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samedi, 18 janvier 2025

Sarkozy l’Américain

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Haute trahison

Sarkozy, Hollande, Macron : les vassaux de l’Ordre mondial

Volet I : Sarkozy l’Américain

Pierre-Emile Blairon

Un parcours parisianiste très conventionnel

Né en 1955, Nicolas Sarkozy aura 70 ans le 28 janvier 2025.

Il est élu président de la République française le 16 mai 2007 grâce, notamment, aux voix de 28% des électeurs traditionnels de Jean-Marie Le Pen au premier tour et 66% au second[1], séduits par son (faux) discours droitier et en vertu du dogme du vote « utile », une théorie qui n’est jamais vérifiée et qui laisse toujours un goût amer aux électeurs qui trahissent stupidement leurs propres idées.

Sarkozy ne fera qu’un mandat, battu le15 mai 2012 par le très médiocre François Hollande.

Nous avons choisi de ne remonter la liste des présidents de la République traîtres à leur peuple et à leur patrie que jusqu’à Nicolas Sarkozy, mais la plupart de ses prédécesseurs ne valaient guère mieux que lui, et ses successeurs n’auront rien à lui envier en la matière.

Nicolas Sarkozy est le fils de Pál Sarközy de Nagy-Bocsa (1928-2023), immigré hongrois, et d'Andrée Mallah (1925-2017) dont la mère avait épousé le descendant d’une riche famille juive séfarade de Salonique, ville qui faisait alors partie de l’Empire ottoman, et qui est aujourd’hui la deuxième ville de Grèce sous le nom de Thessalonique[2].

Après des études secondaires à Paris, il s’inscrit à la faculté de droit de Paris-Nanterre, devient avocat en 1981 et maire de Neuilly-sur-Seine en 1983. Jeune homme fougueux et ambitieux, il était auparavant, en 1975, devenu délégué départemental des jeunes UDR des Hauts-de-Seine, et sera remarqué par Charles Pasqua et Jacques Chirac lors d’un discours au congrès de Nice de ce parti lorsqu’il prononcera ces mots dont personne ne doute encore de leur valeur prophétique : « Être jeune gaulliste, c'est être révolutionnaire »

Sur le plan professionnel, il va créer avec deux autres avocats un cabinet spécialisé en droit immobilier avant de travailler pour l’industriel Arnaud Lagardère qui ne lui tiendra pas rigueur de ses insuccès comme celui qu’évoque Wikipedia: « Après avoir été élu député en 1988, Nicolas Sarkozy continue son activité d'avocat d'affaires et propose des solutions fiscales à l'étranger à des clients fortunés comme Henri Leconte qui, selon Rue89, en sortira ruiné »

Jusqu’à présent, un parcours très conventionnel (rien de « révolutionnaire ») mais qui le mènera loin sur le plan politique puisqu’il pointera à peu près à tous les postes : maire, député, président de conseil général, de parti politique, ministre et, enfin, président de la République française.

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Une fascination pour l’Amérique

Dans le titre de cet article, il est question de l’Ordre mondial qui, comme nous aimons le rappeler, est une entité formée de trois composantes : les Etats-Unis, l’Etat d’Israël et l’Union européenne, soumise aux deux précédentes.

C’était encore du temps de l’administration Biden, du wokisme et de « l’Etat profond ». Ce temps sera révolu à partir du 20 janvier.

Nous verrons ce qu’il en adviendra avec l’accession de Trump au pouvoir. Il vient justement de partager une vidéo dénonçant les agissements de Netanyahu[3] qui est fort en colère.

Le rêve de Sarkozy a toujours été de confondre ses intérêts (et ceux de la France) avec les intérêts des Etats-Unis ; non pas pour des raisons stratégiques ou géopolitiques auxquelles il ne comprend peut-être pas grand-chose, mais simplement parce qu’il a été nourri à la sous-culture américaine depuis son enfance: westerns qui glorifient le bon cow-boy aux prises avec le méchant indien, bluettes hollywoodiennes et ritournelles yés-yés aux paroles affligeantes que les chanteurs français des années 70 reprenaient sans vergogne en un français approximatif.

Il l’a d’ailleurs dit lui-même lorsqu’il fut reçu par les membres du Congrès américain le 7 novembre 2007.

Sous le titre : «Sarkozy l’Américain, j’en suis fier» : comment la fascination de l'ex-président pour l’Oncle Sam a façonné sa conquête en 2007 », le Figaro du 29 octobre 2024 nous le rappelle : « …le président français livre un discours en forme d’ode à l’Oncle Sam. Louant à la tribune le «rêve américain» décrit comme la «mise en pratique de ce que le vieux monde avait rêvé sans pouvoir le construire», le chef de l’État d’alors énumère les figures, davantage culturelles que politiques, qu’il a tant admirées durant sa jeunesse : John Wayne, Marilyn Monroe ou encore Elvis Presley[4]. »

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Pendant que le jeune Sarkozy se déhanchait au rythme de ces antiennes étatsuniennes, d’autres jeunes gens, un peu plus éveillés, lisaient l’ouvrage d’Henri Gobard, La guerre culturelle, qui présentait ainsi son livre, en 1979, écrit « contre l’apathie avancée et pour la joie d’un vouloir vivre faute duquel l’Europe ne sera bientôt plus qu’une ZOA (Zone d’Occupation Américaine) et les Français des Gallo-Ricains ».

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Julien Assange avait réussi à se procurer les câbles diplomatiques de l’ambassade américaine à Paris que Sarkozy fréquentait assidûment et qui ont été repris par le journal Le Monde ; ces révélations marquent la profonde sympathie des Etats-Unis pour Israël ; en effet, c’est Israël, et non pas l’Europe dont ils sont pourtant originaires, que les Américains, même non-juifs, considèrent comme le berceau spirituel et religieux de leur civilisation à travers la lecture assidue de la Bible et, notamment, de l’Ancien testament ; pour nos lecteurs qui veulent approfondir cette question, nous les renvoyons à l’article du Monde[5], WikiLeaks : Nicolas Sarkozy, "l'Américain" du 30 novembre 2010, dont voici un court extrait : « Elle (l’ambassade) note que "l'héritage juif de Sarkozy et son affinité pour Israël sont célèbres", et que de surcroît il vient de nommer à la tête du Quai d'Orsay Bernard Kouchner, "le premier ministre des affaires étrangères juif de la Ve République". Sur le conflit israélo-palestinien, espère l'ambassade, "même un léger glissement dans le fondement intellectuel aura des conséquences sismiques".

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L'ambassade américaine est très satisfaite du premier gouvernement Sarkozy. Celui qui bénéficie du portrait le plus flatteur est Bernard Kouchner : "L'humanitaire de renommée mondiale", "l'un des rares politiques (de gauche ou de droite) à avoir soutenu ouvertement l'invasion américaine de l'Irak", voit sa vie passée au crible… ».

Les personnes bien informées connaissent les griefs portés à l’encontre de Bernard Kouchner, à l’époque où il était Haut-représentant du Secrétariat général des Nations unies au Kosovo (1999-2001), par Carla del Ponte, ancienne procureure générale auprès du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) de septembre 1999 à décembre 2007. Il faut lire à ce sujet l’article du Monde diplomatique « Trafic d’organes au Kosovo : un rapport accablant » par Jean-Arnault Dérens du 4 janvier 2011[6] et il faut écouter la réponse maladroite (mais pleine d’emphase) de Bernard Kouchner sur le même sujet[7].

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Un Président bling-bling

« Bling-bling » : c’est le bruit métallique que font, en s’entrechoquant, les bracelets que les courtisanes portent autour des bras ou que font les chaînes en or que les mafieux ou les parvenus portent autour du cou, souvent accompagnés de gris-gris à la mode africaine ou orientale.

Pour le dictionnaire, il s’agit d’un « étalage clinquant de richesse destiné à déclencher un bruit médiatique ».

Ceci dénote une absence totale ou partielle de profondeur d’âme et de spiritualité, un esprit superficiel, qui manque de délicatesse, qui n’est intéressé que par ce qui brille, l’argent et la matérialité. Il avait confié au Nouvel Obs du 14 juillet 2013 : « "Pour l'instant, je fais président, mais un jour j'irai faire du fric", philosophait-il en son palais de l'Elysée au début de l'année 2008. A l'époque, alors que sa cote de popularité dégringolait dans les sondages, il laissait entendre qu'il ne se représenterait pas en 2012. Un seul mandat, et basta ! Il serait temps d'aller "faire du fric".

On se rappellera le fort distingué « Casse-toi alors, pauv' con, va ! », que Sarkozy avait adressé à quelqu’un qui refusait de lui serrer la main.

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On se souviendra aussi des rodomontades du matamore[8] qui voulait traiter les cités au « Karcher ».

Le très mondialiste Sarkozy avait aussi choqué les Français dans son discours au corps diplomatique le 16 janvier 2009, en égrenant les mesures contraignantes à l’égard des peuples contenues dans l’agenda de l’Ordre mondial, un avènement qu’il appelait énergiquement de ses vœux.

Il y était déjà notamment question de celle présentée comme « l’urgence climatique », une faribole qui a abouti, en cette année 2025, à exclure les Français les plus modestes des services regroupés dans les « métropoles » par l’instauration d’une discrimination sociale représentée par la vignette « crit’air » devant être obligatoirement apposée sur le pare-brise de son véhicule.

Pour Sarkozy, ces mesures étaient inéluctables et incontournables car, disait-il, « on ira ensemble vers ce nouvel Ordre mondial et personne, je dis bien personne, ne pourra s’y opposer[9] ».

Mais ce sobriquet « bling-bling », fort déplaisant, lui est resté à la suite de la fête que sa femme d’alors, Cécilia, avait organisé au Fouquet’s le soir de son élection le 6 mai 2007, une belle soirée offerte par le multimillionnaire Dominique Desseigne, « associée à un séjour ultérieur sur le yacht de Vincent Bolloré, ‘qui) lui vaut d'être qualifié de « président bling-bling » par ses opposants et écorne son image dans l'opinion » (Wikipedia)

Les bases sont posées. Tout ce qui suit n’est que la conséquence logique de ce que nous venons à l’instant d’exposer : à savoir cet invraisemblable engouement pour une puissance étrangère, une suffisance qui lui permet de se constituer un statut d’intouchable, un comportement, une morale et des méthodes pour le moins inadéquats, sans lien avec la contenance, la distinction et la discrétion que les Français sont en droit d’attendre du plus haut représentant de leur pays.

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Des casseroles qui font un grand tintamarre

Les affaires, nombreuses, dans lesquelles Sarkozy est impliqué, inquiété ou condamné ne sont pas la face la plus sombre de son personnage ; il agit comme la plupart de ses collègues politiciens qui ne songent qu’à garder leur poste ou en acquérir un autre mieux placé dans la hiérarchie et sont prêts à contourner allègrement les lois qu’ils ont eux-mêmes voté et justement parce qu’ils les ont votées, se considérant au-dessus de leur création, un peu comme des artistes admirant leurs propres œuvres qu’ils ont le pouvoir de détruire si ça leur chante, comme de bons psychopathes qu’ils sont presque tous.

La seule différence avec ses semblables, c’est que Sarkozy a systématisé le recours à la fraude ; toutes ces affaires qu’il traîne comme des casseroles qui font un grand tintamarre sont la suite logique des recherches faites par Sarkozy et ses acolytes pour financer ses deux campagnes présidentielles par n’importe quel moyen : l’affaire Woerth-Bettencourt, l’affaire Bismuth, l’affaire des sondages de l’Elysée, l’affaire Bygmalion, ne constituent que des magouilles politicardes sans grand intérêt, car elles ne concernent que son intérêt personnel, et sa petite personne n’a que peu d’intérêt.

L’affaire du financement libyen

Sauf pour l’affaire en cours en ce mois de janvier 2025, dite « affaire du financement libyen », un versement supposé du dirigeant libyen Mouammar Kadhafi d’un montant de 50 millions destiné à financer la campagne présidentielle de 2007 de Nicolas Sarkozy.

Car cette affaire concerne aussi la France et sa réputation.

Selon France info du 6 janvier 2025 : « Treize prévenus, dont l'ancien président de la République, sont jugés à partir de lundi devant le tribunal correctionnel de Paris. Au cœur de l'accusation, un "pacte de corruption" noué avec l'ex-dictateur libyen Mouammar Kadhafi. C'est grâce à son argent que Nicolas Sarkozy aurait remporté l'élection présidentielle. »

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Voilà pour la version française, nous voulons dire celle des médias subventionnés et qui ne nous fournissent qu’une information bien édulcorée comme il sied au pays des bisounours ; en réalité, une dictature et une censure sous forme de loukoums-marshmallows à ingurgiter quotidiennement pour voir le monde en rose, ce que fait la très grande majorité des Français.

Une version encore plus sournoise que ce qu’ont pu imaginer Huxley avec Le meilleur des mondes et Orwell avec 1984.

C’est un discours différent si l’on se réfère aux médias étrangers qui ne subissent pas cette censure comme, par exemple, le Corriere della Sera du 2 octobre 2012 : « un barbouze était présent au moment du lynchage de Kadhafi par les rebelles. Au sein des cercles diplomatiques occidentaux présents dans la capitale libyenne, la théorie officieuse la plus répandue est que, si des services étrangers sont effectivement impliqués, “alors il s’agit presque certainement des Français”. Et d’ajouter : “Le fait que Paris ait voulu éliminer le colonel Kadhafi est un secret de polichinelle.” Le raisonnement est bien connu : dès les premiers signes de soutien de l’OTAN à la révolution, en grande partie sous l’impulsion du gouvernement de Nicolas Sarkozy, Kadhafi a menacé de révéler les détails de ses liens avec l’ancien président de la République, à commencer par les millions de dollars versés pour financer sa campagne électorale en 2007. “Sarkozy avait toutes les raisons de faire taire le raïs au plus vite”, nous ont répété samedi 29 septembre des sources diplomatiques européennes à Tripoli. »

Il serait étonnant que le procès en cours consente à évoquer cet aspect de l’affaire qui est pourtant, et de loin, le plus important de tous.

590 tonnes d’or, soit le cinquième de la réserve d’or française, bradées par Sarkozy en 2004

Il était alors ministre de l’Économie, des Finances et de l’Industrie du gouvernement Raffarin lorsqu’il décida de se débarrasser à bas prix de 590 tonnes d’or de la réserve qui s’élevait à 3024 tonnes soigneusement gardée au lieu-dit « La Souterraine » en plein cœur de Paris. Pourquoi ? Eh bien, nous ne voyons pas d’autre raison que de plaire à ses amis américains pour lesquels la référence au dollar devait remplacer l’étalon-or, prétextant le fait que d’autres pays européens en faisaient autant (les Etats-Unis se sont bien gardés, eux, de toucher à une seule once de leur réserve de Fort Knox, environ 8200 tonnes).

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« A partir de l’été 2007, la crise financière a provoqué l’abaissement sensible des taux d’intérêt, alors que l’once d’or s’appréciait en moyenne de 20 % sur l’année. […]

La Banque de France n’en a pas moins poursuivi son programme de cessions jusqu’à son terme. Les autres banques centrales nationales qui avaient entrepris des programmes de cession les ont interrompus plus tôt (Belgique en 2005, le Portugal en 2006, l’Autriche et l’Espagne en 2007). (Nicolas Perrin, Veracash, Pourquoi Nicolas Sarkozy a-t-il décidé de vendre l’or de la France ? 27 mars 2023)

« Et quid de l’or ? Disséminés dans des « private gold hoards », des fonds privés, des « cumulards » d’or. La partie du stock d’or de la Banque de France qui a été revendue est donc intraçable et la France ne pourrait pas le récupérer à moins de racheter de nouveaux stocks à un prix 5 fois plus élevé. Ce geste à contre-courant ne reflète aucunement la valeur que projettent les Français dans l’or, seule valeur refuge en cas de faillite bancaire.

La vente, elle, n’a rapporté que 4,67 milliards d’euros à l’époque. » (Jean-François Faure, L’or et l’argent, 2004 : soldes sur les réserves d’or de la France ! » 27 mars 2023)

Le kilogramme d’or au 10 janvier 2025 est coté 83.500 euros ; donc, actuellement, 590 tonnes vaudraient 49.265 milliards, soit 10 fois plus que ce qui a été vendu à 4.67 milliards d’euros à l’époque.

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La réintégration de la France dans l’Otan

L'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord, sur l’initiative des Etats-Unis, du Canada et du Royaume-Uni, voit le jour le 4 avril 1949, et regroupe, avec plusieurs pays européens, 12 pays dits « Occidentaux » qui constituent le « bloc de l’Ouest ».

Ce regroupement, essentiellement de nature défensif, a été décidé dans le but de se prémunir d’une éventuelle offensive de l’Urss, à la suite du blocus de Berlin opéré par cette dernière le 24 juin 1948.

L’Urss répliquera en fondant le Pacte de Varsovie, le « bloc de l’Est », le 14 mai 1955, qui regroupe les pays communistes de l’Europe de l’Est.

La disparition de l’Urss n’a pas fait disparaître l’Otan, comme cela aurait dû être logiquement le cas, puisqu’elle avait été créée pour parer à une éventuelle attaque de l’Urss contre l’Occident (E.U, U.E., Israël). La Russie qui a remplacé l’Urss n’a jamais attaqué personne, sauf dans le cas où des populations russophones ont demandé son intervention pour arrêter le génocide en cours perpétré par les Otaniens sous drapeau ukrainien (2014, Donbass, 14.000 civils tués), et encore la Russie n’est-elle intervenue qu’après de multiples tergiversations afin de ne pas déclencher de conflit plus élargi.

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Le général De Gaulle avait eu la sagesse de se retirer de l’Otan le 7 mars 1966.

Sarkozy, comme il sied à un américanolâtre, a réintégré la France dans l’Otan le 7 novembre 2007. Il avait déclaré le 9 septembre 2011 à l'ambassade des États-Unis en France : « Je resterai très fier d'avoir été le président qui a fait revenir la France dans le commandement intégré de l'Otan. Pour le plus grand bénéfice de l'Otan et pour le plus grand bénéfice de la France. » Quelques jours plus tôt, il s'était déjà félicité du retour de la France dans le commandement intégré de l'Otan, estimant que celui-ci avait permis à la France de jouer un rôle de premier plan dans l'intervention militaire de 2011 en Libye qui a conduit au départ de Kadhafi ». (Wikipedia)

De fait, l’Otan est devenue le bras armé de la C.I.A dont le travail consiste à créer des guerres partout dans le monde afin d’alimenter le complexe militaro-industriel américain et, par la même occasion, de complaire à la politique expansionniste des USA et à sa volonté farouche de conserver le leadership d’un monde unipolaire.

L’Otan et la C.I.A. sont des organisations mafieuses qui ont fomenté la plupart des guerres qui ont secoué le monde d’après 1945 en employant toujours la même méthode : incriminer le pays qu’on veut détruire ou dont on veut exploiter les richesses et le bombarder sur la base d’allégations mensongères et la fabrication de fausses preuves (par exemple, l’Irak et la Syrie, en arguant de l’utilisation de fausses « armes de destruction massive » ou le bombardement des populations serbes avec le faux « massacre de Racak » au Kosovo, et bien d’autres…)

Nous avons souligné dans notre dernier article Syrie : les racines du chaos le danger d’une émancipation en cours de la C.I.A. de son pays d’origine et, donc, d’actions qui ne seraient plus contrôlées par ce dernier, la C.I.A. agissant alors en électron libre, entraînant l’Otan à sa suite.

La prise en compte de cette éventuelle scission par la nouvelle administration Trump semble effective. La nouvelle responsable du renseignement américain, Tulsi Gabbard, est chargée de la désamorcer.

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Référendum sur l’Europe en 2005 : le vote des Français bafoué

Nous avons gardé le meilleur pour la fin.

Le référendum français sur le « traité établissant une Constitution pour l'Europe » eut lieu le 29 mai 2005. Les électeurs devaient répondre à une question : « Approuvez-vous le projet de loi qui autorise la ratification du traité établissant une constitution pour l'Europe ? ».

Les Français répondirent nettement « non » avec 54.68% des suffrages exprimés, soit 2.641.238 voix de plus que le « oui ».

Le site consacré à l’histoire, herodote.net, du 27 février 2021 souligne que « le résultat du scrutin consterne la classe politique et médiatique qui croit y voir la victoire de l'ignorance et du populisme (les hommes politiques qualifient de « populiste » tout mouvement qui leur est opposé et bénéficie, au contraire d'eux, de la faveur de l'opinion) ».

Ce rejet (suivi par celui des Néerlandais) entraînait la non-ratification du Traité élaboré par les 27 membres de l’Union européenne.

Qu’à cela ne tienne, quand on ne peut pas passer par la porte, on passe par la fenêtre.

Les vingt-sept États membres de l'Union européenne signent, le 13 décembre 2007, à Lisbonne, un nouveau traité reprenant les mêmes termes que le traité constitutionnel. Giscard d’Estaing dira : « …le résultat est que les propositions institutionnelles du traité constitutionnel — les seules qui comptaient pour les conventionnels — se retrouvent intégralement dans le traité de Lisbonne, mais dans un ordre différent, et insérés dans les traités antérieurs. (…) La conclusion vient d'elle-même à l'esprit. Dans le traité de Lisbonne, rédigé exclusivement à partir du projet de traité constitutionnel, les outils sont exactement les mêmes. »

En France, comme dans la plupart des pays européens, les citoyens avaient souhaité être consultés à nouveau par référendum.

Mais Nicolas Sarkozy choisit de faire adopter le Traité de Lisbonne par voie parlementaire, sans consulter les citoyens, en convoquant le Congrès à Versailles le 4 février 2008 pour modifier la Constitution française et permettre la ratification du nouveau traité par le Sénat et l’Assemblée nationale alors même qu’un sondage IFOP/ParisMatch confirme que 71% des Français souhaitent un nouveau référendum.

La juriste Anne-Marie Le Pouriet, dans Le Point, parlera de « haute trahison ».

C’est par ces mots que nous terminons cet article, comme nous l’avons commencé.

Pierre-Emile Blairon

Notes:

[1] Faits et documents n° 235 et 236.

[2] Ibid.

[3] https://www.facebook.com/photo/?fbid=948632340562358&set=a.105970318161902 Voir aussi notre dernier article, Syrie, les racines du chaos : https://nice-provence.info/2024/12/22/syrie-racines-chaos/

[4] https://www.lefigaro.fr/politique/sarkozy-l-americain-j-en-suis-fier-comment-la-fascination-de-l-ex-president-pour-l-oncle-sam-a-faconne-sa-conquete-en-2007-20241029

[5]https://www.lemonde.fr/international/article/2010/11/30/wikileaks-nicolas-sarkozy-l-americain_1447153_3210.html

[6] https://www.monde-diplomatique.fr/carnet/2011-01-04-Kosovo

[7] https://www.dailymotion.com/video/xg46z3_kosovo-kouchner-nie-le-trafic-d-organes_news

[8] Selon le dictionnaire : fanfaron, de l'espagnol matamoros (« tueur de Maures »), formé de matar (« tuer ») et moros (« Maures »).

[9] https://www.dailymotion.com/video/x81qd6

vendredi, 10 janvier 2025

Trump et la doctrine de Monroe

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Trump et la doctrine de Monroe

par Leonardo Sinigaglia (*)

Source: https://www.sinistrainrete.info/articoli-brevi/29539-leon...

Il y a presque exactement deux siècles, les États-Unis, après avoir consolidé leur souveraineté sur les territoires arrachés au contrôle de l'Empire britannique, annonçaient au monde que l'ensemble du continent américain serait désormais considéré comme une zone de juridiction exclusive de Washington. Cela s'est d'abord traduit par un soutien aux pays d'Amérique latine dans leur lutte pour l'indépendance, mais l'apparence « libertaire » de l'action américaine a rapidement cédé la place à un dessein hégémonique clair. Ce qui est entré dans l'histoire sous le nom de « doctrine Monroe » a en fait été codifié plus de deux décennies après la présidence de l'homme d'État du même nom, un représentant du parti démocrate-républicain, l'ancêtre du GOP d'aujourd'hui, qui en a matériellement jeté les bases.

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C'est sous la présidence de James Knox Polk (photo, en haut), un démocrate, qu'elle a été systématisée par le secrétaire d'État de l'époque, John Quincy Adams (photo, en bas). Le discours inaugural de la présidence de Polk en 1845 illustre bien la nouvelle perspective hégémonique avec laquelle la toute jeune fédération abordait ce qu'elle considérait comme « son » hémisphère: « L'occasion a été jugée opportune d'affirmer, en tant que principe dans lequel les droits et les intérêts des États-Unis sont impliqués, que les continents américains, par la condition de liberté et d'indépendance qu'ils ont assumée et qu'ils maintiennent, ne doivent pas être considérés dorénavant comme des sujets de colonisation future par une quelconque puissance européenne. [...].

Nous devons donc à la franchise et aux relations amicales existant entre les États-Unis et ces puissances de déclarer que nous devrions considérer toute tentative de leur part d'étendre leur système à une partie quelconque de cet hémisphère comme dangereuse pour notre paix et notre sécurité ».

Derrière ce langage diplomatique se cache la volonté d'expulser les intérêts « étrangers » du continent américain, non pas pour rapprocher les peuples qui le peuplent, mais pour imposer la suprématie des États-Unis d'Amérique. S'il est bien connu que l'idéologie de la « destinée manifeste » prévoyait l'anéantissement progressif des Amérindiens, considérés comme faisant partie de la « nature sauvage », il est juste de garder à l'esprit que les peuples d'Amérique latine étaient considérés comme ne méritant pas non plus une quelconque souveraineté nationale.

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La marche vers l'ouest de la « civilisation » américaine n'était pas seulement dirigée contre les Premières nations (First Nations), mais aussi, en allant vers le sud, contre le reste des habitants du continent et les États qu'ils avaient réussi à construire, laborieusement et souvent de manière précaire. Quelques années après le discours inaugural de Polk, les troupes de Washington attaquèrent la Californie, le Texas et le Nouveau-Mexique, où la révolte des colons américains contre l'État mexicain faisait rage depuis des années, animée surtout par leur volonté de préserver l'esclavage, institution abolie par le président Vicente Ramon Guerrero en 1837. La guerre fut rapide et particulièrement sanglante, avec des exécutions sommaires de guérilleros et de prisonniers mexicains par les soldats américains, et se termina par l'occupation de la ville de Mexico et l'annexion de plusieurs territoires jusqu'au Pacifique.

Il faut attendre la deuxième partie du XXe siècle pour que les États-Unis achèvent l'occupation de l'Ouest: en 1900, les derniers kilomètres carrés de territoire sont également arpentés et morcelés, prêts à être vendus aux entreprises qui en ont besoin ou à être attribués aux colons. Entre-temps, le développement économique capitaliste a fait des États-Unis une puissance capable de rivaliser avec les empires européens sur la scène internationale. Cependant, leur énorme extension continentale semble insuffisante et Washington entreprend la construction de son propre « empire », un empire qui, contrairement à ses concurrents, sera « démocratique », sans couronnes et sans formalités coloniales, mais pas moins despotique et exterminateur.

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Après avoir liquidé le Mexique, les États-Unis ont imposé leur puissance dans toute l'Amérique latine, non seulement par la pénétration économique, mais aussi par des interventions militaires directes. Le Marine Corps a été largement utilisé pour des opérations de « police » visant à pacifier les gouvernements récalcitrants ou les rébellions indépendantistes à de nombreuses reprises : en 1852 et 1890 en Argentine, en 1854, 1857, 1865, 1870 et 1895 en Grande Colombie, au Nicaragua en 1855, 1858, 1857 et 1894, en Uruguay en 1855, 1858 et 1868, au Paraguay en 1859. En 1898, les États-Unis parviennent à arracher à l'Espagne le contrôle de Cuba, de Porto Rico, de l'île de Guam et des Philippines, où ils répriment dans le sang une grande révolte indépendantiste qui fait plus de 100.000 morts.

En 1903, le président Theodore Roosevelt, vétéran de la guerre de Cuba, a encouragé un coup d'État au Panama, qui faisait partie de la Grande Colombie, dans le but de déclarer l'indépendance de la région afin de la placer sous la protection directe des États-Unis et d'entamer la construction du canal, qui restera entre les mains de Washington jusqu'en 1999. Dans les mêmes années, se déroulent les tristement célèbres « guerres de la banane », appelées ainsi en raison du rôle central joué par les intérêts des grandes entreprises agroalimentaires, parmi lesquelles la United Fruit Company, aujourd'hui Chiquita, et la Standard Fruit Company, aujourd'hui Dole, désireuses d'éviter à tout prix toute réforme agricole et toute diminution de leur influence sur les États latino-américains. Les incursions en République dominicaine, occupée entièrement de 1916 à 1924, l'occupation du Nicaragua de 1912 à 1933, de nouveaux affrontements avec le Mexique entre 1910 et 1917, avec une implication directe dans la guerre civile qui divise le pays, sont nombreuses, l'occupation d'Haïti entre 1915 et 1934, ainsi que pas moins de sept interventions armées contre le Honduras, pays en quelque sorte contrôlé par la United Fruit et converti à la monoculture de la banane qui y était exportée vers le monde occidental, au bénéfice des habitants.

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Il convient de noter que cet interventionnisme américain allait de pair avec une rhétorique « isolationniste » : il n'y avait aucune contradiction matérielle entre la « neutralité » revendiquée par Washington dans les affaires européennes et les intrusions violentes dans la vie intérieure des États américains, ceux-ci étant considérés non pas comme des entités autonomes et indépendantes, mais comme l'« arrière-cour » des États-Unis. L'ensemble du continent américain devient ainsi le centre d'une puissance impériale qui, grâce aux deux guerres mondiales, s'affirmera mondialement en quelques décennies, avant d'être contrecarrée par le mouvement anticolonialiste et le camp socialiste.

Son emprise sur le continent américain est restée presque totale pendant la guerre froide et la construction ultérieure de l'ordre hégémonique unipolaire, à l'exception notable de Cuba, du Venezuela et du Nicaragua. La phase internationale qui a débuté avec la chute du bloc de l'Est et l'imposition mondiale du « consensus de Washington » peut sembler à certains égards opposée à l'ère marquée par la « doctrine Monroe », mais elle n'en est en réalité que la suite logique : si auparavant l'ensemble du continent américain était soumis à la souveraineté des États-Unis, le régime de Washington, immensément plus fort, était désormais en mesure de repousser, en pratique et indéfiniment, les frontières de cet hémisphère considéré comme son domaine exclusif.

Il est donc erroné de voir dans la perspective stratégique américaine une dichotomie fondamentale entre l'isolationnisme et l'interventionnisme, comme s'il s'agissait de deux visions opposées. En réalité, il ne s'agit que d'expressions différentes de la même perspective hégémonique et impérialiste, deux expressions qui renvoient à deux moments différents : le premier à un moment de rassemblement des forces, le second à un moment d'expression violente des forces accumulées.

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Comparé à l'illusion interventionniste de la direction du parti DEM, l'isolationnisme proposé par Donald Trump représente une politique plus réaliste et rationnelle dans la phase actuelle marquée par la crise et l'affaiblissement du régime hégémonique américain. Cet isolationnisme ne doit pas être confondu avec une volonté de renoncer au statut de « nation indispensable », mais doit être considéré pour ce qu'il est: un repli stratégique au sein du continent américain destiné à servir à nouveau de base aux ambitions impériales de Washington. Les théâtres d'affrontement hors du continent américain, du Moyen-Orient à l'Ukraine, en passant par l'Afrique et l'Asie-Pacifique, ne seront nullement abandonnés, mais seront de plus en plus « sous-traités » à des alliés subalternes locaux, sur lesquels pèseront de plus en plus les coûts sociaux, économiques et militaires des conflits.

À quelques semaines de la seconde investiture de Trump, les signes de la volonté de la prochaine administration de poursuivre cette nouvelle perspective isolationniste ne cessent de se multiplier. Les menaces adressées au gouvernement panaméen, contre lequel une nouvelle intervention militaire est prévue au cas où les droits de passage des navires américains ne seraient pas supprimés, les hypothèses de l'achat du Groenland et de l'invasion du Mexique dans la perspective de la « guerre contre les cartels de la drogue », ainsi que la référence au Premier ministre canadien Trudeau en tant que « gouverneur » d'un État de l'Union ne doivent pas être interprétées comme une simple provocation, mais comme l'indication d'une volonté concrète d'accroître le contrôle et l'exploitation du continent par Washington dans un contexte de crise profonde de l'ordre unipolaire.

