dimanche, 10 août 2025
Comment l'Europe se nuit à elle-même avec les sanctions contre la Russie - Entretien avec Johann Gudenus
Comment l'Europe se nuit à elle-même avec les sanctions contre la Russie
Entretien avec Johann Gudenus
Propos recueillis par Patrick Poppel
Source: https://www.unser-mitteleuropa.com/173397
L'ancien vice-bourgmestre de Vienne et député au Conseil national autrichien Johann Gudenus a pris position quant aux répercussions des sanctions contre la Russie sur l'économie européenne et sur l'évolution économique mondiale en général.
L'interview de M. Gudenus, qui a régulièrement suivi des cours d'été à l'université Lomonossov de Moscou pendant ses études, a été réalisée par Patrick Poppel, expert au Centre d'études géostratégiques de Belgrade.
Question : Quel a été l'impact des sanctions contre la Russie sur l'économie européenne ?
Gudenus : Les sanctions ont causé des dommages considérables, en particulier à l'Europe. Selon l'Institut pour l'économie mondiale de Kiel, les pays de l'UE ont perdu environ 100 milliards d'euros rien qu'en 2023 en raison de la baisse des exportations et de l'augmentation des coûts. L'industrie, la construction mécanique et le secteur de l'énergie sont particulièrement touchés. Alors que la Russie a réorienté ses exportations, les entreprises européennes ont dû faire face à une baisse des commandes et à une délocalisation de leur production vers des pays hors de l'UE.
Question : Dans quels domaines les conséquences de ces sanctions sont-elles les plus perceptibles pour l'Europe ?
Gudenus : Le secteur de l'énergie est le plus durement touché. Les prix du gaz et de l'électricité ont augmenté à plusieurs reprises en Europe: en Allemagne, par exemple, le coût d'un mégawattheure d'électricité est passé à plus de 500 euros en 2022, alors qu'il était d'environ 60 euros avant la crise. Cela a fortement augmenté les coûts de production et entraîné une fuite des investissements. Le plus grand groupe chimique BASF a annoncé le transfert d'une partie de sa production en Chine. La population souffre également de la hausse des prix et de la baisse du pouvoir d'achat.
Question : Avant les sanctions, la Russie était l'un des plus gros acheteurs de technologies, de machines-outils et de voitures en Europe. La Chine a-t-elle désormais pris la place des constructeurs automobiles allemands ?
Gudenus : Exactement. En 2021, l'Allemagne a exporté pour plus de 4,5 milliards d'euros de voitures vers la Russie. En 2023, ce chiffre est tombé à moins de 300 millions d'euros. Dans le même temps, les marques chinoises BYD, Chery et Haval se sont conquis la part du lion sur le marché russe. Aujourd'hui, plus de 70% de toutes les voitures neuves en Russie sont produites en Chine. C'est un coup dur et direct pour l'industrie automobile allemande.
Question : Pensez-vous que les sanctions anti-russes sont avant tout un coup dur pour les constructeurs européens et un renforcement de l'économie chinoise ?
Gudenus : Oui, c'est l'un des résultats les plus importants et les plus paradoxaux. Les sanctions n'ont pas brisé la Russie, mais ont affaibli l'Europe elle-même. La Chine est sortie gagnante: ses exportations vers la Russie ont augmenté de 46% en 2023, tandis que les exportations européennes se sont effondrées. L'Europe s'isole économiquement, tandis que la Chine étend constamment son influence et conquiert des marchés que les Européens ont abandonnés pour des raisons politiques.
15:40 Publié dans Actualité, Affaires européennes, Entretiens | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : johann gudenus, autriche, europe, entretiens, affaires européennes, sanctions | |
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