Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Rechercher : hommage à Jean Haudry

Sous les Sabots des poneys sauvages

michel-deon-a-97-ans-web-tete-0211639602181.jpg

Sous les Sabots des poneys sauvages

Jean-Pierre Brun

Ex: http://synthesenationale.hautetfort.com

& EuroLibertés cliquez ici

En ce mercredi 29 décembre nous apprenons l’ultime cavalcade du dernier des « Hussards », Michel Déon. Comme le furent les trois mousquetaires de Dumas, ils auraient été prétendument quatre. Mais que vient faire ce « prétendument » dans notre propos ?

poneys.jpgPour des raisons qui nous restent obscures, Bernard Frank avait cru bon de rassembler sous un même étendard Nimier, Blondin et Laurent avant de leur adjoindre un certain Déon. Cette affectation collective à un régiment de tradition devait sans doute énormément au fameux « Hussard Bleu » que l’ami Roger avait troussé en son temps au travers d’un roman on ne peut plus « non conformiste ».

Mais voilà, elle ne reçut jamais pour autant l’aval des intéressés. Certes, un solide dénominateur commun pouvait conforter les tenants d’une mathématique idéologique, mais c’était méconnaître les individualismes trop bien trempés des solistes de ce quatuor improbable.

Il fallut attendre les derniers mois de l’Algérie française pour que le tocsin national les rassemblât autour de Philippe Héduy et du toujours discret Roland Laudenbach, sous la bannière de la revue L’Esprit Public.

Pour le coup, nos francs-tireurs, ayant endossé l’uniforme régimentaire auquel ils devaient indûment une partie de leur réputation, se lancèrent à corps perdu dans la bataille, taillant des croupières aux piétons de l’armée gaullienne.

Alors que d’Artagnan Nimier, Porthos Blondin, Athos Laurent frappaient d’estoc leurs adversaires, Aramis Déon pratiquait une escrime plus subtile qui n’en touchait pas moins au cœur ses cibles préférées. N’est-ce pas lui qui dans ses Poneys sauvages dévoila les turpitudes élyséennes de l’affaire Si Salah ?

Qui se souvient de son perfide Supplément aux voyages de Gulliver et ce saisissant Mégalonose qui estomaqua les critiques littéraires et autres chroniqueurs politiques de l’époque ?

En guise d’adieu à notre frère dans la Résistance, je me contenterai de citer un extrait de cette œuvre qui, hélas !, n’a rien perdu de son actualité : «… Je suis dans l’opposition et je refuse la civilisation inhumaine de mon pays. Si des policiers entraient à cette heure dans ma maison et me voyaient utiliser des lampes à huiles, ils me tortureraient pour me faire avouer un complot contre l’État […] Les lampes à huile et la marine à voile sont des crimes contre le progrès, des atteintes à l’esprit nouveau. Peut-être auriez-vous été condamné seulement aux travaux forcés si l’on s’était aperçu que vous ne vous sépariez pas de la boîte noire qui diffuse à longueur de journée de la musique obsessionnelle et le discours de Mégalonose, parce que la possession de ces boîtes que nous appelons “orteffs” est obligatoire et que tout citoyen conscient et respectueux des lois de son pays doit en avoir une à côté de lui, jour et nuit, prêt à toute éventualité, c’est-à-dire à obéir aux ordres de Mégalonose qui parle deux fois par jour en période de calme et jusqu’à vingt fois en période de guerre… »

Va en paix Michel !, mais là-haut, avec l’aide de ton Saint Patron qui est aussi celui des parachutistes, fais en sorte que tu ne sois pas le dernier des hussards et que, dans un élan invincible, une charge de tes cadets reprenne hardiment et consolide méthodiquement nos positions perdues.

Lire la suite

samedi, 31 décembre 2016 | Lien permanent

Guillaume Faye (1949-2019) par-delà censure et récupération

Guillaume-Faye.jpg

Guillaume Faye (1949-2019) par-delà censure et récupération

Philippe Baillet

006724613.jpg« Je n’ai pas connu Guillaume Faye assez longtemps pour oser me compter au nombre de ses amis, mais suffisamment pour avoir partagé avec lui d’excellents moments, que j’évoque ici. Je ne lui rends pas un hommage convenu, mais salue la mémoire d’un homme resté jusqu’au bout un soldat politique, un partisan européen de la Cause blanche.

Puisque G. Faye a fait l’objet d’une tentative de récupération de la part d’un Torquemada d’opérette, j’administre à celui-ci, avec les gants de la dérision, un soufflet mérité. Le fourbe jésuitique qui préside aux destinées de la Nouvelle Droite, qui a voulu pulvériser G. Faye en « non-personne » qui n’aurait jamais existé et qui veut faire croire que les traductions de Julius Evola se sont faites toutes seules, a droit, lui, à une nouvelle dérouillée.

Bien loin du chaudron de sorciers franco-gaulois où s’agitent les pitres et les escrocs de l’antijudaïsme rabique et du complotisme délirant mais alimentaires, je me penche aussi – à l’heure du terrorisme islamiste sauvage à l’arme blanche - sur le thème de la guerre civile raciale que G. Faye voyait venir et qu’il souhaitait même voir éclater. »

Philippe Baillet

Pour l'honneur d'un camarade - Guillaume Faye (1949-2019) par-delà censure et récupération, 72 p., 10 euro.

Pour commander l'ouvrage: https://www.akribeia.fr/nationalisme/2070-pour-l-honneur-d-un-camarade.html

pour-l-honneur-d-un-camarade.jpg

Conseil de lecture: Un homme d'abord et un ami, un engagement, un esprit fulminant en perpétuel mouvement, intransigeant sur le respect des valeurs, sans le moindre dogmatisme, ouvert aux arguments d'une critique constructive, désintéressé, une voix et le grand projet de la renaissance du monde blanc. Il n'a jamais triché, malgré quelques petites chutes provisoires, dont l'origine, nous le savons est une blessure profonde longtemps occultée. Oui, je suis fier d'avoir été son ami.
Merci à Philippe Baillet de lui avoir rendu hommage.

Et je précise que Guillaume avait de l'humour et qu'il ne se prenait pas au sérieux !

Jean-Jacques Vinamont.

Lire la suite

dimanche, 31 mai 2020 | Lien permanent

En souvenir d’Olier Mordrel

 

Robert Steuckers:

En souvenir d’Olier Mordrel

 
Olier Mordrel fut certes un homme de chair et de sang mais il fut aussi la quintessence, ou une facette incontournable de la quintessence de l’idée bretonne; et, au-delà de cette idée bretonne, il incarnait, en sa personne, la révolte d’un réel et d’un vécu brimés, brimés au nom de dogmes politiques abstraits qui oblitèrent, altèrent et éradiquent les legs populaires pour mieux asseoir une domination sans racines ni humus, portée par des gendarmes, des avocassiers bavards ou des fonctionnaires sans coeur ni tripes. Nul ne pourra contester cette affirmation de la quintessence bretonne incarnée en la personne d’Olier Mordrel, dont je vais esquisser ici un portrait.
 