(*) Né à Gênes le 24 mai 1999, il est diplômé en histoire de l'université de la même ville en 2022. Activiste politique, il a participé à de nombreuses initiatives, tant dans sa ville natale que dans toute l'Italie.

mardi, 07 janvier 2025

Le fascisme et la psychanalyse

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Le fascisme et la psychanalyse

Par Chiara (Blocco Studentesco)

Source: https://www.bloccostudentesco.org/2024/12/06/bs-fascismo-e-psicanalisi/

« À Benito Mussolini, avec les salutations respectueuses d’un vieil homme qui reconnaît dans le détenteur du pouvoir un héros de la civilisation ».

Ce qui pourrait sembler être la pensée d’un fervent en chemise noire n’est autre, à la grande surprise générale, qu’une dédicace de Sigmund Freud. En avril 1933, à la suite d’une visite d’Edoardo Weiss et de Gioacchino Forzano dans son cabinet viennois, Freud signa ainsi l’ouvrage « Warum Krieg? » (Pourquoi la guerre ?) écrit avec Albert Einstein.

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Très souvent, avec beaucoup de difficulté, certains ont tenté de justifier cet acte. Ils ont avancé l’argument de la passion de Freud pour l’archéologie et la réhabilitation par Mussolini des forums impériaux. D’autres ont supposé qu’il voyait en lui un possible rempart contre l’annexion de l’Autriche par l’Allemagne d’Adolf Hitler, récemment élu.

Peut-être, aussi difficile que cela soit à accepter, s’agissait-il d’une admiration sincère et réelle.

Quoi qu’il en soit, environ un mois plus tard, un article paru dans Il Popolo d’Italia révélait que Mussolini considérait la psychanalyse comme une imposture.

La psychanalyse fit son apparition en Italie dès les années 1910. À cette époque, une conception proche de celle de Cesare Lombroso prévalait encore, selon laquelle les névroses avaient une origine organique, ce qui valut à la psychanalyse d’être qualifiée d’anti-scientifique.

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Malgré les nombreuses réticences, la nouvelle discipline trouva un espace à Trieste. Entre les années 1920 et 1930, le psychiatre Edoardo Weiss, formé à Vienne sous la direction de Freud, y exerça dans l’asile de la ville.

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Dans une Trieste encore marquée par son passé austro-hongrois, la psychanalyse devint un phénomène culturel. Italo Svevo en fit le thème central de son roman La Conscience de Zeno. Umberto Saba, qui fut lui-même patient de Weiss, s’inspira de cette thérapie pour écrire son recueil Il piccolo Berto.

Au début des années 1930, Edoardo Weiss s’installa à Rome, où il entama une véritable activité de vulgarisation scientifique de la psychanalyse. C’est ainsi que naquit la première revue spécialisée, la Rivista Italiana di Psicoanalisi.

Cette discipline fut perçue comme une vision du monde alternative à la philosophie néo-idéaliste alors dominante.

Par ailleurs, durant cette même période, un groupe d’intellectuels fascistes favorables à cette nouvelle théorie fonda la revue Il Saggiatore. Ils pensaient que l’humanité traversait une profonde crise de valeurs et que l’idéalisme de Giovanni Gentile était incapable d’offrir les outils nécessaires pour y faire face. Selon eux, la psychanalyse permettrait de rétablir un équilibre entre l’eros et le logos, restituant ainsi à l’homme sa dimension instinctive, émotionnelle et affective.

En revanche, pour des intellectuels tels que Giovanni Gentile et Benedetto Croce, il était inconcevable de placer l’inconscient au-dessus du sujet lui-même. Toutefois, ni l’un ni l’autre ne firent obstacle à la diffusion de la psychanalyse et encouragèrent même la traduction en italien des ouvrages de Freud.

Sans grande surprise, l’opposant principal à la psychanalyse ne fut pas le fascisme, mais l’Église. Celle-ci rejeta son déterminisme et contesta l’idée que la religion était une illusion. De plus, elle se montra extrêmement sceptique quant à l’importance accordée par Freud à la sexualité. Cependant, certains catholiques furent plus nuancés : le père Agostino Gemelli lui attribua le mérite d’avoir reconnu le caractère dynamique de la psyché et le rôle des instincts, tout en restant prudent et réservé.

Mussolini lui-même ne fut pas un partisan de la psychanalyse. On ignore ce qu’il pensait exactement à ce sujet, mais l’article mentionné précédemment dans Il Popolo d’Italia ne laisse guère de place au doute. Il est néanmoins important de noter qu’il était un grand admirateur de Gustave Le Bon, le père de la psychologie des foules, et qu’il avait intégré ses théories.

rivista-1-1932-2-3.jpgLa situation changea en 1934, lorsque la Rivista Italiana di Psicoanalisi fut bannie sous la pression des autorités ecclésiastiques. De plus, avec l’intensification des politiques antisémites, de nombreux psychanalystes, souvent d’origine juive, émigrèrent, mettant fin à cette collaboration intellectuelle. Des articles hostiles à la psychanalyse furent alors encouragés, non par une réelle aversion envers la discipline, mais pour s’aligner sur la politique raciale du régime.

En conclusion, attribuer au fascisme la responsabilité d’avoir combattu la psychanalyse en Italie serait une simplification historique. Bien qu’elle n’ait jamais été pleinement adoptée par le régime, la psychanalyse ne fut pas l’objet d’une véritable campagne de répression. Au contraire, certains intellectuels fascistes y voyaient un outil utile pour affronter la crise de valeurs de l’époque et rétablir un équilibre entre la raison et l’instinct. Ce furent davantage les politiques raciales et l’Église qui limitèrent l’expansion d’une discipline qui, malgré les obstacles, parvint à trouver un écho et des interlocuteurs en Italie, laissant une empreinte significative dans le paysage culturel de l’époque.

lundi, 30 décembre 2024

La vision d'Arnold Toynbee: Moscou héritière de l'Empire romain d'Orient

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La vision d'Arnold Toynbee: Moscou héritière de l'Empire romain d'Orient

Dans « Civilisation by comparison », l'historien anglais prévoyait la Russie d'aujourd'hui, quand Staline régnait encore.

par Paolo Becchi

Source: https://www.barbadillo.it/117638-la-visione-di-arnold-toy...

91lsrijGMzL._SL1500_-3899345205.jpgArnold J. Toynbee dans Civilisation on Trial

La Russie retrouve la dignité qu'elle semblait avoir perdue avec la dissolution de l'URSS. Cette Union a pris fin et, avec elle, le récit du communisme (seulement celui-là: en URSS, le « communisme », au sens de Marx et de Bordiga, n'a jamais existé). Mais la civilisation russe, son héritage byzantin, gréco-chrétien, ne pouvait pas disparaître. Cette civilisation, sœur de la nôtre, n'a pas non plus disparu avec l'URSS. Comme l'a souligné Arnold J. Toynbee en 1948 dans Civilisation on Trial (traduit en italien par Bompiani), la Russie a toujours cherché son salut dans cette institution politique qu'était l'Empire romain d'Orient.

Sauver la façade

« Le Grand-Duché de Moscou a été la forge de cette expérience politique. La tâche accomplie par Moscou, ainsi que sa récompense, était la consolidation, sous son autorité, d'un groupe de faibles principautés en une grande puissance. Cet édifice politique moscovite a été doté à deux reprises d'une nouvelle façade, d'abord par Pierre le Grand, puis par Lénine, mais la structure essentielle est restée inchangée et l'Union soviétique d'aujourd'hui reproduit, comme le Grand-Duché de Moscou au 14ème siècle, les traits saillants de l'Empire romain d'Orient médiéval » (p. 259).

Selon Carl Schmitt

La façade, pour la troisième fois, c'est Poutine. Cet héritage byzantin, avec ses valeurs et traditions chrétiennes-orthodoxes, ne pouvait pas échouer et a été réaffirmé en contraste avec un Occident (ou plutôt avec l'« hémisphère occidental », comme Carl Schmitt l'a défini) de plus en plus corrompu dans ses coutumes, décadent et profane.

la-civilisation-a-l-epreuve-par-arnold-j-toynbee-1951-p162042-0-4223033316.JPGLa capitulation à l'Ouest

En 1989, le mur de Berlin s'effondre. L'année suivante, avec la réunification de l'Allemagne, un État du Pacte de Varsovie, la République démocratique allemande, est annexé à la République fédérale d'Allemagne. Cet État disparaît et devient membre de l'OTAN.

En 1991, l'Union soviétique a implosé, d'une manière qui attend peut-être encore d'être reconstituée historiquement dans tous ses détails. Le jour de Noël de cette année-là, Gorbatchev a démissionné parce que l'URSS n'existait plus et que le « processus de démocratisation » avait commencé, ce qui signifiait alors la capitulation devant l'Occident. Mais le peuple soviétique souhaitait-il cette dissolution ?

Les négociations occidentales avec Gorbatchev ont au moins laissé entendre, pour autant que nous le sachions, que l'OTAN n'irait pas plus loin. L'annexion de l'Allemagne de l'Est aurait pu suffire. Mais nous savons ce qu'il en est advenu.

L'esprit de Vladimir

Boris Eltsine achevait le travail commencé par Gorbatchev en vendant le pays. D'aucuns, aux États-Unis, parlaient même de la fin de l'histoire, c'est-à-dire de la fin de la Russie, alors même que Poutine mettait fin au processus de dissolution. Le destin a voulu qu'un homme incarne de manière hégélienne l'esprit de son monde, le sens d'une civilisation millénaire et s'oppose à sa disparition.

Multiethnique, multiculturel

Poutine se devait de réagir lorsque, dans la perspective de l'adhésion de l'Ukraine à l'OTAN, alors que l'Alliance atlantique avait déjà intégré les républiques baltes, la sécurité non seulement de la Russie, mais aussi de la Fédération tout entière, aurait été mise en péril. Une Fédération multiethnique et multiculturelle, composée de populations dont la cohabitation est garantie par la Russie. En effet, le phare de la Fédération est toujours le même : Moscou.

Le siège et la sortie

Après la chute de l'URSS, l'Occident a tenté de frapper la Russie, de l'asservir, de lui faire perdre son âme : la Russie ne pouvait que se défendre. Poutine a attendu, accepté des négociations qui, avec le recul, ne visaient qu'à affaiblir le pays. Finalement, il a dû réagir et peut-être a-t-il réagi trop tard.

Pour comprendre le sens de la guerre et pourquoi elle ne peut se terminer qu'avec la capitulation de l'Ukraine, il faut renverser la perspective dominante. La Russie se sent assiégée, elle n'a pas d'autre choix que de se défendre et de défendre sa civilisation. Et elle le fera. Moscou est la troisième Rome, pas la quatrième Washington.

21:23 Publié dans Histoire | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : histoire, russie, arnold j. toynbee, byzantinislme | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

samedi, 28 décembre 2024

Dans "Histoire africaine de l'Afrique", nous retrouvons l'écho de Frobenius et Davidson

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Dans "Histoire africaine de l'Afrique", nous retrouvons l'écho de Frobenius et Davidson

Journaliste de la BBC, la Soudanaise Zeinab Badawi élargit le regard sur un continent sous-estimé

Par Carlo Romano

Source: https://www.barbadillo.it/117744-nella-storia-africana-de...

La civilisation africaine (édition italienne: Einaudi, 1971)

Dans un livre qui, depuis la fin des années 1960, est resté une référence pour les lecteurs italiens, l’historien, journaliste et – entre autres qualifications – officier de liaison entre les forces alliées et la Résistance en Ligurie, Basil Davidson, avait formulé cet objectif :

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« Présenter un résumé de ce que l’on sait aujourd’hui des idées et systèmes sociaux, des religions, des valeurs morales, des croyances magiques, des arts et de la métaphysique d’une série de peuples africains, en particulier ceux d’Afrique tropicale. Ensuite, examiner les façons dont ces éléments se sont développés et transformés depuis le passé lointain jusqu’à aujourd’hui. Enfin, replacer ces aspects de la civilisation africaine dans leur perspective contemporaine en tant que parties cohérentes d’un ensemble vital ».

En s’éloignant des préjugés coloniaux, avec La civilisation africaine (Einaudi, 1971) et une vaste œuvre de vulgarisation accompagnée d’une série de documentaires, Davidson a pleinement atteint son objectif. Avec le temps, ce livre – bien qu’il ne soit pas strictement académique, même s’il a été adopté par de nombreuses universités – n’a pas été complété par beaucoup d’autres études. Cependant, une édition actualisée, également intitulée La civilisation africaine, a été publiée en 1997.

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Avant cet ouvrage, on pouvait se référer à Histoire de la civilisation africaine/Kulturgeschichte Afrikas (Einaudi, 1950 et Adelphi, 2013) de Leo Frobenius, ethnologue, fondateur de divers instituts, correspondant avec Ezra Pound sur des questions économiques, et auteur en 1910 du magnifique compendium de légendes africaines Le Décaméron noir (Rizzoli, 1971).

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Ce livre a influencé le concept de Négritude, de Aimé Césaire à Léopold Sédar Senghor, selon lesquels Frobenius « avait restitué à l’Afrique sa dignité et son identité ». La phrase « chaque fois qu’un vieillard meurt en Afrique, c’est une bibliothèque entière qui disparaît » semble illustrer parfaitement le contenu de Der schwarze Dekameron.

Des ouvrages comme ceux de Frobenius et Davidson ont renversé l’idée nuisible du « sauvage noir », réduisant les traditions et les arts africains à de simples visions exotiques, tout au plus décoratives. Cependant, d’autres livres et pamphlets – notamment à partir de Malcolm X – qui ont politisé l’idée même de civilisation africaine, ont parfois montré un préjugé inverse à celui du colonialisme, revendiquant par fierté de prétendues suprématies.

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On pense ici au livre d’un spécialiste de la Grèce ancienne auprès de l’université Cornell, Martin Bernal, dont la publication a suscité de vifs débats, bien que beaucoup se soient arrêtés au titre provocateur, Black Athena (Pratiche Editrice, 1992). Bernal identifiait deux modèles historiographiques: l’« antique », élaboré par les Grecs eux-mêmes, et l’« aryen », imprégné de romantisme et influencé par des éléments extérieurs et idéologiques, comme le racisme. Bernal va même jusqu’à affirmer que les langues indo-européennes auraient un substrat d’origine africaine.

Ses thèses ont été contestées par de nombreux spécialistes du classicisme, notamment dans le volume collectif Black Athena Revisited (1996).

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Avec An African History of Africa/Une Histoire africaine de l’Afrique de la journaliste soudanaise Zeinab Badawi – diplômée d’Oxford, ancienne présidente de la Royal African Society et collaboratrice de la BBC, où elle a présenté The History of Africa, une série de documentaires basée sur les rapports de l’UNESCO et sur l’ouvrage Histoire générale de l’Afrique qui en a découlé – nous avons aujourd’hui un essai de grande vulgarisation. Ce travail intègre l’expérience que l’auteure a acquise aussi bien avec les chercheurs africains qu’avec les gardiens des traditions orales.

L’histoire de l’Afrique est celle des origines de la civilisation humaine, mais on discute peu de son histoire ancienne et moderne, étouffée par les récits occidentaux évoquant la pauvreté, l’esclavage et le colonialisme. Ainsi, les récits fascinants des reines guerrières, des puissantes civilisations, des bâtiments somptueux et des marchés animés restent méconnus, alors que l’Afrique est bien plus que ce que nous imaginons.

jeudi, 19 décembre 2024

Le monde anglo-saxon se réclame du Grand Israël

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Le monde anglo-saxon se réclame du Grand Israël

par Valentin Katasonov

Source: https://telegra.ph/Il-mondo-anglosassone-pretende-di-esse...

Aujourd'hui, le mot « Occident » apparaît dans les médias russes aussi fréquemment que le mot « Russie ». Il en va de même pour les dérivés du mot « Occident »: « civilisation occidentale », « sanctions occidentales », « culture occidentale », « domination occidentale », etc. Wikipédia explique que l'Occident désigne les pays d'Europe occidentale, l'Amérique du Nord, l'Australie, la Nouvelle-Zélande et quelques autres pays. Les historiens, les politiciens et les philosophes essaient de trouver un dénominateur commun qui unit les pays qui sont ainsi mentionnés. Ils appellent la somme de ces pays la « civilisation occidentale ». Elle réunirait dès lors des pays qui ont une idéologie commune. Le noyau de cette civilisation occidentale est le monde anglo-saxon. En effet, l'idéologie occidentale est née dans les pays anglo-saxons. Le monde anglo-saxon est le regroupement idéologique, politique, militaire et financier de cinq pays: la Grande-Bretagne, les États-Unis, le Canada, l'Australie et la Nouvelle-Zélande. La formation du monde anglo-saxon a commencé au départ de la Grande-Bretagne. Pendant plusieurs siècles, elle a étendu son influence à d'autres parties du monde. Elle a colonisé le Nouveau Monde et créé l'Empire britannique, dans lequel « le soleil ne se couchait jamais ». Il faut d'abord parler de l'influence idéologique de la Grande-Bretagne, puis de son influence politique, militaire, financière et économique.

Au 20ème siècle, le noyau du monde anglo-saxon est devenu les États-Unis d'Amérique. Ils dominent le monde anglo-saxon et l'ensemble du monde occidental par leurs positions géopolitiques, militaires, financières, économiques et idéologiques. J'en viens maintenant à l'idéologie du monde anglo-saxon. Le plus souvent, on dit qu'il s'agit de l'idéologie du libéralisme. Mais le mot « libéralisme » est un terme mal compris. À l'époque soviétique, il existait une définition plus claire de l'idéologie occidentale en général et de l'idéologie anglo-saxonne en particulier: « idéologie du capitalisme », « idéologie de l'impérialisme », « idéologie de la domination mondiale », etc. En outre, on a constaté à l'époque soviétique que dans les pays occidentaux non inclus dans le monde anglo-saxon (comme la France, l'Allemagne, l'Italie, etc.), c'est-à-dire dans les pays d'Europe continentale, l'idéologie est légèrement différente de celle de la Grande-Bretagne, des États-Unis, du Canada, de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande.

L'idéologie anglo-saxonne se distingue nettement des autres idéologies. Et ces différences se retrouvent dans les racines religieuses du monde anglo-saxon. Il convient de noter que dans les cinq pays du monde anglo-saxon mentionnés ci-dessus, le protestantisme a été la religion dominante pendant plusieurs siècles. Au moment de la Réforme (au 16ème siècle), le protestantisme est apparu dans de nombreux pays d'Europe, avec des orientations et des nuances différentes. Mais dans les îles de la brumeuse Albion, il avait des nuances bien spécifiques.

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Les causes de nombreux événements actuels dans le monde anglo-saxon et dans le monde entier sont à rechercher dans l'Angleterre des 16ème et 17ème siècles. Sans remonter plus loin dans le temps, je rappellerai que certaines mouvances protestantes (en fait des sectes) prêchaient la doctrine de l'exclusivité de leurs membres. Dans le sens d'être les élus de Dieu. Ils partaient du fait qu'eux, les habitants de la Foggy Albion, sont les descendants des tribus d'Israël. Plus précisément, des tribus qui avaient été chassées de la Terre promise. Selon certaines versions, ils sont les descendants de ceux qui ont été expulsés lorsque les Assyriens, au 8ème siècle avant J.-C., ont conquis la partie nord d'Israël avec ses dix tribus de descendants de l'Ancien Testament, soit de Jacob, fils d'Isaac et petit-fils d'Abraham. Il y avait aussi quelques « charismatiques » qui se considéraient comme les descendants des deux tribus restantes, ces Juifs de l'Ancien Testament qui avaient été expulsés de Judée (le royaume du sud) par les armées romaines des empereurs Vespasien et Titus au premier siècle avant J.-C. et qui, après la révolte de Bar Kokhba (132-136 avant J.-C.), avaient été expulsés de la Palestine tout entière. En bref, les protestants britanniques pensaient être les descendants des Israélites de l'Ancien Testament, qui avaient erré à travers le monde en empruntant différentes routes pendant de nombreux siècles. Et finalement, par la volonté du Tout-Puissant, ils se sont retrouvés sur les Iles britanniques.

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Comme nous le racontent les historiens, l'idée d'avoir des racines dans l'Ancien Testament n'a pas seulement séduit les Anglais, mais aussi d'autres protestants. Par exemple, en 1590, le huguenot français Pierre Le Loyer a publié un livre intitulé « Les dix tribus perdues ». Il y exprime sa conviction que les Anglo-Saxons, les Celtes, les Scandinaves, les Allemands et d'autres peuples apparentés sont les descendants directs des Israélites de l'Ancien Testament. Au bout d'un certain temps, presque tous les Européens ont abandonné ces théories, n'en ont plus parlé et les légendes sur leur « élection par Dieu » ont été progressivement oubliées.

A l'exception des Anglo-Saxons, tous se sont calmés en ce domaine. Les protestants britanniques les plus « charismatiques » ont continué à se considérer comme le peuple d'Israël. Avec toutes les conséquences que cela implique pour ces « charismatiques » eux-mêmes et pour leur entourage. L'un de ces « charismatiques » était le roi Jacques VI d'Écosse, alias Jacques Ier d'Angleterre (1566-1625), qui se considérait comme le roi d'Israël. Il affirmait avec assurance que le peuple britannique était le descendant direct des dix tribus perdues d'Israël et que le monarque britannique était le véritable héritier du royaume de David, l'ancien roi d'Israël le plus célèbre.

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Bien entendu, l'un des représentants les plus éminents du protestantisme pro-israélien était Oliver Cromwell. Le talmudiste juif portugais Menasseh ben Israel (de son vrai nom Manoel Dias Soeiro) a eu une grande influence sur la formation des sentiments pro-israélites de Cromwell. Cromwell n'a jamais caché ses sympathies pour les Juifs et a favorisé par tous les moyens la réinstallation des Juifs de Hollande dans la brumeuse Albion. Bien entendu, Cromwell était également guidé par des considérations économiques: il voyait dans les riches maisons de commerce juives de puissants alliés.

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John Sadle (1615-74), ami et secrétaire personnel d'Oliver Cromwell, a publié en 1649 Rights of the Kingdom, qui expose « la généalogie israélite du peuple britannique ».

Au 19ème siècle, les protestants britanniques avaient leurs propres "théologiens" et "scientifiques", qui prouvaient déjà sur une base dite « scientifique » que les habitants de la Grande-Bretagne étaient « génétiquement, racialement et linguistiquement des descendants directs » des tribus perdues de l'ancien Israël. On parlait avec assurance des dix tribus. La période de travail littéraire et scientifique actif sur le sujet de la Grande-Bretagne et d'Israël a probablement été ouverte par le livre de Richard Brothers de 1794, A Revealed Knowledge of the Prophecies and Times (Une connaissance révélée des prophéties et des temps).

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Un livre de l'Anglais John Wilson, Our Israelitish Origin, publié en 1840, a suscité un grand intérêt chez les Anglais. De même, un livre de 1879, de John Pym Yeatman, The Shemetic Origin of the Nations of Western Europe (L'origine shemétique -sémitiques- des nations de l'Europe occidentale).

En 1890, le livre de John Garnier Israel in Britain : a brief statement of the evidence proving the Israelite origin of the British race (Israël en Grande-Bretagne: un bref exposé des preuves prouvant l'origine israélite de la race britannique) sort de presse. Ce livre était particulièrement populaire sur le sujet qui nous occupe ici. Il a été réimprimé à plusieurs reprises en Angleterre et dans plusieurs pays anglophones. A lasuite de ce livre, les termes « British Israelism » ou « Israelitism » et « Anglo-Israelism » sont apparus.

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Dans la seconde moitié du 19ème siècle, l'israélisme en Angleterre commence à prendre des formes organisationnelles. Les partisans de l'israélisme, qui appartenaient à différents courants du protestantisme, se devaient de trouver des personnes partageant les mêmes idées. En effet, dans certaines églises anglaises, tout le monde n'était pas disposé à partager les vues de l'israélisme. Beaucoup pensaient que les racines israélites du peuple britannique étaient une pure fiction, un mythe. Dans certaines églises protestantes, il y a même eu des schismes à ce propos. Par exemple, le cardinal catholique John Henry Newman (1801-1890) avait été membre de l'Église anglicane pendant la première moitié de sa vie. Cependant, en 1845, il a quitté cette Église anglicane pour rejoindre l'Église catholique romaine. John Henry expliqua la raison de ce choix en déclarant qu'il existait un danger très réel de voir les partisans de l'israélisme britannique « prendre le contrôle de l'Église d'Angleterre ».

À la fin du 19ème siècle, Edward Hine, Edward Wheeler Bird et Herbert Aldersmith fondent le mouvement israélite britannique. L'Anglo-Israel Association est créée et compte, en 1886, 27 branches dans toute la Grande-Bretagne. En 1880, la publication de l'Anglo-Israel Almanach est apparu pour la première fois et a été distribué non seulement dans les îles de la brumeuse Albion, mais aussi dans d'autres pays de l'Empire britannique. L'édition de 1914 contient un aperçu intéressant des groupes qui soutiennent l'idéologie de l'israélisme britannique non seulement dans les îles de la brumeuse Albion, mais aussi en Australie, en Nouvelle-Zélande, en Afrique du Sud, au Canada et aux États-Unis d'Amérique.

L'édition de 1906 de l'Encyclopédie juive indique qu'au début du 20ème siècle, il y avait environ deux millions d'adeptes de l'israélisme britannique en Grande-Bretagne et aux États-Unis d'Amérique.

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En 1919, la British-Israel-World Federation (BIWF) est fondée à Londres. En 1922, Covenant Publishing a été fondée pour servir la Fédération. La Fédération existe toujours aujourd'hui et couvre de nombreux pays du Commonwealth britannique.

L'une des pierres angulaires de la plate-forme idéologique de la BIWF est l'affirmation selon laquelle la famille royale britannique est l'héritière par le sang et par l'esprit du roi David d'Israël. Il n'est donc pas surprenant que la Fédération ait toujours eu des mécènes de premier plan. Voici la liste des premiers mécènes (1920): Son Altesse Royale la Princesse Alice, Comtesse d'Athlone (elle est restée sur cette liste jusqu'à sa mort en 1981) ; l'Honorable Comtesse douairière de Radnor ; le Duc de Buckclough ; l'Honorable Lord Guisborough ; l'Honorable Lord St John of Bletsoe ; Son Eminence, l'Evêque des Iles Falkland ; le Révérend Evêque John D. M. McLean et d'autres encore.

Un grand nombre de livres sont publiés en Russie et à l'étranger sur le contexte mondial, la conspiration mondiale, l'élite mondiale. Presque tous les auteurs de ces livres s'accordent à dire que le noyau de l'arrière-scène mondiale (de l'élite) est constitué par les Anglo-Saxons. Leur principale caractéristique n'est même pas leur lieu de résidence, mais leur appartenance religieuse. Ils appartiennent tous à différentes branches du protestantisme et adhèrent à l'idéologie de l'israélisme britannique. Les porteurs de cette idéologie et même les fanatiques de l'israélisme britannique étaient Benjamin Disraeli (premier ministre britannique en 1868 et 1874-1880), Cecil Rhodes (magnat du diamant qui a fondé De Beers), Lord Alfred Milner et d'autres. Ils croyaient fermement à la supériorité des Anglo-Saxons, considérant les autres peuples comme, au mieux, arriérés, voire comme des communautés de sous-hommes, presque des animaux. D'où la conviction totale que le pouvoir sur terre leur a été donné par le Tout-Puissant, à eux, les descendants d'Israël. Et que les autres devaient servir les Anglo-Saxons « choisis par Dieu », être leurs esclaves. Ceux qui ne veulent pas être esclaves doivent être tués sans pitié, car ce sont des sous-hommes, des animaux aux traits humanoïdes.

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Ainsi, les Anglo-Saxons ont remplacé Dieu par la race, le sang. Comme l'a écrit la chercheuse Hannah Arendt, Benjamin Disraeli, juif baptisé, s'est soudain souvenu à l'âge adulte qu'il était plus sémite qu'anglais. Et tous les « sémites », selon lui, méritaient le titre d'« aristocrates par nature ». Disraeli, comme l'écrit Arendt, fut « le premier idéologue qui osa remplacer le mot “Dieu” par le mot “sang” ». "La race est tout, et sa base est le sang", "Tout est race, il n'y a pas d'autre vérité". "La question raciale est la clé de l'histoire du monde" : tels sont les points clés de l'idéologie du Premier ministre britannique. Cependant, dans les îles de la brumeuse Albion, selon Disraeli, Juifs et Anglo-Saxons n'ont rien à partager. Ils doivent remplir ensemble leur mission historique, qui est de dominer le monde. Pourquoi n'y a-t-il rien à partager? Parce que les Juifs sont les descendants des deux tribus expulsées de Judée (le royaume du Sud) et les Anglo-Saxons sont les descendants des dix autres tribus (celles qui furent expulsées du royaume du Nord, appelé Israël). La City de Londres, le quartier des plus grandes banques britanniques et internationales, est un symbole frappant de cette unité des descendants des douze tribus d'Israël (celles qui provenaient à l'origine de Jacob, fils d'Isaac et petit-fils d'Abraham). De nombreux Anglo-Saxons modernes partagent le point de vue de Disraeli et pensent donc qu'il est plus correct d'utiliser le terme « paix anglo-juive » plutôt que « paix anglo-saxonne ».

L'israélisme britannique est une idéologie raciste pure, sur laquelle l'Empire britannique a été construit. C'est sur la base de cette idéologie raciste anglo-saxonne que naîtra plus tard le fascisme britannique (apparu avant même les versions italienne et allemande). L'idéologie raciste britannique sera ensuite implantée en Allemagne et prendra la forme du national-socialisme du Troisième Reich (où le rôle de surhommes est attribué aux soi-disant « Aryens »).

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Une description assez compacte de l'histoire et de l'essence de l'israélisme britannique peut être trouvée dans l'ouvrage suivant: William H. Brackney, Historical Dictionary of Radical Christianity.

Au 20ème siècle, un grand nombre de livres sur le sujet de l'israélisme britannique ont continué à être publiés en Angleterre, ainsi que dans d'autres pays du Commonwealth britannique. Alexander James Ferris a été particulièrement prolifique dans ce domaine. Je citerai quelques-uns de ses ouvrages les plus significatifs :

Armageddon is at the doors (Armageddon est aux portes, 1933) ;

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The British-Israeli Teaching on the 'Signs of the Approaching End of the Age' (1933) ;

Why the British are Israel : nine conclusive facts showing that the Anglo-Saxons represent the House of Israel of the Scriptures (Pourquoi les Britanniques sont Israël : neuf faits concluants montrant que les Anglo-Saxons représentent la Maison d'Israël des Ecritures) (1934) ;

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L'enseignement israélo-britannique sur la grande pyramide de Gizeh (1934) ;

Le trône éternel de David (1935) ;

The Great Pyramid : A Simple Explanation of the Great Pyramid's Divine Message to the Anglo-Saxon Race (1935) ;

Le couronnement et le trône de David, 1940 ;

The British Commonwealth and the United States of America Foretold in the Bible (cover only).jpg

Great Britain & The U.S.A. Revealed as Israel. The New Order (La Grande-Bretagne et les États-Unis révélés en tant qu'Israël. Le nouvel ordre, 1941).

When Russia invades Palestine (Quand la Russie envahit la Palestine, 1945) ;

Palestine for Jews or Arabs (Palestine pour les Juifs ou les Arabes? 1946).

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Une grande partie des propos de cet adepte fanatique de l'israélisme britannique devient évidente dès que l'on lit le titre de ses livres. Il exalte la famille royale britannique en tant qu'héritière du roi David. Il parle des racines israélites des Britanniques, faisant d'eux le « peuple élu de Dieu ». Citant l'Apocalypse, il est certain de la fin imminente de ce monde « pécheur », qui sera suivie d'un millénaire de règne de la couronne britannique. Enfin, il conclut que les « élus » de Dieu ne vivent pas seulement sur les îles de la brumeuse Albion. On les trouve dans d'autres pays du Commonwealth britannique. Et ils sont particulièrement nombreux dans le Nouveau Monde.

Il y a environ 400 ans, 30.000 puritains charismatiques se sont installés en Nouvelle-Angleterre pour y créer une société théocratique. Puritains, baptistes, méthodistes et autres colons britanniques à tendances religieuses particulières ont impitoyablement massacré les Indiens. La colonisation active du Nouveau Monde par les Britanniques s'est poursuivie pendant plus de deux siècles. Bien entendu, les colons ne venaient pas seulement des îles de la brumeuse Albion, mais aussi d'Europe continentale: de France, de Hollande, de Suisse, d'Allemagne, de Belgique et d'autres pays. Mais l'épine dorsale de l'État américain restait les charismatiques natifs de Grande-Bretagne (d'Angleterre, du Pays de Galles, d'Écosse, d'Irlande). C'est leur protestantisme teinté d'israélisme britannique qui est devenu l'idéologie dominante dans le Nouveau Monde. Sans tenir compte de cette base idéologique et religieuse ancrée en Amérique, il est difficile de comprendre la politique étrangère des États-Unis dans le Nouveau Monde et surtout durant l'époque moderne. Et de comprendre l'invisible communauté de vues entre les États-Unis et la Grande-Bretagne, qui forme un seul monde anglo-saxon cherchant à soumettre le reste de l'humanité. 

