Né le 4 décembre 1944 à Alger bien qu’il ne soit pas d’origine pied-noire et mort à Roanne dans le département de la Loire, le 15 août 2014, Jacques Marlaud a présidé le GRECE de 1987 à 1991. Correspondant de Nouvelle École et rédacteur pour Éléments, Études et Recherches et L’Esprit européen, ce maître de conférence en communication à l’Université Lyon – III – Jean-Moulin a toujours agi en Européen de France et en païen. En 1990, il défend la liberté d’expression en pleine cabale universitaire contre l’économiste dissident et ami Bernard Notin.
Adolescent pendant la guerre d’Algérie, il correspond avec des détenus pro-Algérie française. Il milite à la Fédération des étudiants nationalistes, puis à Europe-Action, et y rencontre Alain de Benoist, Pierre Vial et Dominique Venner. Appelé dans une unité du génie parachutiste, il déserte au milieu des années 1960, franchit les Pyrénées et obtient finalement le statut de réfugié politique en Espagne franquiste. Il en gardera une belle maîtrise de la langue de Cervantès. Il séjournera ensuite en Italie et dans le Nord de l’Allemagne où il rencontrera sa future épouse, Ursula aujourd’hui décédée.
Vers 1971 – 1972, les jeunes mariés s’installent en Afrique du Sud. Jacques Marlaud travaille alors comme journaliste à la radio d’État sud-africaine pour les programmes nocturnes anglophones. L’allemand est néanmoins la langue maternelle des sept premiers enfants Marlaud; la huitième et dernière naîtra plus tard en France. Il anime dès 1979 l’European Renaissance Association et lance en 1981 une revue bilingue anglais – afrikaans Ideas/Idees. Il reçoit au cours de cette période dans son foyer austral Alain de Benoist, Guillaume Faye, Saint-Loup… En 1985 – 1986, devinant la triste évolution de l’Afrique du Sud, Jacques Marlaud rapatrie sa famille dans une propriété du Nord du Forez. Il y organisera de nombreuses années des solstices d’été souvent allumés par son (relatif) voisin, Robert Dun.
En 1986 paraît au Livre-club du Labyrinthe Le renouveau païen dans la pensée française, adaptation de sa thèse soutenue à l’Université sud-africaine de Port-Elizabeth. Il associe le paganisme à l’Europe. Bien qu’il sache que « le paganisme européen […] n’a pas de corps de doctrine cohérent et explicite (idem, p. 19) », il le conçoit néanmoins comme « une échelle de valeurs, une alternative spirituelle pour les Européens désorientés. Il ouvre une quatrième voie entre le théocratisme réactionnaire de certaines Églises qui refusent d’enterrer leur Dieu mort, l’humanisme égalitaire de ceux qui ont remplacé l’idéal de Jésus par celui de Spartacus, et le matérialisme stérile de ceux qui professent diverses utopies économiques (idem, p. 23) ». Il jugera plus tard dans son recueil d’entretiens et d’articles de 2004, Interpellations. Questionnements métapolitiques (Dualpha) que le nationalisme, « une idée juive (id., p. 301) », représente « une solution de facilité qui tend à désigner de faux ennemis et nous trompe sur les enjeux véritables (id., p. 304) », que c’est aussi « une idée moderne et bourgeoise (id., p. 301) », « un slogan vague et désuet (id., p. 299) ». Voyant le « nationalisme intégral et [… le] cosmopolitisme intégral [comme] deux frères ennemis unis par une commune hostilité à l’Europe (id., p. 163) », il appelle dès 1989 à libérer l’Europe de l’Ouest de la tutelle yankee, encourage partout sur la planète « la cause des peuples contre le bunker occidental (id., p. 62) » et participe en 1999 au « Collectif Non à la guerre » lancé par Arnaud Guyot-Jeannin, Laurent Ozon et Charles Champetier qui s’élève contre l’agression serbophobe de l’OTAN. Opposant volontiers le Logos au Mythos, la pensée rationalisante dans ses variantes chrétiennes et laïques à l’idée païenne, Jacques Marlaud appelle à la résurgence des vertus guerrières d’« un surhumanisme différencialiste qui recrée sans cesse des “ ordres de rang ”. Il définit les bio-cultures comme les racines constitutives d’identités, perpétuellement contestées (décadence) et sans cesse réaffirmées par un auto-dépassement créateur de valeurs, de schémas explicatifs, de mythes (Le Renouveau païen…, pp. 27 – 28) ».
