue du Messie. C’est quelque chose de plus grave que l’échec d’un complot politique ou d’une opération militaire. La seule signification d’Israël réside dans le fait d’être un projet messianique. Sans le Messie, il n’a aucune justification d’exister. En tant «qu’îlot de démocratie dans une mer islamique», il ne résistera pas. Il est confronté à un choix: intensifier la tension messianique ou s’effondrer. Tout pas en arrière signifie basculer dans le non-être.

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Aux États-Unis, une vague anti-israélienne grandit, même parmi d’anciens soutiens. Les jeunes – en particulier les Groypers, les nouveaux nationalistes qui ne sont pas des partisans de Trump – professent un antisémitisme qui va jusqu'au culte d’Hitler. C’est un phénomène de masse. Ils se demandent : « Israël d’abord ou l’Amérique d’abord ? ». Pour tout politicien, la réponse « Israël d’abord » signifierait la fin de sa carrière.

Tucker Carlson critique Israël avec prudence, s’opposant aux Groypers et faisant appel au patriotisme américain. Charlie Kirk – qui a peut-être été tué parce qu’il refusait de soutenir Israël – était une figure influente. La propagande mondialiste et liée à Soros alimente le sentiment anti-Israël, en envoyant des activistes d’Antifa et des figures du mouvement LGBT protester contre Israël. Les musulmans tentent de les mettre de côté, mais Soros utilise ces forces – tout comme il a utilisé notre opposition – pour des actions pro-palestiniennes.

La pression vient des deux côtés: de droite, des jeunes nationalistes; de gauche, des libéraux. L’Anti-Defamation League, orientée anti-Trump, perd de son influence. L’attitude de l’Amérique envers Israël a changé, et Trump le perçoit. Lui, Kushner et d’autres sionistes ont suivi Netanyahu, mais en tant que pragmatique et homme d’affaires, Trump comprend que la situation ne peut pas lui être favorablement retournée. Le facteur islamique aux États-Unis reste marginal, et le lobby juif continue de dominer la scène politique américaine. Cependant, le sentiment anti-israélien de dizaines de millions de personnes est devenu trop fort pour être ignoré.

Présentateur : Qui paiera pour la reconstruction de Gaza? La question reste sans réponse.

Aleksandr Dugin : C’est une question qui reste ouverte. Rien n’est gratuit. Détruire est facile, créer est difficile. Ils chercheront à rejeter la responsabilité sur l’Europe (qui devra payer), avec une partie seulement à charge des États-Unis. Israël ne paiera rien. Les pays islamiques pourraient participer mais Gaza deviendrait alors un pont pour les processus politiques palestiniens, ce qui menace Israël. D’un point de vue géopolitique et messianique, Israël a été vaincu. Avant que Gaza ne soit reconstruite, le Moyen-Orient traversera des moments de tension. Il est possible qu’Israël lance à nouveau une opération militaire, cette fois contre l’Iran.

Présentateur : Passons à un autre sujet international concernant Donald Trump mais qui concerne cette fois directement la Russie. Je voudrais en savoir plus non pas sur les missiles Tomahawk en soi, mais sur le dialogue indirect qui se déroule via les déclarations de Vladimir Poutine et Donald Trump. Récemment, Trump a mentionné les Tomahawk, puis Poutine a parlé d’Anchorage, soulignant que nous restons fidèles à nos accords et que cette ligne se poursuivra. Trump n’a pas commenté directement, mais a dit qu’il comptait appeler Poutine avant de prendre une décision concernant les Tomahawk. Il semble qu’il y ait deux courants: l'un, caché, invisible pour nous, et l'autre qui implique Zelensky, Macron et d’autres qui discutent des Tomahawk.

Alexandre Douguine : La situation est extrêmement grave et ne doit pas être sous-estimée. Trump, sûr de sa capacité à exercer des pressions, des chantages et à forcer les autres à accepter ce qu’il appelle la “paix”, manipule diverses parties, y compris le puissant lobby pro-israélien et Netanyahu, lobby qui est une force profondément enracinée dans la politique américaine. Ses méthodes coercitives fonctionnent souvent et c’est alarmant. D’un côté, cela le satisfait: c’est un homme des cycles courts, ce n'est pas un stratège. Il résout les problèmes instantanément, encaissant immédiatement les profits. C’est une approche entrepreneuriale: gagner tout de suite, le lendemain n’a pas d’importance. On peut tout perdre au casino, en échangeant des gains à long terme contre des gains rapides. C’est la mentalité d’un entrepreneur américain: la valeur est dans la transaction qui s'effectue ici et maintenant.

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Les conséquences? Il n’a pas de temps de s'attarder sur elles: le rythme doit s’accélèrer. Et ça, c’est dangereux, car jusqu’à présent, cela a fonctionné pour lui. Il applique maintenant cette méthode à la Russie, mais ici, ce n’est pas approprié. Il s’agit de projets à long terme, de grandes stratégies, de géopolitique, toutes choses que Trump évite. Il agit dans l'instant, et cela est forcément risqué. En tentant d’imposer un principe commercial – « Allez, Poutine, faisons la paix à mes conditions » – il entend la réponse de Poutine: « Non, ce ne sont pas mes conditions à moi ». Trump répond alors par des menaces: « D’accord, alors – nous couperons les ponts, enverrons des Tomahawks, de nouvelles armes ». Cette intimidation envers la Russie, tout comme envers la Chine, est extrêmement dangereuse et vaine.

Selon moi, Poutine agit avec la plus grande délicatesse: il ne cède pas sur les questions stratégiques, ne fait pas de compromis sur des intérêts vitaux, et les défend avec fermeté, mais il est prêt à continuer ce jeu désagréable et risqué. L’histoire des Tomahawks, c'est comme au poker. Poutine joue des stratégies complexes; Trump joue au poker, où seuls le bluff et les gestes rapides comptent. Mais si, lors de négociations difficiles, la mise monte, l’apparence de “simple jeu” de notre part disparaîtra.

Peskov l’a affirmé clairement, et nos politiciens ont dit la même chose: nous avons tracé des lignes rouges; l’Occident les a dépassées, et nous n’avons pas réagi. L’Occident croit à tort que nous ne réagirons jamais. Livrer des Tomahawks à Kiev signifie, du point de vue technique-militaire, que du personnel américain attaquera en profondeur le territoire russe: il n’y a pas d’autre moyen, comme le confirment les experts. Trump, avec son style “dur”, lance un ultimatum qui mène directement à un conflit militaire avec nous. Il refuse clairement de penser à une escalade nucléaire, en supposant que cela se déroulera comme avec l’Iran: les États-Unis attaqueront la Russie pour forcer un accord rapide sur l’Ukraine.

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Présentateur : Comme avec l’Iran ?

Alexandre Douguine: L’Iran, éloigné d’Israël, soutient les chiites. Pour l’Iran, la situation était complexe mais elle n'était pas vitale. Pour la Russie, c’est différent: cela touche nos intérêts directs. En jouant à la roulette russe avec l’escalade pour perspective, Trump joue avec le feu. Si nous cédons, si nous ne répondons pas aux attaques avec des Tomahawks sur notre territoire, et  si on ne sait pas ce qu’ils pourraient transporter dans leurs ogives, cela annulerait tous nos succès, sacrifices et souffrances. Il ne s’agit pas de la menace d’une contre-offensive ukrainienne, que nous avons à peine réussi à gérer. C’est quelque chose de bien plus grave. Si nous ne répondons pas aux attaques directes américaines, ils pourront nous faire tout ce qu’ils veulent.

Le monde est dans le chaos; chacun tire dans sa propre direction; il n'y a personne sur qui compter. Nous sommes seuls: ou nous repoussons l’agression américaine, qui pourrait commencer à tout moment, ou une guerre avec les États-Unis sera inévitable. Trump, avec son arrogance agressive, a dépassé une limite que même Biden et les mondialistes ne voulaient pas franchir. Il ne s’agit pas seulement d’Anchorage. C’est du poker géopolitique, où une partie déclare: «Maintenant, on passe à la roulette russe».

Présentateur : Directement à la roulette russe, tel est le nouveau facteur ?

Alexandre Douguine : Oui. Les Tomahawks sont un nouveau facteur dans l'escalade. Il ne s’agit pas de la victoire de l’Ukraine ou de la défaite de la Russie, mais du début d’un affrontement militaire direct entre la Russie et les États-Unis, le seuil de la troisième guerre mondiale. Nous nous sommes approchés de cette ligne à plusieurs reprises et avons fait marche arrière, mais Trump accélère les événements, alimentant les tensions.

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Melania Trump tente de réfuter les fausses informations concernant les enfants ukrainiens, tandis que Maria Lvova-Belova (photo) a démontré de manière convaincante aux Américains l’absurdité des accusations contre notre président et contre elle-même. Nous y sommes parvenus, mais nous ne pouvons arrêter cette escalade maniaque de Trump, déguisée en pacification.

Le prix Nobel de la paix a été décerné à un agent obscur de Soros pour une révolution colorée ratée au Venezuela: une honte absolue pour ce prix. Pourquoi Trump a-t-il besoin de ce prix discrédité? Son image de pacificateur est fausse, fruit de la sénilité et de l’absurdité.

La fragilité de la situation s’accroît, et les Tomahawks la rendent mortellement dangereuse. Zelensky se féliciterait si l’Amérique commençait à se battre pour lui: ce serait sa victoire à lui. Pendant quatre ans, il a cherché à entraîner l’Occident dans un conflit direct avec la Russie; il pourra ensuite se retirer, même si son pays est détruit.

L’élite mondiale se dégrade: certains sombrent dans la démence, d’autres deviennent toxicomanes, changent de sexe ou se transforment en monstres.

L’Occident perd son visage humain. Soros est un monstre; Trump en est un autre, incapable de distinguer les rêves de la réalité. L’Occident décline, entraînant dans sa tourmente notre propre guerre civile avec le mouvement Antifa, les marxistes, les transgenres, la mode furry. Ils exportent cette apocalypse zombie, infectant l’humanité avec le venin de la folie. C’est extrêmement dangereux: l’Occident possède des bases, des armes et le désir de mourir lors d’un spectacle, comme la tour de Babel qui s’effondre et secoue la terre.

Présentateur : Permettez-moi d’aborder le cadre philosophique, puisque vous avez mentionné le Prix Nobel de la Paix. Certains soutiennent que le déclin de l’Occident profite à la Russie seulement si cela se produit lentement, afin que ses effets centrifuges ne déstabilisent pas le monde entier. Comment voyez-vous cela ?

Alexandre Douguine : Ce qui compte, c’est que l’Occident pourrisse sans nous. Il existe une torture appelée «la fiancée étrusque»: attacher un cadavre à une personne vivante de façon à ce que la putréfaction pénètre dans la chair vivante. L’occidentalisme, le libéralisme, la mondialisation, la numérisation, le désir d’imiter l’Occident: c’est cela, cette «fiancée étrusque».

L’Occident est mort, et plus on s’en rapproche, plus il devient dangereux. Que son déclin soit rapide ou lent n’a pas d’importance. La clé, c’est de pratiquer sans retard le découplage, de couper tous liens avec ce monstre toxique. L’Occident a toujours eu une tendance à la dégénérescence, mais il a maintenant atteint le stade terminal, celui d’un déclin irréversible. Si cela se décompose plus rapidement, c’est peut-être même mieux. L’important, c’est d'isoler cette baraque infectée appelée «société occidentale éclairée», de mettre entre elle et nous un mur infranchissable.

L’humanité doit se sauver de l’Occident. Quiconque reste lié à cette «fiancée étrusque» en décomposition est condamné: le poison se répandra, vite ou lentement, peu importe, mais la maladie qu'il apporte est inévitable. La rupture aurait dû se produire il y a cent ans, deux cents ans. Nous repoussons toujours cela, en pensant que l’Occident ne se décomposera pas ou que son déclin sera d’une certaine manière agréable. Les élites contaminées par une pensée à court terme poursuivent le plaisir immédiat, ignorant les conséquences. La contamination a pénétré notre culture et notre sang. La question n’est pas de savoir si un déclin rapide ou lent nous avantage, mais de savoir qu’il doit se produire sans nous. Nous avons fait beaucoup pour nous en détacher, mais il reste encore beaucoup à faire: l’infection est profonde.

Présentateur : Passons maintenant à ce que nous avons fait et à ce que nous faisons, passons au dernier sujet d’aujourd’hui: le sommet des chefs d’État de la CEI au Tadjikistan et le discours de Vladimir Poutine. De nombreuses questions ont été abordées. Je voudrais demander quelles sont les perspectives de la CEI en ce qui concerne la coopération de la Russie avec les autres pays du Commonwealth. Poutine a cité la Biélorussie comme un exemple de coopération avec nos voisins géographiques et historiques. Que voulait-il dire en faisant une analogie entre la Biélorussie et les autres pays de la CEI dans le cadre de projets communs ?

Aleksandr Dugin : Poutine voulait souligner la nécessité de construire, à la place de la CEI, un État unifié de l’Union eurasiatique selon le modèle de l’Union Russie-Biélorussie. C’est notre seule voie.

Ses paroles peuvent être interprétées de plusieurs manières, mais je n’en vois qu’une seule: de ce qui a été dit et non dit, de la logique de l’histoire géopolitique, il en découle que nous devons agir ensemble comme un seul pôle – les peuples de l’Empire russe, de l’ancienne Union soviétique, partie indissociable de la civilisation eurasienne: notre peuple, notre culture, notre société – ou nous nous retrouverons entourés d’États hostiles, non souverains et marionnettes comme l’Ukraine, sous l’influence d’acteurs extérieurs, pas nécessairement occidentaux. Il pourrait s’agir du pôle islamique, de la Chine ou d’autres centres de pouvoir. La souveraineté n’est possible que pour de grands blocs civilisationnels: la Russie, la Chine, l’Inde et le monde islamique. La souveraineté du monde islamique, comme on le voit à Gaza et en Palestine, est faible. Cependant, elle pourrait se réorganiser, peut-être sous l’influence du facteur palestinien, dans un nouveau type de califat. Alors, l’Asie centrale deviendrait une zone de conflit entre le pôle islamique, la Russie et la Chine: c'est là une perspective sombre.

Poutine lance un dernier avertissement: soit la CEI se transforme en une véritable Union eurasiatique, soit le destin des États semi-souverains post-soviétiques sera tragique. Il n’est pas nécessaire d’atteindre une unification totale comme avec la Biélorussie, mais un partenariat militaire, économique, politique et culturel sous forme d’union devrait servir d’exemple à tous les États de la CEI, y compris l’Ukraine. La guerre en Ukraine est le résultat du refus de cette voie, tout comme en Moldavie et en Géorgie. Il manque encore un argument: la conquête de Kiev. Quand nous conquerrons Kiev, les paroles de Poutine auront du poids. Nous devons démontrer la nécessité de l’État de l’Union par un acte décisif et irréversible. Sinon, augmenter la tonalité de la rhétorique ne servira à rien.

Cf.: https://www.multipolarpress.com/p/trump-decoupling-and-th...

 

Voyage dans l'univers parallèle

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Voyage dans l'univers parallèle

Karl Richter

Le député de l’AfD Markus Frohnmaier est accusé par des cercles de l’Union (démocrate-chrétienne) de "trahison" nationale. Il prévoit en effet un voyage à Moscou et souhaite y rechercher le "dialogue". Une démarche attendue depuis longtemps et qui est très raisonnable. Mais: en pleine guerre en Ukraine, que l’Occident a principalement déclenchée et qu’il maintient toujours en ébullition par tous les moyens, cela ne peut évidemment pas passer. L’hypocrisie de l’Union démocrate-chrétienne appartient à cette catégorie "où l’on ne peut pas manger autant qu’on voudrait vomir". Commettre plus de trahison nationale que celle qui a été infligée aux Allemands par l’Union depuis la fondation de la République fédérale jusqu’à aujourd’hui, ce n’est pas possible.