La Russie et son double

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La Russie et son double

Ouvrage édité par "Perspectives libres", novembre 2023

Exposé liminaire

par Gérard Conio

J’ai écrit ce livre pour donner de la Russie une autre image que celle propagée par une russophobie délirante fondée sur l’ignorance et le dénigrement systématique.

J’ai voulu montrer tout d’abord l’état rédhibitoire de la Russie que j’ai constaté en 1996 pour qu’on puisse le comparer à l’essor qu’elle connaît aujourd’hui grâce au redressement opéré par Vladimir Poutine, depuis son accession à la présidence.

Ce que j’ai observé d’une manière subjective est confirmé par les statistiques objectives des économistes et des politologues indépendants qui ont refusé de se plier à la doxa officielle.

 

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Le conflit entre la Russie et l’Occident est avant tout un choc des civilisations qui oppose des visions du monde et on peut comprendre que les adorateurs de la démocratie regrettent une évolution qui écarte la Russie de la sacro-sainte liberté individuelle au nom de laquelle elle a été entraînée dans un paradis qui s’est révélé pour elle un enfer.

Les débats fondés sur des axiomes et des pétitions de principe engendrent le déni des réalités vécues par le peuple russe dans son adhésion à une autorité qui lui rendait sa souveraineté et son indépendance en lui apportant une sécurité et une stabilité retrouvées ainsi que l’amélioration de ses conditions de vie détériorées par l’emprise de quelques prédateurs sur la société russe.

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Le narratif occidental sur « l’opération spéciale » a le tort de se polariser sur un moment isolé de son contexte, sans tenir compte de tous les facteurs qui ont pesé sur une rupture dont les conséquences n’ont été sérieusement envisagées ni dans une décision que le président russe jugeait inévitable ni dans les «  sanctions » qu’elle a suscitées et qui se sont retournées contre leurs auteurs.

Une « agression »  aux objectifs limités a provoqué « le basculement du monde », parce qu’elle avait des origines très anciennes.

Ce moment n’est pas né «  par hasard », il s’inscrit dans un devenir historique.

C’est pourquoi j’ai jugé bon de relater mon expérience des stades successifs d’une évolution dont j’ai été le témoin.

Mais, pour éclairer une opinion abusée par la fausse parole, il importe en tout premier lieu de remettre la Russie à sa place sur la carte du monde. 

L’histoire de la Russie est déterminée par «  le fait géographique » qui l’ouvre vers l’Ouest et vers l’Est, l’Europe et l’Asie. Dépourvue de frontières naturelles, elle a dû se défendre contre les invasions qui, depuis des siècles, sont venues se briser contre le Heartland, le coeur du monde, ainsi nommé par Mackinder, le fondateur de la géopolitique au 19ème siècle qui avait déduit le résultat de ses observations dans une formule restée célèbre: «Qui contrôle l’Europe de l’est, contrôle le Heartland, qui règne sur le Heartland, règne sur le monde». Mackinder désignait ainsi l’Empire russe couvrant « la plaine qui s’étend  de l’Europe centrale à la Sibérie occidentale et rayonne sur la mer Méditerranée, le Moyen Orient, l’Asie du Sud et la Chine ». 

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Un géopoliticien américain, Nicolas Spykman (photo), appliquera cette théorie à la deuxième guerre mondiale. Il ajoute au Heartland la bande de terre côtière qu’il appelle le Rimland et il critique Mackinder en parodiant sa formule:  « Qui contrôle le Rimland contrôle   l’Eurasie, qui règne sur l’Eurasie contrôle le destin du monde ». Et il souhaite que les Américains contrôlent le littoral européen afin de contenir l’expansion du Heartland.

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La  vision de Spykman est à la base de la "politique d'endiguement" formulée par le diplomate Georges Kennan (photo) dans son article, The Sources of Soviet Conduct  (juillet 1947) et mise en œuvre par les États-Unis dans la guerre froide.

Il s’agissait « d’endiguer » le Heartland en contrôlant  la zone tampon du Rimland, auquel appartenaient les satellites de la Russie soviétique, dont l’Ukraine était le maillon fondamental.

On tient dans ce schéma tous les paramètres de l’évolution qui a mené la Russie de la chute de l’URSS sous Gorbatchev à sa déliquescence sous Boris Eltsine, puis à son redressement sous Vladimir Poutine. 

La chronologie de cette évolution s’inscrit entre deux catastrophes, la fin de l’URSS et la guerre en Ukraine.

Mais on doit inscrire en filigrane de cette évolution une continuité dans la pensée  géopolitique occidentale manifestée par Mackinder, Spykman, Kennan, et plus tard Brzezinski.

Mackinder se disait convaincu de la suprématie des Anglo-Saxons qui leur donnait le droit de dominer le monde et donc de s’emparer du Heartland. Il opposait les puissances de la terre aux puissances de la mer et redoutait l’émergence d’une Allemagne forte pouvant s’allier à l’Empire russe.

Or, cette obsession a été partagée par les dirigeants américains qui n’ont cessé d’oeuvrer pour empêcher une alliance aussi favorable au développement de l’économie européenne que nuisible à leurs intérêts. Ils l’ont sapée définitivement en détruisant le Nordstream 2 et en privant l’Allemagne d’une source d’énergie indispensable pour son industrie. Aujourd’hui, les entreprises allemandes sont contraintes, pour exister, de se délocaliser aux Etats-Unis.

Spykman, en donnant la primauté au Rimland sur le Hearland, posait déjà la question du rapport de force entre la Russie et l’Union européenne. En se concentrant sur les choix de l’Ukraine, cet antagonisme est à l’origine d’un conflit localisé qui, en s’aggravant, met à présent le monde au bord de l’escalade nucléaire.

Les stratèges américains ont fait fausse route  en misant sur la supériorité du Rimland et en minimisant la puissance du Heartland  russe.

Au lieu d’affaiblir la Russie en instrumentalisant l’Ukraine, l’Occident a démontré sa propre faiblesse dont visiblement il n’avait pas conscience et en s’infligeant des échecs imputables à ses erreurs de calcul.

51ycA9nCaQL._AC_SY780_.jpgMon témoignage sur une Russie qui, dans les années 90, sombrait dans l’anarchie et le chaos, trouve un éclairage paradoxal dans Le Grand Echiquier de Brzezinski  paru en 1997, la veille de la faillite financière de l’État russe sous le gouvernement de Boris Eltsine.

En cette même année 1998, où la Russie a été sur le point de disparaître, Soljénitsyne consignait dans La Russie sous l’avalanche un constat analogue sur le désespoir d’une population décimée par les privatisations et par l’emprise des oligarques qui avaient pris le pouvoir, ces oligarques n’étant que les prête-noms des « bandits dans la loi » qui sévissaient déjà à l’époque soviétique.

En dépit de cette situation désespérée qui semblait ôter tout soupçon de velléité impérialiste,  Brzezinski reprend les idées de Mackinder et de Spykman en les actualisant et il considère que, malgré la disparition de sa puissance,  la Russie, par sa position dominante dans le Heartland, restait une menace pour l’ordre du monde instauré par les Etats-Unis.

Il en avait conclu qu’il fallait séparer l’Ukraine de la Russie pour enlever à celle-ci toutes les chances de redevenir une grande puissance.

Si l’on admet que les analyses de Mackinder et de Spykman trouvaient un fondement dans un empire qui détenait le Heartland en couvrant la moitié de l’Europe, il est plus difficile de sonder les motivations de Brzezinski quand il souhaitait la destruction d’une Russie qui s’était déjà détruite elle-même.

Et il  convient de rappeler que Kennan, pourtant promoteur de la politique d’« endiguement » contre l’URSS, a été très circonspect sur les « guerres humanitaires » menées par des politiciens incompétents et aventureux qui prenaient leurs désirs pour des réalités. On le donne même en exemple aujourd’hui en Russie en l’opposant à la courte vue des dirigeants qui lui ont succédé.

Il a fortement  désapprouvé l’élargissement de l’Otan qui a été le coup d’envoi d’une escalade dont il prévoyait les dangers pour la paix du monde.

On ne saurait comprendre le processus qui a mené de la fin de l’URSS à la guerre en Ukraine, sans faire état du « syndrome occidental » qui a pesé de tout temps sur la mentalité et la politique russe.

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La Russie a été sans cesse confrontée à son double par son désir passionné d’être reconnue par l’Occident comme un partenaire à part entière. Et Vladimir Poutine lui-même n’a pris conscience que fort tard du péril auquel il exposait la sécurité de la Russie en accordant sa confiance à des interlocuteurs qui après la réunification de l’Allemagne, ont refusé la main tendue par les Russes dans l’espoir d’une coopération économique qui devait se substituer à leurs yeux au conflit entre les deux idéologies en lice dans la guerre froide.

En sacrifiant son empire, sans contre partie, la Russie avait donné un gage de sa volonté de devenir une démocratie qui entrerait de plain-pied dans le concert européen.

Et cette coopération s’appuyait sur des intérêts réciproques qui auraient assuré la consolidation de la paix et une meilleure prospérité dans le continent européen.

Mais les passions idéologiques ont pris le pas sur les intérêts économiques et cet espoir a été battu en brèche à trois reprises, lorsque l’Otan n’a pas tenu la promesse de ne pas s’étendre à l’est, lorsque les accords de Maïdan, garantis par la signature de trois ministres européens, ont été violés sans autre forme de procès, et enfin quand les accords de Minsk, destinés à réintégrer à l’Ukraine les républiques séparatistes, ont été signés sans la volonté de les appliquer pour réarmer le gouvernement de Kiev, issu d’un putsch, et continuer la guerre inaugurée par «l’opération contre- terroriste » déclenchée en 2014 par le gouvernement de Kiev contre des populations civiles.

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Même si on juge obsolètes aujourd’hui les prophéties de Fukuyama sur la fin de l’histoire et les assertions de Brzezinski, en 1997, sur la nécessité de mettre un terme au danger potentiel représenté par la Russie, il n’en reste pas moins que ces convictions triomphalistes étaient conformes à la doctrine Wolfowitz (photo) qui, dès 1992, avait annoncé l’invasion de l’Irak pour pérenniser la domination des Etats-Unis sur le monde. 

Si le bellicisme des néo-conservateurs peut s’expliquer du point de vue des Etats Unis, il apparaissait alors contraire aux intérêts de l’Europe, c’est pourquoi la France et l’Allemagne, en accord avec la Russie et la Chine, ont dénoncé une violation du droit international qui ne pouvait mener qu’à un désastre humanitaire.

Mais on est en droit de s’interroger sur les raisons qui poussent aujourd’hui les Européens à ruiner leur économie en participant à fonds perdus à la guerre en Ukraine en se soumettant, contre leurs intérêts, au diktat des Etats-Unis et en reprenant à leur compte les arguments des anciens satellites de l’URSS qui brandissent le spectre d’une menace russe.

L’agression de l’Ukraine confirme à leurs yeux cette menace, qui apparaît d’autant plus irréelle que, nonobstant la supériorité militaire acquise par Vladimir Poutine, la Russie n’aurait pas les moyens de la mettre en exécution, du fait de sa démographie et des rapports de force avec la coalition de l’Otan. 

Et pour mieux comprendre les tenants et les aboutissants de la rupture consommée le 24 février 2022, il n’est pas inutile de revenir a posteriori sur les raisons qui poussaient Wolfowitz en 1992 et Brzezinski en 1997 à se lancer dans une confrontation qui met aujourd’hui le monde au bord du gouffre.

On assiste, en effet, à une fuite en avant de la part des néo-conservateurs qui, malgré leurs échecs successifs refusent de voir en face les conséquences planétaires de leur aventurisme. A cause de leurs tentatives mal calculées, mal engagées, ils ont provoqué la méfiance croissante des trois quarts de la planète à l’égard des Etats-Unis qui ne sont plus en mesure d’imposer au monde leur hégémonie par la suprématie du dollar.

Le réveil de la Russie a été le facteur principal de ce renversement du monde unipolaire auquel l’Occident reste attaché comme le pendu à sa corde.

L’Occident démocratique subit aujourd’hui la même psychose qui a entraîné l’Union soviétique à sa perte.

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On assiste à une inversion des rôles et il faut considérer que, pour redevenir une puissance « normale », uniquement soucieuse de son indépendance et de sa souveraineté, sans céder à la mégalomanie messianique, la Russie devait passer par la cure d’une démocratisation ratée qui alimente encore les rêves de sa minorité libérale.

Après avoir, dans cette première partie, évoqué, à des fins pédagogiques, ce passé douloureux, je me suis appuyé sur quelques-uns de mes travaux pour montrer l’apport de la Russie au patrimoine culturel, artistique et scientifique de l’humanité.

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Dans « La vision russe du cosmos », j’ai indiqué les sources spirituelles du cosmisme russe fondé par le philosophe Nicolas Fiodorov, qui a été le mentor de Tsiolkovski, dont les travaux sur les fusées ont abouti au vol de Gagarine.

Au moment où l’on glose sur la renaissance de la religion pour compenser le vide idéologique, j’ai retracé dans « L’Empire russe et Moscou Troisième Rome », les relations ambivalentes entre l’orthodoxie et l’autocratie.

Dans « La dialectique du double chez Dostoïevski », j’ai analysé dans le thème du double la parodie romanesque de la dialectique de Hegel dans une esthétique de la création verbale qui trouvera son accomplissement chez les futuristes.

Dans « Le dernier dialogue de Bakhtine », j’ai tiré la quintessence des mémoires parlés du grand philosophe russe dans ses entretiens avec Douvakine, professeur de Siniavski et Daniel dont il a pris la défense lors de leur procès.

Puis, j’ai analysé longuement le thème du MLB ( « la plongée dans le sein maternel »)  dans Ivan le Terrible d’Eisenstein et dans sa mise en scène de la Walkyrie au Bolchoï en 1940.

En raison du rôle controversé de la Pologne dans le conflit ukrainien, j’ai tenu à rendre hommage à Wat et Mlosz, deux auteurs polonais que j’ai traduits et commentés pour mettre en exergue leur russophilie qui n’était pas incompatible à leurs yeux avec leur critique du communisme totalitaire. Cette largeur de vue chez ces «dissidents » antisoviétiques tranche sur l’amalgame raciste et imbécile pratiqué aujourd’hui entre la culture et la politique vis-à-vis de la Russie.

Enfin j’ai cité mes interventions à un colloque sur « L’URSS, un paradis perdu ».
Et j’ai mis en conclusion une réflexion sur les deux Russies qui s’opposent aujourd’hui à propos de la guerre en Ukraine.

Chaque livre est une bouteille à la mer et j’espère que celui-ci trouvera les bons lecteurs qui sauront en tirer la substantifique moelle.

 

mardi, 10 décembre 2024

D'Annunzio gardien du désordre

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D'Annunzio gardien du désordre

Un essai de Claudio Siniscalchi: l'« œuvre totale » de D'Annunzio peut être un instrument pour libérer l'imagination contemporaine de la colonisation mercantile effectuée par la Forme-Capital, qui domine aujourd'hui.

par Giovanni Sessa

Source: https://www.barbadillo.it/117212-dannunzio-custode-del-disordine/

Claudio Siniscalchi, historien du cinéma et essayiste attentif depuis toujours à la culture des non-conformistes du 20ème siècle, attire l'attention du lecteur, avec son dernier ouvrage, sur la figure de Gabriele D'Annunzio, protagoniste incontesté de l'histoire italienne et européenne, ainsi que des patries des lettres. Il s'agit du volume D'Annunzio custode del disordine (= D'Annunzio gardien du désordre), en librairie grâce à Oaks editrice (à commander ici: https://www.oakseditrice.it/catalogo/dannunzio-custode-del-disordine/, 121 pages, 15,00 euros). Le livre est mince, mais comme le reconnaît Marcello Veneziani dans la préface, il est « incisif » en ce qui concerne le sujet. L'intention déclarée de ces pages est de retracer, non seulement dans le monde des valeurs du poète-voyageur, mais aussi dans son expérience, l'humus existentiel, intellectuel et politique du groupe d'auteurs qui a donné vie à l'« idéologie italienne » (selon la définition de Bobbio), avec ses traits « révolutionnaires-conservateurs ». Au terme de la lecture, on peut affirmer que Siniscalchi a compris, de manière totale, les intentions herméneutiques explicites.

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"D'Annunzio gardien du désordre" par Claudio Siniscalchi

Pour comprendre le sens et les intentions de la révolution conservatrice italienne qui, il faut le souligner, a été un moment de la révolution européenne, ce phénomène doit être contextualisé historiquement et théoriquement. Pour ce faire, l'auteur rappelle les positions d'Ernst Nolte et, surtout, d'Augusto Del Noce. Ce dernier a compris que l'histoire du 20ème siècle ne pouvait être interprétée que dans une approche transpolitique, car dans celle-ci, c'est la philosophie moderne, résultat de l'immanentisation de la fin chrétienne de l'histoire, qui devient le monde. Les révolutionnaires-conservateurs, s'appuyant sur les leçons d'Armin Mohler et de Giorgio Locchi, ont donné naissance à un « contre-mouvement » culturel et politique, anti-égalitaire, visant à saisir les limites de la démocratie parlementaire et à la dépasser, sans nostalgie passéiste. Au contraire, le dépassement du présent aurait dû partir de la modernité elle-même, voire de son accélération. La vie et l'œuvre de D'Annunzio, leur originalité et leur centralité, ne peuvent être comprises que si elles sont incluses dans le panorama intellectuel de cette tentative oxymorique et très actuelle. Le titre du volume fait référence à l'écrit de Malaparte, I custodi del disordine (= Les gardiens du désordre) : « Une définition qui convient bien au “D'Annunzio politique”. Un « gardien » (« conservateur ») du « désordre » (« révolutionnaire ») » (p. 25).

Siniscalchi reconstruit les événements biographiques dans lesquels le poète d'armes a été impliqué avec une acuité méthodologique, à travers une masse ample et significative de documentation et en vertu de sa connaissance de la bibliographie critique la plus importante sur le sujet (comme tout historien sérieux devrait le faire). De ses études à Rome à ses débuts dans le monde journalistique de la capitale. Il présente et analyse les fréquentations intellectuelles et politiques de D'Annunzio et évoque ses nombreuses liaisons sentimentales. Siniscalchi ne traite pas, sic et simpliciter, du moment politique de D'Annunzio mais explicite, dans les chapitres qui composent le livre, avec une argumentation pertinente et des accents persuasifs, la production littéraire, la tension vers l'action de l'« esthète décadent » et, ensuite, du « poète-chef d'orchestre » au cours de l'aventure de Fiume, pour arriver au « Vate des Italiens ». Le D'Annunzio littéraire, à partir de Il piacere, se révèle être, avec Giovanni Verga, l'initiateur de la littérature italienne du 20ème siècle: « La contribution de D'Annunzio se manifeste dans plusieurs directions: le symbolisme narratif; l'utilisation novatrice de l'espace et du temps; la représentation des personnages » (p. 32). La source d'inspiration principale de l'écrivain est la culture française. Il y a puisé la leçon, propre à Drieu, qu'écrire sur soi et sur son époque, malade et décadente, implique non seulement l'usage de l'encre, mais du « sang », du pathos existentiel vivant. Dans Les Vierges aux rochers, D'Annunzio met en scène « tout le mépris de la démocratie représentative » (p. 37) qui l'a conduit, tout comme Wagner, à la recherche d'une « œuvre d'art totale », visant à l'affirmation d'une nouvelle classe dominante de « héros » au profil à la Carlyle.

Animé par cette conception, la confrontation avec la réalité socio-politique fut pour D’Annunzio une source de désillusion. D’où la nécessité de l’action. Élu au Parlement dans les rangs de la droite, il passa rapidement à gauche. Il affirma qu’il allait « vers la vie » (46), porté par la recherche d’une coincidentia oppositorum en politique. Il fut l’un des principaux protagonistes des « radieuses journées » de mai, marquées par l’interventionnisme, qui réunirent sur les mêmes barricades nationalistes, socialistes maximalistes et syndicalistes révolutionnaires. À la fin du conflit, en réponse à la « victoire mutilée », il entreprit l’expédition de Fiume, le 12 septembre 1919. Dans cette ville d'Istrie, D’Annunzio réalisa une « œuvre d’art totale ». La fantaisie, pendant ces journées tumultueuses, parvint véritablement au pouvoir. Toutes les restrictions furent abolies: religieuses, sexuelles, politiques. On célébra la « fête » de la Révolution: Guido Keller et Giovanni Comisso animèrent le groupe fiumain-ésotérique Yoga, tandis que « Harukichi Shimoi devint le “Samouraï de Fiume” ». Avec le « Noël de sang » et la fin de la Régence, la trajectoire politique de D’Annunzio prit, en réalité, fin.

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Dès les mois précédents, Mussolini, stratège politique, réaliste sceptique et non poietes pur comme le Pescarais, s’imposait comme un nouveau point de ralliement pour ceux qui souhaitaient construire une nouvelle Italie, en opposition à la petite Italie de Giolitti qui, paradoxalement, semblait pouvoir renaître des décombres du conflit. Après la Marche sur Rome, le Vate vécut dans la « prison dorée » du Vittoriale, honoré par le nouveau régime. Mussolini, rappelle Siniscalchi, lui rendit visite. La dernière partie de l’essai examine les relations entre les deux hommes. À ce sujet, Veneziani commente: « Il ne s’agit pas de déterminer si D’Annunzio a été ou non fasciste, mais de reconnaître que le fascisme a été dannunzien » (p. 9). Le plus grand mérite de D’Annunzio, gardien du désordre, réside dans l’exégèse des actions et des œuvres d’un grand Italien, examinées sous un angle différent de la vulgate historiographique diffusée à la fin de la Seconde Guerre mondiale, qui condamna D’Annunzio à l’exclusion réservée à toutes les « intelligences inconfortables » du 20ème siècle.

La révolution-conservatrice poietica du Pescarais est un héritage auquel il faut revenir à une époque où, au-delà des guerres armées, l’Europe est en proie, comme l’a observé le philosophe Stiegler, à une guerre esthétique. L’« œuvre totale » dannunzienne peut être un instrument destiné à libérer l’imaginaire contemporain de la colonisation mercantiliste imposée par la Forme-Capital, aujourd’hui dominante.

 

samedi, 30 novembre 2024

Holodomor et autres...clarifications

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Holodomor et autres...clarifications

Andrea Marcigliano

Source: https://electomagazine.it/holodomor-ed-altre-precisazioni/

J'entends de plus en plus souvent que l'on confond systématiquement la Russie et l'Union soviétique. Confusion peut-être acceptable dans le grand public qui ne s'intéresse pas à l'histoire. Beaucoup moins dans les médias et, pire encore, dans les écrits et les discours des analystes et des commentateurs qui devraient connaître ces circonstances (ainsi qu'un peu d'histoire). Et les traiter avec un minimum, au moins, d'exactitude. Et un minimum d'honnêteté intellectuelle.

Prenons l'exemple de cette immense tragédie que l'on appelait à l'époque l'Holodomor. C'est-à-dire la grande famine qui a frappé l'Ukraine entre 1932 et 1933, causant des millions de morts de faim. Combien de morts ? Difficile à dire. Les estimations vont de deux à trois millions à dix millions, voire plus. C'est tout de même énorme. Et un véritable massacre. Étant donné que Staline et le pouvoir soviétique ont été, en fait, à l'origine de ce massacre. Soit pour concevoir des politiques de collectivisation forcée, soit délibérément parce qu'ils considéraient la majorité des Ukrainiens comme des « réactionnaires ». Pour simplifier, un mélange des deux.

Aujourd'hui, l'Ukraine célèbre, la dernière semaine de novembre, ce génocide. Et en fait une sorte de drapeau à brandir contre la Russie actuelle de Poutine.

Logique, direz-vous. Et juste.

Juste si ce sont les Russes qui ont causé ce massacre. Alors que les responsables devraient être recherchés du côté des dirigeants du parti bolchevique. Où il n'y avait que très peu de Russes.

Bukharine, bien sûr. Mais qui était aussi le seul opposant à la politique de Staline, y compris sur l'Ukraine. Et il l'a payé de sa vie.

Mais les autres ? Staline était géorgien de père et ossète de mère. Drezinski était un noble polonais. Et si nous regardons un peu autour de nous, Zinovev était un juif polonais, comme Trotski et comme la propre mère de Lénine. Qui, du côté de son père, était un Tchouvache....

Et je pourrais continuer à montrer que les Russes n'avaient pas grand-chose à voir avec les dirigeants soviétiques. À tel point que le premier secrétaire russe du PCUS était Mikhaïl Gorbatchev. En d'autres termes, le liquidateur de l'URSS.

En résumé, la tragédie de l'Holodomor - qui, soit dit en passant, fait partie de la Grande Famine qui a frappé toute l'URSS, entraînant la mort de millions de personnes, toutes ethnies confondues - n'était pas la faute des Russes, mais celle de la direction du parti bolchevique. Les Russes y étaient sous-représentés et les Ukrainiens très présents. Cette situation a été causée, intentionnellement ou non, par l'idéologie. Il ne s'agissait pas d'une haine ethnique à l'égard des Ukrainiens.

L'utilisation par Zelensky et ses parrains occidentaux, Biden et associés, de cette tragédie dans un but anti-russe est donc une falsification de l'histoire.

A tel point qu'elle plaît - en l'occurrence - à ces « intellectuels » locaux qui étaient, jusqu'à avant-hier, des admirateurs (disons) de l'Union soviétique. Et qui, aujourd'hui, ont trouvé de nouvelles prébendes et de nouveaux maîtres outre-Atlantique.

Vous ne me croyez pas ? Allez donc lire vous-même ce qu'Alexandre Soljenitsyne dit de l'Holodomor. Qui, rappelons-le, était ukrainien de naissance. Ou, plus précisément, un cosaque ukrainien.

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dimanche, 17 novembre 2024

Comment une génération voulait changer le monde et a bien failli y parvenir

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Comment une génération voulait changer le monde et a bien failli y parvenir

par Peter Backfisch

Encourager le débat au sein des cénacles aujourd'hui non-conformistes a toujours été l’un des objectifs déclarés d'Euro-Synergies. Dans cet article, Peter Backfisch fait référence à la contribution d’Ernst Rahn sur le thème « Jeunes contre Vieux » et décrit comment, selon lui, la jeunesse a modifié l’état du système à partir de 1968.

L’idée du texte ci-dessous est née après la lecture de l’article « Jeunes contre Vieux » d’Ernst Rahn, affiché sur un blog. Contrairement à la thèse de Rahn, selon laquelle une génération (les jeunes) ne pourrait pas changer l’état actuel du système par elle-même, l’auteur soutient que les jeunes générations peuvent effectivement réaliser des transformations profondes, comme l’a montré l’histoire récente. Cependant, ce texte n’est pas une position opposée aux points soulevés par Rahn, qui se concentrent sur la situation actuelle de notre pays, des observations que l’auteur partage en grande partie.

Né en 1954, j’avais 14 ans en 1968 et me considère donc plutôt comme un « post-soixante-huitard », car je n’ai pas pu participer activement aux tensions et ruptures de cette époque en tant qu’acteur politique. Je me souviens cependant de l’attentat de Pâques 1968 contre Rudi Dutschke et des manifestations de Heidelberg contre la guerre du Vietnam, avec leurs nombreux chants « Ho Ho Ho Chi Minh ». Mais à 14 ans, je n’étais certainement pas en mesure de saisir la teneur de toutes ces dynamiques politiques. Pourtant, je vois dans ces événements le début d’un conflit intergénérationnel qui a durablement changé notre système et nos conditions de vie. Mais revenons d’abord en arrière.

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Pour comprendre tout cela, il faut remonter à la fin de la Seconde Guerre mondiale. La génération des parents des soixante-huitards est revenue de la guerre et de la captivité en 1945 ou après, vaincue et souvent désemparée quant à la suite des événements. Cette génération souhaitait avant tout vivre en se concentrant sur ses propres préoccupations, ce qui signifiait reconstruire le pays détruit, fonder des familles, et accéder à la prospérité dans un ordre de paix et de démocratie. Les notions de démocratie restaient floues, mais la soif de loi et d’ordre prédominait.

Culturellement, un vide s’était ouvert après la chute du Troisième Reich. Les puissances occupantes, en particulier les États-Unis, ont rapidement cherché à le remplir avec leurs propres contenus, visant à ancrer l’Allemagne dans le camp occidental. C’était la première étape, qu’on peut appeler la « rééducation » des Allemands. Cela a été accompagné par l’avènement de la télévision, qui a réellement commencé à influencer et à façonner une hégémonie culturelle chez ceux nés à partir de 1940. On peut citer le mouvement Beatnik, qui s’est transformé en mouvement hippie vers 1967, promettant une vie de liberté par un rejet radical des valeurs traditionnelles de la classe moyenne, qu’il fallait abandonner, voire détruire.

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Famille, tradition, ambition étaient considérées comme rétrogrades et réactionnaires ; il était temps de surmonter l’esprit pesant de l’ère Adenauer. Cette dynamique s’est accélérée après 1968 avec la musique pop, « Street Fighting Man », et des films comme « Easy Rider » qui célébraient la liberté par la drogue, l’abandon des normes de réussite, et l'idéal d’un road-trip à moto à travers les vastes étendues américaines. À partir de 1969, des festivals de pop et de rock ont vu le jour aux États-Unis et en Europe, rassemblant des centaines de milliers de participants. Le plus célèbre d’entre eux est sans doute Woodstock, un événement de trois jours sous la pluie, marqué par l’amour libre, les drogues et de nombreux actes de violence.

Conformément à la pensée d’Antonio Gramsci, le terrain était ainsi préparé pour un passage à l’étape suivante : établir des sphères d’influence politique et initier des changements irréversibles. Le déclencheur fut les protestations des étudiants contre la guerre du Vietnam dans les pays capitalistes occidentaux. En Allemagne, ils s’organisèrent dans le Syndicat socialiste des étudiants allemands (SDS), qui allait devenir la soi-disant opposition extraparlementaire (APO). Les protestations eurent un impact significatif: des gouvernements tombèrent ou s’ouvrirent à des perspectives critiques, débouchant sur divers mouvements pour la paix. L’attribution du prix Nobel de la paix au chancelier allemand Willy Brandt en est un exemple emblématique.

L’influence sur les institutions sociales s’est étendue surtout dans les écoles et universités ainsi que dans les sciences humaines. Tout devait être anti-autoritaire, sans pour autant être non-violent. Un engagement pour une vision du monde de gauche: telle était l'attitude qui dominait. La structure idéologique a été fournie par l’École de Francfort et d’autres groupes de réflexion. Selon eux, la démocratie ne pouvait être authentique que dans un système de conseils, permettant, soi-disant, une domination directe par les masses.

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Comment la génération de l’après-guerre, qui avait acquis une certaine prospérité vers 1970, a-t-elle perçu tout cela ? Elle y a généralement répondu par le rejet et l’incompréhension. Dans les familles, les tensions étaient souvent dures, parfois inconciliables, menant à des déceptions et résignations chez les anciens et des refus d’engagement chez les jeunes, que ce soit à l’école ou au travail, ou à des engagements allant jusqu’au militantisme politique extrême, culminant avec la lutte armée contre le système menée par la RAF (Fraction armée rouge), inspirée par Lénine, Mao, Che Guevara, et d’autres guérilleros d’Afrique et d’Amérique latine.

Au début, jusqu’à la fin des années 1970 environ, l’objectif était encore de renverser le système exploiteur par une révolution guidée par la classe ouvrière, conformément aux enseignements de Lénine. Après une décennie de défaites continues, la gauche militante s’effondra progressivement et se mit en quête de nouvelles méthodes de lutte. La patience et la persévérance devinrent la nouvelle stratégie. L’ancien militant de rue Joschka Fischer mit de côté ses cocktails Molotov et proclama la « marche à travers les institutions », signifiant que toute implication politique devait s'effectuer selon les règles de la démocratie en place. En 1979, le parti des Verts fut fondé et fit son entrée au Bundestag allemand en 1983. Joschka Fischer devint ministre de l’Environnement dans le Land de Hesse.

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Joschka Fischer: un itinéraire étonnant du gauchisme violent, celui des Kravallos, pour aboutir à une dévotion atlantiste et otanesque caricaturale et à un embonpoint ministériel finalement très bourgeois...