Dans Comprendre le bombardement de New York. Contre-enquête (Éditions du Cosmogone, 2001), il avance que « l’essence du totalitarisme contemporain réside dans l’utopie qui consiste à faire dépendre le bien commun de l’autorégulation des besoins privés, détruisant ainsi les sociogenèses, les communautés organiques qui sont des héritages naturels, pré-rationnels (p. 95) ». Publié un mois après les attentats du 11 septembre 2001, Jacques Marlaud affirme déjà que « Ben Laden est un produit 100 % made in USA (id., p. 52) ». Il explique en outre qu’« une étude sérieuse des tenants et aboutissants du bombardement de New York ne peut que dresser le constat d’une collusion régulière entre les autorités militaires américaines et certaines formes de terrorisme international (id., pp. 48 – 49) ». « Nous avons patiemment attendu notre heure, écrit-il aussi dans Interpellations, l’improbable moment où les Européens prendraient enfin conscience que l’Amérique et l’Europe n’ont pas le même destin ni les mêmes valeurs au bout du compte (id., p. 45) ». Il déplore toutefois que « l’Europe […] refuse pour l’instant le destin d’opposant au Mégapouvoir mondial qui lui était échu. Elle préfère partager ce pouvoir, en sachant bien qu’elle devra se contenter des restes du repas royal. Sachant aussi qu’elle sera en première ligne dans les conflits que l’Occident américanocentré se prépare à affronter (Comprendre…, pp. 69 – 70) ».
Or, l’héritage indo-européen (ou boréen) a modelé « les traits distinctifs d’une identité spirituelle qui fait de l’Europe, plus qu’un continent, plus qu’un ensemble politique, une communauté spirituelle (Interpellations, p. 164) ». Pourtant, « l’Europe n’aura une existence propre que lorsqu’elle se dégagera de l’étreinte mortelle d’un Occident qui n’est rien d’autre que le modèle américain, modèle qui perd peu à peu son attraction et ne pourra continuer de s’imposer que par le recours à une violence accrue (Comprendre…, p. 107) ». En authentique gibelin d’expression française, Jacques Marlaud prône un Empire continental capable d’« intégrer (plutôt qu’à dissoudre) l’échelon civique ou politique au sein d’un ensemble plus vaste qui lui redonne son sens en le reliant à ses racines infrapolitiques organiques et à sa cime métapolitique (mythique et cosmique) (Interpellations, p. 172) ». Sa promotion de l’idée impériale européenne repose par ailleurs sur l’articulation agonistique des régions vernaculaires, des nations politico-historiques et de l’échelon continental. Il condamne la parapolitique, c’est-à-dire susciter une action politicienne sous un quelconque prétexte culturel, ce qui n’est ni de la métapolitique, ni même en tant que lecteur attentif d’Heidegger, de la poésie. Ainsi juge-t-il plutôt que « l’identité d’un grand peuple conscient de son héritage se défend plus efficacement sur la longue durée au niveau poétique qu’au niveau épidermique (id., p. 304) ».
Jacques Marlaud détonnait par ses réflexions impertinentes. Celles-ci auraient été plus acérées encore s’il n’avait pas souffert de l’éloignement géographique, du parisianisme ambiant, d’un caractère entier et d’une grande franchise. Danse guerrière de la Grèce antique, la pyrrhique se pratiquait à l’occasion des fêtes des Dioscures, des panathénées et des gymnopédies. Grâce au formidable travail de Jacques Marlaud, Jean Cau, son préfacier du Renouveau païen…, savait enfin « pourquoi nous sommes encore quelques-uns, en cette fin de siècle, à danser sans remords la pyrrhique (p. 11) ». Que cette sarabande sauvage se poursuive pour les Dieux et l’Europe !
Georges Feltin-Tracol
• Chronique n° 31, « Les grandes figures identitaires européennes », lue le 3 décembre 2019 à Radio-Courtoisie au « Libre-Journal des Européens » de Thomas Ferrier.
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