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lundi, 24 septembre 2012

Henry Bauchau a pris la route des rêves

L’écrivain belge Henry Bauchau a pris la route des rêves

Poète, dramaturge, romancier, Henry Bauchau tenait aussi des journaux intimes. Le dernier, paru en 2011 chez Actes Sud, s’intitule «Dialogue avec les montagnes. Journal du Régiment noir (1968-1971)». Paris, 1972 (AFP)

Poète, dramaturge, romancier, Henry Bauchau
tenait aussi des journaux intimes. Le dernier, paru en 2011 chez Actes Sud, s’intitule «Dialogue avec les montagnes. Journal du Régiment noir (1968-1971)». Paris, 1972 (AFP)

L’auteur d’«Œdipe sur la route» et de «L’Enfant bleu» s’est éteint à 99 ans. Il laisse une œuvre marquée par les mythes, l’humain et la psychanalyse

On s’apprêtait à fêter son centenaire et le voilà qui s’en va, à 99 ans, dans son sommeil, quelques mois avant son anniversaire. Henry Bauchau était né le 22 janvier 1913 à Malines. Il s’est éteint dans la nuit de jeudi à vendredi à Paris. Il a vécu en Belgique, en Suisse et en France. «Henry Bauchau a écrit jusqu’à son dernier jour. Il voulait, disait-il «mourir la plume à la main», note Myriam Watthee-Delmotte de l’Université de Louvain, l’une des meilleures spécialistes de Bauchau*.

Il laisse derrière lui une œuvre lumineuse, imperméable aux modes, marquée par son histoire personnelle, par les guerres, par la psychanalyse, impressionnée par la beauté du monde, traversée par les grands textes classiques. Les écrits d’Henry Bauchau portent l’écho des grands mythes, mais ne s’éloignent pas de l’homme d’aujourd’hui.

La reconnaissance sera tardive même si son premier recueil de poèmes, Géologie, publié en 1958 (réédité en 2009 par Gallimard) obtient le Prix Max Jacob. Il faudra attendre 2008 et un septième roman pour qu’il reçoive, en France, le Prix du livre Inter. En Belgique, il patiente jusqu’en 1991, lorsqu’il entre à l’Académie royale de langue et de littérature françaises – l’équivalent de l’Académie française. En 1997, son Antigone (Actes Sud), un succès de librairie, lui vaudra le Prix Rossel, le «Goncourt belge».

Toute sa vie, Henry Bauchau a travaillé. Comme avocat dans les années 1930, il a fait des études de droit en Belgique, tout en militant au sein de la jeunesse catholique. Après la guerre – il sera résistant – il s’installe à Paris. Il entreprend deux psychanalyses. La première, qui dure jusqu’en 1950 sous l’égide de la femme du poète Pierre Jean Jouve, Blanche Reverchon, qu’il dénomme la «Sybille», lui indique la voie de l’écriture. La seconde, de 1965 à 1968, auprès de Conrad Stein, fera de lui un thérapeute.

Mais il faut vivre. La poésie, la peinture et le dessin, qu’il pratique également, ne nourrissent pas. En 1951, il déménage en Suisse et ouvre à Gstaad l’Institut Montesano qui accueille notamment de riches et jeunes Américaines. Il enseigne la littérature et l’histoire de l’art. Il tisse des liens. Rencontre Philippe Jaccottet. Publie des livres aux Editions de l’Aire (La Pierre sans chagrin. Poèmes du Thoronet en 1966 ou Célébration en 1972), chez Pierre Castella (La Dogana. Poèmes vénitiens avec la photographe Henriette Grindat, 1967); il écrit dans la revue Ecriture.

En 1973, l’Institut Montesano ferme. C’est le retour à Paris et le début de ses activités de thérapeute. Il utilise l’expression artistique dans les cures qu’il mène auprès d’adolescents en rupture, puis comme psychanalyste. Il rencontre Lionel Douillet, «l’enfant bleu», un jeune aliéné avec lequel il expérimente les vertus de l’art comme thérapie. Il l’encourage à dessiner, le suit pendant une quinzaine d’années et le mène vers une forme d’épanouissement.

Les romans d’Henry Bauchau portent, tout au long de sa vie, la trace de ses interrogations existentielles. La Déchirure (Gallimard, 1966) rejoue ses relations avec sa mère; Le Régiment noir (1972) explore la vie rêvée de son père. Il puise dans les mythes tout en s’ouvrant sur la poésie, le monde et le trajet personnel de chacun: Œdipe sur la route (1990 chez Actes Sud qui l’édite depuis lors) ouvre un cycle œdipien dont fait partie son Antigone de 1997.

Les années 2000 seront marquées par ses souvenirs de jeunesse et ses expériences thérapeutiques: L’Enfant bleu (2004) retrace les relations d’une thérapeute et de son jeune patient; Le Boulevard périphérique (2008) est un trajet vers la mort où surgissent des souvenirs de guerre; Déluge (2010) raconte une libération par la peinture sur fond d’Arche de Noé; L’Enfant rieur (2011) est le récit d’une jeunesse rêvée. «Je pense, disait-il au site Remue.net à propos de ses textes, que c’est le fait de mon attention à la vie courante et en même temps la préoccupation spirituelle qui fait la qualité de mon œuvre, si jamais elle en a.»

* L’hommage de Myriam Watthee-Delmotte et une foule d’informations sur l’écrivain: bauchau.flter.uclac.be

La Lumière Antigone, livret d’Henry Bauchau, musique de Pierre Bartholomée, est donné ce week-end au Temple allemand à La Chaux-de-Fonds. Rens. www.abc-culture.ch

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