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dimanche, 22 mars 2009

Zemmour, une élite comme les autres?

Zemmour, une élite comme les autres ?

Par Karl Hauffen

En lisant la dernière brève de Zemmour dans laquelle il se félicite de la mort des régions françaises, j’ai soudain pris conscience de la béance qui me séparait de ce patriote de plume. Car si la mort de ses régions est une chance pour la France, on est bien en droit alors de se demander ce que revêt exactement le terme de France. Qu’est-ce que la France pour Zemmour et avec lui, pour l’ensemble de l’intelligentsia intra-muros qui postillonne à longueur de temps le mot France comme d’autres celui d’Europe.

On aimerait qu’il nous explique une bonne fois pour toute ce qu’est au juste la France ? Un roman de Balzac ? Une poésie de Victor Hugo ? Napoléon et son code civil ? De Gaulle et sa grandiloquence de brave papi ? Un peu tout ça à la fois sans doute… Difficile donc de ne pas réprimer un certain pincement ironique devant cette vision proprement désincarnée et cérébrale de la nation. Dans ce fatras poussiéreux de bibliothèque, on cherche avec peine un corps vivant doté d’une âme. L’intelligent Zemmour nous offre-là la figure parfaite de l’idiot-savant - cette particularité dont seules les grandes écoles d’État parisiennes ont la recette - qu’il aime pourtant tant à fustiger par ailleurs. Inutile alors de discourir à longueur d’émissions sur le déclin de la France. Car une nation qui n’a pas d’autres points d’ancrage identitaire qu’une liste de bouquins, un carton rempli de textes administratifs et, encadrées de dorure, des photos d’hommes d’État illustres dans de ridicules costumes de parade est forcément une nation condamnée. Ce qu’aime et veut sauver Zemmour, ce n’est pas la France, mais son musée, ou plus exactement son mausolée.

La France meurt de son centralisme bureaucratique et des relations incestueuses qu’entretiennent entre elles les élites parisiennes. Elle meurt à petit feu d’être représentée par un aréopage de parvenus, élus mais sans pouvoir, intarissables bavards mais dénués de la moindre liberté d’initiative. Qui décide ? Les conseillers du président et les hauts-fonctionnaires au crâne d’œuf grouillant dans les couloirs des ministères aux nominations ronflantes et aux compétences à rallonge. Qui les a élus ? Personne. Ils sont là depuis des décennies et survivent inlassablement aux alternances gouvernementales, leurs mille projets de loi à tiroirs sous le bras. Cette caste d’idiots-savants est si savamment idiote qu’on connait à l’avance les solutions qu’elle proposera, que notre président s’appelle Mitterrand, Chirac ou Sarkozy. Pour combler les déficits ? Créons un nouvel impôt. Pour lutter contre le chômage ? Créons une subvention. Pour lutter contre l’insécurité ? Créons une commission. Pour lutter contre la dérive communautariste qu’induit une politique migratoire inconsidérée ? Créons un observatoire ou mieux encore, une Haute autorité de lutte quelconque.

La France de Zemmour est pourrie de la tête, une tête bouffie qu’une thrombose bureaucratique ne fait que rendre plus hideuse encore. La France qui travaille, celle silencieuse qui ne rappe pas, celle industrieuse des ouvriers, des petites gens, des petits entrepreneurs, cette France-là ne circule pas en vélib dans Paris intra-muros, ne lit pas Balzac et n’éprouve aucun orgasme particulier de la lecture emphatique des textes administratifs qu’on oppose quotidiennement à ses velléités de liberté. L’antimondialiste Zemmour qui se plait à moquer l’Europe désincarnée de Bruxelles rêve une France autant désincarnée, si ce n’est même plus. Que tout ceci est tragi-comique ! C’est en aimant la France de cette façon-là, que la petite bande des souverainistes autorisés, celle des Max Gallo, des Henri Guaino et des Villepin, contribue à en aggraver l’agonie. Zemmour ne déroge donc pas à la règle. Ne lui en déplaise, mais la France d’après, celle qui aura définitivement tué ses pays charnels, ne sera ni ce mausolée auquel il rêve, ni même cette ultime tentative de rester fidèle au souvenir du premier consul.

