lundi, 19 mars 2007
Sur "Un mâle" de C. Lemonnier
Robert STEUCKERS :
Sur "Un mâle" de Camille Lemonnier
Le 1 octobre 1881, Camille Lemonnier publie chez l’éditeur Kistemaeckers son fameux roman « Un mâle », où la thématique centrale est la vigueur sexuelle du héros, braconnier et homme des bois, amant d’une jeune fille rangée, promise à un beau mariage et un bel avenir. Camille Lemonnier, dans un style naturaliste proche de Zola, annonce une veine littéraire vitaliste, qui culminera chez l’écrivain anglais David Herbert Lawrence (« L’amant de Lady Chatterley », personnage féminin qu’incarnera la sulfureuse actrice néerlandaise Sylvia Christel sur les écrans dans les années 80).
Dans « Un mâle », Lemonnier introduit également le thème, cher à Ernst Jünger, du « recours aux forêts ». On avait oublié, avant le grand retour de la littérature belge dans notre enseignement, notamment grâce aux efforts du Prof. Paul Aron de l’ULB, que Camille Lemonnier voulait, avant Céline, une littérature de l’instinct, « germanique » parce que vitaliste comme le voulait le jargon de l’époque qui posait l’équation entre vitalité et germanisme, et volontairement éloignée des canons parisiens, jugés étriqués et dévitalisés.
Paradoxe : Bruxelles, à qui il voulait donner une littérature moderne, sans œillères, puisant dans la glèbe locale, boudera son succès, tandis que Paris, visé par son vitalisme et sa « flamandophilie », l’applaudira ! Par ailleurs, la critique allemande, à son tour, chantera bien vite ses louanges. Son vitalisme a été délaissé après 1918, parce que jugé « allemand », puis abandonné définitivement après 1945, à cause de quelques connotations « antisémites ». Paul Aron a eu le courage de vaincre ces obstacles pesamment installés par le « politiquement correct » depuis de longues décennies de débâcles et de déliquescence.
Il faut relire Camille Lemonnier aujourd’hui, dans une perspective identitaire, dans un esprit de lutte contre le style « rond-de-cuir », avec une volonté de faire triompher l’instinct et la vie contre les pesanteurs administratives de notre civilisation dévoyée et contre le néo-bigotisme laïcard et islamo-fondamentaliste. Il faut le relire aussi pour que soit enseignée notre littérature et non pas les poncifs parisiens véhiculés par la littérature française actuelle, qui ne compte malheureusement pas que des Céline, des Vincenot ou des Ragon. Lemonnier était rabelaisien. Il faut le redevenir, avec toute la truculence voulue, avec une verve iconoclaste à la Muray, contre l’idéologie parisienne des Bernard Henry Lévy, des Guy Haarscher et de la clique malsaine du « Soir ».
06:40 Publié dans Littérature | Lien permanent | Commentaires (0) | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Les commentaires sont fermés.