mercredi, 23 janvier 2008
Van Creveld: la transformation de la guerre
Van Creveld : la transformation de la guerre
Dans leur collection « L'Art de la guerre », les éditions du Rocher publient La transformation de la guerre de Martin Van Creveld. Enseignant l'histoire à l’Université Hébraïque de Jérusalem, l'auteur remet en cause l'hypothèse de Clausewitz “faisant du conflit armé un phénomène rationnel”, reflet de l'intérêt national et “poursuite de la politique par d'autres moyens”. Il écrit dans l'épilogue: « Il n'est tout simplement pas vrai que la guerre n'est qu'un moyen pour atteindre une fin; ni que les peuples se battent nécessairement pour atteindre tel ou tel objectif. C'est plutôt le contraire qui est vrai: les peuples choisissent souvent tel ou tel objectif comme prétexte pour se battre. S'il est permis de douter de l'utilité de la guerre pour parvenir à tel ou tel objectif pratique, on ne peut douter, en revanche, de son pouvoir de distraction, d'inspiration ou de fascination. La guerre est la vie écrite en majuscules. Dans ce bas monde, la guerre seule permet et exige tout à la fois la mise en œuvre de toutes les facultés humaines, les plus hautes comme les plus basses. La brutalité, la dureté, le courage et détermination, la force pure que la stratégie considère comme nécessaire à la conduite de conflits armés constituent en même temps ses causes. Littérature, art, sport et histoire l'illustrent de façon éloquente. Ce n'est pas en demeurant dans leur foyer auprès de leurs femmes et de leurs familles que les hommes atteignent la liberté, le bonheur, la joie, et même le délire et l'extase. Au point que, assez souvent, ils sont trop heureux de dire adieu à leurs proches les plus chers pour partir en guerre! » (PM)
Martin VAN CREVELD, La transformation de la guerre, Editions du Rocher, 1998, 318 pages, 165 FF.
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Entretien avec Thomas Molnar
Entretien avec Thomas Molnar :
Crise spirituelle, mondialisme et Europe
Q. : Pour vous la disparition du spirituel et du sacré dans notre société a-t-elle pour cause la modernité ?
ThM : Je préfère inverser les termes et dire que la modernité se définit comme la disparition du spirituel et du sacré dans notre société. Il s'agit d'un réseau de pensée qui s'est substitué graduellement —peu importe le moment du débat historique— aux réseaux traditionnels et en a redéfini les termes et la signification.
Q. : Comment l'Eglise universelle peut-elle s'opposer au mondialisme ?
ThM : Elle ne s'y oppose guère sauf dans certains cas et certains moments, et là aussi d'une manière plutôt inefficace. Ayant accepté, avec enthousiasme ou résignation, sa nouvelle position de lobby (depuis Vatican II), l'Eglise s'intègre à la société civile, ses présupposés philosophiques, sa mentalité, sa politique. Un jour, un changement pourra, bien sûr, intervenir, mais pas avant que la structure de la société civile elle-même ne démontre ses propres insuffisances. Donc, le changement ne viendra pas de l'Eglise dont le personnel perd la foi et se bureaucratise. Dans l'avenir prévisible, les grandes initiatives culturelles et spirituelles n'émaneront pas de l'Eglise. Plus ou moins consciente de cette réalité, l'Eglise se rallie en ce moment au mondialisme, religion nouvelle des siècles devant nous.
Q. : S'opposer au modernisme et au mondialisme, n'est-ce pas refuser le progrès ?
ThM : Le mondialisme rétrécit le progrès, il ne s'identifie plus à lui. C'est que la bureaucratie universelle et ses immenses lourdeurs et notoires incompétences bloquent les initiatives dont la source ultime est l'individu, le petit groupe, la continuité, l'indépendance régionale, enfin la souveraineté de l'Etat face aux pressions impérialistes et idéologiques. Aujourd'hui, le "progrès" (terme particulièrement pauvre et ne recouvrant aucune réalité intelligible) s'inverse, la société perd ses assises, l'anarchie règne. Nous allons vers le phalanstère sans âme. Bientôt viendra l'épuisement technologique, car l'élan nécessaire pour toute chose humaine même matérielle, s'amoindrira, s'essoufflera. L'homme désacralisé ne connaît que la routine, assassine de l'âme.
Q. : A vous lire, il semble que le sacré n'est pas divin. Pouvez-vous expliquer cette approche ?
ThM : Le sacré n'est pas divin dans le sens "substantiel" du mot ; il médiatise le divin, il l'active en quelque sorte. D'abord, le sacré change d'une religion à l'autre, il attire et ordonne d'autres groupes humains (Chartres a été bâtie sur un lieu déjà sacré pour les druides, mais ces sacrés superposés n'expriment pas la même "sacralité"). Le sacré nous révèle la présence divine, cependant le lieu, le temps, les objets, les actes sacralisateurs varient.
