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mercredi, 02 octobre 2024

Robert Steuckers: Révolte ou Révolution?

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Révolte ou Révolution?

Par Robert Steuckers (juin 2023)

Les réflexions qui suivent sont loin d’être exhaustives, d’explorer tous les aspects que peuvent revêtir, même au simple niveau de la définition, les termes hautement politiques de « révolte » et de « révolution ». Le présent exposé n’a d’autre objectif que de clarifier, de manière didactique, ce qu’il convient d’entendre par ces deux termes. Cet exposé n’a donc qu’une fonction liminaire, et rien que cela.

Une révolte n’a pas nécessairement de suite, ne jette pas bas le régime politique en place, jugé tyrannique ou injuste. Une révolution, elle, jette bas le régime en place et/ou revient à un statu quo ante (ce que le vocable signifie en fait étymologiquement) et surtout se débarrasse d’un ballast accumulé dans les phases de déclin du régime aboli, où les élites dominantes, efficaces et protectrices au début de leur trajectoire historique, sont progressivement devenues inefficaces, tyranniques, calamiteuses et jouisseuses. Ces tares ne les autorisent plus à gouverner. Le processus de renouvellement des élites s’amorce: l’ancienne ne génère plus un consensus (qui était de 80% initialement) et la nouvelle, qui n’avait qu’un capital de sympathie de 20%, selon les critères théorisés par Vilfredo Pareto, érode la masse des 80% de soutien consensuel de l’élite déclinante pour obtenir in fine une masse équivalente à ces quatre cinquièmes de consensus : le processus s’achève et une ère nouvelle commence (qui, à son tour, s’achèvera quand ses temps seront accomplis).

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Une révolte peut procéder d’un spontanéisme délétère, marquée d’une incapacité à désigner clairement l’ennemi, comme le fut l’agitation durable des gilets jaunes, pourtant éminemment sympathique face à une république qui ne prenait plus que des mesures contraires à l’intérêt général.

Une révolte est également caractérisée par un manque de bases doctrinales, c’est-à-dire de clarté d’esprit, d’intuition féconde (Hegel disait qu’il fallait fusionner les deux), de mémoire historique. Ce spontanéisme quelque peu anarchique, cette déficience doctrinale et cette amnésie conduisent au manque d’organisation, accentuée de nos jours par la disparition du service militaire depuis plus d’une trentaine d’années et, par voie de conséquence, d’officiers de réserve insérés dans la vie civile et capables de prendre la tête d’un mouvement de remplacement des élites défaillantes (toujours la circulation des élites selon Vilfredo Pareto). A croire que la suppression du service militaire et de toute forme de service civil obligatoire, indispensables pour structurer les personnalités à l’aube de la vie adulte, ait été des mesures favorisées par des élites pressentant leur faillite.

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Pour pallier ce triple handicap du spontanéisme qui reste sans résultat, de la déficience doctrinale et du manque d’organisation, quels modèles et quelles idées faut-il remettre à l’avant-plan, diffuser dans nos entourages (familiaux, professionnels, associatifs) ?

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D’abord, il convient de réfléchir sur la distinction marxienne (et non marxiste) entre « socialisme scientifique » et « socialisme utopique », tout en se rendant bien évidemment compte que cette distinction, théorisée au 19ème siècle, nécessite de considérables aggiornamenti, consistant notamment à baser le réalisme politique (défini par Marx, Engels et Lénine comme « matérialisme ») non plus sur la physique newtonienne des débuts du 19ème siècle mais sur la physique postérieure à la découverte du deuxième principe de la thermodynamique, lequel constate qu’il peut y avoir entropie générale, donc entropie du système, que ce système soit celui en place, devenu tyrannique et posé comme « bourgeois » par les marxistes ou celui mis en place par les révolutionnaires eux-mêmes (comme l’a prouvé le figement de l’Union Soviétique) ou par les néolibéraux depuis 1979 (comme le prouve le ressac général des sociétés occidentales depuis la crise de 2008).

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Le fait physique de l’entropie, et la présence potentielle d’entropie dans les systèmes politiques, qui sont des systèmes vivants donc variables en toutes directions possibles, contredit la vision linéaire/vectorielle de l’histoire propre aux sociétés libérales du 19ème siècle, vision dont les militants et révolutionnaires marxistes ne s’étaient pas défait et reprenaient mordicus à leur compte).

A l’idée d’entropie de la physique de Heisenberg, s’ajoutent

1) celle du physicien Ernst Mach, théorisant l’émergence possible, à tous moments, de nouvelles probabilités (avec des résultats hétérogènes et non entièrement prévisibles) pouvant bousculer la linéarité imaginaire, judéo-chrétienne et gnostique de l’histoire, propre du mental des bourgeois et des simplistes à la sauce marxiste-léniniste et

2) celles du révolutionnaire russe Alexandre Bogdanov qui se moquait de la divinisation marxiste-léniniste de la « Matière » (mais vue sous le seul angle de la physique newtonienne) et qui prévoyait que cette hyper-simplification philosophique allait conduire la future Russie soviétisée à la sclérose.

Materialisme-et-empiriocriticisme.jpgLénine dans Matérialisme et empiriocriticisme s’insurgeait avec une véhémence de prêtre aigri contre Mach et Bogdanov, auxquels l’avenir donnera raison. Un « socialisme scientifique », aujourd’hui, ou, plus exactement, une « alternative politique scientifique », doit fusionner 1) la sévérité de Marx et d’Engels à l’égard des « utopismes » socialisants et anarchisants ne conduisant qu’à des fantaisies infécondes et 2) le regard de Mach et de Bogdanov sur la non-linéarité uni-vectorielle du temps, sur l’émergence toujours possible d’imprévisibilités, de probabilités non captables à l’avance, de ressac, d’entropie (même au sein de notre propre réseau associatif).  

Un processus révolutionnaire sérieux, mis en branle par des associations métapolitiques dans un temps premier, ne peut se contenter d’utopies infécondes, de coteries de hippies, de communautés gendéristes multipliant à l’infini les catégories sociétalo-sexuelles comme si nos sociétés complexes pouvaient équivaloir à des phalanstères fouriéristes postmodernes, etc. Mais ne doit pas davantage répéter, par dévotion irrationnelle et risible, les rigidités du discours léniniste, dérivées de sa divinisation d’une « Matière » perçue uniquement comme inerte, sans entropie potentielle, ne recelant aucune probabilité imprévisible : le réel est vivant, la vie rencontre des imprévus, elle peut se révéler tragique donc le « révolutionnaire politico-scientifique » à l’ère postmoderne, qui est la nôtre, doit intégrer la possibilité de tels risques dans l’élaboration de ses stratégies, risques pouvant survenir dans les périodes triviales comme dans les périodes tragiques que traverse sa communauté politique, sa Cité. Son modèle est le « Spoudaïos » d’Aristote, dont la pensée est souple, tout à la fois raisonnable et intuitive et dont le mode de vie est ascétique.

Le « révolutionnaire politico-scientifique de l’ère postmoderne » doit donc se doter en permanence d’un savoir clair sur les rapports sociaux qui innervent sa Cité afin de poser les analyses adéquates et, partant, de suggérer les mesures nécessaires. Dans le cadres de nos sociétés européennes en pleine déliquescence aujourd’hui, cela signifie poser une analyse claire des effets délétères du néo-libéralisme, idéologie dominante en Occident depuis l’avènement de Thatcher au pouvoir au Royaume-Uni en 1979.

Les associations diverses, auxquels ces « révolutionnaires politico-scientifiques » adhèreront, doivent favoriser des analyses généalogiques/archéologiques du phénomène néolibéral, assorties d’analyses, tout aussi claires, de la pénétration, dans le tissu social, des « nuisances idéologiques » (Raymond Ruyer) diffusées par la puissance hégémonique en place, qui est ennemi principal et non pas « alliée et protectrice » (comme le croient les « belles âmes »).

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Deux ouvrages récents sont intéressants à ce titre et mériteraient d’être lus, commentés et complétés :

1) celui de l’Allemand Frank Bösch sur les phénomènes injectés dans nos sociétés occidentales (et devenues « occidentalistes » mais à notre corps défendant) à partir, justement, de l’année 1979: néolibéralisme (arrivée de Thatcher au pouvoir à Londres), retour du religieux et manipulation du radicalisme islamiste (retour de Khomeiny à Téhéran), puis exploitation du radicalisme islamiste sunnite contre les Soviétiques en Afghanistan, avènement du filon idéologique écologiste (avec l’explosion hypothétique de la centrale nucléaire de Three Miles Island aux Etats-Unis puis l’émergence du mouvement vert en Allemagne, avec élimination immédiate des écologistes traditionalistes au sein même du mouvement et amorce du démantèlement total de l’indépendance énergétique du pays via le virulent mouvement hostile aux centrales nucléaires), phénomène des boat people en tant que première manifestation de mouvements migratoires provoqués et contrôlés, culminant aujourd’hui avec ce que Renaud Camus appelle le « grand remplacement ».

Aucun des phénomènes problématiques activés en 1979 n’a trouvé de solution aujourd’hui en 2023: le néolibéralisme a complètement disloqué nos sociétés, étapes après étapes, avec des acteurs chaque fois différents mais obéissant à une programme fixé à l’avance depuis les premières réunions du Club de Rome en 1975; le néolibéralisme a donné le pouvoir aux secteurs financiers et bancaires, d’où une prépondérance absolue de BlackRock et des GAFAM sur l’ensemble du Gros-Occident (selon l'expression de Guillaume Faye) ou de l’américanosphère.

Le fondamentalisme islamique, en ses diverses moutures (salafistes, wahhabites, fréristes, etc.) demeure une constante en dépit de ses ressacs en Syrie, en Egypte, en Irak et au Sinkiang, où le nationalisme militaire arabe a réagi comme il se devait de réagir et où le pouvoir chinois n’a pas été dupe.

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Ce fondamentalisme peut toujours être réactivé, notamment pour mettre le feu aux banlieues et quartiers chauds des villes européennes, de Malmö à Barcelone et de Nantes à Berlin.

L’écologisme a atteint ses objectifs réels en Allemagne aujourd’hui puisque le pays, s’il ne rétablit pas, en des délais très rapides, son indépendance énergétique complète (avec le gaz russe et les combustibles nucléaires russes et kazakhs), risque l’implosion totale et définitive, entraînant tout le reste de l’Europe dans la catastrophe, en dépit du fait que cela réjouira certains souverainistes à Paris ou à Varsovie.

L’exploitation des migrations forcées, suite à des guerres déclenchées par les Etats-Unis, a connu une ampleur démesurée depuis l’affaire des boat people qui avait réconcilié, comme par hasard, le libéral Raymond Aron et le pitre existentialiste Jean-Paul Sartre, avec la bénédiction d’André Glucksmann (une mise en scène médiatique ?). Avec Merkel, cette dérive atteindra son paroxysme à partir de 2015, non seulement en Allemagne mais dans toute l’Europe. Le pouvoir néolibéral trouve dans ce flux humain hétéroclite de la main-d’œuvre bon marché pour les « boulots de merde », les bullshit jobs, et pour enclencher un processus de diminution générale des salaires réels.

Les écologistes, se parant de toutes les vertus morales, appuient le phénomène, détruisant cette fois non plus l’industrie mais l’ensemble du tissu social et faisant du même coup imploser les structures de la sécurité sociale (qui avaient été exemplaires en Allemagne), ce qui n’est pas pour déplaire aux néolibéraux.

Une analyse « politico-scientifique » de notre réalité politique actuelle postule donc de connaître, de vulgariser et de diffuser une généalogie des nuisances idéologiques au pouvoir: de forger un récit alternatif, visant à ruiner le récit dominant, néolibéralo-écologico-immigrationniste, né en 1979 et expliquant certaines convergences comme, par exemple, le binôme jacassant et médiatisé formé par le thatchérien flamand Guy Verhofstadt et le festiviste permissif Daniel Cohn-Bendit, avatar du mai 68 parisien et ponte des Verts allemands et français.

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Ce duo montre bien qu’il y a convergence entre néolibéralisme et écologisme, entre néolibéralisme et festivisme. Et que cette convergence n’est pas forcément récente mais est inscrite de longue date à l’ordre du jour, depuis la programmation initiale.  

Le deuxième ouvrage à relire et à méditer est celui de Christophe Guilluy, intitulé No Society. Le titre de ce travail précis, très utile pour l’articulation de nos « bonnes oeuvres », est tiré d’une phrase lapidaire de Thatcher: « There is no society ». La Dame de fer entendait par là qu’il n’y avait que des « individus », appelés à se tirer d’affaire ou à crever s’ils n’y parvenaient pas. Mais au-delà de ce simple plaidoyer extrêmement succinct, en faveur d’un individualisme absolu, se profilait une volonté maniaque et féroce de déconstruire, détricoter et annihiler les ressorts de toutes les sociétés occidentales d’abord, de toutes les sociétés de la planète ensuite.

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L’horreur est quasi parachevée de nos jours : Macron, bombardé du titre de « Thatcher français », réalise le vœu de la Dame de fer, moins d’une dizaine d’années après son passage de vie à trépas. Ce parachèvement macronien s’accompagne d’une « radicalité sociétale » inouïe, que Thatcher ne pouvait pas articuler en tant que cheffesse d’un parti dit « conservateur ». Les délires sociétaux et gendéristes délitent les sociétés avec davantage d’efficacité que les discours de l’ex-première ministre britannique.

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L’utopisme d’aujourd’hui a refoulé toute analyse (scientifique), à la différence que cet utopisme-là ne se dit plus « socialiste » mais découle d’un cocktail où se mêlent néolibéralisme, écologisme diffus, gendérisme, festivisme, postmodernisme, etc. Pour Guilluy, c’est le monde d’en haut, celui des élites (néolibérales en l’occurrence), qui a abandonné l’idée aristotélicienne, classique, hellénique et romaine de « Bien commun », plongeant les pays de l’américanosphère, y compris les Etats-Unis, dans un chaos où tout est perçu comme relatif, transformable à souhait en dépit du donné naturel et où tous les acquis de civilisation sont dénoncés comme contraires à un moralisme sans limites. Il n’y a pas seulement « dissociété » (Marcel Decorte), il y a « a-société » (« There is no society »). Avec Thatcher, ce fut tout le tissu social, toutes les communities, de la classe ouvrière britannique qui implosa et disparut.

Les ravages ne se limitent plus à la seule classe ouvrière du monde industriel né au 19ème siècle. Ils s’étendent désormais à toutes les catégories sociales que l’on range habituellement sous l’appellation vague de « classe moyenne » : le recul est palpable partout. Rien de bien précis, en matière de contestation et de rejet de ce fatras destructeur, ne s’annonce cependant à l’horizon : Guilluy est toutefois optimiste et imagine qu’un soft power des classes populaires finira par contraindre les « classes d’en haut », le « monde d’en haut », comme il les désigne, à accepter les desiderata du peuple ou à disparaître. Il est évident que cela ne se fera pas facilement. Et que la vigilance métapolitique et politique demeure de mise, plus que jamais.

Le délitement de nos sociétés progresse donc partout. Le premier acte révolutionnaire, pour ne pas rester au stade des simples révoltes, est de déconstruire systématiquement les narratifs de l’hegemon et de son soft power, et de combattre sans merci par textes, discours et vidéos les idées véhiculées par les suppôts intérieurs de l’hegemon qui entretiennent les symptômes et les maux du déclin.

Une analyse claire de la situation macro-économique, en laquelle se débat l’UE aujourd’hui, est nécessaire pour déployer dans la plus évidente des concrétudes un discours challengeur : le puissant complexe soft-powerien qui a fusionné écologisme, néolibéralisme, festivisme et gendérisme (j’en passe et des meilleurs) a plongé nos pays dans une dangereuse précarité: l’énergie bon marché a disparu, ce qui correspond à la volonté bien arrêtée de l’hegemon de couler ses alliés qui sont ses principaux concurrents et cette énergie bon marché n’est pas seulement le gaz russe mais aussi les combustibles nucléaires kazakhs et russes.

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Les Verts allemands, avec Annalena Baerbock et Robert Habeck, appuient les positions américaines, ruinant à l’avance le pays pour de nombreuses décennies: ces faits ont une histoire, celle du déploiement de ces nuisances idéologiques dans nos sociétés depuis plus de quatre décennies, si bien que nous vivons actuellement sous un régime « anarcho-tyrannique »: Hegel voyait la tyrannie comme « thèse » et l’anarchie comme « antithèse », auxquelles il fallait opposer une synthèse reposant sur la justice (par exemple le justicialisme des Argentins de Péron) et la « liberté ordonnée » (l’ordo-libéralisme allemand opposé au libéralisme outrancier des écoles anglo-saxonnes). Aujourd’hui, la situation est différente : la tyrannie et l’anarchie ont fait cause commune contre la « synthèse » d’ordre et de justice en gestation, cette gestation qu’appelle Guilluy de ses vœux, qu’il croit déceler dans les soubresauts que connait la société française contemporaine. Il faut parler de ces sujets. Inlassablement. Ceux qui ne le font pas, ou pas assez, ou vaticinent sur des sujets sans importance, sont ce que Hegel appelait de « belles âmes ». La « belle âme » a peur, non seulement de s’engager, mais aussi de dire les choses sans détours. Elle se caractérise par une « faiblesse face au réel ».

Le résultat du travail de généalogie de la gabegie qui nous a conduit à l’anarcho-tyrannie actuelle permet de repérer nos ennemis et les agents d’influence de l’hegemon (Verts, Young Global Leaders, ONG stipendiées par Soros, etc.). L’ennemi est ainsi désigné, comme le préconisaient Carl Schmitt et Julien Freund. A nous de forger et de répandre un vocabulaire dépréciatif et dénigrant pour le dépeindre, qu’il s’agira de marteler sans relâche. Dans ce cadre offensif, l’ennemi qui me nie et veut ma disparition est bien présent, contrairement aux cénacles de « belles âmes » qui veulent « dialoguer » ou « débattre » avec tous et n’importe qui pour faire dans le n’importe-quoi qui ne débouchera que sur le rien.

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Les bases doctrinales, tirées d’Aristote, des traditions romaines (tacitistes disent les penseurs espagnols), de la révolution conservatrice, de Carl Schmitt, des écoles italiennes (Pareto, Mosca), des non-conformistes des années 30, doivent être affinées, rendues limpides, pour préparer, chaque jour que les dieux font, les coups de bélier qui renverseront l’anarcho-tyrannie. En marge de cette offensive, qui nous distinguent des « belles âmes » végétatives et vaticinantes, il s’agit de proposer un renouveau politique équilibré et alternatif, reposant sur l’idéal grec voire sur les idéaux oubliés, énoncés dans La Citadelle d’Antoine de Saint-Exupéry. 

Les propositions de renouveau politique doivent respecter les structures de la société, héritées de l’histoire, développer, à rebours du « There is no society » de Thatcher un idéal communautaire à la fois naturel, rural et traditionnel en dehors des métropoles (p. ex. dans la France périphérique selon Guilluy) et urbain, syndical, professionnel dans les villes et les centres industriels, étant donné que la troisième fonction des sociétés traditionnelles s’est considérablement amplifiée et diversifiée passant des quarante métiers du Bruxelles d’Ancien régime à l’infinité des métiers et fonctions productives actuelles, métiers et fonctions qui ont un impact sur la solidification de la Cité (comme le percevaient et Clausewitz et Saint-Exupéry). Les modèles argentins, théorisés à l’ère du péronisme, notamment par Jacques de Mahieu (qui ne s’est pas simplement occupé de très hypothétiques Scandinaves égarés sur le continent américain) poursuivis avec opiniâtreté et acribie par notre ami le Prof. Alberto Buela, méritent le détour en ce domaine et nous y reviendrons.

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Ces modèles argentins et la tradition aristotélicienne (Yvan Blot !) postulent une organisation socio-économique efficace à l’instar de ce que réclamait le Tat Kreis allemand sous la République de Weimar et dont les avatars ont gardé toute leur pertinence au moment du miracle économique des années 60. Ce sont là des modèles qui sont en prise sur le réel et non en marge de la société, auquel cas nous aurions affaire à un « communautarisme utopique », parallèle au « communautarisme multiculturel » de l’idéologie dominante, un « communautarisme utopique » qui mériterait de notre part autant de sarcasmes que Marx et Engels en adressaient au « socialisme utopique ».

Le déploiement d’un tel combat métapolitique et la volonté de redonner à nos peuples un « idéal communautaire » se heurtent toutefois à des handicaps qui n’existaient pas auparavant ou qui existaient mais dans une moindre mesure. Nos sociétés sont de fait bien plus disloquées que ne l’était le monde ouvrier du temps de Marx. Effet du « There is no society » dénoncé par Guilluy. L’absence depuis plus de trente ans du service militaire, apprentissage du vivre-ensemble inter-classes, et la disparition progressive du scoutisme à grande échelle, a abimé la gent masculine, l’a déboussolée et l’a rendue incapable d’organiser une révolte pour ne pas parler de révolution: il suffit de voir l’attitude des manifestants face aux forces du désordre macronien en France et celle des Serbes du Kosovo face aux soldats italiens et hongrois de l’OTAN, début juin 2023. Nous vivons, nous dit Eric Sadin, à l’ère de l’individu-tyran : cet être sans substantialité qui agence, trie, change les faits, auxquels il se heurte, et ses modes de vie au gré de ses humeurs et de ses contrariétés. De telles personnalités sont versatiles, incapables de constance et de durée, créatures faites pour vivre dans la « post-vérité ».

La société actuelle est marquée par un mauvais usage des réseaux sociaux: nos contemporains, même jeunes, restent chez eux, devant leurs écrans, alors que cette attitude est à peine bonne pour les vieux comme moi. L’attitude ancienne d’aller au bistrot pour taper la carte, vider des chopes mais aussi commenter l’actualité sociale, économique et politique était plus constructive. Mais il faut vivre selon son temps. Préparer la révolution, c’est maximiser l’usage que l’on peut faire des techniques en place, même si elles nous font horreur et même si on constate qu’elles assèchent d’essentielles vertus (au sens romain du terme). Telle est d’ailleurs la leçon d’Ernst Jünger dans les Orages d’acier, dans ses réflexions sur la technicisation de la guerre et dans Le Travailleur.  Les techniques informatiques, les autoroutes de l’information tant vantées à la fin des années 90, nous permettent, pour le moment, de diffuser une idéologie alternative en opposition radicale à l’idéologie dominante et au politiquement correct, en fait, de remplacer la presse aux ordres financée par le tout-économique.

L’honnête homme sceptique (complotiste ?), qui se cultivait jadis en lisant la presse de son choix, chaque jour, et la commentait avec ses amis, doit se muer en un honnête homme sceptique-complotiste de l’ère post-véridique qui se doit d’ingurgiter au moins quatre articles alternatifs par jour, selon ses centres d’intérêt et de les partager selon les divers modes offerts sur la grande toile. Il faut bel et bien partager et non pas cliquer « J’aime » comme l’immense majorité des zombis postmodernes. Le partage communautaire doit parier sur la viralité, amorce d’un pôle de rétivité qui transformera le sentiment de révolte, les révoltes, en courant prérévolutionnaire, antichambre d’une révolution qui laissera en plan les belles âmes, éliminera l’ennemi (en toutes ses variantes installées en nos sociétés depuis l’année fatidique de 1979). Cette révolution n’aura plus rien d’utopique.

Robert Steuckers, Forest-Flotzenberg, juin 2023.    

 

vendredi, 27 septembre 2024

Occidentologie: vers une science russe souveraine

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Occidentologie: vers une science russe souveraine

Alexandre Douguine

Introduction

L'occidentologie est un nouveau concept qui doit être pris en compte dans la situation actuelle d'escalade du conflit entre la Russie et les pays de l'OTAN, suite à l'opération militaire spéciale en Ukraine, en particulier maintenant que le conflit s'est progressivement et irréversiblement transformé d'un conflit politique en un choc des civilisations. Les dirigeants politiques russes ont déclaré que le pays était un « État-civilisation » indépendant [1] ou un « monde russe » [2]. De telles déclarations ont des conséquences importantes pour les sciences humaines et l'éducation russes dans leur ensemble, car elles établissent un nouveau paradigme pour la conscience historique de la société russe, ainsi que pour notre compréhension de la civilisation occidentale et d'autres peuples et cultures non occidentaux.

Le décret présidentiel n°809 « sur l'approbation des fondements de la politique d'État pour la préservation et le renforcement des valeurs morales et spirituelles traditionnelles russes » stipule sans ambiguïté que notre orientation doit être axée sur le code de la vision russe du monde, qui est le fondement de nos « valeurs traditionnelles » [3]. En fait, il s'agit du cadre sémantique fondamental de la nouvelle vision du monde de l'État et du public russe, dont la nécessité découle directement de la confrontation croissante avec l'Occident au sens large d'un choc entre différentes civilisations.

Cette orientation de la Russie vers la tradition et le renforcement de l'identité est développée et poursuivie dans le décret présidentiel russe n°314 « sur l'approbation des fondements de la politique d'État de la Fédération de Russie dans le domaine de l'éducation historique », qui déclare directement que « la Russie est un grand pays avec une longue histoire, un État-civilisation qui a uni les Russes et de nombreux autres peuples d'Eurasie en une seule communauté culturelle et historique et a apporté une énorme contribution au développement du monde.... ». La conscience de soi de la société russe est fondée sur les valeurs spirituelles, morales, culturelles et historiques traditionnelles qui se sont formées et développées tout au long de l'histoire de la Russie, et dont la préservation et la protection sont une condition préalable au développement harmonieux du pays et de son peuple multinational, faisant partie intégrante de la souveraineté de la Fédération de Russie » (Section II, 5) [4].

En d'autres termes, la reconnaissance de la Russie en tant qu'État civilisationnel et la promotion d'une politique d'État affirmant notre connaissance de l'histoire et la protection des valeurs traditionnelles en tant que fondements de l'État nous obligent à reconsidérer notre attitude à l'égard de la civilisation et de la culture occidentales au cours des dernières décennies, voire des derniers siècles.

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La voie particulière de la Russie : avantages et inconvénients

Tout ce qui précède nous ramène à la discussion qui a eu lieu au 19ème siècle entre les slavophiles et les occidentalistes et, plus tard, entre les Eurasiens russes qui ont poursuivi les critiques des slavophiles. Les slavophiles soutenaient que la Russie n'était pas une civilisation slave orientale, mais un type historique et culturel particulier de civilisation byzantine-orthodoxe [5]. Les eurasistes ont ensuite complété ces idées en soulignant les contributions positives apportées par d'autres peuples eurasiens à la richesse et à l'identité de cette civilisation russe. Des concepts tels que « Russie-Eurasie », « État-monde » ou « État-continent » sont synonymes de termes tels que « État-civilisation » ou « Monde russe ».

Ces idées ont été rejetées par les Russes occidentalistes, qu'ils soient libéraux ou sociaux-démocrates, qui ont insisté sur le fait que la Russie faisait partie de la civilisation de l'Europe occidentale et n'était pas une civilisation distincte et indépendante. Par conséquent, la tâche de la Russie était de copier tous les développements occidentaux dans des domaines tels que la politique, la culture, la science, la société, l'économie et la technologie. Les occidentalistes russes étaient des partisans des Lumières et de la science New Age, acceptaient la théorie du progrès linéaire et convenaient que les étapes de développement suivies par l'Occident étaient universelles, ainsi que le fait que les valeurs occidentales devaient être apprises et acceptées par tous les peuples et toutes les sociétés. Ces idées excluaient toute question sur l'identité de la Russie et, au contraire, la décrivaient comme une société arriérée et périphérique soumise à la modernisation et à l'occidentalisation.

Dans le même temps, les occidentalistes russes, qui, dès le 19ème siècle, étaient divisés entre sociaux-démocrates et libéraux, avaient des idées différentes sur l'avenir de la Russie. Les premiers pensaient que l'avenir résidait dans la création d'une société socialiste, tandis que les seconds prônaient le triomphe d'une société capitaliste. Cependant, tous deux partageaient une croyance inébranlable dans l'universalité de la voie suivie par l'Europe occidentale et considéraient donc les valeurs traditionnelles et l'identité originale de la Russie comme un obstacle au développement de notre pays.

Pendant l'ère soviétique, notre société était dominée par l'idéologie marxiste, héritière de la version sociale-démocrate et communiste de l'Occident. Cependant, la confrontation féroce avec le monde capitaliste et les conditions qui nous ont été imposées pendant la guerre froide, qui a débuté en 1947, ont conduit l'idéologie soviétique à accepter certains éléments de l'approche civilisationnelle prônée par les slavophiles et les eurasistes, bien que ces idées n'aient jamais été officiellement reconnues. Les eurasistes eux-mêmes ont objectivement observé cette transformation du marxisme en Russie soviétique, où l'on a assisté à un retour progressif - surtout sous le règne de Staline - à la géopolitique impériale et, en partie, aux valeurs traditionnelles.

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Mais l'idéologie d'État n'a jamais reconnu l'importance de cette approche civilisationnelle et les dirigeants soviétiques ont continué à insister sur la nature internationale (et même occidentaliste-universaliste) du socialisme et du communisme, refusant de reconnaître l'aspect russe de la « civilisation soviétique ». Cependant, l'URSS a développé un système scientifique critique vis-à-vis de la société bourgeoise qui lui a permis d'établir une certaine distance avec les codes idéologiques de la civilisation occidentale dans sa version libérale, qui a dominé aux États-Unis et en Europe après la défaite de l'Allemagne hitlérienne. Mais, en même temps, la trajectoire historique de la Russie a été comprise exclusivement en termes de classe, ce qui a déformé l'étude de l'histoire russe au point de la réduire à son tour à un schéma de type occidental, ce qui le rendait inapplicable. Malgré cela, la science sociale soviétique a maintenu une certaine distance par rapport à l'idéologie du libéralisme qui dominait en Occident, bien qu'elle ait partagé les postulats du progrès, des Lumières et qu'elle ait sympathisé avec les Temps modernes, reconnaissant la nécessité historique du capitalisme et du système bourgeois, mais seulement en tant que conditions préalables aux révolutions prolétariennes et à l'édification du socialisme.

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Cependant, cette distanciation a été totalement abolie au moment de l'effondrement de l'URSS et du rejet de l'idéologie soviétique. Mais cette fois, c'est le paradigme diffusé par le libéralisme occidental qui a triomphé dans les sciences sociales, et c'est précisément cette idéologie qui s'est maintenue dans ce domaine au sein de la Fédération de Russie jusqu'à aujourd'hui. Cela est dû en grande partie à l'impulsion même donnée par l'État dans les années 1990, lorsque la thèse selon laquelle la Russie faisait partie de la civilisation occidentale - mais pas dans sa version socialiste, mais dans sa version libérale-capitaliste - est devenue un dogme. Si, à l'époque de la Perestroïka, la théorie de la convergence a été promue, avec laquelle les dirigeants soviétiques espéraient que le rapprochement avec l'Occident et le monde bourgeois pourrait conduire à la fusion du socialisme avec le capitalisme et à l'élimination des zones d'influence, mettant ainsi fin aux risques de confrontation directe, après 1991, avec le rejet total du socialisme, la Fédération de Russie a accepté les principes de la démocratie bourgeoise et de l'économie de marché. C'est alors qu'une transition directe vers le libéralisme s'est amorcée dans les sciences sociales, et que les épistémès occidentales ont commencé à être copiées dans toutes les sphères des sciences humaines: philosophie, histoire, économie, psychologie, etc. Certaines sciences humaines - telles que la sociologie, les sciences politiques, les études culturelles, etc. - ont été introduites dans les années 1980 et 1990 en suivant strictement les canons occidentaux.

Ainsi, tant directement (sous l'occidentalisme libéral) qu'indirectement (sous les communistes), les sciences sociales en Russie au cours des 100 dernières années ont été constamment dominées par les idées de la civilisation occidentale sur la société, l'État et la culture russes. Dans les deux cas, l'objectif était que la Russie rattrape (pour les libéraux) ou dépasse (pour les communistes) l'Occident en acceptant sans critique les attitudes, les principes, les codes et les épistémès de l'Occident. D'autre part, alors que les communistes critiquaient les « sciences bourgeoises », les libéraux les acceptaient totalement.

Le problème de la transitologie

Dans les années 1990, les Russes occidentalistes ont adopté le paradigme de la « transitologie ». Selon cette perspective, la Russie n'a qu'un seul objectif: se débarrasser des vestiges du passé (à la fois le monde soviétique et les structures monarchiques et orthodoxes) et se diluer dans une civilisation mondiale avec l'Occident contemporain en son centre. Les humanistes russes partisans de la transitologie devaient aider cette transition de toutes les manières possibles, en critiquant toutes les tendances qui s'écartaient de cet objectif et en contribuant activement à la modernisation (occidentalisation) des sciences sociales.

Les théories, les concepts, les critères, les valeurs, les méthodologies et les pratiques de l'Occident ont été pris comme modèle, tant sur le fond que sur la forme (d'où l'acceptation du système de Bologne, l'imposition de l'OSU dans les écoles, les projets et l'approche basée sur les compétences dans l'éducation). Les mesures scientifiques ont été complètement réorganisées pour s'adapter aux canons occidentaux et le degré de « scientificité » a été mesuré en fonction de la conformité des documents, des recherches, des textes, des programmes éducatifs, des articles scientifiques et des monographies aux normes occidentales modernes et aux index de citations. En d'autres termes, seul ce qui correspondait au paradigme de la transitologie, c'est-à-dire à l'introduction de paradigmes libéraux, était considéré et reconnu comme « scientifique », tandis que toute forme de slogan illibéral était critiquée. C'est toujours la base du système d'évaluation des sciences humaines.

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Le piège de l'universalisme occidentalo-centré

Cette approche, dominante depuis 33 ans (bien que l'on puisse étendre cette chronologie à un siècle, en tenant compte de l'internationalisme soviétique et de l'occidentalisme clandestin qui existaient auparavant), est totalement inacceptable dans les conditions actuelles de l'opération militaire spéciale et du choc direct entre deux civilisations distinctes telles que la Russie et l'Occident moderne, ultra-libéral et mondialiste. Dans le discours prononcé par le Président de la Fédération de Russie Vladimir Poutine, le 30 septembre 2022, lors de la signature de l'accord sur l'incorporation des régions de la NPR (Novorossiya/Donbass), de la LPR (Lugansk), de Zaporojie et de Kherson à la Russie, il a qualifié la société occidentale de « satanique » [5] : « La dictature des élites occidentales est dirigée contre toutes les sociétés, y compris contre les peuples des pays occidentaux eux-mêmes. Elles promeuvent avec défi la négation complète de l'homme, la subversion de la foi et des valeurs traditionnelles, ainsi que la suppression de la liberté, qui ont acquis les caractéristiques d'une religion, d'un satanisme ouvert <...>. Pour eux, notre pensée et notre philosophie sont une menace directe, c'est pourquoi ils attaquent nos philosophes. Notre culture et notre art sont un danger pour eux, c'est pourquoi ils essaient de les interdire. Notre développement et notre prospérité sont également une menace pour eux : la concurrence s'intensifie. Ils n'ont pas besoin de la Russie, mais nous si. Je voudrais leur rappeler que les prétentions à la domination du monde dans le passé ont été écrasées plus d'une fois par le courage et la fermeté de notre peuple. La Russie sera toujours la Russie » [6].

En outre, lors d'une réunion du club Valdai en octobre 2022, le président de la Fédération de Russie a déclaré: « Ce n'est pas un hasard si l'Occident prétend que sa culture et sa vision du monde sont universelles. S'il ne le dit pas directement - bien qu'il le dise souvent aussi - il le fait indirectement, en se comportant d'une certaine manière et en insistant sur le fait que son mode de vie et son système politique doivent être suivis inconditionnellement par tous les peuples qui composent la communauté internationale » [7].

L'évolution de la conscience russe vers la conception d'un État-civilisation distinct et le refus d'accepter la culture et la vision du monde occidentales comme des principes universels nous ramènent au paradigme slavophile-eurasianiste, rejeté il y a un siècle, et à l'idée que la civilisation occidentale n'est qu'une des voies possibles vers le développement. La Russie doit chercher sa propre voie en s'appuyant sur les valeurs traditionnelles, sur les significations et les fondements de son histoire, dont le pivot est le peuple russe et les peuples frères de Russie-Eurasie, qui ont créé un esprit unique. C'est précisément ici que l'on peut parler d'occidentologie.

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Définition de l'occidentologie

Il est évident que le tournant civilisationnel de la politique russe ne pourra se réaliser tant que l'universalité de la civilisation occidentale sera défendue et que les fondements et les principes de cette civilisation seront tolérés sans critique. Par conséquent, il est nécessaire de reconsidérer radicalement notre attitude à l'égard de l'Occident en général et, surtout, à l'égard de ses paradigmes dans le domaine des sciences sociales. Nous ne pouvons plus les accepter comme un article de foi sans en faire une étude attentive et critique, et encore moins sans les mettre en corrélation avec nos valeurs traditionnelles et les impératifs de nos lumières historiques. Non seulement la civilisation occidentale n'est pas universelle, mais dans son état actuel, elle est destructrice et toxique, au point d'être considérée comme « satanique ». D'où la nécessité de l'occidentologie et de la clarification de sa signification.

L'occidentologie est un paradigme qui étudie la culture et les sciences humaines occidentales, rejetant les prétentions de la science et de la culture occidentales à l'universalité, la vérité ultime et les critères normatifs développés par ce paradigme que l'Occident tente activement d'imposer au reste de l'humanité comme s'il s'agissait d'un libre choix.

Cette attitude ressemble en partie à celle des sciences sociales soviétiques à l'égard des disciplines et théories bourgeoises, qui ne devaient être étudiées et enseignées qu'après avoir été soumises à une critique approfondie. La base de cette critique était le marxisme soviétique, qui avait ses propres critères, méthodes et principes. Mais contrairement au modèle de critique soviétique, l'occidentologie a des revendications beaucoup plus radicales contre l'Occident, refusant de reconnaître non seulement la civilisation occidentale dans sa version libérale-capitaliste, mais rejetant également les principes anti-chrétiens sur lesquels les Temps modernes ont été construits, ainsi que les attitudes et les dogmes du christianisme d'Europe occidentale (catholicisme et protestantisme) dans ses premiers stades de développement. La Russie en tant que civilisation a une base et un principe de développement complètement différents qui ne peuvent être correctement compris et décrits que dans le contexte du paradigme mondial russe et en prêtant attention à nos valeurs traditionnelles.

L'ethnocentrisme en tant que phénomène

L'occidentologie part du constat général que l'ethnocentrisme est un phénomène naturel dans toute société [8]. Il s'agit d'un principe accepté par l'anthropologie et la sociologie, qui signifie que tout groupe et toute collectivité, conformément à l'attitude naturelle de toute société, se considère toujours comme le centre du monde [9]. Par conséquent, nous avons la prétention à l'« universalité » de l'être et des qualités d'une société donnée, ainsi que de ses normes et principes (y compris la langue, la culture, la religion, la cuisine, l'habillement, les rituels, les pratiques domestiques, etc.

Les Grecs considéraient toutes les nations qui les entouraient comme des « barbares » et eux-mêmes comme « le centre de la création ». La même idée se retrouve chez les Juifs de l'Ancien Testament comme base de leur religion et, en partie, du christianisme. Les Juifs sont le « peuple élu » et les autres nations (« goyim ») sont à peine considérées comme humaines [10]. L'Empire chinois se considérait comme le centre du monde, d'où le nom de la Chine : Zhōngguó (中国), « État du centre » [11]. Les anciennes puissances suméro-akkadiennes de Mésopotamie avaient également des idées similaires, tout comme la domination mondiale des Achéménides et, plus tard, des souverains de l'Iran sassanide. L'idée de la Rome éternelle, et plus tard de Moscou comme troisième Rome, ont des origines similaires. Il en va de même pour les petites nations, dont chacune est convaincue de la supériorité de sa propre culture par rapport à toute tribu voisine.

L'ethnocentrisme ne nécessite aucune justification, car il reflète un désir naturel d'ordonner le monde environnant, de lui donner une orientation et une structure stables, de le mesurer en établissant des oppositions fondamentales telles que « nous/eux » ; « culture (entendue comme notre culture, la culture de notre société)/nature » (terre/ciel), etc.....

La culture occidentale ne fait pas exception. Comme toutes les autres cultures, elle repose sur une attitude ethnocentrique. En même temps, c'est une culture raffinée et hypercritique dans beaucoup de ses aspects, qui remarque et identifie l'ethnocentrisme qui existe dans toutes les autres sociétés et civilisations. Cependant, la culture occidentale est totalement incapable de reconnaître sobrement qu'elle a aussi des prétentions « universelles » qui s'apparentent à ce phénomène. Selon la civilisation occidentale, l'ambition de toute société d'être au centre de l'univers est une « illusion naïve », alors qu'au contraire, c'est une « vérité scientifique » irréfutable que l'Occident est le centre de tout. En d'autres termes, l'ethnocentrisme occidental est « scientifique » et toutes les autres manifestations ne sont que des « mythes », souvent dangereux, qu'il faut « démystifier ».

Les débuts de l'ethnocentrisme occidental

L'ethnocentrisme a pris différentes formes à différentes étapes de l'histoire occidentale. Dans les temps archaïques, il était une caractéristique naturelle des tribus et des peuples d'Europe occidentale et se reflétait dans les croyances et les cultures païennes. Puisque dans la religion, Dieu (ou les dieux, dans le polythéisme) est au centre de tout, il est naturel que les ancêtres sacrés des peuples européens soient également considérés comme des dieux. C'était le cas des Grecs et des Romains, mais aussi des Celtes, des Germains et d'autres peuples comme les Slaves, les Scythes, les Iraniens, etc.

Dans la Grèce classique, l'ethnocentrisme a été élevé à un niveau supérieur par la philosophie, l'art et la culture, acquérant ainsi une justification « rationnelle ». À partir de l'époque d'Alexandre le Grand, dans la période hellénistique, ce processus a été complété par l'idée d'un royaume universel que les Grecs ont emprunté aux Achéménides. Plus tard, cette synthèse impériale et culturelle a été héritée par les Romains, surtout après la proclamation d'Auguste. Le christianisme a placé l'Église au centre de tout, héritant des idées de l'ethnocentrisme juif (désormais reprises par le Nouvel Israël, les chrétiens), et plus tard - après Constantin le Grand - des ambitions universalistes de la culture hellénistique qui parlait de la doctrine de l'Empire et du Katechon, le Roi sacré.