Le 27 septembre 1998, la « marche à travers les institutions » triompha : pour la première fois, la coalition rouge-verte obtint la majorité. Mathias Döpfner, rédacteur en chef de Die Welt, déclara que c’était « une journée de victoire pour la génération de 68 », que « pour la première fois, les militants de l’opposition extraparlementaire occupaient les plus hautes fonctions de l’État ».

Ce triomphe a eu des conséquences, et on peut dire que la refonte qui a suivi a fondamentalement transformé le système en Allemagne. Les Verts restèrent fidèles à leurs idéaux de société sociale, voire socialiste. Ils avaient enfin le pouvoir de dicter les thèmes de l’époque. Presque toutes les institutions furent transformées en profondeur: écoles, universités, arts, littérature, médias, éducation, même les églises et la CDU, bastion conservateur allemand, succombèrent à ce nouvel esprit de gauche.

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Je reviens à la question initiale : « Une génération peut-elle changer le système ou même le monde ? » Je laisse la parole à Suze Rotolo, amie de jeunesse de Bob Dylan, qui écrit dans ses mémoires, A Freewheelin' Time : « Nous croyions sincèrement que nous pouvions changer le monde pour le meilleur. » Mais quiconque observe notre pays aujourd’hui sait que Rotolo avait tort : les temps ont changé, mais pas pour le meilleur.

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mercredi, 13 novembre 2024

Edouard Drumont et la France glaciaire

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Edouard Drumont et la France glaciaire

par Nicolas Bonnal

« Il n'est pas possible à l'observateur social de n'être pas frappé de la puissance d'expansion, de la force d'action extérieure  qu'avait cette France d'autrefois. »

76% des froncés solidement contre Trump, s’émerveille l’impayable Figaro. Comme ils sont 99-100% à être contre Poutine…

L’effondrement de la France est évident pour tous, sauf pour les retraités Tartine qui se tapent cent heures de télé par semaine (c’est un minimum en république). Après une brève et contrastée embellie gaulliste (voyez mon livre sur la destruction de la France au cinéma), vite noyée sous les quolibets et les pavés de mai 68 et l’avènement de la société de consumation frivole et socialiste, la France disparaît et elle est suffisamment gâteuse avec ses immigrés, ses bobos et ses vingt-trois millions de retraités fachos-socialos-écolos-rigolos pour défier en ce moment, à la manière d’Hitler (un remix comique de Hitler, on en revient toujours à Marx), l’Amérique et la Russie, sans oublier la Chine. Contrairement à l’Allemagne il ne reste aucune force politique de lucidité qui fasse plus de 0.5%. Seule l’Angleterre éternellement toxique et méphitique peut comme toujours faire pire, et s’en donne à cœur joie.

Mon mal vient de plus loin, comme écrit Jean Racine. Après la raclée de 1870 et l’avènement de ce régime sous-républicain dont on ne s’est jamais remis, Drumont écrit les lignes suivantes sur cet âge glaciaire :

« C'est le contraire absolument de ce que nous voyons se produire aujourd'hui. La France, comme un astre qui s'éteint, entre peu à peu dans la période glaciaire et perd sa puissance de rayonnement. Nous portions jadis tout au dehors, notre langue, nos idées, nos vins; aujourd'hui nous recevons tout de l'Allemagne : ses Juifs, sa bière et sa philosophie, les Bamberger et les Reinach, les  bocks et Schopenhauer. »

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On laisse les juifs de côté car comme je l’ai montré dans mon Céline comme dans mes écrits sur Drumont, ils ne sont qu’un bouc émissaire facile et usagé. Le vrai responsable c’est le Français moderne dont la Révolution et le monstrueux bonapartisme social-impérial ont accouché. Voir mon Autopsie de l’exception française. Un tire-au-flanc vieilli, fumiste, festif et vérolé (au moins moralement), voilà ce dont on a accouché en devenant la lumière du monde. Cochin ou Bernanos en ont parlé mieux que personne.

Les forces de réaction ? Elles sont un leurre éternel. Drumont parle des bien-pensants de Bernanos, de nos conservateurs qui avec Barnier et les souverainistes cathos aux affaires achèveront tranquillement cet hexagone :

« cœurs honnêtes mais sans flamme et sans élan, âmes timides mais voulant sincèrement le Bien, esprits exempts du doute qui a  agité la génération précédente et installés tranquillement dans des croyances religieuses plus solides et moins superficielles qu'on ne l'imagine… voilà les conservateurs. « 

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Drumont a déjà écarté la facile et messianique-comique figure du sauveur (De Gaulle est une figure ésotérique et philosophique, comme l’avait compris mon maître et ami Parvulesco, plus qu’une figure politique – il est resté sans héritiers ou est devenu l'inspirateur de traîtres euro-américains).

« De cette masse grise d'honnêtes gens qui constituent le meilleur de la France, on ne voit sortir aucun dévouement  exceptionnel; on ne voit se former nulle part non plus un de ces courants qui emportent tout ; on ne voit se dessiner aucune de  ces personnalités éclatantes qui semblent désignées par la Destinée pour tout sauver... ».

On entre donc, dit Drumont, dans une période glaciaire (cela correspond au réchauffement climatique auquel ce crétin de pays croit dur comme fer je suppose) :

« La  France, la grande génératrice de généraux, de politiques, de penseurs, ne produit plus d'hommes ; comme les astres dont le foyer s'éteint graduellement, elle semble entrer dans la période glaciaire.

Le sol lui-même, si riche jadis, paraît s'épuiser; nos grands vignobles sont rongés par de mystérieux ennemis. Grâce à la culture  intensive et aux prétendues méthodes scientifiques, la terre, comme nous le disait un cultivateur, ressemblera bientôt à une  armoire: on n'y trouvera plus que ce qu'on y aura mis... »

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Drumont cherche les causes et va citer un philosophe militaire belge qui explique tout grâce au magnétisme passager qui habite les nations:

« Peut-être est-ce une loi inévitable et à laquelle nulle nation n'échappe? C'est la théorie développée dans un livre introuvable et  qui certainement n'a pas été lu par dix personnes en France :  l’humanité, sa durée. Brück, l'auteur, est un inconnu même dans sa patrie, la Belgique ; il n'en a pas moins remué, au milieu d'un fatras confus, des idées très originales et très hautes. »

Un peu de Brück donc :

« D'après lui, c'est le courant magnétique terrestre qui, en se déplaçant, détermine la grandeur et la décadence des nations.

La  civilisation, écrit-il, a sa marche tracée et parcourra successivement toutes les parties du globe par suite du déplacement d'une région nodale mobile de plus grande intensité ou de plus grande activité magnétique qui, durant une période magnétique  séculaire, donne la plus grande activité magnétique ou la plus grande énergie physique et les meilleures prédispositions morales  à toute une région. »

Chaque région connaît ou presque son heure :

« Jusqu'à  ce  jour,  ce  qui  précède  s'est  produit,  si  bien  que dans  les  régions  momentanément  favorisées,  les  populations devenues  dominantes  et  qui  furent  placées  à  la  tête  de l'humanité,  ont  plus  spécialement  brillé  par  l'énergie  physique et  la  puissance  lorsque  la  région  favorisée  était  naturellement sous  l'influence  des  courants  magnétiques  intenses, tandis  qu'elles  ont  plus  spécialement  brillé  par  l'intelligence, par  l'imagination  et  par  leurs  œuvres,  lorsque  les  régions  favorisées,  occupées  par  elles,  étaient  naturellement  sous l'influence  de  circulations  magnétiques  actives. »

Drumont ajoute :

« La  loi,  toujours  d'après  Brück,  est  que  l'évolution d'un  peuple-chef  est  terminée  au  bout  de  mille  trente-deux  ans.  Dans  cet  espace  de  temps  il  a  parcouru toutes  les  phases  de  son  développement,  il  n'a  plus qu'à  décroître,  il  peut  vivre  quelque  temps  tranquille sur  son  passé,  mais  tout  effort  lui  est  funeste  comme toute  imprudence  est  fatale  au  vieillard;  toute  tentative pour  s'agrandir  se  traduit  pour  lui  par  une  diminution de  territoire. »

L’heure de la France moderne allait sonner, quand le pays jouissait encore du prestige impérial :

« C'est  en  1862,  il  faut  noter  la  date,  que  Brück  écrivait à  notre  sujet :

Voilà  un  peuple  riche,  glorieux  et  puissant  qui  se  croit supérieur  à  tous  les  autres  et  qui  a  de  nombreuses  raisons d'être  fier  de  son  passé.  Ses  armées  sont  prêtes  à  renverser  pour  la  troisième  ou  la  quatrième  fois  les  barrières  qu'on pourrait  lui  opposer  en  Europe.

Ce  peuple  tient tous  les  autres  en  armes  et  dans  des  inquiétudes très  grandes  à  la  pensée  des  terribles  événements qu'entraînerait  une  lutte  qu'on  a  pu  le  croire  et  qu'on  le  croit  peut-être  encore  prêt  à  provoquer.

Jusqu'à quel point puis-je dire à ce peuple : Tu es encore formidable aujourd'hui mais songe à la loi ; nul peuple ne vivra comme peuple-chef au-delà de mille trente-deux ans : tu es né en 843 du partage de l'empire franc à 'Verdun ; nous sommes en l'an de grâce 1862: tu as donc mille et dix-neuf ans ; fais ton compte.

1862 + 14 = 1876

1876 aurait donc été pour nous le commencement de la fin. »

C’est presque du Jean Phaure (voyez la France mystique de mon vieil ami métaphysicien, et qui adorait la série Le Prisonnier…). Et Brück eut son ère de gloire dans des cercles militaires éclairés. Impossible hélas de mettre la main sur ses livres sur le web. Le froncé s’en remettra…

Drumont toujours aussi visionnaire ajoute :

« Ajoutons,  pour  que  nos  voisins  ne  triomphent  pas trop  de  notre  décrépitude,  que  le  courant  magnétique ne  se  dirige  pas  sur  l'Allemagne,  il  se  porte  vers  l'Amérique. »

Sources :

https://books.googleusercontent.com/books/content?req=AKW...

https://fr.wikipedia.org/wiki/Nicolas-Remi_Br%C3%BCck

https://www.academieroyale.be/academie/documents/FichierP...

https://www.amazon.fr/Pourquoi-Gaulle-adorait-Russie-anti...

https://www.amazon.fr/DESTRUCTION-FRANCE-AU-CINEMA/dp/B0C...

https://www.amazon.fr/Phaure-jean-mystique-r%C3%A9flexion...

 

dimanche, 10 novembre 2024

États Dés-Unis d’Europe

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États Dés-Unis d’Europe

Par Mario Porrini

Source: https://www.centroitalicum.com/stati-dis-uniti-deuropa/

L’Europe, que beaucoup rêvent souveraine et indépendante, n’est en réalité qu’une colonie des États-Unis. Au XVIIe siècle, le Ius publicum Europaeum s’est imposé, permettant de réaliser un progrès réel en limitant et en circonscrivant la guerre sur le continent. Avec le traité de Versailles et la montée en puissance des États-Unis, le concept de responsabilité de guerre et de crimes de guerre a été introduit, criminalisant et déshumanisant ainsi l’ennemi : une guerre visant l’anéantissement de l’adversaire.

L’indépendance européenne est une pure illusion, car avec l’appartenance à l’OTAN, l’UE est devenue la succursale économique de l’Alliance atlantique sans la moindre prétention à une autonomie, même minimale.

Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, il est devenu courant de promouvoir l’idée que les pays européens devraient se fondre en un seul sujet politique. La taille territoriale et la puissance démographique des États-Unis et de l’URSS suggéraient en effet de réunir les nations du Vieux Continent pour pouvoir rivaliser avec ces deux superpuissances. Au fil des ans, diverses hypothèses sur la forme que pourrait prendre cette union d’États se sont succédé sans jamais dépasser le stade des discussions purement académiques. De Charles De Gaulle, qui parlait d’une « Europe des patries », à Altiero Spinelli, fervent défenseur du fédéralisme, de nombreuses idées ont été exprimées, souvent nébuleuses, mais rien de concret n’a jamais été réalisé. Les seuls progrès ont été faits sur le plan strictement économique: en 1951, la Communauté européenne du charbon et de l’acier a été créée, puis en 1957 le traité de Rome (CEE) a permis la libre circulation des marchandises entre les pays membres, jusqu’à la création de l’Union européenne que nous connaissons aujourd’hui.

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Le déclenchement de la guerre entre la Russie et l’Ukraine a donné un nouvel élan aux partisans de la création d’une entité ayant une politique étrangère et militaire unique, capable de faire face aux nouveaux scénarios qu’une guerre au centre de l’Europe présente. La réponse à Poutine a globalement été unifiée. Hormis la Hongrie, tous les pays ont adhéré aux sanctions contre le prétendu agresseur, soutenant en parallèle l’Ukraine par des moyens économiques et des livraisons d’armes. La Pologne et les pays baltes, ennemis historiques de la Russie, ont agi avec plus de fermeté et de détermination, tandis que l’Italie, l’Allemagne et la France ont accepté « bon gré mal gré », car ces mesures nuisent principalement à leurs propres intérêts. Tous les autres pays se sont conformés aux directives de Washington avec plus ou moins de conviction. Le point central est bien celui-ci : « les ordres venant de Washington ».

L’Europe, que beaucoup rêvent souveraine et indépendante, n’est en réalité qu’une colonie des États-Unis, lesquels, à travers l’OTAN, imposent une politique étrangère adaptée à leurs propres intérêts, en utilisant des troupes de soutien – à la manière des auxilia de l’armée romaine – fournies par les régions soumises, les colonies de l’empire américain. Cette soumission dure depuis quatre-vingts ans et rien ne semble indiquer que les choses vont changer. Il manque une volonté politique forte pour modifier cette situation. Les dirigeants des différents pays européens ne se montrent pas capables de mener un véritable tournant, ni de s’engager dans une véritable guerre d’indépendance de l’Europe face aux États-Unis. Ils n’en sont pas capables et ne semblent même pas désireux de le faire. Une telle bataille nécessiterait de la détermination, du courage, et surtout du charisme. Or, il n’existe pas de figure politique européenne réunissant ces qualités. Il est beaucoup plus confortable de gouverner au nom d’un tiers, tel un gouverneur de province impériale, en répondant directement à Washington.

L’absence d’une direction politique à la hauteur de cette tâche pourrait, toutefois, ne pas être le problème principal. Le véritable obstacle réside dans la conflictualité qui a toujours caractérisé les relations entre les États européens et la profonde hétérogénéité culturelle, les habitudes, et les traditions des différents peuples qui peuplent le Vieux Continent. L’Histoire nous enseigne qu’une Europe unie n’a jamais existé. L’Empire romain, celui de Charlemagne et le Saint-Empire romain germanique, la domination de Charles Quint, l’empire des Habsbourg n’ont jamais embrassé l’ensemble du continent, mais seulement une partie de celui-ci.

Entre le XVIe siècle et la fin du XIXe siècle, avec la naissance des États-nations, compacts et aux frontières établies, divers motifs de conflits liés aux questions territoriales plutôt qu’économiques ont émergé, créant les conditions pour un enchaînement ininterrompu de guerres de tous contre tous dans une série continue d’alliances sans cesse modifiées et de coalitions en lutte les unes contre les autres. Avec l’époque des grandes explorations géographiques, la découverte du Nouveau Monde et les immenses richesses qu’il offrait, les raisons de conflits se sont multipliées de manière exponentielle.

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Au XVIIe siècle, une série de règles, regroupées sous le terme de Ius publicum europaeum et analysées magistralement par Carl Schmitt, s’est progressivement imposée. Ce cadre juridique permettait de circonscrire les guerres en Europe et de limiter les excès. Les États européens se considéraient réciproquement comme des Justi Hostes et la guerre était toujours considérée comme juste dès lors qu’elle était menée par des armées organisées relevant d’États reconnus par le droit international européen, sur le sol européen et selon les règles du droit de la guerre européen. Ce cadre mettait un frein à la criminalisation et à l’anéantissement de l’ennemi, des comportements qui avaient été courants dans les guerres de religion du XVIe siècle. En cas de conflit, l’objectif était de le canaliser et d’en limiter les excès.

Le Ius publicum en vigueur en Europe perdait cependant sa valeur en dehors du continent, où la lutte devenait illimitée et l’absence de toute restriction juridique en matière de guerre ne laissait prévaloir que le droit du plus fort. Au-delà de cette frontière continentale, la conquête de nouveaux espaces dans les territoires immensément riches du Nouveau Monde pouvait être menée avec un usage libre et impitoyable de la violence, sans aucune considération de nature juridique, morale ou politique. Les traités, la paix et l’amitié ne concernaient que l’Europe, c’est-à-dire le Vieux Monde, à l’intérieur de cette frontière.

Le fait que, au XVIIe siècle, le roi de France, catholique et très chrétien, se soit allié à des hérétiques et pirates sauvages, corsaires et flibustiers, contre le roi très catholique d’Espagne, mettant à feu et à sang les villes espagnoles en Amérique, ne s’expliquait que par le fait que de telles incursions de pirates avaient lieu au-delà de la ligne. De même, l’Espagne et l’Angleterre entretenaient des relations diplomatiques normales sur le continent, tandis que les Sea Dogs (« Chiens de Mer »), également connus sous le nom de corsaires de la reine Élisabeth Ire d’Angleterre, attaquaient et pillaient les galions espagnols qui ramenaient en Espagne de l’or et d’autres matières précieuses.

À la fin du XIXe siècle, avec la montée en puissance des États-Unis, la crise du Ius publicum europaeum commençait. L’irruption de cette jeune puissance sur la scène européenne, oscillant entre un isolationnisme marqué, se tenant en retrait par rapport à l’Europe, et un interventionnisme humanitaire universel, modifiait radicalement la situation. L’entrée en guerre lors de la Première Guerre mondiale et les lourdes ingérences du président Wilson lors de la conférence de paix de Paris bouleversaient les règles du droit européen. La Grande Guerre avait commencé comme une guerre entre États européens à l’ancienne, où les gouvernements des pays belligérants se reconnaissaient mutuellement comme des justi hostes, et le concept d’agression n’existait pas encore dans le droit international. Une déclaration de guerre formelle avait été émise, qui jusqu’alors ne pouvait être considérée comme une incrimination ou discrimination.

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Le traité de Versailles introduisait, de manière rétroactive, une nouvelle notion de guerre, mettant en accusation l’ancien empereur Guillaume II et introduisant le concept de responsabilité de guerre et de crimes de guerre. Selon le Ius publicum europaeum, la guerre entre États souverains n’avait jamais été considérée comme un crime au sens pénal du terme, mais désormais le nouvel ordre imposé par les Américains se référait à la morale et à la politique plutôt qu’au droit, comme il aurait été juste. L’article 227 du traité de Versailles mettait en cause l’empereur Guillaume II pour une infraction indéterminée, menaçant une peine tout aussi indéterminée, avec des délégués américains demandant la condamnation pénale des chefs d’État responsables d’une guerre d’agression comme étant un « crime

Avec le traité de Versailles, une nouvelle notion de guerre fut introduite de manière rétroactive, mettant en accusation l’ancien empereur Guillaume II et introduisant le concept de responsabilité de la guerre et de crimes de guerre. Pour le jus publicum europaeum, la guerre entre États souverains n’avait jamais été considérée comme un crime au sens pénal du terme ; mais désormais, le nouvel ordre imposé par les Américains se référait à la morale et à la politique plutôt qu’au droit, comme cela aurait été juste. L’article 227 du traité de Versailles mettait en cause l’empereur Guillaume II pour un type de crime indéterminé, menaçant d’une peine également indéterminée, tandis que les délégués américains réclamaient la condamnation pénale des chefs d’État responsables d’une guerre d’agression, considérée comme un "crime moral contre l’humanité" — en somme, une véritable aberration juridique.

En 1939, le territoire du Vieux Continent fut une nouvelle fois entraîné dans une guerre entre nations européennes, dont le déroulement marqua la conséquence naturelle de la fin du jus publicum europaeum, remplacé par de nouveaux principes juridiques. La criminalisation et la déshumanisation de l’ennemi ouvrirent la voie à la férocité, chaque action visant l’anéantissement de l’adversaire. La Seconde Guerre mondiale atteignit des niveaux de cruauté qui font frémir. On revint à l’époque des guerres de religion, où les atrocités étaient la norme. Les moyens modernes d’anéantissement produisirent un nombre de victimes civiles sans précédent, et les bombardements anglo-américains terroristes et indiscriminés, visant à affaiblir la population civile, constituent des crimes qu’aucun tribunal de Nuremberg n’a jamais jugés ni condamnés.

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Depuis la fin de la guerre, l’Europe vit en paix sous le joug des États-Unis, qui se sont chargés de la défense militaire contre la menace supposée de l’URSS d’abord, puis de la Russie. Comme nous l’avons dit, aujourd’hui, avec la guerre éclatée au centre du continent, on reparle d’une Europe unie, indépendante et militairement forte. En réalité, ce qui importe, c’est que les pays européens dépensent davantage pour la Défense, au moins 2% du PIB, seuil considéré par les Américains comme le minimum indispensable pour tous les membres de l’Alliance atlantique. Les troupes auxiliaires doivent être en mesure de soutenir adéquatement l’armée de la puissance impériale à laquelle elles sont soumises. L’indépendance se révèle une pieuse illusion; l’appartenance à l’OTAN et à l’UE, qui représente désormais la branche économique de l’Alliance atlantique, anéantit toute velléité, même minime, d’autonomie. Les stratégies, les modalités d’intervention, l’entraînement, l’attribution des postes de commandement, tout est décidé au Pentagone, et les pays membres ne doivent que se plier et obéir.

Une Europe unie et indépendante représente, dans l’état actuel des choses, un objectif difficilement atteignable, tant les différences culturelles, politiques et économiques qui divisent ses peuples sont profondes. Invoquer des racines chrétiennes communes est de peu d’utilité, car d’une part, au nom de la foi, les chrétiens se sont combattus en commettant les pires atrocités, et d’autre part, le relativisme croissant empêche de considérer la religion comme un facteur d’unité. Malheureusement, les Européens continuent de se comporter comme les chapons de Renzo, se disputant pour de misérables futilités, indifférents à la situation de soumission dans laquelle se trouve notre continent.

Pendant des siècles, les États européens combatifs furent en guerre constante les uns contre les autres, mais le Vieux Continent était alors le centre du monde. Aujourd’hui, après quatre-vingts ans de paix, ces nations faibles et résignées sont réduites à de simples provinces périphériques de l’empire américain. Est-ce là notre destin ?

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Demain une guerre civile larvée outre-Atlantique?

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Demain une guerre civile larvée outre-Atlantique?

par Georges Feltin-Tracol

Au moment où sera mise en ligne la présente chronique, des millions d’électeurs des États-Unis auront donné leur voix à l’un des quinze candidats à l’élection présidentielle dont les favoris se nomment Kamala Harris et Donald Trump. La proclamation décentralisée des résultats finaux se déroulera-t-elle avec sérénité ? Difficile de le penser tant les enjeux sont cruciaux.

La médiasphère conforme s’inquiète déjà des éventuelles contestations du scrutin par l’entourage d’un ou des protagonistes. Elle martèle volontiers que l’annonce des résultats susciterait des réactions violentes au sein des « ordures », c’est-à-dire des électeurs de Trump désignés ainsi avec une rare classe par un Joe Biden de plus en plus sénile. En cas de victoire de sa vice-présidente, il est envisageable qu’elle remplace le grand-père gâteux de la Maison Blanche avant la fin de l’année 2024.

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La crainte de violences instillées par le système médiatique d’occupation mentale participe à la théâtralisation dramatique des opérations de vote. En effet, maints essais, articles et reportages radio-télévisés mentionnent une ambiance de pré-guerre civile, quel que soit d’ailleurs le vainqueur final. Faut-il vraiment croire que la première puissance mondiale serait à la veille d’une nouvelle guerre de sécession ?

Non ! Les nouvelles « Tuniques bleues » du Nord ne combattront pas les nouveaux « Ventres gris » de Dixie. Les possibles tensions n’auraient pas une audience nationale, surtout si la censure s’exerce sur les réseaux sociaux et sur Internet. Les éventuelles violences se concentreraient sur les échelles individuelle, familiale, communautaire ainsi qu’au niveau des comtés. La garde nationale de Floride ne luttera pas contre la garde nationale de Californie. Hormis la sanglante Guerre entre les États (1861 – 1865), la conflictualité aux États-Unis s’opère à un niveau territorial plus restreint. L’historien de gauche Howard Zinn en apporte des preuves dans son Histoire populaire des États-Unis (2003).

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Les guerres contre les tribus amérindiennes ne cessent pas au début du XXe siècle. Elles se poursuivent à l’occasion de manœuvres activistes radicales concertées. Du 27 février au 8 mai 1973, le FBI assiège la réserve amérindienne de Wounded Knee dans le Dakota du Sud. En 1890, la cavalerie étatsunienne y massacra plus de trois cents Amérindiens. Des activistes de l’AIM (Mouvement indien américain) exigent l’application complète des traités signés avec la Maison Blanche. On dénombre deux morts. En août 1979, des agents du FBI tuent deux autres Amérindiens dans la réserve d’Akwesasne.

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Outre les guerres contre les tribus amérindiennes, la dernière guerre de l’Ouest que raconte Loris Remondeau dans un bref essai historique disponible sous ce titre pour 6 euros (et 8 € de port) sur le site de la courageuse librairie ponote Arts enracinés se passe au Wyoming dans le dernier tiers du XIXe siècle. Dans un territoire où triomphe la loi du plus fort se déroule une variante de la « Guerre des Plaines » : la « Guerre du comté de Johnson ». Les grands éleveurs de bétail, surnommés les « barons de la viande », montent la WSGA (Wyoming Stock Growers Association), un puissant groupe de pression qui corrompt autorités politiques et judiciaires. Cette association s’oppose aux petits éleveurs qui gardent l’habitude de s’approprier des animaux non marqués, et les fermiers – cultivateurs qui enclosent leurs champs. La WSGA fait venir du Texas et d’autres contrées de l’Ouest des pistoleros qui écartent définitivement tout récalcitrant, toujours en état de légitime défense. Petits éleveurs et farmers résistent, s’organisent et combattent les hommes de main des « barons-voleurs ». Ces événements inspireront le film de Michael Cimino, La Porte du paradis (1980).

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On peut rapprocher cette guerre civile localisée à une autre micro-guerre survenue en 1920 – 1921 en Virginie-Occidentale dans le massif des Appalaches. Les compagnies propriétaires des mines de charbon répriment toute constitution de sections syndicales créées par l’IWW (Travailleurs industriels du monde), l’AFL (Fédération américaine du travail) et les Chevaliers du Travail. Elles recrutent des truands, soudoient les forces de police et font pression sur l’entourage des militants syndicaux. Les syndicalistes et les mineurs s’exaspèrent de ces menées. Ils se rendent dans le bourg de Logan où ils affrontent à balles réelles agents de police et briseurs de grève. Mobilisées, les troupes fédérales interviennent dans la bataille de Blair Mountain. Elles tirent à la mitrailleuse lourde et ordonnent un bombardement aérien. Au final, les autorités légalisent la présence syndicale dans les mines.

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Avant que commence la Guerre de Sécession se manifeste une « Guerre des frontières » aux confins du Kansas et du Missouri entre 1854 et 1861 à propos de l’esclavage. Les anti-esclavagistes, appelés Free Soilers ou Free Staters, bientôt dirigés par un illuminé fanatique selon Abraham Lincoln lui-même, John Brown (1800 – 1859), combattent les Border Ruffians. De 1704 à 1865, tout homme blanc valide en âge de porter les armes dans les États esclavagistes pouvait servir dans des patrouilles à cheval de trois à six personnes qui rattrapaient les esclaves en fuite et châtiaient les auteurs de ces évasions.

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L’année 1856 est riche en confrontations moléculaires. John Brown tue à coups de sabre cinq Border Ruffians qu’il qualifie de « serviteurs de Satan » à Pottowatomie Creek. Le 30 avril, il tente sans succès de protéger le bourg d’Osawatomie (Kansas) d’un raid massif de Border Ruffians (photo). La Guerre civile incite les belligérants à former des unités paramilitaires telles, du côté sudiste, les bushwhackers avec William Quantrill ou les frères James.

L’histoire sociologique de la violence politique aux États-Unis rapporte aussi quelques journées sanglantes. Une fusillade de la police contre des cheminots en grève de Chicago fait une vingtaine de morts, le 24 juillet 1877. Neuf ans plus tard, toujours dans la même ville, éclatent de nouveaux incidents dont le souvenir sera à l’origine de la fête du travail, le 1er mai. Les usines McCormick sont en grève. Les grévistes réclament la journée de huit heures. La police et les détectives privés de l’agence Pinkerton font feu sur les piquets de grève (deux morts et cinquante blessés). Le 4 mai, le massacre de Haymarket Square provoque douze morts dont huit policiers et cent trente blessés.

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Sait-on que la fameuse Gay Pride ou « Marche des fiertés » célèbre des émeutes survenues à New York ? Le 28 juin 1969, la police de la ville descend au Stonewall Inn. Ce bar de Greenwich Village, tenu par la mafia, accueille un public uraniste. Le raid policier inattendu suscite cinq jours d’émotions populaires. Pourquoi l’Alt Right nord-américaine ne ferait-elle pas chaque 6 janvier sa propre « Marche de l’identité, des libertés et de la vérité » en l’honneur des nombreux otages de l’État profond étatsunien ? Ce serait une répétition bien plus grande de la belle démonstration de Charlottesville.  

Il existe bien sûr d’autres exemples comme les cinquante-et-un jours de siège par le FBI du ranch de Waco au Texas qui se solda par la mort de quatre-vingt-quatre davidiens. Tous ces cas indiquent que la société étatsunienne ne s’inscrit pas dans le temps, mais plutôt dans l’espace. Il est possible que la victoire de Donald Trump ou de Kamala Harris déclenche de puissants mécontentements. Les violences sont inhérentes à l’égrégore des États-Unis. C’est un fait que ne pourra effacer aucun wokisme.

GF-T  

  • « Vigie d’un monde en ébullition », n° 132, mise en ligne le 5 novembre 2024 sur Radio Méridien Zéro.

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lundi, 04 novembre 2024

Le vieux rêve occidental: la destruction de la Russie

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Le vieux rêve occidental: la destruction de la Russie

Filip Martens

Bien que la Russie n'ait jamais attaqué l'Occident au cours de son histoire séculaire et qu'elle ait au contraire toujours été désireuse de coopérer avec lui, elle a toutefois dû se défendre contre des attaques occidentales à plusieurs reprises: par l'Ordre de Livonie en 1240-1242, par la Suède en 1708-1709, par la France en 1812, par l'Allemagne en 1914-1918 et en 1941-1945, par l'Ukraine par procuration des États-Unis en 2022 jusqu'à aujourd'hui. En effet, les puissances occidentales voyaient et/ou considèrent la Russie comme une superpuissance compétitive. Depuis l'industrialisation, on s'est également rendu compte que la Russie possédait d'innombrables matières premières en quantités gigantesques. Ainsi, les puissances occidentales voulaient et veulent toujours avoir accès aux incommensurables ressources minérales de la Russie, car elles sont nécessaires à leur industrie.

Pour ce faire, l'Occident emploie toujours une stratégie de balkanisation de la Russie. Cet article donne un aperçu des différentes tentatives occidentales visant à diviser la Russie en une multitude de petits États sans pouvoir et, par conséquent, facilement dominables.

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1916-1918 : la première tentative allemande

La stratégie occidentale de démembrement de la Russie et de pillage de ses ressources a été lancée par l'Allemagne pendant la Première Guerre mondiale. En avril 1916, la Ligue des nationalités allogènes de Russie est fondée à Lausanne. Le statut de neutralité de la Suisse donne à la Ligue l'apparence d'un non-alignement pendant la Première Guerre mondiale qui était en cours. Financée par le ministère allemand des affaires étrangères, la Ligue a pour objectif la destruction de la Russie tsariste par la création de mouvements séparatistes. Ceux-ci étaient censés « libérer » les peuples de Russie. Pour conserver l'apparence de la neutralité, la Ligue cherche à obtenir le soutien des Alliés, des États centraux [1] et des États neutres. Avec le traité de Brest-Litovsk du 3 mars 1918 entre les pays du centre et l'URSS nouvellement créée, l'Allemagne acquiert une série d'États satellites à sa frontière orientale (États baltes, Pologne, Ukraine et Finlande). Ces États satellites dépendent économiquement de l'Allemagne et sont contraints de lui fournir des matières premières. À la suite de ce traité, la Russie a perdu environ un tiers de ses terres agricoles, plus de la moitié de son industrie et la grande majorité de ses mines de charbon. Lorsque l'Allemagne elle-même s'est effondrée en novembre 1918, elle a immédiatement perdu tous ces acquis.