Disparition des voix énergiques et des regards de feu

 
Cette affirmation, je la fais mienne aujourd’hui, en rendant cet hommage, sans doute trop concis, à ce chef breton, à ce croyant et ce fidèle, dont la foi et la loyauté se percevaient dans un timbre de voix, propre aux hommes vrais des années 20, 30 et 40. Ce type de voix a disparu dans tous les pays d’Europe: c’est, pour moi, un indice patent du déclin que subit notre Europe. Tout comme s’en vont, un à un, ces gaillards au regard de feu dont une formidable dame italienne déplorait la disparition, lors d’un repas convivial à Gropello di Gavirate en août 2006; cette dame, qui irradie la force et la joie, est la belle-mère de notre ami italien Rainaldo Graziani, fils de l’ami d’Evola, Clemente Graziani. Ce dernier, qui avait combattu jusqu’au bout dans les rangs des unités de la “République Sociale”, à peine libéré de son camp de prisonniers de guerre, avait chanté des chants patriotiques dans les rues de Rome; il avait, pour cela, été jeté quinze jours en prison à la “Regina Coeli”, y avait découvert un livre d’Evola et avait immédiatement voulu voir le Maître, pour mettre toutes ses actions futures au diapason de celui qui semblait lui indiquer la seule Voie praticable après la défaite. Pour cette dame, qui, assurément, possède encore ce feu intérieur, les hommes d’hier ont fait place à des mollassons, même parmi ceux qui osent se revendiquer du “bel héritage”. Jean Mabire aussi possédait ce feu intérieur. Son regard me l’a fait entrevoir quand il m’a serré la pince pour la dernière fois, à Bruxelles en décembre 2005, lorsque nous sortions du restaurant où nous avions assisté à une causerie/projection des “Amis de Jean Raspail”. Nous avons, en ce début de 21ème siècle, le triste devoir d’assister à la disparition définitive d’une génération pré-festiviste, qui avait véritablement fait le sel de notre Vieille Europe. Pour moi, Mordrel fut l’un des premiers à disparaître, quinze ans avant l’an 2000. C’est donc avec émotion que je couche ces lignes sur le papier. Sa voix, le regard de feu de Jean Mabire, la voix et les yeux de bien d’autres, comme cette sacrée Julia Widy de Deux-Acren, qui me parla avec force et chaleur de ses engagements passés quand je n’avais que quatorze ans, sont bien davantage que de simples phénomènes optiques et auditifs: ce sont de véritables forces nouménales qui m’interpellent chaque jour que les dieux font et m’incitent ainsi à ne pas capituler et à poursuivre, pour moi-même, pour mes amis et pour ceux qui veulent bien me lire ou m’écouter, la même quête spirituelle que les aînés et réamorcer sans cesse le combat pour une anthropologie axée sur cette valeur cardinale de l’humanité européenne qu’est la dignité, la Würdigkeit.
 

Du “Club des Cinq” à Markale

 
Dès l’école primaire, j’ai été fasciné par les matières de Bretagne, alors qu’adulte, je n’ai jamais eu l’occasion de mettre les pieds dans cette région d’Europe. Dans les versions françaises de la collection enfantine “Le Club des Cinq”, les aventures, toutes fictives, du quatuor, flanqué du chien Dagobert, se déroulent en Bretagne. Le paysage évoque une côte qui n’est pas plane, rectiligne, de dunes et de sable comme la nôtre, en Flandre. Elle est faite d’îles, d’îlots, de récifs, avec, derrière elle, non les Polders que nous sillonnions à vélo derrière Coq-sur-Mer, mais des landes de bruyère, avec des maisons mystérieuses, pleines de souterrains et de passages secrets. Dans mon enfance et ma pré-adolescence, je voulais voir un littoral échancré, que je ne verrai qu’en Grèce en 1972-73 et en Istrie en 2009 et en 2011. Et je ne verrai le littoral de la Bretagne qu’en images, que dans un cadeau d’Olier Mordrel, un beau livre de photos, tout simplement intitulé “La Bretagne”.
 
Ensuite, un condisciple de l’école primaire, Luc Gillet, avait un père ardennais et une mère bretonne: ses allégeances oscillaient entre un patriotisme français (ancien régime) et un “matrionisme” breton. Finalement, à l’âge adulte, quand il a commencé à étudier le droit aux Facultés Universitaires Saint-Louis, c’est l’option bretonne qui a pris le dessus: après avoir potassé son code civil ou son droit constitutionnel, il suivait des cours de biniou. Je l’ai perdu de vue et le regrette. Le mythe chouan était gravé dans ma petite cervelle grâce, comme j’ai déjà eu l’occasion de l’écrire, à un cadeau de communion solennelle, “Le Loup blanc” de Paul Féval, auteur auquel Jean Mabire n’a pas manqué de rendre hommage. Plus tard, la Bretagne ne disparaît pas: notre professeur de latin, l’Abbé Simon Hauwaert avait été un fidèle étudiant de l’irremplaçable Albert Carnoy, professeur à Louvain avant la première guerre mondiale et, après un intermède américain entre 1914 et 1919, pendant l’entre-deux-guerres. Hauwaert, nous exhortait à explorer les racines indo-européennes de notre inconscient collectif, exactement comme Carnoy l’avait fait en publiant, en 1922, un ouvrage concis et fort bien charpenté sur les dieux indo-européens. Outre sa volonté de nous faire connaître à fond les legs gréco-romains et les pièges de la grammaire latine, il insistait sur la nécessité d’aborder en parallèle les mythologies germaniques (en particulier les “Nibelungen”) et celtiques (les “Mabinogion”). En obéissant à cette injonction, j’ai commencé, dès l’âge de seize ans, à lire les ouvrages de Markale sur les mythologies bretonne et irlandaise ainsi que les articles, encore épars, de Guyonvarc’h, récemment décédé.
 
Les études universitaires mettront un terme provisoire à cet intérêt celtisant: l’apprentissage des grammaires allemande et anglaise, les techniques de traduction, les nombreuses heures de cours etc. ne permettaient pas de poursuivre cette quête, d’autant plus qu’il fallait, en marge des auditoriums académiques, rester “métapolitiquement actif”, en potassant Pareto, Monnerot, Mannheim, Sorel, Schmitt, Evola et Jünger, dans le sillage du GRECE, de nos cercles privés (à connotations nationales-révolutionnaires) et des initiatives de Marc. Eemans, le surréaliste non-conformiste avec qui Jean Mabire a entretenu une correspondance.
 

Olier Mordrel téléphone au bureau de “Nouvelle école”

 
En 1978, lors du colloque annuel du GRECE, Jean-Claude Cariou, que je ne connaissais pas encore personnellement, m’indique, assez fier, qu’Olier Mordrel est présent parmi les congressistes et me montre où il se trouve au milieu d’un attroupement de curieux et d’enthousiastes qui voulaient absolument le voir, lui serrer la main, l’encourager, parce qu’ils ne l’avaient jamais vu, depuis son retour, d’abord discret, de ses exils argentin et espagnol. C’est ainsi que la puce nous a été mise à l’oreille: Mordrel était l’auteur du livre “Breizh Atao” (1973), une histoire du mouvement breton le plus radical du 20ème siècle, toute pétrie de souvenirs intenses et dûment vécus, alors que nous, les plus jeunes, ne connaissions la matière de Bretagne que par les travaux de Markale, certes, et plutôt par les chants et les théories “folcistes” sur la musique populaire d’Alan Stivell (auquel j’avais consacré un des mes premiers articles pour “Renaissance Européenne” de Georges Hupin et pour la belle revue “Artus”, à l’époque éditée à Nantes par Jean-Louis Pressensé). C’était effectivement “Artus”, à l’époque, qui nous ré-initiait à la culture bretonne. Quelques années passent, je me retrouve, à partir du 15 mars 1981, dans les locaux du GRECE à Paris pour exercer la fonction de secrétaire de rédaction de “Nouvelle école”. Outre la mission de préparer des conférences pour le GRECE, à Paris, au Cercle Héraclite, à Grenoble, à Strasbourg voire ailleurs, ma tâche a été, en cette année 1981, de réaliser deux numéros de la revue: l’un sur Vilfredo Pareto (avec l’aide du regretté Piet Tommissen), l’autre sur Heidegger (il sera parachevé par mon successeur Patrick Rizzi). Un beau jour, le téléphone sonne. Au bout du fil, la voix d’Olier Mordrel. Il m’explique qu’il vient de terminer la rédaction du “Mythe de l’Hexagone”. Il souhaite me confier le manuscrit pour que je lui donne mon avis. Je suis abasourdi, horriblement gêné aussi. Me confier son manuscrit, à moi, un gamin qui venait tout juste de sortir des écoles? Lui, le vieux combattant, désormais octogénaire? Inouï! Incroyable! Il insiste et quelques jours plus tard, je reçois un colis contenant une copie du tapuscrit. Je l’ai lu. Mais jamais je n’aurais osé formuler la moindre critique sur cet ouvrage copieux, fruit d’une réflexion sur l’histoire de France qui avait mûri pendant de longues décennies, dans le combat, l’adversité, l’amertume, l’ostracisme, l’exil, fruit aussi des longues conversations avec l’attachant Roger Hervé (à qui Mordrel dédiait cet ouvrage). Devant une telle somme, les gamins doivent se taire, fermer leur clapet car ils n’ont pas souffert, ils n’ont pas risqué leur peau, ils n’ont pas mangé le pain amer de l’exil. Quand Olier Mordrel m’a demandé ce que je pensais de son livre à paraître, une bonne semaine plus tard, je lui ai dit que, de toutes les façons, son ouvrage était aussi un témoignage, une vision personnelle en laquelle personne ne pouvait indûment s’immiscer sans en altérer la véracité vécue. Il a été satisfait de ma réponse.
 