Il est à noter que jusqu'à la division du monde chrétien en Occident (catholicisme) et en Orient (orthodoxie), cet ethnocentrisme était unifié et identique pour tous les peuples de la Méditerranée. En fait, tout cela était connu sous le nom d'œcuménisme-οἰκουμένη, la civilisation chrétienne étant le centre de l'univers. On peut le constater dans l'ouvrage géographique byzantin de Cosmas Indicopleustes, écrit au 6ème siècle, où l'on retrouve l'idée ancienne que les gens normaux n'habitent que les parties centrales (méditerranéennes) du monde et qu'à mesure que l'on se déplace vers les marges de l'écoumène, les gens deviennent de plus en plus exotiques en apparence, perdant progressivement leurs traits humains. L'ethnocentrisme œcuménique est également une forme d'ethnocentrisme.

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L'ethnocentrisme russe et l'œcuménisme bipolaire

Il convient de noter que jusqu'à un certain point - et plus précisément jusqu'à la scission définitive des Églises après le Grand Schisme de 1054 - la structure de l'ethnocentrisme de la civilisation méditerranéenne était commune à la fois à l'Occident et à la civilisation slave orientale qui commençait à peine à émerger. Mais le facteur décisif était l'adhésion des Russes à l'Église d'Orient, à l'orthodoxie et au byzantinisme. Et lorsque cet ethnocentrisme autrefois unifié s'est scindé en deux pôles - l'Occident et l'Orient - l'ancienne Russie s'est identifiée sans équivoque à l'Orient chrétien.

Les racines de l'ethnocentrisme russe se trouvent à Byzance et à Constantinople, tandis que la version occidentale de l'œcuménisme et, par conséquent, son ethnocentrisme religieux, politique et culturel se trouvent en Europe occidentale où, après l'usurpation de l'Empire par Charlemagne, les deux puissances qui ont donné forme à l'Empire russe se trouvent à l'Est, les deux pouvoirs qui ont façonné le monde chrétien, le spirituel (Rome, la papauté) et l'impérial (les empereurs germaniques successifs, des Carolingiens aux Habsbourg en passant par les Ottoniens et les Hohenstaufen), ont été unifiés. Byzance et l'Orient orthodoxe sont considérés par l'Occident comme sa périphérie, c'est-à-dire une zone habitée par des « schismatiques » et des « hérétiques », qui ne sont donc pas pleinement chrétiens, ni même des êtres humains (comme les merveilleux demi-hommes des périphéries du monde décrits par Hérodote ou Pline l'Ancien).

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C'est précisément ici que naît la civilisation occidentale telle que nous la connaissons, au moment où se produit la rupture de l'ethnocentrisme œcuménique méditerranéen, et c'est à partir de là que nous pouvons commencer à parler d'occidentologie. L'œcuménisme chrétien antérieur de l'Orient et de l'Occident était un continuum culturel: Constantinople (la Nouvelle Rome) et Rome elle-même étaient le centre du monde et les Pères orientaux n'étaient pas opposés aux Pères occidentaux. Les pères orientaux ne s'opposaient pas aux pères occidentaux. Ils avaient également en commun des idées ethnocentriques antérieures: les royaumes universels mésopotamiens, l'anthropologie religieuse de l'Ancien Testament et l'universalisme hellénistique. Plus tard, cependant, nous pouvons parler de la formation de deux civilisations chrétiennes, dont chacune insiste désormais sur le fait qu'elle est seule au centre de tout.

À partir de là, on peut parler d'un œcuménisme bipolaire qui, de la prise de Constantinople par les croisés lors de la quatrième croisade en 1202-1204 et de l'établissement de l'empire latin en Méditerranée orientale à la chute de Byzance aux mains des Turcs ottomans, a vu le premier pôle se renforcer, tandis que le second s'affaiblissait de plus en plus au fil du temps.

Le tournant historique s'est produit lorsque le Royaume de Moscou a assumé la mission de devenir le centre de l'œcuménisme chrétien oriental et le gardien de la tradition de l'ethnocentrisme byzantin. Mais ce n'est qu'au moment où ces deux œcuménismes se sont affrontés dans une bataille à l'échelle planétaire - le Grand Jeu entre l'Empire britannique et l'Empire russe, puis la Guerre froide et aujourd'hui l'Opération militaire spéciale - que cette confrontation a atteint son apogée.

Métamorphose de l'ethnocentrisme de la civilisation occidentale

Du couronnement d'Ivan le Terrible, c'est-à-dire du moment où la Russie s'est emparée de la version ethnocentrique du christianisme byzantin oriental, à la confrontation entre la Russie et l'Occident à l'échelle planétaire, il faut garder à l'esprit que l'ethnocentrisme occidental a connu plusieurs transformations très importantes

Si, dans un premier temps, la communauté œcuménique occidentale était représentative d'une culture chrétienne gréco-romaine ayant ses propres caractéristiques (le catholicisme proprement dit), la Renaissance européenne et la Réforme ont considérablement modifié ses structures et ses paradigmes, influençant profondément la conscience européenne de soi. L'Europe occidentale se considérait comme le centre du monde et de l'humanité même au Moyen Âge catholique, mais de nouvelles idées - l'humanisme de la Renaissance, l'individualisme protestant, la philosophie rationaliste et le matérialisme scientifique de la modernité - ont transformé la culture de l'Europe occidentale en quelque chose de complètement différent.

L'Occident se considère toujours comme le centre du monde, mais ce postulat repose désormais sur d'autres principes. Les « arguments » ethnocentriques et leurs prétentions à l'universalité étaient la science, la laïcité politique, les prétentions à la rationalité et le fait de placer l'homme, et non Dieu, au centre de la création. Naturellement, par « homme », on entendait l'homme européen occidental des Temps Nouveaux. Tous les autres concepts et théories de l'humanisme, de la laïcité, de la société civile, de la démocratie, etc. se fondent sur lui. Les domaines médiévaux traditionnels ont été relégués à la périphérie et la bourgeoisie a fini par tout dominer.

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Parallèlement, l'Europe des Temps modernes entame un processus de colonisation, affirmant son ethnocentrisme à l'échelle planétaire et imposant sa « supériorité » à tous les autres peuples de la terre. L'asservissement de peuples entiers et la conquête de continents et de civilisations entières se sont faits sous la bannière du « progrès » et du « développement ». Les sociétés les plus développées avaient, aux yeux de l'Occident, toutes les raisons de soumettre les moins développées. C'est ainsi qu'est né le racisme occidental, parfaitement reflété dans les œuvres de l'impérialiste britannique R. Kipling (illustration, ci-dessus), qui appelait cyniquement le colonialisme « le fardeau de l'homme blanc ».

Le rationalisme, les inventions scientifiques et les découvertes technologiques, associés aux valeurs des Lumières et à la doctrine du progrès, sont devenus le nouveau contenu de l'ethnocentrisme européen pendant la période coloniale. L'Occident continue à se placer au centre de l'univers, mais sous une forme complètement différente, justifiant son universalisme par des concepts différents.

Dans le même temps, la version traditionnelle de l'œcuménisme byzantin a continué à prévaloir en Russie. L'orthodoxie est devenue le principe déterminant de notre identité et, avec elle, l'héritage de cette civilisation chrétienne qui s 'inscrivait dans la continuité de la culture méditerranéenne, laquelle était autrefois le paradigme commun qui nous reliait aux pays d'Europe occidentale. À partir d'un certain moment, l'Occident est entré dans les temps nouveaux et a habillé son ethnocentrisme de nouvelles formes, tandis que la Russie est restée, en général, fidèle au noyau civilisationnel originel de l'œcuménisme chrétien, que l'Occident a progressivement abandonné ou modifié jusqu'à ce qu'il devienne méconnaissable et même contraire à lui.

L'Europe moderne a remplacé Dieu par l'homme, la foi et la révélation par la raison et l'expérimentation, la tradition par l'innovation, l'esprit par la matière, l'éternité par le temps, la permanence ou la décadence (incarnées par les écritures et les traditions sacrées) par le progrès et le développement. La culture occidentale s'est donc trouvée en opposition non seulement avec l'orthodoxie, incarnée jusqu'à un certain point par la Russie, qui avait hérité de la civilisation gréco-romaine de Byzance, mais aussi avec ses propres fondements. D'où les mythes du « Moyen Âge sombre/obscur » et la glorification sans critique des Temps Nouveaux ou de la Modernité.

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C'est ainsi que le traditionalisme et le conservatisme de la société et de la politique russes sont apparus aux yeux de l'Occident non seulement comme un phénomène imputable à des « schismatiques », mais aussi comme l'incarnation de l'arriération, de la barbarie et d'une dangereuse menace pour le progrès et le développement. Si la Russie n'avait pas eu les moyens de se défendre contre l'Occident, elle aurait été victime, comme d'autres sociétés traditionnelles, d'une colonisation agressive. Mais la Russie a résisté, non seulement militairement mais aussi culturellement, en restant fidèle à son identité orthodoxe-byzantine.

Ainsi, un autre élément crucial est venu s'ajouter à la confrontation entre les deux ethnocentrismes œcuméniques au cours du 18ème siècle. L'Occident incarnait les temps nouveaux et la modernité en tant que modèle universel, tandis que la Russie était plutôt sur la défensive, continuant à croire que seule sa voie était véritablement universelle et salvatrice, et cette voie consistait en la loyauté envers l'orthodoxie et le mode de vie traditionnel, en particulier la monarchie sacrée et la hiérarchie des classes, qui sont généralement restées importantes en Russie jusqu'à la révolution de 1917.

L'Occident incarnait la modernité et la Russie la tradition, l'Occident représentait le matérialisme séculier et la Russie le sacré et l'esprit.

Premières versions de l'occidentologie

À partir du moment où l'Occident, en tant que civilisation, a pleinement assumé le paradigme de la modernité, les relations entre l'Occident et la Russie, en tant que civilisations distinctes, ont changé qualitativement. Dès lors, l'occidentalisme, surtout depuis Pierre le Grand, est devenu le principe d'une partie des élites russes, qui ont progressivement adopté la position selon laquelle l'Empire russe était également une puissance européenne et donc destiné à suivre la même voie que les pays de l'Ouest. L'idée de Moscou comme Troisième Rome s'efface progressivement (surtout après le schisme ecclésiastique russe qui a opposé les défenseurs de l'ancienne piété, les Vieux Croyants, aux réformateurs, les premiers étant repoussés à la périphérie) au fur et à mesure que s'amorce le processus de modernisation/occidentalisation de la société russe. Cependant, bien que la Russie ait commencé à succomber à l'épistémè occidentale au cours du 18ème siècle, elle a continué à défendre sa souveraineté politique et militaire, permettant ainsi à l'ancien mode de vie russe de persister par inertie dans de nombreux domaines.

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Au 19ème siècle, les slavophiles ont clairement reconnu ce paradoxe, et c'est là qu'est née l'occidentologie, qui n'avait pas encore reçu ce nom. Les slavophiles ont clairement formulé les principes de l'identité constante et immuable de la Russie en tant qu'héritière de l'œcuménisme chrétien oriental, y compris sa position ethnocentrique à l'égard du monde, et ont dénoncé l'arbitraire des prétentions à l'universalisme de la civilisation de l'Europe occidentale sous la forme de la modernité. Danilevsky a formulé la doctrine des types historico-culturels selon laquelle la civilisation européenne était en déclin (tandis que la civilisation orthodoxe restait fidèle à ses racines chrétiennes) et que les Slaves - en particulier les Russes - entraient au contraire dans une ère de prospérité et de renaissance de leur noyau civilisationnel, se préparant à remplir leur mission. Dans cette perspective, toute l'histoire de l'Europe occidentale, ou du monde romano-germanique (Danilevsky), se révèle être un phénomène local incapable de s'approprier l'ensemble de l'histoire. Ce que l'Occident dit de la « vérité », de l'« utilité », du « développement », du « progrès », du « bien », de la « liberté », de la « démocratie », etc. doit être replacé dans un contexte historique et géographique spécifique, c'est-à-dire « ethnique », et ne doit en aucun cas être considéré comme inconditionnellement vrai et axiomatique.

L'ethnocentrisme occidental est normal, mais le problème réside dans le fait qu'il a dépassé les limites normales de l'ethnocentrisme et qu'il est donc devenu agressif, trompeur, mesquin et parfois fou, incapable d'autoréflexion et d'attitude critique à l'égard de lui-même.

Les slavophiles et, plus tard, les Eurasistes ont jeté les bases de l'occidentologie, qui était centrée sur les valeurs russes traditionnelles. L'Occident peut et doit être étudié [13], mais non pas comme la vérité ultime, mais comme une civilisation particulière aux côtés d'autres civilisations non occidentales. Et dans le cas de la science et de la sphère publique russes, il est nécessaire de séparer strictement ce qui peut être fructueux et acceptable pour la Russie de ce qui est toxique et destructeur. Les slavophiles ont été fortement influencés par le romantisme allemand et la philosophie allemande classique (Fichte, Schelling, Hegel), qui ont inspiré toute une pléthore de penseurs russes conservateurs [14].

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Une autre version de l'occidentologie a été développée par les courants de gauche en Russie, surtout les populistes (narodniki), qui rejetaient le capitalisme. Les populistes, comme certains slavophiles (par exemple, I. S. Aksakov), pensaient que le cœur de la culture russe était la communauté paysanne vivant selon ses anciennes lois et coutumes et représentant l'apogée d'une existence harmonieuse et spirituelle et restant significative pour le monde [15]. Ils considéraient que le servage n'était rien d'autre qu'une conséquence de l'occidentalisme, mais que son abolition ne devait pas conduire au développement des relations capitalistes et à la prolétarisation des paysans, mais à la renaissance de l'esprit populaire et des valeurs traditionnelles : sociales, professionnelles et ecclésiastiques. Selon eux, les aspects négatifs de l'Empire russe étaient précisément imputables à l'occidentalisation et aux idées occidentales - à l'époque essentiellement bourgeoises et libérales - qui devaient être rejetées. Il existait donc également une critique de la civilisation occidentale à gauche, que l'on peut retrouver dans l'occidentologie.

Le marxisme russe, qui partageait entièrement l'ethnocentrisme ouest-européen de la modernité et acceptait le caractère inévitable et même progressif du capitalisme et de l'internationalisme, tout en soumettant ce capitalisme à une critique radicale, constituait un cas particulier. Pendant la période soviétique, ces idées sont devenues des dogmes, qui ont finalement conduit à l'effondrement de l'URSS sous l'influence de promesses trompeuses de convergence avec l'Occident. Dans les périodes plus raisonnables de l'histoire soviétique, la haine idéologique de classe à l'endroit des capitalistes était largement alimentée par l'esprit du populisme et de la slavophilie. Les nationaux-bolcheviks russes ont tenté de donner de l'importance à l'élément russe et de désambiguïser ce problème, mais ils n'ont pas reçu un soutien suffisant de la part des élites soviétiques.

L'ethnocentrisme occidental dans la postmodernité

Après avoir dressé une généalogie générale de l'ethnocentrisme occidental jusqu'au paradigme de la modernité, nous pouvons étendre notre analyse à l'époque actuelle. La postmodernité est un phénomène double. D'une part, elle critique sévèrement l'ethnocentrisme même de la civilisation européenne occidentale, tant dans l'Antiquité qu'aujourd'hui, en insistant sur son rejet et en réhabilitant des idées extravagantes et excentriques, souvent irrationnelles. Mais, d'un autre côté, elle ne remet pas en cause son propre « pathos libérateur » et, retrouvant son vieil esprit colonialiste et raciste, n'hésite pas à imposer son canon occidental, aujourd'hui postmoderne, à toutes les sociétés du monde. Bien qu'elle critique l'Occident et sa civilisation, la postmodernité reste son prolongement naturel, et sa défense de la mondialisation ne fait qu'amplifier l'ethnocentrisme occidental. La postmodernité ne se contente pas d'emprunter à la modernité son intolérance à l'égard de la Tradition, elle l'exacerbe encore en la transformant en parodie agressive et en pur satanisme. Le critère du « développement » et de la « démocratie » consiste désormais à adopter les attitudes et les valeurs du mondialisme postmoderne. Seul est considéré comme « scientifique » ce qui est basé sur l'idéologie du genre, la reconnaissance des droits des minorités de toutes sortes, le rejet de toute identité, y compris l'identité individuelle, et la transitologie, qui est toutefois comprise comme le passage de la modernité à la postmodernité.

L'Occident a opposé sa version de l'universalisme à la civilisation russe dès le Moyen Âge catholique. Plus tard, l'opposition de ces civilisations s'est transformée en lutte de la modernité contre la tradition, c'est-à-dire contre le Moyen Âge russe résiduel tardif, qui a duré presque jusqu'au début du 20ème siècle. Pendant la période soviétique, le conflit des civilisations a pris une teinte idéologique et de classe: la société socialiste prolétarienne (la Russie et ses alliés) contre l'Occident bourgeois et capitaliste.

Au 20ème siècle, la Russie a été confrontée à la fois à la manifestation directe du racisme occidental dans sa guerre contre l'Allemagne nazie, alors que les porteurs autoproclamés du « fardeau de l'homme blanc » menaient une campagne contre les « Untermenschen Slaves ».

Enfin, aujourd'hui, l'Occident post-moderne, qui revendique l'universalité de son modèle civilisationnel, est confronté à la volonté de la Russie de défendre et d'affirmer sa souveraineté. La Russie a d'abord affirmé la souveraineté d'un État-nation contre la civilisation occidentale (période 2000-2022) et maintenant celle de l'État-civilisation. Tout cela peut donner l'impression trompeuse qu'il s'agit d'une réaction exacerbée et conjoncturelle de la Russie au comportement de l'Occident à son égard (expansion de l'OTAN vers l'Est, volonté de rendre les États post-soviétiques indépendants de la Russie, non-respect des accords de politique étrangère, etc. ), ce qui est multiplié par le rejet brutal par la société russe beaucoup plus traditionnelle (à l'exception des libéraux occidentalistes) des attitudes post-modernes de la culture occidentale, mais si nous plaçons tout cela dans une perspective historique beaucoup plus longue, nous verrons qu'il ne s'agit pas d'un accident, mais d'un modèle. La civilisation russe commence maintenant à se comprendre clairement et à comprendre ses propres fondements. Et un choc direct avec l'Occident, qui pourrait à tout moment conduire à un scénario apocalyptique marqué par une guerre nucléaire, ne fait qu'ajouter un drame particulier à ce processus d'éveil de la civilisation russe. La Russie ne se contente pas de rejeter la post-modernité ouvertement toxique et pervertie, elle revient à ses racines et réaffirme son identité et, si l'on veut, son ethnocentrisme, dans lequel la Russie est le centre de l'œcuménisme orthodoxe (et donc chrétien et universel).

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Conclusion

Ainsi, avec les considérations ci-dessus à l'esprit, nous pouvons nous faire une première idée de ce qu'est l'occidentologie. Il s'agit d'une discipline d'étude de l'Occident, qui considère l'Occident comme une civilisation distincte et indépendante ayant des racines communes avec la civilisation russe. L'Occident s'est ensuite opposé à la domination de l'œcuménisme chrétien et a ensuite développé un paradigme anti-chrétien et anti-traditionnel connu sous le nom de Modernité, avec lequel il affronte maintenant la Russie, en l'attaquant directement et indirectement (Napoléon, la guerre de Crimée, la Première Guerre mondiale, la Grande Guerre, la Grande Guerre patriotique), Guerre mondiale, Grande Guerre patriotique, Guerre froide), cette confrontation prend aujourd'hui une forme postmoderne et planétaire (mondialisme, NOM), maintenant que l'Occident revendique de manière obsessionnelle l'universalisme et l'absolutisme dans ses attitudes, ses valeurs, ses philosophies et ses visions du monde.

Il est évident qu'à chaque étape de l'histoire de l'Occident par rapport à l'histoire de la Russie, le contenu de l'occidentologie a varié. De l'unité initiale dans le cadre du Moyen Âge chrétien (où la Russie était initialement présente de manière indirecte, incarnée par la civilisation byzantine), à l'opposition totale et absolue à l'ère de la post-modernité occidentale. Une fois ces conditions limites établies, il est facile de construire une structure de stades intermédiaires, l'antagonisme augmentant régulièrement et l'influence de l'Occident devenant de plus en plus destructrice.

La Russie, qui s'est toujours opposée à l'Occident, n'a pas créé un cadre d'étude des principes de sa civilisation aussi clair et solide que l'Occident. Ce processus s'est plutôt manifesté par vagues. Des périodes de rapprochement avec l'Occident, généralement catastrophiques, ont été suivies de moments de retour aux sources.

Il en découle une conclusion importante : maintenant que nous sommes entrés dans une phase de confrontation aiguë et extrêmement intense avec l'Occident (dans un état de guerre chaude et directe en raison de l'opération militaire spéciale en Ukraine), les sciences sociales, ainsi que la culture, l'éducation, les projets et les efforts sociopolitiques doivent embrasser l'identité de la Russie en tant que civilisation souveraine, ce qui signifie que tout emprunt (philosophie, théorie, école, concept, terme) à la philosophie occidentale ou aux sciences humaines ne devrait être fait que si l'exégèse sémantique de la culture et des sciences de la civilisation occidentale est parfaitement connue. Telle est la tâche principale de l'occidentologie : dépouiller les concepts, les dogmes et les règles de la culture et de la science occidentales (de la postmodernité aux querelles religieuses du Moyen Âge et de la Réforme, en passant par les Temps nouveaux et les principes des Lumières) de leur prétention à l'universalité et mettre en corrélation toute thèse, tout système, toute méthodologie avec les fondements de la civilisation russe et du monde russe.

Il est difficile de saisir l'ampleur des tâches qui incombent à l'occidentalisme. Nous parlons d'une décolonisation épistémologique complète et profonde de la conscience russe et de sa libération de l'influence séculaire d'idées toxiques qui ont fasciné la pensée russe et l'ont assujettie à des systèmes et des visions du monde aliénés.

Mais l'énormité de cette tâche ne doit pas nous décourager. Nous avons de nombreuses générations de grands ancêtres: saints, ascètes, orateurs, anachorètes, moines, tsars, chefs militaires, héros, travailleurs, écrivains, poètes, compositeurs, artistes, acteurs et penseurs qui, pendant des siècles, ont porté l'esprit russe et gardé les codes profonds de notre civilisation russe. Il ne nous reste plus qu'à systématiser leur héritage, à lui donner de nouvelles formes et une nouvelle vie.

Source : Bulletin de l'Université d'État de l'éducation : Bulletin de l'université d'État de l'éducation. Série : Histoire et sciences politiques. 2024. № 3. С. 7-21. DOI: 10.18384/2949-5164-2024-3-7-21

Notes :

[1] Discours de Vladimir Poutine acceptant les lettres de créance de dix-sept ambassadeurs étrangers // Président de la Russie : [site web]. URL : http://www.kremlin.ru/events/president/news/70868 (date d'adresse : 20.05.2024).

[2] Session plénière du Conseil mondial du peuple russe // Président de la Russie : [site web]. URL : http://www.kremlin.ru/events/president/news/72863 (date d'adresse : 20.05.2024).

[3] Décret présidentiel n° 809 du 9 novembre 2022 « Sur l'approbation du principe de la politique d'État pour la préservation et le renforcement des valeurs spirituelles et morales traditionnelles russes » // GARANT.RU : [website]. URL : https://www.garant.ru/products/ipo/prime/doc/405579061/ (date d'accès : 20.05.2024).

[4] Décret présidentiel russe n° 314 du 08 mai 2024 « Sur l'approbation des principes de la politique d'État de la Fédération de Russie dans le domaine de l'éducation historique » // GARANT.RU : [website]. URL : https:// www.garant.ru/products/ipo/prime/doc/408897564/ (date de publication : 20.05.2024).

[5] Signature des accords sur l'admission des régions DNR, LNR, Zaporozhie et Kherson au sein de la Fédération de Russie // Président de la Russie : [site web]. URL : http://kremlin. ru/events/president/news/69465 (date de l'adresse: 20.05.2024).

[6] Ibid.

[7] Réunion du club de débat international Valdai // Président de la Russie : [site web]. URL : http:// www.kremlin.ru/events/president/news/69695 (date du discours : 20.05.2024).

[8] Beonist A. de. Quelle Europe // Histoire Ebook : [сайт]. URL : https://histoireebook.com/index.php?post/De-Benoist-Alain-Quelle-Europe(date d'accès : 20.05.2024).

[9] Douguine A. G. Ethnosociologie. Moscou : Projet académique, 2011. 639 p.

[10] Douguine A. G. Noomakhia. Sémites. Monothéisme lunaire et Gestalt de Ba'al. Moscou : Projet académique, 2017. 614 p.

[11] Douguine A. G. Noomakhia. Le dragon jaune. Civilisations de l'Extrême-Orient : Chine, Corée, Japon et Indochine. Moscou : Projet académique, 2017. 598 c.

[12] Douguine A. G. Noomakhia. Les guerres de l'esprit. Logos russes II. Histoire de la Russie : le peuple et l'État à la recherche du sujet. Moscou : Projet académique, 2019. 959 c.

[13] Douguine A. G. Noomakhia. Angleterre ou Grande-Bretagne ? Mission maritime et sujet positif. Moscou : Projet académique, 2017. 595 p. ; Douguine A. G. Noomakhia. Les guerres de l'esprit. Civilisations des frontières. Civilisation de la nouvelle lumière. Pragmatique des rêves et décomposition des horizons. Moscou : Projet académique, 2017. 558 p. ; Douguine A. G. Noomakhia. Le Logos germanique. L'homme apophatique. Moscou : Projet académique, 2015. 639 p. ; Douguine A. G. Noomakhia. Le Logos latin. Le soleil et la croix. Moscou : Projet académique, 2021. 719 c. ; Douguine A. G. Noomakhia. Le Logos français. Orphée et Mélusine. Moscou: Projet académique, 2015. 439 c.

[14] Douguine A. G. Noomakhia. Les guerres de l'esprit. Logos russes II. Histoire de la Russie : le peuple et l'État à la recherche du sujet. Moscou : Projet académique, 2019. 959 c.

[15] Douguine A. G. Noomakhia : les guerres de l'esprit. Logos russes I. Le Royaume de la Terre. La structure de l'identité russe. Moscou : Projet académique, 2019. 461 с.

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dimanche, 22 septembre 2024

En matière de post-vérité, les choses ne sont pas si simples

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En matière de post-vérité, les choses ne sont pas si simples

Alexandre Douguine

Source: https://www.geopolitika.ru/it/article/sulla-post-verita-le-cose-non-sono-cosi-semplici

Il n'y aura pas de retour à l'« ancienne vérité », c'est-à-dire à la conception matérialiste et rationaliste de la réalité et aux critères de vérité fondés sur la correspondance positiviste entre le sens et le signifiant, comme nous le croyions dans la modernité. Il n'y aura pas et il ne peut y avoir de retour. Nous l'avons dépassée et, bien que nous soyons encore immergés dans la Modernité, nous n'y sommes pas arrivés de notre plein gré, mais nous avons été entraînés par l'Occident, qui nous a proposé de le suivre, mais nous ne pouvons pas le rattraper.

C'est pourquoi nous avons la modernité et eux la postmodernité. Nous avons encore la « vérité » et ils ont la post-vérité et nous devons cligner des yeux... Se contenter de s'enfermer dans le stade précédent du développement occidental et de crier « nous n'irons pas plus loin » ne fonctionnera pas. Nous devons chercher une autre voie. Un chemin vers la vérité, mais un chemin différent. Pas celle à laquelle nous sommes habitués, car non seulement la post-vérité est occidentale, mais la vérité elle-même est occidentale.

Nous avons besoin de la vérité russe.

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Pour la trouver, nous devons remonter loin dans le temps, jusqu'à l'ontologie et la gnoséologie de la vision sacrée du monde, c'est-à-dire jusqu'au Moyen-Âge. C'est ce qu'a suggéré le très perspicace Père Pavel Florensky. Mais même là, il ne s'agit pas d'une vérité matérialiste, mais d'autre chose. La vérité est la correspondance entre notre compréhension d'une chose et la providence divine, que le Créateur a insérée dans la structure de la création. Et la vérité, c'est le Christ. C'est là qu'elle commence et c'est là qu'elle finit.

Inattendu, n'est-ce pas ? Mais il n'y a pas de matière, pas de nature au sens moderne du terme, pas d'atomes, pas de mécanique, pas de rationalité, loin s'en faut. Il n'y a pas non plus de temps linéaire, de progrès et d'évolution. Rien de tout cela n'est vrai. Sommes-nous prêts pour le nouveau Moyen Âge? La question est rhétorique. Bien sûr que non. Elle signifie que des siècles de « modernisation » et de « colonisation mentale » par l'Occident nous empêchent d'accéder à cette vérité.

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Nous pouvons encore faire un bond en avant et créer à partir de rien, de nous-mêmes, une réalité (russe) avec sa propre vérité et ses propres critères, mais ce sera la vérité russe (pour les ennemis - ce sera une autre post-vérité - mais une post-vérité qui leur sera hostile !)

On peut essayer de faire les deux en même temps, mais pouvez-vous imaginer les efforts qu'il faudrait déployer pour aller dans l'une ou l'autre de ces directions en même temps ?

Personne en Russie aujourd'hui n'est prêt pour cela. Nous devons donc nous contenter d'une propagande hâtive, une propagande de type "post-vérité" et jeter la couverture sur nous-mêmes sans honte. Il s'agit d'une réponse réactive, comme tout ce que nous pouvons représenter jusqu'à présent. Peu à peu, nous manquerons de ressources pour moderniser notre défense, c'est-à-dire pour tenter d'opposer à l'Occident quelque chose que nous avons appris de l'Occident, mais qui est dirigé contre l'Occident lui-même.

La vérité russe est différente. Il ne s'agit pas simplement d'une « vérité » occidentale renversée. Ce n'est qu'un simulacre qualifiable d'archi-moderne, bien que très patriotique à un niveau superficiel, mais superficiel et quelque peu honteux pour une grande puissance et encore plus pour un État civilisé.  Il faudra donc s'efforcer de rechercher, voire d'établir la vérité russe. C'est inévitable. Mais il faut d'abord se rendre compte qu'en rejetant la post-vérité des autres, nous ne connaissons pas encore notre propre vérité. Nous l'avons, nous l'avons certainement, mais même une recherche sérieuse n'a pas encore commencé.

mercredi, 18 septembre 2024

Pragmatisme, réalisme, volonté de puissance: les fondamentaux de l'archéofuturisme selon Guillaume Faye

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Pragmatisme, réalisme, volonté de puissance: les fondamentaux de l'archéofuturisme selon Guillaume Faye

Claudio Capo

Source: https://www.facebook.com/claudio.capo.1800

Il ne faut jamais juger un livre à sa couverture, mais l'image d'une technologie indéfinie se découpant sur la toile de fond de l'Erechthéion à l'aube possède en elle-même un pouvoir évocateur extraordinaire. Se plaçant dans le sillage de la philosophie du dépassement et de la « fidélité à la terre » de Nietzsche, Guillaume Faye déclenche une violente tempête idéologique contre la morale égalitaire et humaniste. L'archéofuturisme est le coup de tonnerre qui fend le ciel de la modernité. Synthétisant pragmatisme, réalisme et volonté de puissance, le penseur français aboutit à une formulation politico-idéologique mobilisatrice.

Pour Faye, la civilisation actuelle ne peut pas durer. Ses fondements sont en décalage avec la réalité. L'idéologie hégémonique, épuisée et sclérosée, n'a plus rien à dire et s'achemine vers une « convergence de catastrophes » destinée à décréter son échec. La modernité, blessée et moribonde, se dissimule pour tenter d'effectuer un « dernier tour de manège », tandis que tout rapport concret au monde est vidé de son sens et remplacé par un simulacre - référence très appropriée à Baudrillard. Pour sortir de ce cercle vicieux, Faye affirme la nécessité d'extraire continuellement le pouvoir du monde, en l'orientant vers la réalisation d'une pensée radicale et révolutionnaire capable de subvertir toutes les valeurs établies.

L'archéofuturisme est la déclinaison politique du « constructivisme vitaliste », une tentative philosophique de concilier les avancées de la technoscience avec un retour à des visions du monde qui remontent à la nuit des temps. La synthèse entre l'archaïque et le futuriste est la voie principale de la renaissance de l'Europe : tandis que le premier lemme du syntagme se réfère au fondement biologique et anthropologique des peuples indo-européens, le second incarne leur idiome distinctif de la création, de l'invention permanente. Paraphrasant Heidegger, Faye veut traverser le sentier de la forêt et affronter de nouveaux dangers : la logique du recul, de l'arrêt ou de la continuation progressive du présent n'est pas envisagée.

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Téchne et l'Europe sont intrinsèquement inséparables, mais leur union est en soi insuffisante. La technologie, isolée, n'est pas décisive : ce n'est que si elle est guidée par un axe directionnel enraciné dans les valeurs de la tradition et dans l'élan archaïque des peuples qu'elle peut devenir le facteur décisif pour repenser la civilisation dans une perspective authentiquement européenne. Seule une mentalité authentiquement néo-archaïque, aristocratique et inégalitaire permettrait d'exploiter pleinement les potentialités aujourd'hui bridées - parmi beaucoup d'autres, Faye met l'accent sur un eugénisme positif visant à l'amélioration biologique et héréditaire de l'espèce.

La technique doit être greffée sur des bases immuables : ce n'est qu'ainsi que son enrichissement indéfini est souhaitable. Il ne faut pas renforcer l'archaïque, ni le conserver dans ses formes historiques, ni le déformer pour le fétichisme du progrès.

Il n'y a pas de différence qualitative entre une trirème grecque naviguant dans la mer Égée et les missions spatiales Apollo, pas de fossé ontologique entre un bâton pointu et un missile intercontinental. La différence réside dans le degré de puissance qu'ils sont capables d'exploiter et d'exprimer.

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L'avenir de la technologie européenne sera d'autant plus brillant que le retour aux racines obscures de l'archaïque sera profond. C'est pourquoi Faye propose une double approche : d'une part, une épistémologie de la technique qui favorise la déflagration des cadres égalitaires ; d'autre part, la redécouverte des dieux qui habitent la terre et des hommes qui la fécondent. Apollon et Dionysos, ensemble, pour construire l'avenir d'une Europe déployée sur quatorze méridiens.

« Nous, descendants de peuples apparentés, avons la chance de partager un espace potentiel qui pourrait devenir pour nos enfants ce dont Charles Quint a rêvé, sans pouvoir le préserver : « L'Empire sur lequel le soleil ne se couche jamais ». Quand il est midi à Brest, il est deux heures du matin sur le détroit de Béring. C'est un idéal, peut-être l'un des rares qu'il nous reste en ces temps de pessimisme et de noirceur : construire notre Empire, c'est le rêve qui nous taraude ».

 

vendredi, 13 septembre 2024

Lacan et le « trumpisme psychédélique »

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Lacan et le « trumpisme psychédélique »

Alexandre Douguine

La méthode de Lacan

Essayons d'appliquer la topologie de Lacan aux élections américaines.

Rappelons le modèle de base de Lacan. Il peut être représenté sous la forme de trois anneaux de Borromée ou de trois ordres :

  1. 1) Le réel,
  2. 2) Le symbolique,
  3. 3) L'imaginaire.

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Le réel est le domaine où toute chose est strictement identique à elle-même. Cette identité absolue (A=A) exclut la possibilité même d'être, c'est-à-dire d'être en devenir. Le Réel est donc une zone de pure mort, de néant. Il n'y a pas de changement, de mouvement ou de relation en lui. Le Réel est vrai, comme le néant est vrai, n'ayant pas d'alternative.

Le Symbolique est la zone où rien n'est égal à lui-même, où une chose renvoie toujours à une autre. C'est une fuite du réel, motivée par le désir d'éviter la mort et la chute dans le néant. C'est là que naissent les contenus, les relations, les mouvements, les transformations, mais toujours sur le mode du rêve. Le symbolique est l'inconscient. Le sens du symbole est qu'il désigne quelque chose de différent de lui-même (en fait, peu importe ce que c'est, l'essentiel est que ce ne soit pas lui-même).

L'imaginaire est le lieu où s'arrêtent la dynamique et la cinétique du symbolique, mais sans que la chose ne meure, ne s'effondre dans le réel. L'Imaginaire, c'est ce que nous prenons pour l'être, le monde, nous-mêmes ; c'est la nature et la société, la culture et la politique. C'est tout, et en même temps c'est un mensonge. Chaque élément de l'imaginaire est en fait un moment figé du symbolique. L'éveil est une forme de sommeil, inconscient de lui-même. Tout dans l'Imaginaire se réfère au Symbolique, mais se fait passer pour un prétendu « Réel ».

Dans le Réel, A=A est vrai. Dans l'Imaginaire, A=A est faux. Dans l'Imaginaire, chaque chose n'est pas identique à elle-même, mais contrairement au Symbolique, elle ne veut pas l'admettre - ni à elle-même, ni aux autres.

Le Réel n'est rien. Le Symbolique est un devenir toujours changeant. L'imaginaire est le faux nœud du Symbolique figé.

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Lacan et la politique

Lacan lui-même était bien conscient que le modèle des trois ordres jetait une ombre sur la stratégie de base du réformisme, du progressisme et de la révolution. Ce n'est pas un hasard si, dans sa jeunesse, il était de droite et monarchiste, proche de Maurras. Et dans les années 60, il a soutenu, contrairement à la « nouvelle gauche », plutôt le statu quo et le système de De Gaulle. Ceci n'est pas un hasard, mais découle du modèle des trois anneaux de Borromée.

La Nouvelle Gauche révolutionnaire (telle qu'interprétée par Lacan) voulait remplacer le Symbolique (le surréel, le schizophrénique, le transgressif) par l'Imaginaire (les anciennes structures sociopolitiques, l'ordre en tant que tel). Ils ont fait un usage utilitaire de Lacan - le freudisme ironique a aidé à effondrer les prétentions de l'Imaginaire (Ordre) à être complet et logique (A=A), alors qu'il n'était, en fait, qu'un moment figé de délire. Mais ils ont négligé le fait que dès que l'ancien Imaginaire s'effondre ou fond sous la pression de la critique (politique, esthétique, sociale, épistémologique, etc.), le Symbolique lui-même ne peut pas prendre sa place. Il deviendrait aussitôt un nouvel Imaginaire, tout aussi totalitaire, dictatorial et idiot.

Lacan lui-même en a vu des exemples partout, notamment dans le bolchevisme soviétique. Les bolcheviks ont commencé par un appel à la liberté et à l'égalité, et se sont rapidement transformés en une hiérarchie de parti rigide avec un appareil de violence totalitaire. Mais la même chose s'est produite avec Cromwell ou la Grande Révolution française. Le symbolique ne conserve ses propriétés que lorsqu'il reste au niveau de l'inconscient, dans l'élément du sommeil. Lorsqu'il remonte à la surface, il se transforme immédiatement en Imaginaire. Au fond, c'est la même chose, mais sous de nouvelles formes. Ces formes renvoient elles-mêmes au Symbolique, d'où elles viennent. Mais c'est une propriété de tous les systèmes de l'Imaginaire - il fut un temps (jusqu'à ce qu'ils se figent) où ils étaient tous symboliques, vivants et changeants.

Ainsi, le révolutionnaire d'aujourd'hui est le totalitaire de demain, le fonctionnaire brutal et l'exécuteur de la violence. La réforme (dans le contexte de l'ontologie des trois anneaux de Borromée) n'est pas possible parce qu'elle aboutira à la même chose. Le Symbolique n'est pas capable de remplacer l'Imaginaire, jamais et dans aucune condition.

C'est ce que croyait Lacan, et cette conclusion découle directement de son système.

Kamala Harris et le Symbolique

Venons-en maintenant aux élections américaines. Nous assistons à un affrontement féroce entre « progressistes » (Kamala Harris, le Parti démocrate) et « conservateurs » (Trump et les Républicains). Dans une analyse lacanienne, à première vue, les rôles sont clairement distribués : Kamala Harris incarne l'invitation à la transgression, la légalisation de la perversion, la libération de tous les interdits et de toutes les normes, c'est-à-dire l'expansion de la zone du Symbolique. Le programme des démocrates est une structure de non-sens bien tempéré - plus de LGBT, plus de culture de l'annulation, plus de migrants illégaux, plus de drogues et d'opérations de changement de sexe, plus de décommodification des anciens ordres, plus de BLM et de théorie raciale critique.  Plus de honte pour les hommes blancs, normaux, mentalement épanouis, puissants, patriarcaux et traditionnels, parallèlement à l'élévation des femmes, des body positifs, des transsexuels, des pervers, des furries, des quadras, des infirmes, des pédophiles, des maniaques, des cannibales et des dégénérés. En d'autres termes, liberté au subconscient! La Machine à Désir en tant qu'usine de micro-incarnations doit remplacer l'Imaginaire.

Et bien sûr, l'Imaginaire principal, ridiculisé et attaqué de toutes parts et par toutes les méthodes disponibles, est Donald Trump - l'archétype généralisé de la « non-liberté », des « hiérarchies », de la « rationalité masculine », etc.

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Kamala Harris - représente le Symbolique, d'où son discours étrange, son rire interminable, glacial et dépourvu de sens, sa gestuelle confuse, inarticulée, expressive, désignant à chaque fois clairement quelque chose d'intuitif mais d'indéfinissable. Kamala Harris est une figure du rêve actif. En elle, le fidèle voit l'impossible devenir possible, et une chose se fondre imperceptiblement dans une autre. Mais ce faisant, tout est flou, brouillé. C'est le « progrès ». Le blanc est devenu noir. Autrefois capitalistes, ils sont devenus n'importe quoi (« cassez les magasins, c'est la loi ! »). Les hommes et les femmes sont devenus de vagues objets de désir (le petit « a » de Lacan), évitant toujours la fixation.

En d'autres termes, au mépris des avertissements de Lacan sur l'immuabilité de la structure des anneaux de Borromée, le Parti démocrate tente activement de démolir l'Imaginaire américain, et se montre désireux de le remplacer par le Symbolique.

Une déformation totalitaire du libéralisme

Mais... Lacan a mieux compris son système que sa progéniture illégitime d'obédience gaucho-libérale. On s'en aperçoit aisément dès lors que l'on s'extrait un peu de l'hypnose progressiste. C'est une chose quand l'homosexualité et les autres perversions sont des choses interdites, mal vues, persécutées. Alors, en effet, elle appartient au Symbolique. Mais si ces choses sont légalisées, elles changent immédiatement de nature, devenant une norme prescriptive, une loi, un impératif totalitaire rigide. En d'autres termes, les perversions autorisées deviennent un Imaginaire, un facteur figé, limitatif et nullement libérateur pour le Symbolique.

