31/05/2016 (Breizh-info.com) –Les éditions Desclée de Brouwer ont publié au début du mois de mai 2016 un ouvrage de Jean-Louis Harouel intitulé « Les droits de l’homme contre le peuple ». Un ouvrage percutant de 140 pages qui démonte l’idéologie des droits de l’homme, cette nouvelle religion que Guillaume Faye avait déjà dénoncée en son temps (...).
Agrégé de droit, diplômé de Sciences-Po Paris, diplômé en droit canonique de l’École pratique des hautes études, Jean-Louis Harouel est professeur émérite de l’Université Panthéon-Assas / Paris II. Outre de nombreux ouvrages d’histoire du droit, il a publié toute une série d’essais. En 1984, Essai sur l’inégalité (PUF), où il faisait le bilan historique des inégalités économiques et sociales, en montrant le caractère destructeur de l’égalitarisme.
En 1994, Culture et contre-cultures (PUF, 3e édition 2002), il analysait la déculturation de nos sociétés, en montrant que l’idéologie égalitariste marxisante d’un Bourdieu et les effets de la technique moderne avaient une action convergente de destruction de la culture.
En 2005, Productivité et richesse des nations (Gallimard), une anthologie de la pensée économique de Jean Fourastié, avec une présentation de 200 pages en forme d’essai qui a été publiée séparément en italien (Le cause de la ricchezza delle nazioni, Marco Editore, Lungro di Cosenza, 2007).
En 2009, La grande falsification. L’art contemporain, chez Jean-Cyrille Godefroy, réédité avec une postface en 2015 : une démystification très solidement argumentée de ce qu’il appelle le NAC (non-art contemporain).
En 2012, Le vrai génie du christianisme. Laïcité-liberté-développement, toujours chez J.-C. Godefroy, où Jean-Louis Harouel s’emploie à montrer que la disjonction du politique et du religieux introduite par le christianisme (et que refuse l’islam) est à l’origine du succès historique de l’Occident (et que nous retombons avec les droits de l’homme dans une confusion du politique et du religieux). Puis, en 2014 chez le même éditeur, Revenir à la nation.
Enfin, chez Desclée de Brouwer en 2016, Les droits de l’homme contre le peuple, livre à propos duquel nous l’avons interrogé :
Breizh-info.com : Les droits de l’homme apparaissent aujourd’hui comme une véritable religion qui a pris la suite du catholicisme en France. Sommes nous dans une nouvelle période d’Inquisition ?
Jean-Louis Harouel : Effectivement, la religion des droits de l’homme a très largement occupé le vide creusé dans la seconde moitié du XXe siècle par l’effondrement de la pratique religieuse non seulement catholique mais plus généralement chrétienne, car le protestantisme n’est pas dans une meilleure posture (mises à part les églises évangéliques). Mais l’immense expansion actuelle des droits de l’homme en Europe vient aussi de ce qu’ils ont également occupé un autre vide : celui creusé par l’implosion du communisme. Car les droits de l’homme ont pris la place du communisme comme utopie devant conduire l’humanité vers la terre promise de l’avenir radieux.
Dès lors rien d’étonnant si la religion séculière des droits de l’homme s’est dotée d’une police religieuse de la pensée qui n’est effectivement pas sans évoquer la vieille Inquisition catholique et surtout les modernes Inquisitions des régimes totalitaires du XXe siècle, au service des religions séculières interdisant toute pensée libre que furent le nazisme et le communisme. Nous sommes revenus dans un système de confusion du politique et du religieux. Les droits de l’homme sont notre religion d’État. Et l’État-Église de la religion des droits de l’homme réprime les manifestations d’opinions non conformes aux dogmes de la religion officielle.
Breizh-info.com : Les Européens semblent totalement désarmés aujourd’hui par leurs gouvernants, face à des populations qui elles, ne sont pas soumises à la tyrannie des droits de l’homme. Est-ce encore réversible ?
