Si Erdogan est en position de force vis-à-vis des europloucs grâce à son efficace chantage au terrorisme, il perd le nord sur tous les autres dossiers, dont certains tournent même au cauchemar pour lui.
Revenons un an en arrière... Son bébé daéchique et ses protégés qaédistes sont en pleine bourre en Syrie, Assad est en mauvaise posture, les Kurdes syriens sont sur le point d'être asphyxiés voire génocidés. Et puis patatrac ! Les Russes interviennent en septembre et se retournent contre la Turquie après l'incident du Sukhoï, les Etats-uniens tournent lentement casaque et s’acoquinent avec les Kurdes syriens sous la pression de l'opinion publique internationale. Forts du double soutien américano-russe, les YPG prennent le contrôle de la quasi-totalité de la frontière turco-syrienne, l'EI voit ses routes d'approvisionnement en provenance de maman Turquie réduites à peau de chagrin. Plus personne ne parle du départ d'Assad et le sultan a réussi l'insigne exploit de transférer une partie de la guerre civile syrienne sur son propre territoire.
Deux récentes évolutions semblent indiquer qu'il est bien parti pour boire le calice jusqu'à la lie.
Pour la première fois, Erdogan a accusé la Russie de fournir des armements (notamment anti-aériens) directement au PKK et non plus seulement aux YPG syriennes. Si Moscou a mollement démenti - "Donnez des preuves" -, la plainte turque n'est peut-être pas infondée. Nous en évoquions d'ailleurs la possibilité après la bourde du 24 novembre.
Du coup, le sultan est en mode panique et ne "sait plus quoi faire" pour renouer avec les Russes. Il sait, bien évidemment - et le Kremlin ne se prive pas de le lui rappeler : excuses publiques et réparations. Mais ça, le mamamouchi mégalomane ne peut l'accepter sous peine de perdre la face, alors qu'il s'est récemment lancé dans l'autoritarisme.
Fait intéressant, notons la grande ambiguité de ses mots lorsqu'il se demande "comment le président russe Vladimir Poutine a pu sacrifier les très bonnes relations entre les deux pays à cause de l’erreur d'un pilote". Quel pilote : le russe ou le turc ? De cela découle, soit une obstination indécrottable, soit un début de reconnaissance de sa terrible erreur.
L'autre grande info est que les YPG kurdes et les quelques conseillers militaires US qu'elles trimbalent dans leurs fourgons avancent contre l'EI. Mais ce qui est intéressant, c'est la direction. Les gains de terrain modérés en direction de Raqqah ont été surcommentés par la MSN occidentale. Or, c'est l'arbre qui cache la forêt. La véritable avancée stratégique se fait vers l'ouest, c'est-à-dire au-delà de l'Euphrate, la ligne rouge fixée par Erdogan.
Un excellent article montre la dissonance entre les objectifs des Kurdes syriens et ceux de Washington. Les Américains aimeraient canaliser l'avancée kurde vers le sud et Raqqah, la capitale de Daech, afin de mettre le pied dans le sunnistan post-EI et peser ainsi sur le futur de la Syrie tout en ménageant l'encombrant allié turc.
Mais les Kurdes ne l'entendent pas de cette oreille, eux qui ne rêvent que de faire la jonction avec leurs frères du canton d'Afrin à l'ouest d'Alep, scellant du même coup la frontière turque. La libération de Raqqah, ville arabe sunnite où ils seront de toute façon détestés, les laissent totalement froids.
Derrière la très médiatisée avancée de quelques kilomètres en direction de la capitale califale, c'est l'établissement de têtes de ponts à l'ouest de l'Euphrate qui doit retenir notre attention. Une véritable gifle à Erdogan qui ne peut doublement pas réagir (S400 russes et conseillers US "imbombardables").
Bon gré mal gré, les Américains ont suivi puisque, aux dernières nouvelles, leur aviation a apporté son soutien à la progression kurde vers Manbij tandis que des ingénieurs du génie civil aidaient à la construction de ponts. C'est le sultan qui sera content...
http://www.chroniquesdugrandjeu.com/2016/06/le-sultan-deb...
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