Il en va de même pour toutes les autres perversions légalisées et l'anomie. La théorie raciale critique n'est pas différente du racisme, mais cette fois-ci, elle est anti-blanche. Le féminisme conduit logiquement à la dégradation systémique de la masculinité, à la transformation des hommes en êtres humains de seconde zone. La haine de tout ce qui est progressiste contre tout ce qui est conservateur (réactionnaire) fait que le traditionaliste est persécuté, opprimé, continuellement insulté par la « minorité ». Les victimes du génocide deviennent elles-mêmes des exterminateurs de masse et des persécuteurs.

L'imaginaire ne peut être défait. Cette vérité est prouvée par les dernières mutations du libéralisme et du gauchisme (car le gauchisme a été traduit à tous ses stades et dans toutes ses versions). Le libéralisme devient normatif, et donc totalitaire. Non seulement on peut être queer (pas comme tout le monde), mais on est obligé de l'être (il se trouve qu'on est obligé d'être comme tout le monde). Au niveau du Symbolique, c'est parfaitement cohérent, puisque le décalage est ici la règle (l'algorithme du rêve ou du délire). Mais au niveau de l'Imaginaire, de la linéarité et de la stricte prescriptivité, même le queer (notamment la légalisation du mariage homosexuel et autres perversions) devient à son tour objet de critique - le tout du même côté, du Symbolique.

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Trumpisme psychédélique et rêves de droite

Mais où trouver un lieu pour attaquer l'Imaginaire libéral figé, devenu totalitarisme pur et dur ? La réponse est évidente : dans le pôle opposé. Nous pourrions l'appeler le Symbolique trumpiste. Dès la première campagne présidentielle de Trump, nous avons vu des signes de cette stratégie dans l'alt-right, sur 4chan, dans le mème Pepe the Frog, dans la conspiration reptiloïde, dans la magie du chaos et dans les théories délirantes des Q-anons. Nous pouvons conventionnellement, avec quelques modifications, l'appeler le « Trumpisme ésotérique » ou même plus précisément le « Trumpisme psychédélique ».

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Si les Démocrates et leurs pratiques transgressives sont devenus l'Imaginaire, c'est-à-dire le complexe coercitif totalitaire figé des stratégies de pouvoir prescriptives, alors la critique psychanalytique par le Symbolique s'est naturellement centrée sur les Républicains. Pas tous, bien sûr, mais les plus libérés, les plus « désaxés » et les plus délirants.

Et c'est là qu'apparaît une image intéressante. Le pouvoir aux mains du Parti démocrate et des néoconservateurs qui lui sont proches dans le secteur droit, en fait les porteurs de l'Imaginaire, c'est-à-dire de l'ordre mondialiste. Et le progressisme, synonyme de Symbolique, entre en conflit avec le totalitarisme figé dans la course effrénée des Démocrates au pouvoir. Et tandis que dans les récits des démocrates, l'imaginaire est Trump, sa femme Melania, les républicains et l'Amérique paléo-libérale en général, dans le système global, l'imaginaire aujourd'hui est plutôt les démocrates eux-mêmes, qui se frayent un chemin vers le pouvoir. Kamala Harris est une protégée du système organisé rigide, de l'État profond. Elle n'est pas un organisme, mais un mécanisme, un maillon de la verticale du pouvoir. C'est ainsi que se manifeste l'ordre de l'Imaginaire. Les appels au Symbolique ne le voilent que faiblement.

Mais seul le « Trumpisme psychédélique », qui assume de plus en plus les fonctions du Symbolique, peut le reconnaître et donner forme et dynamisme au discours critique.

Une telle analyse explique parfaitement le choix de J. D. Vance comme colistier, voire successeur, potentiel de Trump dans sa lutte idéologique contre le Marais libéral. Vance n'est plus du tout Imaginaire, mais purement Symbolique. Il est ouvertement orienté vers le champ extravagant - purement psychédélique - de la droite post-libérale, c'est-à-dire l'univers chaotique de l'alt-right proprement dit. Peter Thiel, Curtis Yarvin (Maldbog), le brillant philosophe français René Girard (auteur d'ouvrages sur la violence sacrée) sont les figures atypiques par excellence des républicains de droite classiques, qui ne peuvent être dessinées pour illustrer l'Imaginaire (qui est soi-disant ce que les progressistes tentent de détruire - « au nom du Symbolique »). La stratégie psychanalytique des Démocrates échoue sur Vance, puisque Vance lui-même est le pôle du Symbolique de la droite atypique. Il est possible qu'il s'en rende compte lui-même et qu'il connaisse Lacan. C'est pourquoi le choix de Vance comme vice-président est un mouvement crucial dans la campagne de Trump. Une fois de plus, la magie du chaos, c'est-à-dire l'anneau de Borromée, conjuguée aux éléments de l'onirisme et des psychédéliques, est de son côté. Mais cette fois, c'est plus complet et plus systématique.

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En même temps, si l'on s'en tient strictement à Lacan, la connexion Trump-Vance est la plus harmonieuse et la plus prometteuse. Chez Trump, en effet, il y a l'Imaginaire qui séduit l'électorat de droite. Mais il est complété par le postmodernisme de droite, la critique sociale et le délire libératoire sous la forme du « Trumpisme psychédélique » et de Vance proprement dit. Le mode rationnel du jour, qui est inévitable pour tout gouvernement et qui, dans le cas de Trump, est transparent et non contradictoire, est contrebalancé par un mode nocturne de rêve libéré (de droite).

La transgression à droite

On pourrait tirer bien d'autres conclusions de cette application du modèle de Lacan à l'élection américaine à venir.

Tout d'abord, elle explique parfaitement le caractère totalitaire du libéralisme mondialiste contemporain, qu'il n'est plus possible d'ignorer. La tentative de remplacer l'Imaginaire par le Symbolique est vouée à l'échec, mais ne peut que donner naissance à un nouvel Imaginaire, encore plus aliéné, agressif, intolérant et violent. D'où le phénomène du « fascisme libéral ».

D'autre part, le phénomène du « Trumpisme psychédélique » lui-même n'est pas une anomalie marginale, mais une stratégie tout à fait sensée et même pragmatique. Si toutes sortes de perversions et de pathologies sont autorisées, mais que la Tradition est interdite, alors la volonté de vivre et la dynamique du Symbolique insuffleront une énergie énorme aux espèces et aux attitudes sexuelles normales, et l'envie de Tradition deviendra révolutionnaire . Si la Tradition est interdite, cela suffit à en faire un objet de désir passionné. Les progressistes figent la vie sociopolitique et culturelle, l'aliènent. Et l'anticonformisme de droite devient alors la nouvelle contre-culture.

Qui gagnera les élections ? Difficile à dire, mais l'attitude de base de l'élite totalitaire agressive, qui mise sur les minorités, peut échouer, car en supprimant le statut de l'interdit de la déviation, le centre d'attraction devient automatiquement la normalité qui est par essence interdite par la loi. Et si, dans l'ordre de l'Imaginaire, la norme se situe dans le territoire du « passé » - ce qui était avant les progressistes, avant les libéraux, alors, dans l'ordre du Symbolique, la norme se situe dans le « futur ». La norme est ce qui est réprimé et interdit aujourd'hui et qui, comme le fruit défendu, aspire à la victoire demain. Les conservateurs ont généralement un problème avec l'avenir. Le « Trumpisme psychédélique » apporte une réponse originale à ce problème, en faisant passer l'inconscient et même les pratiques de transgression du côté de la droite, et en s'appropriant ainsi le territoire de l'avenir.

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Attention au néant

Une dernière chose. On remarquera que nous n'avons pas du tout abordé le sujet d'un autre anneau borroméen : l'ordre du Réel.

Ici, les progressistes tentent un difficile saut périlleux : en normalisant le Symbolique, ils essaient de supprimer le problème de la tension entre celui-ci et le Réel. Ils espèrent ainsi inclure le néant (la mort) dans la sphère de leur propre contrôle, plutôt que de l'exclure. C'est probablement le but de l'IA, de la migration dans le cyberespace et de la Singularité, où l'identité de la machine et de l'homme machinisé ne créera plus les flux traumatiques qui animent l'inconscient (le Symbolique). Si le Symbolique (comme le croient naïvement les progressistes) a déjà supplanté l'Imaginaire, alors le problème de la confrontation avec le Réel est écarté. La mort et l'horreur qui en découle ne peuvent être vaincues qu'en abolissant la vie. D'où l'orientation vers le transhumanisme et l'immortalité mécanique. Ce thème est développé dans le réalisme spéculatif.

La réalisation du projet ontologique du parti démocrate conduit inévitablement à l'abolition de l'homme.

Cette élection américaine décidera du sort de l'humanité - to be or not to be. La victoire de Trump maintiendra les trois anneaux de Borromée dans un équilibre relatif. Une victoire de Harris pourrait signifier leur fracture irréversible.

Et ici, nous devrions finalement dire que pour Lacan, les anneaux de Borromée et les trois ordres sont l'homme.

lundi, 02 septembre 2024

Cercle herméneutique et victoire russe - Alexandre Douguine

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Cercle herméneutique et victoire russe

Alexandre Douguine

Il existe un concept de cercle herméneutique en philosophie. Sa signification remonte aux idées de Schleiermacher, puis de Dilthey, et a été développée par Heidegger et Gadamer. L'essentiel est que la connaissance présuppose la connaissance à la fois du tout et de ses parties. Or, au départ, l'homme ne reçoit ni l'un ni l'autre. De plus, il est impossible de connaître la partie sans le tout, et le tout n'existe pas sans les parties (sinon, pourquoi est-il entier et entier par rapport à quoi?). Cette apparente impasse est résolue de la manière suivante. Tout commence par une approximation. Faisons une approximation de la partie et du tout. Deux taches de Rorschach. Et nous commençons avec prudence et sans conclusions hâtives à les relier l'une à l'autre. Une approximation avec une autre, encore et encore, jusqu'à ce que, s'influençant mutuellement et corrigeant l'imprécision de l'une et de l'autre, elles acquièrent des contours plus clairs. C'est le cercle herméneutique, les mouvements circulaires répétitifs autour du noyau afin de décrire la structure de la périphérie et du centre. En d'autres termes, le tout et la partie sont connus dans le processus de leur corrélation circulaire, passant de l'approximation à la clarté.

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Heidegger a utilisé cette méthode à plusieurs reprises, en posant la même question à l'infini et en tournant autour du centre toujours insaisissable et de la périphérie floue.

Il convient d'être prudent en essayant de formaliser la méthode. Il est facile de passer à côté de la subtile démarche philosophique qui consiste à saisir ce qui est un tout et ce qui est une partie. L'herméneutique s'appuie sur Aristote et est profondément liée à la phénoménologie (comme Dilthey l'a découvert lorsqu'il a pris connaissance des idées de Husserl). Dès que nous interprétons le tout et la partie en dehors de l'ontologie aristotélicienne (par exemple, par l'atomisme ou le matérialisme), tout est perdu. C'est pourquoi la pratique herméneutique requiert une culture philosophique particulière.

Appliquons maintenant le principe du cercle herméneutique à la Victoire. La victoire dans la guerre avec l'Occident en Ukraine est une fin et un moyen. L'exclusivité de la signification de (cette) victoire dans l'histoire russe nous amène à considérer l'État russe actuel comme un outil, une méthode. En d'autres termes, la Fédération de Russie moderne fait partie de la Victoire, elle en est la condition. La victoire est le point de départ de l'avenir. Le passé et le présent ne sont que des prolégomènes à l'avenir. Et Aristote de rappeler que la cause principale est la cause finale, causa finalis. La victoire en Ukraine est l'entéléchie de l'histoire politique russe, elle est la raison d'être de tout le reste. De Vladimir Krasnaya Solnyshko à la Victoire, de Kiev à Kiev.

La Victoire est plus que la Fédération de Russie dans son ensemble, parce que la Victoire est l'essence de la Russie dans sa totalité. La Fédération de Russie n'est qu'une partie de la Victoire. La Victoire est le tout. C'est le destin et la fin, le triomphe.

Pour atteindre la Victoire, il est nécessaire d'adapter la Fédération de Russie à celle-ci. C'est ce qui se passe actuellement. Et cela se passe à la fois correctement et incorrectement. C'est correct lorsque nous considérons la victoire comme un objectif et un tout, et la Fédération de Russie elle-même - comme un moyen et une partie, comme un moment distinct de notre histoire politique. Elle est erronée lorsque nous partons de la Fédération de Russie comme d'un tout et que nous absolutisons le statu quo, en mettant entre parenthèses le véritable ensemble de l'histoire russe. Un moment de l'histoire politique est exagérément gonflé et éclipse l'être de la Russie (le tout). En passant du mal au bien, la victoire vient à nous. Nous la rapprochons de nous. C'est l'herméneutique de la guerre.

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Le droit signifie reconstruire l'État pour la victoire, et lorsqu'il cesse d'être une partie et devient tout, l'État, au contraire, cesse d'être tout et une fin en soi et devient un moyen et un chemin vers la victoire, alors quelque chose de nouveau sera construit - l'État de la Victoire. C'est alors que nous gagnerons.

Et c'est là que s'opère un nouveau tournant herméneutique. La victoire sera le fondement d'un nouvel État russe. Seule une nouvelle Russie peut gagner, et c'est elle qui éclatera après la victoire. Désormais, la victoire elle-même fera partie de l'avenir, elle sera un moment de l'ensemble. Le nouvel État sera un phénomène encore plus intégral, un nouveau noyau et un centre absolu.

En d'autres termes, la victoire est un pont entre le passé (y compris le présent, qui se détériore rapidement et recule dans le passé) et l'avenir. Et plus la Victoire se réalise, plus le temps devient russe.

La Fédération de Russie n'est pas une Russie à part entière. Elle est une partie de la Russie - dans le temps et dans l'espace. La victoire en Ukraine devrait transformer la partie en un tout, pour faire de la Russie la Russie au sens plein du terme. Et il ne s'agit pas seulement de territoires, de population, de stratégie et de géopolitique. Il s'agit du cercle herméneutique de toute l'histoire russe. C'est la solution au problème métaphysique du destin russe.

samedi, 24 août 2024

Anciennes aspirations - nouveaux concepts - Pour une révolution conservatrice !

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Anciennes aspirations - nouveaux concepts

Pour une révolution conservatrice !

Werner Olles

La lecture de livres qui peuvent paraître « désagréables » au premier abord ouvre parfois la voie à des idées provocatrices et rafraîchissantes. C'est ce qui m'est arrivé après la lecture de la biographie due à la plume de Werner Bräuninger et intitulée « Kühnen. Un destin allemand ». Il s'agit de retracer le bref itinéraire d'un jeune néo-nazi qui, dans les années 1970 et 1980, a fait sensation en menant des actions spectaculaires en faveur de la légalisation du NSDAP en RFA, a passé près de huit ans dans les prisons de la République et est décédé en 1991, à l'âge de 34 ans, des suites d'une infection par le HIV, après que son « mouvement » s'est émietté en raison de son homosexualité, qu'il a d'abord cachée et qu'il n'a avouée que relativement tard.

J'ai fait sa connaissance à la fin des années 1980, alors qu'il emménageait avec quelques fidèles dans une maison individuelle située juste au coin de la rue, chez nous, à la périphérie de Francfort. J'ai fait la connaissance de Michael Kühnen, un homme modeste, plutôt introverti et amical, et nous avons passé des nuits entières à discuter, parfois de manière émotionnelle, sans que le national-révolutionnaire que je suis ne parvienne à convaincre le national-socialiste qu'il était, ni l'inverse. Cependant, à la fin de nos débats, il était capable d'admettre qu'un nouveau national-socialisme n'était concevable que sans exterminations raciales et guerres d'extermination. Bien des décennies plus tard, je pense que la fascination qu'exerçait cet homme n'avait pas grand-chose à voir avec son idéologie politique, mais plutôt avec son esprit de résistance déterminé, aussi tordu qu'il ait pu être. Un compte-rendu détaillé et adapté à l'homme et au sujet du livre de Werner Bräuninger « Kühnen. Un destin allemand. La biographie » est déjà en préparation et sera publié en temps voulu.

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La réaction de certaines publications semi-droitières et conservatrices auxquelles j'ai proposé une recension et qui l'ont systématiquement refusée m'a paru d'autant plus douteuse. Il ne s'agissait en effet pas de réhabiliter le nazisme, mais de présenter de manière objective un homme intéressant et son destin tragique. Car une chose est claire: le nazisme est une branche pourrie de l'histoire allemande, sur laquelle personne ne devrait s'asseoir au risque de tomber. Une critique détaillée du livre de Werner Bräuninger « Kühnen. Un destin allemand. La biographie » est donc déjà en préparation.

En effet, des concepts entièrement nouveaux sont aujourd'hui nécessaires comme base, avant que notre actuelle décadence néo-primitiviste ne nous étouffe avec ses pseudo-sciences (études de genre, toutes sortes de kitsch médiatique, social et politique, etc.) enseignées dans nos « universités » délabrées, qui servent désormais de réceptacle à des personnages des deux sexes ne voulant pas grandir, demeurant infantiles et irresponsables, à des sous-doués en masse et à des nouveaux riches à la fois ignorants et arrogants, dont les ambitions sont inversement proportionnelles à leur talent et à leur intelligence.

Pour nous, en tant que "droite authentique", sont en revanche pertinents un traditionalisme positif, un regard lucide sur la triste réalité, la lutte contre l'ethnomasochisme woke qui va désormais jusqu'au suicide ethnique, contre la droite assimilationniste et la gauche cosmopolite arc-en-ciel, toutes deux complices du système et contre la dérive vers le tout intellectuel. La thèse, trop peu pensée et débattue jusqu'à présent, selon laquelle notre « résistance » est entre-temps déjà elle-même plus ou moins volontairement intégrée dans le « système », doit être discutée ouvertement, tout comme l'ancienne/nouvelle aspiration anticapitaliste de toujours, qui doit encore être ancrée dans le réel, une combinaison rationnelle des concepts d'Alexandre Douguine, Diego Fusaro et Guillaume Faye, à la fois archéofuturistes et occidentaux-chrétiens-traditionalistes, afin de combiner au mieux l'Antiquité de la Grèce et de Rome avec un avenir lumineux pour la classe ouvrière, les artisans autarciques, pour l'intelligence technique et les penseurs organiques.

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Nous devons nous rendre à l'évidence, et cela sans illusion, que l'Allemagne et l'Europe sont engagées dans la plus grande lutte existentielle de leur histoire, la détermination des principaux ennemis (les Etats-Unis, l'islamisation, l'antifa, le complexe politico-médiatique et/ou l'immigration/envahissement de masse?) - car j'ai tendance à considérer la tolérance active et passive et la facilitation de l'envahissement par les étrangers, de l'islamisation et de l'accaparement des terres par la clique politico-médiatique au pouvoir comme le principal mal qui a détruit durablement notre patrie -, tandis que les États-Unis - selon Guillaume Faye, qui contredit ou ré-interprète le concept d'« Eurasie » de Douguine, préférant parler d'« Eurorussie, d'État-nation impérial s'étendant de Lisbonne à Vladivostock », sont certes notre adversaire, mais ne sont pas l'ennemi principal en tant qu'« enfant prodigue de l'Europe », ce qui n'est évidemment pas le cas de l'Amérique latine. D'autre part, nous devons reconnaître que l'UE est un projet de l'impérialisme américain et du libéralisme mondial visant à détruire la Russie, c'est pourquoi nous sommes clairement favorables à l'élection de l'anti-mondialiste Trump, qui, comme Poutine, ne prend plus l'UE au sérieux depuis longtemps.

Il faut toutefois veiller à ne pas remplacer un hégémon par un autre, par exemple la dictature chinoise, qui, contrairement à la Russie, est elle-même soumise depuis longtemps à la logique du système mondialiste et matérialiste. Nous plaidons résolument pour l'abandon de l'obsession antisémite stupide et primitive de l'ancienne et de la nouvelle droite, au profit d'un nationalisme culturel qui considère la couleur de peau, l'origine, la religion et la race comme secondaires, et pour lequel il est plus important que ses partisans s'engagent en faveur de la démocratie directe, de la souveraineté et de la tradition de l'Europe et de ses États-nations, et contre le transatlantisme. Cela implique également une critique du concept obsolète d'« apartheid total », évoqué autrefois par Guillaume Faye, et nous devrions plutôt envisager un « apartheid modéré à visage humain ».

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Mais nous devons également rejeter le soi-disant « anarcho-capitalisme » des paléolibéraux, qui réclament l'abolition totale de l'État au profit d'une économie de marché radicalement libre. En fait, nous n'avons pas trop de réglementations aujourd'hui, mais seulement des mauvaises. Les grandes entreprises qui dominent le marché et les puissantes sociétés financières mondiales, qui détiennent déjà plus de pouvoir économique et politique que les gouvernements nationaux, peuvent être transformées en propriétés d'utilité publique et, en cas de doute, être socialisées. En tant qu'étatistes, nous nous prononçons en faveur d'un État fort à tous les niveaux politiques et sociaux, qui garantisse la sécurité à l'intérieur et à l'extérieur et qui, dans l'esprit de la doctrine catholique de la subsidiarité, accorde également son soutien solidaire aux citoyens de la communauté nationale qui sont faibles, malades, âgés, handicapés et qui se trouvent dans le besoin sans qu'on puisse leur en vouloir.

Nous voulons promouvoir une politique familiale productive et une vie économique dans laquelle l'économie sociale de marché mélangée à des éléments coopératifs et corporatistes offre des possibilités de promotion à tous les citoyens, à côté d'un système éducatif qui est perméable et qui donne la priorité à la promotion du talent et du travail, indépendamment de l'origine sociale.

La véritable culture étant toujours l'affaire de l'individu, et non de la masse ou d'une élite, nous nous référons à cet égard à un aphorisme de Karl Kraus: « Je demande à ma ville l'électricité, l'eau et les égouts. Pour ce qui est de la culture, je la possède déjà!». Avec cette mesure, nous mettons également fin aux innombrables projets « culturels » de gauche totalement inutiles, qui coûtent des millions et des millions d'euros au contribuable ordinaire, mais dont le seul but est de fournir des postes à une petite clique de profiteurs gauchistes-verts, de leur procurer de l'argent et de l'influence politique et de pérenniser le lien entre le politique et le culturel avec les milieux criminels et terroristes de la soi-disant mouvance « Antifa », avec les bandes criminelles de passeurs qui empêchent l'expulsion des clans islamistes orientaux, hautement criminels, ainsi que de tous les délinquants non allemands. Parallèlement, il faut mettre fin au plus vite à la dilapidation de la citoyenneté allemande et appliquer des critères stricts pour son attribution. La double nationalité doit rester une exception absolue et justifiée.

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Nous exigeons la reconnaissance systématique des faits patents que sont la « convergence des catastrophes et la colonisation de l'Europe » (Faye), y compris toutes les conséquences qui en découlent. Nous reconnaissons la rupture complète avec le christianisme catholique post-conciliaire issu de Vatican II - le protestantisme étant de toute façon obsolète, à l'exception d'infimes résidus - et le retour au christianisme européen traditionnel et - de manière critique et solidaire - à l'orthodoxie canonique. En fait, selon Guillaume Faye, « un païen pur et dur s'opposera toujours à ce qu'un minaret remplace un clocher. Un dignitaire de l'Église moderniste, en revanche, sera d'accord avec cette substitution ! ».

Il y a donc suffisamment à faire pour une droite authentique et sans œillères, dont font naturellement partie les métapoliticiens qui se considèrent comme des intellectuels organiques. Le mot d'ordre d'Alexandre Soljenitsyne : « Ne vivez pas avec le mensonge ! » devrait être considéré comme le minimum de notre résistance à un système qui n'est plus réformable. Il n'y a rien à ajouter à son hypothèse selon laquelle les systèmes totalitaires s'effondreront si suffisamment de citoyens surmontent leur timidité et leurs peurs et refusent de se soumettre à l'ineptie idéologique woke, à la propagande éhontée et aux mensonges imposés par l'État. Le bavardage pseudo-intellectuel et la prétendue « métapolitique » ne sont que des substituts révolutionnaires et néo-ecclésiastiques pour les jeunes gens et jeunes filles de droite et de gauche qui se montent le col de manière obstinée ou qui insultent leur raison en fuyant béatement la réalité actuelle, certes peu reluisante. Qu'il s'agisse d'homosexualité de droite ou de gauche, tous ces enfantillages doivent être abandonnés.

On pourra alors enfin voir la situation clairement, parler cru, s'épargner le kitsch pontifiant, clore le bec des bavards et réduire en poussière leur "cérébralité". La situation doit être résumée comme suit: la connaissance n'est pas toujours automatiquement synonyme de plaisir. Ne s'est-on pas assez fourvoyé dans la vie, qui est si incroyablement courte? Il faut donc avoir soif de connaissance et sentir les faits, car la vie est trop courte pour les jeux politiques, c'est la réalité qui frappe à la porte qui doit nous intéresser, strictement selon la coutume. Écoutons Hans Albers et son magnifique « La Paloma » ou chantons « Le ciel d'Espagne » - même s'il s'agit d'une chanson de combat communiste de la guerre civile espagnole, pour compenser, on peut ensuite entonner « Cara el Sol » - plutôt que de gâcher la soirée avec les tourments intellos des muses autoproclamées. Nous avons Marx à lire, Adorno, Marcuse, Hans-Jürgen Krahl, Mohler, Günter Maschke et Frank Böckelmann, Carl Schmitt, Diego Fusaro, Guillaume Faye, Julius Evola, Gilbert K. Chesterton, Ivan Ilyine, Vladimir Soloviev, Fiodor Dostoïevski, Alexandr et Darya Douguine, Hilaire Belloc, Tilman Nagel, Spengler, Moeller van den Bruck, Gottfried Benn, Jean Raspail, Georges Sorel, Richard Millet, Robert Brasillach, Armin Mohler, Dávila et Dominique Venner, pour ne citer que quelques-uns des principaux auteurs.

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Les petits malins de la "nouvelle droite" qui prétendent sérieusement que le nom du président des États-Unis n'a aucune importance ne sont même pas provocateurs ou originaux, mais témoignent seulement d'une connaissance nulle des permanences géopolitiques.

Adorno, qui l'avaient déjà perçu avec clairvoyance à la fin des années 1960, écrit à juste titre: « Les mondialistes sont les vrais révolutionnaires, pas nous ! ». C'est une vérité terrible, mais la vérité n'est pas toujours révolutionnaire au sens où nous l'entendons. Lorsque les « nationalistes » et les « droitiers » font de l'islamisme leur allié, simplement parce qu'il est également opposé à la folie LGTB, à la pornographie, aux idées maçonniques de la modernité et aux abominations de la « Pride Parade », ils ne sont rien d'autre que des idiots utiles de l'enfer idéologique de l'Occident bâtard et woke que nous ne défendons pas, mais dont la dépravation et les abominations ne peuvent pas être vaincues par une alliance avec l'islamisme, mais seulement par notre propre force.

Car « l'Occident est l'enfant prodigue et illégitime de l'Europe, aujourd'hui déterminée par le modèle américain qui veut tout uniformiser et accorder la primauté absolue à la société de consommation et à l'individualisme!» (Guillaume Faye). Tout cela, beaucoup - y compris à « droite » - ne l'entendront pas, mais le vieil adage «Qui ne veut point écouter doit sentir!» se vérifiera une fois de plus si nous ne veillons pas à ce que le vœu de Georges Sorel soit enfin exaucé: « Ah, si je pouvais voir humiliées les orgueilleuses démocraties bourgeoises qui triomphent aujourd'hui avec tant de cynisme ! ».

Werner Olles

jeudi, 22 août 2024

Martin Sellner : Regime Change de droite. Une esquisse stratégique

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Recension

Martin Sellner : Regime Change de droite. Une esquisse stratégique

L'été dernier, l'activiste Martin Sellner a publié un ouvrage intitulé Regime Change von rechts, dans lequel il présente et explique différentes stratégies. Une tentative qui vaut la peine d'être lue, comme l'explique Simon Dettmann dans son compte-rendu détaillé pour la revue Freilich.

par Simon Dettmann

Source: https://www.freilich-magazin.com/kultur/rezension-martin-sellner-regime-change-von-rechts-eine-strategische-skizze

41O9Sj26YdL._AC_SY580_.jpgRegime Change von rechts, la publication la plus complète à ce jour de l'activiste politique autrichien Martin Sellner, visage et maître à penser des Identitaires dans l'espace germanophone, constitue véritablement un "grand coup". Tout d'abord parce que l'ouvrage répond effectivement à l'ambition qu'il s'est fixée, celle d'ordonner, de systématiser et d'élever à un niveau théorique supérieur les débats sur la stratégie et la tactique menés dans les milieux dits de la "nouvelle droite". Le livre de Sellner est une tentative d'unifier l'ensemble des milieux de la nouvelle droite, qu'il assimile au camp de la droite, autour d'une stratégie visant à atteindre l'objectif principal commun, à savoir assurer la pérennité du peuple allemand. L'auteur, avec sa pensée formée par Gramsci, Althusser et Gene Sharp et son regard souvent sociologique et psychologique sur les processus politiques, a de nombreux arguments en sa faveur. Mais sa façon de tourner en rond autour du problème de la démographie, qui tend à devenir monomaniaque, pourrait avoir un effet négatif à long terme sur la droite intellectuelle et politique.

Tbilissi, 7 mars 2023. Pour la deuxième nuit consécutive, des milliers de personnes patientent sur la grande place près du Parlement géorgien. Mais contrairement à hier, les forces de l'ordre ne se contentent plus d'observer avec apathie. Cette fois, la police utilise des canons à eau et des gaz lacrymogènes contre les manifestants. La foule se disperse rapidement, donnant lieu à des scènes que les journalistes qualifient généralement de "tumultueuses". Alors que presque tous les manifestants s'écartent ou se réfugient dans les rues latérales, une femme d'âge moyen court dans la direction opposée - tout droit vers les canons à eau. Elle tient dans ses mains un énorme drapeau européen qu'elle agite frénétiquement. Les canons à eau commencent immédiatement à la viser, mais cela ne semble pas l'impressionner.

Des manifestants se précipitent vers elle et tentent de la protéger des jets d'eau. Trempé et entouré de gens, elle se tient au milieu de l'une des plus grandes places de la capitale et brandit le drapeau bleu foncé avec les étoiles jaunes vers le ciel nocturne. Il en résulte pendant quelques secondes une scène d'une grande puissance iconique et d'une grande force symbolique. Il en résulte une image dont les éléments de base font partie intégrante d'une iconographie de la révolution et font partie de la mémoire collective des Européens - comme le confirmeront tous ceux qui ont déjà vu "La liberté guidant le peuple" de Delacroix ou une représentation des combats sur les barricades pendant la révolution de mars 1848. Le drapeau de l'UE, quant à lui, fait référence à la forme concrète de bouleversement social que les manifestants ont en tête: une révolution de couleur.

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Des révolutions colorées avec l'argent des autres

Les manifestations de masse sont motivées par le projet du gouvernement géorgien d'adopter une loi qui obligerait les ONG et les médias financés à plus de 20% par l'étranger à se désigner eux-mêmes comme "agents étrangers".

Une telle loi contrecarrerait la stratégie des agents étrangers, des groupes de médias et des think tanks occidentaux visant à influencer l'opinion publique en Géorgie et à faire basculer le pays dans le camp des libéraux pro-occidentaux; la dite loi entraverait donc l'intégration de la Géorgie dans le bloc de puissance occidental, du moins à moyen terme. Mais rien n'y fait. Deux jours plus tard, le 9 mars, la pression est trop forte et le gouvernement est contraint d'abroger cette loi mal acceptée.

Le mouvement de protestation, qui semble être parti de rien, n'a certes pas atteint son objectif principal, qui était de contraindre le parti au pouvoir "Rêve géorgien", qui mène une politique étrangère multisectorielle, à démissionner et à être remplacé par une alliance de partis extrêmement pro-occidentaux lors de nouvelles élections, mais il a atteint son objectif intermédiaire, annoncé publiquement et fortement mobilisateur, en quelques jours seulement.

Voilà pour la pratique concrète du changement de régime et de la révolution de couleur.

Un livre paru au bon moment

Mais ne serait-il pas possible d'adopter les stratégies, les tactiques, les formes d'organisation et de protestation d'une révolution de couleur et de les mettre en œuvre en Allemagne, en Autriche ou en Suisse ? En d'autres termes, une révolution culturelle et de couleur étiquetée "de droite", c'est-à-dire réclamant la fin de l'hégémonie discursive des idées libérales de gauche et leur remplacement par des idées conservatrices et nationalistes, associée à un changement de gouvernement, pourrait-elle avoir du succès dans l'espace germanophone ? Même s'il préfère écrire Social Change et Regime Change : Martin Sellner, on peut l'affirmer avec certitude après la lecture de son livre, en est profondément convaincu. C'est pourquoi Regime Change von rechts traite aussi de la possibilité d'une révolution de couleur, des chemins tortueux qui y mènent, de ses conditions sociales préalables, de sa théorie et de la théorie de sa pratique. C'est un livre étonnamment optimiste, qui ne cherche pas à démoraliser mais à motiver l'action, tout en invitant sans cesse le lecteur à réfléchir à ses propres actions d'un point de vue stratégique et moral.

51K9WVrXcuL.jpgMais c'est surtout un livre nécessaire, car il corrige des hypothèses théoriques erronées encore largement répandues dans le camp de la droite, souligne les impasses stratégiques et démystifie les mythes. Par exemple, Sellner explique de manière convaincante pourquoi beaucoup (d'activisme de droite) ne sert pas toujours à grand-chose, pourquoi croire que l'on peut convaincre l'adversaire de sa propre vision du monde par une argumentation rationnelle et ainsi amorcer ce qu'il appelle un tournant spirituel est politiquement naïf et part de présupposés anthropologiques erronés ou pourquoi, à l'inverse, se concentrer uniquement sur les valeurs esthétiques et les questions de style de vie personnel mène à une impasse politique. À une époque où les milieux dits de "nouvelle droite" sont trop souvent caractérisés par l'oscillation de jeunes idéalistes entre le besoin activiste de faire quelque chose tout de suite d'une part, et le défaitisme mélancolique d'autre part - c'est-à-dire, en termes mémétiques, le dualisme de "It's over !" et "We're so back !" -, il est malheureusement (pédagogiquement) nécessaire de rappeler de telles évidences.

Oui, Regime Change von rechts, livre pédagogique et morigénateur, est souvent redondant et didactique dans son écriture et sa construction, comme nous l'avons déjà souligné de manière critique. Cependant, cela est dû au fait que l'ouvrage s'adresse principalement à l'intérieur, c'est-à-dire aux mouvements et aux partis. Ainsi, les caractéristiques mentionnées ne renvoient pas à des déficits de Sellner, mais indirectement à des déficits (intellectuels) chez de nombreux acteurs de la droite.

Le peuple est au centre des préoccupations

Le cœur théorique de l'ouvrage est constitué par la définition de l'objectif principal de la droite, l'analyse du système politique ou social dans lequel la droite doit nécessairement opérer et l'évaluation des différentes stratégies concurrentes pour atteindre l'objectif principal, l'accent étant clairement mis sur l'analyse des stratégies. La définition de cet objectif principal tient en quelques pages. Et ce, à juste titre. Heureusement, il n'y a guère de désaccord au sein du dit camp sur cette question. Pour Sellner, l'objectif principal de la droite est de préserver l'identité ethnoculturelle - une formulation qui peut être identifiée sans hésitation à la garantie de la pérennité du peuple allemand. Des explications et des justifications complexes sont ici totalement inutiles; l'intérêt pour sa propre pérennité (collective) est naturel, évident et immédiatement compréhensible pour tous.

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Et d'ailleurs, ce fait est aussi la cause principale de la négation de l'existence du peuple allemand par la classe dirigeante. Car les acteurs décisifs de cette classe dirigeante sont certainement conscients qu'en admettant ce fait, ils s'engageraient sur une "pente glissante", au bas de laquelle se trouverait leur perte de pouvoir. Il est donc impossible pour la classe dirigeante de céder le moindre terrain dans la lutte pour une interprétation universelle du concept de peuple. Elle se retrancherait ainsi dans une position qu'elle a déjà reconnue comme intenable à long terme. En laissant le concept de peuple s'effacer devant celui d'identité, Sellner gâche à la légère le potentiel subversif inhérent à ce concept.

Après avoir clarifié le véritable objectif, à savoir l'autosuffisance ou l'accumulation du pouvoir politique pour l'assurer, l'auteur passe à l'explication de la relation entre certains concepts. Quelle est la relation entre l'objectif principal et les objectifs intermédiaires ? Quelle est la différence entre stratégie et tactique ? Les passages d'analyse conceptuelle de ce type, que l'on retrouve à plusieurs reprises dans le livre, peuvent être considérés comme ennuyeux et techniques par certains lecteurs, mais ils sont éminemment importants - et Sellner les expose avec la précision sobre d'un général qui présente son plan de bataille.

Avec Gramsci et Althusser contre l'élite

En revanche, la partie consacrée à l'analyse systémique est déjà bien plus vaste. Ici, Sellner est confronté au défi de dresser un tableau réaliste, mais aussi compréhensible et non hypercomplexe de l'ordre social et politique dans lequel la droite doit agir. Ce n'est pas une tâche facile dans le contexte de l'Allemagne fédérale ou de l'Autriche, car la tromperie systématique et ciblée des citoyens sur le fonctionnement réel des institutions, la dynamique interne de l'État dans ces nations n'est pas un simple sous-produit de l'ordre dominant, mais la base de son existence, et c'est justement là que trop de citoyens s'installent confortablement dans leurs représentations illusoires de l'État dans lequel ils vivent.

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Mais Sellner est ici clairement dans son élément et profite de cette partie pour introduire deux théories qui l'ont fortement marqué, lui et la Nouvelle Droite dans son ensemble : la théorie de l'hégémonie du pouvoir d'Antonio Gramsci et Les appareils idéologiques d'État de Louis Althusser. Avec ces théories, il tente d'attirer l'attention du lecteur sur la véritable base du pouvoir des classes dominantes dans les pays occidentaux, à savoir l'opinion publique ou le pouvoir de la créer, de la contrôler et de la diriger.

Pour faciliter la tâche des personnes qui ne connaissent pas le grammaticalisme juridique, il intègre la théorie dans un réseau de métaphores et de mots clés, dont certains sont même de sa propre initiative. Il y a tout d'abord la métaphore du climat d'opinion, avec laquelle il veut visualiser la production complexe de l'opinion publique et qui est tout à fait convaincante. Il illustre ensuite les changements réels et potentiels de l'opinion publique et la métaphore du couloir d'opinion avec le modèle déjà très populaire de la fenêtre d'Overton.

Tout cela est très méritoire et remplit son objectif éducatif, mais en face, il y a deux mots d'ordre qui sont malheureusement moins convaincants : le simulacre de démocratie et le totalitarisme doux.

La question cruciale de la démocratie

Le problème avec la notion de simulation de démocratie est qu'elle implique deux affirmations de base, toutes deux indiscutablement vraies, mais qui induisent néanmoins en erreur. D'une part, le fait que les dirigeants prétendent, du moins publiquement, que leur régime est démocratique et, d'autre part, le fait qu'il ne l'est pas en réalité. Sellner écrit que la démocratie n'est qu'un simulacre, parce que l'opinion publique n'est pas le produit du libre jeu des forces, mais du filtre systémique qu'il appelle le climatiseur d'opinion. Mais si une démocratie n'existe que si elle permet le libre jeu des forces, alors il n'y en a jamais eu. Sellner nourrit ici des illusions libérales et semble sur le point de ressortir de la naphtaline des phrases d'Habermas telles que le "discours sans domination" et la "contrainte sans contrainte du meilleur argument". En outre, le concept procédural de démocratie qui sous-tend toujours implicitement le discours de Sellner sur la simulation de démocratie est trompeur. Il semble vraiment croire à la possibilité d'une "vraie" démocratie au sens d'un gouvernement populaire. C'est en cela qu'il se distingue par exemple de ses adversaires libéraux de gauche, c'est-à-dire de la classe dirigeante, au sein de laquelle on défend depuis longtemps une conception substantielle de la démocratie, parfois même de manière semi-officielle.

Concrètement, cela signifie que pour les libéraux de gauche, la démocratie est devenue le mot-clé du libéralisme de gauche. Tant que les intellectuels de droite réagiront en introduisant dans le discours le mirage rousseauiste du vrai gouvernement parfait du peuple, au lieu d'élaborer à leur tour un concept substantiel de démocratie, ils contribueront à mettre la droite hors jeu. En effet, en raison de son faible degré d'organisation, de la politisation et de l'éducation souvent superficielles des individus et, surtout, de sa taille, un peuple dans son ensemble n'est pas en mesure d'exercer un quelconque pouvoir. Comme le confirme l'histoire de l'humanité, celle-ci ne peut être exercée collectivement que par de petits sous-groupes bien organisés du peuple, au sein desquels il existe un degré relativement élevé d'homogénéité idéologique et de conformité sociale et où le savoir de la domination est systématiquement accumulé. Ces sous-groupes sont les élites ou les classes dirigeantes. Elles dominent le reste du peuple, qui leur fait face en tant que "masse". Et il en sera probablement toujours ainsi. C'est pourquoi la lutte pour la vraie démocratie, dans le sens d'un gouvernement populaire, ressemble à la recherche de la mérule.

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Le courage de la cohérence politique

L'exposé de Sellner aurait gagné à faire davantage référence aux classiques de la sociologie des élites comme Vilfredo Pareto et Gaetano Mosca. Il court ainsi le risque de succomber à une illusion populiste (décrite en détail par le philosophe britannique Neema Parvini dans son livre The Populist Delusion).