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1918-1939: Le prométhéisme et la stratégie d'Intermarium de la Pologne

Toujours en 1918, Jozef Pilsudski, le fondateur de la Pologne nouvellement rétablie, a lancé le prométhéisme. Ce projet visait également à balkaniser la Russie - désormais sous la forme de l'URSS - en soutenant les mouvements séparatistes parmi les peuples non russes de l'URSS. Pilsudski lui-même avait choisi le nom de « prométhéisme » en référence au Titan Prométhée de la mythologie grecque. Prométhée a volé le feu aux dieux et l'a donné aux humains. Pour cela, il a été puni pour l'éternité par Zeus. Par analogie, Pilsudski voyait la Pologne comme le Christ des peuples: de même que Jésus-Christ a apporté la lumière aux hommes, le peuple polonais apporterait la lumière aux peuples non russes qui - du moins selon la Pologne - étaient « opprimés » par l'URSS.

Le prométhéisme repose donc sur l'idée arrogante et méprisante que la petite Pologne est le leader naturel de l'Europe centrale et orientale, ce qui est une utopie compte tenu des capacités économiques et militaires limitées de la Pologne. Alors que l'ancien Commonwealth polono-lituanien (1569-1795) était territorialement le plus grand pays d'Europe, il s'agissait politiquement d'un État bi-confédéral très faible, impuissant et divisé à l'intérieur, Etat qui n'a pu exister que parce que le Brandebourg-Prusse, la Moscovie-Russie et l'Empire des Habsbourg étaient de petits États à l'époque. Une fois que ces trois États sont devenus des superpuissances, le Commonwealth polono-lituanien a disparu de la carte assez rapidement. Néanmoins, Pilsudski voyait en la Pologne une superpuissance potentielle capable de dominer les autres nations « inférieures ». C'est d'ailleurs exactement ce que le prométhéisme reprochait à l'URSS. La Pologne devait donc mobiliser et soutenir les nombreux peuples non russes de l'URSS afin de devenir elle-même dominante.

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Le prométhéisme était étroitement lié à la stratégie géopolitique de l'Intermarium de Pilsudski. Ce concept visait à réunir les États d'Europe centrale et orientale au sein d'une fédération placée sous la direction de la Pologne. Cela impliquait que ces États renoncent à leur souveraineté. En effet, Pilsudski rêvait d'une restauration territoriale et politique de l'ancien Commonwealth polono-lituanien, qui s'étendait entre deux mers (la mer Baltique et la mer Noire). D'où le nom latin « Intermarium » donné à cette vision romantique de la politique polonaise.

Dès 1918, la Pologne a soutenu des mouvements séparatistes en Carélie, dans les Pays baltes, en Biélorussie, en Ukraine, dans le Caucase et en Asie centrale. Même après l'annexion de la plupart de ces régions par l'URSS en 1921, la Pologne a continué à apporter un soutien matériel aux séparatistes émigrés.

Le prométhéisme a été une ligne directrice de la politique étrangère de la Pologne pendant l'entre-deux-guerres. En 1934, la Pologne a fondé l'organisation Prometeusz. Son siège se trouvait à Paris. Il existait des antennes à Berlin, Varsovie, Vilnius, Helsinki, Téhéran et Harbin. Cette organisation apportait un soutien financier et technique aux mouvements séparatistes des peuples non russes en URSS.

Après 1939, le prométhéisme disparaît, d'une part parce que la Pologne - une fois de plus - disparaît de la carte et, d'autre part, en raison du manque d'intérêt des Alliés. À partir de 1944, la Pologne est,une fois de plus, rétablie mais devient un État satellite de l'URSS et ne peut donc pas reprendre ses activités prométhéistes.

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1941-1945 : la deuxième tentative allemande

Au cours de la Seconde Guerre mondiale, l'Allemagne tente une nouvelle fois de détruire la Russie en lançant l'opération Barbarossa. Cette invasion à grande échelle de l'URSS visait à éliminer l'URSS en tant que superpuissance compétitive, en annexant certains pays et en en colonisant d'autres, en expulsant et en soumettant en partie la population, ainsi qu'en prélevant des produits agricoles et des matières premières. Pour balkaniser l'URSS, l'Allemagne utilise le pantouranisme, une idéologie turque qui cherche à réunir tous les peuples turcs et autres peuples altaïques en une seule unité politique et/ou culturelle sous le nom de Touran.

Un plan de propagande pan-turc émanant de la Turquie a rendu de grands services à l'Allemagne dans les régions occupées de l'URSS. L'Allemagne a ainsi recruté des « Osttruppen » pour la Wehrmacht (environ 250.000 hommes) et pour la Waffen-SS (environ 8000 hommes) [2] parmi les soldats soviétiques faits prisonniers de guerre, qui provenaient des peuples turcs d'URSS. En échange, l'Allemagne promet de rendre indépendantes les régions de l'URSS habitées par les Turcs. La guerre se termine par la destruction complète de l'Allemagne et la prise de Berlin par les troupes russes.

De 1991 à aujourd'hui: l'attaque américaine via les séparatistes, les salafistes, les pseudo-dissidents et les ONG

Lorsque l'URSS, après des décennies d'inertie économique à la fin de la guerre froide, s'est désintégrée en plusieurs États pour la plupart impuissants, dont les économies déjà faibles se sont ensuite complètement effondrées au cours des années suivantes, cela a évidemment offert d'énormes perspectives stratégiques aux États-Unis en tant que seule superpuissance restante. Après tout, toutes les anciennes républiques soviétiques pouvaient désormais être facilement infiltrées et déstabilisées. Depuis lors, les États-Unis et leurs alliés européens ont déstabilisé, (tenté de) changer de régime, semé la mort et la destruction dans les pays de l'ex-URSS pendant des décennies, dans leur vaine tentative de détruire géopolitiquement la Russie. En Géorgie, au Kazakhstan, en Ukraine, en Ouzbékistan, en Russie et au Belarus, entre autres, les Américains ont clairement laissé leur marque. Et aujourd'hui, l'infiltration américano-européenne en Arménie et en Moldavie est évidente.

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Mais les États-Unis visent surtout à détruire la Russie. Pour ce faire, ils soutiennent des mouvements séparatistes, souvent salafistes (en Tchétchénie en 1991-2006, au Daghestan en 1999-2012, en Bachkirie en 2005,...). Par ailleurs, les États-Unis tentent - en vain - d'établir des mouvements dissidents en Russie. Le recrutement d'un personnage d'extrême droite et raciste comme Aleksey Navalny, qui a ensuite été présenté à l'Occident comme un « combattant contre la corruption » et un « leader de l'opposition démocratique », est bien connu.

En outre, les États-Unis déstabilisent la Russie par l'intermédiaire de diverses organisations non gouvernementales (ONG). Il s'agit d'organisations qui ont l'apparence d'être indépendantes des gouvernements mais qui sont en réalité contrôlées par le département d'État américain.

Il y a par exemple la National Endowment for Democracy (NED), un outil américain issu de la CIA pour saper les gouvernements dans tout le monde non occidental, instiguer des révolutions de couleur et promouvoir des changements de régime. Cette ONG est directement financée par le gouvernement américain. La NED s'est immiscée dans les élections russes et a constitué une menace pour les institutions constitutionnelles de l'État, la défense et la sécurité nationale de la Russie. Sur la base de la loi de 2012 sur les agents étrangers - qui a été remplacée en 2015 par la loi sur les organisations indésirables [3] - la NED est devenue la première organisation à être interdite en Russie en 2015.

L'ONG Freedom House (FH) est également financée par le département d'État américain. FH finance diverses organisations subversives et des politiciens pro-américains dans des pays du monde non occidental, y compris en Ukraine avant le coup d'État américain de 2014 déguisé en « révolution de Maïdan ». Dans le même temps, la FH sympathise fortement avec les régimes pro-américains. Il n'est donc pas surprenant que cette ONG ait été interdite en Russie en mai 2024 sur la base de la loi susmentionnée sur les organisations indésirables.

L'ONG bien connue mais controversée Amnesty International (AI) est financée par la Commission européenne, la Fondation Ford, la Fondation Rockefeller et les gouvernements britannique, américain et autres. Amnesty International a la sombre réputation de publier des rapports inexacts sur les pays, de collaborer avec des organisations dont le bilan en matière de droits de l'homme est douteux, de faire preuve de partialité idéologique et de politique étrangère, ainsi que de pratiquer une forte discrimination institutionnelle au sein de sa propre organisation. De nombreux États, dont la Russie, ont critiqué l'évaluation de leurs politiques par AI, estimant qu'il s'agissait de rapports partiaux ou d'une réticence à voir les menaces pour la sécurité nationale [4].

En outre, l'Open Society Foundation (OSF) de George Soros, financier notoire des changements de régime, est également interdite en Russie - en tant que troisième organisation en vertu de la loi sur les organisations indésirables - depuis le 1er décembre 2015. En effet, les activités de l'OSF et de l'Open Society Institute Assistance Foundation constituent une menace pour le système constitutionnel et la sécurité nationale de la Russie. L'OSF est un réseau international de financement basé aux États-Unis qui dispose de plusieurs milliards de dollars provenant de la fortune de Soros.

Les objectifs des États-Unis sont primo d'éliminer un rival géopolitique (en divisant la Russie en toute une série d'États impuissants et ipso facto facilement manipulables) et secundo d'avoir accès à l'incommensurable richesse en ressources de la Russie (dont l'industrie occidentale a besoin). Toutefois, les peuples que les États-Unis sont censés vouloir « libérer » n'ont jamais indiqué qu'ils souhaitaient quitter la Russie.

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2022-présent: renaissance du prométhéisme et de la stratégie Intermarium en Pologne

Parallèlement aux États-Unis, la Pologne poursuit à nouveau la balkanisation de la Russie. Le 22 novembre 2007, une statue de Prométhée a été inaugurée à Tbilissi, la capitale géorgienne, par le président géorgien Mikhaïl Saakachvili et le président polonais Lech Kaczynski. Cette statue n'a pas été érigée en Géorgie par hasard, car selon la mythologie grecque, Prométhée aurait été enchaîné à une colonne et torturé par Zeus dans le Caucase. La statue symbolisait les efforts de la Pologne et de la Géorgie pour obtenir leur indépendance de la Russie et de l'URSS.

Le prométhéisme est redevenu d'actualité au début de la guerre russo-ukrainienne en 2022. Le Forum des nations libres de l'après-Russie (FNRF) est un mouvement basé en Pologne composé d'hommes politiques et de militants libéraux exilés de Russie, de mouvements régionalistes et séparatistes, ainsi que de sympathisants étrangers. Les membres du FNRF sont inconnus du public russe et connaissent peu la société russe.

Le FNRF, fondé en 2022, prône la dissolution de la Russie – dans pas moins de 34 Etats ! – et dans certains cas même pour la dérussification de certaines régions russes. Divers hommes politiques, diplomates et analystes occidentaux participent souvent au FNRF. Le 31 janvier 2023, une réunion du FNRF a même eu lieu au Parlement européen à Bruxelles. Le 31 mars 2023, le FNRF a été interdit par la Russie en tant qu'« organisation indésirable » (cf. supra).

Les activités du FNRF confirment la rhétorique du gouvernement russe selon laquelle l’Occident veut diviser et détruire la Russie. Le professeur Marlène Laruelle de l'Université George Washington a averti que les hommes politiques occidentaux ne devraient pas confondre les déclarations radicales des exilés politiques avec les opinions des citoyens russes, faisant explicitement référence à l'appel du FNRF à « la libération des nations prisonnières », une expression qui remonte à la Première Guerre mondiale (cf. supra).

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Le 25 juillet 2022, Ramzan Kadyrov, président de la République russe de Tchétchénie, s'est longuement moqué du FNRF: « Il y a plus de 20 ans, l'Occident a commis la première violation de l'intégrité de la Russie en République tchétchène, en alimentant les terroristes étrangers avec de l'argent et en inventant une légende sur la liberté. (…) En général, messieurs les pseudo-libéraux, je ne peux que vous remercier d’avoir confirmé les propos des plus hauts dirigeants russes sur les tentatives de désintégration du pays» [5].

La Pologne prométhéiste continue ainsi de promouvoir la sécession des peuples non russes en Russie dans le but ultime de la dissolution et de l'élimination complète de la Grande Russie, afin qu'elle ne puisse plus constituer une menace pour l'aspiration polonaise à l'Intermarium, à nouveau bien vivante en Pologne. Par exemple, le 15 février 1991, la Pologne, la Tchécoslovaquie et la Hongrie ont fondé le Groupe de Visegrad en tant qu'organisation de coopération régionale. Le 6 août 2015, le président polonais Andrzej Duda a annoncé la création d'une alliance régionale des États d'Europe centrale selon l'idée d'Intermarium. Celui-ci est devenu l'organisme consultatif régional Initiative des Trois Mers, qui réunit douze États membres de l'UE entre les mers Baltique, Noire et Adriatique.

La Pologne se considère toujours supérieure à la Lituanie et à l’Ukraine, entre autres. Ces autres peuples devraient encore accepter la domination polonaise, ce qui est insultant, voire humiliant.

Puisque les États-Unis veulent déplacer leurs ressources militaires et financières vers l’Asie du Sud-Est, où ils veulent affronter la Chine, ils penchent actuellement vers l’externalisation de la guerre en Ukraine et menacent la Russie par le truchement de son État satellite, l’Allemagne, contrôlé par les Etats-Unis depuis 1945. Les troupes allemandes sont utilisées et très strictement surveillées par les services de renseignement américains. Cela se reflète dans l’installation de bases militaires allemandes en Lituanie et en Pologne et dans divers projets du gouvernement allemand visant à développer considérablement l’armée. Par exemple, entre 2015 et 2020, les dépenses de défense ont été augmentées pour moderniser l’armée et augmenter le nombre de soldats (jusqu’à 185.000), de véhicules blindés de transport de troupes, de sous-marins et d’avions. Au cours de la période 2020-2030, d’importants investissements supplémentaires seront réalisés dans des troupes supplémentaires et de nouveaux équipements. En 2023, le nombre de soldats avait encore augmenté (de 7000). 20.000 soldats supplémentaires ont été ajoutés en 2024. Dans le même temps, le ministre allemand de la Défense Boris Pistorius a annoncé que l'Allemagne devait être prête à la guerre d'ici 2029. Il s’agit de la première expansion militaire allemande depuis la fin de la guerre froide.

En outre, l’Allemagne encourage à son tour la Pologne, future superpuissance, à promouvoir la stratégie Intermarium pour tenter d’affaiblir la Russie. Il semble donc qu’une troisième tentative allemande soit en route…

Notes:

  1. (1) Les centres étaient constitués de l'Allemagne, de l'Autriche-Hongrie, de la Bulgarie et de l'Empire ottoman.
  2. (2) DECORDIER (B.), The Fedayeen of the Reich : Muslims, Islam and collaborationism during World War II, dans : China and Eurasia Forum Quarterly, volume 8, no. 1, 2010, pp. 28.
  3. (3) La loi russe sur les organisations indésirables du 23 mai 2015 donne aux procureurs le pouvoir de déclarer les organisations étrangères et internationales « indésirables ». Cette loi prévoit l'interdiction de mener des activités en Russie, de lourdes amendes et des peines de prison en cas de non-respect de la loi, ainsi que l'interdiction pour les citoyens russes de maintenir des liens avec ces organisations. Cette loi a été votée pour contrer les nombreuses organisations libérales occidentales qui menaient des activités subversives en Russie.
  4. (4) LARUELLE (M.), Putin’s war and the dangers of Russian disintegration, dans : Foreign Affairs, 9 décembre 2022.
  5. (5) Compte Telegram de Ramzan Kadyrov, dd. 25 juillet 2022.

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Le concept de « civilisation » et ses labyrinthes

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Le concept de « civilisation » et ses labyrinthes

Raphael Machado

Source: https://novaresistencia.org/2024/10/23/o-conceito-de-civilizacao-e-os-seus-labirintos/

Le mot « civilisation » est utilisé librement comme si sa signification était évidente. Mais le contenu du concept de « civilisation » varie et on peut se demander s'il est même possible de parler de « civilisation » au singulier.

Comme il est très courant au Brésil que tout débat soit extrêmement tardif, on débat aujourd'hui de la question de savoir si le Brésil est « occidental » ou non. Certains grands Brésiliens, en avance sur leur temps, comme Gilberto Freyre, Darcy Ribeiro, Sérgio Buarque de Holanda, Plínio Salgado, entre autres, considéraient comme un point de paix que le Brésil fasse partie d'une civilisation « latino-américaine » (dans un autre texte, j'ai déjà expliqué pourquoi je rejetais ce terme au profit d'« ibéro-américaine »), et pas d'une autre.

Mais comme les générations nées et éduquées dans la Sixième République (brésilienne) sont, malheureusement, moins brillantes que les précédentes, surtout dans leurs couches intellectuelles, nous voilà en train d'essayer de réinventer la roue et de redécouvrir le feu - et, pire encore, de fulminer, de s'agiter et de se débattre quand un étranger, raisonnablement intelligent et plus versé que nous dans notre littérature ibéro-américaine, vient nous dire : « vous n'êtes pas Occidentaux, mais quelque chose d'autre, quelque chose de nouveau et de particulier ».

Le concept même de civilisation est controversé, car le mot a été utilisé par différents auteurs et à différentes époques pour signifier différentes choses.

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Pour Norbert Elias, il ne sert qu'à décrire un processus de « domestication humaine » au fil du temps par le progrès technique, la bureaucratisation et la centralisation des relations humaines. Chez Morgan, Engels, Comte et d'autres, elle apparaît comme une « phase » dans une évolution des formes sociales, généralement après la « sauvagerie » et la « barbarie ». Pour eux, comme pour la quasi-totalité des penseurs des Lumières et de la modernité, il n'y a qu'une seule civilisation, la civilisation « humaine », et l'histoire de l'humanité est l'histoire des progrès de cette seule civilisation.

Les « penseurs du soupçon » comme Nietzsche ont heureusement enterré tout l'optimisme positiviste et scientifique du 19ème siècle et ont irrévocablement oblitéré toute notion philosophique de « progrès », d'« humanité » et d'autres insanités similaires - qui n'ont réussi à prospérer dans la période de l'après-Seconde Guerre mondiale non pas par mérite philosophique, mais par imposition.

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La civilisation apparaît chez Oswald Spengler comme le « miroir » de la culture, avec un sens pluraliste. Les civilisations seraient les phases tardives et mécanistes des cultures, qui auraient un caractère plus organique et spontané. C'est ainsi qu'il apparaît déjà chez Richard Wagner, par exemple, et qu'il apparaîtra également chez Thomas Mann. Ici, les civilisations sont déjà locales, territorialisées, comme des systèmes historico-culturels complexes supra-ethniques à grande échelle, dotés d'une même vision du monde, d'un même fondement paradigmatique.

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D'autres auteurs comme Nikolai Danilevsky (qui a précédé Spengler), Arnold Toynbee, Pitirim Sorokin, et d'autres grands théoriciens des civilisations ne travailleront pas avec une distinction aussi rigide entre Culture/Civilisation (qui est un thème typique de la pensée allemande), mais ils consacrent cette notion territorialisée, pluraliste et synchronique des civilisations.

Nulle part, dans aucun auteur, n'apparaît la notion d'équivalence entre « civilisation » et « hémisphère ». Il n'y a évidemment pas deux civilisations sur la planète, l'une « occidentale » et l'autre « orientale » - donc parler de « civilisation occidentale » ne présuppose pas une « civilisation orientale » et vice-versa. En fait, j'imagine qu'aucun théoricien de la civilisation n'a jamais envisagé cette possibilité, mais c'est pourtant ce qui guide les réflexions brésiliennes sur la place du Brésil dans ce débat.

Dans cette logique, Brésiliens, Américains, Anglais, Portugais, Tupis et Yorubas appartiennent à la même « civilisation occidentale » - ce qui implique que Polonais, Ethiopiens, Persans et Japonais appartiennent à la même « civilisation orientale ». Quiconque le peut devrait essayer de comprendre un tel raisonnement.

Cette vision pluraliste, synchronique et organiciste des civilisations est presque toujours associée aux « théories des cycles sociaux ». Les théoriciens des civilisations sont presque toujours aussi les tenants d'une vision cyclique du développement des structures socioculturelles humaines, inspirée aussi bien par Giambattista Vico, Hegel et Ibn Khaldun que par les perspectives antiques du passage des « âges ».

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Pour Nikolaï Danilevsky, les civilisations sont les suivantes : 1) égyptienne, 2) assyrienne-phénicienne-babylonienne, 3) chinoise, 4) chaldéenne, 5) indienne, 6) iranienne, 7) hébraïque, 8) grecque, 9) romaine, 10) arabe, 11) romano-germanique (européenne). Danilevsky considère que le type historico-culturel slave en est encore à ses balbutiements, mais qu'il a pour mission de mûrir en tant que civilisation. Selon lui, une « civilisation américaine » émergerait également à terme.

Pour Oswald Spengler, on peut parler des cultures suivantes : 1) égyptienne, 2) babylonienne, 3) indienne, 4) chinoise, 5) mésoaméricaine, 6) gréco-romaine (apollinienne), 7) perso-arabo-byzantine (magique), 8) occidentale (faustienne), 9) russe. Spengler n'a pas nié l'existence d'autres cultures, et cette liste n'est pour lui qu'un exemple. Il n'en retient d'ailleurs que trois, l'apollinienne, la magique et la faustienne dans ses analyses, mais remarque avec intérêt que l'on assiste à la naissance d'une nouvelle civilisation, la russe. Spengler a en effet eu un grand impact sur l'Amérique latine, notamment sur le Brésil dans les années 30.

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Arnold Toynbee en énumère un nombre beaucoup plus important : 1) minoenne, 2) shang, 3) indienne, 4) égyptienne, 5) sumérienne, 6) andine, 7) maya, 8) hellénique, 9) syrienne, 10) sinique, 11) indienne, 12) hittite, 13) babylonienne, 14) yucatèque, 15) mexicaine, 16) occidentale, 17) orthodoxe-russe, 18) orthodoxe-byzantine, 19) iranienne, 20) arabe, 21) chinoise, 22) japonaise-coréenne, 23) hindoue.

Il existe également d'autres listes et classifications, comme celles de Gobineau, Leontiev, Quigley, Sorokin, Koneczny, Bagby et Coulborn, et certaines très célèbres et récentes, comme celle de Samuel Huntington, qui énumère les civilisations suivantes : 1) l'occidentale, 2) l'orthodoxe, 3) l'islamique, 4) la bouddhiste, 5) l'hindoue, 6) l'africaine, 7) la latino-américaine, 8) la sinique, 9) la japonaise.

La classification de Huntington est curieusement controversée pour un certain nombre de raisons contradictoires. Certains atlantistes lui reprochent de « nier » le projet panaméricain, qui fait partie de la géopolitique atlantiste depuis la doctrine Monroe. Chez certains catholiques latino-américains, en revanche, cette théorie nierait notre appartenance à la « civilisation judéo-gréco-romaine », qui serait la civilisation « occidentale » à laquelle ils pensent appartenir. Les atlantistes slaves reprochent également à Huntington de vouloir que leurs pays (même la Russie !) soient considérés comme faisant partie de la « civilisation occidentale ».

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Mais de notre point de vue, la classification de Huntington, héritée par exemple par Douguine, est extrêmement méritoire et peut être considérée comme un triomphe de l'« Arielisme » de José Enrique Rodó, l'un des premiers ouvrages à esquisser avec force et exhaustivité une opposition radicale et fondamentale entre l'Amérique anglo-saxonne et l'Amérique ibérique/latine comme appartenant à des civilisations différentes.

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Cet Arielisme, qui fonctionne en distinguant les figures archétypales d'Ariel et de Caliban, déduites des œuvres shakespeariennes, opposera le spiritualisme latino-américain au matérialisme anglo-saxon, tout en soulignant une pluralité d'autres oppositions qui font qu'il est impossible de concevoir les deux sphères comme appartenant à la même vision du monde. Cet Arielisme influencera toute la pensée de José Vasconcelos, Manuel Ugarte, Haya de la Torre et des Brésiliens cités plus haut.

Ce « détachement » ibéro-américain de l'Occident, quand « Occident » signifie « Amérique du Nord », est un mouvement similaire à celui qu'Alain de Beonits, Claudio Mutti, Giorgio Locchi ou encore Régis Debray ont tenté d'opérer pour détacher l'Europe et sa civilisation de l'Occident nord-américain.

En ce sens, il n'y a pas de rupture dans la négation de notre occidentalisation, puisque l'Occident est lui-même la négation de l'Europe. Et comme, bien sûr, il serait absurde de prétendre être « européens » (même si nous sommes clairement des fruits de l'Europe et des héritages de sa civilisation) ou de nier nos racines indigènes et africaines, il n'y a aucun moyen de nier, de contrer ou de surmonter notre statut de Latino-Américains, d'Ibéro-Américains.

En fait, la confusion entre Notre Amérique et l'Occident (dans un Occident qui, lui-même, confond déjà l'Amérique du Nord et l'Europe) est devenue un élément central d'un récit atlantiste et néoconservateur, commun à l'« alt-right », qui, par « civilisation occidentale », entend la défense d'une vision du monde individualiste, thalassocratique, matérialiste et commerciale, qui inclut également des éléments étrangers aux racines judéo-sémitiques.

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mardi, 08 octobre 2024

Octobre 1993, Eltsine au service de l'atlantisme bombarde le parlement russe

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Octobre 1993, Eltsine au service de l'atlantisme bombarde le parlement russe

Luca Bagatin

Source: https://electomagazine.it/ottobre-1993-eltsin-al-servizio...

En octobre de l'Année Horrible 1993, alors qu'en Italie sévissait ce que Bettino Craxi a appelé à juste titre la « fausse révolution de Tangentopoli » qui, en éliminant sous la hache politico-médiatique les partis démocratiques de gouvernement, à savoir la DC, le PSI, le PSDI, le PRI et le PLI, a mis fin à 50 ans de démocratie dans le pays, il s'est produit à peu près la même chose dans la Russie néo-eltsinienne. Mais de manière plus violente et plus sanglante.

C'était les 3 et 4 octobre 1993, lorsque des troupes russes, sur ordre de Boris Eltsine, ont bombardé le bâtiment du Parlement, c'est-à-dire le Congrès des députés du peuple.

C'était le point culminant de ce coup d'État libéral et blanc, qui s'attaquait au cœur de la démocratie russe, c'est-à-dire à la République socialiste fédérative de Russie (RSFR).

Près de 2500 personnes ont été tuées.

Tout commence par la crise constitutionnelle du 21 septembre 1993, lorsque Eltsine, président de la RFSR, décide de dissoudre le Congrès des députés du peuple et son Soviet suprême, accusant les députés d'être « trop communistes ».

Un acte totalement anticonstitutionnel, autoritaire, un coup d'État, mais que les médias occidentaux ont fait passer pour un acte de grande démocratie, comme l'ont été tous les actes néfastes d'Eltsine. Il s'agit du plan de vente des actifs de l'État soviétique et de leur répartition ultérieure entre oligarques et criminels.

Le parlement russe s'est opposé à ce plan, honteusement qualifié de « réformiste ».

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Le vice-président Alexandre Routskoï - qui a pris la défense du Parlement - a dénoncé le programme libéral d'Eltsine en le qualifiant de « génocide économique », notamment parce qu'il appauvrissait la population de façon dramatique et spectaculaire.

Le Parlement - après la demande de dissolution - s'est donc empressé de remplacer Eltsine par Routskoï, mais le Président a répondu, les 3 et 4 octobre, en envoyant des forces spéciales et des chars, qui ont bombardé le siège de la démocratie soviétique, les députés étant enfermés à l'intérieur.

Des affrontements violents ont eu lieu, même dans les rues, entre les forces spéciales et les citoyens venus défendre - avec des drapeaux rouges frappés de la faucille et du marteau et des portraits de Lénine à la main, mais aussi avec des drapeaux tsaristes - la légitimité du Parlement et ce qui restait des conquêtes socialistes et soviétiques.

Des conquêtes soutenues par les néo-monarchistes tsaristes, qui se sont battus avec leurs anciens ennemis, les communistes, pour défendre ce qui restait de la démocratie russe.

Malgré une résistance populaire héroïque, les forces d'Eltsine ont encerclé la Maison Blanche, siège du Parlement, qui a été conquis.

La suite de l'histoire est connue.

Les opposants au coup d'État libéral d'Eltsine se regroupent au sein du Front patriotique ou Front de salut national, composé de plusieurs partis communistes nouvellement créés, dont les communistes dirigés par Gennady Ziouganov et les Bolcheviks nationaux dirigés par l'écrivain Eduard Limonov, qui avait participé activement à la défense du parlement, tandis que son épouse de l'époque, la chanteuse et poétesse Natalya Medvedeva, avait lancé un appel contre le coup d'État - également publié dans la presse française de l'époque - et signé par de nombreux artistes et intellectuels russes.

Malgré cela, l'oligarchie libérale-capitaliste l'a emporté.

En Russie, le communisme, qui a émancipé le peuple depuis 1917, est, sinon interdit, du moins assimilé au fascisme. Et le bradage de l'État et le démembrement des anciennes républiques soviétiques, devenues la proie des oligarques, des hommes d'affaires, des mafiosi et des néo-nazis, se poursuivent. Un bradage qui n'a pas pris fin avec la transition entre Eltsine et Poutine, qui a poursuivi le démantèlement du système social et économique soviétique.

Aujourd'hui encore, la majorité des citoyens russes n'a pas oublié. Et de nombreuses familles des victimes de l'époque, ainsi que de nombreux citoyens, défilent encore avec des pancartes portant les photos de leurs proches, de leurs amis, de leurs parents et de leurs connaissances tués lors des affrontements.

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En 1993, un essai intéressant intitulé « L'énigme Gorbatchev », écrit par Egor Ligatchev, que j'ai mentionné ici, a été publié en Italie par l'éditeur Roberto Napoleone : https://amoreeliberta.blogspot.com/2023/02/egor-ligaciov-il-riformista-leninista.html

Ligatchev, représentant réformiste du PCUS, puis âme réformiste et modérée de l'opposition menée par le Parti communiste de la Fédération de Russie, a très bien expliqué la tension de ces années et les raisons qui ont conduit à cette tension, qui perdure encore aujourd'hui à l'Est, avec des guerres fratricides qui semblent dramatiquement ne pas avoir de fin. Voir le conflit russo-ukrainien.

Ces passages de Ligatchev sont très intéressants : « Le véritable drame de la perestroïka réside dans le fait que ses dirigeants, au lieu d'utiliser l'arme normale de la critique contre les soi-disant conservateurs, leur ont fait la guerre et, engagés dans cette voie, n'ont pas vu - ou n'ont pas voulu voir - le vrai, le grand, le principal danger qui montait progressivement : le nationalisme et le séparatisme ».

Les conclusions de Ligatchev sur la nécessité de récupérer l'idée socialiste démocratique, qui a été détruite au milieu des années 1990, tant en Italie (avec la destruction du PSI de Bettino Craxi et du PSDI de Pietro Longo, un leader malheureusement oublié auquel j'ai consacré plusieurs articles) que dans le reste de l'Europe (après la disparition de Mitterrand et des grands leaders socialistes européens des années 1970 et 1980) sont très intéressantes : « Je suis convaincu que le socialisme est l'une des voies qui mènent au progrès universel. Comment est-ce que je comprends le socialisme ? Une société dans laquelle l'homme et la démocratie sont prioritaires. La base économique du socialisme est la propriété sociale des moyens de production, mais sous des formes différenciées: l'homme devient copropriétaire, et la planification et le marché libre coexistent.

La base politique de ce régime est le soviet à tous les niveaux et l'État de droit. Sur le plan moral, c'est une société où les valeurs individuelles sont sublimées en valeurs socialistes ; sur le plan social, c'est un régime de justice sociale, sans oppression ni injustice, une société où il n'y a pas de chômage et où le droit au travail est garanti à chacun ».

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lundi, 07 octobre 2024

De Theodor Herzl au sionisme contemporain

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De Theodor Herzl au sionisme contemporain

Par Robert Steuckers

Jean Mabire, me dit-on, était fasciné par les « éveilleurs de peuple », Grundvigt, Petöfi, Pearse, etc. Par l’Abbé Cyriel Verschaeve mais aussi par le personnage juif viennois Theodor Herzl qui a lancé l’idée d’un retour à une terre pour les populations juives d’Europe centrale et orientale, et, au départ, ce n’était pas nécessairement la Palestine alors sous administration ottomane. Examinons d’abord le contexte dans lequel Herzl a évolué à Vienne à la fin du 19ème siècle : c’est tout d’abord le fameux « mouvement des nationalités » qui a animé toute l’Europe depuis l’effondrement des projets napoléoniens suite à la campagne désastreuse de Russie et à la bataille de Waterloo. L’émancipation par les idées universalistes des Lumières et de la révolution française ne fait plus recette. Les peuples entendent se libérer en adoptant des valeurs qui leur sont propres, dans des territoires matriciels, légués par leurs ancêtres, organisés par le droit coutumier (et non plus par les codes dérivés de l’idéologie des Lumières). Herzl nait dès lors dans un monde juif, travaillé lui aussi par les idées du « mouvement des nationalités ». Des penseurs juifs comme Léon Pinsker et Moses Hess ont pensé, sans succès, l’émancipation juive, l’hypothèse sioniste et la problématique des langues à adopter bien avant Herzl, de loin leur cadet.