Q. : Croyez-vous à une régénération du spirituel et du sacré en France et en Europe ?
ThM : Il n'existe pas de technique de régénération spirituelle technique que l'on utilise à volonté. L'Europe vit aujourd'hui à l'ombre des Etats-Unis ; elle importe les idées et les choses dont elle pense avoir besoin. Elle est donc menée par la mode qui est le déchet de la civilisation d'outre-mer. Bref, l'Europe ne croit pas à sa propre identité, et encore moins à ce qui la dépasse : une transcendance ou un telos. "L'unité" européenne n'est qu'un leurre, on joue à l'Amérique, on fait semblant d'être adulte. En réalité, on tourne le dos au passé gréco-chrétien et le plus grotesque de tout, on veut désespérément devenir un "creuset", rêve américain qui agonise déjà là-bas.
Tout cela n'exclut pas la régénération, qui part toujours d'un élan inédit, de la méditation d'un petit groupe. Aussi ne sommes-nous pas capables de le prévoir, de faire des projets, en un mot de décider du choix d'une technique efficace. Sans parler du fait que la structure démocratique neutralise les éventuels grands esprits qui nous sortiraient du marasme. Sur le marché des soi-disant "valeurs", on nous impose la plus chétive, les fausses valeurs qui court-circuitent les meilleures volontés et les talents authentiques. Si le sacré a une chance de resurgir sur le sol européen, le premier signe en sera le NON à l'imitation. Ce que je dis n'est pas nouveau, mais force m'est de constater dans les "deux Europes", Est et Ouest, l'impression du déjà-vu : l'Europe, dans son ensemble c'est Athènes plongée dans la décadence et l'Amérique, nouvelle Rome, mais d'ores et déjà à son déclin. La régénération ne peut être qu'imprévue.
Q. : Sans ce renouveau spirituel, que peut-il se passer en France et Europe ?
A court terme, des possibilités politiques existent, et la France pourrait y apporter sa part. L'Europe qui se prépare sera germanique et anglo-saxonne, la surpuissance de la moitié nord se trouve déjà programmée. Or, c'est la rupture de l'équilibre historique, car la latinitas n'a jamais été à tel point refoulée que de nos jours. La France pourrait donc redevenir l'atelier politico-culturel de la nouvelle Europe, grâce à son esprit et son intelligence des réalités dans leurs profondeurs. Bientôt, l'Europe en aura assez des nouveaux maîtres qui apportent l'esprit de géométrie, la bureaucratie la plus lourde, la mécanisation de l'âme. La France doit être celle qui crie « Halte ! » et, pour cela, pénétrer le continent, porteuse et l'alternative.
(propos recueillis par Xavier CHENESEAU ; celui-ci en détient le © ; pour toute reproduction ou traduction, lui écrire via la rédaction).
Notre invité en quelques livres :
1968 - Sartre, philosophe de la contestation
1970 - La gauche vue d'en face
1972 - La contre révolution
1974 - L'animal politique
1976 - Dieu et la connaissance du réel
1976 - Le socialisme sans visage
1978 - Le modèle défiguré, l'Amérique de Tocqueville à Carter
1982 - Le Dieu immanent
1982 - L'Eclipse du sacré
1990 - L'Europe entre parenthèses
1991 - L'américanologie, le triomphe d'un modèle planétaire ?
1991 - L'hégémonie libérale
1996 - La modernité et ses antidotes
A signaler la parution prochaine, aux Editions l'Age d'Homme, de deux nouveaux ouvrages de Thomas Molnar : Moi, Symmaque et L'âme et la machine.
00:40 Publié dans Entretiens, Philosophie, Politique, Théorie politique, Traditions | Lien permanent | Commentaires (0) | | del.icio.us | | Digg | Facebook
1516: Mort de Ferdinand le Catholique
Mort de Ferdinand le Catholique
23 janvier 1516 : Mort à 64 ans de Ferdinand le Catholique qui fut Roi d’Aragon à partir de 1479 et Régent de Castille à partir de 1507. Dans son troisième et ultime testament, rédigé un jour avant son décès, il désigne comme Régent de Castille le Cardinal Cisneros, qui devra exercer ces fonctions jusqu’à la pleine maturité de son petit-fils Charles, le futur Charles-Quint. Ferdinand avait chassé les Maures de Grenade en 1492 et les Français de Navarre en 1512 ; il avait également amorcé une politique méditerranéenne, destinée à ré-européaniser cette Mer du milieu. Ses armées avaient aussi pris la ville d’Oran et sa région le 18 mai 1509 ; cette victoire militaire contre les pirates et les esclavagistes barbaresques donne le droit à l’ensemble impérial européen, hispano-germano-bourguignon, de posséder cette terre en toute exclusivité ; d’autant plus que, trois siècles plus tard, des soldats issus de nos régions avaient participé à la conquête française de l’Algérie à l’époque de Léopold I ; qu’une colonisation flamande y avait été prévue mais non traduite dans les faits à cause de la perfidie française ; que cette partie de l’Algérie a été pour l’essentiel colonisée par des Espagnols, que la belle armée française a laissé massacrer en grand nombre, sans lever le moindre petit doigt, par les rebelles algériens au moment de l’indépendance de ce pays barbaresque. On voit que les comptes ne sont pas réglés… Et que toute puissance qui ne s’aligne pas respectueusement sur les projets de Ferdinand et de Charles-Quint ne génère que le désordre, le chaos et la barbarie. Ce qui leur ôte le droit au respect et à l’existence et que tant qu’ils existent de facto, nous ne devons les considérer que comme des anomalies ou des incongruités.00:10 Publié dans Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | | del.icio.us | | Digg | Facebook