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mercredi, 11 mai 2011

Sept questions au Président Abdullah Gül

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Andreas MÖLZER :

Sept questions au Président Abdullah Gül

 

A l’occasion de la visite en Autriche du président turc

 

Monsieur le Président,

 

En tant que Chef d’Etat d’un grand pays important, vous nous honorez aujourd’hui, nous les Autrichiens, d’une visite d’Etat. Monsieur le Président Gül, l’Autriche et la Turquie ont derrière elles une histoire complexe, qui a connu des hauts et des bas. Par deux fois, les Turcs ont assiégé Vienne ; ensuite, le Prince Eugène, en menant ses « guerres turques » les a repoussés de manière décisive. Lors de la Première Guerre mondiale, nous étions alliés. Et, pour la première fois depuis des siècles, des centaines de milliers de Turcs arrivent en Autriche pour y travailler et pour y rester à demeure.

 

·         Quelle est votre position, Monsieur le Président, quant à l’intégration de vos compatriotes en Autriche ? Croyez-vous, à l’instar de votre Premier Ministre Erdogan, qu’ils doivent en toute première instance conserver leur identité turque ou, au contraire, pensez-vous qu’il convient, pour tout immigrant, d’accepter la culture dominante du pays hôte ? Et que pensez-vous faire de votre ambassadeur qui a affirmé, en public, que les Autrichiens ne songent qu’à faire subir des discriminations aux immigrés turcs ?

 

·         Et, Monsieur le Président, quelle position tenez-vous quant à l’islam ? Vous avez, de fait, été hissé à la dignité de Président de la République turque par la grâce d’un parti islamiste, ce qui a pour corollaire qu’avec le concours de vos amis politiques, vous procédez à une islamisation de la Turquie créée comme Etat laïque par Kemal Atatürk. Militez-vous aussi pour que l’islam se renforce en Europe ? Et quelle position adoptez-vous quant aux libertés religieuses des chrétiens dans votre pays ? Si de nombreuses nouvelles mosquées, avec minarets, doivent selon vous s’élever sur le sol européen, pourquoi ne pourrait-on pas bâtir de nouvelles églises chrétiennes en Turquie, avec clochers et magnifiques tintements de cloches ?

 

·         A  propos, Monsieur le Président, qu’en est-il des droits de l’homme dans votre pays ? Et quant aux droits de la femme ? Que pourriez-vous bien nous dire à propos des mariages forcés et des assassinats commis au nom de l’ « honneur » familial ? Pourquoi, dans votre beau pays, est-on poursuivi pénalement dès que l’on émet une critique sur la politique turque ?

 

·         Toujours dans le même ordre d’idées, Monsieur le Président, je me vois quelque peu contraint de vous poser la grande question : quelle est donc votre position relative aux droits du peuple kurde ? Ce grand peuple historique voit-il toujours ses droits politiques limités à grande échelle, ainsi que la possibilité de cultiver sa propre langue ?

 

·         Et puisque nous en sommes à parler d’histoire, Monsieur le Président, quelle est votre position quant au génocide qu’ont subi les Arméniens ? Pensez-vous aussi que la moindre allusion à ce génocide constitue une « insulte au peuple turc » ? Et pensez-vous également qu’il faille raser les monuments qui rappellent ces actes inhumains ?

 

·         Finalement, Monsieur le Président, quelle pourrait donc bien être votre position quant à cette République de Chypre-Nord ? Pensez-vous que l’on puisse défendre le fait que des centaines d’églises orthodoxes grecques soient là-bas entièrement dévastées et que l’on brade des icônes et des mosaïques byzantines sur le marché noir des œuvres d’art ? Ne pensez-vous pas que Chypre, en tant qu’Etat de l’Union Européenne, mérite la reconnaissance et le respect que la Turquie lui refuse, surtout que votre pays semble accorder beaucoup de valeur à une adhésion à cette même Union ?

 

·         Et, enfin, Monsieur le Président, que pensez-vous de l’Europe dans son ensemble ? Pensez-vous vraiment que la Turquie, dont 90% du territoire se trouvent sur le continent asiatique, qui est un pays musulman dont les valeurs sont assez éloignées de celles de l’Europe, doive absolument devenir un membre à part entière de l’Union Européenne ?

 

·         Ne pensez-vous pas que, dans une ambiance de respect mutuel, nous ne devrions pas créer plutôt « un partenariat privilégié » ? Un partenariat par lequel les Européens verraient les Turcs comme des alliés, respecteraient leur culture et leur religion, où Turcs et Européens œuvreraient de concert pour la paix, la liberté et le bien-être, où les Turcs resteraient dans leur patrie, ne tenteraient pas d’immigrer au sein même des systèmes sociaux européens (et autrichiens) et ne chercheraient pas à importer graduellement leur religion dans les contrées du Ponant chrétien ?

 

·         Ne pensez-vous pas, cher Président Abdullah Gül, que ce serait là une voie raisonnable qu’il conviendrait d’emprunter ?

 

Andreas MÖLZER, député européen, FPÖ, Autriche.

 

(texte paru dans la revue « zur Zeit », Vienne, n°18/2011 ; http://www.zurzeit.at/ ).  

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