Mordrel dans la tradition de Herder

 
J’ai ensuite lu “Breizh Atao” et, plus tard, “L’Idée bretonne” pour parfaire mes connaissances sur le combat breton. La parution du “Mythe de l’Hexagone” a été suivie d’une soirée de dédicaces dans un centre breton au pied de la Tour Montparnasse. Elle m’a permis de faire connaissance avec l’équipe de “Ker Vreizh”, animée à l’époque par Simon-Pierre Delorme, dont l’épouse, hélas décédée, était une brillante germaniste. Et aussi d’Ingrid Mabire, présente lors de l’événement. Cette confrontation avec la quintessence de l’idée bretonne, par l’entremise de Delorme, de Mordrel et surtout, ne l’oublions pas car il ne mérite assurément pas d’être oublié, de Goulven Pennaod, était, pour moi, concomitante d’une lecture de Herder, via la thèse magnifique d’un Professeur d’Oxford, F. M. Barnard (1), et des éditions bilingues proposées à l’époque par Aubier-Montaigne et préfacées tout aussi magistralement par Max Rouché (2). Pour “Nouvelle école”, je voulais rédiger un long article sur Herder et sur le droit qui découle de sa philosophie (via Savigny et Uwe Wesel). Pierre Bérard a partiellement réalisé mes voeux en publiant une longue étude dans la revue-phare du GRECE, une étude elle aussi magistrale, comme tout ce qui vient de ce professeur angevin exilé en Alsace, sur Louis Dumont, disciple français et contemporain de Herder. Un article plus directement consacré à Herder ou un numéro plus complet sur sa pensée (et sur sa postérité prolixe) aurait permis de consolider le lien entre le corpus de la “nouvelle droite”, qui n’est pas nécessairement tourné vers les patries charnelles, et le corpus de tous ceux qui entendent mettre un terme aux abus et aux travers du jacobinisme ou aux déviances dues à la volonté de fabriquer “une cité géométrique” par “dallage départemental” (selon la terminologie utilisée par Robert Lafont, militant occitan). Car Mordrel, volens nolens, est un disciple de Herder, surtout si l’on tient compte de l’aventure éditoriale qu’il a menée avant-guerre en publiant la revue “Stur”.
 

La métapolitique de “Stur”

 
Dans “L’Idée bretonne”, Mordrel résume bien l’esprit qui animait la revue “Stur”, dont le premier numéro sort en juillet 1934. “Stur” se posait comme une “revue d’études indépendante” mais elle ne cherchait pas à se soustraire au combat politique, devenu violent en Bretagne après les échecs électoraux du mouvement “Breizh Atao” dans les années 20. Pour Mordrel, l’idée bretonne devait offrir des solutions aux problèmes réels et concrets de la Bretagne, sinon “elle serait rejetée par le peuple comme un colifichet sans intérêt”. Le but de “Stur” n’était pas de faire de l’intellectualisme: au contraire, la revue préconisait de se méfier des “intellectuels purs”, “étrangers au monde des métiers, dégagés des liens multiples et vivants qui nous rendent solidaires du corps social”. “Nous avions horreur”, poursuit Mordrel dans son évocation de l’aventure de “Stur”, “de cette engeance qui triomphe sans modestie à Paris” car elle a été “élevée dans le royaume des mots, vivant de sa plume ou de sa langue, qui choisit entre les idées et non entre les responsabilités”. Pour “Stur”, les idées ne sont donc pas des phénomènes intellectuels mais des instruments pour “modeler la personne intime de l’homme”. Bref: ne pas vouloir devenir de “beaux esprits” mais des “drapeaux”; n’avoir que “des pensées nouées à l’acte”. 
 
 
&n

Lire la suite

dimanche, 26 février 2012 | Lien permanent

« Babar » contre la pègre démocratique

110mb726.jpg

« Babar » contre la pègre démocratique

par Georges FELTIN-TRACOL

0064docc69402.jpgPendant trente ans au gré d’une périodicité fluctuante sort Défense de l’Occident. Fondée et animée par Maurice Bardèche (1907 – 1998), cette revue accueille diverses sensibilités nationales, du nationaliste-révolutionnaire François Duprat au futur gréciste Jean-Claude Jacquard, du traditionaliste radical Georges Gondinet à l’euro-régionaliste Jean Mabire… Maurice Bardèche, affectueusement surnommé « Babar » par les contributeurs, en fait un carrefour obligé de la radicalité à droite.

Outre ses articles, Maurice Bardèche signe dans chaque livraison un éditorial sur l’actualité du moment. Il aborde tous les sujets, de l’économie aux relations internationales en passant par la vie politique. Bien de ses éditoriaux sont de nos jours dépassés. Toutefois, certains gardent toute leur pertinence. C’est le cas avec La mafia des démocraties (2023, 212 p., 18,10 €), un recueil de vingt textes écrits entre 1953 et 1982 que viennent de publier les excellentes éditions dissidentes Kontre Kulture.

Il faut saluer le long et minutieux travail de recherche et de lecture attentive qui précède le choix crucial des éditoriaux. Certes, en cette période de Guerre froide, « Babar » dénonce volontiers l’Union Soviétique, le Pacte de Varsovie et les communistes. Il fustige néanmoins avec une énergie équivalente le Système occidental capitaliste – libéral. Maurice Bardèche tonne avec constance contre le régime victorieux en 1945. Force est de constater que certains textes rassemblés dans ce volume à la magnifique couverture sont visionnaires.

36483777.jpgPar exemple, dans « Physiologie des démocraties libérales avancées » (1976), il prévient que « l’État ne nous protège plus. […] Les organisations marginales sont plus puissantes aujourd’hui que les gouvernements ». Il précise que l’impuissance croissante de l’État « n’empêche pas l’autoritarisme saugrenu. C’est un autre aspect des démocraties libérales avancées, c’est même la contrepartie de la violence et du terrorisme ». Cet avertissement prend un écho considérable après le covid et les attaques terroristes. Quelques lignes auparavant, il signale que « notre liberté politique est donc illusoire ». Persécuté politique pour ses écrits hostiles au résistancialisme triomphant, en particulier son Nuremberg ou la Terre promise, « Babar », incarcéré à la prison de Fresnes en 1954, rappelle que « nos libertés sont un leurre et la liberté de la presse pour commencer ». Il souligne que « l’opinion est donc dirigée dans les démocraties libérales tout comme dans les pays totalitaires ».