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Moses Hess, né à Bonn en 1812, sera d’abord un compagnon de route de Karl Marx et de Friedrich Engels, les accompagnera dans leurs exils à Bruxelles puis à Paris. Il sera un théoricien du socialisme qui finira toutefois par critiquer l’idée marxienne de la « lutte des classes » pour le remplacer par la « lutte des peuples » voire la « lutte des races ». Hess, conscient que les populations juives ne seront jamais pleinement acceptées en Europe, théorisera un socialisme, non plus basé sur les idées révolutionnaires habituelles, mais sur des fondements scientifiques, biologiques, qui conduisent à rejeter l’universalisme, introuvable si on adopte une démarche scientifique, et à explorer les particularités réelles, tangibles, concrètes de chaque population. Pour ses lecteurs juifs, ce recours aux particularités ethniques (ou ethno-religieuses) implique une ré-immersion dans le judaïsme traditionnel. Hess développera toutefois un système de pensée plus complexe : le judaïsme est une « nationalité » (biologique) avant d’être une religion ; le modèle à suivre est celui du Risorgimento italien de Mazzini, parce que l’unification italienne confirme le primat de la nationalité sur les entités étatiques jugées par lui obsolètes, parce que dominées par l’étranger ou par des dynasties ; le judaïsme d’avant-garde mêlera, selon Hess, socialisme (national) et aspiration à la construction d’un Etat propre « sur la terre des pères » et, en attendant, les juifs peuvent, s’ils le souhaitent, se replier sur l’orthodoxie religieuse pour conserver leur identité profonde, tout en rejetant le « judaïsme réformiste » et libéral, lié aux idéaux éthérés des Lumières.

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Léon Pinsker, né en 1821 en Pologne russe, était médecin de profession. Son engagement intellectuel fut profondément influencé par l’antisémitisme pogromiste russe qui sévissait au 19ème siècle, surtout après l’attentat qui coûta la vie au Tsar Alexandre II, émancipateur des paysans et conquérant de l’Asie centrale. La violence des pogroms et la judéophobie (qu’il perçoit comme une maladie psychique héréditaire, perceptible dans toute l’Europe et pas seulement en Russie) le conduisent à rejeter le judaïsme assimilationniste et humaniste du mouvement libéral Haskala au profit d’une vision « auto-émancipatrice » qui réclamera l’avènement d’un « Etat juif » quelque part dans le monde. Ses idées trouveront un cénacle, en Roumanie et à Odessa, qui les discutera et cherchera à les faire avancer dans les esprits, le Chovevei Zion ou Chibbat Zion qui rejoindra les « Congrès sionistes » lancés par Herzl et sera dissous par les Bolchéviques dès qu’ils arriveront au pouvoir.

Telles sont les racines majeures du sionisme (il y en a d’autres) avant l’entrée en scène du personnage qui nous intéresse au premier plan aujourd’hui. Les ambitions du jeune Theodor Herzl étaient, au départ, de devenir un « écrivain allemand », auteur de pièces de théâtre populaires. Il se décarcassera de toutes les façons pour promouvoir ses œuvres et les faire jouer par les théâtres allemands et autrichiens : il ne connaîtra qu’un succès très mitigé. Il déménage en France en 1891 où il exerce la fonction de correspondant à Paris du quotidien viennois Die Neue Freie Presse. Mais le contexte social et politique, qu’il observe dans la capitale française en tant que journaliste politique, le force à réfléchir sur sa judéité : en 1892, le marquis de Morès, lors d’un meeting antisémite, « réclame l’expulsion de Rothschild de la Banque de France » et « l’interdiction aux étrangers et aux Juifs du sol français ». En même temps, le journal La libre parole d’Edouard Drumont, lancé en 1892, publie une série d’articles, signés « Lamasse », dénonçant « l’influence juive dans l’armée ». Drumont est provoqué en duel et est blessé. Pour le venger, le marquis de Morès défie le témoin adverse, le Capitaine Armand Mayer, qui sera mortellement blessé lors du duel. Tels furent les prémisses de l’affaire Dreyfus. Le ministre de la guerre, Charles de Freycinet, fustige la volonté des antisémites de dresser les officiers les uns contre les autres pour des raisons d’ordre confessionnels. Mais les admonestations du ministre ne diminuent pas la virulence antisémite qui secoue la France de l’époque. Drumont redouble de zèle, accuse les députés d’être soudoyés par Alphonse de Rothschild. Le député radical Auguste Burdeau le traîne en justice et c’est Théodor Herzl qui couvre le procès pour son journal viennois. Ensuite, la même année, le procès du scandale de Panama, suscite à nouveau les passions (antisémites) : la « Compagnie du Canal de Panama » a fait faillite en dépit du prestige de Ferdinand de Lesseps (artisan du Canal de Suez). L’ingénieur et son fils sont cités devant les tribunaux parisiens, de même que les financiers Jacques de Reinach et Cornélius Herz (naturalisé américain). Les deux banquiers sont de confession israélite. Herzl assiste au procès pour le compte de son quotidien. Drumont dénonce la corruption de nombreux parlementaires. C’est là que tout va basculer : Herzl constate que si aucun des administrateurs de la Compagnie n’est juif, la présence des deux banquiers de confession mosaïque déclenche la fureur des actionnaires floués et des masses.

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Il prendra ainsi conscience de sa judéité et abandonnera progressivement ses vues assimilationnistes, propres aux Juifs libéraux. Il hésite toutefois à se convertir, lui et ses enfants, pour échapper à la vindicte antisémite. Mais il ne franchit pas le pas : « J’offenserai mon père par cela » et « on ne doit pas abandonner le judaïsme quand il est attaqué ». La conversion totale est impossible, constate-t-il. Drumont est donc en quelque sorte le déclencheur de ce mouvement sioniste qui réussira finalement, le sionisme antérieur, balbutiant, n’étant qu’un jeu intellectuel, propre à quelques rêveurs lettrés que les Juifs de base, tant en Europe centrale et orientale qu’en France ou ailleurs en Occident, ne comprennent guère. A l’ouvrage pamphlétaire de Drumont, Le Testament d’un antisémite (1891), et à celui du boulangiste Gabriel Terrail (alias « Mermeix »), Les antisémites en France, Herzl estime qu’il faut apporter une réponse et, en même temps, trouver une solution originale à l’antisémitisme qu’ils propagent dans le public.  Herzl estime, suite à sa lecture attentive de la presse antisémite française, que les cataclysmes, que l’antisémitisme peut provoquer, seront finalement un « rude mais bonne épreuve ».

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En janvier 1893, Regina Friedlander propose à Herzl de diriger le journal Das Freie Blatt, organe de la ligue autrichienne contre l’antisémitisme. Il va toutefois décliner cette offre car, écrit son biographe Rozenblum (cf. infra), « il ne croit pas à l’efficacité des sempiternelles protestations contre les déchaînements antisémites ». Que faire alors ? Se fondre dans le peuple par le truchement de la conversion ? L’idée le stimule un moment. Avec le baron Leitenberger, de la ligue autrichienne contre l’antisémitisme, il concocte le plan d’aller trouver le pape pour lui demander d’aider les Juifs contre la hargne qui les poursuit partout, en échange de lancer, au sein de toutes les communautés israélites, un vaste plan pour pousser les Juifs à la conversion au christianisme.

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Les événements, qui se succèdent à un rythme effréné, le distraient encore du projet sioniste qu’il rumine en ses heures creuses. Ainsi, à la fin de l’été 1894, après avoir couvert le procès de l’anarchiste italien Sante Caserio qui avait poignardé à mort le Président de la République, Sadi Carnot, il retourne pour quelques semaines de vacances à Vienne. Dans la capitale de l’empire austro-hongrois, l’antisémitisme fait également recette : le maire de la ville, Karl Lüger, avait surfé sur la judéophobie latente du petit peuple viennois, déclenchant, dans la foulée, une série d’incidents et d’agressions hostiles à des personnalités juives dont Nothnagel, président de la ligue contre l’antisémitisme. Lüger, qui fut, au début de sa carrière, l’avocat des pauvres, avait été élu trois fois maire de Vienne sans obtenir l’aval de l’empereur. Sous pression du Pape Léon XIII, Lüger, qui se définissait comme « chrétien-social », finit par être nommé bourgmestre de la capitale autrichienne, qu’il gouvernera de main de maître, tout en lançant des projets urbanistiques grandioses qui ne furent que partiellement réalisés car la Grande Guerre rétrogradera la métropole impériale au rang de capitale d’un petit Etat alpin enclavé. Antisémite avéré qui fustigeait à la fois les banquiers, les immigrants juifs miséreux venus des ghettos du monde slave et les journalistes critiques de sa politique (étiquetés « juifs de l’encrier » / « Tintenjuden »), Lüger était parfaitement et machiavéliquement conscient de la portée de ses discours : il percevait l’antisémitisme comme un excellent tremplin électoral, comme une stratégie d’agitation efficace et comme un « sport aimé de la populace » (« Pöbelsport »).

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La double expérience de Herzl, la parisienne et la viennoise, confirment ses sentiments et ses appréhensions. Cela l’amène à commencer une longue enquête journalistique sur l’histoire des communautés juives en Russie, en Galicie (province austro-hongroise à l’époque), en Bohème et en Hongrie. Conclusion : « Les Juifs sont sortis matériellement du ghetto, mais l’enceinte de celui-ci continue de clôturer leur esprit. Le ghetto n’existe plus, mais il subsiste dans les mentalités ». Il tente de lancer une nouvelle pièce de théâtre, justement intitulée Le Ghetto, qui devra amorcer dans les esprits (juifs) une « politique juive ». Les thèmes qui ont mûri dans sa tête tourmentée apparaissent dans la pièce : l’idée d’une conversion personnelle ou collective est rejetée et les personnages explicitent sa pensée en phase de germination ; ainsi, le personnage du Rabbin Friedheimer s’exprime dans la pièce : « Nous jouissons de la protection des lois. Il est vrai qu’on nous regarde de nouveau de travers, comme autrefois, quand nous vivions dans le ghetto, mais les murailles n’en sont pas moins tombées ». Friedheimer plaide toutefois pour un judaïsme rabbinique et traditionnel et en chante les vertus, disparues ou du moins édulcorée depuis la grande vague d’émancipation. Le personnage Samuel Jacob, lui, cherche une solution autre, est conscient que le ghetto générait des « vices », qu’il déplore. Il veut le quitter ce ghetto, le visible comme l’invisible et meurt dans un duel, tué par son adversaire, un hobereau prussien. La pièce déplait car Herzl n’y aurait pas mis assez de personnages juifs sympathiques. Il le justifie par sa misanthropie viscérale.

Vient ensuite l’affaire Dreyfus, qui porte l’antisémitisme français au pinacle. La politique d’assimilation révolutionnaire, née en 1789, a fait faillite. Une fois de plus, c’est Drumont qui conforte Herzl dans ses convictions : dans un article de La libre parole, il appelle les Juifs « à retourner en Orient ». Dans le cadre de cette « affaire Dreyfus », Herzl rencontre Alphonse Daudet, antisémite, avec qui il a toutefois une discussion amicale. Daudet le dissuade d’écrire qui soit un enquête sur la condition juive mais plutôt un ouvrage qui ressemblerait à La case de l’Oncle Tom. La suggestion fait mouche chez Herzl. Il entend dès lors écrire un livre où, rappelle son biographe Rozenblum, « il ne s’agirait plus de susciter la compassion mais d’agir », de « ne plus retracer un itinéraire individuel mais de suggérer un projet collectif ». Pour étayer son projet, il va s’adresser au Baron Moritz de Hirsch, riche banquier philanthrope qui a fait fortune dans le financement des chemins de fer dans les Balkans, en Russie et en Turquie. Hirsch finance la formation professionnelle et technique de jeunes juifs de Galicie et de Bukovine, plus tard de Russie, appelés à émigrer dans le Nouveau Monde, notamment en Argentine, pour y fonder des colonies agricoles. Les adeptes de la société Hovevei Zion plaide pour l’envoi de ces jeunes émigrants en Palestine mais Hirsch refuse car il se doute bien que le Sultan ottoman ne cèdera en rien. Edmond de Rothschild, en revanche, finance les colonies juives de Palestine. Herzl constate que les colonies d’Argentine et du Brésil ne suscitent guère d’enthousiasme et demande audience à Hirsch pour lui expliquer son projet car « c’est avec des idées à la fois simples et extraordinaires qu’on touche les hommes ».  

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Herzl, face à son interlocuteur, n’y a pas été avec le dos de la cuiller. Véhément, il décrit le projet généreux du Baron Hirsch comme « complètement nuisible » car les bénéficiaires de sa philanthropie ne sont que des « mendiants » (des « Schnorer ») qui ne survivent dans leurs lointaines colonies sud-américaines ou canadiennes que grâce à sa générosité. L’entrevue avec Hirsch dévoile un trait de caractère de Herzl qui ne s’était jusque-là jamais manifesté : l’exaltation. Le petit dramaturge sans grand succès, le journaliste modéré, le juif timide qui avait envisagé de se convertir pour échapper aux fureurs antisémites, devient le plaideur enflammé qui veut convaincre des milliardaires, des diplomates et des ministres (et même le Kaiser !) à accepter l’idée d’une émigration générale des Juifs vers une « terre promise », afin qu’ils n’aient plus à subir un antisémitisme indéracinable. L’idée lui est venue de convoquer « un congrès juif international « afin d’insuffler de l’enthousiasme à un peuple peureux et démoralisé ». Herzl veut « éveiller ». Il entend s’adresser à de jeunes professionnels juifs ne trouvant pas d’emploi (pour diverses raisons dont l’antisémitisme) et dès lors déchus en un « prolétariat intellectuel » : « C’est avec eux », écrit Herzl, « que je formerai l’Etat-major et les cadres de l’armée destinée à repérer, à reconnaître et à édifier le futur pays ».

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C’est à Munich, dans les chambres du fameux Hôtel des Quatre Saisons (où siègera plus tard la Société Thulé !), que se tiendront de longues discussions entre Herzl, d’une part, le Rabbin Moritz Güdemann et le banquier berlinois Heinrich Meyer-Cohn, d’autre part, suite auxquelles le livre programmatique de Herzl commencera à s’esquisser. Le rabbin et le banquier sont tous deux très sceptiques et constatent qu’ils ont affaire à un exalté. Mais Herzl convaincra vaguement le rabbin, qui se ravisera, à défaut d’emporter l’enthousiasme du banquier berlinois. Rabbi Güdemann conseille alors à Herzl de lire un roman d’un utopiste juif, Theodor Hertzka, natif, lui aussi, de Pest en Hongrie. Ce roman s’intitule Eine Reise nach Freiland (« Un voyage au pays de la liberté »), édité en 1883 à Leipzig. Ce pamphlet, suivi d’un autre édité à Dresde en 1890 (Freiland, ein soziales Zukunftsbild / Pays de la liberté, une vision sociale de l’avenir) évoque des phalanstères agricoles formées d’hommes libres vivant d’une propriété collective. Préfiguration des kibboutzim, bien évidemment. Mais les tentatives d’appliquer les idées utopiques de Hertzka au Kenya, colonie britannique, ont tourné au fiasco. Herzl apporte des corrections à ce plan phalanstérien qui apparaissent plus rationnelles et donc plus réalisables. Il a conscience que son projet ne peut en rien relever de l’utopie mais du droit et de l’économie. Infatigable commis voyageur de sa propre idée, Herzl rencontre le Français Narcisse Leven, vice-président de l’Alliance israélite universelle, qui demeure aussi sceptique que Güdemann, mais lui donne quelques conseils : contacter le grand rabbin de France Zadoc Kahn, le colonel anglais Albert Goldsmid (qui a voulu affréter des bateaux pour reconquérir la Palestine) et surtout de lire les travaux de Léon Pinsker (cf. supra).

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Finalement, Herzl écrit son livre, Der Judenstaat, dont un résumé, avant publication, paraîtra à Londres dans les colonnes de Jewish Chronicle, le 17 janvier 1896. Le lendemain, la maison d’éditions viennoise Breitenstein accepte le manuscrit. L’idée sioniste est née, elle fera son chemin. Un journaliste viennois, Alexander Scharf, tente de le retenir : « Vous êtes un second Christ qui fera beaucoup de mal aux Juifs (…). Si j’étais Rothschild et si je ne savais qu’on ne peut vous acheter, je vous offrirais cinq millions pour ne pas publier votre pamphlet. Ou je vous ferais assassiner car vous allez causer un dommage irréparable ». Le 14 février 1896, Herzl apprend que les 500 premiers exemplaires des 3000 copies prévues sont mises en vente. Sa réaction ? « Maintenant ma vie prend peut-être un tournant ».

La parution de l’ouvrage ouvre la voie à l’organisation des premiers « Congrès sionistes » : Bâle (1897, 1898, 1899, 1901 et 1903), Londres (1900). Dès le premier congrès de Bâle en 1897, l’organisation sioniste mondiale est créée. Le 2 novembre 1898, Herzl est reçu en audience par le Kaiser à Jérusalem mais l’empereur Hohenzollern ne veut en aucun cas créer une rupture diplomatique avec les Ottomans. En 1899 se crée à Londres le Jewish Colonial Trust Limited, visant, à terme, à créer, dans l’esprit du sionisme naissant, des colonies juives dans des territoires sous tutelle britannique. Après la mort de Herzl, le 7ème Congrès sioniste de Bâle, rejette la proposition anglaise d’offrir un territoire aux Juifs en Afrique de l’Est. En 1903, une commission d’enquête envisage, mais sans lendemain, de fixer un peuplement juif au Sinaï.

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A partir de 1905, le second retour des juifs selon l’historiographie sioniste a lieu. Le premier s’était déroulé après 1881, soit après l’assassinat du Tsar Alexandre II par des nihilistes russes, adeptes du révolutionnaire radical Netchaïev (avec le soutien des services anglais ? On peut avancer l’hypothèse). Cette première migration vers les vilayets ottomans de Palestine était composée de sionistes avant la lettre, animés surtout par l’idée socialiste, souvent utopique. La seconde, de 1905, fait suite à la révolution avortée, déclenchée après la défaite russe face au Japon, soutenu à l’époque par les puissances anglo-saxonnes. Elle est essentiellement le fait de révolutionnaires radicaux issus des shetls (communautés) de l’empire tsariste, de cette vaste région comprenant la Biélorussie et l’Ukraine actuelles que l’on appelle parfois le Yiddishland. La troisième migration juive vers la Palestine viendra après la révolution bolchévique de 1917 et la guerre civile russe qui s’ensuivit : elle comprenait certes d’autres éléments sociaux-révolutionnaires mais aussi des mencheviks et des éléments de droite qui donneront naissance à la droite sioniste, puis à la droite israélienne, dont le théoricien principal fut Vladimir Zeev Jabotinsky, originaire de la communauté juive d’Odessa, italianiste de bon niveau et admirateur du fascisme italien, officier britannique dans la Jewish Legion pendant la première guerre mondiale et churchillien fascistoïde pendant l’entre-deux-guerres. La cinquième grande migration amène, après 1933 et 1938, des juifs de langue allemande qui quittent le Reich après la prise du pouvoir par les nationaux-socialistes et l’Autriche et la Bohème-Moravie après l’Anschluss et l’annexion du pays des Sudètes. La sixième émigration a suivi la deuxième guerre mondiale et permis la création de l’Etat d’Israël.

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Après la mort de Theodor Herzl, survenue le 3 juillet 1904 en Basse-Autriche, on constate, en dépit de la fidélité de bon nombre de Juifs d’Allemagne au Reich de Guillaume II, un tropisme pro-britannique dans les milieux sionistes, avant et pendant la première guerre mondiale, à mettre en parallèle à un tropisme pro-sioniste au sein de l’élite anglaise, frottée à une idéologie bibliste induite par le protestantisme puritain.  Ainsi, Philipp Kerr, directeur de l’influente revue impérialiste britannique Round Table, influence le diplomate Mark Sykes, qui est à l’origine des accords dits « Sykes-Picot » de 1916, Picot étant son homologue français.  Sykes était ce que l’on peut appeler un « bibliste sioniste » anglais, rêvant de redonner aux Juifs le territoire qu’ils avaient perdu suite aux révoltes des années 70 et 135 contre l’empire romain, révoltes qui, selon le récit sioniste, avaient provoqué la dispersion des Juifs dans le monde méditerranéen, en Mésopotamie et ailleurs. Le raisonnement de Kerr est purement géopolitique et prend le relais de projets jadis encore confus d’intervention anglaise en Méditerranée orientale. L’une d’entre elle avait été couronnée de succès : le soutien aux Ottomans contre les Russes, les Bulgares et les Roumains avait permis de s’emparer de Chypre en 1878, afin de disposer d’une base proche du Canal de Suez, porte vers les Indes, creusé en 1869. En 1882, alliés singuliers des Ottomans auxquels ils taillent de sérieuses croupières sans coup férir, les Britanniques obtiennent le protectorat sur l’Egypte qui avait été rebelle depuis Mehmet Ali, ôtant à la France toute opportunité de contrôler à son profit la zone du Canal. La Palestine, si elle est judaïsée, serait un atout supplémentaire de l’empire dans cette région hautement stratégique.

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Pour Kerr, une Palestine judaïsée et sous tutelle britannique constituerait « une charnière entre trois continents » (Europe, Asie, Afrique), au point névralgique qui permet de surveiller la route vers les Indes. Pour le Sultan ottoman, qui craint, à juste titre, les visées russes sur les détroits et le soutien apporté par Saint-Pétersbourg aux Slaves révoltés des Balkans ottomans, l’accueil des réfugiés juifs « proto-sionistes » représente un apport de populations hostiles à la Russie pogromiste, ainsi que des cadres potentiels (médecins, ingénieurs) pour son empire moribond (« l’homme malade du Bosphore » selon Bismarck). La première réaction arabe-palestinienne, d’ampleur toutefois modeste, date d’avant le livre-manifeste de Herzl : de l’année 1891.

Les efforts de Kerr et de Sykes conduisent à la fameuse « Déclaration Balfour », du nom du ministre britannique qui l’a émise. Balfour promet aux sionistes la création d’un « foyer juif en Palestine », ce qui est différent de la promesse d’un « Etat juif », tel que formulé dans le livre de Herzl. Mais les Britanniques jouent sur deux tableaux : ils soutiennent simultanément les Hachémites du nord de la péninsule arabique et les sionistes engagés dans la Jewish Legion où servait le futur fascisant Vladimir Zeev Jabotinsky. Les Hachémites recevront les trônes d’Irak et de Jordanie (de Transjordanie dans le vocabulaire de l’empire britannique pendant l’entre-deux-guerres) mais n’obtiendront rien des Français en Syrie qui opteront pour un mandat à l’enseigne de l’idéologie républicaine, laïque et maçonnique qui entraînera la violente révolte druze entre 1925 et 1928. A Versailles, les Britanniques obtiennent un mandat sur l’Irak, la Transjordanie et la Palestine, tandis que les Français exercent leur propre mandat sur le Liban et sur une Syrie amputée en ultime instance de la région de Kirkouk et de Mossoul parce que les Anglais y avaient découvert des gisements de pétrole. Le sionisme est rapidement devenu un instrument de l’impérialisme britannique, en dépit de l’hostilité à l’Angleterre que cultiveront certains maximalistes à partir de 1931 (cf. infra).

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Dans la Palestine mandataire, les Britanniques vont tenter de faire cohabiter les Arabes palestiniens et les immigrants juifs venus pour l’essentiel d’Europe centrale et orientale. Les révoltes arabes, soutenue par le jeune Mufti de Jérusalem se succèdent, de même que les représailles sionistes : les troupes britanniques doivent maintenir l’ordre. Sous l’impulsion de Vladimir Zeev Jabotinsky, officier britannique finalement loyal, s’organise alors le « sionisme militarisé ». Pour éviter des troubles aux abords du Canal de Suez et des puits de pétrole irakiens, les Britanniques, sans pour autant abandonner leur idée d’un « foyer juif en Palestine » vont limiter l’immigration juive dans le territoire de leur mandat. En 1939, un « Papier blanc », émanant du Foreign Office, limite l’immigration à 75.000 âmes pendant les cinq années à venir, en dépit des innombrables candidatures juives à l’émigration hors d’une Europe centrale sous contrôle national-socialiste. Simultanément, les autorités britanniques mettent un frein au zèle potentiel des sionistes en restreignant l’accès des Juifs à la propriété foncière en Palestine mandataire.

La militarisation du sionisme commence très tôt : dès 1920, les immigrants juifs de Palestine forment la Haganah, ou Irgun Haganah (= « Organisation de Défense »). En 1931, les maximalistes sionistes se séparent de cette organisation pour former l’Irgun dont les objectifs ne sont plus de contenir l’agressivité des foules arabes mais d’opter pour une politique plus agressive, en opposition à un sionisme social-démocrate ou communisant plus conciliant à l’égard des Arabes et de la puissance mandataire. Un de leurs chefs fera carrière : Menahem Begin. Mais la politique pourtant musclée de l’Irgun ne fait pas longtemps l’unanimité : en 1940, alors que le Royaume-Uni est en guerre avec l’Allemagne et l’Italie, une fraction plus radicale encore fait sécession, le Lehi que les Anglais nommeront le « Stern Gang » ou le « gang à Stern », du nom son principal activiste, Avraham Stern, qui entend combattre frontalement les troupes britanniques stationnées en Palestine et en Transjordanie, tout en demandant l’aide de l’Italie mussolinienne et de l’Allemagne hitlérienne ! Stern est abattu sans autre forme de procès par les policiers britanniques en 1942.

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La mort de Stern ne met pas un terme à l’hostilité des « sionistes militarisés », inspirés par les théories de l’IRA irlandaise de Michael Collins, envers Londres. En mai 1941, se constitue le Palmach, organisation de combat regroupant 2000 hommes et femmes bien déterminés. Plus prudents que Stern et son Lehi, les militants du Palmach se bornent à quelques opérations coups de poing contre la présence britannique, tout en continuant une guerre d’usure contre la population palestinienne, annonçant l’expulsion des Arabes en 1947-48, que les Palestiniens nomment la Nakba (ou « catastrophe »). Dès le 10 octobre 1945, le Palmach reprend les hostilités en attaquant le camp de détention pour immigrants juifs clandestins d’Atlit, libérant 200 détenus qui rejoignent évidemment ses rangs.

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L’idéologie du « sionisme militarisé » ne provient pas de Herzl, utopiste exalté, mais de Max Nordau et de Vladimir Z. Jabotinsky. Max Nordau, également natif de Pest en Hongrie, avait organisé le premier congrès sioniste de Bâle avec Herzl en 1897. Il deviendra l’une des principales chevilles ouvrières des congrès ultérieurs. Orateur apprécié, il théorise l’abandon de la posture du « juif nerveux » ou « juif talmudique », être purement intellectuel, pour favoriser l’avènement, via le sionisme, d’un « juif de muscles » qui doit s’inspirer des principes hébertistes français ou des « sociétés de gymnastique » de l’Allemand Jahn (à l’époque napoléonienne dans le cadre de la nouvelle armée prussienne de 1813). Ceux qui le suivent fondent alors la société de gymnastique viennoise, l’Hakoah. Dans un premier temps, Nordau (de son vrai nom Maximilian Simon Südfeld), n’était pas nécessairement favorable à l’établissement des futurs émigrants sionistes en Palestine : il avait montré son intérêt pour le plan britannique d’installer les colonies sionistes en Ouganda. Le 19 décembre 1903 à Paris, un maximaliste, favorable à l’installation des Juifs en Palestine, Chaim Selig Louban, jeune juif de Russie, tire deux balles de revolver dans sa direction mais le rate. Sujet autrichien, il doit quitter dare-dare la France dès la déclaration de guerre en 1914 et se réfugie à Madrid. Après la guerre, il s’installe à Londres où il fait la connaissance de Chaim Weizmann, qu’il avait avant-guerre critiqué pour ses positions modérées, et de Vladimir Z. Jabotinsky. Jusqu’à sa mort en 1923, Nordau défendra des idées radicales, plus proches du futur national-socialisme que de la social-démocratie professée par la plupart des intellectuels juifs non communistes. Social-darwiniste, il défend le colonialisme européen et admet, en radicalisant Moses Hess (cf. supra), le bien fondé des théories raciales en vogue à son époque. Lecteur des ouvrages de l’Italien Cesare Lombroso, il développe, dans son sillage, une théorie intéressante sur la « dégénérescence », phénomène mortifère qui s’est révélé dans la littérature dès la fin du 19ème siècle et qui annonce, à terme, pour les décennies à venir, une catastrophe sans précédent pour la civilisation européenne. Les phénomènes de dégénérescence vont s’amplifier et provoquer la mort de nos cultures. Nordau évoque aussi le « parasitisme » et l’ « illusionnisme », maux dont souffre l’humanité, et qui doivent être vaincus par le savoir factuel et les principes social-darwinistes de solidarité (et non pas de lutte de tous contre tous).

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Jabotinsky a été son disciple, lui qui réclamait la constitution, en Palestine, d’un « mur de fer fait de baïonnette juives » contre les autochtones arabes. Il fait la connaissance de Herzl lors du sixième congrès sioniste, alors qu’à proximité de sa ville natale d’Odessa, un pogrom a lieu à Chisinau en Moldavie. Jabotinsky deviendra le porte-parole des Juifs de Russie en butte aux dérapages des foules dans l’empire des Tsars.  Actif dans l’empire ottoman, où les Juifs sépharades bien intégrés ne se soucient guère de l’idée sioniste, il passe ensuite en Egypte au service des Britanniques qui, en 1917, permettront la création de la Jewish Legion, au sein de laquelle il commandera une compagnie et participera à des combats dans la vallée du Jourdain. Déçu par les réticences britanniques à conserver des unités entièrement juives en Palestine mandataire, il crée le mouvement de jeunesse du Bétar et fonde le mouvement des « sionistes révisionnistes ». Le terme « révisionniste » désigne ici un maximalisme radical, hostile non pas tant au mandat britannique (Jabotinsky reste loyal au pays qui lui a donné le grade de capitaine en son armée) mais à la politique modérée de Weizmann et des gauches sionistes de Palestine. Par exemple, Jabotinsky entend étendre le territoire du futur « Etat juif » aux deux rives du Jourdain, ce que Weizmann juge totalement irréaliste. Jabotinsky rejette également le projet du sioniste Chaim Arlosoroff (1899-1933) qui avait conduit aux accords dits « Ha’avara » avec les nouvelles autorités nationales-socialistes, qui auraient permis aux Juifs d’Allemagne d’émigrer en Palestine tout en y favorisant l’importation de produits industriels allemands. A son retour d’Allemagne, Arlosoroff est assassiné.

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Petit à petit, sa fidélité initiale à ses patrons britanniques s’estompera et il prendra le commandement de l’Irgun, où militait Menahem Begin qui sera son successeur, après son décès fortuit aux Etats-Unis, où il cherchait à recruter des combattants juifs pour la cause sioniste.

Après la guerre sionisto-britannique qui fit rage en Palestine entre 1945 et 1948, l’Etat d’Israël est créé et fut gouverné jusqu’en 1977 par des majorités sociales-démocrates (« travaillistes »). En 1977, Menahem Begin accède au pouvoir suite à la victoire de la droite israélienne, rassemblée dans le Likoud. Ce fut la victoire posthume de Nordau et de Jabotinsky. Le sionisme le plus radical prend le gouvernail en Israël. Mais cette victoire des droites israéliennes qui connaîtra de multiples avatars, avec des dissidences religieuses souvent encore plus radicales, induit un certain nombre d’intellectuels et d’historiens israéliens à critiquer le narratif sioniste, devenu doctrine d’Etat.

