mardi, 10 mai 2011
Les Raïs arabes: garants de la stabilité
Bernhard TOMASCHITZ :
Les Raïs arabes : garants de la stabilité
Le régime du Président syrien Bachir el-Assad commence à flancher. Parce que ce régime affronte les manifestations par une violence excessive, de plus en plus de militaires et de membres importants de l’appareil de l’Etat s’éloignent du Président et se rapprochent de l’opposition. Cela peut paraître paradoxal mais cette évolution recèle un grand danger en soi. Car les dictateurs arabes, aussi brutaux qu’ils peuvent être, sont finalement les garants d’une certaine stabilité dans ces régions du monde marquées par toutes sortes de désordres et d’effervescences.
Il suffit de jeter un regard sur ce qui se passe en Irak, pays voisin, pour deviner quel sort menace la Syrie. Le pays du Tigre et de l’Euphrate ne s’est pas transformé en « phare de la démocratie » après la chute de Saddam Hussein mais a sombré dans la guerre civile et le chaos total. La raison de cette implosion irakienne réside dans les clivages ethniques (Arabes contre Kurdes) et religieux (Sunnites contre Chiites) qui avaient pu être neutralisés par l’Etat irakien, fondé en 1921. Depuis qu’il existe, l’Irak s’est maintenu grâce à la poigne de fer de ses dirigeants, les militaires ou Saddam Hussein, et a ainsi évité la désagrégation.
A plus d’un point de vue, la Syrie ressemble à son voisin de l’Est. Dans le Nord-Est du pays vit une forte minorité kurde, qui constitue à peu près 10% de la population totale ; quant à la minorité religieuse alaouite, à laquelle appartient le Président el-Assad, elle a toujours marqué l’histoire du pays. Avec tout cela, nous retrouvons toutes les conditions nécessaires pour voir la Syrie se transformer en un nouveau foyer de troubles au Proche Orient, dès la fin de la domination du clan el-Assad. D’une part, dans ce pays divisé en plusieurs communautés ethniques et religieuses, où vivent 15% de chrétiens de diverses obédiences, le risque est grand de voir se déclencher une lutte âpre pour une redistribution du pouvoir et une nouvelle répartition des influences ; d’autre part, le risque est tout aussi grand que ces communautés en viennent à régler leurs vieux comptes, une fois la chape alaouite/baathiste disparue. Enfin, dans les strates de la population qui n’ont aucun lien avec l’élite dominante, trop de haine s’est accumulée pendant la cinquantaine d’années qu’a duré le régime baathiste.
Si la Syrie devient un « Etat failli », les conséquences d’une telle implosion seraient de vaste ampleur. Les islamistes pourraient s’emparer du pouvoir et les Kurdes pourraient tenter de s’unir à leurs frères du Nord de l’Irak, ce qui pourrait entrainer une intervention turque dans la région, car, on le sait, la Turquie n’a pas encore résolu sa propre question kurde. L’Europe n’échapperait pas davantage au tourbillon provoqué par l’implosion de la Syrie baathiste. Car, d’un côté, ce Proche Orient est voisin de l’Europe et n’a nul besoin d’une nouvelle poudrière ; de l’autre, le chaos qui émergerait après la disparition du régime alaouite/baathiste, risquerait bien de provoquer une nouvel afflux massif de réfugiés en Europe.
Bernhard TOMASCHITZ.
(article paru dans « zur Zeit », Vienne, n°18/2011 ; http://www;zurzeit.at/ ).
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