jeudi, 03 octobre 2013
UN REGARD SUR LES TRENTE GLORIEUSES
UN REGARD SUR LES TRENTE GLORIEUSES
Ou les trente ravageuses
Pierre LE VIGAN
Ex: http://metamag.fr
Le livre a de quoi agacer. Il est vrai qu’il bénéficie de subventions du CNRS. En conséquence de quoi (on l’espère car si c’est spontané c’est pire), les auteurs sacrifient parfois au politiquement correct et surtout aux nouvelles niaiseries grammaticales : historien.ne.s (sic). Reste que se pencher sur les Trente Glorieuses est une fort bonne idée.
D’une part, elles furent marquées par l’essor inouï du productivisme (voir le chapitre sur Jean Fourastié et le culte de la productivité définie comme un état d’esprit « sans patrie et sans couleur politique »). Elles furent en somme sous ce registre les « Trente Ravageuses ». D’autre part, elles furent une période de sécurité identitaire autour de la valeur travail et c’est une des raisons de la nostalgie qu’elles suscitent.
Sur le plan de l’urbanisme elles furent une période de mutation assez considérable (chapitre « Le Grand Paris sous la tutelle des aménageurs »), et les grands projets technocratiques virent assez souvent l’opposition des habitants, petits propriétaires de pavillons, souvent soutenus par les municipalités (mêmes et surtout communistes : c’est un paradoxe à certains égards mais une réalité que le PCF s’appuyait sur un conservatisme sociétal).
En fait, toute cette période est marquée par une lutte entre l’Etat et les pouvoirs locaux, avec le démantèlement des départements de la Seine et de la Seine et Oise en 1964. Dans le même temps que la France se déleste de son Empire colonial et de l’Algérie, de Gaulle ambitionne que la France aussi « retrouve son indépendance », allusion claire à la domination américaine, d’où un élan modernisateur c’est-à-dire productiviste accéléré.
Mais ce sont les derniers chapitres qui méritent surtout la lecture. Ils portent sur les critiques des Trente Glorieuses durant cette période même. Il s’agit notamment des situationnistes, de « Socialisme et Barbarie », mais aussi de Bernard Charbonneau, de Jacques Ellul, de Georges Bernanos (La France contre les robots). On lira notamment les analyses concernant Emmanuel Mounier, favorable à la modernité technique, et rompant avec Bernanos sur ce point. Les auteurs montrent qu’une certaine pensée écologiste, à la fois hostile à la société de masse et à l’individualisme, est passée par l’école d’Uriage sous Vichy.
Céline Pessis, Sezin Topçu, Christophe Bonneuil dir., Une autre histoire des « Trente Glorieuses », La Découverte, 310 pages, 24 €.
00:05 Publié dans Histoire, Livre, Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire, france, trente glorieuses, livre | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Les commentaires sont fermés.