Le gouvernement américain s’est octroyé depuis quelques années le droit d’espionner la vie privée des citoyens étrangers, dont les Européens, en mettant à contribution ses grandes compagnies, Facebook, Google ou Microsoft. Et les autorités européennes ferment les yeux.
C’est ce que dénonçait la version américaine de Slate le 8 janvier dernier, en s’apuyant sur le rapport [en anglais] « Combattre le cybercrime et protéger la vie privée sur le Cloud » du Centre d’études sur les conflits, liberté et sécurité, passé jusqu’alors tout à fait inaperçu.
La mise en place d’une sorte de tribunal secret, dont l’action ne se limite plus aux questions de sécurité nationale ou de terrorisme mais à « toute organisation politique étrangère », inquiète les auteurs de ce rapport remis au Parlement européen fin 2012.
Un risque pour la souveraineté européenne
Ceux-ci dénoncent le « Foreign Intelligence and Surveillance Act » (FISA), qu’ils accusent de « constituer un risque pour la souveraineté européenne sur ses données bien plus grave qu’aucune autre loi étudiée par les législateurs européens ».
La loi FISA avait été introduite au Congrès en 2008 pour légaliser rétroactivement les mises sur écoute sans mandat auxquelles s’était livrée l’administration Bush dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.
Malgré la polémique qu’il suscite encore, l’amendement a été prolongé en décembre dernier jusqu’en 2017, après que le Sénat l’a approuvé à 73 voix contre 23, tout en rejetant les amendements visant à placer des gardes-fous afin de prévenir d’éventuels abus.
Cette législation autorise expressément les agences de renseignement américaines (NSA, CIA…) à mettre sur écoute sans autorisation judiciaire des citoyens américains communiquant avec des étrangers soupçonnés de terrorisme ou d’espionnage.
« Carte blanche » pour espionner
Caspar Bowden, ancien conseiller sur la vie privée à Microsoft Europe et coauteur du rapport, accuse les autorités américaines d’avoir créé un outil de « surveillance de masse », en s’arrogeant le droit d’espionner les données stockées sur les serveurs d’entreprises américaines.
Pour simplifier, un tribunal secret est désormais capable d’émettre un mandat, secret lui aussi, obligeant les entreprises américaines (Facebook, Microsoft, Google…) à livrer aux agences de renseignement américaines les données privées d’utilisateurs étrangers.
Cette législation se démarquerait des autres en ne se limitant pas aux questions de sécurité nationale et de terrorisme, mais en l’élargissant à toute organisation politique étrangère ; une véritable « carte blanche pour tout ce qui sert les intérêts de la politique étrangère américaine » selon Bowden.
Cela pourrait inclure également la surveillance de journalistes, activistes et hommes politiques européens impliqués dans des sujets intéressant l’administration américaine.
L’inaction des responsables européens
Les auteurs soulignent l’inertie des responsables européens, qu’il trouve « choquante ». Une inquiétude que partage Sophia in ’t Veld, vice-présidente du Comité sur les libertés civiles, justice et affaires intérieures au Parlement européen, dont les propos sont rapportés par Slate :
« Il est très clair que la Commission européenne ferme les yeux. Les gouvernements nationaux font de même, en partie parce qu’ils ne saisissent pas l’enjeu, et en partie parce qu’ils sont effrayés à l’idée d’affronter les autorités américaines. »
Le renouvellement de la loi FISA et la publication de l’étude pourraient bien forcer les autorités européennes et nationales à se saisir de la question et à agir en conséquence. C’est en tout cas ce qu’espèrent les auteurs du rapport.
Lire également : Tout voir, tout entendre : les espions en rêvaient, les Etats-Unis l’ont presque fait
Les commentaires sont fermés.