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vendredi, 21 décembre 2007

G. Miglio: l'Etat moderne est dépassé!

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L'Etat moderne est dépassé!

Entretien avec le Prof. Gianfranco MIGLIO

Propos recueillis par Carlo STAGNARO

 

«Le pouvoir politique s'est concentré au détriment du décentrement initial».

 

Parler de la Déclaration d'Indépendance américaine, de la pensée de Thomas Jefferson et de l'évolution historique des Etats-Unis revient, inévitablement, à parler de fédéralisme. Mais pour évoquer correctement ces thématiques, il convient de se rappeler de certains faits: dans le débat constitutionnel américain, c'est, en substance, le mouvement “fédéraliste” d'Alexandre Hamilton qui a triomphé (mais ce mouvement réclame, en réalité, une centralisation des pouvoirs). Les “anti-fédéralistes” américains (farouches défenseurs des droits des Etats) ont réussi à obtenir, quelques années a­près, la promulgation d'une “Charte des Droits”: un docu­ment très important, mais insuffisant pour contrebalancer les tendances vers la centralisation (fédérale!), qui, désormais, ont commencé à faire sentir leur propre force. Nous avons parlé de tout cela avec Gianfranco Miglio, l'un des exposants majeurs actuels de l'école néo-fédéraliste. Avec sa voix forte et bien modulée, avec sa lucidité de toujours, Miglio m'a fait forte impression, surtout parce qu'il veut communiquer sans freins tout ce qu'il sait, tout le patrimoine de ses idées, toutes ses convictions. J'espère avoir été à la hauteur…

 

Q.: Professeur Miglio, que représente concrètement la Déclaration d'Indépendance américaine?

 

GM: Il s'agit surtout d'une Déclaration d'Indépendance face à la monarchie anglaise. Les colonies américaines s'affran­chis­sent du dominium de la Couronne. Il faut souligner que cette indépendance se réfère aux Etats pris singulièrement, non à leur ensemble. L'origine de l'indépendance est donc fédérale: chaque colonie avait son propre statut, qui précé­dait l'avènement de la Fédération. Par la suite, la Fédération a pratiquement détruit les Etats singuliers. J'aime rappeler le statut de la Pennsylvanie. 80% de la population en Penn­sylva­nie étaient d'origine allemande. On parlait l'allemand et on s'habillait à la mode allemande du 18ième siècle. Les struc­tures politiques pennsylvaniennes plongeaient leurs racines dans la culture allemande. La majeure partie de ces Etats é­tait essentiellement de tradition européenne, une tradition qui remontait aux 16ième et 17ième siècles européens.

 

Q.: Dans le passé vous avez défendu l'idée que le fé­déralisme américain était un “faux fédéralisme”. Défen­dez-vous toujours ce point de vue?

 

GM: Le fédéralisme américain s'est imposé sur la destruc­tion des Etats singuliers qui, dans un premier temps, s'é­taient mis d'accord pour adopter des structures fédérales. Au­jourd'hui, cependant, les soi-disant “fédéralistes” aux Etats-Unis sont considérés comme les fossoyeurs des au­to­no­mies. Certains fédéralistes, comme Madison, visaient directement la création d'un Etat national.

 

Q.: Quelles sont les caractéristiques du vrai fédéralisme alors?

 

GM: Des institutions authentiquement fédérales doivent naî­tre au départ de l'indépendance réciproques des commu­nautés politiques qui participent à la structure fédérale. De telles entités doivent avoir leurs propres structures et leurs pro­pres statuts, indépendamment des institutions fédérales.

 

Q.: Est-il possible d'identifier dans l'histoire américaine un moment où le fédéralisme des origines a été corrom­pu et s'est transformé en un processus de central­isa­tion?

 

GM: Toute l'histoire des Etats-Unis est l'histoire d'une cen­tra­lisation. Le pouvoir politique s'y est concentré petit à petit et les pouvoirs détenus au départ par les Etats de la fé­déra­tion se sont réduits.

 

Q.: Nous, Européens de l'an 2000, pouvons-nous encore tirer quelque enseignement de la Déclaration d'Indépen­dance des Etats-Unis?

 

GM: Certainement. Nous devons retourner à la grande tra­dition juridique inaugurée jadis par Althusius et les juristes des 16ième et 17ième siècles, qui ont construit des modèles pour assurer la permanence des souverainetés particulières. Je crois que le poids du “droit public européen”, qui a créé l'Etat moderne, est encore (trop) considérable dans l'histoire quotidienne de l'Europe d'aujourd'hui. Le problème actuel est de mettre ce droit de côté, de le remplacer par des struc­tu­res fédérales. L'Etat moderne est entré en déclin pour de­ve­nir un Etat parlementaire. Il nous faut retourner aux tra­ditions fédérales des 16ième et 17ième siècles, que l'on a ou­bliées, et que l'Etat moderne a oblitérées, pour se poser com­me l'unique pouvoir souverain et inégalable.

 

Q.: Si j'ai bien compris, Professeur, l'Etat moderne est non seulement insuffisant, mais aussi immoral…

 

GM: Je dirais même plus: il est dépassé. L'Etat moderne est en plein déclin. Notre tâche est de raviver la tradition au­then­tique de l'Europe des cités, de l'Europe de l'ère hanséa­ti­que… où les cités indépendantes ne faisait appel au Saint-Empire romain que pour arbitrer les conflits entre elles. L'Eu­ro­pe de l'avenir n'est pas une Europe des Etats modernes, car cette Europe-là a déclenché les épouvantables guerres de notre siècle. Il nous faut donc oublier cette Europe né­ga­tive.

 

(entretien paru dans La Padania, 4 juillet 2000, http://www.lapadania.com ).  

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