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Frohnmaier (photo) veut aller à Moscou, et, moi, je viens juste d’en revenir. Après des années d’absence, cela faisait belle lurette qu’il était temps d'y retourner, et malgré la campagne médiatique, les voyages en Russie ne sont ni impossibles ni interdits. Après trois ans et demi de guerre, je voulais me faire ma propre idée de la façon dont le pays gère cela, un pays qui, selon la propagande occidentale, est au bord de l’effondrement et est isolé internationalement. Et surtout, je voulais faire la preuve, constater de visu: sommes-nous désormais, en tant qu’Allemands, haïs par les Russes à cause de la politique incroyablement stupide et dangereuse de nos dirigeants ?

Pour commencer: non, aucune trace de germanophobie. Les Russes "normaux" que l’on rencontre dans l’ascenseur, au restaurant ou au supermarché et qui savent que l’on vient d’Allemagne, savent apparemment, et aussi bien que leur gouvernement, faire la distinction entre les Allemands et leur régime dangereux, dont la haine envers l’Allemagne est effrayante. Au contraire, malgré tout, le respect pour les Allemands reste élevé, et ceux qui ont de la famille en Allemagne ou y sont déjà allés, le montrent volontiers et s'efforcent, amicalement, de prononcer à notre intention quelques mots d’allemand. Même à l’aéroport, lors du départ, je suis salué par le personnel strict qui contrôle mon passeport et mon billet d’avion avec un "Au revoir !" bien soutenu.

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Ce ne signifie pas que la guerre ne se déroule pas. À l’arrivée à Samara sur la Volga (photo), il y a, tout d'un coup, une "alerte drone", et, plus tard, il s’avère que cela fait partie du quotidien. Mais l'alerte se fait uniquement par SMS, par un avertissement sur le téléphone. En réalité, pour les gens, cela se ressent à peine, la vie continue normalement. S'il n'y avait pas, sur certains bus, le "Z" patriotique bien affiché, et s'il n'y avait pas de grandes affiches dans les rues pour faire la promotion du service dans les forces armées – pour des montants à sept chiffres en roubles –, on pourrait croire que la guerre n’est qu’une illusion. Il est évident que même le gouvernement ne la grossit pas trop et ne veut pas imposer trop de restrictions à la population. Cependant, il doit augmenter la TVA de 20 à 22 % à partir du 1er janvier 2026 pour financer la défense.

Le philosophe et géopolitologue Alexandre Douguine a récemment formulé une remarque: pour de nombreux conservateurs en Occident, la Russie représente une sorte d’idéal, celui de l’Europe d’autrefois, un idéal "meilleur", auquel l’Occident d’aujourd’hui a tourné le dos de manière systématique, tandis que la Russie – aussi officiellement – se voit comme le gardien des valeurs traditionnelles de l’Europe. En réalité, le tableau de la vie publique, pour les Européens de l’Ouest, qui, chez eux, sont déçus et irrités, est presque paradisiaque: il se présente sous un jour tranquille, aussi bien à Moscou qu’à Novossibirsk, loin en Sibérie. Dans les spots publicitaires à la télévision, on ne voit que des personnes blanches. À Samara, j’ai vu un (en chiffres: 1) Noir, à Moscou trois. Et personne ne semble se soucier du risque éventuel d’être poignardé dans le métro ou poussé sur la voie ferrée. En cette "Allemagne qui est la meilleure qui ait jamais existé" (Steinmeier), on dénombre statistiquement 80 délits à l’arme blanche par jour. Il ne faut rien exagérer. Mais, il n'en demeure par moins que le risque d’être poignardé est un indicateur de la qualité de vie.

Douguine a justement critiqué la société russe qui est en guerre, pour laquelle la guerre est, dans l’ensemble, très lointaine. Douguine a dit que, malgré l’hostilité ouverte de l’Occident, le pays se concentre encore trop peu sur sa propre identité et continue à ressembler à une simple copie d’anciennes sociétés occidentales. C’est exact. À la télévision, on voit, à l’exception d’une ou deux chaînes de musique folklorique russe ou de films patriotiques de guerre, le même genre de déchets sous-culturels qu’ici, des comédies stupides dans les programmes du soir et de la musique pop. Dans les supermarchés, on trouve de tout, et à l’exception de grandes entreprises comme Daimler ou Microsoft, qui se sont pliées aux sanctions, on peut se procurer tous les produits occidentaux, de la crème Nivea à la bière Spaten en passant par les ordinateurs Apple, tout cela reste omniprésent. Même dans les banques, on remarque que malgré l'abandon du système de paiement occidental SWIFT, on travaille encore sur des ordinateurs Dell. La "libération", celle qui aurait libéré les Russes des logiciels et des matériels américains, et qui a été annoncée il y a plusieurs années, n’a apparemment pas encore été réalisée. Sur la route, on voit aussi de plus en plus de voitures chinoises, en plus de Hyundai et Daihatsu.

La dynamique économique du pays est visible partout. Que Vladimir Poutine, qui vient de fêter son 73ème anniversaire, soit le garant principal de cette croissance, ne fait aucun doute pour mes interlocuteurs russes. L’un d’eux, le représentant de longue date du Parti démocratique libéral (LDPR), Valeri Voronine, considère que le chef du Kremlin est le chef d’État le plus compétent au monde, qui, en 25 ans de règne, a réalisé des exploits et a conféré à son pays une nouvelle influence mondiale. Tout le monde doit être d’accord avec cette évaluation, du moins tous ceux qui se souviennent de la situation de la Russie dans les années 1990. La guerre, depuis 2022, n’a pas sérieusement menacé cette reprise, au contraire.

Les sanctions ont surtout nui aux populations des pays qui les ont appliquées. En Allemagne, les prix de l’énergie domestique ont augmenté de 50,3% entre 2020 et 2024. Non, ce n’est pas de la propagande du Kremlin. Ce chiffre a été publié jeudi par l’Office fédéral de la statistique dans un communiqué. Les responsables de cette catastrophe résident à Berlin et à Bruxelles, pas à Moscou.

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La société russe fonctionne aujourd’hui comme une société parallèle. Elle n’a pas besoin de rougir face à l'Occident, surtout pas face à la société allemande devenue un "Shithole". Peut-être deviendra-t-elle, dans le cadre de la confrontation continue avec l’Occident, dans les années à venir, encore plus "russe" qu’elle ne l’est aujourd’hui – ou peut-être plus eurasiatique. Sur les aéroports, on voit partout des inscriptions en russe, en anglais et en chinois (photo). Sans aucun doute, l’Occident, par ses politiques aberrantes, a fortement favorisé l’intégration de l’espace eurasien et la multipolarisation de la politique internationale: c'est bien là le résultat patent de ses sanctions suicidaires. En plus de l’axe eurasien, d’autres "grands espaces régionaux" se développeront dans un avenir proche – Douguine en prévoit dans son livre "Mission eurasienne" (2022) pas moins de douze, dont cinq rien qu'en Asie –; leur formation est déjà alimentée par la dynamique économique du monde non occidental (BRICS!). Le reste du processus est tout simplement dû à la politique aveugle de l'Occident, qui se débat avec force contre son propre déclin.

Sur le front de la communication, la multipolarisation a déjà créé des faits concrets. Non seulement l’UE censure les médias russes et refuse à RT ou Sputnik leur licence de diffusion. La censure russe n’est pas non plus une coquille vide et touche une série de médias allemands, même relativement inoffensifs comme "Welt", qui ne peuvent pas être consultés sur Internet en Russie. Pour les personnes intellectuellement productives qui dépendent d’un flux libre d’informations, cela est tout aussi inacceptable que la répression de l’UE. De temps en temps, un serveur VPN aide le chercheur. En résumé: les déclarations répétées de l’UE sur la liberté de la presse ne sont qu’une farce. Sur le sujet de la "démocratie dirigée", l’Occident n’a rien à reprocher à la Russie. Le fait que, en Allemagne, certains candidats indésirables – comme lors des dernières élections communales en Rhénanie du Nord-Westphalie – soient systématiquement exclus et qu’on travaille ouvertement à interdire le plus grand parti d’opposition, n’échappe pas à mes interlocuteurs russes.

Lorsque, après un peu plus de deux semaines, le portillon du poste de contrôle des passeports à l’aéroport de Munich s'est refermé derrière moi, je n’ai pas eu un bon pressentiment. Tout ce qui aurait paru incongru jadis revient soudainement: des voilées complètes, des Noirs, des freaks du mouvement Antifa aux cheveux bleus. Non, je ne veux pas de ces "valeurs occidentales-là". Je ne les accepte pas. Si j’avais l’occasion de commettre une trahison nationale comme le député de l’AfD Markus Frohnmaier, je n’hésiterais pas.

lundi, 20 octobre 2025

De la Pax eurasiatica, de sa trajectoire et de son initiative plutôt que celles de Donald Trump

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De la Pax eurasiatica, de sa trajectoire et de son initiative plutôt que celles de Donald Trump

Sur le récent accord de cessez-le-feu et son contexte régional plus large 

Mehmet Perinçek

Lors de la rencontre en Égypte, le front atlantique a désigné le cessez-le-feu atteint à Gaza comme la “paix de Trump”. Mais les “actions de Trump” ne s’arrêtent pas là : nous avons aussi la “trajectoire de Trump” dans le Caucase du Sud et “l’initiative de Trump” en Syrie. Que signifient les politiques et mouvements récents des États-Unis en Asie occidentale, en Méditerranée orientale, en mer Noire et dans le Caucase du Sud ? À quoi ressemble la période à laquelle nous entrons pour les pays de la région ? Et que devrait-on faire ? L’auteur de l’UWI (United World International), historien et politologue, le professeur associé Mehmet Perinçek, a partagé avec nous une analyse complète. 

La “paix” de Trump

En regardant ce qu’on désigne comme l’accord de “paix de Trump” et les parties impliquées, on peut voir clairement qu’il s’inscrit entièrement dans un contexte atlantique et occidental. Bien sûr, la résistance du peuple palestinien et la lutte de Hamas ont contraint le front atlantique à s’asseoir à la table des négociations. C’est un résultat important. Cependant, cette soi-disant “table de paix” représente une tentative occidentale de prendre l’initiative dans la formation de l’ordre en Asie occidentale. 

Trump est là. Tony Blair est à cette “table de paix”. Les mêmes personnes qui ont ensanglanté l’Irak et l’Asie occidentale sont là. Tous les soutiens d’Israël sont assis autour de cette table. Et à côté d’eux se trouvent les forces et pays que l’on pourrait appeler “les amis de Trump” en Asie occidentale. 

L’axe Iran-Chine-Russie est exclu

Après l’éclatement de la guerre de Gaza, le 7 octobre 2023, la Chine, la Russie et l’Iran ont joué un rôle significatif dans le cours des événements. La Chine a même organisé des rencontres pour combler le fossé entre l’Organisation de libération de la Palestine et le Hamas. Israël lui-même a reconnu que la Chine a soutenu le Yémen. L’Iran, comme nous le savons, a combattu directement contre Israël lors de la guerre de douze jours, en soutenant également le Hezbollah, le Hamas, la résistance palestinienne et le Yémen. 

Pourtant, nous voyons que les pays et puissances capables d’équilibrer la menace occidentale et israélienne ont été délibérément exclus de la table des négociations de Trump. Mais cet équilibre est essentiel non seulement pour parvenir à un cessez-le-feu, mais aussi pour garantir la reconnaissance et le soutien international à un État palestinien. 

La guerre comme la paix dépendent de l’équilibre des forces entre les camps opposés. Par conséquent, exclure ces pays de l’accord n’est pas une évolution positive pour la Palestine. Dans la guerre qu'Israël a perdue sur le champ de bataille, Tel Aviv pourrait maintenant regagner un avantage grâce à la “paix de Trump”, où l’agressivité de Trump est en partie freinée ou dissimulée sous le voile de la diplomatie. 

La paix américaine durera-t-elle ?

Ce n’est peut-être pas une “paix israélienne”, mais c'est une “paix américaine”. Cependant, cela ne peut pas apporter une stabilité à long terme ni garantir la sécurité et l’intégrité territoriale de la Palestine. Cela ne sera possible que lorsqu’un pouvoir égal à l’agression israélienne, soutenue par les États-Unis et l’Europe, sera constitué pour la contrer. Sinon, ce que l’on appelle aujourd’hui la “paix de Trump” se transformera rapidement en “oppression de Trump”. 

Pression atlantique dans le Caucase, en Syrie et en Palestine

Pour l’instant, Trump a fait un pas pour reconquérir l’initiative que les États-Unis perdaient dans la région. Il tente de le faire par le biais du soi-disant mémorandum “Trump Route” dans le Caucase du Sud et en maintenant son soutien aux nouveaux détenteurs du pouvoir en Syrie. La soi-disant “paix de Trump” à Gaza fait partie de ces efforts. Tous ces mouvements sont interconnectés. 

Mais à moyen et long terme, cela n’apportera ni paix ni stabilité dans la région. Trump et Israël insistent sur la démilitarisation totale du Hamas, ce qui revient essentiellement à éliminer la force armée qui garantit l’existence d’un État palestinien. En d’autres termes, ils demandent l’abolition même de l’État palestinien. 

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En résumé, nous faisons face à une tentative d’établir un nouvel ordre en Asie occidentale façonné par les États-Unis et Israël dans le cadre de la Pax Americana. Les Accords d’Abraham ont ouvert la voie à ce que des pays qui ne reconnaissaient pas Israël auparavant l’acceptent maintenant, ce qui ne signifie en réalité rien d’autre que la soumission à l’expansion, à l’agressivité et aux occupations d’Israël. Une région soumise aux États-Unis et à Israël… 

Mais peuvent-ils vraiment le faire dans le monde multipolaire d’aujourd’hui? Nous assistons à l’émergence et à la convergence de nouveaux centres de pouvoir en Asie et en Eurasie, sur le plan militaire, économique et politique. 

Le premier Israël et le second Israël

D’après les images diffusées par les médias, on peut aussi voir qu’il s’agit d’une “paix” fausse. Le comportement de Trump sur scène, avec les autres dirigeants alignés derrière lui comme des marionnettes qu’il contrôle par gestes, révèle l’artificialité de tout le spectacle.

Même si Trump peut sembler restreindre Netanyahu et Israël pour des raisons tactiques, en essayant de se rapprocher de ses “amis” en Asie occidentale, Israël reste un partenaire stratégique que les États-Unis ne pourront jamais abandonner. L’objectif commun des États-Unis et d’Israël est de soumettre la région. Leur objectif principal est l’Iran. Mais nous devons être pleinement conscients que la Turquie est aussi dans leur viseur.

Tout comme les États-Unis ne peuvent pas abandonner Israël, ils ne laisseront pas tomber les SDF/PKK/YPG en Syrie. Il peut y avoir des gestes symboliques par-ci par-là, mais le plan fondamental ne changera pas. Les piliers immuables de ce plan sont le Premier Israël et le Deuxième Israël. Ce Deuxième Israël n’est rien d’autre qu’un État marionnette appelé “Kurdistan”.

Calmer la Turquie en Méditerranée orientale

La Méditerranée orientale doit également être analysée dans ce contexte. La souveraineté de la République turque de Chypre du Nord (RTCN) est menacée non seulement par Israël, mais aussi par les États-Unis. Les États-Unis, avec leurs bases en Égée, en Thrace et en Grèce, ont clairement désigné la Turquie et la RTCN comme des cibles. 

Dans cette optique, la “paix de Trump” est un piège conçu pour calmer, neutraliser et transformer la Turquie en une marionnette, en faisant une cible facile. L’idée de “sacrifier l’Iran et de nous sauver de la menace” ne sauvera personne. 

Trump abandonne ses politiques initiales

Trump se considère maintenant comme un commandant victorieux. Bien qu’il se présente comme une colombe de la paix, il poursuit en réalité une politique qui consolide le pouvoir des États-Unis dans le Caucase du Sud, en Syrie et en Palestine, le transformant à nouveau en une force capable d’imposer sa volonté à l’échelle mondiale. 

S’il réussit, il pourrait très bien prendre une direction opposée à celle qu’il a suivie avant et pendant sa présidence dans ses relations avec la Russie, et agir de manière beaucoup plus imprudente envers l’Ukraine. En effet, ses décisions récentes, comme la livraison de missiles Tomahawk à Kiev et ses déclarations ouvertement anti-russes, montrent que Trump s’est déjà éloigné de sa position antérieure. 