Jean-Louis Harouel : Si je pensais vraiment que ce n’est pas réversible, je n’aurais pas écrit ce livre, ou bien je l’aurais écrit autrement : sous la forme d’une oraison funèbre.
Mais il est clair que si l’on ne réagit pas très vite, il sera trop tard. Et il est clair aussi – ce que montre le modèle des votations suisses – qu’il ne se passera rien si on ne donne pas directement le pouvoir de décider aux peuples européens. C’est-à-dire que s’ils n’exigent pas qu’on leur donne la décision, rien ne sera décidé et que nous poursuivrons notre aveugle chevauchée au gouffre.
Breizh-info.com : Les islamistes ne se servent-t-ils pas justement des droits de l’homme pour imposer, petit à petit, l’Islam et ses règles en Europe ?
Jean-Louis Harouel : C’est effectivement ce que font les islamistes, et certains ne s’en cachent pas. L’un des principaux dirigeants des Frères musulmans au niveau européen le déclarait sans fard en 2002 : « Avec vos lois démocratiques, nous vous coloniserons. Avec nos lois coraniques, nous vous dominerons. »
Sur le sol européen, l’islam a profité à plein des droits de l’homme. C’est sur eux que se fondent les revendications vestimentaires, alimentaires et autres des musulmans, lesquelles relèvent toutes en réalité d’une prise de pouvoir de nature politique, d’une appropriation de territoires, d’une domination de secteurs de la société. L’islam combinant en lui le politique, le juridique et le religieux, toute concession faite à l’islam comme religion est aussi une concession faite à l’islam politique et juridique, ce qui transforme peu à peu les pays européens concernés en terres musulmanes.
Breizh-info.com : Le principe de non discrimination, érigé en loi en France, patrie des droits de l’homme, n’est il pas lui même la porte ouverte à tous les excès ? Ne discrimine-t-on pas de toute façon naturellement ? Avons nous définitivement tourné le dos aux valeurs transmises sous l’Antiquité, dans une Grèce et une Rome qui justement discriminaient, c’est à dire distinguait leurs citoyens des autres ?
Jean-Louis Harouel : Effectivement, le fondement même de la cité est la discrimination. La cité est une communauté particulière ayant son identité propre et un contenu humain précis : il y a les membres de la cité, et ceux qui ne le sont pas, qui appartiennent à d’autres cités, à d’autres États. Dans la logique de la cité, la discrimination entre citoyens et non-citoyens, entre nationaux et étrangers, constitue la distinction fondatrice, juste par excellence, sans laquelle il n’y a pas de cité.
Quand les fanatiques de l’immigrationnisme prétendent mener en faveur de l’installation des étrangers entrés clandestinement un « combat citoyen », ils font le contraire de ce qu’ils disent. Au nom de l’immigration érigée en droit de l’homme, ils mènent en réalité un combat pour la destruction des nations européennes au moyen des flux migratoires. Leur combat est un combat mondialiste, un combat contre la cité et la citoyenneté. Un combat anti-citoyen.
Breizh-info.com : Le Pape François se fait l’apôtre du « vivre ensemble », de l’immigration en Europe, du dialogue avec l’Islam. Finalement, les droits de l’homme ne sont ils pas un prolongement du christianisme ?
Jean-Louis Harouel : Du point de vue même de l’Église catholique, le dogme – relativement récent (1870) – de l’infaillibilité pontificale ne s’applique qu’à l’enseignement du pape parlant ex cathedra pour définir des points de doctrine en matière de foi ou de mœurs. Pour le reste, le catholicisme n’exclut pas que les papes puissent se tromper.
Effectivement, dans leur perception et leur compréhension d’une situation politique et sociale, bien des papes ont commis d’énormes erreurs de jugement. Ainsi, concernant Léon XIII, l’historien Roberto de Mattei vient de démontrer que ce pape s’était profondément trompé quand, en invitant en 1892 (par l’encyclique Inter sollicitudines) les catholiques français à se rallier à la République, il avait cru pouvoir mettre fin à l’anti-catholicisme des républicains – ils fermaient à tour de bras les écoles catholiques et les couvents – et acquérir à l’Église leur sympathie.