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Benny Morris, Colin Shindler, Ilan Pappé et Shlomo Sand (francophone et par ailleurs spécialiste de Georges Sorel) sont les principales figures du mouvement que l’on appelle désormais « post-sioniste ». Pour eux, le sionisme est une construction idéologique arbitraire où certains intellectuels juifs du 19ème siècle ont cherché à imiter les nationalistes européens en imaginant une « essence de la judaïté » comme il y avait une « essence de la germanité » chez les post-romantiques allemands ou de la « russéité » chez les slavophiles russes. Shlomo Sand explique que cette essence est imaginée au départ du récit de Flavius Josèphe, écrivain latin de l’antiquité romaine, qui avait décrit l’exil des Juifs après la destruction du temple par les légions de Titus. Le récit sioniste évoque une Judée martyre et, par suite, un « peuple judéen » dispersé dans le monde antique qui résumerait entièrement le fait juif. Sand, en explorant l’histoire de la Palestine antique, démontre qu’il y avait une judaïté « hasmonéenne » hellénisée puis romanisée qui pratiquait la conversion forcée de tribus sémitiques voisines et ne pratiquait pas un monothéisme rigoureux. Cette population hasmonéenne n’a pas été dispersée. Ensuite, au-delà de l’école post-sioniste, la thèse d’Arthur Koestler sur la 13ème tribu tend à accréditer, suite à une conversion de masse, l’origine khazare de nombreux Juifs de Russie et d’Ukraine dont les ancêtres n’ont jamais vécu dans la Judée romaine. Une guerre culturelle sévit donc en Israël entre tenants du récit sioniste et historiens post-sionistes.

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Le sionisme a donc bel et bien été un instrument de l’empire britannique d’abord, de l’impérialisme américain ensuite, isolant le peuplement juif au Proche-Orient et le posant comme ennemi de tous les Etats arabes de la région. Israël a donc, de ce fait, une position que le célèbre historien anglais Arnold J. Toynbee qualifiait d’ « hérodienne », c’est-à-dire non sioniste selon le narratif sioniste, dans la mesure où les Hérodiens juifs de l’antiquité, hellénisés, romanisés et alliés de l’empire romain, s’alignaient sur la géopolitique implicite d’un empire situé à l’Ouest de la Méditerranée, comme le sera aussi l’empire britannique du début du 19ème siècle à 1956 (lors de l’affaire de Suez) et le seront ensuite les Etats-Unis qui, d’après l’historien et géopolitologue Luttwak se posent comme les continuateurs de la géopolitique romaine dans le bassin oriental de la Méditerranée, tout en sachant que les Romains puis les Byzantins avaient pour objectif d’empêcher l’empire perse, parthe ou sassanide de déboucher sur le littoral de la Grande Bleue.

La critique du sionisme doit immanquablement passer par une étude des travaux des historiens israéliens de l’école post-sioniste, très sévères à l’endroit de la « Nakba » subie par les Palestiniens en 1948. Sinon toute critique de ce filon idéologique juif risque bien de ne reposer que sur des slogans, des dérapages antisémites sans fondements, donnant raison, rétrospectivement, à Léon Pinsker qui les qualifiait de « maladies mentales incurables ».

Bibliographie :

Alain BOYER, Les origines du sionisme, PUF, Paris, 1988.

Franco CARDINI, Lawrence d’Arabia, Sellerio Editore, Palermo, 2019.

Maurice-Ruben HAYOUN, Le judaïsme moderne, PUF, 1989.

Serge-Allain ROZENBLUM, Theodor Herzl – Biographie, Kiron/Editions du Félin, Paris, 2001.

Shlomo SAND, Les mots et la terre – Les intellectuels en Israël, Champs/Flammarion, Paris, 2010.

Colin SHINDLER, The Triumph of Military Zionism – Nationalism and the Origins of the Israeli Right, I. B. Tauris, London, 2010.

Richard WILLIS, « The Hebrew Insurgency », in : History Today, Vol. 72, Issue 6, June 2022.

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Et les « Royals » devinrent british…

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Et les « Royals » devinrent british

Pendant la première guerre mondiale, la famille royale britannique, de souche allemande, est devenue les »Windsor »…

Xaver Warncke

Les Anglais tiennent beaucoup à leurs « Royals » et peu d’institutions sont aussi représentatives de la Grande –Bretagne que la famille royale. Mais il y a en fait tromperie sur l’étiquette en ce cas précis. Car la monarchie anglaise n’est pas aussi britannique qu’on ne le croit. Si l’on jette un regard plus pénétrant sur le cas de cette monarchie, celle-ci est bel et bien la seule et unique monarchie allemande qui existe encore en Europe. Alors que le dernier Empereur d’Allemagne a abdiqué en 1918.

Voici les faits : jusqu’à la moitié du 19ème siècle quatre lignées de la haute noblesse allemande se sont incrustées dans la famille régnante en Grande-Bretagne. Les historiens anglais le savent pertinemment bien : ils nous parlent, à ce propos, de « trois invasions » de la noblesse allemande sur l’île.

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La première de ces invasions fut celle de la Maison des Saxe-Cobourg-Gotha. Ce petit duché dans la région frontalière entre la Thuringe et la Franconie était dirigé par une lignée qui pratiqua une habile politique matrimoniale si bien qu’elle devint une dynastie de dimension européenne. En 1840, le Prince Albert de Saxe-Cobourg fut promis à sa cousine, la future Reine Victoria qui devint la régente de cet Empire britannique aux dimensions planétaires, comme nous le narrent les livres d’histoire. Albert resta toute sa vie dans l’ombre de son épouse mais conquit néanmoins le cœur des Britanniques. En témoignent aujourd’hui le « Royal Albert Hall », qui lui doit son nom,  et le monument qui lui est dédié à Hyde Park.

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Georges I.

Mais les politiques matrimoniales des lignées allemandes avaient commencé bien plus tôt sur l’île au-delà de la Manche. Déjà en 1714, les Guelfes du Hanovre s’étaient montrés très actifs en Angleterre. Ils prirent la succession de la dynastie des Stuarts. Cinq rois d’Angleterre, Georges I, Georges II, Georges III, Georges IV et Guillaume IV furent tout à la fois princes électeurs du Hanovre et y dirigèrent les affaires au nom d'une union personnelle guelfe-britannique. Il fallut attendre l’absence d’un héritier mâle et l’accession au trône de Victoria en 1837, pour assister à l’éclipse des Hanovriens et à la montée des Saxe-Cobourg.

Pour être complet, il faut évoquer deux autres lignées princières allemandes qui ont joué un rôle non moins glorieux dans l’histoire de la monarchie britannique. D’abord la lignée hessoise des Battenberg a poussé le Prince Philippe à devenir l’époux de la reine Elizabeth II, si bien qu’il est le grand-père des actuels princes William et Harry. Philippe descend également, côté paternel, de la Maison du Schleswig, une lignée parallèle de la Maison nord-allemande des Oldenbourg.

Pendant la Première Guerre mondiale, les liens qui unissaient depuis des siècles la haute noblesse européenne se sont dissous, au cours de ces quatre années de conflits entre les peuples. Le nom de Battenberg a ainsi cessé d’être accepté en Grande-Bretagne. Il fallait absolument que l’on traduise ce nom en « Mountbatten ».

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Cette transformation ne s’est pas bien passée. Elle ne témoigne pas de la tolérance que l’on prête généralement aux Britanniques. Les Battenberg jouissaient, avant la guerre, d’une très haute estime et avaient accumulé les mérites. Le Prince Ludwig-Alexander von Battenberg servait depuis 1868 dans la marine de guerre britannique et était devenu, à la fin de l’année 1912, amiral et premier Sealord. Il avait dès lors le grade le plus élevé de la Royal Navy.

Ludwig-Alexander von Battenberg avait œuvré à augmenter considérablement les capacités de la flotte britannique et l’avait préparée à une guerre future. Ce fut son grand mérite. Mais cela ne compta plus dès le déclenchement de la guerre en 1914, quand les Allemands devinrent soudain l’ennemi. Une campagne de presse anti-allemande d’une violence inouïe secoua le pays, activée, notamment, par le germanophobe le plus calamiteux de toute l’histoire anglaise : le ministre de la marine d’alors, Winston Churchill (dont le douteux palmarès fut, après la deuxième guerre mondiale, d’avoir ruiné l’Empire). Quoi qu’il en soit, Battenberg, qui n’avait rien à se reprocher, fut démis de toutes ses fonctions le 27 octobre 1914. Il dut même renoncer à son titre de prince et changer son nom.

Mais on ne se limita pas à ce lynchage. Georges V était sur le trône depuis 1910. Il était un homme assez affable mais, lui aussi, avait la marque de Caïn : il avait un nom d’origine allemande.

Le Roi était fort navré d’avoir dû, à son corps défendant, assister à la chute de Battenberg : c’est pourquoi il nomma l’homme tombé en disgrâce membre du « Conseil secret de la Couronne » (Privy Council) et lui conféra le titre de Marquis de Milford Haven. Bien sûr, cette initiative royale alimenta encore plus la rage germanophobe qui sévissait au Royaume-Uni. Le Times n’hésita pas à injurier la Maison royale en l’accusant d’être « déterminée par l’étranger ».

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Le cours ultérieur de la guerre fit que les choses devinrent pires encore. La situation s’aggrava en décembre 1916 avec l’accession aux affaires du premier ministre nationaliste David Lloyd George (tableau, ci-dessus). Lorsque Georges V convia le nouveau chef du gouvernement à présenter son rapport, Lloyd George aurait dit, ironiquement : « Je suis très impatient de savoir ce que mon petit ami allemand va me dire ». Le roi Georges entra alors dans une violente colère. « Il se peut que je ne donne pas l’impression d’être particulièrement authentique mais que je sois maudit si je suis un étranger », aurait-il dit en protestant.

Pendant un an, le Roi tint bon face à la pression de l’opinion publique mais il dut céder. Le 17 juillet 1917, il proclama qu’il abandonnait le nom de la dynastie des Saxe-Cobourg-Gotha pour adopter celui, qui sonne très anglais, de « Windsor ». Le nom était tiré d’un des lieux de résidence de la famille royale, le château de Windsor, construit au début du 14ème siècle dans le Comté de Berkshire situé à la lisière ouest de Londres.

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Le passé « allemand » de la dynastie britannique prenait ainsi fin de manière abrupte. De manière ostentatoire, toutes les bannières de guerre allemandes furent enlevées de la Chapelle Saint-Georges du château. Ce qui est plus important encore : par sa proclamation de juillet 1917, Georges V renonçait officiellement, pour lui et pour tous les descendants de la Reine Victoria, à son nom et à ses titres allemands. Ce ne fut qu’à ce moment-là que la campagne de presse prit fin. D’un jour à l’autre, l’atmosphère changea et Georges V fut à nouveau accepté.

De l’autre côté de la Manche et de la Mer du Nord, l’Empereur Guillaume II, lui aussi petit-fils de la Reine Victoria, commenta avec son sens personnel de l’humour les événements qui venaient de se dérouler en Angleterre : il proposa de changer le titre de la célèbre comédie de Shakespeare « Les joyeuses commères de Windsor » en « Les joyeuses commères de Saxe-Cobourg-Gotha ». A l’heure où j’écris ces lignes, cent ans se sont écoulés depuis la métamorphose des Saxe-Cobourg d’Angleterre en Windsor.

(article tiré de Zuerst, n°8-9/2017).

 

vendredi, 04 octobre 2024

L'équilibre géopolitique des puissances il y a 2500 ans

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L'équilibre géopolitique des puissances il y a 2500 ans

Les rapports de force géopolitiques en tranches chronologiques

Maxim Medovarov

Il y a exactement 2500 ans, en 477/476 avant J.-C., s'annonçaient de sérieux changements dans l'équilibre des forces sur le Vieux Continent. Alors que 500 ans plus tôt, Israël et la Chine étaient les leaders mondiaux, la situation s'était inversée. Les Juifs étaient désormais les sujets obéissants du gigantesque empire perse achéménide, à l'époque le plus grand de l'histoire en termes de superficie et de puissance. La Chine était toujours gouvernée par la dynastie Chou, descendante directe de Mu-wang, comme elle l'avait été 500 ans plus tôt, mais son pouvoir était désormais confiné au minuscule district de Loi, sur le Huang He central, au-delà duquel la prétention rituelle de Wang à être le Fils du Ciel ne signifiait plus rien. En 476 avant J.-C., il y a 2 500 ans, Jing-wang II mourut, remplacé par son fils Yuan-wang, ce qui coïncide étrangement avec la coupure abrupte des annales d'État de Chunqiu (Printemps et automnes). À partir de ce moment, il est d'usage de compter la période de transition vers l'ère des Royaumes combattants, caractérisée par des luttes de plus en plus vives entre les clans régionaux de princes (gongs) et de ducs (hou) pour l'hégémonie dans la région.

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Face au déclin apparent de la Chine, au chaos des cités-États en Inde et à la stagnation misérable de l'Égypte, de la Judée et de la Mésopotamie sous la domination perse, l'avantage des Iraniens semble indiscutable. Jamais la puissance perse n'avait été aussi forte et monolithique qu'il y a 2500 ans. Le roi Khshayarshya, appelé Xerxès par les Grecs, raconte avec arrogance dans des inscriptions comment il a éliminé les adorateurs du diable, les adorateurs des dévas. À la place des dévas sont apparus les dieux (pers. « baga »), un scénario repris littéralement par les Slaves. Même en dehors de l'Iran, sur le lac de Van, le roi perse a gravé une inscription retentissante : « Baga vazraka Auramazda, khwa mati sta baganam, khwa imam boom im ada, khwa avam asmanam ada, khwa martiyam ada, khwa shiyatim ada, martiakhya hya Khshayarsham khshayatiyam, akunaush aivam parunam shayatiyam. Adam Hshayarsha, hshayatiyyah vazraka, hshayatiyyah hshayatiyanam, hshayatiyyah dahyunam paruv zananam, hshayatiyyah ahyaya bumya va zrakaya duraiyyah, apiy Darayavahaush hshayatiyyahya, pucha Hahamanishya. ». « Ahuramadza est le grand dieu, le plus grand parmi les dieux, qui a créé la terre, qui a créé le ciel, qui a créé l'homme, qui a créé le bonheur pour l'homme, qui a créé le roi Xerxès, le roi de tout, le seul souverain de tout. Je suis Xerxès, grand roi, roi des rois, roi des rois, roi de tous les peuples de toutes origines, roi de cette terre, grande et vaste, fils du roi Darius, Achéménide ».

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Notons toutefois que la nouvelle idéologie royale des Achéménides n'est en aucun cas d'origine purement iranienne, indo-européenne. Dans ses inscriptions, Xerxès parle directement de la « grâce » monarchique qu'il répand sur les peuples conquis. Cette grâce - « kithen » - est un mot élamite, un terme clé de l'idéologie politique élamite. Il ne faut pas oublier que les Perses de l'époque de Darius et de Xerxès étaient un peuple à moitié mélangé avec des Élamites, et que l'élamite est restée la deuxième langue d'État avec le vieux-persan, les inscriptions royales étant gravées en deux et même trois langues (en tenant compte de l'akkadien en tant que langue de communication internationale du Moyen-Orient).

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Dans ses efforts pour répandre la lumière de son bon « kytene », le roi s'était heurté, deux ou trois ans auparavant, à la résistance acharnée de la coalition athénienne et spartiate, qui lui avait infligé de terribles défaites. En 477 avant J.-C., la guerre se poursuit. Cette année-là, Athènes, à peine remise de la conflagration perse, achève la construction du port du Pirée, centre de sa puissance navale, et le commandant Kimon débarque en Asie Mineure et lance une offensive contre les Perses sur le continent. Le grand poète grec Simonide de Kéos, qui avait inspiré les victoires athéniennes, trouve une nouvelle occupation : il se rend d'urgence en Sicile en tant qu'artisan de la paix. Les Grecs d'Italie, les colons de la Grande Grèce, ne se préoccupent pas encore beaucoup des affaires de leurs compatriotes de l'Est. Ils avaient leurs propres guerres intestines. En 477, le tyran syracusain Hieron prend d'assaut Locra à Rhegium et poursuit sa guerre contre le tyran argygentien Théron. C'est à ce moment-là que Simonide de Keos arrive et, grâce à son autorité poétique, réconcilie Hieron avec Theron en 476.

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À quelque 800 kilomètres au nord de leurs escarmouches, une guerre brutale et éprouvante opposait deux cités-états naines qui ne contrôlaient chacune que 500 km2 de territoire. La première ville s'appelait Veiès et était habitée par les Étrusques, bien qu'elle fût défendue par des troupes de tribus rurales alliées qui parlaient des dialectes latins: les Volsques et les Éques. La deuxième ville était la Rome latine. De Rome à Veiès, il n'y a que 18 kilomètres en ligne droite (par la route, c'est une fois et demie plus long). À mi-chemin, la petite rivière Cremère, sur la droite, se jette dans le Tibre. Un peu plus loin se trouve le grand village de Fidenae (Fidénes). C'est là qu'était extrait le sel, dont dépendait l'hégémonie géoéconomique de Rome ou de Veiès sur l'ensemble du bassin du Tibre. Depuis l'époque de Romulus, les Romains avaient fait la guerre à Veiès de temps à autre. Mais avec l'arrivée au pouvoir du clan des Fabiens (Fabii), ils s'y attaquèrent sérieusement. Les Fabii étaient une ancienne famille patricienne qui se considérait comme la descendante d'Hercule et qui était ainsi nommée en l'honneur de la fève (faba en latin). Ils étaient d'ardents partisans du pouvoir oligarchique de la noblesse à Rome, se disputaient désespérément et vicieusement les masses plébéiennes et finirent (probablement en 480) par tuer le commandant favori et invincible du peuple, le sauveur répété des Romains, Spurius Cassius. Ses enfants furent dégradés par les Fabii: de patriciens, ils furent contraints de devenir plébéiens. Les Fabii ont contrôlé le pouvoir à Rome pendant sept ans, occupant des postes de consul.

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Cependant, la haine populaire à l'égard des Fabii a atteint un tel niveau que les plébéiens ont refusé de combattre Veiès pour contrôler les gisements de sel. En 477, les Fabii ont décidé de faire la guerre contre le gré de leurs propres concitoyens, en envoyant tous les hommes adultes de leur clan à la guerre. Les historiens ultérieurs font état de 306 Fabii et de 4000 soldats auxiliaires, ce qui ressemble étrangement aux 300 Spartiates et aux 3900 soldats auxiliaires aux Thermopyles, trois ans plus tôt. En fait, la Rome de l'époque ne pouvait tout simplement pas compter sur des troupes aussi nombreuses (la population romaine totale atteignait à peine quelques milliers de personnes), et ces chiffres devraient donc être considérablement réduits. Cela n'affecte cependant pas l'essentiel de ce qui s'est réellement passé. Les Fabii de la famille des Vibulani (dont le nom dérive probablement d'un toponyme local) ont construit une fortification en bois près de l'embouchure de la Cremère, à 8 kilomètres de Veiès, et étaient bien retranchés, mais pour une raison quelconque, ils ont divisé leur armée entre la forteresse et la colline qui se trouvait à proximité. Les Étrusques de Veiès et leurs alliés italiques profitent de la médiocrité des frères Kaeso et Marcus Fabius Vibulanus, anciens consuls et généraux actifs (leur troisième frère Quintus avait été tué à Veiès trois ans plus tôt). Les Véiens prennent le retranchement à leur tour et massacrent les deux composantes des détachements fabiens. Ce jour-là, le 18 juillet 477 avant J.-C., il y a exactement 2500 ans, tous les hommes du clan des Fabii (qu'ils soient trente ou trois cents) sont tombés sur les rives de la Cremère. Seul l'adolescent Quintus le Jeune, fils de Marcus, resté à Rome, survécut. Les maigres et tragiques lignes de Tite-Live nous sont parvenues : « Fabii caesi ad unum omnes praesidiumque expugnatum. Trecentos sex perisse satis convenit, unum prope puberem aetate relictum, stirpem genti Fabiae dubiisque rebus populi Romani saepe domi bellique vel maximum futurum auxilium ».

Après la catastrophe, la redoute de la Cremère est détruite et les troupes du consul Menenius sont également vaincues. Les Étrusques pénètrent dans Rome, assiègent l'Esquilin et brûlent les villages des deux rives du Tibre. Bien qu'ils soient repoussés de la porte Colline et même expulsés de la rive gauche au cours de l'été 476, les objectifs de leur guerre ne sont pas atteints. Les Étrusques se retirèrent à Fidènes et au-delà de la Cremère, mais les Romains restèrent silencieusement dans leur ville et ne célébrèrent pas la victoire, faute de l'avoir obtenue. À ce stade, Rome n'a pas été en mesure de remporter la bataille du sel. Il lui faudra attendre encore quatre-vingts ans de guerre persistante et épuisante avec Veiès pour survivre, si brutale et parsemée de défaites fréquentes dues à des commandants sans talent, que les Romains n'ont jamais connue auparavant et à laquelle, en détruisant Veiès, seul Camillus, perçu par le peuple comme un faiseur de miracles et un demi-dieu, sera capable de mettre fin. Mais ce sera une autre époque. En attendant, il y a exactement 2500 ans, la moisson sanglante dans les champs de bataille du Latium, de la Sicile et de l'Ionie préparait le terrain pour le déclin des puissances majeures de l'époque comme l'Iran et la montée en puissance de nouveaux hégémons régionaux.

 

mercredi, 25 septembre 2024

Le Plan Dawes: le paiement des réparations allemandes après la première guerre mondiale

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Le Plan Dawes: le paiement des réparations allemandes après la première guerre mondiale

Bernhard Tomaschitz

L’occupation de la région de la Ruhr par des troupes françaises et belges s’était déjà étalée sur plus de dix-huit mois, lorsque le Plan Dawes entra en vigueur le 1 septembre 1924. Ce plan doit son nom au banquier et homme politique américain Charles G. Dawes. Il prévoyait le paiement par l’Allemagne des réparations aux Alliés, imposées par le Diktat de Versailles. Dans son préambule, ce plan stipulait que « les garanties, que nous proposons, sont de nature économique et non politique ».

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Les clauses du Plan Dawes prévoyaient, entre autres choses, que le paiement des réparations commence, la première année, par le versement d’un milliard de Reichsmark et, qu’au bout de cinq ans, le montant s’élèverait chaque année à deux milliards et demi de Reichsmark. On ne précisa aucun montant total, exactement comme dans les clauses du Traité de Versailles. Ce Diktat imposé au vaincu par les vainqueurs n’avait prévu qu’une somme de 20 milliards de Reichsmark que l’Allemagne devait payer avant avril 1920. Le montant exact des réparations allemandes devait être fixé par une commission interalliés.

En avril 1921, les Alliés décidèrent d’adopter le plan de paiement de Londres, élaboré par la dire commission. Selon ce plan, le montant total des réparations était fixé à 132 milliards de Reichsmark, ce qui correspond à quelque 700 milliards d’euro actuels. Ce montant correspondait à un compromis suggéré par la Belgique, tandis que les Français et les Italiens réclamaient bien davantage et les Britanniques nettement moins. Les Alliés avaient déclaré que ces 132 milliards de RM constituaient « une estimation minimale que tolèrerait l’opinion publique ».

Les difficultés économiques (à commencer par l’énorme inflation) firent que les exigences des ennemis de l’Allemagne s’avérèrent impossibles à satisfaire. Cela induisit la France à occuper la Ruhr en janvier 1923. Le Plan Dawes mit un terme à l’occupation de la Ruhr en 1925.

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Les Etats-Unis n’avaient exigé aucune réparation de l’Allemagne. Mais en élaborant ce Plan Dawes, ils poursuivaient des intérêts qui étaient bel et bien leurs. Ils voulaient s’assurer que les crédits, que les banques américaines avaient octroyés aux Alliés pendant la première guerre mondiale, soient effectivement remboursés grâce aux réparations payées par les Allemands. Sur le site des archives historiques du ministère américain des affaires étrangères, on peut lire : « Entretemps, un deuxième problème financier, issu de la guerre, créait des tensions entre les anciens Alliés. Tandis que les Etats-Unis avaient peu d’intérêt à exiger des réparations de l’Allemagne, ils étaient néanmoins bien décidés à se faire rembourser le montant de plus de 10 milliards de dollars qu’ils avaient prêtés aux Alliés pendant toute la durée de la guerre ».  La banque d’émission, la FED, avait calculé en 2012 que les dix milliards de dollars de l’époque correspondaient à 155 milliards actuels.

Pour avoir élaboré son plan de paiement pour les réparations dues par l’Allemagne, Dawes obtint en 1925 le Prix Nobel de la Paix (il était entretemps devenu le vice-président des Etats-Unis). Pendant de longues décennies, l’Allemagne continue à payer les réparations imposées suite à sa défaite de 1918. La dernière traite en fut payées en 2010, soit 92 ans après la fin de la première guerre mondiale.

(article tiré de Zur Zeit, Vienne, n°37/2024).

vendredi, 20 septembre 2024

Tucker Carlson et le syndrome Churchill

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Tucker Carlson et le syndrome Churchill

Nicolas Bonnal

Tucker Carlson discutant avec Darryl Cooper a dit courageusement que les conséquences de la victoire anglo-saxonne en 1945 ont été mauvaises pour nous – et pour les peules anglo-saxons, grand-remplacés et soumis à la tyrannie mondialiste-néo-communiste-antiraciste-écologiste ; et en même temps il a découvert le syndrome Churchill (voir le texte de McDonald sur Unz.com): c’est la rage d’anéantir le monde « pour en faire un lieu sûr pour la démocratie ». On a vu les résultats de l’intervention de Wilson en 1917-18: destruction de l’Europe encore chrétienne, impériale ou traditionnelle, avènement non des cosaques et du Saint-Esprit mais des bolchéviques et du communisme, et surtout préparation de la guerre suivante comme le devina Bainville (qui avait aussi pressenti «l’incendie à venir lié au sionisme», voyez mes textes). Un auteur italien traduit par notre ami Robert Steuckers, parlant de la nuisance anglaise, a parlé de retour de Grand Jeu dans ces préparatifs de guerre terminale contre la Russie. Je dirais qu’on a plutôt affaire au syndrome Churchill. 

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Churchill est l’homme politique le plus nul possible (voir le livre de John Charmley) sur le plan pratique, et qui ne se sentait à l’aise que dans des guerres totales et d’extermination contre les Allemands, qui étaient la cible de l’époque. Or sur ordre des néo-cons, beaucoup plus inspirés par Churchill que par Strauss, les hommes politiques nuls ou même obscènes que nous avons en Occident veulent se lancer dans une guerre éternelle de type orwellien contre la Russie ; dans l’espoir que ces chefs de guerre insensés seront célébrés par des foules toujours plus abruties. Ils oublient que Churchill fut jeté dehors par ses électeurs british en 1945, preuve sans doute que la satisfaction n’était pas à la hauteur des aspirations du chéri des journalistes.On va citer le capitaine Grenfell, auteur de Haine inconditionnelle, ami du romancier à clefs John Buchan, sur les buts aberrants de Churchill, car ce pseudo-conservateur se mit à déifier le stalinisme pour écraser l’hitlérisme (qui lui avait proposé dix fois la paix).

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Je cite la traduction de mes amis du Saker francophone :

« Mais, en supposant que la suppression par la force des tyrannies dans des pays étrangers constituât le devoir des Britanniques, pourquoi trouvait-on une autre tyrannie, partenaire des Britanniques dans ce processus? La tyrannie communiste, en Russie, était pire que la tyrannie nazie en Allemagne ; les conditions générales de vie du peuple russe étaient largement inférieures à celles des Allemands ; le travail de forçat en Russie était employé à grande échelle, en comparaison à la même pratique sur le sol allemand, la cruauté n’y avait rien à envier à celle du côté allemand, et de nombreux observateurs la décrivent même comme bien plus importante.

La technique répugnante des purges, des interrogatoires brutaux amenant à “confession”, et l’espionnage domestique généralisé était déjà à l’œuvre en Russie depuis des années avant qu’Hitler n’introduise ces mêmes méthodes en Allemagne, qu’il copia probablement de l’exemple russe. Mais M. Churchill encensait la Russie comme allié des plus bienvenus, quand elle se trouva embarquée dans la guerre. »

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Plus loin Grenfell souligne le bilan effrayant et ruineux de cette guerre pour l’Angleterre :

« Il s’était montré prêt à tout sacrifier pour parvenir à cette victoire, et les sacrifices consentis par lui laissèrent ses co-vainqueurs britanniques à moitié ruinés, rationnés, emprisonnés financièrement dans le camp de concentration de leur île, assistant à la désintégration de leur Empire, leur propre pays occupé par des soldats américains, et leur économie nationale dépendant de la charité étasunienne. Tout cela pour quoi ? Pour que les Allemands se vissent désarmés de manière permanente? À peine trois ou quatre années passées, nous suppliions les Allemands de se réarmer aussi rapidement que possible. »

C’est l’ambiance de 1984. Avec une guerre interminable à venir.

Grenfell a tout résumé : on a détruit le pays et l’Europe pour rien, pour se retrouver avec une URSS plus forte que jamais. Puis avec une Europe « anglo-américaine » (ils ont bon dos les Anglo-Saxons parfois…) plus belliciste que jamais…

Ce n’est pas un hasard si Orwell a écrit son 1984 pendant cette triste époque. Voyez l’enfant aux cheveux verts de Losey ; on est passé de l’Angleterre edwardienne maîtresse du monde vers 1900 à un pays prolétarisé et clochardisé y compris sur le plan culturel et sociétal. Et c’est Churchill et sa rage guerrière qui ont précipité tout cela. Mais puisqu’on vous dit qu’il a sauvé le monde et la paix…

Les nazis volaient des territoires ? Grenfell, qui n’est pas russophile pour un sou, remarque justement (et cela explique la claque de Kaliningrad…) :

« Pourtant, à Yalta, il accepta que des centaines de milliers de kilomètres carrés de territoire polonais (sans parler des territoires lettons, lituaniens ou estoniens) fussent accordés, sans l’aval des habitants, aux gâteurs d’âme, en désaccord flagrant de la Charte Atlantique que lui-même et le président des USA avaient claironné au monde au cours de la même guerre, et en déni flagrant de la déclaration de guerre britannique contre l’Allemagne de 1939, qui précisément garantissait l’inviolabilité du territoire polonais. En outre, les compensations accordées aux Polonais sous forme de territoire d’Allemagne orientale, et l’allocation de la moitié du reste de l’Allemagne à une occupation russe, eurent pour effet de supprimer la zone tampon historique entre Moscou et les pays bordant l’Atlantique. »

Et Grenfell d’ajouter justement :

« Aucune raison réaliste n’existait de considérer l’alliance de la Russie comme loyale et digne de confiance. »

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Sur Roosevelt, Grenfell rejoint les libertariens américains :

« On peut également admettre que le président Roosevelt, à cette époque, était dans un état d’hallucination fascinée quant à la pureté virginale des motivations du maréchal Staline… »

Revenons à la situation présente : nos élites s’inspirent et se réclament d’un homme politique opportuniste, belliqueux et corrompu, aussi incapable en temps de guerre qu’en temps de paix, et qui fut prêt à tout pour gagner une guerre déshonorante (un million de civils allemands carbonisés sous les bombes, quatorze millions de déplacés, etc.) et déplorable sur le plan des résultats (shoah, massacres, ruine, etc.).

Comprenez donc qu’ils vous affameront, vous priveront d’eau, d’électricité, de bagnole, de liberté (mais pas d’infos ou de vaccin…), mais qu’ils continueront dans leur aberration guerrière jusqu’au bout. Tout sera bon pour exterminer la Russie (ennemi de certains sur le long terme, revoir notre texte sur Emmanuel Todd et sur Nietzsche) qui a fièrement retrouvé sa place, une fois l’Allemagne écrasée.

Sources :

Nicolas Bonnal sur Amazon.fr

https://www.dedefensa.org/article/emmanuel-todd-et-le-con...

https://www.unz.com/article/the-carlson-cooper-podcast-a-...

http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2024/09/16/l...

https://www.revuemethode.org/sf021722.html

1920 : Jacques Bainville explique Hitler et la Deuxième Guerre Mondiale - Les 4 Vérités Hebdo - La publication anti bourrage de crâne (les4verites.com)

https://www.amazon.fr/HITLER-VERSAILLES-PETITS-ESSAIS-HIS...

 

mardi, 17 septembre 2024

Tocqueville et la fabrication du pauvre britannique

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Tocqueville et la fabrication du pauvre britannique

Nicolas Bonnal

L’Angleterre et ses dominions orwelliens paraissent aujourd’hui les entités administratives  (il n’y a plus d’Etat) les plus totalitaires du monde; difficile de savoir quelle élite, locale ou globale, a décidé de l’édification du cauchemar british, carbonique ou antiraciste. Un épisode raconté par Tocqueville va nous rappeler qu’en la terre d’Utopie, de Bensalem (Bacon) et de 1984 tout a toujours indiqué un inquiétant cauchemar bien éloigné des libertés vantées ici ou là par les agents de l’Empire. Hugo semble s’en être rendu compte dans l’Homme qui rit, qui dénonce d’une façon inédite et géniale les méfaits de la kleptocratie la plus dure et résiliente du monde. Mais on y reviendra.