Une escalade de la guerre en Ukraine aurait des répercussions négatives non seulement sur la Turquie et la Palestine, mais sur toute la région. Plus la Russie reste embourbée en Ukraine, plus son initiative ailleurs s’affaiblit. 

Liaison forte entre la mer Noire et la Méditerranée orientale

La Turquie peut jouer un rôle constructif à cet égard, en affaiblissant l’influence que les puissances européennes, et maintenant Trump, exercent sur Kiev pour intensifier la guerre. Sans briser cette influence, la paix restera inaccessible. 

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Une telle politique est importante non seulement pour l’avenir de l’Ukraine et de la mer Noire, mais aussi pour la position de la Turquie en Méditerranée orientale et en Asie occidentale. Les menaces auxquelles la Turquie et la RTCN sont confrontées sont trop grandes pour être gérées seules. Bien sûr, la Turquie s’appuiera sur ses propres forces, son peuple et son armée, mais elle a aussi besoin d’alliances. La mer Noire et la Méditerranée orientale sont profondément interconnectées: briser les plans du front atlantique sur l’Ukraine signifierait aussi briser ses plans sur la RTCN. 

Les destins de la Turquie, de la Syrie, de l’Iran, de la Russie et de l’Azerbaïdjan, en bref, de tous les pays de la région, sont liés. Leur intégrité territoriale est directement connectée. Objectivement, la coopération entre eux est donc inévitable. 

La leçon du processus du gouvernement al-Sharaa

Le processus par lequel la Syrie a traversé depuis la formation de son nouveau gouvernement l’a encore une fois clarifié. Au début, Damas pensait pouvoir apaiser les États-Unis et Israël en prenant leurs distances avec l’Iran et la Russie. Ils pensaient pouvoir ainsi échapper à leur agressivité. Mais leur propre expérience a prouvé le contraire. 

Israël a occupé des parties importantes du territoire syrien, la région habitée par les Druzes est tombée sous influence israélienne et est devenue une zone de facto autonome où Damas ne pouvait plus exercer son contrôle. L’accord du 10 mars avec les SDF a été signé mais jamais mis en œuvre. La Syrie croyait qu’adopter les politiques demandées par les États-Unis et Israël apporterait un soulagement, mais c’est le contraire qui s’est produit: en s’éloignant de l’Iran et de la Russie, elle est devenue plus faible et plus vulnérable aux attaques.

Cela nous enseigne une leçon importante: il n’est pas possible d’arrêter l’agression atlantique en la calmant ou en suivant ses diktats, mais seulement en la contrebalançant. C’est la voie qui pourrait aussi ramener Trump en ligne avec ses politiques antérieures moins agressives.

Pas un plan tactique, mais stratégique

De ces expériences, il est clair que la Syrie n’a pas d’autre choix que de coopérer avec la Russie et l’Iran. Ces deux pays ont déjà un passé et une expérience commune, la Russie dispose de bases en Syrie remontant à l’époque d’Assad. La récente visite d’Ahmad al-Sharaa à Moscou pourrait conduire à des mesures qui contrecarreraient les plans des États-Unis et d’Israël. Ce serait la bonne démarche. Ce qui importe, c’est que cette coopération ne reste pas tactique, mais devienne stratégique. Par exemple, des politiques telles que “nous faisons peur aux États-Unis avec la Russie pour qu’ils reculent sur la question des SDF”, en utilisant une partie comme levier contre l’autre, ne fonctionneraient pas. 

Il en va de même pour la Turquie. Sa politique d’équilibre déclarée officiellement n’est plus suffisante pour faire face aux problèmes. La position de la Turquie sera décisive dans la période à venir. Ankara a abandonné le processus d’Astana, et en conséquence, les États-Unis et Israël ont pris le dessus dans le Caucase du Sud, en Syrie et en Palestine. 

De tout cela, nous pouvons tirer une conclusion claire: pas la voie de Trump, mais la voie eurasienne dans le Caucase du Sud. Pas l’initiative de Trump, mais l’initiative eurasienne en Syrie. 

Et pas la paix de Trump, mais la paix eurasienne en Palestine.

Source première: 

https://unitedworldint.com/37324-eurasian-peace-route-and...

Qui commande (réellement) en Europe?

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Qui commande (réellement) en Europe?

par Alessandro Volpi

Source:  https://www.sinistrainrete.info/articoli-brevi/31472-ales...

Qui commande en Europe ? En Allemagne, BlackRock détient des participations, directement ou par l’intermédiaire de fonds qu’il possède, comprises entre 3% et 10% dans Commerzbank, Deutsche Bank, Continental, Adidas, Bayer, Lufthansa, Sofran, Daimler, AG, Basf, Allianz, Siemens, Thyssen Krupp, Münchener Re, Rheinmetall, Hensholdt. À cet ensemble de participations s’ajoute une longue liste d’actions détenues, en dessous du seuil de 3%, dans de très nombreuses autres sociétés allemandes, notamment dans le secteur du crédit et des assurances. 

En France, la société dirigée par Larry Fink détient des parts comprises entre 3% et 9% dans Sanofi, TotalEnergies, LVMH, Schneider Electric, Société Générale, Orpea. 

Là aussi, comme en Allemagne et en Italie, BlackRock possède des participations inférieures à 3% dans de très nombreuses sociétés françaises, avec une incidence notable dans le secteur bancaire. En Angleterre, la société américaine gère une série de fonds UCITS domiciliés sur l’île, qui détiennent d’importantes participations dans des sociétés britanniques, tout en enregistrant une présence directe dans Shell, NetWest Group et Preqin. 

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Les participations de BlackRock en Espagne sont concentrées dans le système bancaire, dans BBVA, Banco Sabadell, Banco Santander, CaixaBank, où la part détenue oscille entre 6% et 8%, ainsi que dans une série d’autres secteurs où la part possédée dépasse 5%, notamment Iberdrola, Repsol, Enagas, Redeia, Telefonica, Grifols, Fluidra, Merlin et AM-Deus. 

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Une importance particulière, la société américaine y a un poids notable dans Naturgy, dont elle contrôle 10%. 

À ces données générales s’ajoutent trois autres considérations:

La première est que BlackRock est l’actionnaire principal des sociétés qui gèrent la Bourse de Londres, celle de Francfort et celle de Milan.

La deuxième, déjà évoquée pour l’Italie, concerne la présence massive dans presque tous les États européens d’un vaste circuit de vente des ETF produits par BlackRock, visant à capter l’épargne diffusée. À ce sujet, il faut souligner que le secteur des ETF connaît une croissance rapide, avec un marché européen total de plus de 2800 milliards de dollars, destiné, précisément, à « capter » une large part de l’épargne gérée, avec plus de 11 millions de plans d’épargne, uniquement en ETF. 

La troisième considération est de souligner que BlackRock n’est qu’un des trois grands fonds américains qui dominent la scène européenne, car des considérations similaires seraient possibles pour Vanguard et State Street, dont l’action, par rapport à la société présidée par Fink, repose surtout sur la production d’ETF et de fonds contenant d’importants paquets d’actions de sociétés italiennes. 

L'hebdo allemand Wirtschaftswoche: L'Europe se prépare – et marche aveuglément vers une économie de guerre

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L'hebdo allemand Wirtschaftswoche: L'Europe se prépare – et marche aveuglément vers une économie de guerre 

Elena Fritz

Source: https://t.me/global_affairs_byelena/2796  

L'hebdo économique allemand WirtschaftsWoche célèbre le patron de Rheinmetall, Armin Papperger, comme étant le «dirigeant de l'époque du tournant».

Dans le langage de l'article, cela ressemble à un succès, à une « force européenne » émergente.

Mais en réalité, WirtschaftsWoche – sans le dire expressis verbis – décrit le début d’une économie de guerre en Europe. 

L'Europe se prépare

Allemagne : 93,7 → 204,8 milliards de dollars (+119 %)

Royaume-Uni : 84,2 → 130,9 milliards de dollars (+56 %)

France : 64,5 → 103,2 milliards de dollars (+60 %)

Italie : 35,4 → 59,1 milliards de dollars (+67 %)

Pologne : 34,5 → 56,9 milliards de dollars (+65 %)

Turquie : 28,3 → 46,4 milliards de dollars (+64 %)

Pays-Bas : 21,9 → 46,0 milliards de dollars (+110 %) 

Ce n’est pas une simple impulsion visant la modernisation des armées.

C’est le doublement des dépenses européennes en armement – en seulement six ans.

L’Allemagne a pris la tête du processus.

Et ce n’est pas seulement une question d’arithmétique budgétaire.

C’est la transformation économique de l’Europe – passant de la production, d’énergie et de biens de consommation à des chaînes d’approvisionnement militaro-administrées. 

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Les indicateurs précoces silencieux

Ceux qui connaissent les cycles historiques détectent dans cette évolution une série de signaux d’alerte classiques: 

- Politique de mobilisation – le retour du service militaire, les programmes pour réservistes, les campagnes de recrutement militaire.

- Déploiements de troupes hors des routines habituelles: contingents permanents de l’OTAN dans les États baltes et en Roumanie; extension de la plus grande base de l’OTAN en Europe.

- Conditions cadres de l’économie de guerre: fabrication en série, standardisation à l’échelle de l’UE, contrats s'élevant à plusieurs milliards, priorité industrielle à la production d’armements malgré la crise énergétique.

- Protection civile et évacuations: relance des anciens programmes de protection civile, exercices en cas de crise, développement d’infrastructures pour la logistique de crise.

- Synchronisation communicative: campagnes d’information, polarisation, construction d’images d’ennemis – préparation psychologique de la population à des « conflits inévitables ».

- Érosion diplomatique: canaux bloqués vers la Russie, politique extérieure chargée de moralisme sans canaux de retour.

Tout cela, pris ensemble, ne constitue pas une « alliance de défense », mais une pré-structuration pour se livrer à l’escalade. 

La question stratégique

L’Europe aurait appris de son histoire, dit-on.

Mais que se passe-t-il si elle est en train de reproduire d’anciennes erreurs sous une nouvelle apparence ?

Un continent qui reconvertit sa base industrielle au profit de l’industrie de l’armement, qui réduit la production civile, qui déclare que ses dépenses en matière de sécurité relèvent de la croissance, – et qui, en même temps, coupe ses canaux diplomatiques – ne se dirige pas vers la paix, mais vers une nouvelle logique militaire que fait système. 

Conclusion

WirtschaftsWoche voulait décrire la montée en force de Rheinmetall – elle a involontairement lancé un signal d’alerte économique. 

Si l’économie européenne devient capable de faire la guerre d’ici 2030, mais n’est plus capable de faire la paix, ce n’est pas un signe de force – mais de désaffection stratégique. 

Les véritables risques ne résident pas à Moscou, mais à Bruxelles, Berlin et dans les bureaux des nouvelles industries de guerre. 

Le lucratif business de la guerre permanente

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Le lucratif business de la guerre permanente

Source: https://mpr21.info/el-lucrativo-negocio-de-la-guerra-perm...

Le complexe militaro-industriel américain demeure une force dominante dans la politique et l’économie mondiales. Non seulement il a perduré, mais il a évolué vers un réseau économique d’une puissance colossale, dont la dynamique favorise les guerres permanentes, souvent masquées par des prétextes « humanitaires » qui dissimulent des pertes dévastatrices en morts, disparus et mutilés.

L’industrie de l’armement est un pilier indispensable de l’économie américaine. Le budget du Pentagone avoisine les 850 milliards de dollars, un chiffre qui peut atteindre mille milliards si l’on inclut les fonds destinés aux guerres en cours. Cela représente plus de 3% du PIB et dépasse les budgets de défense combinés des dix pays suivants.

Ce gigantesque flux d’argent alimente un vaste réseau. Le secteur aérospatial et de la défense emploie directement plus de 1,1 million de travailleurs, un chiffre qui s’élève à plus de 2,2 millions si l’on prend en compte les emplois indirects de la chaîne d’approvisionnement. Des monopoles géants comme Lockheed Martin, Boeing et Raytheon (RTX) dominent le marché, avec des revenus annuels collectifs dépassant les 150 milliards de dollars, largement garantis par des commandes publiques.

Cette influence s’étend bien au-delà de l’économie productive. Les groupes de pression du secteur ont investi plus de 150 millions de dollars en contributions politiques au cours des deux dernières décennies, créant ainsi un cercle vicieux: les entreprises de défense financent des campagnes et des think tanks qui prônent des politiques étrangères agressives, ce qui perpétue à son tour la demande en armements.

Le business dépend de la guerre. Sans guerres ni menaces, réelles ou inventées, la demande d’armes diminue, mettant en danger les profits et les emplois. Depuis 1991, les États-Unis ont lancé au moins 251 interventions militaires.

Ces opérations ne sont pas gratuites; elles génèrent des contrats massifs. Rien que les guerres post-11 septembre (en Irak et en Afghanistan) ont coûté plus de 8000 milliards de dollars, un gaspillage d’argent qui a stimulé les ventes d’armes et enrichi les contractants privés. Cette dynamique crée un intérêt économique pervers au maintien d’un état de guerre permanent, qui sert à justifier des augmentations constantes du budget de la défense.

La rhétorique qui accompagne ces guerres est toujours similaire, un moralisme répugnant. Un cas emblématique est celui des sanctions contre l’Irak dans les années 1990. Imposées pour contenir Saddam Hussein, elles ont entraîné la mort d’environ 500.000 enfants irakiens de moins de cinq ans, selon des études de l’ONU, des suites de la malnutrition et de maladies évitables.

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En 1996, la secrétaire d’État de l'époque, Madeleine Albright, interrogée sur ce carnage dans l’émission « 60 Minutes », déclara que « cela en valait la peine ». Cette déclaration illustre la froideur avec laquelle on peut sacrifier des vies humaines au nom d’objectifs géopolitiques et pour les intérêts de l’industrie de l’armement.

Des interventions similaires, comme celles au Kosovo (1999) ou en Libye (2011), présentées comme la protection des populations civiles, ont souvent débouché sur des instabilités prolongées qui, à leur tour, ouvrent de nouveaux marchés pour l’armement américain. Le complexe militaro-industriel profite du chaos qu’il contribue à créer, un cercle vicieux aux conséquences dévastatrices pour des millions de personnes.

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dimanche, 19 octobre 2025

Le symbole national de la Palestine est l’orange

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Le symbole national de la Palestine est l’orange

Robina Qureshi

Source: https://mpr21.info/el-simbolo-nacional-de-palestina-es-la...

Autrefois, le symbole national de la Palestine était l’orange. Le premier agrume à apparaître dans la région, vers le IIe siècle av. J.-C., fut le cédrat, cultivé exclusivement à des fins rituelles. Les oranges amères arrivèrent huit siècles plus tard avec les conquérants arabes. Cependant, ce sont les commerçants portugais des XVe et XVIe siècles qui introduisirent les variétés douces, transformant le paysage. À la fin du XVIIIe siècle, les oranges et les citrons étaient cultivés dans toute la Palestine, et ceux de la vieille ville de Jaffa étaient particulièrement appréciés.

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Une société d’exportation appartenant aux Templiers, une société chrétienne allemande établie en Palestine au XIXe siècle, utilisa pour la première fois le nom de Jaffa en 1870. En quelques décennies, l’orange de Jaffa acquit une renommée mondiale et arriva même sur la table de la reine Victoria. Elle était appréciée pour sa douceur, son écorce épaisse et sa remarquable conservation, la rendant idéale à l’exportation. D’abord expédiée dans des sacs de jute, puis dans des caisses en bois, chaque fruit était soigneusement enveloppé dans du papier de soie pour éviter les dommages.

La culture commerciale des agrumes à grande échelle débuta dans les années 1830 et 1840 sous domination ottomane. Les grandes familles terriennes palestiniennes de Jaffa et des villages voisins, telles que les familles Abu Laban et Al Dajani, investirent massivement dans la culture des agrumes, l’irrigation et l’infrastructure d’exportation.