Brillant universitaire, spécialiste de la littérature française du XIXe siècle, mais marginalisé en raison de son engagement audacieux, Maurice Bardèche appartient au sérail enseignant. Son point de vue sur le système scolaire français peut surprendre. Sans aller jusqu’à la remise en cause de l’obligation scolaire, remise en cause plus que jamais essentielle et salutaire comme le préconisait d’ailleurs l’excellent programme présidentiel de Jean-Marie Le Pen en 2002, « Babar » estime que « le but de l’enseignement est un but pratique : l’enseignement doit permettre à un adolescent de gagner sa vie. Tout le reste est prétention et verbiage. Dès l’école, la sélection doit être la règle. C’est la meilleure et même la seule garantie de promotion pour les enfants des familles défavorisées ». Datant de 1981, cet article intitulé « Sur le chômage » s’élève par conséquent contre les premiers méfaits dévastateurs du pédagogisme et de la massification.

À propos de ce drame social qu’est la perte d’un emploi, il explique que « la cause fondamentale de tout chômage présent ou à venir est notre incapacité à maîtriser les conséquences du mécanisme industriel de la production, impuissance qui n’est pas particulière à la France, mais qu’on retrouve dans toutes les nations industrielles ». À l’époque, la France est encore une grand pays industriel. Maurice Bardèche devine les ravages considérables d’une mondialisation balbutiante alors contenue par le duopole planétaire USA – URSS.

thmbardil.jpgSans avoir la fibre juridique, « Babar » condamne enfin l’intrusion lente du poison égalitaire dans le droit. « Notre Code pénal, note-t-il, établi sous l’influence de la Déclaration des Droits de l’homme qui proclamait l’égalité de tous les citoyens contenait par là une cause profonde d’injustice et d’inefficacité. Aussi bien dans le niveau que dans l’exécution de la peine, la valeur de la sanction, la simple intervention de la justice pénale, ont un poids très différent suivant les individus, leur passé, leur caractère, leur situation sociale. » Les tribunaux libèrent des immigrés clandestins pour mieux emprisonner des lanceurs d’alerte identitaires. La « justice » administrative entérine la dissolution scandaleuse d’associations de défense du peuple français et supprime celle des bandes éco-terroristes. C’est très bien vu par Bardèche !

On comprend qu’il est impérieux de lire et de faire lire La mafia des démocraties. Le style de Maurice Bardèche y est exceptionnel. Il maîtrise tous les sujets qu’il traite avec brio, clarté et intelligence. Soucieux du sort des classes populaires autant que des classes moyennes, l’auteur de Sparte et les Sudistes combat donc l’égalitarisme et, plus largement, le mythe égalitaire qui sous-tend l’illusion démocratique. Un très grand merci aux courageuses éditions Kontre Kulture de remettre à l’honneur un immense monsieur de la pensée nationale et européenne !

GF-T

  • « Vigie d’un monde en ébullition », n° 93, mise en ligne le 22 novembre 2023 sur Radio Méridien Zéro.

Lire la suite

dimanche, 26 novembre 2023 | Lien permanent

R.I.P. Guillaume Faye !

gf-imetnom.jpg

R.I.P. Guillaume Faye !

par Togirix

Ainsi le crépuscule l’a-t-il englouti. Mais l’aube, demain, aura une lueur nouvelle…

« Dans la société marchande, tout a un prix mais rien n’a de valeur. »

Sous une forme ou sous une autre, prochainement ou dans quelques siècles – qu’importe, car le temps est un ressac infini où l’écume du passé se mélange à celle d’aujourd’hui et de demain -, nous le reverrons.

Son souffle continuera d’animer cette flamme si particulière, si honnie par les hordes lucifuges, qui crépite chez beaucoup d’entre nous.

Et quand les Européens se relèveront, quand les Dieux dans leur sang auront terminé d’y bouillonner et d’y réveiller la sagesse et la sainte fureur, alors les Européens auront bien des légions ; il y aura une légion Robert Dun, une légion Saint Loup, une légion Jean Mabire, une légion Dominique Venner, et tant d’autres… et une légion Guillaume Faye, désormais.

Il est mort mais sa vie fut pleine et il fut un homme bon, car bien des esprits (dont le mien) auront trouvé, et continueront de trouver grâce à lui un chemin haut et clair dans l’obscurité qui s’épaissit à l’entour.

Il ne faut pas pleurer Guillaume Faye. Il faut crier son nom comme un cri de guerre. Aujourd’hui nous sommes tristes mais ses écrits et sa parole résonnent en nous comme de solides viatiques, ils nous rendent plus forts, et plus joyeux jusques et y compris dans l’adversité. Surtout dans l’adversité.

« C’est le soir qu’il faut louer le jour » (Hávamál, 81).

Louons Guillaume Faye.

Que Lug le bénisse,
Qu’il chevauche aux côtés d’Epona,
Que le tonnerre et le fracas de Taranis grondent pour lui,
Que sa verve et sa plume soient reconnues par Ogmios,
Que Lug le porte sur ses rais lumineux,
Que Kernunos le baigne en ses eaux lustrales.
Que les Hommes honorent sa mémoire.

Adieux Guillaume !

Écrit par : Togirix | 07/03/2019

« La tolérance, la commisération, la pitié pour l’Autre, le lointain ; l’indifférence pour ceux de son clan, pour ses proches : telle est la logique de l’esprit bourgeois, cette peste qu’il faut combattre selon l’ordre nietzschéen » – Guillaume Faye

gf-livresanc.jpg

Lire la suite

dimanche, 10 mars 2019 | Lien permanent

Mohrt, écrivain sudiste

2017048650.jpg

Mohrt, écrivain sudiste

 

Il faut louer Pol Vandromme, hussard de Charleroi et criti­que littéraire à l'œuvre couvrant tout ce que notre litté­rature romande compte de rebelles, de Brassens à Rebatet et de Brel à Anouilh, pour son dernier essai qu'il consacre à l'un des plus méconnus des écrivains de la droite buisson­niè­re: Michel Mohrt. Né en 1914, annus horribilis, le Breton Mohrt sert plus qu'honorablement dans les Chasseurs alpins lors de la "drôle de guerre" face aux Italiens et aux côtés d'un homme au destin tragique, Jean Bassompierre, dont l'om­bre plane sur toute l'œuvre de l'académicien. Cagou­lard, juriste brillant et courageux officier, Bassompierre suivra Darnand, combattra à l'Est et sera décoré de la Croix de Fer, promu capitaine*. C'est une autre promotion qui dé­cidera de son sort: en 1944, il accepte d'aider Darnand en France et devient inspecteur général de la Milice, où il joue­­ra un rôle modérateur. Il servira ensuite dans la divi­sion Charlemagne jusqu'à la fin. Capturé en Italie, il est con­­damné à mort dans une atmosphère d'hystérie collective et fusillé malgré l'intervention de grands résistants.

 

Ce dra­me a profondément marqué Mohrt déjà traumatisé par la débâcle de 1940. Une grande partie de son œuvre té­moigne  de sa tristesse. Comme l'a fort bien dit Marcel Schnei­der dans le Figaro littéraire du 1er février 1988: "Il est de ceux qui n'ont jamais pu accepter ni même com­pren­dre la débâcle. Elle est pour eux comme la blessure d'Am­for­tas qui saigne toujours sans pouvoir se guérir". La plaie est rouverte à la Libération, ses règlements de compte et le triomphe de l'imposture. Plusieurs romans, dont Mon ro­yaume pour un cheval, paru en 1949, retracent avec autant de courage —nous sommes en plein délire résistancialiste— que de talent le climat complexe de la guerre et de l'occu­pa­tion. Bassompierre et Drieu, que Mohrt connut, apparais­sent à peine masqués. La Guerre civile (1986) est l'un d'eux.