Il en va de même pour l'expression "totalitarisme doux". Sellner l'utilise pour évoquer et condamner la répression de l'appareil d'État contre tout ce qui est de droite. C'est tout à son honneur, mais doit-il pour cela utiliser un terme entièrement libéral, qui a été inventé pour immuniser moralement les libéraux contre leurs critiques de gauche et de droite et qui remplit encore bien cet objectif aujourd'hui ? Est-ce vraiment une bonne idée de conforter des contemporains intellectuellement libérés dans leur tendance, typique des boomers, à rejeter l'autorité et l'ordre et à les condamner comme étant généralement totalitaires, fascistes et illégitimes, et d'introduire leur vocabulaire dans la Nouvelle Droite ? Le totalitarisme est généralement compris comme la volonté d'imposer une idéologie d'État dans tous les domaines de la vie sociale et de transformer ainsi les individus dans le sens de cette idéologie d'État. Bien sûr, l'observation que les systèmes libéraux peuvent également être totalitaires est un progrès de la connaissance par rapport à la position libérale selon laquelle le totalitarisme n'est possible que dans les systèmes non libéraux, c'est-à-dire les systèmes supposés d'extrême droite ou d'extrême gauche (Ryszard Legutko a écrit sur cette observation un livre à lire , Le démon de la démocratie!)

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Mais pourquoi s'arrêter à mi-chemin dans le processus de connaissance ? Car quelle valeur a encore la notion de totalitarisme si tout système, quelle que soit son orientation idéologique, tend à agir de manière totalitaire dans certaines situations? A long terme, la droite ne pourra pas éviter de reconnaître que dans les phénomènes qualifiés de totalitaires, l'essence du politique ne fait que se révéler à nous sous une forme particulièrement pure.

Lorsqu'un ordre étatique dérive prétendument vers le totalitarisme, l'hostilité entre deux groupes sociaux atteint simplement un niveau plus élevé. C'est pourquoi les représailles de l'État contre les droits politiques ne sont pas un pas en avant du totalitarisme doux vers le totalitarisme ouvert, mais une politisation. Et la volonté de pénétrer politiquement tous les espaces sociaux, qu'Olaf Scholz a résumée un jour dans l'un de ses rares moments de sincérité par la phrase "Nous voulons conquérir la souveraineté aérienne au-dessus des berceaux", fait désormais partie de la logique propre de la politique et de tout mouvement politique qui veut conquérir et conserver le pouvoir. La souveraineté idéologique totale du libéralisme de gauche sur toutes les institutions pertinentes, des crèches aux maisons de retraite, est une réalité en République fédérale - et c'est précisément pour pouvoir décrire cette réalité qu'Althusser a développé la théorie des appareils idéologiques d'État. Sellner la mentionne également brièvement, mais ne l'applique pas de manière conséquente.

Qui fait partie de la droite politique ?

Mais avant d'aborder les différentes stratégies, il tente, dans un très court chapitre, de clarifier la question de savoir qui et quoi fait réellement partie de la droite. Sa réponse : exclusivement la Nouvelle Droite et aucun autre milieu. Pas la vieille droite, ni les libéraux-conservateurs. Il ne veut même pas inclure les nationaux-conservateurs dans le camp de la droite. C'est étonnant, car le national-conservatisme est sans doute la description la plus précise possible de ce que Sellner lui-même et une grande partie de la Nouvelle Droite représentent politiquement. Il est bien sûr légitime de définir tous ceux qui ne sont pas de la nouvelle droite comme étant hors de leur propre camp, mais cela ne fait que renommer le milieu de la nouvelle droite en "camp de droite". Les quelques personnes de la vieille droite et surtout les nombreux libéraux-conservateurs ne disparaissent pas pour autant, bien au contraire. Le fait d'ignorer ces milieux ne facilite pas le débat sur le fond, mais le rend beaucoup plus difficile. Ce n'est pas la description qu'une personne fait d'elle-même comme étant de droite, conservatrice, nationaliste, etc. qui détermine généralement sa réalité sociale, mais une attribution étrangère émanant des libéraux et des gauchistes. Et pour eux, la droite englobe tout, de Jan Fleischhauer à la division des armes nucléaires. La nouvelle droite pourrait en rire de bon cœur si les attributions étrangères de la gauche libérale n'avaient pas un pouvoir énorme. D'une certaine manière, elles créent une réalité à laquelle la Nouvelle Droite aura du mal à se soustraire. L'énorme hétérogénéité de la droite, même par rapport à la gauche politique, est un fait, mais Sellner préfère partir d'une situation politique idéale dans laquelle il n'y a que des néo-droitiers.

35833775.jpgMais le cœur de l'ouvrage est clairement la partie consacrée à l'analyse stratégique. Il y présente quatre stratégies principales pour atteindre l'objectif principal de la droite et neuf non stratégies. Les quatre stratégies principales sont la Reconquista, le militantisme, le patriotisme parlementaire et la stratégie de rassemblement. Il en rejette deux en bloc : le patriotisme parlementaire et le militantisme. A juste titre, c'est pourquoi nous ne reviendrons pas ici sur ces chemins de traverse. La stratégie du rassemblement, c'est-à-dire la concentration de toutes les forces et ressources encore disponibles dans une région, est pour lui une solution de secours en cas d'échec de la stratégie qu'il préfère : la Reconquista. L'analyse des non-stratégies prend beaucoup de place et c'est justement là que Sellner écrit souvent avec un ton didactique ou pédagogique. Certains lecteurs s'en lasseront, mais étant donné que Sellner s'adresse parfois explicitement aux adolescents et jeunes adultes enclins au militantisme et qu'il tente de les dissuader de leurs actions destructrices, c'est malheureusement nécessaire.

Différentes stratégies pour guider...

Dans ce contexte, deux des non-stratégies semblent particulièrement intéressantes, à savoir l'accélérationnisme et la pensée dite "babo". Alors que l'accélérationnisme, bien qu'étant à l'origine une figure de pensée du philosophe néo-réactionnaire Nick Land, est devenu un mot-clé légitimant la violence brutale dans d'obscurs biopes en ligne et a rapidement sombré dans l'insignifiance, les variantes de la "pensée babo" connaissent aujourd'hui un nouvel âge d'or. Le babo est le patron ; un homme alpha charismatique qui construit autour de lui une société d'hommes de plus en plus souvent purement virtuelle. Il prêche à ses adeptes un culte du machisme, presque toujours associé à l'optimisation de soi et à l'abandon total de la politique pratique. Presque toujours, ces scènes babos sont marquées par les intérêts financiers du mâle alpha concerné. Si elles ont longtemps été des phénomènes marginaux, elles passent depuis une dizaine d'années plus souvent de la sous-culture au centre de la société.

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Figures de la "droite-style-de-vie": Kollegah, Jack Donavan et le livre de Costin Alamariu.

Il y en a pour tous les goûts: les jeunes immigrés enclins aux théories du complot y trouvent leur compte (Kollegah), tout comme les personnes exclusivement obnubilées par l'argent et le statut social (Andrew Tate), les nostalgiques du tribalisme (Jack Donovan) et les jeunes hommes en quête d'un support pseudo-intellectuel pour leurs jeux de rôle (Costin Alamariu ou "Bronze Age Pervert"). Il devrait aller de soi que cette "droite du style de vie" matérialiste, qui tend vers un amoralisme hors du monde, ne mérite pas d'être appelée droite dans un sens substantiel quelconque et qu'elle mène à une impasse stratégique. Pourtant, le départ de Trump en novembre 2020 et les déceptions qu'il a causées à ses partisans ont créé un terrain propice à l'éclosion non seulement d'un culte schizophrène de la crise (QAnon), mais aussi de cette "droite du style de vie" dont nous avons parlé. Cette vague s'est propagée depuis longtemps dans les pays germanophones. Sellner critique ces tendances, mais il aurait dû citer des noms et taper plus fort ; la pensée babo est la plus pertinente des non-stratégies actuelles.

... mais seulement une stratégie directrice ?

L'auteur consacre une attention particulière à la stratégie directrice qu'il privilégie, la Reconquista. Par reconquista, il entend une stratégie de conquête du pouvoir culturel ou discursif qui s'inspire théoriquement de Gramsci, Althusser et, même si son nom n'est pas cité, de Foucault, et qui, dans sa partie pratique, accorde une grande importance aux formes de protestation de l'action non-violente au sens de Gene Sharp. Mais plutôt que de parler d'hégémonie culturelle ou de discours hégémonique, Sellner préfère écrire "Social Change". Le "changement de régime" qui donne son titre à l'ouvrage n'est nécessaire que lorsque l'État devient ouvertement totalitaire. Si le "changement de régime" échoue également, la droite doit passer à la stratégie du rassemblement. Telles sont les grandes lignes de la Reconquista de Sellner.

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Pour résumer, je dirais que : cette stratégie est inattaquable sur le fond et est considérée, à juste titre, comme un "état de l'art" dans les cercles intellectuels de droite. Ce qui appelle en revanche une critique, ce sont les tâches de fond attribuées aux différentes composantes de la droite dans le cadre de la Reconquista. Sellner divise le camp de la (nouvelle) droite en 5 parties distinctes : le parti, le contre-public (médias/influenceurs de droite), la théorisation (intellectuels), la contre-culture et le mouvement (activiste). Au sein du camp, il existe une répartition claire des tâches et des rôles.

En outre, parmi les sous-groupes, le mouvement bénéficie d'une primauté. Comme pour lui, la préservation du peuple est l'objectif principal de droite, le problème principal est à l'inverse celui de la démographie, c'est-à-dire le Grand Remplacement/Peuplement. Jusqu'ici, rien de controversé. Mais Sellner exige en plus que TOUTE activité dans TOUT sous-groupe de la droite aborde à tout moment, directement ou indirectement, le problème du Grand Remplacement ou, comme il l'écrit, le tournant de la politique démographique et identitaire. Ce qu'il entend exactement par politique démographique et identitaire n'est pas clair. On peut toutefois supposer qu'il s'agit de tous les idéologèmes et récits qui, intériorisés collectivement, sont devenus les conditions de possibilité de la catastrophe démographique et lui ont spirituellement préparé le terrain. Il est donc probable que ces termes soient également très étroits et directement liés au Grand Remplacement.

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La droite, telle que Sellner la conçoit, tourne donc autour de l'échange de population et est fixée de manière monomaniaque sur celui-ci. Cela serait particulièrement évident dans le domaine de la culture et dans les milieux intellectuels. Les musiciens de rock de droite chanteraient à longueur de journée sur les cas de violence des migrants et les points de basculement démographiques imminents, et la tâche la plus passionnante d'un intellectuel ou d'un scientifique de droite consisterait à calculer ces points de basculement, à produire et à populariser des études sur les effets négatifs de la diversité ethnique sur des groupes ethniquement, relativement, homogènes. Oui, avec le temps, une telle droite se rapprocherait de plus en plus des images diffamatoires que la gauche et les libéraux en donnent. Mais ce ne serait même pas le problème principal. Il résiderait dans le fait qu'une telle droite serait avant tout profondément ennuyeuse.

La droite monothématique

Une telle droite monothématique n'exercerait aucun attrait culturel et intellectuel sur les non-droites (encore). Peu d'artistes et de chercheurs en sciences humaines souhaiteraient faire partie d'un milieu dans lequel ils seraient cantonnés à un rôle et à une mission aussi contraignants. Cette fixation du milieu culturel et des intellectuels sur la tâche qui leur revient rappelle de loin, avec toute la prudence requise par de telles comparaisons, l'exigence formulée par les dirigeants communistes à l'égard du monde culturel et intellectuel d'articuler clairement le point de vue de classe. Le problème d'une telle attitude n'est pas tant qu'elle soit autoritaire ou illibérale, mais plutôt qu'elle est vouée à l'échec. Il est bien sûr souhaitable qu'un artiste, un penseur ou un scientifique politiquement ancré à droite exprime clairement l'objectif principal de la droite. Mais aucun mouvement activiste ne peut le lui imposer de manière contraignante. La seule façon de parvenir à la focalisation sur le Grand Remplacement dans toutes les composantes de la droite que Sellner a en tête est de faire naître soi-même les acteurs de la contre-culture et des sciences humaines à partir de ce que son propre milieu lui offre actuellement, de les "caster" en quelque sorte. Une stratégie dont la Nouvelle Droite a fait l'expérience, parfois douloureuse, ces dernières années. Car les grands penseurs et artistes ne se laissent pas caster. Ils sont presque tous le produit d'un climat propice à leur émergence. Ils naissent de manière organique ou pas du tout.

De plus, la demande de Sellner de se concentrer uniquement sur le problème de la démographie est naïve du point de vue de la sociologie des élites. Dans les pays germanophones, des centaines de milliers de personnes travaillent dans des universités, des ONG ou des entreprises de médias et occupent des emplois qui, aux yeux de l'extérieur, paraissent souvent futiles et inutiles (bullshit jobs). Pourtant, d'un point de vue systémique, les activités de ce groupe, qui constitue une partie importante de la classe dirigeante et de la classe managériale professionnelle (PMC), ont un objectif important. Ce but est équivalent à celui des appareils idéologiques d'État dans la théorie d'Althusser : l'auto-reproduction de l'ordre dominant. Un ordre qu'Althusser décrit comme capitaliste, alors que la droite intellectuelle le décrit plutôt comme moderne ou libéral (de gauche). Les élites intellectuelles ont donc pour fonction de produire, d'orienter et de légitimer le discours hégémonique, ainsi que de former une élite de la relève dans les universités et de la mettre idéologiquement au pas. Les productions intellectuelles de ces milieux sont pour la plupart peu impressionnantes. La plupart du temps, il s'agit de rationalisations post-hoc du statu quo.

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Pas d'offre pour l'élite ?

Mais ce qui est décisif, c'est que la perception est totalement différente au sein des milieux décrits : les personnes concernées sont fermement convaincues de réaliser des prouesses intellectuelles et de travailler sur des théories révolutionnaires. Ils tirent leur légitimité et leur confiance en eux de cette image d'avant-garde de la pensée profonde. Le problème survient lorsque Sellner pense pouvoir satisfaire la curiosité intellectuelle et la soif de statut de la (nouvelle) classe moyenne universitaire avec le Grand Remplacement (qui n'est pas une théorie, mais simplement un fait) et la propagation du pronatalisme et d'une nouvelle politique identitaire (il s'agit probablement de nationalisme). Cela ne réussira pas. En effet, le surplus de capital culturel et de distinction qui, pour les personnes très intelligentes, est lié à la maîtrise et à la réflexion sur des systèmes théoriques extrêmement complexes tels que la philosophie transcendantale, la théorie des systèmes, l'éthique du discours ou les poststructuralismes, ne trouve pas d'équivalent à droite dans l'offre de Sellner sous la forme d'une théorie de droite d'une complexité comparable. Pourtant, indépendamment de la question de savoir si de telles théories existent éventuellement à droite, Sellner précise à plusieurs reprises et sans équivoque qu'il n'a aucune intention de les utiliser. C'est surprenant quand on connaît son penchant pour Heidegger et sa critique hermétique et obscure de la technique.

Une explication possible de son scepticisme prononcé à l'égard des intellectuels et de la partie de la Professional Managerial Class marquée par le discours académique réside dans le fait qu'il pourrait avoir analysé l'évolution historique de la gauche radicale en Allemagne de l'Ouest : après s'être formée et établie dans les années 60, elle s'est fragmentée dans les années 70 en centaines de petits groupes sectaires sous la forme de "groupes K", de cercles de lecture, de comités, etc. qui avaient en commun de travailler sur des questions intellectuelles de détail, de se prétendre radicaux ou extrêmes malgré leur totale passivité et d'être (sans surprise) hostiles les uns aux autres. Martin Sellner aura étudié de près cette fragmentation induite par l'intellectualisme et, conscient de son immense hétérogénéité idéologique et de la proportion élevée de trublions et de "grifters" qui lui est propre, il voudra épargner à la droite le sort de la gauche radicale après 1968. C'est louable, mais ce faisant, il dépasse l'objectif. Il verse l'enfant intellectuel de droite en même temps qu'il tente honorablement de verser le bain de la gauche académique.

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La droite a besoin de plus de débats !

En conséquence, cette critique doit se conclure par un plaidoyer pour une droite pluraliste et créative. Une droite qui, bien entendu, intègre et soutient un mouvement activiste fort en tant que partie intégrante de la mosaïque de la droite, mais qui s'oppose à ce que ce mouvement fasse valoir une "compétence directive" vis-à-vis des autres parties du camp. Il semble aberrant qu'un plus grand pluralisme interne au sein de la droite puisse détourner l'attention de l'objectif principal généralement accepté, à savoir assurer la pérennité du peuple. Actuellement, les partis de droite deviennent de plus en plus souvent des représentants des intérêts des peuples respectifs des États. Ce processus doit être compris comme le corollaire naturel de la fragmentation ethnique croissante et de l'envahissement par les étrangers. La réalité de plus en plus évidente du Grand Remplacement entraîne une prise de conscience ethnique, la transformation des partis populistes de droite en partis ethniques et l'opposition des groupes nationaux aux groupes étrangers. Ce front peut être retardé, mais pas arrêté, par des crises (externes) et des fronts transversaux temporaires. En effet, elle ne trouve pas sa racine dans une volonté ou une décision politique (collective), mais dans la nature humaine. En conséquence, malgré le scepticisme de rigueur quant à la valeur explicative des théories sociobiologiques et d'éthique humaine, un recours occasionnel à des concepts tels que le comportement territorial et la peur de l'étranger aurait été bénéfique aux explications de l'auteur. Poussée par des chocs ethniques de plus en plus importants à des intervalles de plus en plus courts, la droite se focalisera de plus en plus sur le Grand Remplacement et ses conditions directes de facilitation. Le véritable art consiste à l'élargir sur le plan thématique.

L'accent mis par Sellner sur la démographie semble ici relever de la pensée "beaucoup d'aide pour beaucoup", qu'il rejette pourtant tant. Mais si 2.000 militants contre le Grand Remplacement distribuent des tracts et collent des affiches au lieu de 1.000, l'effet n'est pas double. Au lieu de plus de flyers et de sites web sur le problème de la démographie, la droite a besoin de plus et de meilleurs débats sur la géopolitique, l'ordre économique, la protection de la nature, la politique éducative, le transhumanisme, les études de genre, l'architecture ou l'éthique. Elle a besoin de l'écologiste hirsute de la vieille école qui veut désormais empêcher non seulement les routes de contournement mais aussi les éoliennes, de l'intello génial qui travaille dans sa cave sur des recherches révolutionnaires sur la bataille des chars de Prokhorovka et sur l'histoire économique de la Saxe Kursawa, de l'ex-féministe désabusée qui se bat désormais avec passion contre le "wokisme" et le translobby et du renégat de gauche que l'étroitesse d'esprit des cercles intellectuels de gauche a poussé vers la droite. Et surtout, la droite doit se défaire de l'illusion qu'elle peut remettre à plus tard, c'est-à-dire après l'arrivée espérée au pouvoir, toutes les questions essentielles en dehors de l'objectif principal commun. Si tel était le cas, la large alliance de circonstance se déchirerait immédiatement après sur toutes sortes de questions et le pouvoir tout juste conquis s'effriterait entre les doigts.

Une réponse convaincante

Dès le 14 mars 2023, soit une semaine seulement après la grande manifestation de Tbilissi, la "femme au drapeau européen", comme est présentée la Géorgienne, est assise dans un studio de télévision de Radio Free Europe (RFE) et parle avec éloquence, dans une vidéo, de l'événement qui l'a rendue célèbre en Occident. Il s'agit d'une production sur papier glacé qui trouvera son public sur Youtube. "Radio Free Europe" est un média américain basé à Prague, considéré par les critiques de gauche comme de droite comme un instrument de propagande du gouvernement américain proche de la CIA et destiné à préparer des révolutions de couleur. Des liens tout aussi évidents existent également entre l'opposition géorgienne et le National Endowment for Democracy (NED), une organisation qui, selon son ex-président Allen Weinstein, fait publiquement ce que la CIA faisait auparavant en secret. La RFE et la NED reçoivent toutes deux des fonds directs du budget fédéral américain, une source de financement quasiment inépuisable.

Reste à savoir si, contrairement aux mouvements d'opposition pro-occidentaux d'Europe de l'Est et d'Asie, la droite ne doit pas miser sur une stratégie de changement social ou de changement de régime par le biais de la métapolitique et des formes de protestation, dans l'esprit de Gene Sharp, alors qu'elle n'a pas d'oligarques milliardaires, d'ONG proches de l'État et de superpuissance derrière elle, mais qu'elle a contre elle les élites nationales, les ONG proches de l'État et une superpuissance. Il n'y aura jamais de réponse définitive à une telle question. Mais il est possible d'y répondre de manière convaincante. C'est exactement ce que fait Martin Sellner dans Regime Change von rechts - et il conseille avec passion et pour de nombreuses bonnes raisons cette stratégie qu'il appelle "Reconquista". La droite devrait suivre son conseil.

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A propos de l'auteur :

Simon Dettmann, né en 1993, a étudié la philosophie et l'histoire dans une université d'Allemagne de l'Ouest. Ses domaines d'intérêt incluent la philosophie politique, l'éthique et l'architecture

samedi, 03 août 2024

L'Iliade archéofuturiste

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L'Iliade archéofuturiste

Constantin von Hoffmeister

Source: https://www.eurosiberia.net/p/the-archeofuturist-iliad?publication_id=1305515&post_id=146966427&isFreemail=true&r=jgt70&triedRedirect=true

Au crépuscule de notre époque moderne, alors que les ombres s'allongent et que les vents hurlent les plaintes des dieux oubliés, surgit la figure de Guillaume Faye, un prophète qui rappelle les anciens voyants d'Hyperborée et les sages de Grèce. Sa voix, puissante et résonnante, parle d'une « convergence de catastrophes », d'un horizon sombre où l'ancien et le futuriste s'affrontent dans une étreinte cataclysmique. Comme les guerriers d'Hyperborée à la volonté de fer et les héros inébranlables de l'Iliade, la vision de Faye est un rempart contre le chaos qui s'annonce. Il prévient que l'Europe, à l'instar de la légendaire ville de Troie, est assiégée par des dangers démographiques, économiques, culturels et sociaux. Le discours dominant, recouvert d'un vernis d'humanitarisme creux, agit comme un sortilège aveuglant, rappelant les anciens enchantements des sorciers d'Hyperborée et les machinations divines relatées dans les récits d'Homère. Ce récit insidieux obscurcit la vérité, nous laissant vulnérables face à la menace imminente de ces menaces existentielles.

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Faye jette les bases de l'archéofuturisme, une philosophie aussi inflexible que le nord gelé et aussi intemporelle que les luttes épiques relatées par Homère. Cette vision, qui mêle l'ancien et le moderne, appelle à un équilibre entre le développement de nouveaux principes et le respect du passé et de l'héritage, à l'image de l'équilibre recherché par les rois hyperboréens et les héros grecs, entre la puissance des guerriers et la sagesse des sages. Ces principes doivent tenir compte des réalités bio-anthropologiques pour combattre l'éthique pernicieuse de l'ethnomasochisme, tout comme les héros antiques reconnaissaient et chérissaient la force de leur lignée et de leur héritage. L'objectif est de préserver l'homogénéité de l'Europe, comme les tribus hyperboréennes et les cités-états grecques protégeaient leurs territoires et leurs traditions contre les incursions étrangères. La disparition progressive des Européens, prévient Faye, est une perte terrible - un déclin de la diversité, de l'intelligence et du progrès qui menace le tissu même du monde, rappelant la chute d'une grande ville ou d'un puissant royaume qui se fait sentir à travers les âges à la fois dans la tradition hyperboréenne et dans le mythe grec.

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Dans le bureau faiblement éclairé, l'air était chargé de l'odeur des vieux livres et du léger bruissement des forces invisibles. Guillaume Faye se pencha sur ses tomes anciens, sa voix était un murmure bas alors qu'il parlait de l'essence primale, un concept fondamental qui signifie le cœur de l'existence et l'ordre inhérent à l'intérieur. "Ce n'est pas, comme certains le pensent, dit-il, les yeux brillants d'une lumière d'un autre monde, un appel à se retirer dans les ombres du passé. Il s'agit plutôt d'une reconnaissance, d'un respect profond et constant des forces historiques qui ont sculpté l'édifice de notre monde moderne." Il marqua une pause, ses doigts traçant les lignes d'un manuscrit usé, comme s'il cherchait la sagesse de sages morts depuis longtemps. "Les guerriers hyperboréens et les héros grecs, poursuivit-il, comprenaient l'importance de leurs anciennes traditions et des dieux qui veillaient sur eux. Ils ne s'accrochaient pas au passé par peur mais par respect, sachant que ces traditions étaient le socle sur lequel reposaient leurs civilisations."

La voix de Faye se fait plus fervente, évoquant des époques lointaines et oubliées. « Les réactionnaires », fit-il d'un geste dédaigneux, « tout comme les anciens malavisés des épopées, aspirent à faire tourner la roue du temps, à restaurer une époque révolue qu'ils perçoivent comme un âge d'or. Mais ils ne voient pas qu'un tel retour est un chemin vers la stagnation et la décadence, une immobilité mortelle où le progrès s'étiole". Son regard s'aiguise, comme s'il perçait le voile de la réalité elle-même. "Nous ne devons pas laisser les spectres du passé dicter notre avenir, ni permettre que les leçons de l'histoire soient oubliées. Cela reviendrait à renoncer à la sagesse des anciens, à ignorer l'ordre cosmique qui lie toutes choses, et à inviter le chaos au cœur de notre société". Pendant qu'il parlait, la salle semblait s'assombrir, le poids de ses mots faisant surgir d'anciennes horreurs et des vérités ancestrales qui se cachent juste à la limite de la compréhension.

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C'est dans ce cadre que s'inscrit le « futurisme », une pulsion faustienne qui pousse à la conquête, à l'exploration et à la recherche de connaissances interdites - un trait caractéristique de l'esprit européen, tout comme la ferveur qui a poussé les explorateurs hyperboréens et les aventuriers grecs vers des contrées inexplorées. Cette faim insatiable, qui s'apparente à la quête de kalokagathia - l'équilibre harmonieux entre le bien et le beau - des Grecs et à la soif de sagesse des Hyperboréens, est à la fois une source de noble fierté et une descente potentielle vers l'hubris, si elle n'est pas maîtrisée. L'archéofuturisme s'efforce d'extraire les vertus de cette puissante pulsion, en défendant une forme de traditionalisme éclairé - une préservation et une adaptation sélectives de la sagesse ancienne dans un avenir toujours incertain. Cela reflète la manière dont les rois hyperboréens sauvegardaient leurs connaissances ésotériques et dont les Grecs maintenaient leurs idéaux culturels au milieu des sables mouvants du temps. Faye a qualifié l'archéofuturisme de « constructionnisme vitaliste », soulignant que le terme « archaïque » devait être compris dans son contexte grec ancien, dérivé de archè, qui signifie « le commencement » ou « le fondement ».

Alors que nous étions assis au coin du feu dans notre logement familier de Baker Street, Holmes, avec une lueur de ferveur intellectuelle dans les yeux, commença à exposer l'intrigante philosophie de Guillaume Faye. "Watson, remarqua-t-il, les idées de Faye s'inspirent fortement de la dichotomie conceptuelle de Nietzsche entre l'apollinien et le dionysiaque - deux forces qui représentent la danse éternelle entre l'ordre et le chaos, tout comme celles observées dans les annales de la culture grecque et les obscures légendes de l'Hyperborée. L'aspect apollinien, voyez-vous, représente la stabilité et la structure de la société humaine, un peu comme la précision de notre système juridique, tandis que le dionysien puise dans les énergies primitives, anciennes, évoquant un lien profond avec ses racines." Il marqua une pause, plissant les doigts d'un air pensif. "Le futurisme, dans ce contexte, Watson, fusionne la rationalité de l'apollinien et la quête de profondeur esthétique et émotionnelle du dionysien. Il offre une double perspective à travers laquelle nous pouvons voir la réalité humaine, à la fois dans les constructions sociétales et dans les aspects bruts et indomptés de la nature. Cette dualité reflète la quête de connaissance et de beauté des Grecs, ainsi que la compréhension du mystique et du pratique des Hyperboréens. En substance, Faye préconise ce qu'il appelle la « construction vitaliste », un cadre pour l'élaboration de nouveaux principes qui sont à la fois constructivistes, enracinés dans une gouvernance décisive, et vitalistes, reconnaissant les vérités inéluctables de notre héritage biologique et culturel ». Holmes se penche en arrière, une expression satisfaite sur le visage, comme s'il avait résolu un autre mystère complexe.

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Faye dévoile une vision lucide de la réalité qui exige la reconnaissance des vérités ethniques, tout comme les Grecs anciens et les Hyperboréens tenaient fermement à la signification de l'héritage et des lignées. Il met en garde contre le concept insidieux d'ethnomasochisme - une répudiation autodestructrice de l'identité culturelle et ethnique, supplantée par une adulation malsaine de l'« Autre ». Ce phénomène pernicieux érode le tissu des sociétés européennes, sapant leur cohésion sociale et culturelle, tout comme les luttes intestines et les corruptions externes ont autrefois affaibli les fières cités-États de Grèce et les anciennes tribus d'Hyperborée. Faye attribue ce malaise à des politiques anti-blancs de longue date, soutenues par une rhétorique anticolonialiste et des récits de victimisation et de tiers-mondisme - parallèlement aux influences corrosives qui ont historiquement précipité le déclin de puissantes civilisations, à la fois dans les chroniques cryptées de la tradition hyperboréenne et dans les sagas historiques de l'antiquité grecque.

L'Occident, autrefois fier prolongement de l'ancienne et formidable civilisation européenne, se débat aujourd'hui dans une tourmente qu'il s'est lui-même infligée, tel un serpent dévorant sa propre queue. Les valeurs modernes prônées par ce colosse en décomposition, les visions déformées de la « liberté » et de l'« égalité », sont devenues un miasme qui paralyse l'âme, rappelant l'indécision ancestrale qui peut lier un guerrier dans les affres de la bataille. Ce grand léviathan culturel, aujourd'hui centré sur les Etats-Unis, diffuse une influence « américanomorphe », une force d'homogénéisation aussi implacable et dévorante que les empires de l'Antiquité qui cherchaient à plier le monde à leur volonté. C'est comme si l'Occident, sous l'emprise d'une force invisible et lovecraftienne, semblable à Cthulhu endormi, cherchait à engloutir toute diversité dans sa gueule amorphe, une peur cosmique qui efface toute singularité sous l'apparence d'une fausse unité.

L'Occident a succombé à une présence obscure et amorphe, un capitalisme transnational qui dévore l'âme de la civilisation, laissant derrière lui un paysage dévasté, dépourvu des vertus héroïques qui lui donnaient autrefois vie. Dans cette domination immonde, les individus et les cultures entières sont réduits à de simples entités interchangeables, appréciées uniquement pour leur valeur froide et utilitaire, comme les pions insidieux d'un jeu arcane et cosmique orchestré par des forces invisibles. Cette vision tordue du monde tisse le mythe séduisant d'une « communauté internationale », une illusion aussi séduisante et perfide que les sirènes de l'Antiquité, murmurant des promesses qui ne mènent qu'à un gouffre de désespoir. L'homme blanc, à l'instar des héros tragiques d'autrefois, est présenté comme l'éternel bouc émissaire, accablé d'une malédiction ancestrale aussi sombre et inquiétante que la rumeur des Deep Ones d'Innsmouth. À l'instar des poissons qui se cachent sous les vagues, ce récit oblige l'Occident à expier ses péchés imaginaires en accueillant les masses appauvries d'outre-mer, une pénitence sinistre qui rappelle la peur des horreurs lovecraftiennes invisibles qui se cachent juste sous la surface, attendant d'entraîner tout le monde dans leurs profondeurs abyssales.

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Dans ce contexte, l'appel de Faye à combattre la dérive assimilationniste de la droite est un cri de ralliement, semblable à l'appel aux armes des batailles épiques d'Hyperborée et de Grèce. Il clarifie les dangers du débat assimilation-remigration, en montrant que la droite assimilationniste, à l'instar des leaders égarés d'autrefois, tombe dans les mêmes pièges que les réactionnaires. Ils s'opposent d'abord à l'immigration de masse, puis capitulent, rappelant ceux qui cherchaient à apaiser les envahisseurs par des concessions, sans savoir que de telles actions conduiraient à une plus grande ruine.

La droite assimilationniste, sous couvert de nobles idéaux, s'oppose avec véhémence à la notion de remigration, qu'elle juge injuste sous le couvert de la « liberté » et de l'« égalité ». Cette position, cependant, pue la chevalerie malencontreuse, à l'instar de ceux qui, par une ironie tragique, refusent de fortifier leurs citadelles, laissant leurs portes ouvertes dans une démonstration d'honneur déplacée. Pourtant, à l'instar des sombres arcs gothiques qui résonnaient autrefois du rire de la sécurité, les garde-fous d'une société peuvent bel et bien être mis en place dans un cadre démocratique. Ces mesures - mettre fin à l'extension indiscriminée des prestations sociales, affirmer une identité claire et distincte, négocier des accords de retour avec les pays d'origine - ne sont pas sans rappeler les traités et les pactes des anciens.

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De la même manière que les Grecs sagaces forgeaient des alliances pour protéger leur polis, et que les austères chefs hyperboréens sécurisaient leurs domaines, ces actions servent à fortifier le tissu d'une civilisation contre les ombres qui s'approchent. Il ne s'agit pas d'idéaux rêvés, mais d'un savoir-faire historique solide comme le roc et d'un pragmatisme brut et sans états d'âme. Dans cette histoire tortueuse et labyrinthique, ne pas inscrire ces mesures dans le marbre n'est pas seulement un faux pas, c'est plonger tête la première dans un vide noir et béant, où le chaos ne se contente pas de rôder - il grimace, prêt à tout engloutir dans une tempête tourbillonnante de désespoir et d'oubli.

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Kull, le roi de Valusia, assis sur son trône, réfléchissait à la sagesse des anciens. Ses yeux, aussi aiguisés que ceux d'un faucon, balayaient le conseil réuni. « Méfiez-vous de l'attrait de l'assimilation », déclara-t-il, la voix grondant comme le tonnerre. "C'est un piège aussi perfide que les intrigues labyrinthiques des Grecs et les manigances de l'Hyperborée. Ce nouveau discours sur le mélange des peuples et des cultures - l'assimilationnisme, comme ils l'appellent - repose sur une compréhension erronée de ce qui fait une nation. Tout comme les idées fausses du passé ont mené de grands empires à leur ruine, cette erreur menace de déchirer le tissu même de nos royaumes". Les mots de Kull étaient lourds dans l'air, un avertissement d'un dirigeant qui avait vu l'essor et la chute de civilisations.

Kull poursuivit en faisant un geste vers la carte qui se trouvait devant lui. "Les nations ne sont pas forgées par le hasard ou la commodité, mais par les liens de sang et de parenté qui unissent leurs peuples. Cette conception correspond aux idéaux des Grecs, qui considéraient la parenté et l'héritage comme sacrés, et des Hyperboréens, dont les liens tribaux étaient aussi incassables que le fer. Une nation, à l'instar des fières cités-États d'antan, se définit par un passé historique, une religion, une langue et une culture communs - une lignée qui doit être préservée, et non diluée. Tout comme les anciens protégeaient leurs traditions sacrées et leurs histoires orales, nous devons protéger l'essence de notre peuple. Ne nous laissons pas influencer par les fausses promesses d'unité par la similitude. Car en fin de compte, ce sont nos identités distinctes qui nous donnent de la force, tout comme les vaillants guerriers de l'Atlantide et les nobles clans de Valusia se sont dressés, inébranlables, contre les marées du chaos et de l'obscurité.

La poussée de la gauche en faveur de l'ouverture des frontières, contrastant avec le contrôle superficiel de l'« assimilation » par la droite assimilationniste, ressemble aux efforts futiles d'une ville assiégée pour tenir ses portes face à un déluge écrasant. La seule assimilation possible, selon Faye, est l'invisibilité totale de l'étranger - une solution dure et arbitraire, qui reflète les lois draconiennes des sociétés anciennes qui cherchaient à maintenir la pureté et l'ordre. La promotion de l'assimilation en tant que solution politique en fait la règle plutôt que l'exception, ignorant la réalité selon laquelle l'assimilation est un processus profondément personnel, et non un mandat politique, à l'instar de la croyance ancienne selon laquelle la loyauté et l'identité véritables ne peuvent être imposées, mais doivent être gagnées et entretenues.

La bataille contre la droite assimilationniste et la gauche cosmopolite est cruciale, à l'instar des luttes menées par les Grecs de l'Antiquité contre les dissensions internes et les menaces externes, et par les Hyperboréens contre les ténèbres envahissantes venues du nord. L'assimilation ne peut être légiférée ; elle doit s'aligner sur la loi naturelle, reflétant les vérités intemporelles reconnues par les sages d'autrefois. La nature subjective de l'identité ne peut être définie objectivement par la loi, tout comme les héros de la Grèce et de l'Hyperborée ne pouvaient être définis simplement par leurs actes, mais par leur lignée, leur honneur et la faveur des dieux.

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« Vous êtes membre si vous adhérez » pose la question des seuils - à partir de quel point nébuleux peut-on vraiment appartenir à un groupe ? Cette question se répercute à travers les âges - l'ancien dilemme auquel étaient confrontés les dirigeants et les sages: qu'est-ce qui constitue un véritable citoyen, un véritable héros ? La loi, tout comme les décrets cryptiques des dieux grecs ou les édits impénétrables des chefs hyperboréens, doit s'aligner sur les lois immuables de la nature, reflétant l'ordre cosmique qui sous-tend l'existence elle-même. Aucun individu ou faction ne possède l'autorité nécessaire pour définir l'identité d'un peuple, de même qu'aucun héros solitaire ne peut prétendre déterminer le destin d'une nation entière. Une faction qui prétend sauvegarder la population autochtone ne peut pas, dans le même souffle, encourager l'absorption d'éléments étrangers sous le couvert d'idéaux cosmopolites, car cela reviendrait à ce qu'un guerrier abandonne son bouclier au milieu de la bataille, se laissant non seulement lui-même, mais aussi ses proches, vulnérables aux ombres qui s'approchent. De telles actions conduiraient à la dissolution des fortifications culturelles et spirituelles, exposant l'identité fondamentale du peuple à la malédiction de l'homogénéisation, où les signes distincts de l'héritage et de la tradition sont avalés par une nébuleuse dévorante, aussi insondable et redoutable que les profondeurs abyssales d'où aucune lumière ne revient.

« Alors, la fin est proche pour l'Europe, hein ? » dit-elle en jetant la cendre de sa cigarette avec un dédain désinvolte qui dément la gravité de ses propos. "C'est comme une sorte de prophétie tordue, n'est-ce pas ? Les voyants d'Hyperborée et les oracles de Grèce sont réunis en une seule et même prédiction. Les cultures s'effritent, les identités se dissolvent, et tout cela arrive aux Européens. Pendant ce temps, en Inde, en Chine, dans le monde arabo-musulman, ils tiennent bon. Il est hors de question qu'ils abandonnent leur héritage et leurs racines. Ils sont comme les Grecs anciens ou les mythiques Hyperboréens, protégeant farouchement leurs identités culturelles avec tout ce qu'ils ont ».

Sa voix est devenue un murmure conspirateur : « Et l'Europe ? L'Europe reste là, à se tordre les mains pendant que les vagues s'écrasent contre les portes. L'islamisme conquérant, la puissance chinoise inarrêtable, l'énergie implacable de l'Inde - tout cela frappe à la porte, et les dirigeants européens sont coincés dans une sorte de paralysie. On croirait voir les défenseurs de Troie se préparer à l'inévitable, ou Conan, seul dans les étendues gelées, affronter la horde. Mais le comble, c'est que..."

L'Europe doit se ressaisir. Elle doit se souvenir de ses racines, des vieilles histoires, des vieilles batailles. Elle doit se battre, non seulement pour elle-même, mais aussi pour l'avenir, pour la prochaine génération. Appelez cela de l'archéofuturisme ou autre, mais il s'agit d'honorer le passé tout en construisant l'avenir. Parce que si ce n'est pas le cas ? Eh bien, nous savons tous comment ces histoires se terminent habituellement ».

jeudi, 01 août 2024

Réflexions au milieu de la convergence des catastrophes

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Mais demain nous appartient...

Réflexions au milieu de la convergence des catastrophes

Werner Olles

Nous écrivons cet essai quelques semaines seulement avant le 20 août, deuxième anniversaire du meurtre lâche et insidieux de la philosophe et publiciste russe Darya Dugina par les services secrets de la junte nazie et criminelle de Kiev, dirigée par le dictateur corrompu Selenski.

L'acte de ces assassins déshumanisés s'est déroulé sous les yeux horrifiés de son père, à qui il était sans doute destiné. La jeune femme, qui a porté l'héritage de son père, le philosophe et écrivain Alexandr Douguine, et dont les conférences et les écrits analysaient et démasquaient l'impérialisme mondial destructeur des peuples de l'Occident collectif tout en lui déclarant la guerre sainte, nous montre théoriquement et pratiquement la bonne voie, la voie difficile. Dasha est morte, c'est une martyre de la politique, mais elle continue à vivre dans nos cœurs parce qu'elle s'est battue pour le bien contre le mal. Contre les maîtres sataniques de l'or et de l'argent de Davos, contre le trans-atlantisme, l'unipolarité, le mainstream occidental et ses vassaux politico-médiatiques bellicistes, et pour la naissance de la liberté multipolaire des peuples et des nations. Leur héritage nous donne la force et le courage d'affronter, armés et l'esprit en éveil, la bête du « Great Reset » dans toutes ses atroces nuances.

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L'Occident collectif, avec son transhumanisme, sa volonté enragée d'effacer l'histoire, sa folie du gendérisme, avec sa sorcellerie répugnante et sa folie woke-LGTB et avec ses innombrables autres dystopies, toutes contraires à la nature humaine, comme par exemple l'ultra-mondialisation, a entre-temps provoqué la rupture définitive et vitale entre l'État-nation impérial russe et l'impérialisme libéral-mondialiste des États-Unis/de l'OTAN, entre la Troisième Rome et le marais toxique mondial et l'infamie spirituelle du règne cosmopolite du mensonge. Cette fracture est irrémédiable, et c'est tant mieux, car au milieu d'un monde occidental qui est en train de s'effondrer parce que le mensonge, le crime, la trahison et la violence ne sont pas en mesure d'arrêter la Russie et l'orthodoxie chrétienne, qui se dressent comme un roc invincible dans la tourmente. L'Occident collectif peut envoyer tous ses mercenaires impies, assoiffés de meurtre, contre l'Empire de la Lumière, ils se briseront contre ce rocher.