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À la fin du XIXe siècle, les commerçants palestiniens avaient établi des routes commerciales reliant directement le port de Jaffa aux marchés européens, notamment la Grande-Bretagne et la France. Ils organisèrent le transport, l’emballage et la promotion de la marque, faisant de l’orange de Jaffa un produit reconnu mondialement bien avant l’arrivée des colonies sionistes dans la région.

La famille Abu Laban, en particulier, fut l’une des plus influentes: ses orangeraies et ses opérations d’exportation devinrent la pierre angulaire de ce commerce. Leur marque jouissait d’une grande réputation sur les marchés européens. Après 1948, leurs terres, comme celles de milliers d’autres agriculteurs palestiniens, furent confisquées sous les lois dites de la «propriété absente».

Le port de Jaffa était l’artère de cette économie. À chaque saison de récolte, les agriculteurs livraient les fruits de leurs vergers. Dockers, fabricants de caisses, emballeurs et commerçants se pressaient sur les quais. Des barges transportaient les caisses vers des navires à destination de Londres, Marseille ou Trieste.

En 1939, les exportations d’agrumes de Palestine s’élevaient à environ 15 millions de caisses par an, Jaffa en produisant la majorité. La Grande-Bretagne était le principal importateur. Les agriculteurs palestiniens utilisaient des techniques innovantes de greffage et d’irrigation pour cultiver des variétés sans pépins et faciles à peler, qui dominaient les marchés hivernaux européens.

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Les oranges de Jaffa étaient à la fois un moteur économique et un ancrage culturel. Après 1948, les Palestiniens déportés emportèrent en exil des graines ou des écorces séchées d’orange, fragments d’une patrie volée.

Pendant la Nakba, les milices sionistes, telles que la Haganah, l’Irgoun et le Lehi, attaquèrent des villages palestiniens, expulsèrent les civils et confisquèrent leurs vergers. Le nouvel État d’Israël légalisa ce vol par des lois sur la « propriété absente », transférant terres, entrepôts et réseaux de transport à des coopératives et organisations de colons soutenues par l’État. Le Curateur des Propriétés Absentes attribua les vergers à des institutions sionistes telles que le Fonds National Juif.

Ce fut une destruction délibérée du pilier économique palestinien par la guerre, l’expulsion forcée et le vol légalisé. Le contrôle de Jaffa et de sa ceinture d’agrumes était stratégique. Contrôler cette région, c’était contrôler le flux de devises.

Le nom « Jaffa » a survécu comme marque mondiale, mais il s’agit d’un produit volé, dépouillé de ses racines palestiniennes et commercialisé sous pavillon israélien. Les clients britanniques et européens ont continué à acheter les mêmes oranges auprès des nouveaux exportateurs. Avant 1948, l’industrie était majoritairement palestinienne. Après 1948, les Palestiniens ont été exclus du commerce qu’ils avaient créé. Comme l’écrit Susan Abulhawa, ce fut une « falsification épique ».

Une petite activité de production d’oranges a survécu à Gaza et à Tulkarem, mais des décennies d’appropriation des terres, de restrictions sur l’eau et de blocus ont réduit son activité à l’ombre de son ancienne gloire. Les vergers restants sont des actes de résistance. Les agriculteurs palestiniens continuent de planter, défiant le dépouillement.

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Plusieurs écrivains, historiens et militants palestiniens ont documenté le vol des oranges de Jaffa et leur signification. En 1962, dans la nouvelle de Ghassan Kanafani, « La terre des oranges tristes », le fruit incarne l’exil et la perte. Une famille fuit avec un sac d’oranges dont la vue devient insoutenable.

Un autre écrivain palestinien, Rashid Khalidi, décrit l’industrie des agrumes comme le joyau de l’économie palestinienne avant 1948 et sa confiscation comme un vol à la fois économique et politique.

Ilan Pappé a documenté comment la ceinture d’agrumes de Jaffa fut délibérément ciblée comme un produit stratégique, et non simplement comme moyen de subsistance.

Edward Said évoquait Jaffa comme un lieu d’activité culturelle et économique effacé par la colonisation, avec des oranges « rebaptisées et revendues ».

Mahmoud Darwish utilise la métaphore de l’oranger comme symbole de la patrie. Dans « Carte d’identité », il relie l’identité aux vergers, soulignant le rôle des symboles quotidiens dans la transmission de la mémoire.

Ces voix présentent l’orange non seulement comme l’une des plus grandes pertes économiques, mais aussi, et surtout, comme symbole d’identité nationale, de mémoire et de résistance.

Le monde consomme toujours des oranges de Jaffa. Peu de gens savent qu’elles sont nées sur le sol palestinien, cultivées par des Palestiniens et volées par violence. Un ancien agriculteur, déporté en 1948, se souvient: «Nous avons planté ces arbres. Nous avons récolté ces oranges. Quand les soldats sont venus, ils ont pris la terre, les arbres et même le nom. Mais le parfum du fruit nous appartient à jamais».

Ce n’est pas seulement la perte de terres agricoles, mais aussi l’anéantissement d’une société entière: familles dispersées, travailleurs expulsés, agriculteurs privés du fruit d’une vie de labeur. L’industrie reposait sur le travail humain et l’intelligence collective; ces populations furent les premières à être dépossédées.

Cette histoire met en lumière notre complicité en tant que consommateurs. Le peuple palestinien avait fondé toute une économie sur sa terre. Les autorités sionistes la leur ont arrachée par la guerre, la déportation et le vol légalisé, pour ensuite la présenter au monde comme une réussite israélienne. Les Palestiniens ont enduré massacres, famine, blocus, occupation et exil sans fin. Aucun film hollywoodien n’a cherché à les humaniser ni à mettre fin à leur déshumanisation. Nous avons consommé les fruits du travail palestinien sans percevoir la violence sous-jacente. Chaque orange portant le label « Jaffa » symbolise notre complicité.

Robina Qureshi

https://thisisrobinaqureshi.substack.com/p/jaffa-oranges-...

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Guerre des aimants: comment la Chine freine la production d’armement occidentale avec un simple formulaire

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Guerre des aimants: comment la Chine freine la production d’armement occidentale avec un simple formulaire

Elena Fritz

Source: https://t.me/global_affairs_byelena/2796 

Sans aimants, pas de moteur, pas de radar, pas d’avion.

Et sans la Chine, pas d’aimants.

Environ 90% de la production mondiale d’aimants à terres rares provient de la République populaire. Ils sont présents dans chaque moteur électrique, chaque drone, chaque F-35. Ce qui peut sembler être un détail technique est en réalité la colonne vertébrale de l’armement moderne. Et c’est précisément là que la Chine agit désormais.

1. Ce qui se passe réellement

Depuis octobre, de nouvelles licences d’exportation s’appliquent en Chine pour les métaux et technologies issus des terres rares.

Quiconque souhaite désormais importer du néodyme, du samarium ou du dysprosium de Chine doit prouver que le produit final sera exclusivement civil.

Une part de seulement 0,1% peut suffire à rendre une autorisation obligatoire.

Sur le papier, il s’agit d’une simple régulation technique.

Dans la pratique, c’est un contrôle sur la production mondiale d’armes.

Car presque tous les systèmes d’armes occidentaux – des missiles aux sous-marins – utilisent précisément ces matériaux.

2. Pas une riposte, mais une stratégie

L’Occident parle par réflexe de « guerre commerciale ». Mais c’est une vision réductrice.

La Chine ne répond pas par des droits de douane ou des sanctions, mais par quelque chose de bien plus efficace: le temps.

Une licence peut être retardée, annulée ou renégociée.

Et chaque retard ralentit les programmes d’armement occidentaux.

Au lieu de bloquer les armes, Pékin en ralentit la production.

Ce n’est pas une guerre économique – c’est un frein asymétrique à l’armement.

3. Effet miroir de l’Occident

Les États-Unis ont instauré ces dernières années des contrôles à l’exportation sur les puces électroniques et certaines technologies – au nom de la «sécurité nationale».

La Chine applique désormais la même logique, mais la retourne contre ses initiateurs.

Alors que Washington décide qui peut livrer des puces à la Chine, Pékin décide qui peut utiliser les métaux chinois pour fabriquer des armes contre la Chine.

Il en résulte une stratégie miroir:

Les rôles dans l’économie mondiale de la sécurité commencent à s’inverser.

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4. Dépendance de l’Europe – le maillon aveugle

L’Europe évoque «l’autonomie stratégique» et la «Readiness 2030».

Mais elle ne possède quasiment aucune capacité propre pour extraire ou traiter ces matériaux.

Même le recyclage et la fabrication d’aimants dépendent des chaînes d’approvisionnement chinoises.

Cela signifie:

Même si Bruxelles mobilise des milliards pour l’armement, c’est finalement Pékin qui décide du flux des matériaux.

Un goulot d’étranglement remplace toute rhétorique politique.

5. Le pouvoir d'une stratégie délibérée de "ralentissement"

Dans la logique classique du pouvoir, il s’agit d'asseoir de la supériorité.

La Chine choisit une autre voie: contrôler le rythme.

Elle ne freine pas l’armement lui-même, mais la rapidité de sa production.

Et dans un monde où la préparation à la guerre dépend des rythmes de production, le temps devient la nouvelle ressource stratégique.

Tandis que l’Occident parle de réarmement, la Chine positionne l’interrupteur en mode attente.

Pas d’embargo, pas de menace – juste un formulaire.

6. Le moment décisif

Pour la première fois depuis la fin de la guerre froide, ce n’est plus Washington mais Pékin qui détermine les goulets d’étranglement de la production occidentale d’armement.

C’est là le véritable changement de paradigme:

Du réarmement à la limitation de l’armement comme instrument de puissance.

La Chine n’impose pas de sanctions.

Elle instaure des autorisations.

Et parfois, un simple formulaire d’autorisation s’avère être l’arme la plus puissante du monde.

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Le consternant dilemme d’un peuple à l’agonie: s’acoquiner avec les islamo-gauchistes ou se prostituer avec les sionisto-droitards?

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Le consternant dilemme d’un peuple à l’agonie: s’acoquiner avec les islamo-gauchistes ou se prostituer avec les sionisto-droitards?

par Pierre-Emile Blairon

Droite et gauche d’autrefois

Dans ma jeunesse estudiantine aixoise, nos revues militantes (je faisais alors partie de ce que les gens de gauche appellent un « groupuscule », le MJR : Mouvement Jeune Révolution, un groupe proche des dissidents solidaristes russes, créé par le capitaine Sergent, l’un des chefs de l’OAS (1)) avaient un slogan très explicite: ni banques, ni soviets! (la Russie n’avait alors pas encore retrouvé sa liberté) ; puis il a été remplacé par un autre slogan, tout aussi efficace: Ni keffieh, ni kippa !, probablement lancé par le GUD, un autre mouvement de jeunesse nationaliste.

Ces deux slogans reflètent à merveille l’évolution des équilibres mondiaux, le déplacement des plaques tectoniques géopolitiques planétaires qui auront pris quelques dizaines d’années pour arriver au chamboulement que nous vivons actuellement.

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La chute de l’URSS a révélé que la doctrine communiste, qui s’était effondrée en même temps que le mur de Berlin, avait constitué une sorte de paravent éphémère (74 ans, une génération (2)) plus ou moins bricolé, une terrifiante plaisanterie intellectuelle sacrifiant des millions d’êtres humains à une utopie, dégradé en dystopie, qui n’avait finalement convaincu personne.

Ce paravent socialiste brinquebalant cachait un autre système globaliste plus élaboré et plus nocif, dépassant le simple cadre idéologique et politique, mis en place depuis bien plus longtemps, qui avait étendu sa toile sur l’ensemble de la planète avec des méthodes et des objectifs encore plus dangereux, sataniques et totalitaires (3) que les débordements de l’Internationale socialiste (stalinisme, maoïsme, Pol-Pot, et autres sanglantes lubies « progressistes ») en se présentant sous le masque de la «démocratie», du «libéralisme», de la «liberté» et autres fariboles.

Un troisième slogan fleurissait alors: Europe, jeunesse, révolution. Rien de plus attendu que le mot «révolution» quand on a 20 ans; quant à l’Europe, il ne s’agissait pas de l’Europe mondialiste de Bruxelles créée par les Etats-Unis, mais de celle nos ancêtres celtes, grecs, romains, nordiques… que nous voulions faire revivre.

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Nous avions acquis quelques bribes de l’histoire de notre lointain passé indo-européen dont nous voulions être les derniers défenseurs; de ce fait, nous n’étions certes pas «judéo-chrétiens» (4) ni même occidentistes (5), même si certains d’entre nous s’étaient un temps fourvoyés avec le mouvement «Occident» (6), un concept politique qui était alors entendu comme un rempart contre le communisme et l’internationalisme (7), le « mondialisme » de l’époque.

Le mondialisme actuel, ou «globalisme» ou «Ordre mondial», je le rappelle à chaque intervention, s’appelle aussi «l’Occident» mais cette occurrence n’a plus du tout la même signification que celle des années 60 et 70; c’est une entité qu’on peut définir aujourd’hui comme «satanique», voire «pédo-satanique», constituée de trois pôles :

- L’Israël sioniste (qui n’englobe pas la totalité du peuple d’Israël ni, d’ailleurs, la même Histoire (9)).

- Les Etats-Unis (qui n’englobent pas, de même, la totalité du peuple américain, de l’Amérique profonde, en complet désaccord avec ce qui est appelé «l’Etat profond» qui, lui, signifie le pouvoir occulte).

- L’Union européenne, dont les Français (comme d’autres peuples européens) ne voulaient pas mais que le délinquant Sarkozy a imposée aux Français en bafouant leur vote en 2005.

Hiérarchie: l’Union européenne est totalement inféodée aux Etats-Unis et les Etats-Unis eux-mêmes sont sous la coupe de l’Israël sioniste (10).

Les notions de « gauche » et « droite », celles qui déterminent la place des députés dans l’hémicycle, étaient encore assez marquées et ceux qui s’en revendiquaient avaient quelque légitimité à le faire puisqu’elles représentaient encore de vraies valeurs et leurs tenants étaient conservateurs à droite et progressistes à gauche.

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De fait, ces notions de « gauche » et « droite » ont lentement été vidées de leur contenu idéologique et ne servent plus qu’aux politicards corrompus de l’Assemblée nationale ou du Sénat qui les agitent selon leur intérêt comme épouvantail, ou chiffon rouge, pour les benêts de l’un ou l’autre camp.

Le monde réel n’est plus «de droite» ou de gauche» ; il est «traditionaliste» ou «globaliste» (11).

Mais ce déplacement de paradigme n’intéresse nullement les politicards français qui ne veulent surtout rien changer.

Islamo-gauchistes de LFI, sionisto-droitards du RN, et les autres: un ramassis de fripouilles

(Les autres : macronistes européo-globalistes, girouettes socialos, caméléons écolos, marionnettes LR)

J’ai quelque réticence à employer ce mot: «français» à propos de la plupart de ces élus des deux Assemblées où ces gens sont censés représenter la voix de leurs électeurs.

Car il n’y a pas un seul groupe qui se préoccupe du sort de ceux qui les ont placés dans leur fauteuil qu’ils espèrent inamovible, c’est-à-dire les Français.

Je ne vais développer que sur les deux partis les plus importants; il n’y a rien à dire sur les autres parce qu’ils n’ont eux-mêmes rien à dire, ils sont là pour les prébendes, et c’est tout. Les péripéties grotesques concernant les motions de censure présentées et rejetées le jeudi 16 octobre 2025 en sont la parfaite illustration. Seules, quelques individualités ont eu le courage de ne pas suivre les consignes de leurs groupes au risque de leur exclusion.

Islamo-gauchistes de LFI: islamo-gauchistes veut tout dire et le nom de leur groupe aussi, en inversion: La France Insoumise; chez eux, il n’est question ni de la France, ni d’insoumission; pour rappel, islam, avec lequel ces gens sont étroitement liés, signifie: soumission.

