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lundi, 29 avril 2024

Moïsseï Ostrogorski: sa critique des partis politiques a 122 ans

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Moïsseï Ostrogorski: sa critique des partis politiques a 122 ans

Alberto Buela (*)

Dans la tranquillité des moments que je vis actuellement, j'ai trouvé dans ma bibliothèque un vieux livre de l'auteur russe Moïsseï Ostrogorski (1854-1921) sur la démocratie et les partis politiques, datant de 1902.

La première chose qui me frappe est l'actualité de ses idées et la similitude de son discours avec celui que nous tenons aujourd'hui, 122 ans plus tard.

Du peu que l'on sait de sa vie, on sait qu'il a étudié le droit à Saint-Pétersbourg, qu'il a travaillé au ministère de la justice du tsar, qu'il a ensuite voyagé pour étudier à Paris, en Angleterre et aux États-Unis, où le livre a été publié pour la première fois, qu'il a été élu à la première Douma après la révolution de 1905 et qu'il a quitté la vie publique lors de la dissolution de celle-ci. On ne sait rien de lui au beau milieu des bouleversements politiques de la Russie ultérieure. Il meurt à Saint-Pétersbourg, qui s'appelait déjà Leningrad.

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Pour son originalité, on peut le comparer aux grands spécialistes des partis politiques du XXe siècle tels que Roberto Michels, Gonzalo Fernández de la Mora, Max Weber, Giuseppe Maranini, Maurice Duverger, Giovanni Sartori, Gianfranco Miglio et Dalmacio Negro Pavón. Mais il n'a pas la notoriété et les éditions à grande échelle de certains de ces auteurs.

Son idée principale est ce que l'on appelle le paradoxe démocratique, selon lequel la démocratie est absente de l'un de ses principaux sujets : les partis politiques. Cette thèse a été reproduite de nos jours par de nombreux auteurs sans qu'elle soit mentionnée.

Dès le début de l'étude, il déclare: "Un système électoral très développé n'est rien d'autre qu'un hommage purement formel à la démocratie" (p. 26). Cette représentation formelle des partis politiques finit par produire une clique, une caste ou une oligarchie politique profondément antidémocratique.

Leur résultat final est la contre-production de ce qu'ils prétendent produire. En un mot, ceux qui sont chargés de faire fructifier la démocratie sont profondément anti-démocratiques: "Aux vilenies que l'humanité a produites, de Caïn à Tartuffe, le siècle de la démocratie en a ajouté une nouvelle: la politique" (p. 47).

Dans les partis politiques, ce n'est pas la raison démocratique qui prévaut mais l'utilisation des sentiments pour gagner des partisans. Le parti politique est l'école parfaite de la servilité et de la médiocrité.

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Il est intéressant de noter que Moïsseï Ostrogorski n'est pas contre les partis politiques mais contre leur déformation, leur dénaturalisation et leur falsification dans la démocratie moderne. 

Il propose que les partis politiques cessent d'être des structures rigides et bureaucratiques éternelles. Il affirme que les partis politiques n'ont pas besoin d'être permanents dans le temps, car ils ne sont pas une fin en soi mais un moyen, comme d'autres, dans la construction d'une société démocratique.

Il convient de noter que Moïsseï Ostrogorski ne réagit pas à l'existence des partis politiques, comme la pensée conservatrice tend à le faire, en les invalidant en tant qu'oligarchies, mais cherche à les rétablir en les limitant dans le temps. Ils doivent être ouverts à la possibilité que des partis temporaires existent autour de revendications particulières, ce qui créerait une diversité idéologique que nous n'avons pas aujourd'hui.

Comme on le voit, il s'agit de propositions actuelles faites il y a 122 ans.

(+) buela.alberto@gmail.com

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