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samedi, 21 juin 2025

Freud contre Wilson et le traité de Versailles

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Freud contre Wilson et le traité de Versailles

Nicolas Bonnal 

C’est un grand moment de l’histoire de la pensée antimoderne. Freud, qui est souvent plus conservateur qu’on ne croit, se déchaîne contre le traité de Versailles, la disparition des empires centraux et l’abominable Wilson, qui voulait faire du monde un lieu sûr pour la démocratie occidentale ; et comme on sait cette démocratie préfère anéantir le monde que ne pas l’avoir fait TOTALEMENT à son image.

L’universitaire et psychanalyste Mark Stafford écrit dans un texte hélas trop bref qu’il est indispensable de relire et méditer :

« Je m’apprête à découvrir à quoi ressemble vraiment un porc-épic. »

Remarque attribuée à Freud avant son départ pour les États-Unis sur le vapeur George Washington en 1909 (ce même paquebot qu’empruntera le président américain Woodrow Wilson, dix ans plus tard, pour, selon lui, garantir la paix à l’Europe et apporter une « assurance à 99% contre toute guerre future »)… »

9782228900034_large-1039014483.jpgFreud est en fait un antiaméricain primaire (et quel grand esprit, y compris américain, alors ne l’était pas ?) :

« …l’idée d’une civilisation « américaine » avait déjà produit une influence sur Freud via l’analyse par George Beard de la neurasthénie – la « maladie américaine 3 ». Si le livre de George Beard n’est jamais mentionné dans l’ouvrage Le président Thomas Woodrow Wilson. Portrait psychologique (objet de cet article), l’influence de la thèse de Beard d’une « faiblesse » imputable à la culture américaine n’a jamais été absente de la pensée de Freud. »

La psychanalyse deviendrait alors une peste apportée pour de bonnes (et non de mauvaises, comme on croyait encore) raisons :

« La remarque apocryphe de Freud – « Ne réalisent-ils pas que nous leur apportons la peste ? » – se comprend si l’on tient compte, en arrière-plan, de l’acceptation par Freud du diagnostic de Beard sur les Américains – leur propension au surmenage et leur création d’un culte moderne de la vitesse, de l’efficacité et de la mécanisation les ayant conduits in fine à l’impuissance psychique. »

Freud se débarrassa dans un livre maudit de la troublante, catastrophique et dramatique personnalité de Wilson ; Stafford ajoute :

« L’ouvrage Le président Thomas Woodrow Wilson - Portrait psychologique concentrait à la fois la colère de Freud et les caractéristiques névrotiques que favorisait, selon lui, la culture américaine. Cependant, lorsque l’ouvrage parut en 1967, il embarrassa les freudiens américains… »

… et nos historiens européens, toujours plus médiocres, qui justifièrent ce traité monstrueux (voyez nos textes sur Keynes, Le Bon ou Bainville) ; Freud vécut ce traité comme une catastrophe et écrivit dans son livre publié avec Bullitt :

« Cet étrange ouvrage était une réponse à deux échecs, l’un infligé par les analystes américains et leurs adeptes supposés, l’autre relatif au sujet lui-même, Woodrow Wilson. Lorsque Freud rencontra William Bullitt, dont il suivait la compagne, Louise Bryant, en analyse, il saisit l’opportunité pour exprimer sa propre thèse de la catastrophe qu’avait provoquée le traité de Versailles en Europe. »

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Le vieux sage dénonce le redoutable (et increvable comme on sait, depuis 1815) condominium franco-britannique :

« L’amertume de Freud au sujet du refus de la France et de la Grande-Bretagne de mettre de côté leurs ambitions impérialistes et de mettre en œuvre un traité de paix équitable le conduisit à une collaboration avec un écrivain quasiment profane en matière de psychanalyse, amoindrissant ainsi considérablement l’intérêt analytique du texte. »

Stafford ajoute sur ce thème (le duo infernal se muant en trio) :

« Freud présente Wilson comme un cas exemplaire d’« échec », et considère comme une conséquence de l’effet du surmoi sur la transmission son incapacité à déjouer les actions de Lloyd George et de Georges Clemenceau visant à humilier les empires centraux, et donc semer les germes d’une guerre future. »

Le point de vue du sage était définitif. Stafford :

« Si nous trouvons chez Freud relativement peu de références à la montée du totalitarisme, c’est en partie dû, selon moi, à ses recherches acharnées des raisons de l’échec du traité de Versailles. Freud conclut qu’avec ce document, l’arrêt de mort de la civilisation européenne avait été signé. »

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La guerre prochaine était prête :

« La catastrophe était inévitable et la facilité avec laquelle de petits groupes fanatiques pourraient tirer parti de cette faiblesse était plus qu’évidente, à tel point que Freud lui-même a pu sous-estimer la rapidité avec laquelle le libéralisme du 19ème siècle pourrait s’effondrer… »

Celui qui l’avait compris c’était Veblen (voyez notre texte). Le Bon regrettait qu’on eût laissé une Allemagne surpuissante et haineuse à la fois (et avec de bonnes raisons de l’être) ; Bainville aussi. Mais qui les écouta ? Le monde des démocrates est celui du narcissisme psychique, pour parler comme Freud ; il n’a que faire de la protestation violente de la réalité…

Stafford décrit la volonté US de détruire la vieille Europe, celle de Zweig ou de Freud :

« La vision d’une catastrophe européenne résultant de l’action du président Wilson s’est conjuguée avec la « suspicion » de longue date de Freud au sujet de la forme et de l’intérêt de la culture américaine. L’Amérique, qui de longue date souhaitait rester à l’écart de l’Europe et avait tenté, par sa politique isolationniste et sa destinée évidente, de dissimuler sa dette symbolique à l’égard de la civilisation européenne, avait remis en jeu, par l’entremise du président Woodrow Wilson, le meurtre de son père « symbolique ». 

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Et de citer Karl Kraus, cet autre rebelle juif du monde moderne américanisé :

« En outre, Freud, dans cet ouvrage, proposait une analyse de la société américaine comme productrice d’une « faiblesse » pathologique. Selon lui, le modèle social sur lequel se fondait l’Amérique n’était pas acceptable, et il n’y avait lieu ni de l’adopter, ni de s’y adapter. Les écrits de Freud ont parfois les accents de Karl Kraus, l’un de ses contempteurs, lorsqu’il cherche à décrire « l’Américain ».

L’establishment anglo-américain créa (avec les Français, cocus de cette alliance contre nature depuis deux siècles) Hitler et les conditions de la guerre future. Nous l’avons expliqué ailleurs. C’est pourquoi la lecture de Freud devient aussi importante.

Sources :

La pathologie de la norme : la troublante analyse de Woodrow Wilson par Freud - Mark Stafford

https://shs.cairn.info/revue-essaim-2013-2-page-19?lang=f...

https://lesakerfrancophone.fr/todd-et-freud-au-chevet-des...

https://lesakerfrancophone.fr/le-narcissisme-occidental-f...

https://lesakerfrancophone.fr/comment-les-anglo-saxons-cr...

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