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Ils se sont alliés à l’islam en France pour obtenir les voix de ceux qu’ils protègent, et sont alliés du mondialisme « woke » ailleurs; c’est ainsi qu’on a vu récemment la tête de liste européenne de LFI, Manon Aubry, se jeter dans les bras d’Ursula von der Leyen pour la féliciter lors de son élection à la présidence de la Commission européenne. C‘était l’élan du cœur !

Donc, ils sont en France, vivent grassement de nos impôts, pour le reste, la France ne les concerne aucunement. Ils défilent régulièrement avec des drapeaux palestiniens dans les rues de nos villes (on n’a jamais vu un seul drapeau français dans leurs manifs) mais le sort des Palestiniens ne les intéresse pas plus que celui des Français, c’est encore pour ramener vers eux les voix des musulmans.

Les sionisto-droitards du RN: dans un article précédent, j’ai tracé un portrait-type du «droitard» selon ma version: un petit-bourgeois, fils de grand bourgeois, émoustillé par sa témérité lors de la révolution d’opérette de 1968 (12); le naturel revenant au galop, il s’est installé dans sa zone de confort qu’il a géré comme son patrimoine, en bon père de famille, selon la formule notariale de rigueur; il a remisé ses quelques idées de gauche, trop romantiques et trop encombrantes et a voté dès lors pour le RPR, l’UMP et LR avant de se donner une seconde bouffée d’intrépidité en abordant ses vieux jours, proclamant que, désormais, il soutiendrait le RN; ça tombait bien; Marine Le Pen, après force gages de soumission, de contorsions diplomatiques et de professions de foi sioniste (13), commençait à se placer dans les petits papiers des pressetitués, qui consentaient, sur l’injonction de leurs milliardaires de patrons, à l’inviter dans leurs émissions télévisuelles, avec quelques grimaces et en se bouchant le nez. Papa droitard était aux anges!

Un papa sionisto-droitard, catho de surcroît (mais il a oublié ce détail depuis longtemps), qui n’a pas levé un sourcil quand il a su, ou vu, ou plutôt, quand il n’a pas voulu voir ou savoir, que des milliers d’enfants ont été délibérément massacrés par l’entité sioniste, certains ensevelis vivants par les bulldozers de Tsahal. « Oui, mais… », lui a-t-on dit au RN, droit dans ses bottes, « les Israéliens ont bien le droit de se défendre » … Je le répète: ce n’est pas parce qu’on dénonce le « massacre des innocents », c’est-à-dire le massacre de dizaines de milliers d’enfants, de femmes et de vieillards, ce que tout être normalement constitué devrait aussi dénoncer, qu’on doit être classé comme favorables à l’immigration, ce qui se traduit, pour les débiles mentaux: «favorables aux Arabes et à l’invasion de notre pays par les hordes immigrées».

Toute la politique du RN depuis que Marine Le Pen en a pris les commandes n’a consisté qu’à se fondre dans le politiquement correct du mondialisme (pro-Union européenne, pro-Otan, pro-OMS, pro-néo-cons (quelle amusante contraction !), pro-transhumanisme, pro-sionisme et pro-trumpisme (pardon, il y a là un pléonasme), etc., le RN coche servilement toutes les cases du parfait petit globaliste; j’ai maintes fois souligné cette dérive, ou cette inversion de l’esprit fondateur de ce parti, dans mes articles dûment référencés.

Marine Le Pen réussit l’exploit machiavélique de faire croire à ses électeurs (et peut-être même à ses propres troupes), par un discours à l’opposé de ses actes, qu’elle suit la voie qu’avait tracée feu son père… Elle en aura au moins appris quelque chose : comment utiliser le pouvoir de la parole, avec une variante: même si cette parole n’est pas suivie d’effet concret, ou même si elle est suivie d’effets contraires, ça n’a aucune importance; les Français se contentent des promesses et des belles paroles; ils en ingurgitent tous les jours avec voracité jusqu’à l’indigestion et appliquent en inversion le célèbre adage: «les paroles s’envolent, les écrits restent».

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La France : un peuple à l’agonie

Que pensent les Français de tout ce charivari? Je viens de donner un aspect de leur état d’esprit concernant les électeurs du RN et ceux de LFI, mais on peut généraliser à l’ensemble de la population: ils n’en pensent rien, rien du tout, électrocardiogramme plat.

J’ai proposé en titre un choix binaire qui semble opposer deux vues-du-monde; en réalité, il n’y a pour les Français aucun choix; ce titre n’expose que l’apathie d’un peuple qui observe avec fascination, du fond de son fauteuil, sa propre disparition et avale avec délectation (pour les plus masochistes), ou résignation, ou plus vraisemblablement, avec indifférence, tous les épisodes de la série télé qui décrivent leur lente déchéance; ils ne se sentent pas concernés.

Tout peuple qui se renie disparaît.

Je terminerai sur une note, non pas optimiste, mais positive; le temps est venu pour les êtres éveillés de changer de paradigme et de se regrouper, de travailler en synergie, chacun et chaque groupe dans sa région élective et dans son domaine de prédilection; nous ne pouvons pas compter sur un improbable réveil des masses qui ont été lobotomisées, notamment lors de l’offensive globale qu’ont déclenchée les forces obscures contre les humains au début des années 2020.

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Les paliers d’évolution et les révolutions ont toujours été le fait d’une minorité. C’est ce qu’affirmait le philosophe René Guénon quand il écrivait, dans Le Règne de la quantité et les signes des temps que les événements qui vont inévitablement advenir «ne pourront pas être compris par la généralité, mais seulement par le petit nombre de ceux qui seront destinés à préparer, dans une mesure ou dans une autre, les germes du cycle futur. Il est à peine besoin de dire que, dans tout ce que nous exposons, c’est à ces derniers que nous avons toujours entendu nous adresser exclusivement, sans nous préoccuper de l’inévitable incompréhension des autres».

Pierre-Emile Blairon

(1) En 1968, la section d’Aix-en-Provence, dirigée par Georges Chamboulive, était la plus importante de France; lorsqu’elle rejoindra Ordre nouveau, elle restera l’une des plus importantes du territoire français et certains de ses militants seront à l’origine de la création du Front national.

(2) Voir mon article du 6 avril 2025 : L’Europe est morte, vive l’Europe ! Cf.: 

http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2025/04/11/l-europe-est-morte-vive-l-europe.html

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(3) Nous avons ici une description brillante, limpide et concise du mondialisme par la psychologue Marion Saint-Michel (photo) qui décrit le comportement et le caractère très dérangés des psychopathes qui nous dirigent sur le plan mondial.

https://www.youtube.com/watch?v=soN4a18rkSY

(4) Voir mon article du 21 septembre 2025 : Quelle est donc cette « civilisation judéo-chrétienne » à laquelle nous appartiendrions ? Cf. 

http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2025/09/24/quelle-est-donc-cette-civilisation-judeo-chretienne-a-laquelle-nous-apparti.html

(5) Selon le néologisme des dissidents soviétiques Zinoviev et Boukovsky (voir l’ouvrage de ce dernier : L’Union européenne, une nouvelle URSS ? publié il y a 20 ans !)

(6) Dont les dirigeants avaient pour nom Alain Madelin, Gérard Longuet, Patrick Devedjian, avant qu’ils ne rentrent dans le rang et sombrent dans le politiquement correct du RPR, de l’UMP et de LR ensuite…

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(7) Le nom de ce mouvement avait plus à voir avec Défense de l’Occident, la revue de Maurice Bardèche, le beau-frère de Robert Brasillach, parue entre 1952 et 1982, qu’avec l’Occident vu par Oswald Spengler dans son célèbre ouvrage Le déclin de l’Occident.

(9) Voir à ce sujet mon article du 1er septembre 2025: L’Occident et la droite nationale française face à l’anéantissement de Gaza. Cf. 

http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2025/09/05/l-occident-et-la-droite-nationale-francaise-face-a-l-aneantissement-de-gaza.html

(10) Autre variante: l’analyste belge Michel Collon pense, lui, que l’Israël sioniste constitue l’un des bras armés de l’Otan et, au-delà, de l’Amérique, comme d’autres dans le monde qui ont fait allégeance aux Etats-Unis et sont utilisés pour servir aux basses œuvres de la CIA ou du Mossad, ou des deux réunis; nous en aurons bientôt un exemple puisque Trump, qui n’est pas du tout le bienveillant ami des peuples tel qu’il s’est présenté et tel qu’il se présente encore, mais un salaud intégral, a décidé d’envahir le Vénézuéla et de le détruire afin de s’emparer de son pétrole (comme les Américains l’ont fait auparavant avec bien d’autres pays dans une liste sans fin).

https://www.facebook.com/reel/1310319197186431?locale=fr_FR

(11) Voir mon article du 22 février 2024: Traditionalistes contre globalistes : le grand chambardement planétaire. Cf.: 

http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2024/02/23/traditionalistes-contre-globalistes-le-grand-chambardement-planetaire.html

(12) Voir l’article de Georges Gourdin concernant Dominique de Villepin: Galouzeau, ce galopin ! du 16 octobre 2025 ; mais une autre canaille comme Sarkozy fait aussi bien l’affaire. D’ailleurs, avant sa condamnation et son prochain emprisonnement, il magouillait pour se faire accepter des hautes instances du RN.

(13) Et après avoir exclu son père (il avait alors 87 ans !) du parti qu’il avait lui-même fondé en 1972 avec quelques membres d’Ordre Nouveau, comme je le rappelais un peu plus haut.

Pour appuyer sa « conversion » au sionisme, elle avait auparavant dépêché son adjoint Jordan Bardella et sa nièce Marion Maréchal en Israël pour se prosterner devant le génocidaire Netanyahou, que j’aime surnommer Netoyonthou, poursuivi par la Cour Pénale Internationale de Justice pour crime de guerre et crimes contre l’humanité commis dans la bande de Gaza occupée. (Voir mon article du 31 mars 2025 : Condamnation de Marine Le Pen : l’extrême-droite la plus bête du monde !)

Guerre calendaire

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Guerre calendaire

par Georges Feltin-Tracol

La France s’enfonce dans le déclin. Cela n’empêche pas certains de développer une vision fondamentaliste de la laïcité. Ces irresponsables démontrent par leurs agissements leur futilité au CSEN. Instance consultative, le Conseil supérieur de l’Éducation nationale (CSEN) réunit les syndicats représentatifs du monde enseignant (personnels de direction, professeurs, parents d’élèves, étudiants et lycéens).

Le 1er octobre 2025, le syndicat majoritaire dans l’enseignement primaire, la FSU – SNUIPP (Fédération syndicale unitaire – Syndicat national unitaire des instituteurs, professeurs des écoles et PEGC) y dépose un amendement approuvé par 44 voix et seulement 7 contre ! L’instruction s’effondre dans tous les niveaux de classe, y compris dans les établissements privés sous contrat, à cause de la persistance de funestes lubies « pédagogogistes », mais il y a d’autres priorités urgentes. Cette formation syndicale mène en effet un combat déterminant pour l’avenir de l’école : remplacer la dénomination des vacances de la Toussaint et de Noël par « vacances d’automne et de fin d’année ». Ce brillant syndicat qui a dû longuement cogiter pour rédiger ce texte aberrant, pense que les noms actuels des fêtes « n’ont pas leur place dans le calendrier de l’école républicain ». Il entend mieux faire respecter la laïcité.

Si le syndicat étudiant UNI (Union nationale interuniversitaire), classé à droite, a aussitôt lancé une pétition qui aurait attiré environ 20.000 signatures, le ministère de l’Éducation nationale ne l’a pas retenu au grand dam des héritiers d’Émile Combes (1835 – 1921) ! Ce président du Conseil de 1902 à 1905 conduit une féroce politique anti-chrétienne. Il organise le fichage général des fonctionnaires réputés catholiques, en particulier les officiers (la tristement célèbre « Affaire des fiches »).

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L’initiative de la FSU – SNUIPP reçoit un accueil assez favorable. Secrétaire générale de la FEP (Formation et Enseignement privés) – CFDT, Valérie Ginet assure que « ce changement pourrait permettre à tout le monde de se sentir inclus ». Pour Grégoire Ensel, vice-président de la FCPE (Fédération des conseils de parents d’élèves), cette modification sémantique « est un symbole important qui rappelle la laïcité de la République ». Le syndicat des anciens instituteurs réalimente de vieilles demandes fantasques.

Dès février 2013, Jacques Attali proposait de renommer Noël et Pâques par la « Fête des enfants » et une grotesque « Fête de la liberté ». Savait-il que Pâques (avec un s final) marque la résurrection du Christ chez les chrétiens ? En revanche, Pâque (sans le s) rappelle aux juifs la sortie d’Égypte sous la direction de Moïse. Cette « Fête de la liberté » orwellienne entérinerait-elle l’endettement bancaire colossal des États et des peuples européens ?

Toujours en 2013, quelques mois plus tard, en septembre, une certaine Dounia Bouzar, anthropologue de son état, membre de 2003 à 2005 du Conseil français du culte musulman, ensuite admise à l’Observatoire de la Laïcité lié aux services de Matignon, suggérait de retirer deux fêtes chrétiennes fériées pour une fête juive, Yom Kippour, et une autre musulmane, l’Aïd. Elle ne faisait que répéter une suggestion saugrenue de la candidate Verte à l’élection présidentielle de 2012, Éva Joly, qui n’en manquât jamais !

L’intention de ces individus demeure bien floue. Doit-on rendre fériés des événements festifs juifs et musulmans ou bien laïciser tous ces jours légaux de repos ? S’il faut en introduire d’autres qui mentionnent d’autres religions, pourquoi se limiter au monothéisme ? L’hindouisme, le bouddhisme, le sikhisme, l’animisme ont eux aussi droit à leurs jours d’arrêt au nom de la sempiternelle lutte contre toutes les discriminations. D’autres rêvent en revanche de tout laïciser.

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Par un tweet à la date du 24 mai 2023, Éric Piolle, maire Vert de Grenoble et grand allié de l’extrême gauche, écrivait : « Supprimons les références aux fêtes religieuses de notre calendrier républicain. Déclarons fériées les fêtes laïques qui marquent notre attachement commun à la République, aux révolutions, à la Commune, à l’abolition de l’esclavage, aux droits des femmes et des personnes LGBT. » Sa déclaration nécessite deux réponses. S’il veut célébrer la Commune, Éric Piolle serait-il prêt à honorer la mémoire de Raoul de Bisson (1812 – 1890). Avant de devenir général de la Commune de Paris en 1871, ce royaliste légitimiste français lutte aux côtés des carlistes espagnols, puis avec les Bourbons-Siciles contre les Chemises rouges garibaldiennes. Le maire de Grenoble accepterait-il aussi de saluer la mémoire de l’aïeul des nationalistes-révolutionnaires, Louis Auguste Blanqui ?

Dans son tweet, Éric Piolle évoque « notre calendrier républicain ». L’édile grenoblois égrènerait-il son temps personnel en fonction de ventôse, de germinal, de fructidor et de brumaire comme La Libre Pensée qui utilise le véritable calendrier républicain en vigueur de 1792 à 1806 dans ses publications imprimées ? Il est étonnant qu’un décroissant anti-productiviste supposé se félicite de l’existence de la décade, la semaine de dix jours, ce qui peut représenter par rapport à la semaine actuelle un gain notable de productivité. L’actuel calendrier n’est pas républicain. Ses origines sont chrétiennes avec, pour point de départ, la naissance présumée de Jésus. Certes, on efface déjà la source religieuse en la remplaçant par une soi-disant « ère commune ». Foutaise ! Les mêmes s’indignent encore quand Donald Trump change le golfe du Mexique en golfe de l’Amérique…

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Le calendrier européen procède de l’incroyable combinaison pagano-chrétienne. Des catholiques, plus ou moins de fraîche date, dénient néanmoins cette réalité historique, fruit du syncrétisme propre à la dynamique des spiritualités. En outre, 2025, date chrétienne, s’inscrit dans une semaine riche en divinités romaines. En français, mardi est le jour de Mars, le dieu de la Guerre. Le mercredi est le jour de Mercure, dieu du Commerce et du Voyage. Le jeudi est le jour de Jupiter, le roi des dieux, etc. En anglais, on retrouve l’équivalence partielle avec un autre panthéon, celui des divinités germano-nordiques : Tuesday est le jour de Tyr. Thursday est le jour de Thor. Leurs pendants allemands sont Dienstag et Donnerstag. Quitte à laïciser le calendrier, pourquoi se limiter aux fêtes ? Et les jours, parbleu ! À quand donc un Robert-Badinter-di, une Simone-Veil-di ou un Jacques-Mesrine-di ?