« Le combat spirituel est aussi brutal que la bataille entre les hommes; mais la vision de la justice est le plaisir de Dieu seul » a écrit un jour Arthur Rimbaud, nous rappelant ainsi cette vérité irréfutable, mais apparemment difficile à accepter pour les stratèges allemands de l'avant-garde, celle de la soi-disant « nouvelle droite », que la métapolitique ne signifie rien d'autre que la guerre de l'information, et que ce que l'on appelle « l'avant-garde » doit en premier lieu être d'assumer la fonction d'une “élite de provocation” (Bernd Rabehl). Le fait que la métapolitique soit une véritable guerre, avec de vrais belligérants et, en cas d'urgence, de vrais morts, et qu'elle puisse mener au martyre politique sur le chemin de la guerre, est - semble-t-il en tout cas - totalement inconnu chez certains «savants sur le front de la théorie». En revanche, la devise de Darya Douguina était « Vita est super terram ! » - « La vie, c'est la guerre sur terre ! ». Alors que les médias pro-Otan se sont livrés à un terrorisme verbal des plus cruels et nauséabonds, notre devoir devrait être de rouvrir les portes de la vie, de la douleur, des passions, mais aussi du mépris - et non de la haine - à l'égard de la clique dirigeante de vassaux et de collabos qui, en cas de doute, marcheront sur (nos) cadavres.

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Mais la métapolitique nous apprend aussi que la « nouvelle droite » postmoderne en RFA n'a pas la moindre idée de ce qu'ont véritablement écrit Marx ou Gramsci. C'est un peu comme la néo-gauche, même si elle est encore plus trash. Mais ce n'est pas une excuse, bien sûr. Le « pré-carré » démesurément surestimé de quelques penseurs - les noms ne sont ici que du vent, mais il serait en tout cas préférable qu'ils réfléchissent d'abord avant de commencer à « pré-penser » au-delà de leur arrogance ridicule - devrait en effet recommencer à réfléchir à partir de Marx lui-même afin de mettre la métaphysique historique de la modernité, la pratique émancipatrice et la théorie critique sur un dénominateur commun. Ce n'est pas très facile, il est vrai, mais c'est tout à fait possible si l'on considère l'« empire du mal », le marxisme, non pas comme un « dérapage » traître de la gauche, ni comme la raison des Lumières mise en œuvre, qui devient ici visible, mais comme une critique radicale des Lumières, que l'on doit malheureusement encore chercher à la loupe dans ce que l'on appelle la « nouvelle droite ».

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Toujours est-il que le 21 juillet, sur PI-News, Martin Renner, député de l'AfD au Bundestag et fondateur du parti (photo), a enfin osé dire quelque chose que personne n'avait osé faire jusqu'à présent dans les cercles de nos stratèges soi-disant avant-gardistes. En effet, le penseur français et cofondateur du GRECE, Guillaume Faye, avait déjà attiré l'attention sur ce fait il y a près de vingt ans dans son ouvrage fondamental du même nom, « La convergence des catastrophes », qui n'est malheureusement pas encore paru en allemand; la « centrale parisienne », y compris ses épigones allemands, a perçu cet ouvrage tonifiant comme un pessimisme critique à l'égard de la culture; la petite frange allemande s'est souvenue de certains décrets de la « centrale » dans sa critique toujours réductrice de l'universalisme occidental. D'abord, Faye, le porteur de la mauvaise nouvelle, a été dénigré à titre posthume, ridiculisé, pour finalement être complètement ignoré. Lorsque cela n'a pas été possible, parce que quelques rares vrais hommes de droite se sont érigés en défenseurs et en justificateurs de Faye, parmi lesquels on peut citer en premier lieu Robert Steuckers, Stefano Vaj, Audrey d'Aguanno, Pierre Vial et Constantin von Hoffmeister, et que finalement l'auteur de ces lignes a lui aussi réfuté sans hésiter, à l'aide de nombreux faits, le « discours de crise » dérisoire derrière lequel on voit clairement la peur panique de la cruelle vérité, la mesure d'ostracisme a été prise par les disciples du « gourou » parisien. Les défenseurs de Faye ont rapidement été déclarés « auteurs de la petite scène (d'extrême-droite) », dont les thèses n'avaient pas à être discutées, et le dossier Guillaume Faye a été clos.

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Nous sommes tout naturellement très heureux que Martin Renner, un homme politique, ait rouvert le dossier à l'occasion de l'interdiction de la revue COMPACT et de la chaîne Compact-TV et nous lui donnons volontiers la parole. Sous le titre « Faeser et consorts. Crise ou catastrophe ? », Renner écrit: "Après une crise vient souvent la catastrophe. La catastrophe n'est pas seulement l'augmentation sémantique de la « crise », mais souvent aussi le sommet d'une évolution. C'est donc la conséquence directe et le résultat d'une crise non résolue. Cette brève présentation est nécessaire. Et ce, afin d'exposer le sérieux nécessaire avec lequel il faut considérer et traiter les actions récentes de la ministre fédérale de l'Intérieur et également du gouvernement fédéral.

CE N'EST PLUS UNE CRISE DURABLE, CE QUE NOUS VIVONS DANS NOTRE RÉPUBLIQUE, C'EST UNE CATASTROPHE. UNE DÉVASTATION CATASTROPHIQUE ET PLANIFIÉE DE NOTRE DÉMOCRATIE ».

Voilà ce que dit Martin Renner, qui mérite donc nos remerciements. Il faut espérer que son excellente contribution aura au moins ouvert les yeux de quelques camarades et amis sur la situation insupportable que nous vivons dans la « meilleure Allemagne qui ait jamais existé ». Il ne suffit pas de s'en remettre à la sagesse des soi-disant « penseurs » et des « experts » autoproclamés qui se bousculent une fois de plus dans le creux de l'été 2024 pour délivrer des messages nébuleux, remplacer les analyses par des démonstrations de bonne volonté, argumenter à l'encontre des faits et des règles logiques, ce qui est loin d'être un dérapage isolé, mais qui se sentent là vraiment dans leur élément.

En fait, cela montre trois choses : premièrement, que la catastrophe a atteint la conscience publique au moins depuis la contribution de Martin Renner au site PI, quelle que soit sa forme tordue ; deuxièmement, qu'elle ne doit pas exister si l'on en croit nos « penseurs » et qu'il faut donc l'interpréter comme un phénomène passager ; et troisièmement, que cela n'est justement plus possible.

lundi, 15 juillet 2024

Le numéro 100 de Terre & Peuple Magazine est paru!

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Le numéro 100 de Terre & Peuple Magazine est paru!

Hommage à Pierre Vial

Ce numéro 100 est l’occasion d’une rétrospective de 25 ans de publication. C’est aussi le moment d’une transition. Notre Président-Fondateur, directeur de publication et rédacteur en chef de Terre & Peuple Magazine, Pierre Vial, a souhaité prendre du temps pour se consacrer à lui-même et à sa famille et donc transmet le flambeau à l’équipe qu’il a su réunir tout au long de ces années de travail en commun, afin de continuer l’oeuvre entreprise.

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Avant d’indiquer la feuille de route pour, nous l’espérons, les 100 prochains numéros, nous voulons rendre hommage à l’homme qui nous a rassemblés et dont l’énergie, longtemps infatigable, a porté l’Association Terre et Peuple et la revue éponyme. Il est toujours préférable de saluer un homme d’exception quand il est toujours parmi nous car il peut en goûter le fruit, sa modestie dût-elle en souffrir.

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Pierre Vial est à la fois un militant de la cause identitaire, un militant de la cause nationale, un historien de la civilisation européenne et un éveilleur de la conscience politique et culturelle de très nombreuses personnes, dont beaucoup sont abonnées à cette revue. Il faut rappeler ses contributions essentielles dans la période créative du Groupement de Recherche et d’Étude pour la Civilisation Européenne, dans la période de l’essor du Front National de Jean-Marie Le Pen avant d’aboutir à la création de Terre et Peuple. Entraîneur d’hommes, homme de foi, bon camarade, scrutateur sagace de l’évolution de notre époque, Pierre Vial a créé Terre et Peuple pour repenser le mouvement identitaire à l’aune des nouveaux défis du XXIe siècle. Pour ce rôle moteur, Pierre, sois remercié.

On peut tenter de résumer l’impulsion donnée par Pierre Vial à une reconfiguration de la pensée identitaire.

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Il y a d’abord l’affirmation du caractère positif du substrat anthropologique albo-européen et la nécessité de l’étudier de manière empathique. La race albo-européenne, en ses diverses ethnies, a, sur le continent européen, le droit des primo-occupants. Elle y est l’autochtone et le véritable indigène. Elle a certes les défauts de ses qualités mais n’a pas plus démérité que les autres. Elle n’a pas à rougir de ses créations spirituelles, culturelles, historiques et matérielle. Elle a donc le droit de vivre et de se développer sur ses terres ancestrales. Et si elle doit examiner d’un oeil critique son héritage afin de ne pas recommencer certaines erreurs, c’est ni plus ni moins que les autres. On dira finalement qu’elle n’est ni meilleure ni pire que les autres mais différente et que cette différence mérite d’exister.

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Il y a ensuite la nécessité de prendre en compte la longue histoire culturelle et civilisationnelle, liée à ce substrat anthropologique, qui a produit des psychologies collectives profondément enracinées. En particulier, dans la foulée de notre regretté ami et camarade Jean Haudry, dont il fut très proche, Pierre Vial a toujours insisté sur l’empreinte marquante des peuples Indo-Européens, matrices des peuples européens modernes. Il ne s’agissait pas de réduire l’identité européenne à une donnée unique, mais de comprendre le mariage d’unité et de diversité produite par la sédimentation historique des Indo-Européens dans les diverses ethnies du continent.

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Cette compréhension fine a amené Pierre Vial à nous indiquer la voie païenne comme accès à une spiritualité tout à la fois diverse, enracinée dans des sols et des ethnies de longue durée et reliée, dans le temps et l’espace, à ses diverses composantes constitutives, loin du monothéisme idéologique. Il a consacré beaucoup de temps à l’étude des anciennes religions et des traditions populaires qui en gardent une trace rémanente. Et c’est une direction de travail dont il n’a jamais cessé de nous souligner la richesse pour structurer un avenir.

Comme historien, Pierre Vial a le sens de la stratification historique, c’est-à-dire de la superposition des changements qui s’accumulent au fil du temps, modifiant le legs du passé et induisant les variations du futur. C’est la raison pour laquelle il nous a incité à ne pas faire preuve d’angélisme en méprisant les nations historiques au profit de constructions fantasmées.

De la même manière, s’il n’a jamais hurlé avec les charognards qui s’acharnent sur les vaincus de l’histoire récente, une fois à terre, il sait aussi que l’histoire ne repasse pas les plats, en tout cas pas avec la même tambouille. C’est donc avec beaucoup d’ironie qu’il regarde ceux qui croient rejouer, dans les contreforts du Donbass, la geste du Front de l’Est mettant les runes au service… de Davos, de Bruxelles, de Washington et d’autres du même acabit. Il nous a tous engagé, dans nos analyses, à regarder le réel en face et à ne pas avancer vers l’avenir à reculons. Être fidèle à un héritage, ce n’est pas le bégayer.

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Dernier enseignement, et non des moindres, sur lequel Pierre Vial a toujours insisté, c’est l’importance de la question sociale pour la cohésion nationale. En dehors des aspects délétères de l’idéologie libérale, il nous a engagé à être soupçonneux à l’égard des arrière-pensées des ploutocrates qui se souviennent de la nation quand ils ont besoin de chair à canon et l’oublient au moment du partage des bénéfices. Comme notre regretté ami et camarade Jean Mabire, dont il fut aussi longtemps l’ami, Pierre Vial nous a incité à voir dans les socialismes atypiques une source d’inspiration pour encadrer la nécessaire activité économique en ayant le souci du bien commun. Il aime à dire que les questions sociales, nationales et identitaires sont les dimensions pour résoudre un seul problème, celui de la pérennité du peuple.

Voilà, Pierre, les pistes et les indications que tu as montrées en créant Terre et Peuple, nous y resterons fidèles. C’est une inspiration créatrice pour continuer à penser l’identité, dans ses dimensions nationales et européennes au XXIe siècle. Tu peux désormais te consacrer aux tiens et à toi-même en profitant d’un repos mérité. Nous continuerons sur la voie que tu as défrichée.

JEAN-PATRICK ARTEAULT

Solstice d’Été n°100

mardi, 25 juin 2024

Dominique Venner: être soi-même jusqu’au dernier instant

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Pierre Le Vigan:

(Archives: 22 mai 2013)

Dominique Venner: être soi-même jusqu’au dernier instant

« Une mort peut agir sur l'avenir comme une irradiation. »

Yukio Mishima

Qui est légitime pour parler de Dominique Venner ? Peut-être personne car personne n’est revenu d’un suicide réussi et soigneusement programmé. Il n’est pourtant peut-être pas impossible de témoigner de son admiration. Elle est égale à celle que j’éprouve pour Honoré d’Estienne d’Orves ou Jean Prévost. L’acte de Dominique Venner, son sacrifice, est un acte de témoignage. Il y a eu bien des gens courageux, en France et en Europe, qui, condamnés à mort, ont affronté celle-ci avec un courage serein, bien des vaincus de l’histoire qui, ayant vu mourir leurs idéaux, en ont tiré les conséquences en se donnant la mort.  Mais l’acte de Dominique Venner est d’une netteté, d’une pureté, d’une rareté, d’une précision et d’une justesse existentielle précisément inouï.

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L’inouï c’est la pure incandescence, le saut, la révélation, la rupture de l’enchaînement discursif. L’inouï de Venner, c’est le recours à un geste homérique. Si Dominique Venner était bien entendu un opposant au « mariage homo » ce n’est évidemment pas la raison principale de son suicide. La raison principale de son geste, c’était de réveiller les consciences au sujet du Grand Remplacement c’est-à-dire de la substitution dans notre pays d’une population autochtone par une population d’origine étrangère.

Je n’étais sans doute pas entièrement d’accord avec les analyses de Dominique Venner – et je le dis pour une raison : il n’est peut-être pas totalement inutile que chacun sache d’où je parle. Sur la question du métissage, je suis d’avis que c’est un non problème. Il a toujours représenté une pratique très minoritaire pour des raisons qui tiennent à l’anthropologie humaine, aux habitus. On le voit avec les immigrés qui pour l’essentiel se marient dans leur race, voire dans leur ethnie. Il n’y aura jamais de métissage généralisé car la majorité des gens n’en veulent tout simplement pas. Le métissage ne poserait problème que s’il n’en existait qu’une seule forme aboutissant à un type humain unique. Or il existe une infinité de formes de métissages : entre un Vietnamien et un Biélorusse, entre un Tchétchène et un Camerounais, entre un Argentin et un Malgache, etc. Comme il existe des formes quasi-infinies de métissage, ceux qui craignent que le métissage ne réduisent la pluralité humaine – le bien le plus précieux – se trompent.

Le seul métissage qui poserait problème serait un « métissage » des sexes. Le remplacement de la catégorie homme-femme par un être mi-homme mi-femme. C’est d’ailleurs le fantasme de notre outre-modernité. Ceci étant dit, l’actuelle propagande pro-métissage est bien entendu insupportable. Elle fait partie de la propagande contre les racines : être tout sauf ce qui ressemble à ce que nous avons été. C’est une propagande malsaine et provocatrice.

Sur la question de l’immigration de masse, je partage tout à fait sa condamnation par Dominique Venner. J’attacherais sans doute moins d’importance à la race elle-même. Les Roms sont des Européens, et même des Indo-Européens, souvent très attachés du reste à sauvegarder leur « pureté «  raciale en évitant tout métissage. Est-ce une garantie de quoi que ce soit ? De même, les Afghans et Pakistanais ne sont-ils pas des Indo-européens ? Cela signifie-t-il que leur immigration massive en Europe soit une bonne chose ? J’attache plus d’importance aux facteurs culturels. Ainsi, un Africain francophone me parait la plupart du temps plus facile à intégrer qu’un Européen qui ne ferait pas l’effort ou ne pourrait apprendre le français (ce qui ne veut évidemment pas dire que tous les Africains francophones aient vocation à venir vivre en France).

*

Ces précisions faites, il n’en reste pas moins que les races existent, même si leur nomenclature n’est pas simple, a beaucoup évolué et est très loin de se résumer aux « Jaunes », « Blancs », « Noirs ». Ce sont des réalités aux frontières mouvantes mais des réalités quand même. Dominique Venner, qui défendait l’identité de tous les peuples, n’acceptait pas ce que nous voyons tous : des territoires entiers de notre pays peuplés de gens d’origine non européenne. Que ceux-ci soient en grande majorité des braves gens n’est pas en cause.

C’est l’atmosphère d’un pays qui change. C’est le climat auditif qui change : je suis très souvent dans le métro, on y entend toutes les langues et la plus rare ou la plus discrète est parfois le français. La France, l’Europe doivent-elle changer à ce point ? Je ne le crois pas. Venner ne le croyait pas. Ouverture à l’autre, oui, mais mesurée. Dissolution dans l’autre, non. Le pouvoir d’intégration ou d’assimilation (toute querelle de mot est ici vaine) de notre pays s’est épuisé. Pourquoi ? Parce qu’il supposait que sur tout le territoire, la culture de référence soit celle du peuple français, ce qui allait sans dire jusque dans les années mille neuf cent soixante.

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Aujourd’hui, l’Afrique est peuplée en quasi-totalité d’Africains, l’Asie d’Asiatiques, l’Europe est le seul continent qui tend à ne plus être peuplé majoritairement d’Européens. Dominique Venner n’a pas voulu que cette mort de la différence européenne, qui vaut bien les autres, et surtout qui est la nôtre se fasse dans le silence. « Alors que je défends l’identité de tous les peuples chez eux, je m’insurge aussi contre le crime visant au remplacement de nos populations. » Son coup de revolver le situe aux antipodes de Breivik qui ne méritait nul éloge même « littéraire ». Le sacrifice de Venner ne peut se comparer à rien d’aussi grand, car il n’y a rien d’aussi net. La seule grandeur qui nous reste c’est la netteté du regard sur les choses et la netteté de l’acte. Il y avait dans le sacrifice de Mishima une dimension d’esthétique personnelle, il y avait une réponse à la crainte de devenir aveugle chez Montherlant. Cela n’enlève rien à la force éthique de leur geste.

Mais Dominique Venner n’était pas un homme de lettres, il n’y avait pas chez lui cette dimension toujours un peu ’’dégueulasse’’ de l’ « homme-de-lettres ». C’est pourquoi Venner est encore au-dessus de ces exemples. « Il faudrait nous souvenir aussi, comme l’a génialement formulé Heidegger (Être et Temps) que l’essence de l’homme est dans son existence et non dans un ‘’autre monde’’. C’est ici et maintenant que se joue notre destin jusqu’à la dernière seconde. Et cette seconde ultime a autant d’importance que le reste d’une vie. C’est pourquoi il faut être soi-même jusqu’au dernier instant. C’est en décidant soi-même, en voulant vraiment son destin que l’on est vainqueur du néant. Et il n’y a pas d’échappatoire à cette exigence puisque nous n’avons que cette vie dans laquelle il nous appartient d’être entièrement nous-mêmes ou de n’être rien. » J’avais cru qu’Ernst Jünger était mort en 1998. Ce n’est qu’hier qu’il vient de mourir. Il était à Paris, du côté de Notre-Dame. Cette fois, il est bien certain qu’il est mort.

                                                                                  PLV

Pierre Le Vigan vient de publier :

Nietzsche, un Européen face au nihilisme, La barque d’or, diffusion amazon.

Les démons de la déconstruction. Derrida, Lévinas, Sartre. Au-delà de la déconstruction avec Heidegger, La barque d’or, diffusion amazon.

Le coma français, Perspectives libres - Cercle Aristote

Clausewitz, père de la théorie de la guerre moderne, Perspectives Libres -  Cercle Aristote.

samedi, 08 juin 2024

La guerre culturelle, la loi fondamentale et la lutte contre la droite - Réflexions en marge de la convergence des catastrophes

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La guerre culturelle, la loi fondamentale et la lutte contre la droite

Réflexions en marge de la convergence des catastrophes

Werner Olles

Depuis que la "culture du couteau" a fait son entrée en Allemagne et que la construction malveillante et intrigante qu'est le libéralisme global s'est installée, avec toute son arrogance et sa soif de pouvoir illimitées, lesquelles sont aussi glaciales que dangereuses, dans le mensonge, la folie et le manque de caractère, à l'instar de robots sans esprit, sans vérité, sans chaleur, sans éducation et sans intelligence organique, le fragment d'État qu'est la RFA prend des décisions qu'il n'est pas prêt à prendre pour le bien de ses citoyens, mais plus exactement des décisions qui vont exactement aux dépens d'eux. Il y règne un libéral-démocratisme extrême devenu de fait sauvage, de la part d'empoisonneurs sans scrupules et d'éléments belliqueux et sans patrie comme la secte queer-woke des Verts, qui ne connaît aucun autre but que ses délires idéologiques, ne reconnaît aucune nation, aucun État, aucune forme et aucune pensée raisonnable, mais est une secte uniquement mue par une fringale sadomasochiste de vassalité consentante et de soumission à l'hégémonie de l'OTAN, organisation américaine, à la nomenklatura eurocratique de Bruxelles, aux mondialistes du "Forum Economique Mondial" et de l'ONU, et à un humanitarisme affecté au bénéfice de tout le monde sauf des Allemands. Le fait que cet « Etat » considère ses citoyens comme de simples objets d'une éducation disciplinaire que l'on peut brimer, harceler, abuser, tromper, humilier et rabaisser à volonté, la soumission n'est alors pratiquement qu'une formalité.

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En effet, la politique qui gère l'immigration et les étrangers et que pratique la classe dirigeante, par exemple, n'a pas seulement quelque chose d'écœurant et de mensongèrement bien intentionné: elle incarne la forme la plus brutale et la plus asociale du politiquement correct et elle opère aussi sans vergogne et à une vitesse folle la dissolution des structures sociales et de voisinage traditionnelles, d'un cadre de vie relativement gérable, du moins jusqu'à il y a quelques décennies, qui promettait une sécurité quant au comportement naturel des habitants de la république et reposait sur des évidences, toutefois depuis longtemps en déclin mais encore exemptes de bricolages idéologiques et de slogans néolibéralistes. Certes, à l'époque, il n'y avait déjà que peu de recettes politiques claires et véritablement orientées vers l'avenir, mais il y avait déjà des dommages causés par un consumérisme excessif et surtout un secteur culturel beaucoup trop subventionné, que la gauche et les Verts pouvaient occuper à leur guise. Il y eut la TV, cloaque sous-culturel avec ses niaiseries à l'américaine, puis vint la dérision anticipatrice de tous les réflexes sains d'un peuple; l'islamisme apparut sur la scène politique, géopolitique, culturelle et sociale, le désastre commença, la catastrophe du Grand Remplacement, du repeuplement et de l'accaparement des terres, qui atteignit son paroxysme en 2015. Après les guerres civiles déclenchées par l'hégémon américain en Afghanistan, en Syrie et en Irak, le régime libyen a été démantelé, alors qu'il assurait jusque-là de manière fiable la protection des frontières, totalement négligée par l'Union européenne et l'Allemagne, et constituait ainsi un certain verrou contre la submersion par l'immigration culturelle étrangère de masse. Toutes les digues ont alors cédé et le misérabilisme des élites politico-culturelles a propagé la thèse folle selon laquelle les Européens avaient le devoir et le besoin d'accueillir les nouveaux occupants et de leur fournir tout ce que l'on rechignait à accorder à la population locale qui payait des impôts.

la-convergence-des-catastrophes.jpgL'enthousiasme malsain pour les envahisseurs venus d'Orient et d'Afrique, qui emportaient dans leurs bagages l'islamisation de l'Europe, s'est toutefois manifesté le plus clairement en Allemagne, qui a volontiers ouvert les portes de son luxuriant système social et a naturellement accueilli la grande majorité des demandeurs d'asile. On peut sans crainte qualifier cette maladie de « psychopathologie collective » avec le penseur français Guillaume Faye, décédé en 2019, mais qui n'est rien d'autre qu'une « imposture historique » (Faye), un monstre d'ethno-masochisme, de haine de soi et de racisme inversé contre son propre peuple, d'exaltation de l'abâtardissement et de l'universalisme, de xénophilie et de négation de sa propre identité ethnoculturelle jusqu'au suicide ethnique. Après tout, jusqu'à présent, seules les élites d'Europe occidentale ont été touchées par cette épidémie de colonisation de l'Europe par les nouveaux colons exotiques.

Entre-temps, il devrait être clair, même pour le plus stupide des gauchistes, qu'une société multiraciale est toujours une société multiraciste, qui ouvre la porte à la violence, à la terreur, aux crimes interclaniques et au totalitarisme politique, fossoyeurs de toute véritable démocratie. Outre les largesses généreusement distribuées aux envahisseurs par nos systèmes sociaux, cela a aussi beaucoup à voir avec le fait que les sociétés occidentales utilitaristes, de concert avec les socialistes milliardaires du Great Reset, veulent créer un système dont l'objectif est l'homme détaché de tout lien naturel, de toute tradition et de toute appartenance, interchangeable à volonté, sans identité, sans culture, asocial, uniquement consommateur, ouvert à l'exploitation, à la consommation de drogues et à la farce vide de sens que sont les libertés factices du « One World ».

Nous voyons donc que la lutte contre le métissage et la surpopulation étrangère est encore plus importante que la mobilisation pour la souveraineté politique, la résistance à l'augmentation constante de la dette publique et à l'austérité imaginaire ou à la prétendue « gauche anticapitaliste ». Nous constatons également que les « antiracistes » féministes du monde entier fraternisent avec les musulmans noirs et arabes, alors que la plupart d'entre eux sont à la fois racistes, ouvertement misogynes et antisémites, tandis que le racisme violent contre les Blancs et les innombrables viols de filles et de femmes autochtones sont niés d'un revers de main. Parallèlement, la « discrimination positive », appelée « affirmative action » dans les universités américaines, permet aux personnes issues de la « diversité » d'accéder plus facilement à des logements sociaux payés par l'État, ce qui n'est pas le cas des autochtones, ou de bénéficier d'une impunité de plus en plus fréquente pour les activités criminelles.

Avec leur approche totalitaire, les dirigeants persécutent aujourd'hui tous ceux qui, pour de bonnes raisons, les critiquent, les dénoncent, prédisent depuis de nombreuses années l'effondrement du multiculturalisme et réclament un retour à l'homogénéité culturelle, qui est l'exact contraire d'une société ethno-masochiste gangrénée par des illégaux issus de cultures pré-civilisationnelles étrangères à notre espace. En réalité, cependant, l'agitation de la classe politique et de ses divers serviteurs dans les médias dominants est incessante et se radicalise de jour en jour. Une campagne de dénigrement et de désinformation en chasse une autre, et les propos abracadabrants de petits morveux décérébrés et de vieilles femmes vertes haineuses dans les talk-shows de la télévision-cloaque publique, dirigés par des larbins du régime, qui témoignent d'une grave confusion mentale, semblent ne pas avoir de fin.

Face à cette situation précaire pour la Nouvelle Droite, on pourrait penser que tous ceux qui ont rejoint la résistance contre le modèle de société qui nous opprime, nous persécute, nous insulte, nous discrimine, nous diffame et nous humilie quotidiennement, devraient maintenant être solidaires, se soutenir mutuellement et, si une autocritique est nécessaire - et elle l'est certainement -, l'exprimer en interne et non pas devant les yeux et les oreilles de tous et pour le plaisir de notre ennemi commun, et surtout renoncer à l'hypercritique. Cela concerne aussi bien l'AfD en tant que parti que le « Vorfeld », l'espace métapolitique en marge, excessivement surestimé. En fait, c'est bien plus embêtant que ce que la plupart d'entre nous pensent. Alors que les « rats de bibliothèque universitaires » ont tendance à tout stériliser, à s'empêtrer dans des détails microscopiques et à cesser de penser, d'autres glissent complètement vers l'intellectualisme et se contentent, sous prétexte que l'on mène tout de même un combat culturel métapolitique, d'aligner des idées purement abstraites et de tenir des propos totalement déconnectés de la réalité, sans envisager de mise en œuvre politique ou révolutionnaire. Une autre coterie idéologique fait carrière dans la politique de parti, dilue de plus en plus ses positions, laisse dépérir sa vision idéologique du monde et oublie complètement que notre combat concerne la création d'une situation efficace et non des postes et des places dans un appareil. Certes, l'activisme politique n'est pas dépassé, bien au contraire, mais il doit être fondé sur une base théorique et idéologique concrète et avoir pour objectif de renverser l'uniformisation mentale et le conformisme dominant, tissés de platitudes, par de nouvelles idées révolutionnaires, des solutions originales et des projets alternatifs.

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Nous ne nous battons pas seulement pour des idées, mais aussi, entre autres, avec des idées, comme l'a très bien dit Guillaume Faye. Cela suppose tout d'abord de désigner un ennemi à combattre, car cet ennemi espère que nous nous laisserons diviser, voire opposer. Cette stratégie est désormais utilisée avec succès par les États islamiques, qui envoient leurs jeunes hommes prêts à se battre contre nous, déguisés en réfugiés. Notre identité culturelle et ethnique est donc attaquée de l'extérieur et de l'intérieur, tandis que nous nous déchirons et nous entredéchirons à l'intérieur: une situation vraiment déplorable. Il faut donc se méfier des petits sachants vaniteux et des faiseurs de faits qui accordent plus d'importance à leur sécurité et à leur confort qu'à se considérer en état de résistance et de rébellion contre un système qui n'a rien, mais alors rien, à nous offrir, si ce n'est un dégoût existentiel pour ses perversions queer, ses bassesses politiques, ses mensonges, ses escroqueries et ses répugnances woke. C'est pourquoi nous ne lui devons ni obéissance ni loyauté, mais une critique radicale, une pensée radicale et l'adoption de positions révolutionnaires, plutôt que de suivre une logique prétendument conservatrice, car il n'y a plus rien à sauver et à préserver dans et par ce système.

Il ne peut s'agir que de se préparer à un renouveau et de tenter sérieusement de construire une véritable contre-société avec des réseaux flexibles, articulés et actifs comme embryon d'un nouvel ordre à venir. C'est d'ailleurs le modèle temporairement réussi des « révolutionnaires culturels » de 1967-1968, qui a toutefois débouché en partie sur le radicalisme folklorique, le terrorisme infiltré par les services secrets et une mentalité d'abandon de type hippie. En revanche, nous devrions nous débarrasser de la fameuse « marche à travers les institutions », qui réduit la politique à la politique quotidienne, diffuse une autosatisfaction pseudo-philosophique et, sous la forme de la secte des Verts, n'est pas trop gênée pour risquer une guerre nucléaire mondiale contre la Fédération de Russie, qui entraînerait l'Europe dans l'abîme.

Le dilemme des conservateurs, qui ont certes des affects très forts contre une société reposant sur la perversion égalitaire, sur la dysharmonie imposée par l'État, sur la fragmentation culturelle et sur la guerre civile qui se profile à l'horizon, devient toutefois évident lorsque se manifeste enfin l'indignation bouillonnante face à l'étalage macabre des rêves fébriles de la gauche et des verts sur une « diversité » imposée de force. Cette indignation peut prendre la forme de manifestations et de rassemblements légitimes contre un projet de centre d'asile dans une commune, constituant ainsi un symbole fort de résistance à la force destructrice que constitue le chaos multiethnique, ou la forme de visions littéraires et éditoriales d'une société liée historiquement par une identité nationale et culturelle commune. De multiples possibilités de résistance doivent être envisagées face à une politique erronée qui, en raison de sa trahison inhérente et de ses expériences délirantes, met en péril la paix sociale par un flot incessant d'immigrés clandestins. Dans ce contexte, la transgression est également justifiée, car l'Europe et l'Allemagne se trouvent aujourd'hui dans la plus grande lutte existentielle de leur histoire.

Face à la manipulation massive des citoyens, à la surveillance et à la persécution de la résistance et des forces d'opposition et de dissidence, les conservateurs se défendent avant tout par la parole et par l'écrit et, en cas d'urgence, en faisant appel aux tribunaux. Il n'y a rien à redire à cela, tant qu'il ne s'agit pas d'un donquichottisme face à la convergence des catastrophes, à la colonisation de nos pays et à la bataille pour l'Europe qui y est étroitement liée. Le fait que les conservateurs et les réactionnaires ne parviennent plus à croire à la possibilité d'une Reconquista ne fait pas d'eux des complices du système, l'auteur se considérant lui-même comme un réactionnaire aux racines nationales-révolutionnaires.

Pourtant, l'une des erreurs cardinales des conservateurs comme de la Nouvelle Droite est de ne pas comprendre le Grand Remplacement dans le contexte historique des invasions islamiques, à commencer par la bataille de Tours et Poitiers en 732 et le deuxième siège turc de Vienne en 1683, comme la troisième agression de l'Islam contre l'Europe, entravant et disqualifiant ainsi l'engagement politique et militant de jeunes patriotes idéalistes.

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Ainsi, lorsqu'un auteur conservateur renommé, dans un journal conservateur tout aussi renommé, dévalorise, dans une longue critique, les thèses de Martin Sellner dans son livre « Remigration » en les qualifiant de « revendications » contraires à la Loi fondamentale et qui, de surcroît, vont à l'encontre de la « dignité humaine », il s'égare dans des raisonnements qui s'apparentent davantage à des étiquettes superficielles qu'à une approche sérieuse, critique et solidaire du fond des choses. Les thèses de Sellner méritent en effet d'être discutées et critiquées, mais il ne s'agit pas de « revendications », mais de propositions que l'on peut rejeter, ignorer ou accepter. Manipuler la Loi fondamentale est toutefois une grave erreur politique, et de surcroît extrêmement insensible. Les conservateurs devraient commencer à comprendre que la provocation imprègne l'ensemble du monde idéologique et qu'ils respectent aussi bien le moralisme strict du militant que la nostalgie et l'amour de la légalité et du droit des conservateurs, teintés de capitulation. Malheureusement, ces derniers ne comprennent toujours pas qu'une guerre culturelle est avant tout une question de pouvoir et non de droit, et que les affects de nos ennemis n'ont pas à nous intéresser.

Nous ne voulons pas nous lancer dans une querelle de principe sur « notre » Loi fondamentale, il suffit pour cela de se remémorer le discours prononcé par l'un de ses pères, le professeur Carlo Schmid (SPD), le 8 novembre 1948 devant le Conseil parlementaire à Bonn, avec le beau titre « Qu'est-ce que cela veut dire, la Loi fondamentale ? », et de se rappeler que l'État libre de Bavière et le KPD ont tous deux rejeté cette « construction émanant d'une commission militaire alliée » (Carlo Schmid) pour des raisons très valables et compréhensibles.

En dépit de son préambule, l'adoption de la Loi fondamentale, après que les Alliés l'eurent censurée et modifiée des dizaines de fois pour qu'elle aille dans leur sens, marqua l'approbation de la division de l'Allemagne, qui ne pouvait plus être évitée. Le président de la SPD, Kurt Schumacher, a accusé Konrad Adenauer, non sans raison, d'être le « chancelier des Alliés ».

Contrairement à une constitution complète, la Loi fondamentale est donc encore aujourd'hui un document instituant un « statut d'occupation imposé » et la RFA constitue la « forme d'organisation d'une modalité de la domination étrangère » (Carlo Schmid). Celui qui attribue à ce fragment d'État un caractère démocratique doit donc expliquer comment la démocratie peut fonctionner sans souveraineté. A cet égard, Wolfgang Schäuble a dit ce qu'il fallait le 18 novembre 2011 lors d'un moment fort devant l'association des banques : « Nous n'avons jamais été totalement souverains depuis le 8 mai 1945 ! ».

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Alors qu'une Constitution est donc l'auto-réalisation de la liberté par un peuple qui le coule sous une forme juridique, la Loi fondamentale, conçue dès le départ comme un texte provisoire, doit porter en elle une limite temporelle jusqu'à ce que soit adopter une future Constitution complète. La Loi fondamentale cesse automatiquement d'être en vigueur le jour où le peuple allemand se dotera librement d'une constitution. Alors que le peuple allemand est, théoriquement, la source de la souveraineté, celui-ci est bafoué chaque jour. Il s'agit donc d'un acte de soumission permanent qui bloque l'exercice de la souveraineté du peuple allemand. Bien que le règlement de la Haye sur la guerre terrestre interdise l'occupation de l'Allemagne, qui jusqu'à ce jour serait perçue comme un acte interventionniste, cela n'empêche pas l'OTAN, dirigée par les États-Unis, d'intervenir dans le conflit russo-ukrainien depuis le sol allemand, nous exposant ainsi à la menace d'une nouvelle guerre mondiale.

Nous devons donc considérer comme notre devoir et notre objectif de créer une Allemagne et une Europe qui croient à nouveau en elles-mêmes et qui ne sont pas des vassaux hypocrites des États-Unis, de l'OTAN et de l'UE. Cela signifie apporter l'unité de la lumière, comprise sur le plan métaphysique, dans l'obscurité, alors que « le libéralisme enlève à la vie tout son mystère » (Emil Cioran), et que des religions synthétiques de substitution, sans convictions philosophiques profondes, pour lesquelles spiritualité et histoire sont des mots étrangers, déterminent aujourd'hui notre existence.

Certes, les spectres verts, forts de leurs mensonges, ont coupé le lien spirituel avec notre identité nationale et culturelle dans leur haine sans issue de tout ce qui est normal et décent, de l'honneur, de la dignité et de la grandeur, mais il existe des forces existentielles fondamentales qui permettent de surmonter les périodes de détresse et de mort culturelle : la mythologie du culte ou du rite, l'amour de la patrie et la lutte éternelle contre le mal. En fait, il n'est pas du tout certain que nous gagnions cette bataille si l'ontologie politique ne mûrit pas en un phénomène métaphysique. C'est là qu'apparaît à nouveau la vieille discussion entre Carl Schmitt et le réactionnaire catholique espagnol Alvaro d'Ors. Alors que C. S. espérait que le katechon, l'empêcheur de tourner en rond, s'opposerait à l'Antéchrist, incarnation du mal, et retarderait ainsi la fin du monde, le croyant espagnol misait sur le retour imminent de notre Seigneur et Sauveur, qui apparaîtra à la fin des temps comme un juste juge. Le chrétien ne devrait donc pas retarder la chute à tout prix, mais implorer la justice et la grâce de Dieu. Le fait que cette question fondamentale ne soit même plus d'actualité dans nos églises, mais qu'elle le soit dans un empire katéchonique comme la Russie et son orthodoxie, en dit long sur notre déclin transcendantal et spirituel.

Néanmoins, ne nous laissons pas aller à des apaisements et des comportements défensifs face aux campagnes agressives de dénigrement et de désinformation de nos ennemis, ne renions pas les nôtres attaqués par le système, ne cultivons pas un conservatisme stérile où il n'y a plus rien à conserver, mais passons plutôt à l'offensive sans nous laisser impressionner, car « la vie est un combat sur terre ! » (Darya Douguina). Nos amis du FPÖ avec Herbert Kickl en Autriche, Viktor Orban en Hongrie et, surtout, les Trumpistes aux États-Unis prouvent chaque jour que cela est possible. C'est peut-être notre dernière chance de remporter la guerre culturelle et de redonner un sens à notre vie. Une raison suffisante pour un optimisme eschatologique !

Werner Olles

mardi, 04 juin 2024

Le nouveau romantisme et la Quatrième Théorie Politique (4TP)

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Le nouveau romantisme et la Quatrième Théorie Politique (4TP)

Carlos X. Blanco

S'il existe un dénominateur commun aux trois théories politiques prédominantes dans le monde, en particulier dans le monde occidental, c'est bien le matérialisme. Selon la caractérisation du philosophe russe Alexandre Douguine, les trois théories politiques dominantes de la modernité occidentale sont, dans l'ordre, 1) le libéralisme [1TP], 2) le socialisme-communisme [2TP] et 3) le fascisme et le national-socialisme [3TP]. Tous trois sont imprégnés d'une métaphysique léthargique et brutale, qui est la conception philosophique matérialiste. Cela se voit même dans les déclarations que la théorie politique fait sur elle-même, qui servent souvent des objectifs très différents de ceux d'une véritable philosophie : l'objectif de montrer la vérité. La propagande et la polémique contre les théories politiques rivales sont des facteurs qui sont à l'origine du fait que les théories politiques ne sont pas présentées telles qu'elles sont réellement, et il est nécessaire, dialectiquement, de comprendre les précédentes à partir d'une nouvelle théorie politique qui comprend et dépasse les précédentes. Toute théorie politique qui émerge au sommet de son époque implique l'engagement de comprendre cette même époque et, en même temps, intrinsèquement, de dépasser les précédentes qui, d'une manière ou d'une autre, prétendent maintenir leur validité et leur influence.

La quatrième théorie politique [4TP] de Douguine n'est pas seulement chronologiquement postérieure, comme l'affirmation selon laquelle le soir suit le matin, ou l'automne le printemps. La 4TP doit être - et est en effet - un dépassement du matérialisme en tant que dénominateur commun du libéralisme, du socialisme-communisme et du nazi-fascisme.

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La 1TP, rappelons-le, ne s'en tient pas exclusivement au libéralisme de Locke, mais aussi au matérialisme grossier de Thomas Hobbes, un autre Anglais qui, comme son lointain mais fondamental prédécesseur, le nominaliste Guillaume d'Ockham, a radicalisé la thèse d'Aristote : la seule chose qui existe est l'individu, et il n'y a pas de place pour les substances « secondes ». Les termes linguistiques qui correspondent à des entités supposées collectives, abstraites, génériques, n'existent qu'en tant que termes de langage (ontologiquement, ils se limitent à être des effets de voix - flatus vocis -, des taches d'encre sur du papier, des impulsions électromagnétiques dans un ordinateur...). Les termes nominalistes se réfèrent de manière univoque à des individus - humains ou non - distincts et ab-solus (c'est-à-dire « libres », détachés de l'arrière-plan sur lequel ils se profilent). Il est évident, comme l'a déjà souligné Costanzo Preve, que la clé de l'ontologie de la 1TP réside dans la doctrine sociopolitique sous-jacente, une ontologie de l'être social : l'entité individuelle, désignée de manière univoque à la manière nominaliste, n'est autre que l'individu humain absolutisé par le libéralisme : un atome sociopolitique et économique. Cette philosophe luciférienne, anglaise elle aussi, Mme Thatcher, l'a exprimé avec la clarté des flammes de l'enfer lui-même : « la société n'existe pas ». C'est du matérialisme pur : ce n'est pas seulement un matérialisme abstrait qui sous-tend une théorie de gouvernement et une conception économique. C'est un matérialisme imposé : la société doit être convertie, manu militari s'il le faut, et par des « chocs » (Pinochet, Videla, Eltsine...), en une masse d'atomes devant un État au service de certains capitaux tout-puissants, c'est-à-dire que la société doit disparaître.

