dimanche, 20 avril 2008
Mohrt, écrivain sudiste
Mohrt, écrivain sudiste
Il faut louer Pol Vandromme, hussard de Charleroi et critique littéraire à l'œuvre couvrant tout ce que notre littérature romande compte de rebelles, de Brassens à Rebatet et de Brel à Anouilh, pour son dernier essai qu'il consacre à l'un des plus méconnus des écrivains de la droite buissonnière: Michel Mohrt. Né en 1914, annus horribilis, le Breton Mohrt sert plus qu'honorablement dans les Chasseurs alpins lors de la "drôle de guerre" face aux Italiens et aux côtés d'un homme au destin tragique, Jean Bassompierre, dont l'ombre plane sur toute l'œuvre de l'académicien. Cagoulard, juriste brillant et courageux officier, Bassompierre suivra Darnand, combattra à l'Est et sera décoré de la Croix de Fer, promu capitaine*. C'est une autre promotion qui décidera de son sort: en 1944, il accepte d'aider Darnand en France et devient inspecteur général de la Milice, où il jouera un rôle modérateur. Il servira ensuite dans la division Charlemagne jusqu'à la fin. Capturé en Italie, il est condamné à mort dans une atmosphère d'hystérie collective et fusillé malgré l'intervention de grands résistants.
Ce drame a profondément marqué Mohrt déjà traumatisé par la débâcle de 1940. Une grande partie de son œuvre témoigne de sa tristesse. Comme l'a fort bien dit Marcel Schneider dans le Figaro littéraire du 1er février 1988: "Il est de ceux qui n'ont jamais pu accepter ni même comprendre la débâcle. Elle est pour eux comme la blessure d'Amfortas qui saigne toujours sans pouvoir se guérir". La plaie est rouverte à la Libération, ses règlements de compte et le triomphe de l'imposture. Plusieurs romans, dont Mon royaume pour un cheval, paru en 1949, retracent avec autant de courage —nous sommes en plein délire résistancialiste— que de talent le climat complexe de la guerre et de l'occupation. Bassompierre et Drieu, que Mohrt connut, apparaissent à peine masqués. La Guerre civile (1986) est l'un d'eux.
Amérique sudiste et Bretagne natale
Mohrt quitte l'Europe et met le cap à l'Ouest: l'Amérique, autre thème fondamental dans son œuvre, sera son refuge, qu'il peindra avec sympathie dans nombre de romans et de récits: il s'agit de la vieille Amérique sudiste ou anglomane, qui n'existe sans doute plus que dans chez quelques cœurs rebelles. Mohrt chante aussi la mer et sa Bretagne natale, pour laquelle il prit quelques risques: son roman La prison maritime (1961) narre les tribulations d'un jeune Breton mêlé à de mystérieux trafics d'armes. Il semble que Mohrt n'ait pas tout inventé dans ce livre: qui est ce jeune homme? Est-ce le preux Vissault de Coëtlogon? Voire le futur académicien? Cela le rendrait encore plus cher à notre cœur… et ferait de lui le deuxième académicien (le troisième avec le regretté Laurent) amateur d'émotions fortes.
Ecrivain solitaire, à la fois austère et libertin raffiné, Michel Mohrt, sudiste et chouan, incarne une rébellion racée dont nous pouvons nous inspirer. Il y aurait beaucoup à dire de cette œuvre singulière, résolument à contre-courant: prenons donc Vandromme comme cicérone et prions Michel Mohrt d'enrichir un œuvre trop rare (Patrick CANAVAN).
Pol VANDROMME, Michel Mohrt, romancier, Table ronde, 2000, 130 FF. Voir le dernier ouvrage paru de M. Mohrt: Tombeau de la Rouërie, Gallimard, 2000, 85 FF.
(*) Je pille ces informations dans la courageuse Histoire de la Collaboration de Dominique Venner (Pygmalion, 2000), un livre appelé à devenir un classique.
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