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samedi, 04 avril 2009

Hommage à Armin Mohler

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Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1995

 

«Homme de droite à sa façon»

Hommage à Armin Mohler pour ses 75 ans

 

Journaliste, politologue, historien de l'art, directeur de fondation, polémiste et analyste, Armin Mohler a fêté ses 75 ans en avril. Ses adversaires en profiteront sans doute pour le dénigrer une fois de plus. Ce que Mohler acceptera avec une parfaite égalité d'humeur, voire avec satisfaction, car cette hostilité ré­pond à ses attentes: «L'homme de droite est aujourd'hui le seul véritable trouble-fête dans notre société».

 

Mohler adore ce rôle de trouble-fête. Peut-être est-ce dû à ses origines helvétiques, dans la mesure où les Suisses aiment généralement le consensus et chassent par tradition les agitateurs hors du pays. Les Reisigen (du terme moyen-haut-allemand Reise, la campagne militaire) ont été appréciés par toutes les puissances européennes parce qu'ils savaient se battre. Günter Zehm, le célèbre journaliste de Die Welt,  a un jour fait grand plaisir à Mohler en l'appelant le Reisiger, et, plus précisément le Reisläufer des Konkreten, c'est-à-dire “celui qui part en campagne dans les immensités de la concrétude”. Certes, les campagnes de Mohler dans les concrétudes de ce monde ont été moins dures et moins sanglantes que celles de ses compatriotes qui luttaient dans toutes les armées de mercenaires d'Europe: pendant de longues années, il a été correspondant de journaux importants en France, puis a dirigé la Fondation Siemens entre 1962 et 1985, a envisagé une carrière universitaire. Qu'il n'a pas obtenue. Parce que Mohler a choisi le chemin le plus ardu, le plus abrupt, le plus couvert de ronces. Un chemin privé. Un chemin à lui. A lui tout seul.

 

En se situant résolument à droite, Mohler n'en a pas moins gardé un profil tout-à-fait personnel; sans tenir compte de humeurs en vogue dans les droites, les bonnes comme les mauvaises, il cultivait ses sympa­thies pour des hommes aussi différents que Manfred Stolpe, Gerhard Schröder, Helmut Kohl et Franz Schönhuber, sans oublier le respect qu'il dit devoir à Gregor Gysi, parce que ce dernier défenseur du sys­tème de la RDA l'a beaucoup amusé. Dans ses conversations, on perçoit un respect très conservateur  —pour ne pas dire vieux-franc—  pour les institutions et les dignitaires, mais on s'étonne toujours de le voir changer brusquement d'attitude et de brocarder sans merci l'absence d'humour des conformistes.

 

Entre cette imprévisibilité idéologique et ses efforts constants pour tenter de définir intellectuellement ce qui est “de droite”, il y a une logique. Qui a démarré dès son célèbre livre Die Konservative Revolution in Deutschland  jusqu'à son long essai sur le “style fasciste”, ses études sur la technocratie et ses innom­brables articles sur des “thèmes de droite” (Sex in der Politik, Vergangenheitsbe­wältigung  et Liberalenbeschimpfung)  ou sur des auteurs (Oswald Spengler, Arnold Gehlen, Joachim Fernau). Dans tous ses écrits, Mohler se concentre sur ce problème: la définition de ce qui est “de droite”. Tous ses autres intérêts, notamment dans le domaine de l'histoire de l'art (Giorgio Morandi, Edward Hopper et la lutte contre la “mauvaise infinitude”) sont passés à l'arrière-plan.

 

Mohler a donc entamé une longue quête pour savoir ce qu'est ou devrait être l'“homme de droite” contem­porain, qui a volontairement abandonné tous les costumes historiques, les bottes d'équitation des clubs d'officiers ou les escarpins de l'Ancien Régime. Cette quête, on la suit avec intérêt et enthousiasme, sans perdre son étonnement pour quelques-unes de ses idées ou de ses passions politiques. Cet étonnement s'accompagne de regrets quant aux livres que Mohler n'a pas eu le temps d'écrire: son “Traité de poli­tique”, son ouvrage sur Georges Sorel, son travail sur les “anarchistes de droite”... Mais j'ai peut-être tort de lui faire ces reproches dans un hommage comme celui-ci... Car Mohler risque bel et bien de nous ré­server une bonne surprise un de ces jours. Ad multos annos.

 

Karlheinz WEISSMANN.

(hommage issu de Junge Freiheit,  n°16/95; trad. franç.: Robert Steuckers).

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