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vendredi, 20 juin 2025

Israël et monarchies du Golfe : l’accord qui a mis l’Iran dans le collimateur

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Israël et monarchies du Golfe: l’accord qui a mis l’Iran dans le collimateur

Sergio Filacchioni

Source: https://www.ilprimatonazionale.it/approfondimenti/israele...

Rome, 16 juin – La guerre ouverte entre Téhéran et Tel Aviv, déclenchée par les bombardements israéliens des sites nucléaires et des centres névralgiques de la République islamique, n’est pas un conflit confessionnel ou idéologique. C’est le début d’une nouvelle phase géopolitique : la consolidation définitive entre Israël et les monarchies du Golfe pour la construction d’une alliance régionale visant à restructurer tout le Moyen-Orient selon des intérêts énergétiques, militaires et financiers.

Israël veut contrôler le Moyen-Orient (avec l’aide arabe)

En seulement trois jours, l’escalade a causé des centaines de victimes, des missiles sur Tel Aviv, des auto-bombes à Téhéran et des attaques chirurgicales contre des scientifiques et des cibles stratégiques. Les Israéliens déclarent ouvertement vouloir faire de l’Iran la “première ligne de front de guerre”, avec pour objectif final un changement de régime. Mais alors que les armes parlent, le récit se banalise : d’un côté Israël se pose comme “rempart de l’Occident”, de l’autre l’Iran se voit réduit à une caricature de “théocratie répressive”. En réalité, alors que les analystes et commentateurs occidentaux décrivent le conflit entre Israël et l’Iran comme un nouveau chapitre d’une lutte millénaire entre musulmans et sionistes, la réalité – beaucoup plus grave et structurée – échappe au radar de la narration dominante. Ceux qui voient la véritable image constatent autre chose : les anciens ennemis arabes du monde sunnite se sont progressivement transformés en alliés silencieux – mais cruciaux – d’Israël, prêts à partager intérêts, stratégies, infrastructures et renseignements.

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Israël-Golf, l’alliance que personne ne veut voir

Après les Accords d’Abraham, la coopération entre Israël et les Émirats arabes unis, Bahreïn, Arabie saoudite et Qatar a pris une dimension sans précédent. Signés en septembre 2020 sous l’égide de l’administration Trump, ces accords ont marqué un tournant officiel dans la normalisation des relations entre Israël, les Émirats arabes unis et Bahreïn. Présentés officiellement comme une “paix”, ils ont en réalité jeté les bases d’une alliance géopolitique, économique et militaire anti-iranienne et anti-palestinienne. Plus qu’une réconciliation entre peuples, ces accords ont scellé la naissance d’un bloc sunnite-israélien légitimé par Washington et bénit par les chancelleries occidentales. Les gouvernements du Golfe ont non seulement tourné le dos à la cause palestinienne, mais ont aussi activement soutenu, financé et facilité la machine de guerre israélienne, même durant les mois les plus sanglants de la guerre à Gaza. Le commerce a explosé. Bahreïn a légalisé les importations en provenance des implantations illégales israéliennes en Cisjordanie. Des entreprises saoudiennes et émiraties exportent des biens et des matières premières vers Israël, tandis que les fonds souverains du Golfe investissent dans des banques et des sociétés impliquées dans la construction des implantations. Et lorsque le Yémen a bloqué les routes maritimes vers Tel Aviv, ce sont les Émirats et l’Arabie saoudite qui ont créé un corridor terrestre pour assurer l’approvisionnement en passant par la Jordanie et Israël.

Militaires, espions et drones : les vrais accords secrets signés

Mais c’est sur le plan militaire que la coopération devient encore plus profonde et inquiétante. Les Émirats Arabes Unis abritent des bureaux d’entreprises israéliennes liées à la défense, ont reconverti des jets civils en avions de transport militaire et participent à des exercices conjoints avec Israël et d’autres partenaires de l’OTAN. Le Qatar fournit des pièces détachées à l’armée israélienne et permet l’utilisation de son espace aérien pour le transport de troupes et d’armes. Bahreïn, déjà siège de la 5ème Flotte américaine, est devenu un centre opérationnel de renseignement conjoint contre l’Iran, accueillant des réunions entre officiers israéliens et hauts commandants arabes. En Arabie saoudite, des systèmes anti-drones israéliens dissimulés comme une technologie occidentale ont été découverts. Ce niveau de coopération dépasse largement la “normalisation”: c’est une co-responsabilité active dans une guerre d’anéantissement. Étrangement, les protestations pro-Palestine ne se tiennent jamais devant l’ambassade saoudienne. Pourtant, Riyad et les monarchies du Golfe sont des complices actifs du massacre : ils financent Tel Aviv, collaborent militairement, répriment la dissidence arabe. Mais pour certains récits woke, le génocide n’est qu’une question de Blancs contre des opprimés, seule l'OTAN et le réarmement sont coupables. On oublie la Syrie, l’Irak, la Libye et le Liban, sacrifiés sur le chemin d’une résurgence militante mais profondément hypocrite.