La 2TP a l'avantage de ne pas cacher son matérialisme. Il est vrai que le Hobbes de la 1TP ne le cachait pas non plus, mais la rhétorique de la « libre initiative individuelle », de la liberté et de la société ouverte est une rhétorique qui continue à séduire de nombreuses personnes. Le socialisme et le communisme, en particulier dans sa version marxiste-engelsienne, sont des théories matérialistes et athées avouées. Mais ce n'est pas si simple. Nous devons à plusieurs auteurs (Gramsci, Preve, Fusaro, S. Bravo...) la réinterprétation de la philosophie marxiste dans une clé idéaliste : le philosophe de Trèves était un fidèle disciple de Fichte et de Hegel, un philosophe de la praxis (« au commencement était l'action »), dans la tradition allemande la plus authentique, poursuivie, grâce à Gramsci, par les Italiens.

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Cependant, l'implantation dogmatique et obligatoire de ce que l'on appelle le « matérialisme dialectique » et le « matérialisme historique », non seulement dans les États communistes (URSS, Europe de l'Est, Chine, etc.), mais aussi dans les partis communistes de l'Occident et dans une grande partie du monde, a justifié cette identification entre 2TP et matérialisme. Mais je crois que le grand maître Preve a montré au monde que ce qui est pérenne et vrai dans l'œuvre de Marx, c'est que les êtres sont des êtres communautaires, qui tissent et reconstruisent sans cesse leur communauté par l'action, et que c'est l'action communautaire - enracinée malgré les assauts du capital - qui transforme le monde et le fait évoluer, non pas dans sa pensée des Lumières tardives, mais dans son aristotélisme. Les êtres humains sont des êtres communautaires, qui tissent et reconstruisent constamment leur communauté par l'action, et c'est l'action communautaire - grosse de ses racines malgré l'assaut du capital - qui transforme le monde et le fait évoluer.

La 3TP est aussi un matérialisme grossier. Dans sa version nationale-socialiste, nul ne peut nier que derrière les appels nationalistes ou « patriotiques », la destination de cette théorie politique était la Race, et non la nation, une race prétendument supérieure, inventée sur la base de prémisses pseudo-scientifiques tirées de la science britannique et française du 19ème siècle. Le concept purement linguistique de l'« Aryen » a été extrapolé et mélangé à la pseudo-science darwiniste sociale du colonialisme occidental du 19ème et du début du 20ème siècle. L'humanité a été décrite dans des termes très similaires à ceux du bétail, parlant ainsi de races supérieures et inférieures. Les 3TP ont en fait négligé et manipulé les contributions traditionalistes et spiritualistes des penseurs de la révolution conservatrice, et ont compris l'État national allemand, dans le cas du national-socialisme, comme un simple instrument au service d'une « race » mystique et irréelle.

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Dans le cas du fascisme italien, c'est précisément la « statolâtrie » proclamée qui lie plus clairement les 3TP au matérialisme, qui tend à réduire toutes les expressions de la vie sociale et communautaire à une seule. La communauté organisée de Perón et d'autres formes (peu développées dans la pratique en raison des attaques et des interférences du néolibéralisme) auraient peut-être été des formes moins matérialistes de la 3TP, dotées d'entrailles plus spirituelles. Voir, par exemple, le profond catholicisme non-vaticaniste du général Perón. Le culte de l'État, au-dessus des peuples et des communautés qui le suscitent, est le triomphe d'une mentalité « romaine », prosaïque et matérialiste, que le grand Oswald Spengler retrouvait dans d'autres organismes « correspondants » (les Aztèques, par exemple).

C'est la 4TP qui est appelé à restaurer l'esprit. Le sujet - Dasein - de l'Histoire est constitué par le Peuple (Ethnos, Volk). Ces peuples « sont là », ils sont des réalités premières, et tous ne doivent ni ne peuvent avoir leurs propres entités étatiques. Parfois, la fortune et l'expansion vitale d'un peuple résident dans sa bonne intégration dans des unités supérieures - empires, civilisations - qui le « transportent » dans le temps, qui servent de véhicules à ses possibilités, qui sont toujours, en dernière analyse, spirituelles. Les micro-peuples (Basques, Bretons, Catalans, Corses), ainsi que ceux de l'Est et des Balkans, n'ont pas seulement été victimes de l'oppression et de l'acculturation par l'unité étatique supérieure dans laquelle ils étaient logés, un fait qui, dans de nombreux cas, ne peut être nié, mais ont également été « sauvés » pour l'histoire par ces unités supérieures. Par exemple, dans le cas le plus proche géographiquement, personne aujourd'hui ne se souviendrait de l'existence d'un peuple et d'une langue basques sans leur sauvetage pour l'histoire par la Couronne espagnole.

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La lutte décisive aujourd'hui sera une lutte entre la première théorie politique et la quatrième. L'hégémon nord-américain et son anglosphère représentent le matérialisme le plus brut, qui fait de l'individu non plus un « sujet capable de choisir dans une société ouverte », mais un atome égoïste, un consommateur compulsif (même s'il n'est plus producteur), avide de sexe et d'autres plaisirs déconnectés de l'amour des hommes, de la patrie et de la nature. Face à l'austère matérialisme de la 1TP, un nouvel « idéalisme » fait son apparition. Tout comme le romantisme a secoué l'Europe à la fin du 18ème siècle et a ébranlé toutes ces têtes perlées et ces visages ridés et poudrés, un Sturm und Drang de la jeunesse du 21ème siècle doit et peut commencer. Peut-être commencera-t-il modestement : un groupe d'adolescents brûlera ses sweat-shirts arborant l'énorme Union Jack et redeviendra fidèle à sa culture. La musique commerciale « bâtarde » promue par les majors anglo-saxonnes échouera, et les jeunes rechercheront des racines et une profondeur de sentiment. La procrastination vestimentaire cédera la place au décorum et à la modestie. Le goût pour le noble, le sage et le beau, en se généralisant, remettra en cause la « culture de supermarché »... Cela peut arriver s'il y a une révolution de l'Esprit.

Il ne s'agit pas seulement d'une lutte ouverte dans le domaine militaire, commercial, cybernétique... C'est une lutte pour les consciences. C'est une lutte qui se déploie sur le plan des idées. Elle implique une reconnaissance de soi. Si chaque jeune commence à dire, dès demain, « Je ne suis pas comme les horribles chaînes de hamburgers et je ne suis pas ce que vos producteurs de “reggaeton” veulent que je sois », « Je ne suis pas un animal, je suis une personne », le néolibéralisme sera comme une marée qui ne cessera de reculer. Il y aura alors beaucoup de batailles à mener, mais quelque chose bougera dans cette sorte de chambre magmatique qu'est l'Inconscient ; une énergie profonde et irrépressible qui jaillit de l'inconscient collectif de chaque peuple sera mobilisée. De grandes cheminées et de grands cratères s'ouvriront alors et l'explosion ne tardera pas à se produire. C'est une bataille contre le matérialisme sur tous les fronts, et en leur sein, sur les fronts de l'Esprit : l'esthétique, les loisirs, la bienséance, la morale, l'amour et les loyautés, tout ce qui est le patrimoine de l'homme et non du singe nu, et qui est le patrimoine de l'être humain et non du singe. C'est le magma qui ruinera le néolibéralisme ; c'est le magma qui peut un jour éclater et s'élever pour percer les nuages.

lundi, 03 juin 2024

L'archéofuturisme aujourd'hui

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L'archéofuturisme aujourd'hui

Constantin von Hoffmeister

Source: https://www.eurosiberia.net/p/archeofuturism-now?utm_source=post-email-title&publication_id=1305515&post_id=145182681&utm_campaign=email-post-title&isFreemail=true&r=jgt70&triedRedirect=true&utm_medium=email

Que pourrait-il se passer après le « déclin » prophétisé par Spengler ?

L'Archéofuturisme 2.0 de Guillaume Faye est à la fois une tapisserie utopique et une apocalypse dystopique, décrivant les jours à venir de l'humanité après que la « convergence des catastrophes » ait frappé de plein fouet et anéanti notre civilisation occidentale autrefois glorieuse. Il s'agit d'un visiteur du présent qui influence l'avenir, mais en vain, car tout passe et rien n'est jamais vraiment nouveau sous le soleil. L'humanité évolue et change, les systèmes sociaux sont renversés et remplacés par de nouveaux, et même des espèces différentes se succèdent pour l'asservissement de la planète bleue.

L'exploration spatiale était autrefois le rêve de tous les progressistes païens de l'Occident prométhéen, mais - comme le fait remarquer Faye - ne serait-ce qu'une chimère ? Des vaisseaux élégants dans le vide qui tournent lentement autour de la décomposition après avoir été abandonnés par les vivants par manque de chance, et des opportunités gâchées après avoir été incinérées dans le brasier d'un espoir démesuré...

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Les primitivistes et les amateurs de vie tribale se réjouiront de la perspective de forêts futures remplies de guerriers sauvages montés sur des destriers ardents et armés jusqu'aux dents, défendant leurs villages néo-médiévaux contre l'empiètement de clans concurrents, tous ne désirant rien d'autre que survivre et dominer. Un rêve humide, darwinien, qui prend vie dans la toundra - le dernier camion chassé par les lanciers aux yeux bleus, les chevaliers du Camelot de la Forêt, post-effondrement, chassant et combattant les descendants des hommes de la jungle du Sud à travers des cols de montagne glacés et des ravins brûlants.

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Les chimères de la fantaisie transhumaniste sont tapies dans l'ombre, leurs ailes déployées et leurs noms gravés dans le solide rocher de l'Oblivion, sur lequel sont enchaînés tous les êtres sensibles « normaux », lentement aspirés par la porosité tentaculaire de la pierre froide, qui les prive de leur mémoire.

Redécouvrant accidentellement l'écriture manuelle après des millénaires de dépendance à la technologie informatique et à l'intelligence artificielle, aiguisant leurs plumes et les trempant dans le sang métaphorique des veines de leurs ancêtres symboliques, les gens du nouvel éon se mettent au goût du jour en retournant en arrière et en allant ainsi de l'avant - en retournant aux sources et en livrant par pigeon-poste la missive du renouveau directement sur le pas de votre porte.

Hélas, coincé dans un passé pétrifié, Faye a envoyé des lettres qui ne sont jamais arrivées. Comme Rimbaud explorait les taches blanches sur la carte de l'Afrique, les comparant à des vers qu'il n'a jamais écrits parce qu'il a cessé d'écrire de la poésie à l'adolescence, Faye, par son métier et l'élixir qu'il a consommé, a plongé dans des horizons invisibles aux yeux de la plèbe, s'étendant de l'humble demeure de James Joyce à la mer de repos de l'Est. Rimbaud a vu ce que d'autres imaginaient voir. Faye a su susciter l'adhésion des voyageurs dans le no man's land entre l'éveil fervent et l'aspiration sincère - juste devant la ligne d'arrivée, le prix est déjà bien visible : le trophée ailé à deux têtes enfonçant ses griffes dans la chair des faibles chancelants. Ce trophée s'appelle « Restoration Now ».

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jeudi, 30 mai 2024

Ce qu'il faut savoir sur la nouvelle droite allemande - Entretien avec Martin Lichtmesz

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Ce qu'il faut savoir sur la nouvelle droite allemande

Entretien avec Martin Lichtmesz

Source: https://magyarjelen.hu/mit-kell-tudni-a-nemet-uj-jobbolda...

La Nouvelle Droite (Neue Rechte) est une école de pensée et un réseau organisationnel vaguement défini qui vise à faire revivre et à réinterpréter de manière constructive la tradition conservatrice de la droite allemande, en opposition à l'ordre libéral américanisant qui a émergé après la Seconde Guerre mondiale. Elle se situe à la droite des partis centristes de droite CDU/CSU et, dans un sens, va au-delà du populisme de droite (AfD, PEGIDA) et du radicalisme de droite (par exemple, Die Heimat). En tant qu'école de pensée, elle est à la fois « postérieure » et « antérieure » à ses antécédents politiques et idéologiques du 20ème siècle. Elle a été fondamentalement influencée par les penseurs et les théories de la Révolution conservatrice allemande et de la Nouvelle Droite française. Une différence importante, cependant, est que cette dernière est basée sur un retour au paganisme, alors que le mouvement allemand est (principalement) basé sur le christianisme. Dans l'entretien suivant avec Martin Lichtmesz, membre autrichien éminent de la Nouvelle Droite allemande, nous discutons de son parcours personnel, de son travail de traducteur et d'écrivain, de la Nouvelle Droite allemande, de l'Europe centrale et des possibilités offertes par la politique. L'entretien avec Balázs György Kun peut être lu ci-dessous.

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- Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

- Je suis né à Vienne en 1976, j'ai vécu à Berlin pendant quatorze ans et je suis retourné dans mon pays d'origine, l'Autriche, il y a une dizaine d'années. Depuis 2005, j'écris pour des magazines et des revues allemands de droite, tant sur papier qu'en ligne. Actuellement, je contribue principalement au blog et au magazine bimensuel Sezession, ainsi qu'à l'Institut für Staatspolitik (Institut pour la politique de l'État) en Allemagne. En plus d'écrire des livres sur des sujets tels que la politique, la culture et la religion, j'ai traduit plusieurs textes du français et de l'anglais, dont le plus réussi est la célèbre dystopie sur l'immigration de Jean Raspail, Le Camp des saints. Je suis associé à la branche autrichienne de Génération identitaire (GI), bien que je ne participe pas à ses activités. Il m'arrive de faire du streaming avec mon ami Martin Sellner. J'apparais aussi parfois sur des chaînes anglophones.

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- Vous avez beaucoup écrit sur les films sur le site Sezession et vous avez également publié un livre sur le cinéma allemand après 1945 (« Besetztes Gelände. Deutschland im Film nach '45 »). Quel est votre réalisateur hongrois préféré et pourquoi ?

- En fait, je connais très peu le cinéma hongrois... Plusieurs films de Miklós Jancsó ont eu une grande influence sur moi, en particulier Csillagosok, katonák (1967). Sátántangó (1994) de Béla Tarr a été une expérience époustouflante, bien que sombre et épuisante. J'ai assisté à deux projections complètes de ce film, ce qui est un véritable test d'endurance puisqu'il dure près de huit heures à un rythme très lent et « hypnotique ». J'ai également apprécié My 20th Century (1989) d'Ildikó Enyedi. J'ai particulièrement aimé la scène où l'acteur autrichien Paulus Manker reprend son rôle de philosophe misogyne Otto Weininger, un rôle qu'il avait déjà joué dans son propre film de folie Weiningers Nacht. Je viens de remarquer, en passant, que les trois films que j'ai mis en évidence sont en noir et blanc.

- Comment décririez-vous la Neue Rechte à nos lecteurs ?

- Il s'agit d'un terme générique, non dogmatique, pour désigner le spectre de la droite « dissidente » et non conventionnelle en Allemagne. Il est surtout utilisé comme un terme générique pratique, et tous ceux qui sont classés dans cette catégorie ne l'apprécient pas ou ne l'acceptent pas. Il fait généralement référence aux personnes ayant des opinions « identitaires », ethno-nationalistes. Parmi les personnes orientées idéologiquement, nous trouvons très souvent ce que nous appelons des « Solidarpatrioten », qui optent pour une position patriotique dans leur approche des questions socio-économiques, qui critiquent le libéralisme du marché libre et les autres variantes du libéralisme. Une position « anti-atlantiste » est très courante dans ce milieu: il s'agit d'un souverainisme qui vise à libérer l'Allemagne de la domination américaine sur le long terme (de manière réaliste, donc à très long terme). Elle est également souvent utilisée comme auto-désignation par ceux qui souhaitent se démarquer des groupes restants de la « Alte Rechte » (« vieille droite »), qui forment un milieu très différent et se caractérisent par leur attachement à certaines nostalgies historiques, à certains symbolismes et à certaines idéologies que la nouvelle droite rejette. Il y a aussi beaucoup de recoupements récents avec le phénomène du « populisme de droite », qui monte en puissance depuis 2015 (au moins), même s'il n'est certainement plus à son apogée.

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Götz Kubitschek et son épouse Ellen Kositza dans leur propriété à Schnellroda.

Le quartier général de la « nouvelle droite » en Allemagne se trouve aujourd'hui à Schnellroda, un petit village de Saxe-Anhalt, où se trouve le « manoir » de Götz Kubitschek, une demeure séculaire restaurée, qui abrite la maison d'édition Antaios Verlag, qui fait date depuis assez longtemps. Avec Erik Lehnert, Kubitschek organise des « académies » où de jeunes militants de droite allemands, autrichiens et suisses se réunissent pendant un week-end pour nouer des contacts communautaires et professionnels, écouter des conférences et des discours et participer à des discussions approfondies sur des sujets spécifiques. En septembre dernier, par exemple, le thème principal était la « propagande » sous tous ses aspects.

D'autres académies se sont penchées sur la géopolitique, l'anthropologie, l'architecture, « l'avenir de l'État-nation et de l'Europe », « l'État et l'ordre », « la politique des partis », « la violence », « la faisabilité » ou une discussion générale sur la situation politique actuelle. Les présentations sont d'une grande qualité intellectuelle et visent à couvrir autant d'aspects que possible du sujet. Cependant, il ne s'agit pas d'une « tour d'ivoire » philosophique et théorique, mais également d'une formation à des fins politiques et stratégiques pratiques. De nombreux participants travaillent au sein de l'AfD (Alternative für Deutschland), le parti d'opposition patriotique le plus important et le plus performant d'Allemagne. Il s'agit en particulier d'une partie importante de l'AfD des Länder « de l'Est », qui entretient de très bonnes relations et de très bons contacts avec Schnellroda.

Naturellement, le « pouvoir en place (et contesté) » n'aime pas cela et tente de faire pression sur ces organisations et réseaux indésirables, notamment par le biais des activités du « Bundesamt für Verfassungsschutz », l'« Office fédéral pour la protection de la Constitution », une institution créée par l'État pour diaboliser et diffamer toute opposition politique. En résumé, lorsque les Allemands parlent aujourd'hui de la « Neue Rechte », ils pensent surtout au réseau autour de Schnellroda, qui se compose d'identitaires, de membres de l'AfD, d'éditeurs indépendants, d'initiatives, de médias, de libres penseurs et d'« influenceurs ». Tous ne partagent pas les mêmes positions, mais ils ont une vision commune de base.

- La Nouvelle Droite (française) a une forte influence en dehors de la France et du monde francophone. La situation est-elle similaire pour la Neue Rechte? Dans l'affirmative, pouvez-vous citer quelques penseurs, hommes politiques et organisations qui ont été influencés par cette « école de pensée » en Allemagne, en Autriche et dans d'autres pays ?

- Pour être honnête, je ne pense pas qu'elle ait eu beaucoup d'influence, voire aucune, en dehors de l'Allemagne, car très peu de nos écrits ont été traduits. Certaines actions de GI ont probablement été une source d'inspiration au niveau international, par exemple lorsqu'ils ont escaladé la porte de Brandebourg en 2016 et ont affiché une bannière disant « Secure Borders, Secure Future » (frontières sûres, avenir sûr). Nous sommes certainement en contact avec des personnes partageant les mêmes idées dans de nombreux autres pays européens, tant à l'Est qu'à l'Ouest, ainsi qu'aux États-Unis et en Russie. Cependant, une influence allemande plus importante est à l'œuvre en arrière-plan, car la Nouvelle Droite et la Neue Rechte ont toutes deux de fortes racines idéologiques dans ce que l'on appelle la « révolution conservatrice » des années 1920 et 1930 : les noms de célèbres penseurs classiques tels qu'Oswald Spengler, Carl Schmitt, Ludwig Klages, Ernst Jünger ou Martin Heidegger me viennent à l'esprit.

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- Pouvez-vous nous présenter brièvement la maison d'édition Antaios ? Quels sont les livres que vous publiez ? Vous en avez cité quelques-uns qui vous paraissent importants.

- Antaios existe depuis plus de vingt ans. L'éventail des livres publiés est très large : ouvrages théoriques, essais, romans, débats, réflexions philosophiques, interviews ou monographies sur des penseurs et écrivains importants (Ernst Nolte, Georges Sorel, Armin Mohler, Mircea Eliade ou Nicolás Gómez Dávila, pour n'en citer que quelques-uns). Bien sûr, les thèmes habituels de la droite sont au centre : l'immigration de masse, le « grand remplacement », l'identité ethnoculturelle et l'analyse de la myriade de têtes d'hydre que constituent nos ennemis : la théorie du genre, l'antiracisme, le mondialisme, le transhumanisme, la technocratie ou le « cotralalavidisme ». Une série populaire et à succès est celle des « Kaplaken » : des livres courts qui tiennent confortablement dans une poche, écrits par différents auteurs sur différents sujets. Ils constituent une expérience de lecture rapide, instructive et souvent divertissante, un cadeau idéal pour éclairer et égayer amis et parents, et sont très recherchés par les collectionneurs. La série a publié jusqu'à présent 87 volumes.

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Il est difficile d'identifier les « plus importants », tant ils sont nombreux, et je suis certainement un peu partial. Deux ouvrages théoriques ont été publiés récemment et ont été bien accueillis par les lecteurs : Politik von rechts (« Politique de droite ») de Maximilian Krah, homme politique de l'AfD, tente de définir l'essence et les contours de la politique de droite aujourd'hui, tandis que Regime Change von rechts (« Changement de régime de droite ») de Martin Sellner est une esquisse impressionnante et approfondie des stratégies métapolitiques nécessaires au changement en Allemagne et en Europe occidentale, ce qui, à ma connaissance, n'a jamais été fait auparavant sous une forme aussi détaillée et concrète.  Parmi les autres ouvrages très influents, citons Solidarischer Patriotismus (« Patriotisme solidaire ») de Benedikt Kaiser et Systemfrage (« La question du système ») de Manfred Kleine-Hartlage, une analyse tranchante de la difficile question de savoir si le changement est possible dans le cadre du système politique actuel (apparemment condamné) (l'auteur nie que ce soit possible).

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Mit Linken leben (« Vivre avec la gauche ») de Caroline Sommerfeld et moi-même a également été un « best-seller » dans notre gamme, une sorte de « manuel de survie » pour les personnes ayant des opinions « erronées », conçu pour aider à gagner les débats, à s'omposer dans les débats, à s'orienter politiquement, à démasquer les absurdités de la gauche, à comprendre ses « types » et sa psychologie, et surtout à faire face aux pressions sociales dans la famille, au travail, à l'école, à l'université, dans les amitiés, etc. Son ton est plus "léger" que celui de la plupart de nos livres, et il contient même des conseils de drague pour les gens de droite ! Il a été publié en 2017, au plus fort de la vague ”populiste“ consécutive à la "crise des migrants", et je dois avouer que certaines parties me semblent déjà un peu désuètes et datées, comme si elles étaient maintenues dans une capsule temporelle. Un autre livre que j'ai beaucoup aimé est Tristesse Droite, publié en 2015, qui documente quelques soirées au cours desquelles un petit groupe de défenseurs de la Nouvelle Droite (dont je faisais partie) s'est réuni à Schnellroda pour avoir une longue discussion ouverte - comme nous le disons - « sur Dieu et le monde », qui a duré des heures et a donné lieu à un livre très inhabituel, qui donne à réfléchir et qui est très intime.

- Avez-vous des projets de livres ou de traductions en cours ? Quels sont ceux que vous considérez comme les plus importants ?

- Il y a un projet majeur sur lequel je travaille depuis un certain temps et qui prendra encore plus de temps. Il s'agit d'une sorte de lexique des films que je considère comme importants ou valables d'un point de vue de droite. Je ne parle pas nécessairement de films « de droite » (il y en a peu qui peuvent être classés comme tels à 100 %), mais de films qui ont une valeur historique, intellectuelle et esthétique pour la pensée de droite. Ce projet s'est transformé en une sorte de projet gigantesque, car je me suis retrouvé avec environ 200 films que je voulais inclure. J'aimerais également ajouter quelques réflexions générales sur la question et la politique de la censure, la responsabilité de l'artiste, les tensions et les points communs entre l'art et l'idéologie, les bons et les mauvais côtés de la culture de masse (je pense qu'il y a des bons côtés), et le présent et l'avenir du visionnage de films à une époque entièrement numérique où le cinéma classique, du moins tel que je le conçois, est en train de mourir.

J'ai un livre plus ancien à mon actif, qui était en fait mon tout premier ouvrage, et que je considère toujours comme un bon travail (il appartient à d'autres de décider à quel point), intitulé « Besetztes Gelände » (« Territoire occupé », 2010), et qui est essentiellement un essai long mais tendu et poignant sur la représentation cinématographique de l'histoire, avec un accent particulier sur la Seconde Guerre mondiale et le rôle de l'Allemagne.

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Toutefois, à mon humble avis, mon livre le plus « important » et le plus ambitieux est « Kann nur ein Gott uns retten ? » (« Seul un Dieu peut-il nous sauver ? »). Il s'agit d'une méditation très profonde, forte de 400 pages, sur la nature de la religion et sa relation avec la politique (pour le dire de manière un peu simpliste), d'un point de vue (principalement) catholique ou plutôt (si j'ose dire) « catholicisant » (j'étais très influencé à l'époque par des auteurs comme Charles Péguy et Georges Bernanos). Néanmoins, je ne me considère pas comme un « vrai » catholique et je reste un « chercheur » plutôt qu'un « croyant ». Quoi qu'il en soit, j'ai mis toute ma vie et tout mon cœur dans cet écrit, et il s'agit avant tout d'une confession assez personnelle, même si j'ai essayé de la dissimuler autant que possible. Aussi, si un traducteur était intéressé, j'apprécierais beaucoup, car je ne pense pas avoir été capable d'aller au-delà de cet écrit.

- Legatum Publishing publiera prochainement une traduction anglaise de votre livre Ethnopluralismus (« Ethnopluralisme »). Pouvez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet et sur sa pertinence ? Pourquoi le livre et l'idée d'ethnopluralisme sont-ils importants ? J'ai également une question plus complexe, et peut-être plus provocante, à propos de l'ethnopluralisme. Pour autant que je sache, c'est feu le sociologue et historien Henning Eichberg qui a commencé à utiliser ce terme, qui est rapidement devenu un concept important pour la Nouvelle Droite. Comment se fait-il alors que, selon le site web d'Antaios, vous soyez le « premier à présenter un compte rendu complet de ce concept, de ses possibilités et de ses interprétations erronées » ?

61Uq0Pcl2AL._AC_UF350,350_QL50_.jpgIl s'agit d'un malentendu. « Introduire » le concept ne signifie pas que je l'ai inventé, ni que j'ai inventé le terme « ethnopluralisme », qui a été forgé par Henning Eichberg en 1973 (dans un contexte anti-eurocentrique, anti-colonialiste, plutôt « de gauche »). Le point de mon livre est que l'« ethnopluralisme », comme l'« universalisme », est pluriel. Je veux dire par là qu'il n'y a jamais eu une seule théorie ou un seul principe contraignant portant ce nom, mais plutôt différentes « versions » qui ne sont pas nécessairement désignées par ce terme. Mon livre est le premier à fournir une vue d'ensemble critique des théories ethnopluralistes, de leur contexte historique, de leurs éléments centraux et de leurs « prédécesseurs » intellectuels et conceptuels. Ma formule est la suivante : « J'appelle ethnopluralisme tout concept qui défend le nationalisme et l'ethnicité en général comme un bien inhérent ». En tant que position politique, c'est une position que la plupart des nationalistes modernes acceptent aujourd'hui comme principe selon lequel tous les peuples du monde sont considérés comme ayant le « droit » à l'auto-préservation et à l'autodétermination pour défendre leur identité ethnoculturelle contre les excès universalistes et l'uniformisation, communément appelés aujourd'hui « globalisme ».

Cette conception prétend avoir surmonté le chauvinisme et le « racisme » de la « vieille droite », qui considérait souvent les autres nations et races comme « inférieures » et donc comme des objets légitimes de conquête, d'asservissement et de colonisation. Au lieu de cela, les autres nations et races sont considérées comme « différentes », sans aucun jugement de valeur, dans une sorte de « relativisme culturel ». Il s'agit d'un nationalisme « défensif » plutôt qu'agressif et envahissant. Il s'agit d'un concept de « vivre et laisser vivre », confronté à une menace historique perçue par toutes les nations et ethnies du monde : un idéal utopique de « monde unique », le rêve de certains, le cauchemar d'autres, dans lequel toute l'humanité est unie sous un seul gouvernement mondial, surmontant toutes les barrières ethniques, raciales et même, de nos jours, de « genre ». Comme l'a dit Alain de Benosit : « Je ne me bats pas contre l'identité des autres, mais contre un système qui détruit toutes les identités ». Guillaume Faye parle, lui, d'un « système qui tue les peuples » et voit dans l'abolition des identités nationales l'aboutissement, la finalité du libéralisme. Ce déracinement ethnique peut prendre plusieurs formes, et l'on peut affirmer - au moins dans une certaine mesure - que la société technologique elle-même conduit inévitablement à la désintégration de la nation et de l'identité ethnoculturelle.

Dans le monde occidental, la manière la plus directe et la plus dangereuse de briser les nations est la politique d'immigration de masse, que Renaud Camus appelle « le grand remplacement ». La position ethnopluraliste, au contraire, souligne que le droit à la patrie et le droit à l'autodétermination doivent prévaloir dans les deux sens: nous, Occidentaux, ne chercherons pas à recoloniser le Sud, mais nous refuserons aussi d'importer le Sud dans notre propre pays.

Cependant, les idées ethnopluralistes n'avaient initialement rien à voir avec la prévention de l'immigration de masse (même dans les années 1970, lorsque Eichberg a développé son concept). Elles remontent au philosophe romantique allemand - et plutôt apolitique - Herder, qui, dès le XVIIIe siècle, était un représentant du mouvement romantique allemand. À la fin du XVIIIe siècle, Herder, philosophe allemand, considérait que la « Volksseele » (« l'âme du peuple », terme qu'il utilisait plutôt que le « Volksgeist », plus familier et plus hégélien) était menacée par l'essor de l'ère industrielle et les idées des Lumières universelles. Au cours du siècle suivant, Herder est devenu le parrain du particularisme et du nationalisme, en concurrence avec les autres grands courants idéologiques de l'époque, le libéralisme/capitalisme et le socialisme/communisme. Même dans ces grandes lignes, il est clair que j'ai une histoire assez longue et compliquée à raconter, et ce n'est que dans les derniers chapitres que j'aborde la Nouvelle Droite française et la Neue Rechte allemande.

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Dans mon livre, je ne parle pas seulement de Herder et de Hegel, mais aussi de la critique païenne et polythéiste du christianisme (qui remonte à l'Antiquité), des « peintures monumentales » de l'histoire mondiale de Gobineau, Spengler et Rosenberg, qui cherchaient à proposer des théories du déclin et de la chute ; les idées de Julius Evola sur la « race intellectuelle » ; la vision de Renan sur la nation ; ou les théories proto-ethnopluralistes et culturalo-relativistes de Franz Boas et Ludwig Ferdinand Clauss. Ce dernier, d'ailleurs, était un théoricien de la race plutôt hétérodoxe qui travaillait dans le cadre du système national-socialiste. J'ai trouvé un certain nombre de parallèles et de chevauchements surprenants entre les deux, que personne, à ma connaissance, n'avait remarqués auparavant. L'une des figures de proue de mon livre est l'ethnologue Claude Lévi-Strauss - un autre penseur qui n'a jamais utilisé cette définition - qui est peut-être le théoricien le plus important de l'« ethnopluralisme » de l'après-Seconde Guerre mondiale. Le cadre que j'utilise pour contextualiser le terme est emprunté au sociologue allemand Rolf Peter Sieferle, qui a écrit des livres qui ont fait date et qui éclairent l'émergence du monde moderne comme peu ont pu le faire.

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Ce n'est que dans le dernier chapitre que j'exprime mes propres opinions, qui sont très différenciées. Je ne considère pas l'ethnopluralisme comme un concept philosophique vraiment durable et détaillé, et son utilité politique est assez limitée. En revanche, je le considère comme une « idée régulatrice » ayant une valeur essentiellement éthique.

En bref, c'est ce que je pourrais développer ici plus longuement, mais qui peut être mieux compris à partir de mon livre. La version anglaise comportera des mises à jour du texte, des ajouts et des chapitres supplémentaires. En fait, je pense qu'il s'agit d'un sujet qui, à première vue, semble simple, mais qui, en réalité, est très profond. Mon livre tente de donner un aperçu de cette « famille » d'idées et de ses opposants.

- Dans l'ensemble, que pensez-vous de Viktor Orbán en tant qu'homme politique ?

- Je ne peux pas aller trop loin dans ce domaine parce que je ne le connais pas assez bien, mais vous serez peut-être surpris d'apprendre que pour nous, identitaires d'Europe occidentale, Orbán - malgré ses nombreux défauts, il est vrai - est plutôt un modèle que nous admirons et que nous espérons suivre. La situation politique et métapolitique en Hongrie semble bien meilleure qu'ici. C'est un objectif que nous nous efforçons d'atteindre. D'un autre côté, contrairement à la Hongrie, nous sommes déjà confrontés au problème que notre pays est gravement endommagé par l'immigration de masse et une situation démographique défavorable. Je devrais demander à des Hongrois comme vous ce qui, selon vous, ne va pas avec Orbán et ses initiatives politiques.

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- Que signifie l'Europe centrale en tant que région ou en tant que base d'identité, en tant que strate d'identité, pour la Neue Rechte et/ou pour votre vision personnelle du monde ?

- Je ne peux parler que de ma vision personnelle du monde, et elle est plus sentimentale ou esthétique que purement politique. Il fut un temps où j'espérais que l'Autriche pourrait rejoindre une sorte de bloc de Visegrád « populiste » qui s'opposerait aux politiques mondialistes de l'Union européenne et de la République fédérale d'Allemagne. Cela aurait été, en substance, une sorte de « redémarrage » politique de l'espace autrefois dominé par l'empire des Habsbourg, que je tiens en très haute estime. Aujourd'hui, je crains que cela ne se produise jamais.

Personnellement, même si je me considère comme étant plutôt abstraitement ou historiquement « allemand », mon identité immédiate n'est pas vraiment « teutonne », mais plutôt distinctement autrichienne, avec des sympathies pour l'Est européen. Si je regarde mon arbre généalogique et les noms qui y figurent, je suis en fait un « bâtard de l'empire des Habsbourg », avec des ancêtres (semble-t-il) hongrois, slovènes et tchèques. Pourtant, aussi loin que je puisse remonter, les différentes branches de ma famille sont restées à peu près dans la même zone géographique, ont parlé allemand et sont catholiques depuis au moins deux siècles.

- Pourriez-vous nous donner un aperçu des tendances politiques actuelles en Autriche ?

Je peux honnêtement dire que je trouve la politique autrichienne contemporaine plutôt fatigante, ridicule et ennuyeuse et que je vais rarement voter. Le pays est gouverné par l'ÖVP, un parti pseudo-conservateur/de « centre-droit » corrompu et mafieux qui est bien plus nuisible que n'importe lequel de ses « opposants » de gauche (il est actuellement en coalition avec les Verts). Mon dédain pour eux a pris des proportions démesurées pendant la folie des années Cov id, lorsqu'ils ont terrorisé pratiquement tout le pays, ce qui a au moins suscité une résistance saine, patriotique et « populaire » et une méfiance à l'égard des grands médias, qui sont d'horribles putes du pouvoir - je ne veux pas insulter les vraies prostituées en les comparant aux journalistes, car elles sont plus honnêtes et font au moins du bien à la société.

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Le seul choix d'opposition disponible est la FPÖ (« Parti de la liberté »), qui est bien sûr également imparfait, mais qui a au moins un génie au sommet, Herbert Kickl, qui a été vilipendé comme "fou" par les médias il y a deux ans pour s'être opposé par principe aux « confinements » et aux vaccinations obligatoires, mais qui est maintenant - au moins selon les derniers sondages - l'un des hommes politiques les plus populaires d'Autriche. Certains prédisent déjà qu'il sera le prochain chancelier. Je suis plutôt pessimiste à ce sujet et, d'une manière générale, je n'ai guère confiance dans la politique parlementaire, qui ne fait généralement que peu ou pas de différence. Je crains un peu que le Kickl sortant ne déçoive et ne fasse trop de compromis, comme c'est généralement le cas pour tout candidat dont on attend une solution. Je l'admire tellement pour son courage, son intelligence et son honnêteté que j'aimerais qu'il reste « propre », ce qu'il ne peut faire qu'en étant dans l'opposition.

lundi, 27 mai 2024

Le virage conservateur global

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Le virage conservateur global

Alexander Douguine

Source: https://www.geopolitika.ru/article/konservativnyy-povorot

L'entrée en fonction du président Poutine marque une nouvelle étape dans l'histoire de la Russie. Certaines lignes de force des périodes précédentes seront certainement poursuivies. D'autres atteindront un seuil critique. D'autres encore seront renversées. Mais il faut aussi que quelque chose de nouveau apparaisse.

Je voudrais attirer l'attention sur l'aspect idéologique, qui peut devenir un vecteur fondamental du développement futur de la Russie dans le contexte international.

Dans notre confrontation devenue féroce avec l'Occident, qui nous amène au bord d'un conflit nucléaire et d'une Troisième Guerre mondiale, le problème des valeurs devient de plus en plus contrasté. La guerre en Ukraine n'est pas seulement un conflit d'États avec leurs intérêts nationaux tout à fait rationnels, mais un choc de civilisations défendant farouchement leurs systèmes de valeurs.

Aujourd'hui, nous pouvons affirmer avec certitude que la Russie a définitivement misé sur la défense des valeurs traditionnelles, et c'est avec elles qu'elle lie les processus fondamentaux de renforcement de sa propre identité civilisationnelle et de sa souveraineté géopolitique. Il ne s'agit pas simplement d'intérêts différents d'entités distinctes au sein d'une même civilisation - occidentale -, car jusqu'à récemment, il était encore possible d'interpréter le conflit entre la Russie et l'Occident collectif, même si c'était avec un certain décalage. Il est désormais évident que deux systèmes de valeurs sont entrés en collision.

L'Occident collectif moderne est fermement en faveur de ce qui suit :

    - l'individualisme absolu ;

    - le mouvement LGBT* et la politique du genre ;

    - le cosmopolitisme ;

    - la culture de l'annulation (Cancel culture) ;

    - le posthumanisme ;

    - l'immigration sans restriction ;

    - la destruction de toutes les formes d'identité ;

    - la théorie critique de la race (selon laquelle les peuples anciennement opprimés ont tous les droits d'opprimer à leur tour leurs anciens oppresseurs) ;

    - la philosophie relativiste et nihiliste du postmodernisme.

L'Occident censure impitoyablement sa propre histoire, interdit des livres et banni des œuvres d'art, et le Congrès américain s'apprête à supprimer des passages entiers de l'Écriture qui offenseraient certains groupes de personnes pour des raisons ethniques et religieuses. En outre, le développement des technologies numériques et des réseaux neuronaux a mis à l'ordre du jour le transfert de l'initiative de diriger le monde de l'humanité à l'intelligence artificielle - et un certain nombre d'auteurs occidentaux en font déjà l'éloge comme d'un succès incroyable et d'un moment de singularité attendu depuis longtemps.

Face à tout cela, la Russie de Poutine s'oppose explicitement à un ensemble de valeurs très différentes, dont beaucoup sont inscrites dans le décret n° 809 du 9 novembre 2022. La Russie défend fermement:

    - l'identité collective contre l'individualisme ;

    - le patriotisme contre le cosmopolitisme ;

    - la famille saine contre la légalisation des perversions ;

    - la religion contre le nihilisme, le matérialisme et le relativisme ;

    - l'être humain contre les expériences posthumanistes ;

    - l'identité organique contre son érosion;

    - la vérité historique contre la culture de l'annulation (Cancel culture).

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Il y a deux orientations opposées, plus encore, deux idéologies antagonistes, deux systèmes de vision du monde. La Russie choisit la tradition - l'Occident, au contraire, tout ce qui est non-traditionnel et même anti-traditionnel.

Cela fait du conflit en Ukraine, où ces deux civilisations se sont affrontées dans une bataille féroce et décisive, quelque chose de bien plus qu'un simple conflit d'intérêts. Ce conflit est bien là, assurément, mais ce n'est pas l'essentiel. L'essentiel est que deux modèles d'évolution de l'humanité se sont affrontés: la voie libérale, mondialiste et anti-traditionnelle de l'Occident moderne ou la voie alternative, multipolaire et polycentrique, qui préserve les traditions et les valeurs traditionnelles, pour laquelle la Russie se bat.

Il est temps de noter que le monde multipolaire, auquel la Russie a proclamé sa loyauté au cours de la phase précédente du règne de Poutine, n'a de sens que si nous reconnaissons que chaque pôle, chaque civilisation (aujourd'hui clairement représentée dans les BRICS) a droit à sa propre identité, à sa propre tradition, à son propre système de valeurs. La multipolarité prend tout son sens et sa justification si l'on part de la pluralité des cultures existantes et que l'on reconnaît leur droit à préserver leur identité et à se développer sur la base de principes internes. Cela signifie que les pôles du monde multipolaire, contrairement au modèle unipolaire mondialiste, où les valeurs occidentales dominent par défaut en tant que valeurs universelles, suivent plus ou moins la voie tracée par la Russie, mais uniquement en protégeant leurs valeurs traditionnelles, qui sont différentes à chaque fois.

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Nous le voyons clairement dans la Chine moderne. Non seulement elle rejette le mondialisme, le libéralisme et le capitalisme mondial comme des dogmes néfastes, tout en conservant de nombreuses caractéristiques du mode de vie socialiste, mais elle se tourne de plus en plus vers les valeurs éternelles de la culture chinoise, faisant revivre d'une nouvelle manière l'éthique politique et sociale de Confucius, qui a inspiré et ordonné la société chinoise pendant plusieurs millénaires. Ce n'est pas un hasard si l'une des principales théories des relations internationales dans la Chine moderne est l'idée ancienne de Tianxia, où la Chine est considérée comme le centre du système mondial, avec toutes les autres nations entourant l'Empire céleste à la périphérie. La Chine est son propre centre absolu, ouvert au monde, mais gardant strictement sa souveraineté, son unicité et son identité.

