Gabriele Adinolfi est un théoricien politique italien. Il a dirigé la rédaction du journal Orion et lancé divers projets médiatiques et métapolitiques comme le site d’information NoReporter ou le think tank Centro Studi Polaris. Il a aussi parrainé en Italie les occupations illégales d’immeubles abandonnés à destination des familles italiennes démunies, occupations dont la plus connue est la Casapound (dont le nom fait référence à l’écrivain Ezra Pound) et qui est aujourd’hui un mouvement politique national. A partir de 2013 il anime un think tank basé à Bruxelles, EurHope. Les activités de Eurhope et de Polaris aboutissent au projet de l’Académie Europe (2020) qui relie des intellectuels, des activistes et des entrepreneurs de plusieurs pays. Le but de cette initiative est de créer une élite politique et entrepreneuriale apte à influer sur la politique européenne à l’échelle continentale. Dans le cadre de cette Académie Europe, il donne un cours de méthodologie politique en français tous les jeudis à 18h. Cours accessible en ligne ici.
Strategika – On lit beaucoup d’éléments contradictoires selon les différentes sources d’information disponibles ou selon les avis des professionnels de la santé. Quelle est la réalité effective de cette pandémie selon vous ?
Trop d’informations génèrent de la désinformation, surtout lorsque les journalistes et les blogueurs sont, comme aujourd’hui, des amateurs présomptueux.
Cela signifie que nous avons une série infinie de données contradictoires dans la tête et que la confusion augmente. Les autorités peuvent ainsi nous mentir à volonté.
Si cela se produit en minimisant ou en générant un excès d’alarmisme, nous ne pouvons pas le dire.
La seule chose sûre est que le récit donné à l’opinion publique est un récit standard qui cache beaucoup trop de choses mais qui aide à garder le troupeau compact derrière une seule vérité en imposant des comportements obligatoires. On devient ainsi plus habitués à vivre dans la terreur et à accepter qu’une autorisation nous soit demandée pour tout.
Strategika – Cette pandémie précède-t-elle un effondrement économique et systémique ?
Je ne crois pas à l’effondrement du système. La gestion de la pandémie a produit une accélération dans le sens mondialiste. Les classes petites et moyennes, la libre entreprise, peut-être même les retraites en seront affectées. Avec l’accélération de l’économie fermée du télétravail, les plus faibles paieront. Nous aurons une mondialisation sans les avantages pour les moins riches (les voyages coûteront probablement beaucoup plus chers). À être menacé, c’est aussi l’étanchéité de l’UE car en quelque sorte c’est un organisme institutionnel et économique intermédiaire et donc dans le scénario international actuel elle correspond dans le scénario économique global à ce que sont les producteurs et l’État social. Dans le capitalisme mondialisé de déréglementation totale, il est préférable que chaque province soit “souveraine” mais non un continent dans son ensemble. C’est à dire qu’elle subisse une standardisation sans aucun pouvoir contractuel à opposer du fait de leur petite autonomie réelle et qu’il s’agit pour chacune de n’être au final qu’une pièce de couleur différente des autres d’un unique costume de l’Arlequin globaliste. Mais je ne suis pas du tout sûr que le plan de destruction de l’UE réussira.
Strategika – Plus de 3 milliards de personnes sont appelées à se confiner dans le monde. Pour la première fois de son histoire, l’humanité semble réussir à se coordonner de manière unitaire face à un ennemi global commun. Que vous inspire cette situation ?
Depuis 2001, avec les Twin Towers, nous assistons à une standardisation progressive des coutumes et des libertés au moins dans tout l’Occident. En fait, le 11 septembre a été un accélérateur. Plus tôt, nous avons été témoins de la guerre contre le tabac et l’alcool. Covid est une accélération sur l’accélération 9/11.
Strategika – Cette pandémie va-t-elle forcer l’humanité à se doter d’un gouvernement mondial comme le préconisait Jacques Attali lors de la pandémie de grippe A en 2009 ?
Je ne partage pas la crainte du gouvernement mondial et pas même son souhait, comme dans le cas d’Attali.
La réalité est plus complexe et je suis d’accord avec la formule de Lénine quand il parle de “l’unité et de la division de l’impérialisme”.
Je pense que nous devons donc parler de gouvernance mondiale et non de gouvernement mondial. Une gouvernance qui est l’expression de la synthèse des pouvoirs et qui s’inscrit dans la logique des Conseils d’Administration. (Notez que le mot Soviet signifie Conseil et rappelez-vous donc la profonde unité structurelle entre le communisme et le capitalisme).
La gouvernance mondiale existe déjà et fonctionne très bien. Aujourd’hui, l’OMS et l’ONU décident des méthodes et des moyens de répondre au Covid-19 pour 3 milliards de personnes.
Strategika – En 2009 toujours, Jacques Attali expliquait que « l’Histoire nous apprend que l’humanité n’évolue significativement que lorsqu’elle a vraiment peur ». Que vous inspire cette idée ?
Attali n’a en fait rien inventé ni découvert. Eric Werner dans ses livres L’avant-guerre civile et La post-démocratie avait très bien expliqué comment une oligarchie au pouvoir déconnectée des intérêts du peuple tend à la garder soumis. Ils ont besoin de générer un sentiment d’angoisse généralisé, voire de terreur envers un ennemi extérieur et invisible qui a ses alliés dans la maison (dans notre cas, ce sont les « pesteurs » qui sortent dans la rue et qui propagent l’épidémie). Alors les gens acceptent tout des tyrans.
Strategika – Comment voyez-vous l’évolution de la pandémie et ses conséquences politiques et sociales dans les semaines à venir ?
Je les vois comme très négatives pour les classes productives, pour les retraités et les petits bourgeois et assez négatives pour tout le monde. Mais, avec la terreur, les gens se sont rassemblés autour de Big Brother et sont leurs propres gardiens de prison.
Strategika – Existe-t-il une issue politique à la situation que vous venez de décrire et quelle forme pourrait-elle prendre selon vous ?
Pas dans l’immédiat. Mais nous pouvons surfer sur la vague et commencer à organiser des réseaux économiques et sociaux dans lesquels recréer notre communauté à partir de la sphère privée (sur l’exemple des associations d’entraide de la fin du XIXe siècle), nous pourrions alors agir pour une régénération syndicaliste révolutionnaire et corporatiste à la fois. Si nous le faisons à l’échelle européenne, nous pouvons toujours espérer la création d’un acteur européen qui, avec ses partenaires naturels (je pense à la Russie et au Japon) et ses zones d’influence stratégique (je pense à l’Afrique), peut offrir une variante de la mondialisation et bloquer le mécanisme mondialiste.
Strategika – Comment liez-vous la crise actuelle à votre domaine d’expertise et votre champ de recherche ?
J’essaie de chevaucher le tigre.
Je garde des liens en Europe et je les élargis et les approfondis. J’ai lancé la première expérience de l’Académie Europe en ligne avec des cours et des conférences en italien, français et espagnol. Bientôt aussi en anglais. Pour l’instant nous avons des participants de France, Belgique, Hollande, Espagne, Suisse, Pologne, Grèce, Italie.
En français c’est tous les jeudis à 18h
Ce Jeudi 9 avril, à 18h : “Le Pouvoir”
Sociologie des pouvoirs, comment les reconnaître, comment les gérer, comment les acquérir, comment en créer de nouveaux.
Modalité d’inscription : quelques instants avant 18 heures, entrez simplement le code suivant sur le web (depuis un ordinateur ou un smartphone) : meet.google.com/bgn-dcrc-kwq
Au plaisir de vous avoir en ligne !
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