Cette fâcheuse tendance ne se limite pas aux fêtes du calendrier. Elle affecte le nom des communes. Par exemple, dans le département de l’Allier, la commune d’Yzeure intègre désormais celle de Saint-Bonnet-et-Saint-Jean. Faudra-t-il retirer le saint de Saint-Raphaël, de Saint-Nazaire ou de Saint-Denis sous le prétexte d’inclusivité ?  

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Le syncrétisme pagano-chrétien sous-tend toute la civilisation européenne d’expression romane – gothique (germano-nordico-helléno-latine) avec des moments fastes tels le Beau Moyen Âge, la Renaissance, voire la Révolution française éprise de Sparte et de Rome. Dans Le Figaro du 27 mars 2024, l’historien médiéviste Philippe Walter désigne la quête du Graal comme le thème de convergence entre les diverses variantes du christianisme et les polythéismes natifs. Pour lui, « le saint Graal est inhérent à la chrétienté occidentale (il est inconnu des orthodoxes). Il appartient à ce que j’ai appelé la ” mythologie chrétienne ”, un ensemble de croyances, de récits et même de superstitions extérieures au christianisme, mais qui ont fini par s’introduire en lui au point d’en être indissociable. La Réforme protestante remettra de l’ordre là-dedans et c’est sans doute l’une des causes de la disparition provisoire du saint Graal et de sa légende à partir du XVIe siècle ».

Il n’est donc pas anodin de vouloir changer la dénomination des fêtes traditionnelles et des lieux de vie communautaires européens. La déconstruction wokiste s’incruste trop en Europe. Une éradication radicale des méfaits de la Modernité s’impose plus que jamais !        

GF-T

  • « Vigie d’un monde en ébullition », n° 170, mise en ligne le 16 octobre 2025 sur Radio Méridien Zéro.

samedi, 18 octobre 2025

Quel «destin» pour la Vieille Europe délivrée des Américains? - Réponse à Gennaro Scala

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Quel «destin» pour la Vieille Europe délivrée des Américains?

Réponse à Gennaro Scala

Claude Bourrinet

Dans un bref article, court mais suggestif, Gennaro Scala, regrettant au passage que des réflexions qui, en effet, sont d'un intérêt vital pour ce que l'on veut bien appeler notre « destin » d'Européens, soient ignorées de ceux qui ne s'inquiètent de l'avenir de notre civilisation, s'enquiert des conséquences d'une défaite de l'Amérique dans sa guerre contre la Russie menée en Ukraine. Invoquant Emmanuel Todd, qui a la réputation de prophétiser, il conclut, mais avec une grande circonspection, que l'effondrement de l'empire états-unien provoquerait une mise en demeure émancipatrice pour la « Vieille Europe » (comme disent les Américains avec dédain, locution méprisante reprise avec délectation par les libéraux qui les singent).

L'article de Gennaro Scala: 

http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2025/10/17/si-les-etats-unis-venaient-a-s-effondrer-nous-devrons-repondre-a-la-questio.html

Passons sur l'éventualité, à la suite d'une victoire russe, d'un retrait américain de l'Otan, scénario à mon sens improbable. L'abandon américain serait plus probant si l'Amérique s'effondrait sur elle-même, à la suite d'une guerre civile, par exemple. Mais admettons l'hypothèse d'école, d'une désaffection de l'Oncle Sam.

Quelle civilisation « européenne », au juste ?

Gennero Scala initie son interrogation par un constat: non seulement notre civilisation a disparu, mais elle a été « colonisée » par l'Amérique.

Bien entendu, il serait nécessaire de définir l'identité de cette « civilisation », ainsi que la nature de la « colonisation » que le Nouveau monde nous a infligée.

Lorsque l'on parle de « Nouveau monde », c'est bien entendu par rapport au « Vieux ». Le sentiment d'une rupture inscrite dans le temps et dans la nature radicalement dissemblable des deux « mondes », est implicite dans l'usage de cette locution. Toutefois, tout « neuf » soit-il, le projet à haute teneur utopique et messianique qui s'implanta sur tout un continent en éradiquant les sociétés autochtones n'est pas né sub generis. Il est le prolongement de l'Europe, et a déployé des potentialités, des puissances, qui avaient eu l'occasion de se manifester de ce côté-ci de l'Atlantique: christianisme missionnaire et réformé à tendance révolutionnaire et démocratique (surtout le calvinisme, qui a tant marqué les États-Unis), mythe du progrès et du Travail, individualisme ET communautarisme, poids des règles juridiques, haine de la noblesse et des monarchies, culte de l'arrivisme et de l'argent-roi, etc.

L'Amérique, c'est nous, et en même temps c'est l'amputation d'une grande partie de notre être, de notre enracinement dans un terroir, dans des paysages historisés et blasonnés, dans une mémoire collective signifiante, dans notre identification à une longue Histoire versant parfois dans la légende dorée, dans la complexité mesurée et fine des relations politiques et humaines, quand elles ne sont pas outrepassées par le fanatisme religieux (cette mauvaise part ayant migré Là-bas), dans le souci du pauvre, dans les bornes induites par la notion de Bien commun, dans l'attention à la beauté et à la gratuité des jouissances existentielles, dont les arts, la littérature, l'amour etc. constituent le plus bel ornement, d'où une survalorisation de la culture considérée en soi, et non d'une point de vue utilitariste.

Évidemment, cette dichotomie est quelque peu exagérée, mais elle scinde deux pôles d'attirance. Rappelons que, pour un Américain, le Moyen Âge européen existe à peine, et que l’école du Nouveau Monde se passe aisément de l'apprentissage des langues étrangères.

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De quelle « colonisation » parlons-nous ?

Ces signes antithétiques se sont vus renforcés, chez nous, dans le mouvement même de ce que l'on peut nommer une « colonisation américaine », à la suite singulièrement de l'emprise croissante des productions audio-visuelles, hollywoodiennes notamment, colportées par les médias de culture de masse.

En vérité, les effets de ce soft power ne sont pas seulement à évaluer sur le plan de la consommation des images formatées et grossièrement accordées, agencées à l'american way of life. Ce serait prendre un arbre (certes gros) pour la forêt. De fait, c'est la structure existentielle même, la nature vitale de l'Européen, qui ont été révolutionnées.

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Dostoïevski écrit, dans Souvenirs de la maison des morts, titre prémonitoire, que « l'homme est un animal qui s'habitue à tout ». Son caractère protéique le dispose, parce que c'est un animal de pensée, d'imagination, un être dénaturé, à emprunter des habits neufs qui lui moulent l'intelligence, les affects, l'imagination, les habitus, les modes de nutrition, de reproduction sexuée, de politesse (ou de muflerie), et même les rêves. N'envisager que le domaine du cinéma et de la télévision (certes, des armes d'une efficacité redoutable) est restreindre le champ de l'arraisonnement colonisateur. L'homo europaeus a été changé radicalement, c'est-à-dire jusqu'aux racines.

Les gens d'un certain âge sont en mesure de comparer deux époques (celle des années 60, et celle d'aujourd'hui) aussi dissemblables que deux ères civilisationnelles. Ce qui paraissait, il y a un peu plus d'un demi-siècle, inimaginable, et pour tout dire scandaleux (il est inutile de donner une liste des « nouveautés » que notre modernité techno-sociétale a pu apportées, chacun peut s'en faire une idée), semble maintenant naturel, à tel point qu'on n'y porte presque aucune attention.

Les présumés « identitaires » politiques actuels, qui ont le vent en poupe, prennent d'ailleurs les signes de la modernité américaine (sex, sea and sun) pour des icônes de notre France ancienne, forcément voltairiennes, et un brin libertine (au sens de la culture de boîtes de nuit), ignorant complètement ce qu'elle fut vraiment. Et ces bouleversements ne sont pas des « déplacements », des « glissements » des mœurs, relativement lents à s'effectuer au fil des siècles, mais un effondrement de terrain considérable, à la suite de l'américanisation de notre vie idéologique et politique.

Américanisation id est occidentalisation

Pour autant, le terme « américanisation » porte à discussion. Comme il était dit auparavant, l'Amérique est un prolongement de l'Europe. On peut appeler cet ensemble civilisationnel, dont le mythe du progrès prométhéen et faustien est le Plus Petit Dénominateur Commun, l' « Occident ». Remarquons au passage que cet « Occident », sous son angle opératoire, a conquis la planète, et impose ses schémas économiques et politiques à toutes les nations du monde, y compris à celles qui s'opposent à l' « Occident » sous domination américaine. Pour revenir à la fragilité d'un vocable tel qu' « américanisation », il faut en effet le considérer comme un raccourci, un mot générique, qui est, dans l'absolu, relativement faux. Il vaudrait mieux parler d' « occidentalisation ». Car, si l'on déportait ce que dit Marx des ravages de l'argent, dans le Manifeste du Parti communiste, sur l'entreprise engagée par la modernité, au sens large, et telle qu'elle apparaît à l'orée de la Renaissance (et même avant) pour s'accélérer à partir du XVIIIe siècle, pour occuper maintenant, de façon écrasante, tous les aspects de la vie, on s'apercevrait que l' « Oubli » (de soi-même, du monde, de l'existence, du sens, de Tout) est le résultat dévastateur de ce déploiement de désastres pavés de bons sentiments.

Quelle issue pour l'Europe ?

Pour envisager un « sursaut civilisationnel », il est nécessaire d'envisager ce qui pourrait le rendre impossible. Car nous sommes présentement dans un cas de figure historique complètement inédit, où le désert total et radical a triomphé, ne laissant guère de disponibilité à ce qui demeure de vie végétative (soyons modeste) pour « renaître ». Le revival européen, pour ne parler que de lui, paraît bien hypothétique.

L'Histoire pourtant ne manque pas de ces résurrections miraculeuses, bien qu'on ne revienne jamais au statu quo ante. Prenons quelques exemples. L'Iran a réussi à recouvrer le legs de la vieille civilisation persane, après les génocides commis par les Mongols au XIIIe siècle (la chute de Bagdad est de 1258). Rome a paru ressusciter avec Charlemagne, après une éclipse de trois cents ans (mais l'empire byzantin, qui était, du reste, la revanche des hellénophones sur les latins, pour sa part, persistait, en s'adaptant). La Chine actuelle semble être un brillant Risorgimento de l'Empire du milieu. Mais l'Iran s'est appuyé sur une population homogène, un vaste territoire difficile d'accès, et surtout une religion vigoureuse: le chiisme. L'empire carolingien ne fut pas vraiment la résurrection de l'empire romain, même s'il participe d'un fantasme qui va hanter les Européens jusqu'à nos jours. Il est plutôt l'antichambre de la féodalisation du continent, de son recentrage sur des pouvoirs locaux puissants (dimension, d'ailleurs, qu'il ne faudrait pas dédaigner, pour caractériser une Europe dont la nature est d'être éminemment plurielle). Quant à la Chine, dont nous avons dit qu'elle était « occidentale », comme la Russie post-marxiste et libérale-étatique, elle se présente comme une revanche sur le colonialisme occidental (au sens classique), tout en en empruntant ses traits les plus saillants (à la suite de l'empereur Mao, qui fut un grand éradicateur de « vieilles vieilleries ») à ses adversaires, accentuant ainsi l' « Oubli ».

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Nous n'avons pas évoqué l'Amérique latine qui, à mon sens, partage bien des points communs avec la Vieille Europe. Elle a ceci de caractéristique qu'elle est née d'un héritage, celui de l'empire espagnol, comme nous, qui sommes les héritiers de l'empire romain, qu'elle a tenté, comme nous, de « restituer », dans certains points du continent latino-américain, avec plus ou moins de succès, et avec un œil sentimental sur les grandes civilisations inca, maya, aztèque. Comme nous, elle a gardé cet idéal impérial, qui nous a tant travaillé.

La révolution bolivarienne fut un échec, tandis que les États géants, qui sont de fait des empires, comme le Brésil et le Mexique, furent des réussites, après bien des tribulations. Un pays comme le Mexique conjugue son hispanité (les Yankees en savent quelque chose) et le souvenir vivace de l'indianité.

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Le Brésil est une mélange ethnique qui a plus ou moins « pris ». Ces nations s'opposent, plus ou moins virtuellement, plus ou moins violemment, à l'impérialisme US, qui les considère comme des proies traquées dans une réserve de chasse. Elles sont une solution existentielle qui a fait la part des démons du passé: racisme, intolérance religieuse, sous-développement quasi fatal, notamment à la suite du pillage par les oligarchies et les grandes firmes américaines. Toutefois, elles sont encore sujettes à bien des défis : une masse considérable de misérables, réduits à la violence sociale et aux trafics en tous genres, les pronunciamientos, les agressions américaines (peut-être un avenir tout prochain, en ce qui nous concerne).

Mutatis mutandis, c'est bien ce schéma civilisationnel qui est promis à la Vieille Europe.

 

Trump – Poutine: Budapest devient le nouveau « point d'ancrage » de la paix

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Trump – Poutine: Budapest devient le nouveau « point d'ancrage » de la paix

par Elena Fritz

Source: https://pi-news.net/2025/10/trump-putin-budapest-wird-zum...

Après un entretien téléphonique avec son homologue russe Vladimir Poutine jeudi, le président américain Donald Trump a annoncé qu'il allait bientôt rencontrer à nouveau Poutine, cette fois à Budapest.

Donald Trump s'est entretenu jeudi au téléphone avec Vladimir Poutine et a qualifié la conversation de « très productive ». Ce qui a suivi pourrait changer le cours géopolitique des prochains mois.

Poutine a félicité Trump pour son «succès du siècle»: la paix au Proche-Orient.

Trump, quant à lui, considère ce succès comme la clé de la prochaine étape: la fin de la guerre entre la Russie et l'Ukraine.

Selon Trump, les deux parties souhaitent réunir leurs conseillers la semaine prochaine, sous la direction du ministre des Affaires étrangères Marco Rubio pour les États-Unis. Cette réunion doit servir à préparer un sommet à Budapest.

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Budapest – l'heure d'Orbán

Ce n'est pas un hasard si Trump choisit précisément la Hongrie comme lieu de rencontre: Orbán est le seul chef de gouvernement de l'UE à se prononcer ouvertement en faveur de pourparlers de paix avec la Russie. Budapest devient ainsi le symbole de la souveraineté européenne – en dehors de la ligne bruxelloise.

Pour Trump, Orbán est également un test pour savoir si l'Europe est encore capable d'agir lorsque Washington ne mène pas la danse.

Le calcul stratégique

Trump souligne les « grands progrès » accomplis, mais évite d'entrer dans les détails. Les analystes y voient une double stratégie: il attire Zelensky et l'UE avec la perspective d'un soutien américain (« Tomahawks ») pour ensuite exiger un cessez-le-feu immédiat, comme preuve de sa capacité à instaurer la paix avant l'année électorale américaine.

Pour le Kremlin, Budapest est plus qu'un simple lieu: elle marque le retour à la realpolitik – laquelle consiste en des discussions sur la sécurité, le commerce et l'ordre d'après-guerre. L'Europe, en revanche, est mise en avant: tandis que Bruxelles parle de « dissuasion », d'autres négocient la paix et un nouvel ordre.

Conclusion

L'« élan mourant d'Anchorage » – l'échec de la communication entre les États-Unis et la Russie sous Biden – renaît à Budapest. Ce qui a commencé comme un geste pourrait devenir un tournant. Avec Budapest, un nouveau pôle géopolitique se forme: Washington – Moscou – Budapest. Les cartes de la sécurité européenne sont en train d'être redistribuées.