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L'Inde moderne (Bharat) évolue dans la même direction, en particulier sous le règne de Narendra Modi. Là encore, elle est dominée par une identité profonde, l'Hindutva, qui fait revivre les fondements de la culture, de la religion, de la philosophie et de l'ordre social védiques anciens.

Le monde islamique rejette encore plus catégoriquement le système de valeurs de l'Occident collectif, qui n'est pas du tout compatible avec les lois, les règles et les attitudes islamiques. Dans ce cas, l'accent est mis sur la tradition.

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Les peuples d'Afrique évoluent dans la même direction en entamant un nouveau cycle de décolonisation - cette fois-ci de la conscience, de la culture et de la façon de penser. De plus en plus de penseurs, d'hommes politiques et de personnalités africaines se tournent vers les racines de leurs cultures autochtones.

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L'Amérique latine, elle aussi, découvre peu à peu ces nouveaux horizons du traditionalisme, de la religion et des racines culturelles, entrant de plus en plus en conflit direct avec les politiques des États-Unis et de l'Occident collectif. Et la spécificité de l'Amérique latine est que, pendant longtemps, la lutte anticoloniale a été principalement menée sous des slogans de gauche. Aujourd'hui, la situation est en train de changer : la gauche découvre les origines traditionnelles et conservatrices de sa lutte (par exemple, dans la « théologie de la libération » dominée par les catholiques) et un front anticolonial conservateur se développe (par exemple, la « théologie des peuples »).

Mais jusqu'à présent, aucune des civilisations orientées vers la multipolarité et préférant la tradition n'est entrée en conflit armé direct avec l'Occident, à l'exception de la Russie. Beaucoup hésitent, attendant le dénouement de cette confrontation dramatique. Et bien que la majorité de l'humanité rejette potentiellement l'hégémonie de l'Occident et ses systèmes de valeurs, personne, à part nous, n'est prêt à entrer en conflit direct avec lui.

Cela donne à la Russie une chance unique de prendre la tête du virage conservateur mondial. Le moment est venu de déclarer directement que la Russie est en guerre contre la prétention de la civilisation occidentale à l'universalité de ses valeurs et qu'elle défend entièrement la tradition, à la fois la sienne (le folklore russe, le pouvoir orthodoxe) et celle de tous les autres. Après tout, dans le cas du triomphe du mondialisme et de la préservation de l'hégémonie occidentale, ils sont également menacés d'une destruction imminente.

Toutes les civilisations du monde sont conservatrices, c'est en cela que réside leur identité. Et elles en sont de plus en plus conscientes. Seul l'Occident postmoderne a décidé de rompre radicalement avec ses racines chrétiennes classiques et a commencé à construire une culture de la dégénérescence, de la perversion, de la pathologie et du remplacement technique des personnes par des technorganes posthumains (de l'IA aux cyborgs, en passant par les chimères et les produits du génie génétique). Et en Occident même, une partie importante de la société rejette cette voie et s'oppose de plus en plus à l'orientation des élites libérales postmodernes au pouvoir vers l'abolition finale de l'identité culturelle et historique des sociétés occidentales elles-mêmes.

Dans son nouveau mandat de président, il serait tout à fait logique que Poutine proclame la défense de la tradition - en Russie et dans le monde entier, y compris en Occident - comme sa principale mission idéologique. Vladimir Poutine est déjà le plus grand leader aux yeux de toute l'humanité, jouant ce rôle, résistant héroïquement à l'hégémonie occidentale. Il est grand temps d'annoncer la mission mondiale de la Russie pour protéger les civilisations et leurs valeurs traditionnelles. Cessez de jouer le jeu de l'Occident et d'utiliser ses stratégies, ses termes, ses protocoles et ses critères. La souveraineté civilisationnelle consiste en ce que chaque nation a le plein droit d'accepter et de rejeter toute directive extérieure, de se développer à sa manière, indépendamment du fait que quelqu'un de l'extérieur puisse en être mécontent.

Ainsi, récemment, le 7 mai, le journal britannique Mirror a déclaré que neuf mots du discours d'investiture du président Poutine constituaient « une terrible menace pour l'Occident ». Ces mots étaient les suivants : « La Russie elle-même, et elle seule, déterminera son propre destin ». En d'autres termes, toute allusion à la souveraineté est perçue par l'Occident comme une déclaration de guerre à son encontre. La Russie l'a fait et est prête à soutenir quiconque défendra sa souveraineté avec autant de force qu'elle.

Bien sûr, chaque civilisation a ses propres valeurs traditionnelles. Mais aujourd'hui, elles sont toutes attaquées par une civilisation agressive, intolérante, trompeuse et pervertie, qui mène une guerre sans merci contre toute tradition - contre la tradition en tant que telle. Dans une telle situation, la Russie de Poutine peut ouvertement se déclarer porteuse d'une mission inverse : devenir le défenseur de la tradition et de la norme, de la continuité et de l'identité.

Auparavant, au 20ème siècle, l'influence de la Russie dans le monde reposait principalement sur le mouvement de gauche. Mais aujourd'hui, ce mouvement s'est progressivement effacé, soit absorbé par le libéralisme, soit épuisé par lui-même (à quelques exceptions près, et le plus souvent en alliance avec des tendances conservatrices anticoloniales). Il faut désormais parier sur les conservateurs, partisans de l'identité civilisationnelle. C'est ainsi qu'est né un nouveau slogan : traditionalistes de tous les pays, unissez-vous !

Et nous ne devrions pas être gênés, honteux ou le cacher. Plus nous nous engagerons avec confiance dans cette voie, plus notre influence dans le monde augmentera rapidement et sûrement. Si nous avons choisi de nous concentrer sur la multipolarité, nous devons être cohérents.

Tout le monde voit déjà en Poutine le personnage clé du renouveau conservateur. Il est temps de le proclamer ouvertement. Les critiques de l'Occident ne peuvent en aucun cas être évitées, mais les facteurs décisifs dans les relations avec l'Occident sont désormais différents. Et nos alliés - actuels et potentiels - commenceront à soutenir la Russie avec une vigueur renouvelée. Après tout, nos buts et objectifs de grande envergure leur apparaîtront désormais clairement. Ils nous feront confiance et commenceront à construire avec nous un monde juste et équilibré dans l'intérêt de l'humanité tout entière, sans méfiance ni hésitation.

* Organisation extrémiste interdite en Russie.

vendredi, 17 mai 2024

Alexandre Douguine: "Nous avons perdu l'Occident, mais nous avons découvert « le reste »"

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Nous avons perdu l'Occident, mais nous avons découvert « le reste »

Alexandre Douguine

Source: https://www.globaltimes.cn/page/202405/1312443.shtml?fbclid=IwZXh0bgNhZW0CMTAAAR0ffx0OreGKYPtut4jBPJH9zSlaJYX0UyMRC0Kr-x6nLa4vD0WyShqLZTU_aem_AatyfKceoirUhiqHOGccOdhAQiRfdnWrL5iGVH3JHREB1-xH5dDb4moZEve_jQMF31w9-KD0i2NSQhoxaay5OBn5

Note de l'éditeur :

Le philosophe et analyste politique russe Alexandre Douguine, que certains médias occidentaux appellent le « cerveau de Poutine », est l'un des universitaires les plus controversés de Russie. Il a rejoint les plateformes de médias sociaux chinoises telles que Sina Weibo et Bilibili, afin d'approfondir la communication avec les internautes et les universitaires chinois.

Avant l'annonce de la visite d'État du président russe Vladimir Poutine en Chine, le journaliste du Global Times (GT) Yang Sheng a eu un entretien exclusif avec Douguine à Moscou, où il a fait part de son point de vue sur les relations entre la Chine et la Russie et répondu à certains commentaires acerbes et critiques formulés par des net-citoyens chinois sur ses opinions. 

Certaines questions et réponses ont été éditées pour des raisons de concision et de clarté.

GT : Comment prévoyez-vous l'issue de la visite d'État du président Poutine en Chine et l'avenir des relations entre la Chine et la Russie ?

Douguine : En diplomatie, beaucoup de choses ont une signification symbolique. C'est la première visite à l'étranger de Poutine après sa réélection et son investiture. Cette visite n'est cependant pas unique. Il y a quelque chose de plus derrière - la volonté de créer un monde multipolaire.

La Chine ne fait pas seulement partie du système capitaliste, libéral, économique et politique occidental, mais aussi, et d'une certaine manière, elle en est déjà sortie. La Chine y participe, elle y est liée, mais c'est un pôle totalement indépendant, un État souverain et civilisationnel. Il ne fait donc aucun doute que la Chine représente un pôle souverain et un pilier de l'ordre mondial multipolaire.

L'autre pilier est la Russie. Lorsque ces deux piliers d'un monde multipolaire se rencontrent et communiquent, c'est pour montrer la volonté de continuer à construire cette multipolarité avec les deux instances les plus importantes. Le monde d'aujourd'hui n'est plus unipolaire, l'hégémonie de la puissance occidentale est terminée.

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Grâce à cette communication et à cette coopération entre deux pôles ou deux piliers (la Chine et la Russie), d'autres pays et régions veulent également rejoindre le « club multipolaire », comme l'Inde, le monde islamique, l'Afrique et l'Amérique latine.

Cela ne signifie pas que nous construisons ou bâtissons une alliance contre quelqu'un. Si l'Occident accepte la multipolarité, il peut participer à la construction de ce monde multipolaire. Mais si l'Occident continue à s'opposer à l'émergence de cette multipolarité, nous serons obligés de lutter contre cette tentative, non pas contre l'Occident, mais contre l'hégémonie en tant que telle.

Nous avons déjà vu à maintes reprises que lorsque l'Occident déclare qu'il poursuit quelque chose, il présume qu'il existe un « ordre mondial fondé sur des règles ». Mais lorsqu'il y a contradiction entre ces "règles" et leurs intérêts, ils changent tout simplement de position.

Ils ont invité la Chine à entrer dans le marché mondial ouvert, mais lorsque la Chine a commencé à prendre de l'avance, certains pays occidentaux ont commencé à imposer des mesures protectionnistes contre la Chine. Ils changent les règles pour servir leurs propres intérêts, parce que ce sont « leurs règles ».

Ensemble, nous voulons nous défendre contre toute tentative de détruire cette multipolarité ou de maintenir l'hégémonie d'une puissance quelconque dans le monde.

GT : Comment la Russie pourrait-elle surmonter toutes les difficultés et tous les défis auxquels elle a été confrontée au cours des deux dernières années, depuis l'éclatement de la crise ukrainienne en 2022 ? Une série de sanctions a été lancée par le monde occidental contre la Russie, mais l'année dernière nous avons vu que selon les données publiées par le gouvernement russe, l'économie russe a réalisé une croissance du PIB d'environ 3,6% en 2023.

Douguine : Pour répondre à votre question, nous devons étudier les différentes versions du processus de participation et de mondialisation. Vous, les Chinois, avez une expérience très particulière en la matière. Vous êtes entrés dans la mondialisation en tant que pays plus ou moins retardé dans son développement. Pendant et après les réformes, vous avez réussi à utiliser la participation à la mondialisation en votre faveur. Vous en avez tiré tous les avantages et vous avez sauvé et renforcé la souveraineté et le pouvoir du Parti communiste chinois (PCC). Ces éléments ont garanti à votre pays une certaine stabilité.

L'expérience russe de la participation à la mondialisation a été tout à fait différente. Tout d'abord, nous avons perdu l'ordre (stabilisateur). Nous avons perdu notre système de cohésion géopolitique, y compris notre contrôle sur l'Europe de l'Est. Nous avons perdu les pays du Pacte de Varsovie et les avons cédés à l'OTAN. Nous avons accepté les valeurs occidentales, les systèmes occidentaux, le type de constitution occidentale, et nous avons perdu tous les atouts de l'Union soviétique.

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Nous avons également perdu nos industries, notre économie et notre système financier. Nous avons tout perdu dans les années 1990. Il s'agit donc de deux expériences différentes du processus de mondialisation. La Chine a adopté un meilleur style et a réalisé une croissance rapide tout en préservant son indépendance et sa souveraineté. Aujourd'hui, la sagesse de Deng Xiaoping et du PCC, au cours de toutes ces décennies, se manifeste clairement.

Lorsque Poutine est arrivé au pouvoir, il a commencé à restaurer la souveraineté de la Russie étape par étape. La souveraineté a été placée au centre de sa politique. Et lorsque nous avons été coupés de l'économie occidentale mondialiste, nous n'avons rien perdu. Mais nous avons gagné parce que nous avons été obligés de suivre notre propre volonté, même si cela peut nous faire perdre certains intérêts. En même temps, nous n'avons pas été isolés et nous avons redécouvert que nous n'étions pas seuls dans ce monde.

Nous avons de nombreux partenaires, comme la Chine, le monde islamique, l'Inde, etc. Nous avons également découvert qui est prêt à coopérer avec nous. Nous avons découvert que de plus en plus de pays sont intéressés par un partenariat économique avec la Russie. Nous avons découvert les autres remplaçants de l'Occident, comme les pays d'Afrique et d'Amérique latine ; nous avons donc perdu l'Occident, mais nous avons découvert « le reste ».

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GT : Vous avez récemment ouvert des comptes personnels sur certaines plateformes de médias sociaux chinoises telles que Sina Weibo et Bilibili. De nombreux internautes chinois vous suivent pour savoir ce que vous allez dire au public chinois. Pourquoi avez-vous fait cela et lisez-vous les commentaires des internautes chinois ?

Douguine : Tout d'abord, j'ai un grand respect pour la Chine moderne et les traditions chinoises. J'ai écrit un livre intitulé « Le dragon jaune », entièrement consacré à la civilisation chinoise, des origines à nos jours. Aujourd'hui, je vois la gloire de l'esprit, de la culture et de la philosophie de la Chine. C'est le livre d'un amoureux et d'un admirateur de la Chine.

Aujourd'hui, je pense que nous devons développer davantage la base philosophique de l'amitié entre la Chine et la Russie. Les deux pays ne sont pas seulement des partenaires tactiques, mais un alignement entre deux grandes civilisations, et pour promouvoir cela, nous devons mieux nous comprendre.

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Nos sociétés, nos cultures, nos civilisations et nos valeurs traditionnelles sont très différentes. Elles sont divergentes et, sur certains points, convergentes. Afin de promouvoir un dialogue à part entière entre deux civilisations, j'ai décidé d'ouvrir des comptes sur les médias sociaux en Chine et de parler au public chinois, d'ouvrir la discussion. Je ne fais qu'exprimer mon opinion sur ce qui se passe en Russie, sur ce qui se passe dans le monde, sur la façon dont les Russes perçoivent l'importance de la Chine et sur les principes qui devraient être à la base de nos relations futures.

J'ai commencé par un geste très amical et ouvert à la discussion. Mais après cela, une énorme vague de débats a émergé, et pour moi, c'est étonnant et stupéfiant. Je ne m'attendais pas à cela.

Certaines personnes ont commencé à utiliser des fragments de mes opinions antérieures, datant des années 1990, lorsque la Russie vivait dans des conditions totalement différentes. Avant Poutine, le pays était dirigé par « les traîtres à notre civilisation ». Je considérais [à l'époque] que la Chine entrait dans la mondialisation et qu'elle allait perdre sa souveraineté, et qu'elle allait trahir ses valeurs traditionnelles au profit du capitalisme mondial en trahissant ses idées socialistes et communistes.

GT : Dans les années 1990, vous pensiez donc que la Chine serait transformée par la mondialisation, voire qu'elle rejoindrait l'Occident pour devenir une menace pour la Russie. Mais après cela, vous avez changé d'avis parce que la Chine a également changé, et le changement de la Chine vous a surpris, parce que vous ne vous y attendiez pas, et ensuite vous êtes devenu amical envers la Chine et vous soutenez à nouveau l'amitié Chine-Russie. Est-ce exact ?

Douguine : Absolument ! Tout à fait ! Le fait que le changement ait eu lieu il y a environ 25 ans n'est pas nouveau.

Mes opinions ont changé parce que la Chine a changé, le monde a changé, la Russie a changé, la géopolitique a changé. Et il n'est pas correct d'utiliser mes opinions qui sont sorties de leur contexte pour m'attaquer.

J'ai finalement changé d'avis après avoir effectué des visites en Chine dans les années 2000. J'ai rencontré de nombreux intellectuels chinois et nous avons eu des discussions sérieuses et très fructueuses. Aujourd'hui, j'ai une opinion totalement différente, non seulement d'un point de vue théorique, mais aussi parce que je suis très impliqué dans le travail visant à améliorer la vie de la société universitaire chinoise. Plus je connais la Chine, plus je l'admire. 

mercredi, 15 mai 2024

« Pour une critique positive: écrits de lutte pour les militants » : les fondements du militantisme

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« Pour une critique positive: écrits de lutte pour les militants » : les fondements du militantisme

Par Chiara (Blocco Studentesco)

Source: https://www.bloccostudentesco.org/2024/04/29/bs-per-una-critica-positiva-dominique-venner/

Il y a onze ans, Dominique Venner s'est donné la mort dans la cathédrale Notre-Dame, d'une balle dans la bouche.

Ce qui pour beaucoup était un geste égocentrique et mythomane, n'était rien d'autre qu'un acte de révolte contre la fatalité du destin, contre l'individualisme qui détruit les fondements de la civilisation européenne millénaire, contre l'endormissement des consciences.

Comme souvent, ce n'est qu'après la mort de certains intellectuels que l'on se rend compte de la clairvoyance de leurs œuvres : elles prennent presque une fonction d'oracle.

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L'ouvrage « Pour une critique positive - Ecrits par un militant pour des militants » appartient à cette catégorie : il est aux militants politiques ce que la Bible est aux catholiques.

Analysant toutes les expériences révolutionnaires de l'histoire (du fascisme au léninisme), Venner propose une Voie qui va au-delà des illusions démocratiques et capitalistes, au-delà des dogmes progressistes, au-delà des politiques libérales.

Il propose aussi - et surtout - un but : la rédemption de la civilisation européenne, qui sommeille sous tout ce qu'elle critique.

Dans la première partie, il analyse avec une minutie particulière les maladies politiques qui ont conduit à l'échec des militants politiques nationalistes.

Il parle tout d'abord de confusion idéologique : « les “nationaux” s'occupent des symptômes de la maladie et non des causes » ; il les accuse de ne s'attarder que sur la partie visible du problème, sans vraiment analyser les racines dont il est issu. Il est essentiel de tirer des leçons et de s'adapter aux nouvelles conditions de lutte.

Il critique également le conformisme et l'archaïsme : reprenant la pensée d'Adriano Romualdi, il blâme cet ancrage fréquent à des situations passées, totalement inadaptées au monde contemporain : on ne peut pas utiliser des solutions du 20ème siècle pour des problèmes du 21ème siècle.

Il ne se prive pas de critiquer le libéralisme et le marxisme qui, bien qu'ayant emprunté des voies différentes, ont abouti aux mêmes résultats: «l'asservissement des peuples, auparavant trompés par les mythes démocratiques».

Il définit la démocratie comme l'opium du peuple.

Quiconque refuse d'accepter la « castration de masse » est immédiatement taxé de « fasciste » : mettre en doute la sincérité de l'opinion publique, souligner les contradictions du régime sont, pour la plupart, les symptômes d'une rébellion malsaine, qui pourrait conduire à l'écroulement du château de cartes sur lequel leur monde est fondé.

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Souligner que les racines de la civilisation européenne sont encore solidement ancrées dans le sol est un motif de critique et de répression : « Elle exalte l'individualité des forts, le triomphe de la qualité humaine sur la médiocrité. Elle résume à elle seule l'équilibre à établir comme solution aux bouleversements créés par la révolution technologique dans la vie des hommes ».

Dans cette dernière phrase, on voit bien comment la plus grande peur est placée dans l'individualisme : l'objectif des forces libérales et matérialistes est l'anéantissement de l'individu, de l'identité.

Le capitalisme veut un monde d'inadaptés, où personne ne peut s'opposer aux abus de quelques-uns.

Le seul moyen de ne pas se laisser abattre est l'éducation, seul pilier de la rédemption de l'Europe nationaliste: « l'éducation de l'élite vivifiera la vigueur de son caractère, augmentera son esprit de sacrifice, ouvrira son esprit aux disciplines intellectuelles ».

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En outre, l'unité de l'Europe est nécessaire : c'est à cette condition qu'elle aura les moyens de s'imposer face aux dérives de l'uniformisation et du cosmopolitisme. Limiter l'Europe à l'influence latine ou germanique est également problématique car cela reviendrait à vouloir maintenir sa division et à vouloir accroître les hostilités. L'unité ne se fera pas par des accords économiques, mais seulement par l'union des peuples sous la bannière du nationalisme.

Dans la dernière partie de l'ouvrage, il ne manque pas d'affirmer que « le nationaliste n'a pas besoin de sauveurs, mais de militants qui se définissent par rapport à leur doctrine et non par rapport à un homme. Ils ne se battent pas pour un pseudo-sauveur, car le sauveur est en eux ».

Il revient sur l'importance de l'identité et de l'individualisme : nous n'avons pas besoin d'un messie pour nous guider, nous n'avons pas besoin de nous sacrifier pour un homme, mais pour une idée ; c'est l'idée qui doit guider les militants et qui les conduira à la Révolution, à la reconstruction d'une société nouvelle.

Militer, c'est refuser l'aplatissement et la grisaille imposés par la société actuelle, c'est s'efforcer de ne pas sombrer dans la médiocrité et, surtout, c'est être l'exemple, c'est lutter contre la logique de la fatalité.

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L'héritage de Venner, comme il le disait lui-même, est un feu sacré que les militants doivent garder pour qu'il ne s'éteigne pas ; dans son testament, il affirmait : « Alors que tant d'hommes font de leur vie une esclave, mon geste incarne une éthique de la volonté. Je me donne la mort pour réveiller les consciences endormies. Je m'élève contre la fatalité. Je m'élève contre les poisons de l'âme et contre les désirs individuels envahissants qui détruisent nos ancrages identitaires et en particulier la famille, noyau intime de notre civilisation millénaire. »

13:15 Publié dans Nouvelle Droite | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : nouvelle droite, dominique venner, militantisme | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

samedi, 04 mai 2024

Mars et Vénus les deux pôles du monde européen - Entretien avec Clotilde Venner

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Mars et Vénus les deux pôles du monde européen

Entretien avec Clotilde Venner

Robert Steuckers: Dominique Venner a acquis la réputation d'être un écrivain et un historien méditatif pour reprendre son expression, fasciné par la guerre, le combat politique et la chasse. Quelles définitions donnait-il de tout cela ? Et, selon lui, à votre avis, qu'apportent la guerre,  la chasse et le combat politique à l'homme d'exception? Quelle épaisseur lui donnent ces phénomènes ?

Clotilde Venner: Dominique a connu en effet l’expérience de la guerre à l’époque de la guerre d’Algérie, il le raconte très bien dans Le Cœur Rebelle. Comme je le dis souvent, Dominique a eu trois vies qui toutes d’une certaine manière ont été sous le signe du combat: le combat militaire et politique dans sa première vie, le monde des armes et de la chasse dans sa seconde vie; après l’arrêt de la politique, il s’est en effet consacré à l’écriture de livres sur l’histoire des armes, et il écrivait également dans de nombreuses revues de chasse. Sa troisième vie fut consacrée à son œuvre d’historien. Il a publié des ouvrages comme Baltikum, les Blancs et les Rouges, Le Blanc Soleil des vaincus, Le Siècle de 14. La question de la guerre et du combat politique sont en effet omniprésentes dans son œuvre d’historien.

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On peut dire que dans sa jeunesse, il a certainement éprouvé une fascination quasi romantique pour la guerre, pour l’aventure, pour la vie intense qu’elle procure. Mais après l’expérience de la guerre d’Algérie, son état d’esprit a profondément changé. Il n’avait pas de mots assez durs sur les officiers de l’armée française, il conspuait leur lâcheté et leur conformisme politique. Pour revenir sur la question de la guerre, c’est un sujet sur lequel il revenait souvent mais sur un plan quasiment métaphysique. Dominique n’était pas un furieux belliciste, il y a des pages poignantes dans Le Siècle de 14 sur les massacres de la grande guerre. Il comprenait parfaitement le mouvement pacifiste qui avait fait suite aux horreurs de la première guerre mondiale. Toutefois, il me disait que l’une des causes de la décadence européenne ( disparition de la masculinité,  la lâcheté et l’hédonisme généralisés) était que l’horizon de la guerre avait disparu. Une trop longue paix peut avoir un effet émollient sur les esprits et les corps, il écrit  ainsi dans Le Choc de l’histoire, livre d’entretiens que nous avons réalisé ensemble :

« Je percevais aussi qu’il est tonique pour une nation de conserver à ses frontières le défi d’un « désert des Tartares » pour se maintenir alerte et en forme « comme un taon au flanc de Rome » suivant le mot de Scipion parlant de Carthage. » 

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Dominique ne souhaitait pas la guerre, mais il pensait qu’il est nécessaire de se préparer à la guerre comme le préconisaient les Romains, « Si vis pacem, para bellum » pour des raisons évidentes de sécurité mais aussi pour des raisons morales et psychologiques. C’est dans le combat et la préparation au combat que l’homme se dépasse et grandit. Quand un peuple est en guerre ou s’il se prépare à la guerre, il se prémunit d’une forme de décadence. C’est dans les sociétés en paix que des débats sur le transgenrisme peuvent avoir lieu. Ce sont des luxes décadents que ne se permettent pas des nations menacées dans leurs intérêts vitaux.

Dans Le Choc de l’histoire, il évoque une autre manière de cultiver l’esprit guerrier, c’est la pratique des sports à risques comme l’alpinisme, le parachutisme, la plongée sous-marine, la chasse; ces disciplines sportives permettent de développer des qualités de courage que les temps de paix ne favorisent pas : « le besoin de dépaysement, la nostalgie du grand large sont d’autant plus impérieux que l’on vit dans un monde hyper-réglementé, encadré, sécurisé(…) Peut-être aussi est-il nécessaire de se prouver que l’on est peut-être autre chose qu’un bon médecin, un manager heureux, un négociant prospère ou un étudiant plein d’avenir…. Bref, on éprouve l’envie de prendre sa vraie mesure, de se coltiner avec sa propre carcasse, de la soumettre à d’autres épreuves que celles des repas d’affaires et des dîners en ville. »

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RS : Malgré l’image virile accolée à son œuvre, la féminité occupe une place importante dans l'imaginaire de Dominique Venner: que pouvez-vous nous dire sur le rôle des femmes. Quelle place accordait-il à la féminité ?

CV : Dominique était un disciple d’Héraclite, pour lui l’harmonie naît des contraires, donc du masculin et du féminin. « Dans le grand mystère de la vie, peut-on ignorer la division en deux sexes ? Il en est pour la floraison  du monde végétal comme pour celle du monde animal dont les hommes procèdent. C’est ce qu’a dit voici longtemps la Théogonie d’Hésiode et que posa en ses principes Héraclite : « La Nature aime les contraires. C’est avec eux et non avec les semblables qu’elle produit l’harmonie. » (Le Choc de l’histoire).

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On pourrait avoir une vision erronée de sa pensée en l’associant à celles des masculinistes. Ce serait une erreur. Pour répondre de manière imagée, Mars et Vénus ont autant d’importance dans des registres différents l’un de l’autre. Il n’y a pas un dieu qui est supérieur à l’autre, ou en d’autres termes, les valeurs masculines ne sont pas supérieures ou plus importantes que les valeurs féminines. Une communauté exclusivement dominée par les valeurs masculines sombre dans la brutalité et la barbarie et une société exclusivement dominée par des valeurs féminines se délite dans une faiblesse généralisée qui peut amener à son autodestruction. C’est ce que l’on peut voir dans nos sociétés actuelles dominées par « le care, la compassion, la compréhension ». Dominique note de nouveau dans Le Choc de l’histoire :

 « La vie en société repose sur la polarité du masculin et du féminin. Si la part combative relève plus du masculin, une part essentielle de la survie du groupe, de sa perpétuation et de son harmonie relève du féminin. Quand les mâles combattent, travaillent et protègent, les femmes maintiennent, transmettent, reconstruisent et apaisent. »

Il est important de préciser que Dominique s’est penché sur la question du rôle des femmes plutôt à la fin de sa vie. Il consacre de nombreux chapitres à des femmes d’exception dans Histoire et Traditions des Européens, il dresse ainsi des portraits magnifiques de Yolande d’Aragon, Charlotte Corday. Dans La Nouvelle Revue d’histoire, la revue historique qu’il dirigeait, il y avait régulièrement des portraits de grandes figures féminines. On pourrait s’interroger sur cet intérêt tardif. La réponse est simple, ce sont les femmes qui transmettent et qui éduquent. Leur rôle est considérable dans la transmission d’une mémoire, d’une identité. Sans elles, il n’y a pas de tradition vivante. Ce sont dans les gestes de la vie quotidienne que cette mémoire s’incarne. L’histoire des diasporas montre bien le rôle des femmes dans la transmission de la religion et des croyances. A travers la nourriture qu’elles préparent, à travers les souvenirs qu’elles transmettent, à travers une certaine manière de se comporter, c’est toute une identité qu’elles véhiculent. Les habitudes de la vie quotidienne ont une force bien plus grande que tous les grands discours idéologiques. C’est dans l’exemplarité que la transmission de la tradition s’effectue.

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Dans Le Choc de l’histoire, il évoque  également le courage des femmes dans la guerre. Il illustre sa réflexion en brossant le portrait de Scarlett et de Mélanie, les deux héroïnes féminines d’Autant en emporte le vent.

fàbeb.jpgDans Le Samouraï d’Occident, il dresse un portrait magnifique d’une jeune journaliste allemande qui survécut dans le Berlin de 1945, cette dernière avait tenu un journal paru en 2003 sous le titre Une femme à Berlin. A travers l’évocation de ces figures féminines imaginaires ou réelles, Dominique nous montre ce qu’est le courage féminin. Dans les périodes de guerre, de conflits, le courage des hommes consiste à accepter l’horizon de la mort ; en d’autres termes on demande aux hommes d’avoir le courage de mourir alors qu’on demande aux femmes d’avoir le courage de vivre. Et vivre dans un univers détruit demande un immense héroïsme, vertu qu’a eue cette jeune femme allemande. Quand on évoque la guerre de 14-18, on pense à tous ces hommes morts au combat, on admire leur courage, leur sacrifice à juste titre, mais il ne faut pas oublier l’héroïsme des femmes qui toutes seules tenaient leur famille, l’économie à bout de bras et qui ont permis la renaissance du pays après la guerre.

Dans notre époque de déconstruction  des genres, il est important de rappeler l’altérité du masculin et du féminin. Mars n’est pas Vénus, et Vénus n’est pas Mars, mais tous les deux ont autant d’importance. Dans toute son œuvre Dominique donne à voir à travers les portraits d’hommes et de femmes qu’ils dressent, des exemples de virilité et de féminité dont nous pouvons nous inspirer pour traverser les temps troublés et obscurs qui sont les nôtres.

* * *

Clotilde Venner, épouse de Dominique Venner, fut également sa collaboratrice à La Nouvelle Revue d’Histoire. Elle a notamment participé avec lui au livre d’entretien Le choc de l’histoire (Via Romana). Elle vient de publier A la rencontre d’un cœur rebelle (La Nouvelle Librairie) qui est un témoignage sur l’œuvre et le parcours de Dominique Venner.

 

jeudi, 18 avril 2024

Alexandre Douguine: "L'émergence de la multipolarité"

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L'émergence de la multipolarité

Alexandre Douguine

Source: https://www.geopolitika.ru/article/zarozhdayushchayasya-mnogopolyarnost

Entretien d'Alexandre Douguine avec Eren Yeşilürt

Cet entretien d'Alexandre Douguine a été réalisé le 12 février et publié le 18 mars 2024 sous la houlette du journaliste turc Eren Yeşilürt, un soufi proche du traditionalisme et de la philosophie islamique. L'entretien est consacré aux problèmes de la multipolarité et du choc des civilisations. Matériel original : https://erenyesilyurt.com/index.php/2024/03/18/alexander-dugin-rus-ortodokslugu-baskaldiran-bir-guc-olarak-bati-hegemonyasina-karsi-ana-kaynaktir/

Eren Yesilürt : Cela fait longtemps que je pense à réaliser une série d'interviews sur le concept de "révolution conservatrice". Je voulais interviewer des personnes connues dans le monde comme des révolutionnaires conservateurs et rendre compte de leurs réflexions. J'ai voulu commencer par le nom d'Alexandre Douguine. Mon objectif était de comprendre comment le concept de révolution conservatrice a façonné la politique russe, plutôt que de propager et d'approuver les idées qu'il représente.

Q : Aux XIXe et XXe siècles, le concept d'Occident a pris une signification différente. Selon vous, que signifie la notion d'Occident aujourd'hui et a-t-elle un avenir ?

Je pense que le concept d'Occident est le concept d'une civilisation particulière, une civilisation occidentale qui prétendait et prétend toujours être universelle. Donc, le concept d'Occident, c'est le concept d'une sorte d'universalisme, qui est une projection de la culture de la partie occidentale de l'humanité, c'est-à-dire européenne, ouest-européenne et nord-américaine. Ainsi, l'Occident signifie civilisation, mais cette civilisation particulière a toujours prétendu être une civilisation unique, et tout le reste était considéré comme n'étant pas de la civilisation mais de la barbarie, de la sauvagerie... Ainsi, le mot "civilisation" était utilisé au singulier, et l'Occident s'identifiait et s'identifie toujours à l'humanité. Si l'humanité n'est pas assez occidentalisée, elle est sous-humaine. Auparavant, il s'agissait d'un sens purement racial et biologique, aujourd'hui il s'agit d'un sens économique ou culturel.

Tout ce qui coïncide, tout ce qui s'inscrit dans la culture, l'économie et le système politique de l'Occident libéral moderne est considéré comme moderne, progressiste et civilisé... Et tout ce qui ne s'inscrit pas dans ce cadre est considéré comme sous-développé ou comme relevants de "marchés émergents", etc.

Mais cette civilisation occidentale a évidemment ses étapes, ses phases, ses époques. Elle a commencé avec la civilisation chrétienne, catholique, après que le christianisme occidental a été divisé en deux parties, de sorte que les versions catholique et protestante de la civilisation occidentale ont émergé. Ensuite, le capitalisme et la laïcité se sont fondés principalement sur la laïcisation de la civilisation protestante d'Europe du Nord, comme l'a très bien montré Max Weber dans son célèbre ouvrage. Petit à petit, l'Occident a identifié sa culture au libéralisme, à la version anglo-saxonne du libéralisme mondialiste universel.

Donc, si on regarde toutes ces étapes de la civilisation occidentale, il y a quelque chose de commun et quelque chose de différent, parce que le développement de la civilisation occidentale est orienté vers l'absolutisation de l'individualisme. Le libéralisme avait autrefois un sens différent de celui qu'il a aujourd'hui.

Ainsi, le processus de maturation de la pensée libérale, du système libéral et de la civilisation libérale a connu différents moments. En commençant par la compréhension individualiste de la relation entre l'homme et Dieu dans le protestantisme, le premier protestantisme, après la destruction des domaines traditionnels, de l'empire, de la structure sociale du Moyen Âge, les a amenés à des États-nations, ce qui est devenu l'ordre mondial. L'étape suivante a été la destruction, la désintégration des États-nations, utilisés par la même tendance, la même tendance libérale, la tendance réaliste en faveur de la société civile. Et cette société civile a commencé à devenir une société mondiale plutôt qu'un État-nation. Ensuite, il y a eu la victoire de sa version socialiste de la modernité ou la victoire du communisme, du communisme soviétique.

Cette tendance libérale a atteint un point de libération de l'individualité par rapport à l'identité de genre, connu sous le nom de politique de genre. Lorsque le genre et le sexe sont devenus facultatifs, c'est l'étape suivante de la civilisation. Et maintenant, nous sommes au seuil de la dernière étape où cette civilisation libérale mettra fin à l'humanité, parce que l'être humain est une identité collective. Nous approchons de la dernière étape de cette civilisation occidentale. Il y a donc quelque chose en commun : la civilisation occidentale a un universalisme ethnocentrique qui prétend être une civilisation unique et un critère pour tout type de civilisation. C'est aussi le racisme culturel de l'Occident.....

Maintenant que l'Occident s'est identifié au libéralisme, au libéralisme anglo-saxon, nous avons une civilisation mondialiste, une civilisation occidentale qui s'est mondialisée, avec un nouveau programme de destruction des familles traditionnelles et des relations traditionnelles entre les genres, entre les sexes. Et maintenant, la dernière étape est la perte de l'identité humaine. Ainsi, à chaque étape de son développement, l'Occident a signifié différentes choses, mais cela a été son noyau, et nous savons très bien ce que l'Occident appelle lui-même : c'est le progrès, l'idée d'une augmentation progressive des libertés individuelles et l'idéologie des droits de l'homme, le développement progressif, la modernité et la postmodernité.

Mais nous pouvons aussi l'envisager sous un autre angle, celui d'une société traditionnelle. Toute religion traditionnelle définirait immédiatement la civilisation occidentale des derniers siècles comme l'Antéchrist, une civilisation antichrétienne, le royaume de l'Antéchrist... comme Dajjala dans la perspective islamique, comme Kali Yuga dans la perspective hindoue, ou comme une grande maladie aux yeux de la culture chinoise, parce que la culture chinoise est basée sur l'équilibre, et la civilisation occidentale, depuis le tout début, est quelque chose de totalement déséquilibré, un schisme paranoïaque sans aucune harmonie, tellement conflictuel par nature. Ainsi, tout d'abord, nous devons comprendre que l'Occident n'est qu'une des civilisations qui peut poser ses limites, mais nous devons également tenir compte des différentes époques, des différents stades de civilisation, où la notion même d'Occident a changé au fil du temps sur le plan culturel, politique, social, intellectuel, philosophique et ainsi de suite. Il y a donc des différences et une unité.

Il faut donc avant tout redéfinir l'Occident et le replacer dans le cadre des autres civilisations, et nous devons lutter non pas contre l'Occident en tant que tel, mais avant tout contre sa prétention à être quelque chose d'universel, parce qu'il n'est pas universel. Il y a autour de lui des cultures et des civilisations différentes. Et la lutte... cette lutte s'appelle la multipolarité contre l'unipolarité. Mais pour comprendre cela, il faut d'abord comprendre la nature de l'Occident.

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Question : La Russie dispose-t-elle aujourd'hui d'une éthique capable de s'opposer à l'Occident et au "capitalisme satanique" ? D'où peut venir aujourd'hui la proposition éthique et idéologique la plus forte contre l'hégémonie mondiale de l'Occident ? Pour nous (musulmans), l'orthodoxie fait partie de la civilisation occidentale. L'orthodoxie russe peut-elle devenir une force contre-hégémonique en dehors du monde islamique ?

Tout d'abord, nous devons comprendre, comme je l'ai déjà expliqué dans ma réponse à la première question, ce qu'est l'Occident. Nous devons tenir compte, dans une perspective historique, du fait que l'Occident d'aujourd'hui est différent de ce que l'on entendait par Occident, de ce qui était l'Occident à l'origine. Il y a eu une scission entre l'orthodoxie orientale, le christianisme oriental et le christianisme occidental aux neuvième et dixième siècles, et même bien avant Charlemagne, de sorte qu'il y avait déjà une scission. Nous ne pouvons donc pas dire que la Russie fait partie de l'Occident, car l'Occident s'est divisé entre le christianisme oriental et le christianisme occidental. Dès le début de notre civilisation russe, nous, les héritiers de Byzance, avons hérité du christianisme oriental. Il est faux de considérer la Russie comme la voie de l'Occident, car la Russie était un christianisme oriental, différent à bien des égards du christianisme occidental. Ainsi, notre orthodoxie, le christianisme oriental, bien avant la modernité, considérait le christianisme occidental comme une chute pécheresse, une hérésie, une sorte de perversion satanique des enseignements du Christ. Nos différences éthiques avec l'Occident sont donc très, très anciennes, et pas seulement aujourd'hui. Le capitalisme n'est pas la continuation directe de la civilisation occidentale chrétienne, mais c'est un phénomène antichrétien au sein de la civilisation occidentale.

C'était un terme antichrétien, un visage antichrétien de la civilisation occidentale, et nous devons tenir compte du fait que la modernité était laïque, que le capitalisme était antireligieux dès le départ. Le capitalisme ne se fonde que sur la vie terrestre et néglige et rejette toute relation avec la vie éternelle. Ainsi, le capitalisme et le sécularisme ne reconnaissent pas les enseignements du Christ, ils sont antichrétiens au sein de la civilisation occidentale.

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C'est pourquoi nous, Russes, chrétiens, aidons encore aujourd'hui la Russie à faire revivre l'éthique traditionnelle et à opérer un retour conservateur aux racines de notre propre civilisation eurasienne orthodoxe russe, et non à celles de la civilisation occidentale. Cette renaissance de l'éthique de notre identité a deux ou peut-être trois raisons, trois raisons principales de rejeter l'Occident. Tout d'abord, j'ai déjà mentionné la raison pour laquelle l'orthodoxie orientale, le christianisme oriental, est différent et opposé au christianisme occidental depuis le tout début. Toute notre histoire en tant qu'État et en tant que culture s'est construite sur cette différence entre nous et eux. Et c'est la raison pour laquelle de nombreuses batailles et guerres anti-occidentales ont eu lieu dans le passé, dans le passé russe. D'un point de vue éthique, nous disposons donc d'une base solide pour combattre l'Occident et rejeter la civilisation occidentale dès son stade chrétien. Ainsi, parce que nous étions des branches différentes, des branches conflictuelles du christianisme, on a supposé que le christianisme occidental était une hérésie, quelque chose qui n'était pas vraiment chrétien, et c'est la première chose. C'est la base éthique du rejet de tout ce qui est occidental.

Deuxièmement, en revenant à nos racines chrétiennes, nous rejetons radicalement la civilisation occidentale capitaliste, laïque et anti-chrétienne. Être chrétien ou être laïque, laïque, ces positions s'excluent mutuellement. Nous rejetons donc l'Occident en raison de sa nature antireligieuse, antichrétienne et antichrétienne.