 

Amérique sudiste et Bretagne natale

 

Mohrt quitte l'Europe et met le cap à l'Ouest: l'Amé­rique, autre thème fondamental dans son œuvre, sera son re­fuge, qu'il peindra avec sympathie dans nombre de ro­mans et de récits: il s'agit de la vieille Amérique sudiste ou anglomane, qui n'existe sans doute plus que dans chez quel­ques cœurs rebelles. Mohrt chante aussi la mer et sa Bre­tagne natale, pour laquelle il prit quelques risques: son ro­man La prison maritime (1961) narre les tribulations d'un jeune Breton mêlé à de mystérieux trafics d'armes. Il sem­ble que Mohrt n'ait pas tout inventé dans ce livre: qui est ce jeune hom­me? Est-ce le preux Vissault de Coëtlogon? Voi­re le futur académicien? Cela le rendrait encore plus cher à notre cœur… et ferait de lui le deuxième acadé­mi­cien (le troi­sième avec le regretté Laurent) amateur d'é­motions fortes.

 

Ecrivain solitaire, à la fois austère et liber­tin raffiné, Mi­chel Mohrt, sudiste et chouan, incarne une ré­bellion racée dont nous pouvons nous inspirer. Il y aurait beaucoup à dire de cette œuvre singulière, résolument à con­tre-courant: pre­nons donc Vandromme comme cicérone et prions Michel Mohrt d'enrichir un œuvre trop rare (Patrick CANAVAN).

 

Pol VANDROMME, Michel Mohrt, romancier, Table ronde, 2000, 130 FF. Voir le dernier ouvrage paru de M. Mohrt: Tom­beau de la Rouërie, Gallimard, 2000, 85 FF.

 

(*) Je pille ces informations dans la courageuse Histoire de la Collaboration de Dominique Venner (Pygmalion, 2000), un livre ap­pelé à devenir un classique.

 

 

 

Lire la suite

dimanche, 20 avril 2008 | Lien permanent

Ivan Blot : 50 ans de combat intellectuel

yvan-blot.jpg

Ivan Blot : 50 ans de combat intellectuel

par Jean-Yves Le Gallou

Ex: http://www.bvoltaire.fr

Ivan Blot est mort mercredi 10 octobre.

Lire la suite

samedi, 13 octobre 2018 | Lien permanent

Portrait. Roger Coudroy, le héros nationaliste européen (oublié) de la Palestine

roger-coudroy.jpg

Portrait. Roger Coudroy, le héros nationaliste européen (oublié) de la Palestine

par Andrea Cascioli

Source: https://www.barbadillo.it/75164-ritratti-roger-coudroy-il-nazionalista-europeo-eroe-dimenticato-della-palestina/

À Ibrahim Abu Thurayeh, Fadi Abu Saleh, Razan Najjar, et tous ceux dont les noms ont été écrits sur l'eau

Cinquante ans d'oubli

Roger Coudroy est un nom dans le vent, une ombre qui traverse depuis cinquante ans les fantasmes de ceux qui ont rêvé, au moins une fois, de tout quitter pour vivre la plénitude d'un idéal. Du premier Européen tombé sur le sol palestinien, nous ne connaissons que la légende posthume, ou presque.

Ce que l'on sait, c'est qu'il était ingénieur belge, qu'il avait grandi en France, qu'il avait travaillé pour Peugeot au Koweït avant de rejoindre la résistance palestinienne, et qu'il avait 33 ans au moment de sa mort, survenue le 3 juin 1968.

Même l'avènement d'Internet n'a pas permis de dissiper la chape d'oubli qui pèse sur sa mémoire. Il suffit de dire qu'il n'y a qu'une seule photo de lui et une poignée de références sur Google, principalement en français et en italien. Comme l'a rappelé Giorgio Ballario dans le portrait le plus complet consacré au militant de Jeune Europe, paru sur le site Barbadillo, il n'existe pas de mémoriaux ou de témoignages d'autres combattants d'Al Fatah ou de membres de sa famille et de ses collègues engagés en politique qui se souviennent de lui.

La notoriété de Coudroy a donc connu un destin singulier: ignoré pour des raisons d'opportunité par la galaxie des groupes de solidarité avec la Palestine, toujours dominés par la gauche, il a souffert à droite de la difficulté d'établir sur ce héros inconnu un culte de la mémoire semblable à ceux que l'environnement a produits dans d'innombrables autres cas. Pas de cadeau pour le camarade Coudroy.

md652798945.jpgCe qui pèse le plus lourd à cet égard, c'est sans doute la parabole de la formation dont il faisait partie, interrompue quelques mois seulement après sa mort. Jeune Europe restera une expérience unique, celle d'un mouvement transnational qui, au nom du patriotisme européen, invite à se purger de la nostalgie et à soutenir les luttes de libération du tiers-monde dans une tonalité anti-américaine et anti-soviétique.

Le Belge Jean Thiriart, fondateur de l'organisation, va même jusqu'à évoquer un improbable soutien militaire à la cause palestinienne, qui se concrétiserait par la formation de "brigades européennes" de volontaires prêts à s'engouffrer entre la Méditerranée et le Jourdain, comme ce fut le cas en Espagne en 1936. Thiriart en parle aux dirigeants de l'OLP avec lesquels il est en contact, propose l'idée aux baasistes d'Irak et au président égyptien Nasser à qui il rend visite en cette funeste année 1968. Il ne trouvera aucune suite.

"J'ai vécu la résistance palestinienne". Un testament politique

Roger Coudroy, lui, a déjà rencontré son destin. Le témoignage des quelques mois qu'il a passés dans les rangs de la résistance reste un bréviaire, entre journal intime et essai historique, dans lequel le jeune ingénieur consigne le récit de ses expériences et ses impressions vives sur les combattants palestiniens, mais aussi des descriptions très intenses de femmes aux "joues douces, aux nez fins et aux lèvres tendres", sur les enfants des camps de réfugiés qui "font de la Palestine une ode à la douceur qui leur est refusée, au chant et à la confiance, qui les rend heureux et désespérés à la fois, dans de petites tentes brûlées par le soleil et secouées par le vent, vers ce pays fait de lait et de miel dont ils ont tant entendu parler et pour lequel, peut-être, ils mourront demain".

Sarcre.jpgCe petit livre a été publié à Beyrouth en 1969 par le Centre de recherche de l'OLP, sous le titre J'ai vécu la résistance palestinienne. On en connaît une traduction allemande, aujourd'hui tout aussi introuvable, intitulée Widerstand in Palästina. En Italie, il y a quelques mois seulement, une initiative méritée de la maison d'édition Passaggio al Bosco a finalement permis la publication de Ho vissuto la resistenza palestinese. Un militant de la révolution nationale avec les Fedayin.

Après les premières rencontres à Beyrouth avec Al Fatah, le parcours de l'auteur le conduit à Damas, puis à Amman, et enfin au camp de réfugiés de Baqa'a où Coudroy devient le fedayin 'As Saleh' (Le Juste). Les dernières pages, écrites du 23 au 27 mai 1968, rendent compte de façon de plus en plus éparse des opérations militaires conjointes entre Al Asifah (la branche militaire du Fatah, dont il est membre) et l'OLP. C'est alors que le récit s'interrompt.

Il y a pourtant de quoi saisir quelque chose de l'homme au-delà de son mythe fragmentaire. Dans les pages du pamphlet, transparaît le volontarisme qui anime ses choix, la confiance trop naïve dans un retournement de situation imminent après le désastre de la guerre des Six Jours : il est conforté par l'issue de la bataille de Karamè qui, en mars 1968, marque un premier revers pour les Israéliens.

Coudroy sait que sa cause est juste, et pourtant il sait qu'elle ne lui appartient pas vraiment: "Il est vrai que je connais le pays et ses habitants depuis près de quatre ans, que je parle leur langue et respecte leurs coutumes, que j'ai appris à dire les mots les plus fréquents dès le début. Mais comment leur faire comprendre que malgré mon amitié pour les hommes et ma sympathie pour leur cause, je n'oublie pas mon pays et que ma présence n'est pas entièrement désintéressée ?

