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samedi, 27 mars 2021

Iran contre Israël : une guerre secrète explose en mer

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Iran contre Israël : une guerre secrète explose en mer

Par Lorenzo Vita

Ex : https://it.insideover.com/

La base d'Aitlit, en Israël, est l'un des endroits les plus inaccessibles au monde. Des eaux cristallines, un maquis méditerranéen et un château des croisés font de cette portion du territoire israélien un véritable joyau de nature et d'histoire. Mais personne ne peut la visiter. A quelques mètres de la forteresse d'Aitlit se trouve en effet le quartier général de l'unité la plus redoutable de la marine israélienne: le Shayetet 13. Une unité qui a vu le jour aussi grâce à la contribution fondamentale de notre Dixième Flotille. Certains des meilleurs éléments de la marine italienne sont arrivés en Israël afin de former les hommes qui devront constituer les unités d'élite de la marine de l’Etat hébreu. Mais en plus des hommes, la marine israélienne a importé d'Italie des moyens et des techniques de combat: bateaux à moteur, esquifs explosifs et tactiques de sabotage - les mêmes qui avaient terrorisé la Royal Navy dans toute la Méditerranée - sont désormais entre les mains des commandants militaires de l'État juif. Un "savoir-faire" qui a servi à la flottille 13 d’Israël pour mener à bien la première véritable grande opération de son histoire: le naufrage du navire égyptien Emir Farouk. Pour former le groupe de saboteurs il y avait une vieille connaissance de la Décima: Fiorenzo Capriotti.

Cette prémisse historique nous permet de comprendre l'importance qu'a toujours eue la guerre menée par Israël à l’aide de ces moyens. Et elle nous relie directement à notre époque, avec l'escalade croissante qui  s’amorce entre l'État juif et l'Iran dans les eaux entourant le Moyen-Orient. Le golfe Persique, la mer d'Arabie, la mer Rouge et la Méditerranée orientale elle-même sont devenus ces dernières années de véritables théâtres de guerre de "basse intensité", où se déroule un conflit secret et d'une importance fondamentale impliquant les meilleurs services d'Israël et de la République islamique d'Iran.

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L'attaque rapportée hier par les médias israéliens - un missile aurait frappé un porte-conteneurs appartenant à une société de Haïfa alors qu'il naviguait de la Tanzanie vers l'Inde - n'est que le dernier épisode d'une longue série. Fin février déjà, le gouvernement israélien avait accusé l'Iran d'avoir frappé un autre navire, le Mv Helios Ray, l'obligeant à effectuer des réparations dans le port de Dubaï. Un épisode plutôt obscur, étant donné que les enquêtes se poursuivent et que Téhéran, évidemment, nie toute implication. Mais c'est un événement qui s'inscrit dans une dynamique de guerre qui n'est certainement pas nouvelle, ni pour Israël ni pour l'Iran. Tant en termes d'attaques de navires que de méthodes.

Ces dernières semaines, deux enquêtes, l'une du Wall Street Journal et l'autre du quotidien israélien Haaretz, ont établi que depuis au moins 2019, la marine israélienne a mené des attaques contre des cargos iraniens à destination de la Syrie. Selon l'enquête d'Amos Harel, il y aurait eu des dizaines d'attaques israéliennes contre les pétroliers et les cargos de Téhéran. "Les navires iraniens partent des ports du sud de l'Iran et traversent la mer Rouge, passant par le canal de Suez pour rejoindre la Méditerranée", explique-t-il à Haaretz, "leur port de destination est généralement Banias, dans le nord de la Syrie, qui est situé entre les deux plus grands ports de la côte syrienne, Tartous et Lattaquié". Beaucoup d’observateurs se sont demandés pourquoi ces attaques n'ont jamais été signalées par Damas, Téhéran ou les commandements israéliens eux-mêmes. La réponse pourrait être double. D'une part, Israël n'aurait jamais pu admettre de frapper des navires en Méditerranée, près de Suez et en mer Rouge, car cela aurait révélé un conflit dans une zone où des milliers de navires transitent chaque année. D'autre part, l'Iran et la Syrie ne pourraient pas avouer avoir contourné les sanctions en faisant circuler des navires chargés de pétrole, d'armes et d'autres produits de contrebande. Le seul aveu tacite, du moins du côté israélien, est représenté par l'augmentation exponentielle des honneurs et des médailles pour les hommes de la marine: en l'absence de campagnes évidentes, il est possible qu'il y ait eu des opérations secrètes derrière elles.

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Des opérations dans lesquelles, très probablement, est impliquée précisément la Flottille 13, le Shayetet. Comme l'écrit Gianluca Di Feo dans Repubblica, les commandos "n'auraient pas utilisé d'explosifs, se limitant à saboter les hélices, les gouvernails et autres équipements des pétroliers". Un choix qui génère ipso facto un conflit de basse intensité qui, pourtant, pourrait parfaitement s’inscrire dans les méthodes utilisées par l'élite israélienne. Et qui pourrait également remonter au même type d’escalade amorcée par l'Iran dans le golfe Persique au cours des années précédentes, lorsqu'une série d'enlèvements, de sabotages et de mystérieuses explosions avaient mis en péril le transit naval dans le détroit d'Ormuz. La différence, cependant, réside dans le secret. Cela est très probablement dû aussi au niveau technologique atteint par Israël qui, en ce qui concerne les opérations des forces spéciales, est certainement parmi les premières armées au monde à les mettre en oeuvre.

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Une source qualifiée a évoqué à InsideOver la possibilité que des véhicules pilotés à distance aient également été utilisés, sans qu'il soit nécessaire de saboter le navire en utilisant l'élément humain. Cela les différencierait des forces des Pasdarans, qui ont plutôt été repérées en train de placer des explosifs sur la ligne de flottaison d'une cible. Mais dans tous les cas, poursuit la source, il est important de prendre en considération le type de sabotage perpétré. Un drone, ou tout autre moyen, peut, le cas échéant, appliquer une charge explosive avec un système de fixation magnétique. Les cas de sabotage d’hélices et de gouvernails sont différents, car, au contraire, ils tendent à nécessiter l'action d’un être humain qui doit alors effectuer un travail complexe et, surtout, s’avérer capable de réagir aux facteurs inconnus de la mission. Évidemment, ce type d'attaque ne peut être réalisé qu'avec un navire stationnaire dans un port ou éloigné de la côte mais au mouillage. En revanche, pour les attaques à l’aide missiles, le navire peut aussi être en route. Le navire israélien Lori naviguait en mer d'Arabie, tandis que le Shahr e Kord naviguait au large des côtes israéliennes lorsqu'un incendie s'est déclaré dans les conteneurs.

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En tout cas, le conflit clandestin risque de se transformer de plus en plus en une dangereuse guerre froide impliquant l'une des régions les plus importantes du monde. L'administration de Joe Biden risque d'être entraînée dans un conflit de faible intensité qui rend néanmoins impossible la poursuite des négociations en vue de trouver un accord sur le programme nucléaire iranien et sur la question connexe des missiles de la République islamique. Les risques d'escalade affectent directement le commerce du pétrole, du gaz liquéfié et même de toutes les autres marchandises. Et ils se multiplient. On l'a vu avec Suez: il suffit de rien pour provoquer un effet domino très dangereux pour le monde entier. Et dans ce cas, ce ne sont pas seulement les compagnies marchandes qui seraient concernées, mais aussi les flottes militaires qui n'auraient besoin que d'une seule erreur pour déclencher un gigantesque incendie.