Le pape actuel commet une erreur analogue quand il essaye de séduire le monde musulman, sans nul profit pour les chrétiens d’Orient et au grand détriment des Européens. La dernière en date de ses bévues est d’avoir prétendu (La Croix, 17 mai) que l’idée de conquête était tout aussi présente dans les Évangiles (Matthieu, 28, 19) que dans l’islam. Visant à laisser croire que les textes saints de l’islam et du christianisme sont à mettre sur le même plan du point de vue de la violence, cette affirmation constitue une énorme contre-vérité.
L’Église doit se souvenir qu’elle est dans son principe une institution de nature spirituelle ayant pour objet la foi en vue du salut. Quand il se mêle de politique, non seulement un pape risque de dire de monstrueuses bêtises et de commettre de très graves erreurs, mais encore il n’est pas dans son rôle. Pas plus que n’étaient dans leur rôle les grands papes théocrates du Moyen Âge – les Innocent III, Grégoire IX, Innocent IV – lorsqu’ils prétendaient au dominium mundi, c’est-à-dire à la souveraineté terrestre sur l’Europe.
Au XIXe siècle, on a beaucoup critiqué l’Église pour son attachement aux régimes monarchiques, sa condamnation de la liberté de conscience, de la souveraineté du peuple, du libéralisme et de théories philosophiques telles que le naturalisme ou le rationalisme. L’Église n’était pas dans son rôle, mais elle ne l’est pas davantage quand le pape prétend aujourd’hui, au nom des droits de l’homme, interdire aux nations européennes tout contrôle des flux migratoires. Le pape se comporte en théocrate quand il dicte aux pays européens un sans-frontiérisme qui les condamne à mort.
Sous l’actuel pontificat, c’est comme s’il y avait deux religions dans l’Église : d’une part la religion catholique dont les fins sont spirituelles et extra-terrestres (le salut éternel) ; et d’autre part la religion des droits de l’homme (ou religion humanitaire), moralement proche d’elle sur le plan moral mais dont les préoccupations sont exclusivement terrestres. Avatar de la religion de l’humanité au même titre que le communisme – dont nous savons qu’elle a pris la suite –, la religion séculière des droits de l’homme n’est pas, malgré les apparences, d’origine chrétienne. Elle découle d’hérésies chrétiennes, de ces trahisons du christianisme que furent la gnose et le millénarisme. Les droits de l’homme comme religion ne sont pas un prolongement du christianisme : c’est un système de croyances post-chrétien.
Breizh-info.com : Comment voyez-vous l’avenir des européens dans les prochaines années ? Sommes nous condamnés à disparaitre en tant que civilisation ?
Jean-Louis Harouel : Peut-être les Européens parviendront-ils à se ressaisir à temps. Peut-être se décideront-ils à répudier la religion des droits de l’homme et son délire anti-discriminatoire. Peut-être parviendront-ils à bloquer les flux migratoires et à résister au processus de conquête feutrée de l’Europe par la civilisation arabo-musulmane.
Mais si ce sursaut salvateur n’a pas lieu, il est possible que la civilisation européenne disparaisse, tout comme a disparu jadis la civilisation gréco-romaine au moment de l’effondrement de l’empire d’Occident. Peut-être des historiens chinois ou indiens disserteront-ils un jour sur les causes de la fin de la civilisation européenne, et mettront-ils en évidence le caractère mortifère pour l’Europe de la religion séculière des droits de l’homme.
Nous le savons depuis Valéry : notre civilisation peut mourir car les civilisation sont mortelles et l’histoire est leur tombeau. C’est aux peuples européens de décider s’ils se résignent, au nom de la vertueuse religion des droits de l’homme, à se laisser pousser au tombeau, ou s’ils sont au contraire prêts, pour tenter de survivre, à résister aux droits de l’homme.
Propos recueillis par Yann Vallerie
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