vendredi, 07 février 2025
L’antiwokisme, cette savonnette à vilains
Claude Bourrinet
L’argument roi, qui permet subito d’incorporer Trump et Musk dans le camp de la liberté – autant dire le nouveau camp du Bien -, malgré les initiatives brutales mises en œuvre par la nouvelle administration américaine, comme la déportation de migrants dans le camp de concentration de Guantánamo, la tentative de déménagement des habitants de Gaza, le tarissement des programmes d’aide sociale, etc., est leur lutte féroce contre le wokisme.
Ce mouvement, qui a tant agité le bocal médiatique et la cervelle des excités de l’imprécation semble maintenant devoir être abandonné dans une décharge publique. Il fut pourtant le suprême chiffon rouge, qui alimenta par exemple, il y a quelques années, d’interminables soirées zemmouriennes sur Cnews. J’avoue m’y être laissé prendre.
Toutefois, en se situant sur le terrain de l’antiwokisme, du combat contre le lobby LGBT, contre un antiracisme dévoyé, contre l’inquisition de la « diversité », tout en dénonçant le pouvoir du communautarisme (à l’exception d’un seul), sans trop s’en apercevoir, on se trouvait exactement dans cet espace d’ébullition qu’avait subtilement borné le « groupe de réflexion » Terra Nova : débattre avant toute chose de questions sociétales, tel était un projet, qui comportait l’inestimable vertu de faire oublier les luttes sociales. On ne parla donc plus de l’exploitation des ouvriers, des employés, de la misère des gens, bien que des éruptions quasi insurrectionnelles vinssent, par moment, rappeler la réalité.
Dans le même temps, la droite dure se refaisait une beauté. Elle n’était pas très bien perçue par l’opinion, depuis 1945. Voilà que, soudain, grâce au remue-ménage américain, auquel on tend de plus en plus à participer, comme si nous étions nous-mêmes des Yankees, la vieille droite sécu-libérale, peu avare de poncifs simplets, se redonne un air de jeunesse. S’élever contre le « totalitarisme », quelle aubaine !
L’antiwokisme est comme la paulette, cette "savonnette à vilains" du temps de Henri IV. Je rappelle ce qu’elle était : une taxe facultative qui permettait aux officiers (ceux qui occupaient des postes de responsabilité dans l’État – administration, justice, etc.) qui la payaient de transmettre automatiquement leur office. C’était donc une taxe, un impôt, qui donnait un droit, lequel ouvrait la porte à la noblesse de robe. C’est ainsi que les plus farouches antiwokistes deviennent tout à coup des champions de la liberté.
En vérité, la caste transnationale n’est pas homogène. Plusieurs stratégies sont opérées en son sein. Comme je l’ai dit, le bénéfice du wokisme fut d’oblitérer la lutte de classes. Opération réussie ! Que ce mouvement corresponde à une réalité, c’est une autre histoire. Mais il est et restera minoritaire, encouragé certes par une société de consommation toxique, et faisant son nid dans des classes moyennes pléthoriques et hors sol. Mais les classes supérieures, dans leur cynisme, n’ont eu garde de tomber dans ce délire, et une fois l’opération terminée, on passe à un autre stade, celui du trumpisme, du libertarianisme, du sécu-libéralisme extrême, du transhumanisme.
Comme l’a fait remarquer Emmanuel Todd, le seul intellectuel à penser sainement, ces derniers temps, le règne nihiliste de la caste supérieure de l’Occident collectif est encouragé par l’effondrement de l’éthique religieuse, l’adhésion à un courant spirituel ayant atteint le degré zéro, y compris dans l’Amérique jadis réputée puritaine. Il est prévisible qu’on aura la même évolution dans le reste du monde, dans le siècle qui vient.
L’enjeu est donc l’accession au pouvoir d’une classe dominante, dont le transhumanisme, avec tout ce que cela comporte de férocité, y compris l’esclavage ou l’élimination de larges pans de la population mondiale. Ce programme n’est pas dénué de charge utopique. La conquête de Mars en est une, l’Intelligence artificielle et la robotisation universelle une autre (sans omettre la dimension capitalistique, que rappellent souvent comme un mantra nos libéraux, qui se sentent pousser des ailes). Là se trouve le cœur du combat. Reste à savoir ce qu’on oppose à la barbarie.
16:07 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : actualité, wokisme, anti-wokisme | |
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Commentaires
Emmanuel Todd est intéressant par sa thèse nihiliste sur le degré zéro de la religion. Lu son dernier livre car il a une originalité intellectuelle que peu d'auteurs connaissent. L'absence de religion attaquerait le principe démocratique en Occident.
C'est crédible en même temps il reste quelque chose de la religion protestante comme du judaïsme qui en est le Fondement biblique. La notion de PEUPLE ÉLU. Les É.U comme Israël d'ailleurs alliés sont imprégnés par ce vieux fond qui détermine le bien et le mal.
Lorsque Dieu même devenu un réflexe mental surtout aux É.U donne dans un fond laïc superficiel la commande que les Américains orientent et organisent le monde tout en le faisant pour leurs banques, leurs grandes entreprises et leurs élites ploutocratiques de milliardaires.
On est encore en présence de ce que Todd nomme religion zombie dans un fond athée mais qui laisse encore place à de vieux conditionnements mentaux d'ailleurs fort opportunistes. Dans une récente entrevue vidéo YT, E. Todd a admis que la religion zombie n'était pas totalement disparue.
Le monde de Trump retourne à la tradition impérialiste de McKinley et de Theodore Roosevelt. Désir d'expansion de la Nation Providentielle. On connaît la chanson de cette barbarie à couleur républicaine de Régime depuis 1776.
L'époque n'a rien de réjouissante. Le wokisme est aussi un avatar dogmatique autoritaire du fond culturel américain issu lui de la rupture alors de la Contre-Culture de 1968. Wokisme qui comme de la créature du docteur Frankenstein depuis 2010-2024 a mélangé à la fois de l'éveil protestant culpabilisateur avec ce qui était le libertaire des transformations sexuelles de 68-70.
Nous vivons dans un laboratoire à échelle humaine que le mondialisme a créé, espérant faire disparaître les peuples occidentaux. L'article Bourrinet le dit sur le fond des choses.
C'est donc vrai que la réaction nationaliste chauvine, conservatrice, libertarienne de Trump est autant dangereuse sinon destructrice que la mondialisation connue.
Écrit par : Pierre Bouchard | samedi, 08 février 2025
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