Nietzsche et Marx

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Nietzsche et Marx

par Joakim Andersen

Source: https://motpol.nu/oskorei/2025/10/06/costanzo-preve-om-ni...

costanzo-preve_mr-2021975423.jpgCostanzo Preve (1943-2013) fut l’un des plus grands spécialistes italiens du marxisme, lui-même marxiste durant de nombreuses années, doté d’une profonde connaissance de la philosophie et de l’histoire des idées. Après la chute du socialisme réel, il s'est éloigné de la gauche et a élaboré une critique de la dichotomie droite-gauche, proposant une alternative sous la forme d’un communisme communautaire et d’une Europe libre. Il a dépassé la peur permanente des gauches de s’associer à d’autres catégories d'idéologues et il a collaboré aussi bien avec Alian de Benosit qu’avec Claudio Mutti.

Preve était un penseur intéressant, comme en témoigne son ouvrage Marx e Nietzsche de 2004 (en italien, mais il existe aujourd’hui de bons logiciels de traduction). Le point de départ est que nous nous trouvons dans une nouvelle situation historique, où les anciennes lectures de Marx et Nietzsche sont dépassées. Il faut donc une nouvelle lecture, ce que Preve appelle une « orientation gestaltique ». Ce n'est pas chose aisée, étant donné les associations qui, au fil du temps, se sont attachées à Marx comme à Nietzsche, mais la situation est grave et, pour la comprendre, nous avons besoin, entre autres, de leurs outils.

Plusieurs de nos textes sur Marx et Engels ont abordé la déconstruction et la reconstruction, le fait de lire Marx « par la droite » et d’examiner dans quelle mesure une telle lecture offre des perspectives utiles et quelles en sont les limites. L’approche de Preve est en partie similaire; il estime que la dichotomie droite-gauche est dépassée et que Marx n’est aujourd’hui plus particulièrement de gauche. Il remarque qu’il est désormais reconnu que Nietzsche peut aussi être lu à gauche, mais « il n’est pas du tout de notoriété publique que Marx n’a pratiquement rien à voir avec ce qui est considéré comme la pensée de “gauche”. Marx était certainement “de gauche” en son temps, dans le sens que ce mot avait entre 1840 et 1880, mais aujourd’hui le terme “gauche”, malgré son flou, contient des éléments historiques (l'antifascisme, la modernisation) et philosophiques (l'historicisme, l'économicisme, etc.) qui n’ont plus rien à voir avec la vision du monde de Marx. »

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Preve et l’histoire

Mais jusqu’à présent, beaucoup ont parlé de sa mort (Nietzsche), de son inexistence (Marx), etc., mais personne n’avait encore osé parler de sa consommation. Vattimo le fait, et à mon avis, le philosophe turinois n’est que le porte-parole involontaire de forces historiques et économiques immensément plus puissantes que lui: à savoir, le capitalisme totalitaire post-bourgeois et post-prolétarien. Le fait que l’Être puisse effectivement être « consommé » ne peut se produire que dans un horizon social où la Consommation est devenue le seul lien social perceptible, visible et discernable.

– Preve

Preve propose un résumé original de l’histoire moderne où, entre autres, la petite bourgeoisie et la dichotomie droite-gauche sont éclairées d’un jour nouveau. En partie, il s’agit de constats déjà connus — il écrit notamment que « les années qui vont de 1917 à 1945 ont été qualifiées de “guerre civile européenne” (Nolte) et les années 1945 à 1975 de “trente glorieuses” (Hobsbawm) ». Il est intéressant qu’il considère la période jusqu’en 1975 comme un « revers » pour la logique du capital, cette logique qui réduit tout à des marchandises sur le marché (« la première société de l’histoire humaine dont la dynamique interne de développement tend à désintégrer toutes les communautés préexistantes et à les remplacer par une masse artificielle de producteurs et de consommateurs sous pression »).

Ce revers venait de deux directions, de la « droite » et de la « gauche » (Preve cite ici tout autant Perón et le socialisme baasiste - de Syrie et d'Irak - que Staline et Hitler). Il s’agissait, du moins en Europe, de deux stratégies: «une tendance faisait appel à la petite bourgeoisie et était principalement de droite. Une autre tendance s’adressait aux classes laborieuses, prolétariennes et populaires et était principalement de gauche ». Dès les années 1970, la dynamique du capital a repris, plus particulièrement après la chute du bloc de l’Est.

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Preve rappelle le grand ouvrage de Samuel Francis, Leviathan & Its Enemies, en constatant que « le nouveau capitalisme qui émerge après le tournant du 20ème siècle est largement post-bourgeois, post-populaire et post-prolétarien ». Il évoque à la fois Francis et Kotkin lorsqu’il identifie les composantes de la nouvelle société de classes comme « une oligarchie financière multinationale, une classe moyenne mondiale et une plèbe flexible sont les nouvelles classes qui exigent de nouvelles approches et de nouvelles classifications, lesquelles tardent à émerger précisément en raison d’une paralysie de trente ans dans la perception des innovations historiques ».

Un aspect fécond de l’écriture historique de Preve est sa compréhension du phénomène de 1968, célébré par beaucoup, et pas seulement à gauche, mais que Preve identifie comme « un moment “systémique” de transition d’un capitalisme bourgeois, donc encore relativement fragile, à un capitalisme post-bourgeois, donc beaucoup plus répandu, métabolisé et puissant. » Il s’agissait avant tout de détruire les restes des anciennes formes religieuses, culturelles, sociales et politiques européennes.

L’analyse de Preve sur la gauche à laquelle il a jadis appartenu est également précieuse. Il a visité à plusieurs reprises les pays de l’Est et a pu constater que la proportion de convaincus ne dépassait pas 20%, les 80% restants ne croyant pas au projet socialiste réel (y compris de nombreux hauts politiciens).

Preve décrit la gauche comme un milieu social incapable de se réformer. «En termes marxistes, toute proposition innovante est inacceptable si son destinataire social est irréformable. En termes nietzschéens, la consolidation d’un bloc social composé d’Ermites et de Derniers Hommes engendre simultanément Décadence et Nihilisme », constate-t-il. Il décrit aussi comment de nombreux anciens de gauche se sont tournés vers les États-Unis quand leur ancien “maître”, sous la forme de l’Union soviétique, avait disparu. « Pour moi, je le répète, l’appartenance n’est rien, et la compréhension est tout, et cette position est l’opposé de ce qui se passe dans 98% du mouvement communiste, pour lequel la compréhension ne compte pas et l’appartenance est tout », écrit Preve.

Preve et les couches intermédiaires

Politiquement, les communautés subalternes se redéfinissent comme le Peuple, et économiquement, elles se définissent comme le Prolétariat.

– Preve

Les choses deviennent vraiment intéressantes lorsque Preve aborde la relation entre la gauche et la classe ouvrière. Son point de départ est que les classes subalternes, dominées, sont incapables par elles-mêmes de développer une culture anticapitaliste et doivent donc déléguer ce travail aux couches intermédiaires instruites (« complètement incapables de produire une culture stratégique anticapitaliste, et obligées d’en déléguer la construction aux classes moyennes inférieures instruites, qui sont totalement inadaptées à cette tâche car prisonnières de leurs propres fantômes: ceux du ressentiment (prolétarien) et de la peur (petite-bourgeoisie)»). On peut d’ailleurs noter l’incapacité de Marx à l’introspection, évoquant la relation entre classe et idéologie mais sans s’attarder sur sa propre appartenance, qui était non prolétarienne.

Preve explique cela: « 95% des “intellectuels organiques” de la gauche (prolétarienne) et de la droite (petite-bourgeoise) proviennent du même environnement, à savoir la petite bourgeoisie cultivée… Marx et Nietzsche sont, de ce point de vue, des penseurs beaucoup plus proches qu’on ne le croit à première vue ». Il évoque aussi le fait que les couches subalternes, contrairement à la théorie de Marx, sont plus révolutionnaires au début de leur rencontre avec le capitalisme, avant d’être intégrées mentalement et politiquement, et que la prolétarisation des classes moyennes n’a pas eu lieu car « le mécontentement des classes moyennes est, de fait, bien plus dangereux pour la reproduction capitaliste que celui des classes ouvrières proprement dites (c’est un point que l’économisme populiste marxiste ne comprend pas et ne comprendra jamais)». Il remarque également que les alternatives de ces couches subalternes, mutualistes et coopératives, sont « en réalité le terrain le plus avancé possible pour ceux qui entendent maintenir leur ancienne identité fondée sur la solidarité ».

Marx et Nietzsche

Est-il possible de proposer une comparaison entre l’individualité libre de Marx et le Surhomme–l’Autre homme de Nietzsche ? Voilà, bien sûr, tout l’enjeu de ce modeste petit travail.

– Preve

La lecture que fait Preve de Marx revient aux sources et le replace dans son contexte historique. Il identifie notamment le cœur du projet marxien: l’aliénation. L’aliénation suppose une rupture historique et une nature humaine aliénée (la fameuse essence de l’espèce).

Preve résume l’aliénation ainsi: « le capitalisme aliène donc l’essence humaine générique du simple fait qu’il la réduit à une seule dimension: celle de la production et de l’échange de marchandises. L’essence humaine est générique, et le capitalisme la force à devenir uniquement spécifique. Les humains sont forcés de penser leur présent et de planifier leur avenir dans la seule dimension restrictive de la production et de l’échange de marchandises».

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On peut ici comparer avec la description d’Evola du caractère démoniaque de l’économie et du travail contre d’autres activités, même si Marx, à la différence, manque d’un appareil conceptuel pour ces autres activités et cette essence d’espèce. Quoi qu’il en soit, Marx estime que l’homme a été aliéné au cours de l’histoire. Contrairement à beaucoup à droite, il pense néanmoins qu’un retour à des formes sociales plus anciennes et moins aliénées est impossible. Il faut donc construire de nouvelles formes.

Preve trouve cette approche féconde et écrit: « Marx envisage une anthropologie de l’individualité libre dans un cadre communautaire non oppressif, et c’est ce projet qui a les implications épistémologiques de sa théorie du “matérialisme historique”. Si un “retour à Marx” a un sens aujourd’hui, ce ne peut être que dans cette perspective. »

Tels sont les idéaux de Marx. Sa méthode peut être tout aussi utile selon Preve. Il s’agit d’un appareil conceptuel pour comprendre les sociétés, même si l’on sait aujourd’hui que Marx ne pouvait pas forcément prédire l’avenir avec le dit appareil. Il a surestimé, par exemple, le potentiel révolutionnaire de la classe ouvrière et n’a pas développé de théorie sur sa propre classe. Mais cela ne signifie pas que la notion de classe est inutilisable.

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Preve résume la boîte à outils marxienne ainsi: «Le modèle scientifique de Marx repose sur quatre concepts fondamentaux (mode de production, forces productives, rapports de production et idéologie), auxquels on peut ajouter un cinquième et un sixième, développés surtout par Lénine (formation socio-économique et impérialisme)… Personnellement, je pense que l’utilisation rationnelle de ces six concepts, qui forment ensemble un modèle théorique harmonieux et équilibré, est totalement indépendante de la “foi” dite en une solution communiste des contradictions sociales, même si chez Marx, la perception de l’aliénation, le projet anthropologique de l’individualité libre et enfin le modèle épistémologique d’une science historique unifiée étaient une seule et même chose, inséparables».

Comme l’écrit Preve, il est tout à fait possible d’utiliser ces quatre ou six concepts marxistes centraux et de conclure que la société classique libérale ou l’État-providence est l’état le plus probable et/ou le plus souhaitable. Ou de les combiner à des concepts d’autres penseurs, par exemple Spengler et Schmitt.

La lecture que fait Preve de Nietzsche est par endroits aussi féconde que celle de Marx. Il ne considère pas Nietzsche comme un penseur particulièrement irrationnel ou athée; au contraire, il « philosophe avec le marteau » de façon fondamentalement rationnelle, et la « mort de Dieu » est avant tout une description d'une société ayant perdu sa base métaphysique.

Preve est conscient que Nietzsche avait une autre vision des ouvriers et de la démocratie que Marx; il écrit notamment: « Nietzsche, cependant, ne s'est pas seulement opposé à la Commune de Paris, il est allé beaucoup plus loin. Il y voyait le terrible signal émanant du “volcan” de la hideuse populace démocratique, porteuse du vieil esprit de ressentiment, de la décadence et du nouveau ressentiment du nihilisme. La Commune de Paris joue un rôle crucial dans la genèse historique et psychologique de la pensée de Nietzsche».

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En même temps, il ne voit pas en Nietzsche un défenseur de l’inégalité, que ce soit dans sa forme traditionnelle ou libérale de marché (« que le lecteur réfléchisse donc à un fait curieux. Nietzsche, ce penseur dont le style expressif déborde de rhétorique sur l’inégalité, est en même temps le créateur d’une philosophie qui n’offre aucune base pour légitimer ni le modèle religieux de l’inégalité précapitaliste ni le modèle économique de l’inégalité capitaliste », écrit-il).

Mais, une fois encore, on peut distinguer entre les idéaux de Nietzsche, d'une part, et sa méthode ou son appareil conceptuel, d'autre part. Ce dernier s'avère utile pour comprendre aussi bien l’histoire que le présent, comme le montre l’analyse de la gauche teintée de nietzschéisme de Preve.

Il écrit à propos de Nietzsche: « il n’est pas incorrect de dire qu’il aboutit en fait à un système implicite, dans lequel un fait préliminaire à reconnaître (la mort de Dieu) donne lieu à une métaphysique fondée sur quatre coordonnées structurantes (décadence, nihilisme, retour éternel du même, et enfin la volonté de puissance). » Ce sont là quatre concepts utiles.

Preve résume aussi les cinq types de personnages chez Nietzsche: «La thèse de Nietzsche sur la mort de Dieu est une thèse anthropologique car elle n’a pas d’autre fonction que de servir de fondement à une sorte de théâtre anthropologique composé de cinq personnages différents (l’Homme, l’Ermite, l’Homme supérieur, le Dernier Homme, et enfin le Créateur) dont la nature doit être pleinement comprise. »

Dans l’ensemble, c’est un petit ouvrage riche d’enseignements. Preve décrit une nouvelle situation historique, où les anciennes classes ont été remplacées par des oligarques, une classe moyenne mondiale et une plèbe, et où droite et gauche sont devenus des concepts obsolètes. On n’est pas obligé de partager sa définition de la droite et de la gauche; il existe également une approche plus métahistorique représentée, entre autres, par Evola et Chafarevitch, qui permet de trouver son récit historique utile.

Preve est particulièrement intéressant pour une gauche qui commence à soupçonner que la « gauche » s’est enfermée dans des comportements nuisibles. Son analyse de l’empire mondial américain est en partie datée, beaucoup de choses se sont passées depuis 2004, mais la lutte pour une Europe libre demeure intemporelle.

L’accent mis par Preve sur le capitalisme plutôt que sur la bureaucratie moderne suggère aussi une perspective spécifique; la question de savoir qui est le maître et qui est le valet dans la relation entre « l’État et le capital » a été débattue depuis longtemps et, selon Evola et Klages, pourrait même cacher certains facteurs “z” ayant façonné aussi bien le capitalisme que l’État moderne. Mais dans l’ensemble, le livre de Preve, Marx e Nietzsche, est vivement recommandé au lecteur averti.

Béhémoth contre Léviathan: la liturgie antilibérale d’Aleksandr Douguine

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Béhémoth contre Léviathan: la liturgie antilibérale d’Aleksandr Douguine

Markku Siira

Source: https://geopolarium.com/2025/10/14/behemot-vastaan-leviat...

La philosophie politique d’Aleksandr Douguine cherche à répondre à la crise du monde moderne du point de vue russe, en cherchant une alternative au système de l’époque, dominé par l’hégémonie occidentale. Les racines de la pensée de Douguine se trouvent cependant chez des penseurs européens tels que Julius Evola et René Guénon, ainsi que Carl Schmitt et Martin Heidegger. Cette combinaison montre que son idéologie ne se limite pas à la pensée russe, mais constitue une synthèse complexe d’ésotérisme ainsi que de philosophie politique et existentielle, par laquelle il remet en cause les valeurs dominantes.