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Et troisièmement, notre base éthique est le rejet, le rejet des prétentions de la culture occidentale moderne, postmoderne, laïque, LGBT et transhumaniste à être universelle. Nous avons donc trois raisons et résonances éthiques de rejeter le capitalisme satanique occidental parce que, premièrement, y compris ses origines, il n'était pas orthodoxe, ce qui, à notre avis, est une erreur. Deuxièmement, il était basé sur un rejet du christianisme traditionnel, y compris des valeurs occidentales.

Troisièmement, telle qu'elle se présente aujourd'hui, la civilisation libérale mondiale occidentale LGBT représente le pur royaume de l'Antéchrist. Nous avons donc trois raisons de rejeter la civilisation occidentale, et il est donc totalement erroné de considérer les Russes comme des Occidentaux.

Vous, les musulmans, avez donc tout simplement tort, car vous considérez à tort que l'orthodoxie fait partie de la civilisation occidentale. J'ai expliqué pourquoi ce point de vue est totalement erroné. C'est pourquoi l'orthodoxie russe est une source majeure de pouvoir contre-hégémonique, et je pense que c'est la raison pour laquelle nous combattons l'hégémonie, l'hégémonie occidentale en Ukraine et ailleurs, et le monde islamique n'est pas prêt à aider votre frère musulman à Gaza. Le monde musulman, qui prétend être une puissance anti-occidentale, n'a rien pu faire contre elle....

Aujourd'hui, la véritable force, l'unique force qui lutte contre l'hégémonie américaine, contre le royaume de Dajjal et l'Antéchrist, c'est la Russie orthodoxe, la Russie chrétienne. C'est pourquoi il serait totalement erroné de l'identifier à une partie de la culture et de la civilisation occidentales. Nous sommes une civilisation différente et complètement distincte, qui fait partie du christianisme oriental depuis le tout début et qui est doublée d'une identité mongole et touranienne, qui n'a rien à voir avec l'Occident.

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Q : Comment voyez-vous le paysage géopolitique du monde actuel ? Depuis l'effondrement de l'Union soviétique, certains affirment que le monde est passé de la bipolarité à l'unipolarité. Considérez-vous ce processus comme une transition douloureuse vers un monde multipolaire ?

Je pense que nous avons contribué à créer différents paysages mondiaux au cours des cent dernières années. Par exemple, dans la première moitié du XXe siècle, le monde était tripolaire et reposait sur trois idéologies. Il y avait le camp libéral, la Russie communiste et l'Europe fasciste. Il y avait donc, en quelque sorte, trois mondes polaires. Quelle est la souveraineté d'un État-nation autre que les grands États ? Je dirais l'Union anglo-saxonne, l'Allemagne et la Russie soviétique. Il y avait donc trois pôles.

Après la fin de la Seconde Guerre mondiale, un monde bipolaire a émergé avec deux pôles : le camp communiste et le camp capitaliste. Après l'effondrement de l'Union soviétique, il ne restait plus qu'un monde unipolaire, un moment unipolaire qui a duré jusqu'à aujourd'hui. À certains égards, il existe toujours, car la puissance accumulée par l'Occident est supérieure à celle de son éventuel adversaire virtuel. Néanmoins, nous assistons aujourd'hui à l'affirmation de nouveaux pôles dans le processus de formation d'une alliance contre-hégémonique. Ce n'est pas très clairement et précisément défini, mais c'est l'émergence de la multipolarité.

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Nous pouvons observer cette multipolarité émergente avec deux pôles presque entièrement établis. La Russie lutte contre l'unipolarité, car la lutte en Ukraine est une lutte de la multipolarité contre l'unipolarité. La Russie s'affirme donc comme un pôle, un pôle indépendant du monde multipolaire. Nous constatons que la Chine est entrée en conflit principalement dans la sphère économique avec l'hégémonie économique de l'Occident, qui est un pôle très significatif et très réel. Nous avons une nouvelle version d'un monde tripolaire, mais nous avons aussi l'Inde. L'Inde est désormais le quatrième pôle, presque parfait, presque complet, mais qui affirme de plus en plus son indépendance. Nous avons potentiellement, virtuellement un pôle islamique, mais à moins que l'Islam ne puisse surmonter son hostilité et ses contradictions internes, cette qualité du nouveau pôle pourrait être suspendue. Nous voyons clairement, comme je l'ai dit, qu'il existe dans le monde islamique un pôle chiite radicalement opposé à l'hégémonie mondiale. Et il y a de nombreux problèmes avec le reste du monde islamique. Mais certaines tendances permettent d'espérer que le monde islamique émerge enfin en tant que pôle indépendant dans le contexte de la multipolarité.

Les BRICS, par exemple, peuvent être considérés comme la structure de la multipolarité future. Le fait que non seulement l'Iran, mais aussi les pays sunnites que sont l'Arabie saoudite, les Émirats et l'Égypte aient rejoint les BRICS à Johannesburg est un très bon signe. Mais vous êtes maintenant invités à vous battre pour ces ambitions et la plupart des pays sunnites préfèrent rester en quelque sorte neutres. Je pense que c'est une grande déception pour les vrais musulmans dans le monde, où il y a un moment, un moment pour défendre leur souveraineté, leur dignité religieuse et idéologique. Vous n'êtes pas présents sur le champ de bataille, et je pense que c'est très triste, parce que ce qu'Israël et l'Occident font à Gaza est un véritable crime et un génocide, et vous le regardez sans passion et sans réaction. La polémicité de l'islam, malgré sa revendication religieuse idéologique, est donc désormais discutable. Elle n'est donc pas certifiée, elle n'est pas étayée par des faits.

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L'Afrique essaie aussi de devenir un pôle, et l'Afrique du Sud et l'Éthiopie sont les deux pays BRICS, et l'Afrique de l'Ouest autour du Mali, du Niger, du Burkina Faso, du Gabon, de la République centrafricaine... Ils essaient de construire leur pôle africain indépendant, et c'est une très, très bonne initiative, mais la formation de ce pôle panafricain n'en est qu'à la première étape, au tout début. Il y a aussi l'Amérique latine, un autre pôle suivant. Le Brésil est présent dans les BRICS.

Nous avons donc une sorte de multipolarité naissante dans laquelle certains des pôles - la Russie et la Chine - sont totalement achevés. D'autres le sont à moitié ou presque, comme l'Inde. Le pôle islamique est en cours de formation, tout comme l'Afrique et l'Amérique latine. Il s'agit de la transition vers un monde multipolaire, mais pour y arriver, il faut gagner. Nous ne pouvons pas nous contenter d'attendre que le monde multipolaire arrive, nous devons nous battre pour lui. Sinon, il ne viendra pas. Si vous n'êtes pas le monde musulman, si vous n'êtes pas suffisamment unis, vous ne pouvez pas et ne pourrez pas vaincre la coalition occidentale. Je pense donc que le statut de pôle sera suspendu pour l'Islam. Mais ce processus est inévitable, c'est un processus de guerre.

Q : Nous avons vu l'attitude de l'Occident à l'égard de l'occupation israélienne de la Palestine. Le monde est-il entraîné dans un "choc des civilisations" à la Huntington ? Pensez-vous que cette thèse soit toujours d'actualité ?

Oui, bien sûr. L'occupation israélienne de la Palestine, c'est l'hégémonie de l'Occident. Il s'agit d'un choc des civilisations lorsqu'Israël, une civilisation ou une culture très spécifique, est utilisé dans la géopolitique occidentale et le mondialisme occidental principalement contre l'Islam. Nous présentons donc le choc des civilisations dans la bande de Gaza et au Moyen-Orient comme une guerre entre l'unipolarité, représentée par la civilisation occidentale, et la multipolarité. Mais cette fois, la civilisation islamique est mise à l'épreuve. Elle doit prouver qu'elle est une civilisation, un pôle capable de maintenir son unité, son indépendance et sa souveraineté.

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Je pense donc que nous avons un autre front de choc des civilisations en Ukraine, avec la Russie qui lutte désespérément contre l'Occident. J'ai souligné à plusieurs reprises dans cet entretien l'importance d'inclure d'autres pays islamiques dans la lutte pour relever le défi, car il est impossible d'affirmer le statut de la civilisation dans les circonstances actuelles sans vaincre la partie agressive.

Cette fois-ci, la partie agressive est l'Occident, qui attaque directement les civilisations islamiques et tue des musulmans simplement parce qu'ils sont musulmans. Je pense qu'il est temps de réagir. Le choc des civilisations est donc la bonne thèse. Sans elle, nous ne pourrions pas rêver de multipolarité. Nous devons dépasser cela. Nous devons passer par cette épreuve, ce test, pour créer un meilleur ordre mondial, plus juste, plus équilibré et plus harmonieux. Mais sans une victoire commune sur l'hégémonie, c'est impensable.

Traduit du turc et de l'anglais par Maxim Medovarov

mardi, 02 avril 2024

Alexandre Douguine: Construire l'ère nouvelle

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Construire l'ère nouvelle

Alexandre Douguine

Source: https://www.geopolitika.ru/article/adostroitelstvo-novogo-vremeni

Aujourd'hui, plusieurs plans qui, jusqu'à récemment, étaient indépendants, se rejoignent :

    - La religion, la théologie et surtout l'eschatologie, qui semblaient avoir été bannies à la périphérie depuis longtemps, mais qui pénètrent à nouveau tout, jusqu'à la vie de tous les jours.

    - La géopolitique, où se jouent des types d'ordre mondial fondamentalement incomparables.

    - Les idéologies politiques qui se ré-agencent et donnent naissance à des hybrides interdits (le nazisme-libéralisme, par exemple).

    - Les processus philosophiques, où le déclin extrême contraste avec la finalisation d'intuitions absolues.

    - Le déglaçage des cultures qui se figent dans une extrême vélocité et se fondent dans l'immuabilité.

Toutes les strates se croisent de manière exotique et excentrique, formant des nœuds sémantiques dont le nombre de dimensions est difficile à définir. Tout cela s'effondre dans la guerre et la bacchanale de la technologie, bien que la guerre elle-même soit une métaphysique profonde qui exige une nouvelle pensée, et que la technologie soit un phénomène non moins métaphysique. Tout cela est extrêmement intense et en aucun cas superficiel, non linéaire et à la limite du chaos et de la complexité. Les méthodes conventionnelles ne suffisent pas à démêler un tel enchevêtrement sémantique.

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De plus, le conventionnel est aujourd'hui miné par une suspicion systématique. Toute tentative de construction d'un modèle bute sur des sous-entendus accumulés ou de simples erreurs du passé. Dès lors que l'on remet en cause une théorie naïve (voire carrément fausse) du progrès, on perd confiance dans ce qui est venu après par rapport à ce qui est venu avant. Si une erreur s'est glissée au début, un monstre naîtra à la fin.

Quand les choses ont-elles mal tourné ? L'ère des explorations. En dépassant la frontière interdite des colonnes d'Hercule, l'Europe occidentale a commis un acte de transgression irréversible. C'était fatal. La place de l'Atlantide est au fond.

La seule explication généralisable qui couvrirait d'un seul coup tout le territoire des problèmes insolubles est la conclusion qu'il y a cinq cents ans, l'Europe occidentale a commencé à devenir systématiquement folle. Elle est devenue folle, elle a commencé à devenir folle, elle deviendra complètement folle à un moment ou à un autre. Cinq anomalies ont convergé de cette manière.

    - L'athéisme et le matérialisme de l'image scientifique du monde, basés sur le nominalisme et l'idéologie protestante pathologique. Déjà à l'époque, on pouvait conclure que l'Occident entrait dans le régime de l'Antéchrist et que tout ce qui était occidental et moderne en était irrémédiablement marqué.

    - Le faux empire britannique est le début d'un atlantisme hypertrophié. Les Anglo-Saxons incarnent le Léviathan biblique. Dès le 20ème siècle, le relais a été pris par les États-Unis, mais la domination de la civilisation de la mer est d'origine et d'essence anglaises.

    - Le Moyen Âge et son idéologie indo-européenne trifonctionnelle, le catholicisme et l'Empire ont été rejetés et ridiculisés, au profit d'un capitalisme complètement pathologique à tous égards. Sur le plan idéologique, il s'est ensuite transformé en libéralisme (la principale forme de dégénérescence mentale), en nationalisme et en une version renversée qui reconnaît les attitudes de base - le socialisme. Tout mouvement idéologique dans le système du capitalisme est voué au mimétisme et à l'effondrement. Le capitalisme est absolument totalitaire. Comme l'a montré Deleuze, le capitalisme culmine dans la schizophrénie.

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  - La philosophie du New Age s'est divisée (sans crier gare) en une continuation excentrique de la tradition classique et en perversions destructrices solidaires du matérialisme et de l'externalisme de la science. Il en est résulté une confusion systématique, un glissement sémantique des interprétations. La pensée se débattait comme une biche, passant parfois à travers les mailles du filet. Mais personne ne savait vraiment où était la percée et où était l'agonie, et souvent tout semblait strictement à l'envers.

    - La culture a commencé à passer à la civilisation (selon Spengler), se refroidissant, mais non sans excès - de temps en temps, un génie imprévisible voyait l'essence de l'obscurité épaissie et la pénétrait avec une aiguille brillante. Dans l'ensemble, la culture glissait délibérément vers l'enfer.

La Russie s'est soudain trouvée en guerre contre tout cela. Sans le vouloir, sans le comprendre, sans s'y préparer, sans le calculer. Une main invisible a mis la Russie dans la position où elle se trouve aujourd'hui. Et maintenant, contre toute attente, nous allons devoir - institutionnellement ! - répondre à tous les défis de la civilisation de l'Antéchrist.

Y compris le défi de la technologie. Tous les appareils électroniques dont l'Occident a équipé l'humanité se sont révélés être un piège : grâce à eux, un inconnu recueille des informations sur tout le monde afin de régner sans discernement.

Surtout, l'homme cache ses péchés. C'est ce qui intéresse Big Brother. Il les enregistre et les laisse entrer quand c'est nécessaire. La techno-dépendance est l'outil le plus parfait du diable et de sa civilisation. Et nous nous réjouissons de la numérisation - nous aidons le diable à se gouverner lui-même. Mais que sont les océans de péché sinon un champ de folie ?

Le cycle est presque achevé. Seul notre "Opération militaire spéciale", désespérée, s'y oppose. Comment voulez-vous l'interpréter ?

mercredi, 13 mars 2024

Adriano Romualdi et le nationalisme européen

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Adriano Romualdi et le nationalisme européen

Par Chiara (Blocco Studentesco)

Source: https://www.bloccostudentesco.org/2024/03/01/bs-adriano-romualdi-crisi-nazionalismo/ 

"L'infériorité de la droite européenne par rapport aux autres forces politiques s'explique notamment par son incapacité à proposer une alternative en phase avec son temps. Il faut se rendre à l'évidence: les discours, les slogans, les symboles et les leitmotivs de cette droite ont aujourd'hui quelque chose de désuet, de souvent pathétique et parfois de ridicule". Tels sont les premiers mots utilisés par Adriano Romualdi dans son essai "La droite et la crise du nationalisme", des mots qui restent d'actualité 50 ans plus tard. Considéré comme l'un des intellectuels les plus doués de la droite radicale, Romualdi n'hésite pas à critiquer le milieu politique dont il fait partie depuis son plus jeune âge ; dans son essai d'un peu plus de 32 pages, il réussit le tour de force d'analyser les causes de la crise de la droite et du nationalisme italien et, surtout, européen. 

Le problème de l'Europe

Au cœur de tout l'essai se trouve le problème de l'Europe dans un monde divisé entre démocratie libérale et communisme: les petites patries ne peuvent pas entrer en conflit avec les nouveaux géants économiques nés après 1945. Alors que la Première Guerre mondiale - explique-t-il - il y a eu la "révolution du nationalisme" ("dans l'enthousiasme qu'elle a suscité chez les jeunes ; dans la dissolution, face à elle, de l'internationale socialiste ; dans la coutume de la vie en uniforme, qu'elle a répandue et qui est restée, presque comme l'idée de devenir gardienne perpétuelle de la nation, toute la force atteinte par l'idéologie nationale s'est exprimée"), après la Seconde Guerre mondiale, il y a eu une détérioration rapide de cette force, qui a également résulté de la détérioration de la droite européenne face à d'autres forces politiques. Contrairement à ses alliés, l'Italie ne disposait pas d'une approche politique révolutionnaire, d'une mentalité adaptée à une guerre continentale, impériale et idéologique telle qu'elle se déroulait effectivement, elle s'axait plutôt sur des querelles relatives à d'anciennes frontières.

Le nationalisme européen

Ainsi, pour Romualdi, seul un nationalisme européen pouvait et peut encore rivaliser avec les grandes puissances politiques et économiques. Il est bien conscient que le mythe des identités nationales apporté par le romantisme du 19ème siècle, par opposition au mythe cosmopolite des Lumières, a fait son temps : il est désormais obsolète et contre-productif de parler d'un nationalisme visant des nations individuelles. Pour expliquer le pic du déclin des forces de droite, compte tenu de sa formation d'historien, il analyse à la fois le fascisme et le nazisme, critiquant toutefois l'Espagnol Francisco Franco et le Portugais Antonio de Oliveira Salazar : malgré la longévité de leurs gouvernements, ils n'ont pas réussi à radicaliser leurs sociétés respectives, restant un phénomène passager, sans effets durables dans le temps, épousant surtout un autoritarisme de type catholique qui n'a rien à voir avec la révolution mussolinienne, qu'il définit au contraire comme "la réaction instinctive des peuples européens à la perspective d'être réduits en poussière anonyme par les internationales de Moscou, d'Hollywood, de Wall Street...". Une réaction et un phénomène européens, qui ont triomphé pleinement dans les pays - comme l'Italie et l'Allemagne - qui avaient souffert dans leur chair de la gangrène du communisme et des tromperies du wilsonisme, mais présents dans toute l'Europe, de la France à la Scandinavie, de la Roumanie à l'Espagne". Il reconnaît ainsi que le fascisme avait un objectif plus important que Nice et la Savoie : celui d'institutionnaliser le nationalisme, jusqu'à créer une internationale nationaliste capable de s'opposer à l'internationale communiste et à l'internationale américaine. Afin de souligner la nécessité d'une Europe unie sous la bannière du nationalisme, il a également analysé la figure d'Hitler, qui a déclaré dans Mein Kampf que faire la guerre juste pour retrouver les frontières de l'Allemagne d'avant 1914 serait un crime : "À l'époque où la Russie et l'Amérique sont devenues de formidables détenteurs de matières premières, aucune autonomie ou indépendance n'aurait été possible en Europe si le fer de Lorraine et de Norvège, le pétrole de Ploesti et de Bakou, le fer et l'acier de Belgique, la Ruhr, la Bohême, le Donbass et la Haute-Silésie n'avaient pas été entre les mêmes mains". Une nécessité vitale, donc.

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La crise du nationalisme

Pour Romualdi, la crise du nationalisme ne se situe pas en 1945, mais en 1939, lorsqu'il fallait choisir entre les États-Unis, l'Allemagne et la Russie : la neutralité était impossible pour l'Italie étant donné sa position au centre de la Méditerranée, même si elle n'était pas prête militairement et que, comme nous l'avons déjà dit, ses classes dirigeantes ne pouvaient pas en comprendre la portée. Mais aujourd'hui, affirme Romualdi, l'Italie, la France et l'Allemagne ne peuvent plus être grandes en tant qu'États individuels, mais seulement en tant qu'Européens. C'est une invitation à ne pas s'ancrer dans un nationalisme obsolète qui ne serait que contre-productif et qui, au contraire, ne pourra retrouver sa légitimité historique que s'il sait s'adapter aux proportions du monde moderne, avec la mutilation induite par le rideau de fer et dans le rejet de l'impérialisme. Cette tâche ne peut être remplie par la Communauté européenne car la CECA (Communauté européenne du charbon et de l'acier) et la CEE (Communauté économique européenne) manquent de volonté politique : il faut rééduquer les Européens à la vertu politique, que les partisans de Yalta avaient tenté d'effacer. Romualdi reconnaît dans l'anticommunisme un outil fondamental, surtout dans un monde (le sien) dicté par la volonté de Staline, Roosevelt et Churchill.  

Contre l'antifascisme

Critiquant les accords de Yalta, il ne manque pas de critiquer l'antifascisme, dont il donne une définition parfaite : "c'est le renoncement, c'est la lâcheté, c'est l'acceptation molle de la catastrophe de 1945. [...] Cet antifascisme se dressera toujours devant nous lorsqu'il s'agira de trahir et de nier les intérêts de l'Europe". De plus, "la logique de propagande de Yalta, c'est l'antifascisme, c'est-à-dire ce lavage de cerveau permanent que nous imposent le cinéma, la presse et la télévision. Car qu'est-ce que cet antifascisme si ce n'est la tentative permanente d'occulter Yalta, de cacher aux Européens qu'en 1945 ils n'ont pas été "libérés" mais vendus et divisés ? Qu'est-ce que cet antifascisme si ce n'est une tentative de désapprendre aux Européens les vertus morales et militaires qui leur permettront de retrouver leur indépendance ? Qu'est-ce que c'est sinon l'alibi dont les Russes ont besoin pour enchaîner l'Europe de l'Est et les Américains afin de justifier devant l'histoire le marchandage honteux de Yalta ?

A partir de ces dernières phrases, il est possible d'esquisser les bases de son autre essai "Idées pour une culture de droite" dans lequel, en plus d'expliquer ce qu'est la droite et ce que signifie être de droite, il esquisse les bases de l'émergence d'une véritable culture de droite, que même le fascisme n'est pas parvenu à développer. En fait, il le critique parce que, malgré l'intervention ciblée de Mussolini dans le domaine de la culture, il n'a pas réussi à radicaliser la société italienne. Il identifie la naissance des maisons d'édition, l'écriture de nouvelles œuvres, la télévision et la culture comme la base d'une nouvelle droite, qui ne doit plus jamais se laisser enfermer dans les carcans imposés par les corporations socialistes et capitalistes. Il ne fait aucun doute qu'il s'agissait d'un intellectuel novateur et clairvoyant. Aujourd'hui, face à la soumission flagrante de la droite aux internationales communistes et capitalistes, il est essentiel d'étudier et de redécouvrir Romualdi, dont la contribution, 50 ans plus tard, est toujours d'actualité.

"Tous les irrédentismes sont arrivés à maturité. Que ceux qui prétendent enchaîner les jeunes à un nationalisme d'hier et non de demain s'en souviennent".

jeudi, 07 mars 2024

L’œuvre méconnue de Guillaume Faye, le penseur incontournable du système à tuer les peuples

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L’œuvre méconnue de Guillaume Faye, le penseur incontournable du système à tuer les peuples

Source: https://www.breizh-info.com/2024/03/07/230764/loeuvre-meconnue-de-guillaume-faye-le-penseur-incontournable-du-systeme-a-tuer-les-peuples/

Il y a cinq ans aujourd’hui, Guillaume Faye nous quittait. Ce sulfureux, volcanique, flamboyant théoricien de la « Nouvelle Droite » a marqué plusieurs générations de militants et changé la vision du monde de nombre de nos contemporains. Hélas, peut-être pas assez, car une foisonnante œuvre de jeunesse reste encore largement méconnue.

Le but de ces quelques lignes n’est donc pas tant d’évoquer l’homme – haut en couleur ! – mais d’inviter de nouveaux lecteurs à découvrir ses travaux, ô combien éclairants : s’il traite des thèmes les plus importants, dans ses écrits, pas de jargon d’intello, pas de blabla de pseudo-sachants, pas de phrases incompréhensibles où l’on peine à démêler le sujet des trente compléments d’objet, sa lecture est accessible à tous.

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Guillaume Faye lors du colloque du GRECE, à Paris en 1978.

Car Faye, bien que titulaire d’un doctorat en sciences politiques et solidement formé à la culture classique, était à des années lumières de ces ennuyeux rats de bibliothèque qu’il raillait avec piquant (et ces derniers le lui rendaient bien !). Homme aux mille facettes, plurielles comme sa pensée, remarquable dans tout ce qu’il entreprenait, il fut tour à tour essayiste, orateur (exceptionnel !), journaliste traitant de sujets compliqués comme des pires futilités, auteur de nouvelles érotiques et de BD, animateur de radio (le caustique Skyman qui défrayait la chronique sur Skyrock, c’était lui ), organisateur de canulars, excessif et touche-à-tout, on lui prête même un passage dans l’industrie pornographique. (Mais, faute de preuves, il s’agit probablement d’un énième canular.) Mu par une insatiable curiosité, il fréquentait les milieux les plus divers, toujours en quête de débat, d’échange d’idées, aimant à se confronter à toutes les réalités possibles pour en extraire la matière de ses analyses.

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Guillaume Faye, 1982.

Réalité… en voilà un maître-mot ! Elle est à la base de toutes ses réflexions. Fidèle aristotélicien, réitérant qu’ « il faut partir du réel pour changer nos idées et non pas chercher à changer le réel avec nos fantasmes. »

Psychorigides s’abstenir

Présageant qu’une convergence de catastrophes mènera à la fin du monde occidental tel que nous le connaissons, Guillaume Faye théorise l’Archéofuturisme, un mélange de techno-science et de retour aux valeurs ancestrales. L’Archéofuturisme, se veut l’esprit de la post-catastrophe, la philosophie qui devrait sous-tendre le monde de demain. Il prône, entre autres, l’autarcie des grands espaces et sonne le glas de l’égalitarisme vite rattrapé par la réalité. Méritant plus que quelques lignes de description, nous en avions publié un résumé en trois parties (première partie, deuxième et troisième ici: 1: https://www.breizh-info.com/2022/10/27/209857/larcheofutu... , 2: https://www.breizh-info.com/2022/10/29/209873/larcheofutu... et 3: https://www.breizh-info.com/2022/10/30/209878/guillaume-f... ).

« Il ne faut pas être passéiste, ni restaurateur, ni réactionnaire, puisque le passé des quelques derniers siècles a généré la vérole qui nous ronge. Il s’agit de redevenir archaïque et ancestral tout en imaginant un futur qui ne soit plus le prolongement du présent. Contre le modernisme, le futurisme. Contre le passéisme, l’archaïsme. »

Lire Faye, c’est donc en finir avec la réaction incapacitante, avec la nostalgie stérile. Lire Faye, c’est comprendre, posséder les clés, mais dans le but de l’action.

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Guillaume Faye et Jean-Marc Vivenza, historien des avant-gardes futuristes en Italie et en Europe, à l'Université d'été de "Synergies Européennes", Trentin, 1998. 

Dans La colonisation de l’Europe, discours vrai sur l’immigration et l’Islam publié en l’an 2000, il revient sur plusieurs de ses articles traitant de la société multiraciale, datant des années 80. Sa clairvoyance sur les dangers de l’immigration de masse qu’il était alors le seul à aborder dénué de tout politiquement correct reste inégalée. Il n’y dévoile pas seulement les mécanismes de « la colonisation massive de peuplement de la part de peuples africains, maghrébins et asiatiques », mais revient aussi sur « l’ethnomasochisme » et « le Sida mental » qui affligent les peuples européens : l’écroulement de leurs défenses immunitaires, conséquence du lavage de cerveau égalitariste qu’ils subissent depuis des décennies. Un constat implacable et sévère, dont on voit les résultats aujourd’hui.

On citera aussi datant de la même période Avant-guerre: Chronique d’un cataclysme annoncé ; Le coup d’État mondial ; Sexe et dévoiement, un texte décapant où il aborde la famille, la sexualité, l’amour, le féminisme etc. du point de vue archéofuturiste (à lire absolument !) ; Comprendre l’Islam, une analyse sans filtre ni tabou sur la religion (à nouveau) à l’assaut du vieux continent ; La nouvelle question juive, un essai largement incompris (quand il a été lu) et même objet de fausses interviews dont il rétablira la vérité ici: https://web.archive.org/web/20061005035115/http://fr.novo... ; La guerre raciale…

Une œuvre provocante qui vise à susciter le débat, mais extrêmement argumentée : on ne sera pas d’accord avec tout, mais il sera souvent ardu de lui donner tort.

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Faye à l'Université d'été de Synergies Européennes, Lombardie, 2000.

Un penseur incontournable pour comprendre l’Occident contemporain

La première phase de sa production métapolitique, autour des années 1975 -1987 (notamment lorsqu’ il animait le pôle « études et recherches » du GRECE) fut une phase florissante de son œuvre. De nombreux textes ont gardé toute leur pertinence et méritent amplement d’être redécouverts, qui plus est dans le moment historique que nous traversons : l’absurdité d’une société où « On marche sur la tête » est de plus en plus manifeste à nos concitoyens, et les tracteurs qui affluent vers Bruxelles sont le signe qu’ils ont compris que les décisions ne sont plus élaborées dans les capitales mais au sein d’officines apatrides déconnectées du réel. Et c’est là que l’œuvre première de Guillaume Faye gagnerait à être diffusée.

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Guillaume Faye et Robert Steuckers à l'Université d'été de "Synergies Européennes" à Vlotho im Wesergebirge, 2001. 

En 1981, et en une formule géniale, il qualifie le pouvoir de « Système à tuer les peuples ». Dans cet essai absolument visionnaire, il rend limpide le fonctionnement du système techno-économique occidental qui entend transformer le monde en une société planétaire anonyme et uniformisée. Mais sus au complotisme ou aux réductions marxisantes : ce système fonctionne tel un mécanisme, sans chef d’orchestre. Le Système n’a pas besoin des formes usuelles de domination politique, étant économique et technique, il s’autorégule.

« Une civilisation, même mondiale, se fonde toujours sur un passé culturel et vise, plus ou moins, à se perpétuer dans l’avenir. Une civilisation reste humaine. Un système, en revanche, a quelque chose de mécanique et d’intemporel. »

« Le Système, comme chacun de ses rouages, fonctionne sans autre fin que son propre fonctionnement. (…) Le système occidental fait vivre les peuples – ou plus exactement les fait mourir – au rythme de ses autorégulations à court terme. Inutile évidemment de se demander où est passée la notion de destin. Elle n’ est même pas contestée : elle n’existe tout simplement pas. »

Aux décisions des États – spécifiques et adoptées jadis pour la communauté -, se substituent des choix stratégiques pris dans le cadre de réseaux (grandes entreprises privées, organismes bancaires, spéculateurs, officines supranationales). Plus besoin de chefs d’État, des régulateurs suffiront. À mesure que croît la dépolitisation de la société, la spectacularisation de la politique s’intensifie. On comprend aisément l’actualité d’une telle description.

Dans sa « Critique du système occidental », il établit la distinction entre Occident et Europe a un moment où la droite se définissait toute entière occidentaliste par opposition au communisme. Un texte composé il y a 44 ans mais qui n’a pas pris une ride et fut d’inspiration à beaucoup d’autres :

« La civilisation occidentale n’est pas la civilisation européenne. Elle est le fruit monstrueux de la culture européenne, à laquelle elle a emprunté son dynamisme et son esprit d’entreprise, mais à laquelle elle s’oppose fondamentalement, et des idéologies égalitaires issues du monothéisme judéo-chrétien. Elle s’accomplit dans l’Amérique qui, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, lui a donné son impulsion décisive. La composante monothéiste de la civilisation occidentale est d’ailleurs clairement reconnaissable à son projet, identique en substance à celui de la société soviétique : imposer une civilisation universelle fondée sur la domination de l’économie comme classe-de-vie et dépolitiser les peuples au profit d’une “gestion” mondiale. »

La Nouvelle Société de Consommation, Contre l’économisme, L’Occident comme déclin, Le sens de l’histoire, Les héros sont fatigués, Pour en finir avec le nihilisme, Les titans et les dieux, La société du non-travail, Qu’est-ce que la realpolitik, tous les articles sur la technique et l’esprit faustien… plusieurs dizaines de textes et d’entrevues brillantes, directes, claires et atemporelles, qu’il faudrait absolument relire. Tel son Pourquoi nous combattons, paru en 2001 mais qui est en fait une augmentation du Petit lexique du partisan européen qu’il avait rédigé dans les années 80. Ce Manifeste de la résistance européenne, conçu comme un dictionnaire de 177 mots-clés, y répond de façon limpide :

« Nous combattons pour l’héritage de nos ancêtres et pour l’avenir de nos enfants. »

Impuissants sur la scène internationale, sans volonté de se perpétuer, les peuples d’Europe sont sortis de l’histoire. Colonisés culturellement, ils se laissent envahir. Au seuil de cette convergence de catastrophes –  chaos migratoire, ruine économique et financière, effondrement démographique, vide politique, multiplication des conflits armés sur le sol européen… – avoir les idées claires sur les raisons d’un juste combat identitaire, comprendre le monde qui nous entoure et les idéologies qui le portent, former sa pensée, savoir présenter des arguments valides est plus que jamais une nécessité. Lire ou relire Guillaume Faye en fait partie.

***

Nous remercions Robert Steuckers pour sa contribution et la concession de ces photos inédites.

Des articles de Guillaume Faye sont disponibles sur les sites  Euro-synergies (http://euro-synergies.hautetfort.com/ ); Archive EROE (http://www.archiveseroe.eu/ ) ; Guillaume Faye Archives ( https://guillaumefayearchive.wordpress.com/).

Audrey D’Aguanno

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lundi, 26 février 2024

Un vaccin contre la modernité

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Un vaccin contre la modernité

Anastasia Korosteleva

Source: https://www.geopolitika.ru/es/article/una-vacuna-contra-la-modernidad?fbclid=IwAR3PleFttkgGkgC6AaS2Ft9hD_2sWu0oy-nzf2lu2XRz1kD1yriuoBnFB14

Recension de la monographie Postphilosophie. Trois paradigmes dans l'histoire de la pensée par Aleksandr Douguine

"La sagesse, c'est de savoir que tout est un".

- Héraclite

"Qu'est-ce que le singe pour l'homme ? Une dérision ou une honte douloureuse. Et c'est justement ce que l'homme doit être pour le surhomme : une irritation ou une honte douloureuse".

- F. Nietzsche

Le livre Post-Philosophie. Trois paradigmes dans l'histoire de la pensée d'Aleksandr G. Douguine, récemment publié en 2020, est une réimpression d'un ouvrage plus ancien qui a vu le jour en 2009. Ce livre est une série de conférences importantes données par Aleksandr G. Douguine en 2005 à la Faculté de philosophie de l'Université d'État de Moscou où la méthode traditionaliste a été systématiquement exposée. Le livre Postphilosophie vise à fournir aux lecteurs, de manière exhaustive, les clés pour comprendre le processus philosophique dans une perspective historique. Pour ce faire, A. G. Douguine a recours au concept de paradigme en philosophie, en en identifiant au moins trois groupes ou catégories dans l'histoire de la pensée: le paradigme de la tradition (prémoderne), le paradigme de la modernité et le paradigme de la postmodernité. L'objectif de cette classification est de développer un discours cohérent qui permette de comprendre la diversité de l'ensemble du paysage philosophique. En rappelant la maxime d'Héraclite, qui sert d'épigraphe au livre, nous pouvons dire que Douguine utilise les paradigmes comme reflet du Logos. Héraclite voulait signifier que la véritable sagesse consistait à reconnaître l'unité fondamentale et l'interconnexion entre les différents systèmes philosophiques par le biais des catégories. Ainsi, Douguine, au lieu de considérer les processus philosophiques comme des réalités isolées et sans lien entre elles, encourage les lecteurs à rechercher l'unité sous-jacente dans toutes les formes de pensée.

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Dans son livre Postphilosophie, A. G. Douguine tente d'examiner l'histoire des paradigmes de pensée, ovo usque ad mala, sous leurs aspects anthropologiques, ontologiques et épistémologiques, en essayant de mettre en lumière les "post-épiphanies" qui les ont engendrés, une sorte de post-anthropologie, de post-ontologie et de post-gnoséologie. Cela signifie que l'auteur examine les idées qui ont émergé après que les idées traditionalistes ont été critiquées et réinterprétées par la modernité, qui à son tour sera réinterprétée par la postmodernité. Douguine explore le développement et les transformations de ces paradigmes, en proposant une excursion critique des valeurs postmodernes et en citant ses figures de proue pour expliquer le phénomène. Ce faisant, il structure, analyse, synthétise, compare et généralise les idées postmodernes afin de démontrer qu'il s'agit d'un paradigme unifié. En expliquant comment sont les idées postmodernes, Douguine tente de créer un vaccin contre la modernité, un vaccin que nous pouvons trouver en analysant attentivement ces paradigmes. Chaque époque, culture et système de valeurs possède ses propres caractéristiques de ce qu'elle considère comme juste, constituant ainsi les normes d'un temps et d'un lieu particuliers. Chaque époque a ses propres valeurs et "chaque nation parle son propre langage quant au bien et au mal" (1) : par exemple, certaines formes de souffrance sont considérées comme naturelles à une époque, alors qu'à une autre, elles sont considérées comme des pathologies. L'ère de l'intersection et du changement de paradigme, c'est-à-dire le passage du pré-moderne au moderne, puis du moderne au post-moderne, a été une période douloureuse et perplexe dans l'histoire de l'humanité. Souvent, des générations entières ont été entraînées dans ce processus, perdant toute continuité, tout naturel et toute perfection.

Friedrich Nietzsche, "philosophe réfractaire à toute catégorisation", ayant affirmé le caractère nihiliste du monde moderne, a vécu bien avant les autres la catastrophe à venir, ce qui l'a empêché d'être compris par ses contemporains. Aujourd'hui, des milliers de personnes éprouvent le même sentiment que celui qu'il a dû supporter seul. Nous avons probablement un pied dans la postmodernité, mais la modernité continue d'influencer nos vies. Le point de transition où nous nous trouvons aujourd'hui nous permet de mieux comprendre les changements qui se produisent dans tous les domaines de notre vie et il est nécessaire d'étudier la dynamique et l'essence historique de la modernité.

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Si nous considérons la modernité comme un processus de destruction délibérée de la systématicité et du holisme des époques précédentes, le processus de transition dans lequel nous nous trouvons peut être comparé au passage d'un ensemble organisé à un état de décomposition. La modernité a tenté de diviser, de détruire et de désintégrer tous les concepts et structures établis afin de créer un nouvel espace illimité dans lequel elle peut affirmer ses valeurs. Pour expliquer cela, Douguine utilise une métaphore où il parle de la fonte de la glace dans un étang qui se réchauffe: même s'il reste des morceaux de glace flottants, cela n'a pas d'importance, parce qu'en fin de compte la transformation a eu lieu. Au cours des périodes de transition, ces transformations n'ont pas eu lieu de manière définitive et c'est pourquoi nous assistons à ces processus. Nous pouvons dire que ces transformations ont eu lieu à la Renaissance "lorsque le paradigme traditionnel - créationniste et prémoderne - de la société européenne s'est effondré et que la transition vers le monde moderne a eu lieu" (3). Dans les Temps Nouveaux de la modernité, une transition similaire a eu lieu où la "bonne raison" cartésienne, avec son cogito ergo sum, et la "raison pure" kantienne ont été dépassées: "La raison pure correspond à des opérations mathématiques abstraites et ce n'est pas un hasard si c'est la pensée mathématique qui est devenue le paradigme épistémologique de la Modernité" (4). Cela signifie que la philosophie de la "raison pure" et le mécanicisme intrinsèque au rationalisme cartésien sont les fondements du paradigme de la Modernité. La philosophie en tant que discipline indépendante de la religion, telle que nous la connaissons aujourd'hui, est apparue dans la modernité. Descartes et Locke sont les piliers qui ont façonné ce paradigme. Kant a remis en question l'existence du monde extérieur et, plus tard, Nietzsche a prédit la postmodernité avec la mort de Dieu. Les textes de Nietzsche, Jünger et Evola parlent des aspects héroïques de la modernité, y compris du traditionalisme, parce que ce dernier n'a pas complètement rompu avec la tradition. Cependant, la Modernité exclut toute possibilité de retour au traditionalisme, tandis que la postmodernité appelle à la création de rhizomes, de schizons, de sous-systèmes et de domaines de signes où l'on entre dans un monde où l'on ne consomme que des simulacres et des marques dans une post-réalité sans contenu.

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Face à un tel vide spirituel où tous les paradigmes ont été brisés, la figure du sujet radical émerge. Ce processus de changement de paradigme devient intéressant pour nous dans la mesure où le sujet radical est séparé de tout environnement sacral, y compris de la composante anthropologique dans laquelle il existait à l'origine. A. G. Douguine écrit que, pendant l'âge d'or, le sujet radical était indéfinissable parce qu'il était présent partout en tant que "sujet spirituel" derrière lequel il se cachait. Le sujet radical était pratiquement identique à l'âge d'or et ne différait de ce paradigme que par une légère nuance. Après la fin du paradigme de la Tradition et le début du paradigme post-humain de la Modernité, le Sujet radical reste inchangé en tant qu'anima stante et non cadente, étant celui "qui voit le paradigme de l'autre côté" (5) et identique au "surhomme" de Nietzsche dans le contexte de l'effondrement de chaque paradigme. Le sujet radical n'est pas simplement un produit du paradigme actuel, il se trouve de l'autre côté des paradigmes et n'entre dans le schéma d'aucun d'entre eux, nous pourrions dire qu'il est une anomalie. Être indépendant de tous les paradigmes est une propriété fondamentale du sujet radical, de sorte qu'une fois les couvertures extérieures du sacré enlevées, le sujet radical est chargé de conduire les changements de paradigme afin de se révéler au monde après avoir été caché. C'est ainsi que la Postphilosophie de Douguine nous fournit une vaste boîte à outils pour tenter de comprendre la Modernité et nous fournit une "clé" pour comprendre la Postmodernité. C'est ce désir "transitoire" qui conduit les êtres humains à lancer une "flèche du désir" au-delà de tout paradigme, "de l'autre côté". Bien que la post-philosophie nie le paradigme de la modernité, elle ne postule pas un retour à la prémodernité. Il s'agit là d'un aspect essentiel de la postmodernité, car tous les autres aspects du phénomène découlent de cette affirmation et la seule façon de sortir de ce problème est la figure du sujet radical décrite par A. G. Douguine.

Notes :

1 - Ницше Ф., Сочинения в 2-х томах. Т. 2 - М. : Мысль, 1990. 829 с.

2, 3, 4, 5 - Дугин А. Г., Постфилософия. Les deux sont en train de s'entendre sur un projet de loi. - М. : Евразийское Движение, 2009. 744 с.