dimanche, 02 février 2014
Les séparatistes rhénans de 1923
Jan ACKERMEIER:
Les séparatistes rhénans de 1923
Il y a 90 ans, Franz-Joseph Heinz, séparatiste du Palatinat, était abattu par un commando nationaliste
Le 11 novembre 1923, le chef séparatiste du Palatinat, Franz-Joseph Heinz, proclame à Spire (Speyer) l’avènement d’un “gouvernement du Palatinat autonome dans le cadre de la République rhénane”. Son objectif était de créer un Etat indépendant du Reich, avec l’appui des Français. A l’époque, le Palatinat, comme une grande partie de la rive gauche du Rhin, était occupé depuis décembre 1918 par des troupes françaises, suite à l’armistice qui venait de mettre fin à la première guerre mondiale.
Pour s’emparer du Palatinat et pour consolider le pouvoir des séparatistes dans la région, Heinz avait essayé, début novembre 1923, de mettre sur pied une troupe armée, le “Corps du Palatnat” (Pfälzisches Corps”), qu’il avait aussitôt subdivisé en trois groupes. Le premier de ces groupes avait été concentré dans le triangle Ludwigshafen-Spire-Neustadt. Le second, dans le Sud du Palatinat. Le troisième, dans le Palatinat occidental, autour de deux centres urbains, Kaiserslautern et Pirmasens. En déployant cette maigre force, il avait reçu l’appui des Français, qui voyaient dans la consolidation des mouvements séparatistes en Rhénanie, en Sarre et dans le Palatinat un instrument commode pour affaiblir encore davantage le Reich vaincu après la première guerre mondiale.
Le “Corps du Palatinat” était une troupe principalement recrutée dans la région même qui devait progressivement prendre son autonomie par rapport aux unités armées du “Rheinlandschutz” (“Troupe de protection de Rhénanie”) que deux séparatistes rhénans avaient constitué, Joseph Friedrich Matthes (1886-1943) et Hans Adam Dorten (1880-1963), pour les envoyer en mission dans le Palatinat. Dorten et Matthes avaient perpétré un putsch le 22 octobre 1923 et avaient proclamé une “République rhénane” à Coblence. Après un putsch similaire, le Palatinat devait devenir partie intégrante de cette nouvelle république. Heinz avait été inscrit sur une liste de personnes susceptibles de faire partie d’un cabinet de la “République de Rhénanie”. Toutefois, il ne voulait collaborer avec Dorten que si le Palatinat devenait une partie autonome et libre d’une république rhénane organisée selon des principes fédéraux.
Pour faire face au danger séparatiste, Edgar Julius Jung, avec le concours d’un directeur de banque de Kaiserslautern, Emmerling, fonde une organisation secrète, le “Rheinisch-Pfälzischer Kampfbund” (“La Ligue de combat de Rhénanie et du Palatinat”). Cette ligue secrète se donne pour objectif de chasser l’occupant français par la violence. Dès 1923, elle entame la lutte armée contre le séparatisme du Palatinat, soutenu par la France. Après qu’il eût été expulsé du Palatinat, Jung déménage avec sa famille à Mannheim puis, pendant l’été de 1923, il s’installe à Feldafing et, enfin, il ouvre un cabinet d’avocat à Munich. C’est dans la capitale bavaroise qu’il rencontre Walter Antz de la ville de Zweibrücken (Deux-Ponts), également expulsé du Palatinat. Antz fait alors partie du Commissariat d’Etat pour la lutte violente contre le séparatisme rhénan. Il charge Jung de préparer un attentat contre Heinz, le président du “Palatinat autonome”. Dans la soirée du 9 janvier 1924, un commando d’une vingtaine d’hommes, qui vient de traverser le Rhin gelé sous la direction de Jung, donne l’assaut à la vaste salle à manger de l’hôtel “Wittelsbacher Hof” à Spire, où se trouvent les principaux séparatistes. Heinz est abattu, de même que ses collaborateurs Nikolaus Fusshöller et Matthias Sand. Un convive innocent prend également une balle mortelle. Deux membres du commando trouvent la mort dans l’échange de coups de feu consécutif à leur action. Jung lui-même est blessé légèrement au cou par le tir d’une patrouille. Il retourne à Munich.
Plus tard, il devient l’un des principaux théoriciens nationaux-conservateurs et anti-democratiques de l’ère de la République de Weimar, grâce à son livre paru en 1926 et intitulé “Die Herrschaft der Minderwertigen” (“La domination des hommes de moindre valeur”). Il mourra en juin 1934, quand le régime national-socialiste procèdera à une épuration violente (connue à l’étranger sous le nom de “Nuit des longs couteaux”).
Jan ACKERMEIER.
(article paru dans “zur Zeit”, n°1-2/2014, Vienn, http://www.zurzeit.at ).
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