Dans le vide spirituel et idéologique ayant suivi l’effondrement de l’Union soviétique, Douguine a vu le libéralisme occidental s’imposer en Russie comme une force matérialiste et dépourvue d’âme, menaçant les valeurs traditionnelles et l’identité nationale. À partir de cette expérience, il s’est donné pour objectif de restaurer la vocation historique et civilisationnelle de la Russie. Douguine a commencé à formuler la «Quatrième théorie politique», qui rejette le libéralisme, le communisme et le fascisme comme des modèles sociaux qui ont échoué.

La Quatrième théorie politique ne se contente pas de critiquer le passé, mais propose une vision d’un monde multipolaire dans lequel les civilisations peuvent préserver leur singularité. Selon Douguine, la crise de notre époque découle de l’incapacité à respecter les différences culturelles et historiques, qu’il considère comme victimes de l’effet uniformisant du libéralisme mondial. Au cœur de sa philosophie se trouve l’idée d’une Russie puissance géopolitique et spirituelle, menant la résistance contre l’universalisme occidental.

Sur le plan géopolitique, Douguine a développé une version moderne de l’eurasisme jadis formulé par des émigrés russes, visant à fonder un « Empire eurasiatique ». Ce projet a pour but de contester l’ordre mondial occidental dominé par les États-Unis, en créant un système multipolaire qui met l’accent sur les valeurs traditionnelles et la diversité culturelle. Dans la vision ambitieuse de Douguine, l’empire unifie les peuples d’Eurasie sous la direction de la Russie, formant une sphère d’influence significative qui rejette le libéralisme occidental et les effets de la mondialisation.

Ces dernières années, Douguine a diffusé cette vision à l’échelle mondiale. Il est devenu un créateur de contenu actif sur les réseaux sociaux, touchant un public international avec ses publications. Douguine a accordé une attention particulière à Donald Trump, qu’il considère comme un challenger à l’hégémonie globaliste occidentale, espérant que l’Amérique de Trump se rapproche de la Russie de Poutine. Ce rêve est toutefois naïf, car la politique de Trump visait à renforcer le pouvoir unilatéral des États-Unis, ce qui est en contradiction avec l’idéal d’un monde multipolaire.

Le blogueur américain S. C. Hickman examine la philosophie de Douguine dans la perspective schmittienne, à travers les figures métaphysiques de Béhémoth et Léviathan – non seulement comme forces politiques, mais comme puissances ontologiques profondes dont la lutte façonne le monde contemporain. Ce combat reflète la transformation de l’ordre mondial, où tradition et technologie rivalisent pour l’hégémonie.

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Béhémoth incarne le principe de la « terre », qui unit la sacralité du territoire, le caractère liturgique du temps et la vocation civilisationnelle de la politique. Béhémoth parle « russe, grec, persan et sanskrit » – des langues qui symbolisent de profondes traditions historiques. La citoyenneté est définie par l’obéissance à la vocation civilisationnelle, et l’État devient un autel. La vision multipolaire de Béhémoth est une « couronne de temples que les comptables de l’Atlantique ne peuvent pas inspecter », révolte contre la quantification globale.

Hickman souligne que la force du Béhémoth réside dans sa capacité à ancrer l’identité dans la terre et la tradition. Ce principe incarne la vision douguinienne de l’autodétermination des civilisations, où chaque culture conserve son essence unique plutôt qu’une homogénéisation globale.

Béhémoth ne défend pas seulement les racines historiques, mais les élève au rang sacré, faisant de la nation le porteur d’un destin collectif. Dans cette vision, la rationalité technologique et économique moderne est remplacée par une finalité mythique et spirituelle, qui rejette la foi occidentale dans le progrès.

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À l’inverse, Léviathan représente, selon Hickman, le principe de la « mer », devenu une « force globale liquide », très éloignée de la vision étatique originelle de Thomas Hobbes. Il parle « anglais et Co. », passant des langues nationales au code universel de l’économie et de la technologie mondiales. Léviathan transforme « l’océan mondial en réseau et le réseau en cerveau », remplaçant l’État par des algorithmes, la souveraineté par des actions de sociétés et la sécurité par des plans de service.

La force du Léviathan se manifeste dans sa capacité à fondre les individus et les communautés dans un flux numérique homogène, où les frontières et identités traditionnelles se dissolvent dans la logique du marché et de la technologie. Ce changement fait du Léviathan non seulement une puissance économique, mais aussi une puissance ontologique dominante, redéfinissant l’humanité selon des critères de données et d’efficacité, ne laissant derrière lui qu’une « liturgie du code ».

Hickman comprend que, malgré leurs oppositions, Béhémoth et Léviathan partagent une hostilité envers le Logos, principe rationnel de la compréhension humaine. Béhémoth l’enterre sous la révélation et le mysticisme, Léviathan le fragmente en paquets de données; l’un exige le respect du mystère, l’autre l’obéissance aux mesures.

Le résultat, dans les deux cas, est le même: le rôle du citoyen est réduit à la soumission ou à la consommation passive. Ils rivalisent pour savoir qui prendra le pouvoir lorsque le projet libéral sera à peine refroidi. Hickman voit comme alternatives sinistres une vie à l’ombre de deux monstres – «l’autorité sacerdotale-royale» et «le pouvoir de la machine capitaliste».

L’analyse de Hickman révèle la contradiction centrale de la philosophie de Douguine: bien qu’il critique la crise provoquée par le libéralisme, son eurasisme et sa quatrième théorie politique mènent eux aussi à leur propre forme de totalitarisme. L’approche de Douguine est théologique: la vie moderne est une hérésie existentielle, à laquelle il oppose la liturgie, la hiérarchie et la transcendance.

Bien que le système de Douguine soit imparfait, contradictoire et sujet à des interprétations autoritaires, il offre une alternative à ceux qui rejettent le libéralisme. Sa philosophie ne vise pas tant à résoudre des problèmes politiques qu’à remettre en cause tout le fondement du système actuel. Cette approche reflète la mutation du paradigme mondial de notre époque et l’aspiration à un ordre qui brûle en son cœur.

vendredi, 17 octobre 2025

Si les États-Unis venaient à s’effondrer, nous devrons répondre à la question: qui sommes-nous ?

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Si les États-Unis venaient à s’effondrer, nous devrons répondre à la question: qui sommes-nous ?

par Gennaro Scala

Source : Gennaro Scala & https://www.ariannaeditrice.it/articoli/qualora-crollasse...

« Si la Russie était vaincue en Ukraine, la soumission européenne aux Américains se prolongerait d’un siècle. Si, comme je le pense, les États-Unis étaient vaincus, l’OTAN se désintégrerait et l’Europe serait laissée libre. »

C’est ce qu’affirmait Emmanuel Todd lors d’un entretien au Corriere di Bologna, à l’occasion de la présentation dans la ville de la traduction de son livre La défaite de l’Occident. Il s’agit probablement d’une simplification volontaire ; disons que ce serait une condition nécessaire, mais non suffisante. Le problème de l’identité est celui le plus difficile à affronter, il génère de « l’angoisse ». J’ai remarqué que lorsque j’ai essayé d’aborder la discussion sur ce sujet, il y a généralement une baisse des interactions.

Ceux qui affirment que nous sommes colonisés par les États-Unis disent indubitablement la vérité, mais ce n’est qu’une partie du problème. Même avec un regard sommaire sur l’histoire du siècle dernier, il apparaît que la « guerre de Trente Ans » est l’effondrement de toute la civilisation européenne. Les vaincus ne sont pas seulement l’Allemagne et l’Italie, mais aussi la France et l’Angleterre qui perd son empire colonial. Il fut commode de désigner le seul mal dans le fascisme-nazisme. Il suffit de rappeler que l’idéologie raciale naît en Angleterre, est incubée en France puis se développe en Allemagne. L’idéologie raciale était une régression barbare qui attestait déjà de la fragmentation de l’idée d’une unité culturelle européenne. Une civilisation est toujours nécessairement l’union de différentes « races » (soit des groupes humains particuliers), tandis que le racisme (voir à ce sujet l’historien Andrea Giardina) était absent dans la civilisation romaine, dont le fascisme se proclamait héritier, civilisation qui, pour le meilleur ou pour le pire, a perduré plusieurs siècles, presque deux millénaires si l’on considère « l’Empire byzantin ».

Avec la fin de la Seconde Guerre mondiale, la civilisation européenne s’effondre et la culture européenne disparaît progressivement dans ses déclinaisons nationales et même locales, surtout en Italie, qui se distinguait par la richesse de ses cultures locales, dont il ne reste que peu de chose. Pasolini affirmait qu’il s’agissait d’un véritable génocide culturel. La culture, ou plutôt les cultures européennes, sont remplacées par la culture de masse de l’industrie culturelle américaine. À l’école, on nous a fait étudier Dante, Manzoni, Leopardi, Foscolo, mais notre cœur battait pour les séries télévisées ou les films à la télévision. Nous avons grandi et avons été formés mentalement par la culture de masse principalement d’origine américaine. Il serait réconfortant, voire un peu puéril, de penser que la fin de la culture européenne est due principalement à la malveillance et à la capacité de manipulation du pouvoir américain, qui la caractérisent tout de même. Elle s’est surtout effondrée à cause de ses contradictions internes.

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Il faut donc éviter l’anathème « apocalyptique » contre la culture de masse, à la façon de l’école de Francfort, en constatant que la « culture de masse » a produit quelque chose de bon, surtout en Italie, lorsqu’elle s’est greffée sur notre tradition culturelle. À titre d’exemple, pensons au chef-d’œuvre cinématographique de Comencini inspiré du chef-d’œuvre de Collodi, un conte de fées riche en symboles profondément ancrés dans notre histoire culturelle, de la culture grecque et romaine à la Bible et au conte populaire. Ou aux bandes originales d’Ennio Morricone, enracinées dans la tradition musicale italienne. Cependant, la culture de masse est principalement un amas de déchets, où l’on peut parfois trouver quelque chose de bon et d’utile, mais qui est constitué de produits à consommer puis à jeter, souvent stupides, déments, aberrants. La production culturelle est aussi un divertissement, mais lorsque cela devient son objectif principal, lorsque cela devient la façon dont des êtres humains en cage remplissent une vie vide, privée de relations sociales normales, elle devient dégradante. La culture, dans ses diverses manifestations, sert à définir notre être-au-monde, en tant qu’êtres humains qui participent à l’humanité à travers leur propre culture, leur propre langue et leurs propres traditions.

Si la domination américaine venait à être sérieusement remise en cause, la fragilité du confort avec lequel nous nous sommes livrés à l’hégémonie culturelle américaine apparaîtrait au grand jour, et l’on verrait combien la culture de masse est incapable de répondre aux besoins humains fondamentaux. Cela est déjà attesté par le désordre moral et psychique dévastateur de nos sociétés.

Si les États-Unis venaient à s’effondrer, nous devrions répondre à la question : qui sommes-nous ?

Ce ne sera pas facile, mais cela pourrait être un nouveau départ.

Gaza. La rhétorique de la paix

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Gaza. La rhétorique de la paix

Andrea Marcigliano

Source: https://electomagazine.it/gaza-la-retorica-della-pace/

Pax Americana. Donald Trump affirme avoir fourni de nombreuses armes à son ami Netanyahu.  Même des armes si sophistiquées qu'il ne savait pas lui-même qu'il les possédait.

Et cela, a-t-il déclaré textuellement, a conduit à la paix à Gaza.

Or, la déclaration de Donald Trump est révélatrice de ce qu'est le concept même de paix pour les Américains. Pas seulement pour l'actuel président, mais pour tous les Américains. Ou plutôt, pour la grande majorité d'entre eux et, surtout, pour les élites qui ont toujours gouverné l'empire occidental.

La paix après la conquête. La pacification d'un territoire conquis et complètement assimilé.

Ce n'est pas tout à fait nouveau, à bien y regarder. Cela rappelle, au fond, la Pax Romana. Le « si vis pacem para bellum » de l'empire le plus durable que l'histoire ait connu.

Mais cette similitude n'est qu'apparente. Les Romains assimilaient les peuples conquis. Ils intégraient leurs élites. Ils romanisaient les croyances et les dieux différents.

Rien de tout cela en Amérique.

Plus de 100 millions d'autochtones, les célèbres Peaux-Rouges ou « (Amér)Indiens », ont été exterminés. Et également dépouillés de leur mémoire, grâce à une machine médiatique, au cinéma et à d'autres moyens qui ont réécrit l'histoire.

Faisant passer le mensonge pour la vérité.

On dira que c'est du passé. Et pourtant, cela rend bien compte de la différence culturelle profonde et radicale entre les anciens Romains et les Américains modernes.

Et mon vieil ami avait probablement raison lorsqu'il m'a dit: les Américains prétendent, avant tout à eux-mêmes, être les héritiers des Grecs et des Romains. En réalité, ils sont les Carthaginois. Une puissance commerciale impitoyable, incapable de ressentir la moindre « pietas ».

Et c'est ainsi que Trump donne voix à cette Amérique/Carthage. Il l'incarne totalement, même avec son soutien sans réserve à Israël. Ou plutôt au sionisme impérialiste de Netanyahu.

Peut-être (mais le doute est permis) ne pense-t-il pas à un génocide total des Palestiniens de Gaza. Comme le voudrait Bibi, en revanche.

Peut-être vise-t-il à les intégrer comme main-d'œuvre dans un nouveau Gaza Resort.

Un no man's land, géré par des sociétés financières dirigées par Tony Blair. Un nom qui est une garantie. Malheureusement.

Et il envisage un avenir merveilleux de plage de luxe pour les riches. Une plage fabuleuse, à condition de ne pas creuser dans le sable. On pourrait y trouver trop de crânes.

Et des souvenirs inquiétants.

17:47 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, gaza, palestine | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Tempête dans un verre d’eau: le Danemark relativise l’alerte aux drones

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Tempête dans un verre d’eau: le Danemark relativise l’alerte aux drones

Copenhague/Munich. Il ne s’agissait vraisemblablement pas d’une attaque de drones russes: au Danemark, les récentes informations sur de prétendus survols de drones sont de plus en plus relativisées. Les incidents initialement considérés comme dramatiques au-dessus de Copenhague et de certaines installations militaires du pays manquent, même après plusieurs semaines, de toute base probante – la gouvernement danois a désormais dû le reconnaître.

Le ministre de la Défense, Troels Lund Poulsen, a délibérément évité le terme « drones » lors de sa dernière conférence de presse et n’a parlé que d’« observations aériennes ». Il s’est ainsi nettement démarqué de la position précédente: « Je pense que la leçon à tirer de ce que nous avons vu concernant les observations de drones – ou ce que nous préférons désormais appeler observations aériennes – est qu’il faut de nombreux éléments différents pour déterminer précisément s’il s’agit réellement d’un drone ou d’autres objets ».

Cette formulation plutôt vague contraste fortement avec les déclarations de la Première ministre Mette Frederiksen du 25 septembre. La cheffe du gouvernement avait alors parlé sans détour d’une « attaque » de drones et affirmé qu’ils avaient été « aperçus à plusieurs endroits près d’infrastructures critiques, militaires et civiles ».

Les conséquences des prétendues observations ont, elles, été bien réelles: l’espace aérien au-dessus de l’aéroport de Kastrup avait été temporairement fermé le 22 septembre. Cependant, il n’a pas été possible d’identifier les objets volants inconnus ni d’arrêter des suspects. Et il n’existe à ce jour absolument aucun indice d’une quelconque activité russe. Le chef de la police nationale, Thorkild Fogde, a reconnu qu’il manquait toujours des « informations concrètes » sur l’origine et le type des supposés drones.

D’ailleurs, également à Munich: là-bas aussi, presque une semaine après les prétendues observations de drones à l’aéroport, qui avaient conduit à une interruption temporaire du trafic aérien, on ne sait absolument rien. Un porte-parole de la police fédérale a déclaré à l’agence de presse AFP que, malgré « d’importantes mesures de recherche », aucun responsable n’avait pu être identifié. Le site a été survolé, mais rien n’a été constaté. Le type de drone n’est pas non plus connu. On ne sait même pas s’il y a réellement eu un danger concret pour le trafic aérien à l’aéroport de Munich (mü).

Source: Zu erst, Octobre 2025.