Sans ses régions, la France ne sera qu’une tête décapitée sanguinolente posée sur son propre cadavre en putréfaction. Un État lancé sans entrave sur la voie totalitaire avec tout en haut, un pouvoir qui aura définitivement retiré à ses couches populaires leur dernier outil de contrôle démocratique. La région, on le voit partout en Europe, est le premier espace d’adhésion et d’expression politique. Elle est la première brique sociale par laquelle la collectivité des hommes doit nécessairement passer pour se retrouver et se mettre en situation d’amorcer une action politique. Entre régionaux, on se comprend, on utilise les mêmes mots avec les mêmes accents. Quand on sait y lire, un Alsacien en dit plus en un regard que Zemmour en deux heures d’émission. S’organiser au niveau de la région devient alors plus simple, coule de source. Qu’attend donc Zemmour de ce découpage administratif qui refusera d’entendre les revendications d’hommes de même culture, de même souche sociale, conditionnés par le même contexte économique et moulés par des mœurs communes qui n’ont rien à voir avec celles apprêtées qui se pratiquent dans le monde clos du show-biz parisien ?

La France meurt chaque jour un peu plus de son incapacité à connecter une élite arrogante avec une population réduite au silence et Zemmour, dont on apprécie souvent par ailleurs les analyses pertinentes et affutées, nous dit sans rire que tout ceci est bel et bon. Comment ensuite le croire lorsqu’il prétend aimer la France ? En cela, il nous démontre qu’il fait bien partie, ni plus, ni moins, du même cercle fermé des élites autorisées, malgré le fait qu’il ait fait métier de les brocarder. S’il aime la France, il nous avoue son indifférence pour les Français, c’est-à-dire ce fragile assemblage de peuples européens qui composent la France. Zemmour est tombé amoureux d’un portait, mais il s’interdit d’en regarder l’incarnation vivante dans toute sa nudité. Car la France n’est pas seulement une idée, elle est avant tout une réalité organique complexe et diverse.


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00:30 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : france, actualité, sociologie, philosophie | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Commentaires

Tout d'abord merci. La polémique hebdomadaire de Zemmour qui concernait ce coup ci le rappeur Yousoupha me mène tout droit à votre "modeste" blog. Je cherchais des éléments nouveaux après avoir déposé un post rageur chez Rue 89.
On trouve plus de screen Daily Motion sur Zemmour le polémiste que d'écrits mais c'est là que vous intervenez. Dans mon post j'étais gêné car pris entre le désir de ménager un polémiste zélé mais parfois utile sans défendre pour autant ces rappeurs stigmatisés mais pas mesurés dans leurs ripostes.
Reste que sur le racisme et plus largement sur le discours et la méthode Zemmour je vous suis complètement. Zemmour est tombé amoureux d'une image comme vous le dites si bien. Sur rue 89, les internautes s'écharpaient anonymement pour savoir s'il valait mieux défendre un rappeur inculte et maladroit ou un chroniqueur cultivé mais raciste. Ils employaient foule de référence du passé et tentaient de trouver des résonances du passé au présent. Houellebecq était devenu un anti-Vian, Grand Corps Malade et Abd Al Malik de nouveaux Prévert... Toujours l'élitisme... Le fond n'était pas abordé de manière républicaine et je salue à nouveau vos propos sur les savants idiots, les élites parisiennes, l'identification régionale, les Guaino Gallo qui reproduisent dans le sarkozysme le pire du mitterandisme.
Vous me redonnez confiance en mon pays.

Écrit par : Yo | lundi, 23 mars 2009

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