Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

dimanche, 05 août 2007

Symbolique du "lambda" grec

6de94a0d05e0599e4980f50977c564f1.png

La symbolique du « lambda » grec

Par Karlheinz WEISSMANN

On sait que le film « 300 » a suscité par mal de controverses, tournant autour des limites du bon goût, et qu’il a provoqué une grande émotion dans le monde entier. C’est pourquoi bien peu de gens auront prêté attention aux détails des costumes. Peut-être, certains auront-ils été irrités d’avoir vu, sur les boucliers des Spartiates défendant les Thermopyles contre les Perses supérieurs en nombre, un cône sans base, pointu et étroit.

Il s’agit d’une forme archaïque de la lettre grecque « lambda », qui équivaut, phonologiquement, à notre « L ». Dans les représentations de l’histoire de Sparte, on a des indices que les hoplites, effectivement, portaient des boucliers décorés de la sorte et où le « lambda » était une abréviation de « Lakedaimon », Lacédémone, le nom de Sparte aux temps classiques. Depuis la deuxième guerre messénienne (640 à 620 av. J. C.), quand les hoplites spartiates avaient pour la première fois marché au combat en formation de phalange, on peignait des « lambda » sur les boucliers à Sparte afin de mieux se reconnaître. Cette explication est en apparence plausible, la phalange constituant une masse compacte et alignée d’hommes lourdement armés. On aurait retrouvé cette pratique ailleurs : les Athéniens peignant une chouette sur leurs boucliers et les Thébains, un sphinx.

Il n’y a toutefois aucune preuve archéologique de cette pratique. Quand on trouve des représentations de la phalange, surtout sur des vases, on a plutôt l’impression que chaque soldat peignait son bouclier de manière individuelle, avec des motivations magiques, afin de tenir l’ennemi à distance et de protéger le porteur de l’arme défensive. Nous devons toutefois constater qu’en règle générale, la symbolique militaire des Grecs de l’antiquité n’était pas fort développée ; ils ne connaissaient par exemple pas l’usage de signaux sur le champ de bataille, au moyen de drapeaux. Cette carence générale rend plausibles les thèses qui estiment qu’il n’y avait aucun équipement uniforme chez les Grecs, où tous les combattants auraient porté un bouclier identique.

Le symbole du « lambda » demeure toutefois relativement inconnu. Pourquoi le « lambda » n’a-t-il jamais été repris comme symbole politique, n’a-t-il jamais joué de rôle dans notre histoire récente, alors que le mythe de Sparte, depuis l’ère des grandes révolutions, n’a cessé de croître ? Des Jacobins aux fascistes, on a tenté maintes fois de ressusciter l’Etat guerrier, d’en imiter sa constitution, en référence à l’égalité qu’il préconisait pour les uns, en référence à son militarisme pour les autres. Mais personne n’a repris le « lambda » à son compte.

Les choses vont changer vers le milieu du vingtième siècle. C’est l’époque où émerge aux Etats-Unis un mouvement homosexuel, qui malgré de nombreux recoupements avec d’autres subcultures plus ou moins marginalisées, a fini par rechercher ses propres signes et formes d’expression symboliques. La plupart des militants homosexuels étaient en faveur de symboles « doux », comme la rose, le drapeau arc-en-ciel, des symboles doublés de masculinité ou de féminité. D’autres voulaient une symbolique soulignant le rôle de victime des homosexuels, comme celle du triangle rose, insigne infâmant des homosexuels dans les camps de concentration. Mais, dans ce vaste mouvement homosexuel, existait également une minorité « martiale » qui voulait reprendre le « lambda » seul ou en combinaison avec d’autres symboles de la « gay pride ».

En 1970, la « New York Gay Activists Alliance » choisit le « lambda » comme emblème. Quatre ans plus tard, l’ « International Gay Rights Congress » d’Edimbourg le reprend. Par la suite, il s’est rapidement répandu dans tous les pays occidentaux. Les interprétations, qui justifient le choix de ce symbole, sont variées. Certains affirment que le « lambda » est celui de Lesbos, l’île de Sapho, où la légende affirme que l’éros homosexuel entre femmes y était pratiqué. D’autres enfin se réclament directement de Sparte, car, à Sparte, on pratiquait le « pédérastie dorique », à laquelle les homosexuels entendaient se référer. La « pédérastie dorique » aurait été pratiquée à Sparte : un guerrier adulte et un guerrier en voie de formation devaient former à deux un « binôme », également sur le plan sexuel. Ils devaient s’épauler au combat et dormaient sous la même tente.

Cette tradition spartiate et dorique contredit l’image que se donnent la plupart des homosexuels d’eux-mêmes. Raison pour laquelle le « lambda » est le symbole le plus contesté du mouvement homosexuel. Nombreux sont ceux qui entendent le « neutraliser » en le réinterprétant : on affirme qu’il est le symbole, en physique, de la « longueur d’onde » et, partant, de l’énergie ; et on prétend aussi que ce « L » grec signifie « libération ». Des voix se sont élevées, parmi les homosexuels, pour bannir le « lambda » des symboles « légitimes ».

Peu importe l’issue de cette guerre des symboles. L’arrière-plan que constitue cette querelle nous permet de regarder avec d’autres yeux ce qui se trouve entre les lignes dans le scénario du film « 300 », au-delà de toutes les polémiques auxquelles nous avons assisté.

Karlheinz WEISSMANN

(article paru dans « Junge Freiheit », Berlin, n°18/2007).

04:45 Publié dans Traditions | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Les commentaires sont fermés.