55164810.jpgL'ennemi chantera nos exploits

Nous n'aurons pas le temps de répondre à ces questions. Dans la nuit du 3 juin, un an presque jour pour jour après la guerre des Six Jours, un commando d'Al Asifah tente de pénétrer en Palestine pour une nouvelle opération militaire. Une patrouille de Tsahal l'intercepte : parmi les victimes de la fusillade se trouve un jeune Européen, dont le corps est jeté dans une fosse commune avec ceux des autres fedayins et, à notre connaissance, jamais exhumé.

Des déductions infâmes ont en effet été faites à propos de cet épisode. Un journal britannique évoque une possible exécution par les miliciens du Fatah eux-mêmes, qui le soupçonnaient d'être un infiltré du Mossad. Une autre version avance l'hypothèse d'un accident tragique lors d'un exercice.

Cinquante ans plus tard, le nom de Roger Coudray reste pour les quelques personnes qui conservent sa mémoire le témoignage d'un sacrifice absolu dans l'abnégation. Dans le silence qui l'entoure, résonnent les mots d'un autre grand oublié comme Jean Cau, auteur avec Le Chevalier, la Mort et le Diable d'un des livres les plus extraordinaires du 20ème siècle: "S'il est vrai que la cause est perdue, cela signifie-t-il, oui ou non, qu'il faut renoncer à se battre pour elle? Après tout, que signifie "cause perdue"? Quand tout est perdu, meurt-on pour une cause ou pour l'idée que cette mort nous donne de nous-mêmes? Après tout, nous, "vaincus", aurons notre victoire: un jour, l'ennemi chantera nos exploits et se demandera avec inquiétude si notre mort, si haute, n'est pas le signe, sous un regard éternel, de sa défaite. Il pensera en son for intérieur : nous avons brûlé leurs drapeaux, mais où est notre victoire face à leur dernière déclaration ? "Ce sont des fanatiques. Vraiment, oui. Ils sont sortis du Temple, la tête pleine d'oracles, submergés de zèle pour leur dieu. Débordés : c'est le mot".

"Ils ne joueront plus avec les garçons, ces petits Arabes agiles aux yeux de velours marron sur leur tête ronde.

Ils ne les verront plus grandir dans des camps de réfugiés, à la merci de la charité de l'ONU. Ils ne les verront plus suivre des cours d'écriture assis à même le sol sous des tentes, et ne connaîtront plus l'angoisse de les voir grandir, sans patrie, sans éducation, sans esprit. Et le soir, ils ne s'assiéront plus sur les terrasses des boulangeries pour regarder passer les jeunes filles, fines et droites sous leurs voiles blancs et leurs longues robes rouges ou bleues, la cruche sur la tête ou le cahier d'écolier sous le bras.

Quand une balle ou une baïonnette les aura frappés, quand ils seront tombés, saignants, brûlés, déchirés, ils auront crié "Vive la Palestine" avec un élan de haine contre l'ennemi qui aura résisté une fois de trop, une dernière fois. Ou bien ils ont pensé à la famille qui les attendait, chez elle ou sous une tente, à la petite amie fière et un peu effrayée, à la mère qui priait pendant que son fils mourait dans le sable.

Ou peut-être ont-ils souri en imaginant leur propre visage sur les affiches ?

Roger Coudroy, Ho vissuto la resistenza palestinese. Un militante nazionalrevoluzionario con i Fedayin (= J'ai vécu la résistance palestinienne. Un militant de la révolution nationale avec les Fedayin).


Andrea Cascioli

9788885574045-fr-300.jpg

Lire la suite

jeudi, 26 octobre 2023 | Lien permanent

Didier Patte est mort - La Normandie perd un grand Normand

FoT6-lmX0AAhr6y.jpg

Didier Patte est mort

La Normandie perd un grand Normand

par Georges FELTIN-TRACOL

Né le 1er janvier 1941, Didier Patte s’est éteint le 5 février dernier dans sa 82e année. Ses obsèques se dérouleront le lundi 13 février à Vatteville-la-Rue. Il est recommandé que pendant ce moment solennel se déploient maintes bannières des pays de France et d’Europe. Les drapeaux normands aux deux léopards ou à la croix scandinave jaune de saint Olaf accompagneront le défunt dans son ultime voyage. Il s’agit, par-delà la peine et le chagrin de ses proches (son épouse Michèle, leurs sept enfants – quatre filles et trois garçons – et leurs dix petits-enfants), de saluer une dernière fois un grand Normand.

267403-nrf-monument-dgilliaume-le-contchethant-falaise-calvados-basse-nouormandie-chutte-statue-valiethe-septchieme-duc-de-nouormandie-stchulptee-par-louis-rochet-fut-gree-sus-piedestal-d.jpg

Professeur d’histoire-géographie qui a enseigné à l’université, Didier Patte privilégiait le Moyen Âge et tout particulièrement la vie et l’œuvre du duc Guillaume, futur roi conquérant d’Angleterre. Jeune sympathisant du Cercle Patrie et Progrès de Philippe Rossillon qui développait une interprétation hétérodoxes des débuts de la présidence de Charles De Gaulle et qui prendra ensuite la forme d’un surprenant national-gaullisme de gauche, Didier Patte anime dans les années 1960 la Fédération des étudiants de Rouen (FER), partie prenante de la FNEF (Fédération nationale des étudiants de France), la rivale oubliée de la gauchiste UNEF (Union nationale des étudiants de France).

À la tête d’un groupe de pression tenace

À l’aube de sa vie professionnelle, il se détourne néanmoins du militantisme politique et choisit d’influencer les élus. Il considérait que « le MN […] entend agir en profondeur sur la mentalité normande (1) ». Il se préoccupe vite de la réalité normande à une époque où l’ancien duché se trouve divisé en cinq départements. Il faut y inclure les Îles anglo-normandes (Jersey, Guernesey, Sercq, Lihou, Herm et Jéthou) en dépendance directe de la Couronne britannique. Leurs lois sont toujours régies par le droit coutumier normand enseigné à Caen.

inormmages.jpg

Didier Patte rencontre très tôt d’ardents défenseurs de ce patrimoine: Jean Mabire et Pierre Godefroy, député gaulliste de la Manche. Le trio se lance d’abord dans une Union pour la région normande (URN). Puis c’est la fondation à Lisieux, le jour de la Saint-Michel, le 29 septembre 1969, le Mouvement de la Jeunesse normande (MJN) avec des éléments de la FER et de l’URN . Deux ans plus tard, il prend son nom définitif de Mouvement Normand (MN).

Mouvementdormant.jpg

Didier Patte aurait été un excellent ministre de la Décentralisation, des relations avec les collectivités territoriales et de l’Aménagement du territoire. S’il critiquait la nocivité de l’hypertrophie parisienne – francilienne et la toxicité d’un personnel politique plus prompt à se servir des Normands qu’à les servir, il avançait toujours des solutions de bon sens. Président du MN jusqu’en 2016, il laissa volontiers sa place à Emmanuel Mauger.