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L’aspect économique d’un accord arabo-israélien

Ce n’est pas seulement une question d’armes. Le cœur de la fusion entre Israël et les monarchies sunnites est énergétique et financier. Le projet de pipeline Ashkelon-Arabie Saoudite, partie du corridor économique Inde-Moyen-Orient-Europe (IMEC), passe aussi par les territoires occupés. Le Qatar et Bahreïn ont vendu des actifs énergétiques à des fonds liés aux implantations israéliennes. Israël est désormais un nœud stratégique et un partenaire des économies du Golfe. Derrière les masques diplomatiques, on construit un pôle visant à gérer les flux d’énergie, de logistique et de capitaux de l’Asie à l’Europe, en excluant l’Iran, la Syrie, le Hezbollah et la cause palestinienne. Une redéfinition du Moyen-Orient portée par Washington, rendue possible par la faiblesse européenne et par un activisme woke sélectif qui fait semblant de ne pas voir l’éléphant saoudien dans la pièce.

Démystifier le mythe du “choc des civilisations”

Il est évident pour quiconque n’a pas de yeux bandés que ce n’est pas une guerre entre musulmans et sionistes. Ce n’est pas un combat entre “démocratie” et “théocratie”. C’est la réalisation d’un ordre régional où Tel Aviv mène un bloc arabe sunnite basé sur la finance, l’industrie et la puissance militaire. Un bloc qui vise à éliminer toute résistance, toute autonomie chiite, toute aspiration anti-impérialiste. L’Iran, isolé et usé après la défaite en Syrie, ne lutte pas seulement pour sa survie. Qu’on le veuille ou non, il reste le dernier obstacle empêchant le Moyen-Orient de devenir une zone franche sous gestion israélo-arabe, sponsorisée par l’Occident, où il n’y a plus de place pour une souveraineté alternative. Paradoxalement, c’est aujourd’hui l’Iran qui se trouve dans la position de Saddam Hussein : seul contre tous, entouré de puissances hostiles, diplomatiquement isolé et – selon les plans de ses ennemis – voué à tomber pour ouvrir la voie à une nouvelle configuration régionale. C’est la tragique ironie récurrente du mythe du Moyen-Orient : Téhéran, qui en 2003 a profité de la chute du régime baasiste et de l’intervention américaine en Irak, est aujourd’hui la cible de cette même architecture impérialiste. Aujourd’hui, le “méchant” à abattre n’est plus Saddam, mais la République islamique, coupable de résister. La ligne de front qui l’assiège – Israël, monarchies du Golfe, États-Unis et une grande partie de l’Occident – est la même qui a partagé l'Irak, puis la Syrie, et qui aujourd’hui veut encercler l’Iran.

Le Moyen-Orient de demain est déjà là

Tandis que les médias mainstream se concentrent sur les bombes, le vrai séisme est diplomatique et économique : Israël n’est plus un avant-poste solitaire de l’Occident, mais le cœur opérationnel d’un nouvel ordre régional. Et les monarchies du Golfe, loin de dénoncer le “génocide” de Gaza ou la violation de la souveraineté iranienne, en sont les alliés et partenaires stratégiques. Le conflit en cours n’est pas un autre chapitre de la guerre sans fin entre Juifs et musulmans. C’est le début de quelque chose de beaucoup plus bouleversant : la naissance d’une alliance israélo-arabe qui réécrira les équilibres géopolitiques du 21ème siècle. Et dans cette nouvelle architecture du pouvoir, la Palestine est la victime, l’Iran la cible, et l’Europe – encore une fois – le spectateur sans armes.

Sergio Filacchioni

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