Les émeutes britanniques montrent que le pauvre anglais est toujours d’aussi mauvaise qualité. L’élite ne vaut guère mieux (Todd a expliqué pourquoi) mais ce n’est pas notre problème aujourd’hui. Là elles se sont trouvées un adversaire à leur hauteur ces élites britanniques, et c’est le pauvre anglais contre lequel elles s’acharnent depuis Hastings, et qui finira l’année numérisé, avant nous donc; car cette bataille de Hastings (1066 donc, avec son livre du Jugement dernier à la clé) est la bataille qui sert de modèle à la globalisation: une élite néo-féodale aura toute la terre, le reste crèvera. Guillaume avait fait détruire des centaines de villages pour étaler ses territoires de chasse. Il chassa aussi le clergé saxon avec l’aide papale (ce fut la première croisade en fait, et c’est dommage qu’on ne le comprenne pas) et une élite ORTHODOXE trouva refuge à Constantinople.

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Tolkien savait ces choses, et lui qui détestait les Normands et se concentrait sur le vieux génie saxon (voyez mon livre) avait compris que la dystopie et le monde moderne avaient lieu en Angleterre. Lisez enfin l’Homme qui rit de Hugo (l’Homme qui rit est l’ancêtre du Joker de Batman) qui décrit magnifiquement (plus grand roman du monde, a dit justement – tout arrive – Ayn Rand) le sort du pauvre dans l’île noire d’Hergé, mère de toutes les dystopies. Certains disent que l’élite possède encore 50% des terres britanniques, d’autres 85%. Elle a concentré sa population INDUSTRIELLE dans cinq villes depuis un siècle et demi comme dans ses dominions (90%  de la population australienne ou canadienne vit dans cinq ou six villes) et tout le monde est content-vacciné-numérisé-alcoolisé-connecté. Le contrôle du pauvre par la cruauté (toujours exemplaire) ou du britannique moyen par la presse et par les médias (voyez McLuhan) a toujours été sans égal. Le flegme britannique ou soumission imbécile aura fait le reste à travers les âges: voir les guerres fratricides contre une Allemagne qui ne demandait que la paix (cf. nos textes sur Grenfell et Churchill).

Mais pour être parfaite une élite diabolique doit aussi et surtout être humanitaire et progressiste (voyez Dorian Gray et son couple festif, homo, socialiste, amateur d’exotismes, collectionneur et anarchisant). Comme dit Trotski dans un texte célèbre que j’ai recensé, « pour chaque brigandage elle (l’élite bancaire US) sert un mort d’ordre humanitaire ». De ce point de vue le christianisme avec sa tartuferie ontologique et millénaire et ses capacités baroques à se transformer lui servira jusqu’au bout d’accompagnateur fidèle.

Elite la plus dure du monde, la féodalité british a toujours su y faire avec le paupérisme au point de cultiver son pauvre depuis la Réforme. Elle a créé le pauvre soumis, industriel, numérisé, absous et béni, pauvre qui n’a pas le droit de bouger de sa paroisse. Et elle l’a fait sous Elisabeth, au moment où Shakespeare (dix fois moins sulfureux et informé que Marlowe, mais c’est un autre problème) dessine la mondialisation dans la Tempête avec ses Caliban. C’est ce que nous explique Tocqueville donc dans son incroyable étude sur le paupérisme qui décrit en quelques pages le monde à venir du « mendiant ingrat », comme dit Léon Bloy :

« Mais je suis profondément convaincu que tout système régulier, permanent, administratif, dont le but sera de pourvoir aux besoins du pauvre, fera naître plus de misères qu'il n'en peut guérir, dépravera la population qu'il veut secourir et consoler, réduira avec le temps les riches à n'être que les fermiers des pauvres, tarira les sources de l'épargne, arrêtera l'accumulation des capitaux, comprimera l'essor du commerce, engourdira l'activité et l'industrie humaines et finira par amener une révolution violente dans l'État, lorsque le nombre de ceux qui reçoivent l'aumône sera devenu presque aussi grand que le nombre de ceux qui la donnent, et que l'indigent ne pouvant plus tirer des riches appauvris de quoi pourvoir à ses besoins trouvera plus facile de les dépouiller tout à coup de leurs biens que de demander leurs secours (1835). »

Il y a beaucoup de pauvres en Angleterre donc :

« Pénétrez maintenant dans l'intérieur des communes ; examinez les registres des paroisses, et vous découvrirez avec un inexprimable étonnement que le sixième des habitants de ce florissant royaume vit aux dépens de la charité publique. »

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Et de distinguer les deux charités, la traditionnelle (enfin, l’ancienne, la chrétienne) et la moderne:

« Il y a deux espèces de bienfaisances: l'une, qui porte chaque individu à soulager, suivant ses moyens, les maux qui se trouvent à sa portée. Celle-là est aussi vieille que le monde ; elle a commencé avec les misères humaines; le christianisme en a fait une vertu divine, et l'a appelée la charité.

L'autre, moins instinctive, plus raisonnée, moins enthousiaste, et souvent plus puissante, porte la société elle-même à s'occuper des malheurs de ses membres et à veiller systématiquement au soulagement de leurs douleurs. Celle-ci est née du protestantisme et ne s’est développée que dans les sociétés modernes. »

La deuxième charité est inédite et dangereuse (rappelons que c’est elle qui promeut depuis le théosophisme l’invasion de pays européens promis au brassage numérique des troupeaux de Laban – voyez mon livre sur Internet) :

« La première est une vertu privée, elle échappe à l'action sociale ; la seconde est au contraire produite et régularisée par la société. C'est donc de celle-là qu'il faut spécialement nous occuper. »

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Atelier du monde moderne. Voici comment Tocqueville décrit notre Angleterre (quel est son secret ? Voyez le Repaire du ver blanc, livre de Bram Stoker et film de Ken Russell avec l’inévitable-inquiétant-omniprésent Hugh Grant):

« Le seul pays de l'Europe qui ait systématisé et appliqué en grand les théories de la charité publique est l'Angleterre. A l'époque de la révolution religieuse qui changea la face de l'Angleterre, sous Henri VIII, presque toutes les communautés charitables du royaume furent supprimées, et comme les biens de ces communautés passèrent aux nobles et ne furent point partagés entre les mains du peuple, il s'ensuivit que le nombre de pauvres alors existants resta le même, tandis que les moyens de pourvoir à leurs besoins étaient en partie détruits. »

Conséquence : on fabrique du pauvre…

« Le nombre des pauvres s'accrut donc outre mesure, et Élisabeth, la fille de Henri VIII, frappée de l'aspect repoussant des misères du peuple, songea à substituer aux aumônes que la suppression des couvents avait fort réduites, une subvention annuelle, fournie par les communes. »

Pas besoin de communisme, même sacerdotal. Albion fabrique et contrôle son pauvre Made in England:

« Une loi promulguée dans la quarante-troisième année du règne de cette princesse dispose que dans chaque paroisse des inspecteurs des pauvres seront nommés; que ces inspecteurs auront le droit de taxer les habitants à l'effet de nourrir les indigents infirmes, et de fournir du travail aux autres. A mesure que le temps avançait dans sa marche, l'Angleterre était de plus en plus entraînée à adopter le principe de la charité légale. Le paupérisme croissait plus rapidement dans la Grande-Bretagne que partout ailleurs. »

Tocqueville rappelle aussi que la terre se concentre entre quelques mains (cf. l’Ukraine ou la France en ce moment d’extermination des paysans):

« Il arrive depuis un siècle, chez les Anglais, un événement qu'on peut considérer comme un phénomène, si l'on fait attention au spectacle offert par le reste du monde. Depuis cent ans, la propriété foncière se divise sans cesse dans les pays connus; en Angleterre, elle s'agglomère sans cesse. Les terres de moyenne grandeur disparaissent dans les vastes domaines, la grande culture succède à la petite. »

Tocqueville rappelle qu’il vaudrait mieux ne pas trop pousser tout le monde à l’oisiveté :

« Il y a pourtant deux motifs qui le portent au travail: le besoin de vivre, le désir d’améliorer les conditions de l’existence. L’expérience a prouvé que la plupart des hommes ne pouvaient être suffisamment excités au travail que par le premier de ces motifs, et que le second n’était puissant que sur un petit nombre. Or un établissement charitable, ouvert indistinctement à tous ceux qui sont dans le besoin, ou une loi qui donne à tous les pauvres, quelle que soit l’origine de la pauvreté, un droit au secours du public, affaiblit ou détruit le premier stimulant et ne laisse intact que le second. »

Résultats ? Avant la Ferme des Animaux donc, beaucoup de pauvres, surtout beaucoup de surveillants :

« Les Anglais ont été obligés de placer des surveillants des pauvres dans chaque commune. »

On crée une nouvelle classe, celle des assistés :

« Toute mesure qui fonde la charité légale sur une base permanente et qui lui donne une forme administrative crée donc une classe oisive et paresseuse, vivant aux dépens de la classe industrielle et travaillante. C'est là, sinon son résultat immédiat, du moins sa conséquence inévitable. Elle reproduit tous les vices du système monacal, moins les hautes idées de moralité et de religion qui souvent venaient s'y joindre. »

Un abaissement moral du pauvre et même du riche trop taxé (on le rassure : les ultra-riches ne le sont nulle part, taxés) en découle :

« Mais le droit qu'a le pauvre d'obtenir les secours de la société a cela de particulier, qu'au lieu d'élever le cœur de l'homme qui l'exerce, il l'abaisse. Le pauvre qui réclame l'aumône au nom de la loi est donc dans une position plus humiliante encore que l'indigent qui la demande à la pitié de ses semblables au nom de celui qui voit d'un même œil et qui soumet à d'égales lois le pauvre et le riche.

La charité légale laisse subsister l'aumône, mais elle lui ôte sa moralité. Le riche, que la loi dépouille d'une partie de son superflu sans le consulter, ne voit dans le pauvre qu'un avide étranger appelé par le législateur au partage de ses biens. »

Aucune gratitude à attendre (Léon Bloy a donc raison) :

« Le pauvre, de son côté, ne sent aucune gratitude pour un bienfait qu'on ne peut lui refuser et qui ne saurait d'ailleurs le satisfaire ; car l'aumône publique, qui assure la vie, ne la rend pas plus heureuse et plus aisée que ne le ferait l'aumône individuelle; la charité légale n'empêche donc point qu'il n'y ait dans la société des pauvres et des riches, que les uns ne jettent autour d'eux des regards pleins de haine et de crainte, que les autres ne songent à leurs maux avec désespoir et avec envie. »

Comme un implacable et méchant libéral (mot qui ne veut rien dire depuis des siècles) ou même libertarien (voyez mon recueil), Tocqueville explique donc :

« J'ai dit que le résultat inévitable de la charité légale était de maintenir dans l'oisiveté le plus grand nombre des pauvres et d'entretenir leurs loisirs aux dépens de ceux qui travaillent. »

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Les sceptiques pourront relire Jack London et sa description des pauvres londoniens (sic) victimes non pas du capitalisme mais de la charité trop bien ordonnée. Tocqueville écrit alors, comme un bon taoïste chinois:

« Si l'oisiveté dans la richesse, l'oisiveté héréditaire, achetée par des services ou des travaux, l'oisiveté entourée de la considération publique, accompagnée du contentement d'esprit, intéressée par les plaisirs de l'intelligence, moralisée par l'exercice de la pensée: si cette oisiveté, dis-je, a été la mère de tant de vices, que sera-ce d'une oisiveté dégradée acquise par la lâcheté, méritée par l'inconduite, dont on jouit au milieu de l'ignominie et qui ne devient supportable qu'à mesure que l'âme de celui qui la souffre achève de se corrompre et de se dégrader ? »

Et d’observer l’étendue des dégâts :

« Lisez tous les livres écrits en Angleterre sur le paupérisme ; étudiez les enquêtes ordonnées par le Parlement britannique ; parcourez-les discussions qui ont eu lieu à la Chambre les Lords et à celle des communes sur cette difficile question ; une seule plainte retentira à vos oreilles : on déplore l'état de dégradation où sont tombées les classes inférieures de ce grand peuple ! Le nombre des enfants naturels augmente sans cesse, celui des criminels s'accroît rapidement ; la population indigente se développe outre mesure ; l'esprit de prévoyance et d'épargne se montre de plus en plus étranger au pauvre ; tandis que dans le reste de la nation les lumières se répandent, les mœurs s'adoucissent, les goûts deviennent plus délicats, les habitudes plus polies, - lui, reste immobile, ou plutôt il rétrograde ; on dirait qu'il recule vers la barbarie, et, placé au milieu des merveilles de la civilisation, il semble se rapprocher par ses idées et par ses penchants de l'homme sauvage. »

Problème enfin : cette société de charité promeut le contrôle et la SURVEILLANCE (remarquez, c’est ce que fait la religion : Dieu t’espionne, te contrôle, puis te juge, peut-être avec Microsoft pour vérifier l’étendue et le nombre de tes péchés). Le pauvre n’a donc plus le droit de quitter sa commune.

« Or, comme dans un pays où la charité publique est organisée, la charité individuelle est à peu près inconnue, il en résulte que celui que des malheurs ou des vices rendent incapable de gagner sa vie est condamné, sous peine de mort, à ne pas quitter le lieu où il est né. S'il s'en éloigne, il ne marche qu'en pays ennemi ; l'intérêt individuel des communes, bien autrement puissant et bien plus actif que ne saurait l'être la police nationale la mieux organisée, dénonce son arrivée, épie ses démarches, et s'il veut se fixer dans un nouveau séjour, le désigne à la force publique qui le ramène au lieu du départ. Par leur législation sur les pauvres, les Anglais ont immobilisé un sixième de leur population. Ils l'ont attaché à la terre comme l'étaient les paysans du Moyen Age. »

Tocqueville vaticine ensuite une apocalypse qui est toujours à venir :

« Mais je suis profondément convaincu que tout système régulier, permanent, administratif, dont le but sera de pourvoir aux besoins du pauvre, fera naître plus de misères qu'il n'en peut guérir, dépravera la population qu'il veut secourir et consoler, réduira avec le temps les riches à n'être que les fermiers des pauvres, tarira les sources de l'épargne, arrêtera l'accumulation des capitaux, comprimera l'essor du commerce, engourdira l'activité et l'industrie humaines et finira par amener une révolution violente dans l'État, lorsque le nombre de ceux qui reçoivent l'aumône sera devenu presque aussi grand que le nombre de ceux qui la donnent, et que l'indigent ne pouvant plus tirer des riches appauvris de quoi pourvoir à ses besoins trouvera plus facile de les dépouiller tout à coup de leurs biens que de demander leurs secours. »

Conclusion :

« Je ne dirai point que ce désir universel et immodéré des fonctions publiques est un grand mal social ; qu’il détruit, chez chaque citoyen, l’esprit d’indépendance, et répand dans tout le corps de la nation une humeur vénale et servile ; qu’il y étouffe les vertus viriles ; je ne ferai point observer non plus qu’une industrie de cette espèce ne crée qu’une activité improductive et agite le pays sans le féconder : tout cela se comprend aisément. Mais je veux remarquer que le gouvernement qui favorise une semblable tendance risque sa tranquillité et met sa vie même en grand péril. »

On verra : le gouvernement travailliste est très capable de mettre la vie du pauvre anglais en péril pour des raisons climatiques (sauver le climat en tuant le pauvre donc) tout en revendiquant et en provoquant l’apocalypse nucléaire avec la Russie ? Comme dit Debord, « cette société n’a été que trop patiente jusque-là. »

Sources principales:

https://lesakerfrancophone.fr/le-syndrome-churchill-et-la...

https://www.amazon.fr/Tocqueville-politiquement-incorrect...

https://www.erudit.org/fr/revues/riac/1986-n16-riac02301/...

http://classiques.uqac.ca/classiques/De_tocqueville_alexi...

https://www.amazon.fr/grands-auteurs-traditionnels-Contre...

https://blogs.mediapart.fr/danyves/blog/220117/comment-tr...

lundi, 09 septembre 2024

Juin 1944, les Marocchinate sur l'île d'Elbe. Le drame d'Olimpia Mibelli Ferrini

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Crimes de guerre

Juin 1944, les Marocchinate sur l'île d'Elbe. Le drame d'Olimpia Mibelli Ferrini

par Eugenio Pasquinucci

Source: https://www.destra.it/home/storie-italiane-giugno-1944-le-marocchinate-dellisola-delba/

Je suis en vacances sur l'île d'Elbe et un jour je demande à une connaissance locale si je pourrais avoir des nouvelles de la vie d'Olimpia Mibelli Ferrini, dont on a décidé de donner le nom à une rue de Portoferraio.

« Nous savons tous qui était Olimpia et quelle était son histoire. Je connais l'un de ses fils, mais il n'est pas là ».

Olimpia était la figure féminine emblématique des tragiques journées de l'île d'Elbe en juin 1944, au cours desquelles s'est déroulée l'opération Brassard. À l'époque, plusieurs milliers de soldats des troupes coloniales françaises, sénégalais et nord-africains, marocains, tunisiens et algériens, débarquent le 17 juin 1944 sur les plages minées de Marina di Campo, sur l'île d'Elbe. Les 500 premiers sautent sur les mines, car ils sont considérés par les Alliés comme de la simple chair à canon, mais les autres se jettent sur les lieux de l'île en faisant usage du permis de viol et de pillage délivré aux troupes par le commandement français. Après avoir vaincu la résistance des quelques défenseurs italiens et allemands, les assaillants n'hésitent pas à s'emparer de tout ce qui leur tombe sous la main.

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Les maisons des insulaires furent dévalisées, les femmes presque toutes violées. De nombreuses femmes furent tuées suite aux violences subies par plusieurs soldats, certains hommes tentèrent de les défendre et furent tués à leur tour, dans certains cas également violés. Certaines femmes ont été sauvées parce qu'elles se sont échappées vers l'arrière-pays où elles ont été emmurées vivantes à l'intérieur de certaines maisons, avec une fissure dans le plafond qui leur permettait de respirer et d'obtenir de la nourriture.

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Olimpia était une blanchisseuse de Portoferraio, mariée à un soldat de la République Sociale Italienne, qui, face à la convoitise débridée de certains soldats nord-africains, leur a offert son corps à condition qu'ils laissent tranquilles des jeunes filles qui avaient été prises pour cible.

Son sacrifice a permis de préserver certaines de ces jeunes filles, dont certaines étaient encore des enfants, et cela est devenu un acte symbolique digne d'être rappelé jusqu'à aujourd'hui, alors que la tradition orale n'a jamais manqué de faire connaître cette tragédie.

Ainsi, au milieu des rues de Portoferraio, lieu consacré à la mémoire de Cosimo de' Medici et de Napoléon Bonaparte, il y aura un espace dédié à Olimpia Mibelli Ferrini.

L'opération Brassard fut un débarquement inutile dans l'histoire de la Seconde Guerre mondiale, voulu par les Français dans l'espoir d'annexer plus tard l'île d'Elbe en même temps que la Corse. Les habitants de l'île d'Elbe, qui auraient dû accueillir les troupes alliées en libérateurs, étaient impatients de s'en débarrasser, au prix de plus de 200 viols, auxquels s'ajoutent les morts et les suicides, les avortements et les infections vénériennes qui s'ensuivirent.

Dans les mois qui suivirent, plusieurs enfants naquirent, dont les traits somatiques rappelaient indubitablement les viols de l'époque, mais que les habitants de l'île d'Elbe accueillirent dans leur communauté avec le même amour que celui qu'ils réservaient aux autres.

La consécration du sacrifice d'Olimpia se veut non seulement le souvenir d'une femme courageuse, mais aussi une sorte de réparation pour la mémoire qui a trop souvent été refusée à ces événements, auxquels il semble que les présidents de la République aient été particulièrement insensibles au cours des 80 dernières années.

lundi, 02 septembre 2024

Comment Tocqueville réfute la théorie de la conspiration

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Comment Tocqueville réfute la théorie de la conspiration

Nicolas Bonnal

Personne n’a expliqué le monde dit moderne et les siècles dits démocratiques mieux qu’Alexis de Tocqueville. On peut se demander alors ce que ce grand esprit terrassé par le césarisme plébiscitaire des Bonaparte (qui stérilisa l’esprit français, en particulier l’esprit aristocratique qui est celui de la Liberté – voir Jouvenel) pouvait penser de la théorie du complot pour expliquer l’histoire. Or il n’y a pas à se le demander, car il a bien répondu sur ce point dans sa correspondance, à un ami visiblement « d’extrême-droite », le sympathique comte de Circourt, qui lui parlait de l’inévitable et fastidieux jésuite Barruel, auteur du pensum sur les conspirations maçonniques et illuminées pendant la révolution (dans le genre je préfère Robison -Proofs of a Conspiracy against all the Religions and Governments of Europe, carried on in the Secret Meetings of Free-Masons, Illuminati and Reading Societies, etc., collected from good authorities (1797)- ou même le Napoléon de Walter Scott, ou même Dumas et Balsamo).

Sur la gesticulation politique au XIXe siècle, Debord avait écrit dans ses Commentaires :

La « conception policière de l’histoire était au XIXe siècle une explication réactionnaire, et ridicule, alors que tant de puissants mouvements sociaux agitaient les masses (1). »

Mais les masses allaient mener au socialisme, à l’étatisme, au fascisme et au nazisme, en attendant le mondialisme télévisé. Relisez Ortega Y Gasset qui révéla leur perversion dans Révolte.

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Tocqueville n’a donc pas lu le légendaire et sulfureux Barruel ; et d’expliquer pourquoi :

« J’en ai toujours été détourné par l’idée que celui-ci avait un point de départ essentiellement faux. Sa donnée première est que la révolution française (il est permis de dire aujourd’hui européenne) a été produite par une conspiration. Rien ne me paraît plus erroné (2). »

Car on oublie que conspirer signifie respirer ensemble. Les Français voulaient tous ou presque cette abomination. Le voyageur Young révéla l’instantané fanatisme de leur révolution dans ses voyages.

Tocqueville fait ensuite une concession rhétorique :

« Je ne dis pas qu’il n’y eût pas dans tout le cours du dix-huitième siècle des sociétés secrètes et des machinations souterraines tendant au renversement de l’ancien ordre social. Au-dessous de tous les grands mouvements qui agitent les esprits se trouvent toujours des menées cachées. C’est comme le sous-sol des révolutions. »

Il n’y a pas besoin de théorie de la conspiration quand la théorie de la constatation fonctionne.

Mais Tocqueville rappelle l’essentiel. L’essentiel est qu’il n’y a pas besoin de théorie de la conspiration quand la théorie de la constatation fonctionne.  Les Français voulaient que ça saute, comme aujourd’hui ils veulent du Macron, du Reset, de la pénurie et des coupures de courant (oui, je sais, pas tous, mais la minorité de mécontents qui clique ne fait et ne fera pas la loi). Car on ne les refait pas les Français. La révolution-conspiration c’est quand la masse veut la même merde que l’élite. Aux mécontents de changer de pays.

Tocqueville ajoute superbement :

« Mais ce dont je suis convaincu, c’est que les sociétés secrètes dont on parle ont été les symptômes de la maladie et non la maladie elle-même, ses effets et non ses causes. Le changement des idées qui a fini par amener le changement dans les faits s’est opéré au grand jour par l’effort combiné de tout le monde, écrivains, nobles et princes, tous se poussant hors de la vieille société sans savoir dans quelle autre ils allaient entrer (3). »

Nouvelle société qui semblait inévitable. A cet égard Tocqueville souligne les caractères de la science historique :

« On dirait, en parcourant les histoires écrites de notre temps, que l’homme ne peut rien, ni sur lui, ni autour de lui. Les historiens de l’Antiquité enseignaient à commander, ceux de nos jours n’apprennent guère qu’à obéir. Dans leurs écrits, l’auteur paraît souvent grand, mais l’humanité est toujours petite. »

Notre écrivain ajoute :

 « Si cette doctrine de la fatalité, qui a tant d’attraits pour ceux qui écrivent l’histoire dans les temps démocratiques, passant des écrivains à leurs lecteurs, pénétrait ainsi la masse entière des citoyens et s’emparait de l’esprit public, on peut prévoir qu’elle paralyserait bientôt le mouvement des sociétés nouvelles et réduirait les chrétiens en Turcs (4). »

Cette doctrine de la fatalité me paraît juste : tout empire, à commencer par l’étatisme, le bellicisme humanitaire et la tyrannie informatique, et l’on n’y peut rien : théorie de la constatation.

C’est l’historien de l’Espagne Stanley Payne qui, désespéré par l’anesthésie de cet ancien grand peuple, dénonce la torpeur de ces temps post-historiques. Raison de plus pour rendre hommage à la liquidation de la théorie du complot par Tocqueville : la masse suit, quand elle ne la précède pas, la mauvaise volonté de son élite. Plus antiraciste, plus féministe, plus véganienne et plus écologiste qu’elle, plus cybernétisée même, elle exige du Reset.

Ma solution ? Un voilier dans les sublimes fjords du Chili (pays le plus vacciné au monde…).

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Notes:

1). Debord, Commentaires, XX.

2). Tocqueville, Correspondance, A M. LE COMTE DE CIRCOURT, Tocqueville, 14 juin 1852.

3). Ibid.

4). De la Démocratie en Amérique II, Première partie, CHAPITRE XX.

 

jeudi, 29 août 2024

Le polémiqueur - Les cinq meilleurs livres d'Ernst Nolte

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Le polémiqueur - Les cinq meilleurs livres d'Ernst Nolte

Source: https://www.freilich-magazin.com/kultur/der-streitbare-die-fuenf-besten-buecher-von-ernst-nolte

"Antisémite", "fasciste", "incendiaire intellectuel" - les critiques adressées à l'historien et philosophe Ernst Nolte (1923-2016) n'avaient pas de vocables assez durs pour mettre le public en garde contre ses écrits et ses travaux. Devenu célèbre pour son examen critique du nazisme et son rôle dans la «querelle des historiens» des années 1980, Nolte a créé les outils historico-politiques d'une nouvelle génération de la droite libérale et conservatrice. Mike Gutsing, rédacteur du magazine Freilich, a rassemblé les ouvrages les plus importants pour nous en dire quelques mots.

par Mike Gutsing

Le fascisme à son époque (1963)

Le premier ouvrage d'Ernst Nolte est aujourd'hui encore considéré comme un classique. Il avait déjà travaillé sur Le fascisme à son époque alors qu'il enseignait l'allemand, le latin et le grec au lycée à la fin des années 1950 et s'en était servi comme thèse de doctorat. Avec Der Faschismus in seiner Epoche, Nolte adopte une méthode de travail qui marquera toute son œuvre scientifique et qui compte encore aujourd'hui de nombreux adeptes dans et hors du milieu universitaire. Il interprète le phénomène de l'État nazi à partir de lui-même, analyse sa compréhension de lui-même et en déduit les particularités idéologiques. Jusqu'alors, le terme n'était connu que comme une auto-désignation du mouvement politique de Mussolini et comme un terme de combat de la gauche d'après-guerre, grâce à Nolte, le « fascisme » est devenu un terme d'analyse scientifique.

Contrairement à l'interprétation qu'en font ses contemporains, Nolte bouscule les schémas de pensée existants. Il affirme que le fascisme a été une réaction à certaines circonstances et crises historiques, et tente de mettre en lumière les similitudes et les différences entre les différents mouvements fascistes. L'idée selon laquelle les différentes formes de fascisme européen étaient des réactions au communisme soviétique russe est centrale. C'est notamment cette thèse qui a valu à l'ouvrage, et donc à Ernst Nolte, d'être sévèrement critiqué par les historiens.

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L'Allemagne et la guerre froide (1974)

Près de trente ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, le monde était à nouveau sur le point de connaître une conflagration mondiale. Les puissances du bloc formé par les États-Unis d'Amérique et l'Union soviétique se sont réarmées après les efforts de détente des années 60 et se sont livrées à une course au monde jusqu'alors inédite. Dans son livre L'Allemagne et la guerre froide, Ernst Nolte a analysé comme personne d'autre les relations tendues entre les deux grandes puissances. Selon Nolte, le conflit mondial n'est pas seulement une lutte d'influence, de ressources et d'hégémonie, mais aussi un combat d'idéologies. Pour lui, les « démocraties occidentales » sont en concurrence permanente avec leurs alternatives, qui ont pris la forme du nazisme et du communisme au 20ème siècle.

Dans L'Allemagne et la guerre froide, Nolte étudie également les circonstances géopolitiques qui ont conduit à la division de l'Allemagne. En tant qu'historien, il était au cœur de l'actualité, la double décision de l'OTAN ayant donné à de nombreux Allemands de l'Ouest l'impression d'être devenus tout à coup la première tranchée de la guerre froide. Nolte établit également un parallèle avec Israël, une comparaison qui a suscité l'étonnement et parfois l'admiration de nombreux critiques contemporains pour sa méthode de travail.

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La guerre civile européenne (1987)

La fascination pour les pensées et les points de vue sous-jacents aux grandes évolutions du monde imprègne également l'œuvre la plus controversée de Nolte. Avec Der europäische Bürgerkrieg 1917-1945. Nationalsozialismus und Bolschewismus (La guerre civile européenne 1917-1945 - National-socialisme et bolchevisme ), il s'est propulsé au cœur de la querelle des historiens, exacerbée par le mouvement de 1968, sur la manière dont la recherche traite le national-socialisme. A sa critique centrale, selon laquelle l'historiographie de la RFA n'aurait pas dû adopter sans réflexion la perspective des puissances victorieuses, Ernst Nolte oppose dans ce livre un contraste en confrontant les deux adversaires de la « guerre civile ».

Avec sa thèse selon laquelle les camps de concentration nazis auraient été la réaction à l'archipel du Goulag des communistes, il fait tomber de son piédestal, selon de nombreux collègues, l'une des vaches sacrées de l'Allemagne d'après-guerre. Les recherches universitaires de Nolte sont perçues comme une attaque contre la souveraineté d'interprétation des intellectuels de la République fédérale d'Allemagne et interprétées comme une relativisation de l'Holocauste. Le conflit autour des déclarations de Nolte, souvent interprétées de manière délibérément erronée, continue d'assombrir le livre et son auteur. Il n'en reste pas moins un ouvrage de référence, non seulement pour les historiens spécialisés, mais aussi pour tous ceux qui souhaitent comprendre la pensée historique de Nolte.

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La pensée historique au XXe siècle (1991)

A propos de l'ouvrage publié au début des années 1990 , Geschichtsdenken im 20. Jahrhundert. De Max Weber à Hans Jonas, il y a peu à dire. Non pas parce que le livre est seulement faible en contenu ou même en qualité, mais parce qu'il semble à première vue être l'étape logique après les débats autour de son dernier grand ouvrage, La guerre civile européenne. Ses contemporains l'ont qualifié de « costume d'Arlequin assez abscons » que l'homme, alors âgé de 68 ans, avait revêtu. Pour Nolte, il s'agissait de trouver des personnes partageant les mêmes idées que lui, qu'il voulait à présent dénicher dans le passé après les avoir vainement recherchées dans le présent.

Les « penseurs de l'histoire », comme les appelle Nolte, sont une espèce rare d'intellectuels, même parmi les 39 grands penseurs de la fin du 19ème siècle et du 20ème siècle, qui n'est pas totalement révolu, ils ne sont qu'une poignée. Si vous souhaitez comprendre la pensée de Nolte, vous ne pouvez pas passer à côté de ce livre.

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Le troisième mouvement de résistance radicale : L'islamisme (2009)

Dans son œuvre tardive, Ernst Nolte a également cherché le point sensible. L'examen de l'islamisme, avec en toile de fond les attentats du 11 septembre 2001 et la guerre internationale contre la terreur, n'est pas vraiment extravagant. Pour lui, l'islamisme, troisième idéologie après le bolchevisme et le nazisme, s'oppose fondamentalement à la démocratie libérale. Nolte reste impassible dans cette évaluation, il considère que le système de valeurs occidental n'est pas moins menaçant pour l'existence des pays marqués par l'islam, comme c'est le cas dans l'autre sens.

Tout au long de sa vie, ses détracteurs ont reproché à Nolte de s'intéresser davantage aux idéologies qu'à la réalité. Mais c'est justement La troisième résistance radicale: l'islamisme qui nous montre que l'idéologie et la réalité ne forment pas un couple antagoniste. Dans ce livre, Ernst Nolte révèle une fois de plus une manière de penser au-delà des perspectives préconçues. Si ses résultats peuvent être contestables, la grande qualité de sa méthode de travail et la force d'innovation de sa pensée ne le sont pas.

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