Homme de convictions et de plume, il participa à une myriade de publications (Haro ou Sleipnir) dont les deux fleurons demeurent L’Unité normande et Culture normande. Il animait l’ODIN (Office de documentation et d’information de Normandie) et les Éditions de l’Esnèque. Il s’investissait dans les Éditions d’Héligoland et dans une Web-télé, TVNC. Sa seule ambition était le bien commun de la Normandie envers et contre les prébendiers de la division et les administrations parisiennes qui se moquent des terroirs normands. De 1972 à 2015, le MN, Didier Patte en tête, ferraille avec ténacité contre la division artificielle de la Normandie. Si la Seine-Maritime et l’Eure forment la Haute-Normandie, le Calvados, la Manche et l’Orne constituent la Basse-Normandie. Les tenants des deux « demi-régions » justifient cette scission par l’existence de deux villes principales, Rouen et Caen (en oubliant Le Havre). Ne cessant d’œuvrer contre cette mutilation géo-administrative absurde, Didier Patte propose une répartition équitable et raisonnée des institutions régionales entre les trois villes (la préfecture régionale à Rouen, le conseil régional et son exécutif à Caen, l’union des ports du Havre, de Rouen et de Paris, la Chambre régionale de commerce et d’industrie, et la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement au Havre). Ami du centriste Hervé Morin, l’actuel président du conseil régional de Normandie, il a siégé à plusieurs reprises au Conseil économique, social et environnemental régional de Haute-Normandie, puis de la Normandie au titre de militant syndicaliste, puis en tant que personnalité qualifiée.

Emblèmes+et+symboles+Le+drapeau+rouge+à+deux+léopards+jaunes.jpg

Le régionalisme tranquille

La réforme administrative territoriale de 2015 qui réduit les vingt-deux régions métropolitaines en treize est, malgré de réelles imperfections telles le Grand Est ou la Nouvelle-Aquitaine, l’une des très rares réalisations positives du quinquennat de François Hollande. Didier Patte a eu la chance et le bonheur d’assister à la réunification de la Normandie même si sa dimension historique n’est pas atteinte en raison du caractère exceptionnel. Il se félicitait de cette réunion et dénonçait violemment certains responsables locaux favorables à l’intégration de la vallée de la Seine dans une Île-de-France élargie et à l’addition de la Basse-Normandie à la Bretagne. Il éprouvait néanmoins un scepticisme certain envers la viabilité des régions Bourgogne – Franche-Comté et Auvergne – Rhône-Alpes; l’un des rares points de divergence avec l’auteur de ces lignes. Il considérait en effet que la faisabilité d’une région reposait, à l’exception de la région-capitale, sur la coordination de cinq départements. Ainsi soutenait-il l’entrée de la Loire-Atlantique dans la région Bretagne et applaudissait-il l’union du Nord – Pas-de-Calais et de la Picardie, nonobstant sa nouvelle appellation « Hauts-de-France » qu’il aurait volontiers remplacées selon la longue durée historique par « Pays Bas français ». Son approche dépassait enfin la querelle stérile entre départementalistes et régionalistes. Pour lui, le département, subordonné à la région, avait une vocation sociale tandis que la région s’occuperait mieux de l’économie et des transports.

B9733422292Z.1_20230208124336_000+GCEM689DH.1-0.jpg

L’intérêt pour l’histoire médiévale n’empêchait donc pas « Guillaume               Lenoir », son pseudonyme, de suivre avec intention la vie politique normande. Il épluchait les différentes éditions locales de la presse régionale et en faisait des synthèses époustouflantes. Il regrettait que les services de l’État avec la complaisance (et/ou l’incompétence) de certains acteurs politico-économiques, insistent sur une soi-disant Normandie « utile » (l’axe séquan Paris – Rouen – Le Havre) et se détournent d’une Normandie « périphérique » reléguée dans la désertification et la marginalité. Ses mises au point régulières rappelaient aux élus leur devoir d’aménageurs réfléchis du territoire.

Fondateur et premier président des Amis de Jean Mabire de 2001 à 2007, Didier Patte exprimait un régionalisme serein. Il souhaitait amplifier la décentralisation et la tendre vers une véritable régionalisation. La région était à ses yeux la clef de voûte de la nouvelle architecture administrative nationale. Cette organisation impliquerait le transfert de certaines compétences (santé, éducation et culture) vers les régions qui bénéficieraient d’une redistribution équitable de la fiscalité. Estimant le fédéralisme en France hypothétique, il pourfendait autant les héritiers du centralisme parisien que les partisans du séparatisme régional. Il ne cessait d’affirmer que la Normandie est « terre de France ». Par son histoire, son peuple, ses parlers locaux de langue d’oïl et ses paysages, elle offre cependant aux horsains (aux non-Normands) la faculté d’acquérir l’état d’esprit normand. Le premier président du Sénégal (1960 – 1980), Léopold Sédar Senghor (1906 – 2001), n’a-t-il pas vécu ses derniers années en Normandie à Verson (Calvados) ? Lui aussi déplorait la séparation factice. Didier Patte avouait volontiers que l’identité normande est « plus spirituelle que populaire (2) ».

B9729957158Z.1_20220217113518_000+GBBJT0PQC.2-0.jpg

La Normandie, terroir français et européen

À l’encontre de bien des régionalistes, autonomistes et indépendantistes de l’Hexagone, Didier Patte n’approuvait pas la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires. Il contestait l’absence de distinction entre « langues enracinées » et « langues minoritaires (ou communautaires) ». Qu’elles soient d’origine romane, germanique, basque et celtique, les premières sont des langues de France. Les secondes (arabe, arménien, chinois, etc.) ne concernent que leurs locuteurs. Oui aux panneaux à Bayeux écrit en normand, mais pas en wolof ! 

Didier Patte récusait tous les sectarismes. Pour lui, sa chère Normandie se déploie par une riche présence dans l’histoire à travers le monde en y inscrivant ses facettes multiples: anglo-saxonne (il préférait plutôt le terme « anglo-normande »), scandinave, baltique, océanique (avec les familles normandes installées sur le Nouveau Monde en Nouvelle-France et à Saint-Pierre-et-Miquelon), est-européenne (avec l’aventure varègue sur le Dniepr, la Volga et le Dniestr) et méditerranéenne. Le médiéviste se souvenait encore de la Reconquista personnelle de Robert Guiscard et de son frère Roger de Hauteville qui s’emparèrent au milieu du XIe siècle de la Sicile où ils bâtiront un royaume tolérant envers les juifs et les musulmans, véritable contre-exemple à la supercherie multiculturaliste de l’Al-Andalus. Faut-il revenir sur le fait que le dernier descendant des Hauteville sera l’empereur Frédéric II de Hohenstaufen ? Par ce lien inattendu mais pas anodin, l’esprit normand côtoie le principe impérial gibelin européen.

La Normandie vient de perdre un très grand serviteur. Souhaitons que les Normands les plus conscients de leur patrie charnelle poursuivent, développent et enrichissent son travail. Qu’ils s’en montrent dignes ! Quant à Didier Patte, il discute déjà avec Maît’Jean et Pierre Godefroy. Le trio normand s’est reformé !

Georges Feltin-Tracol  

Notes

1 : Mouvement Normand, Forum de discussion au sein de ses instances, Éditions d’Héligoland, 2007, p. 15, compte-rendu d’une réunion tenue à Bernay, le 3 février 2007.

2 : dans Le Courrier cauchois du 31 décembre 2015.

Lire la suite

samedi, 11 février 2023 | Lien permanent | Commentaires (1)

En souvenir de Jacques Marlaud

JM-portraitC.jpg

En souvenir de Jacques Marlaud

par Georges FELTIN-TRACOL

Ex: http://www.europemaxima.com

Né le 4 décembre 1944 à Alger bien qu’il ne soit pas d’origine pied-noire et mort à Roanne dans le département de la Loire, le 15 août 2014, Jacques Marlaud a présidé le GRECE de 1987 à 1991. Correspondant de Nouvelle École et rédacteur pour Éléments, Études et Recherches et L’Esprit européen, ce maître de conférence en communication à l’Université Lyon – III – Jean-Moulin a toujours agi en Européen de France et en païen. En 1990, il défend la liberté d’expression en pleine cabale universitaire contre l’économiste dissident et ami Bernard Notin.

Adolescent pendant la guerre d’Algérie, il correspond avec des détenus pro-Algérie française. Il milite à la Fédération des étudiants nationalistes, puis à Europe-Action, et y rencontre Alain de Benoist, Pierre Vial et Dominique Venner. Appelé dans une unité du génie parachutiste, il déserte au milieu des années 1960, franchit les Pyrénées et obtient finalement le statut de réfugié politique en Espagne franquiste. Il en gardera une belle maîtrise de la langue de Cervantès. Il séjournera ensuite en Italie et dans le Nord de l’Allemagne où il rencontrera sa future épouse, Ursula aujourd’hui décédée.

Vers 1971 – 1972, les jeunes mariés s’installent en Afrique du Sud. Jacques Marlaud travaille alors comme journaliste à la radio d’État sud-africaine pour les programmes nocturnes anglophones. L’allemand est néanmoins la langue maternelle des sept premiers enfants Marlaud; la huitième et dernière naîtra plus tard en France. Il anime dès 1979 l’European Renaissance Association et lance en 1981 une revue bilingue anglais – afrikaans Ideas/Idees. Il reçoit au cours de cette période dans son foyer austral Alain de Benoist, Guillaume Faye, Saint-Loup… En 1985 – 1986, devinant la triste évolution de l’Afrique du Sud, Jacques Marlaud rapatrie sa famille dans une propriété du Nord du Forez. Il y organisera de nombreuses années des solstices d’été souvent allumés par son (relatif) voisin, Robert Dun.

JM-renouveau.jpgEn 1986 paraît au Livre-club du Labyrinthe Le renouveau païen dans la pensée française, adaptation de sa thèse soutenue à l’Université sud-africaine de Port-Elizabeth. Il associe le paganisme à l’Europe. Bien qu’il sache que « le paganisme européen […] n’a pas de corps de doctrine cohérent et explicite (idem, p. 19) », il le conçoit néanmoins comme « une échelle de valeurs, une alternative spirituelle pour les Européens désorientés. Il ouvre une quatrième voie entre le théocratisme réactionnaire de certaines Églises qui refusent d’enterrer leur Dieu mort, l’humanisme égalitaire de ceux qui ont remplacé l’idéal de Jésus par celui de Spartacus, et le matérialisme stérile de ceux qui professent diverses utopies économiques (idem, p. 23) ». Il jugera plus tard dans son recueil d’entretiens et d’articles de 2004, Interpellations. Questionnements métapolitiques (Dualpha) que le nationalisme, « une idée juive (id., p. 301) », représente « une solution de facilité qui tend à désigner de faux ennemis et nous trompe sur les enjeux véritables (id., p. 304) », que c’est aussi « une idée moderne et bourgeoise (id., p. 301) », « un slogan vague et désuet (id., p. 299) ». Voyant le « nationalisme intégral et [… le] cosmopolitisme intégral [comme] deux frères ennemis unis par une commune hostilité à l’Europe (id., p. 163) », il appelle dès 1989 à libérer l’Europe de l’Ouest de la tutelle yankee, encourage partout sur la planète « la cause des peuples contre le bunker occidental (id., p. 62) » et participe en 1999 au « Collectif Non à la guerre » lancé par Arnaud Guyot-Jeannin, Laurent Ozon et Charles Champetier qui s’élève contre l’agression serbophobe de l’OTAN. Opposant volontiers le Logos au Mythos, la pensée rationalisante dans ses variantes chrétiennes et laïques à l’idée païenne, Jacques Marlaud appelle à la résurgence des vertus guerrières d’« un surhumanisme différencialiste qui recrée sans cesse des “ ordres de rang ”. Il définit les bio-cultures comme les racines constitutives d’identités, perpétuellement contestées (décadence) et sans cesse réaffirmées par un auto-dépassement créateur de valeurs, de schémas explicatifs, de mythes (Le Renouveau païen…, pp. 27 – 28) ».

JM-dédicace.jpeg

Dans Comprendre le bombardement de New York. Contre-enquête (Éditions du Cosmogone, 2001), il avance que « l’essence du totalitarisme contemporain réside dans l’utopie qui consiste à faire dépendre le bien commun de l’autorégulation des besoins privés, détruisant ainsi les sociogenèses, les communautés organiques qui sont des héritages naturels, pré-rationnels (p. 95) ». Publié un mois après les attentats du 11 septembre 2001, Jacques Marlaud affirme déjà que « Ben Laden est un produit 100 % made in USA (id., p. 52) ». Il explique en outre qu’« une étude sérieuse des tenants et aboutissants du bombardement de New York ne peut que dresser le constat d’une collusion régulière entre les autorités militaires américaines et certaines formes de terrorisme international (id., pp. 48 – 49) ». « Nous avons patiemment attendu notre heure, écrit-il aussi dans Interpellations, l’improbable moment où les Européens prendraient enfin conscience que l’Amérique et l’Europe n’ont pas le même destin ni les mêmes valeurs au bout du compte (id., p. 45) ». Il déplore toutefois que « l’Europe […] refuse pour l’instant le destin d’opposant au Mégapouvoir mondial qui lui était échu. Elle préfère partager ce pouvoir, en sachant bien qu’elle devra se contenter des restes du repas royal. Sachant aussi qu’elle sera en première ligne dans les conflits que l’Occident américanocentré se prépare à affronter (Comprendre…, pp. 69 – 70) ».

JM-interpellations.jpgOr, l’héritage indo-européen (ou boréen) a modelé « les traits distinctifs d’une identité spirituelle qui fait de l’Europe, plus qu’un continent, plus qu’un ensemble politique, une communauté spirituelle (Interpellations, p. 164) ». Pourtant, « l’Europe n’aura une existence propre que lorsqu’elle se dégagera de l’étreinte mortelle d’un Occident qui n’est rien d’autre que le modèle américain, modèle qui perd peu à peu son attraction et ne pourra continuer de s’imposer que par le recours à une violence accrue (Comprendre…, p. 107) ». En authentique gibelin d’expression française, Jacques Marlaud prône un Empire continental capable d’« intégrer (plutôt qu’à dissoudre) l’échelon civique ou politique au sein d’un ensemble plus vaste qui lui redonne son sens en le reliant à ses racines infrapolitiques organiques et à sa cime métapolitique (mythique et cosmique) (Interpellations, p. 172) ». Sa promotion de l’idée impériale européenne repose par ailleurs sur l’articulation agonistique des régions vernaculaires, des nations politico-historiques et de l’échelon continental. Il condamne la parapolitique, c’est-à-dire susciter une action politicienne sous un quelconque prétexte culturel, ce qui n’est ni de la métapolitique, ni même en tant que lecteur attentif d’Heidegger, de la poésie. Ainsi juge-t-il plutôt que « l’identité d’un grand peuple conscient de son héritage se défend plus efficacement sur la longue durée au niveau poétique qu’au niveau épidermique (id., p. 304) ».

Jacques Marlaud détonnait par ses réflexions impertinentes. Celles-ci auraient été plus acérées encore s’il n’avait pas souffert de l’éloignement géographique, du parisianisme ambiant, d’un caractère entier et d’une grande franchise. Danse guerrière de la Grèce antique, la pyrrhique se pratiquait à l’occasion des fêtes des Dioscures, des panathénées et des gymnopédies. Grâce au formidable travail de Jacques Marlaud, Jean Cau, son préfacier du Renouveau païen…, savait enfin « pourquoi nous sommes encore quelques-uns, en cette fin de siècle, à danser sans remords la pyrrhique (p. 11) ». Que cette sarabande sauvage se poursuive pour les Dieux et l’Europe !

Georges Feltin-Tracol

• Chronique n° 31, « Les grandes figures identitaires européennes », lue le 3 décembre 2019 à Radio-Courtoisie au « Libre-Journal des Européens » de Thomas Ferrier.

Lire la suite

mardi, 10 décembre 2019 | Lien permanent

Page : 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11