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jeudi, 19 mai 2011

Le Projet DESERTEC, un enjeu géostratégique

Le projet Desertec, un enjeu géostratégique

 

 
Il est temps, pour tenir compte à la fois de la crise du nucléaire et du printemps des peuples arabes, que les Européens réactivent des projets jusqu'ici jugés utopiques

 


La conviction selon laquelle les pays développés doivent envisager des programmes de grande ampleur pour produire de l'électricité à partir d'énergies renouvelables se répand de plus en plus. Le terme de programmes de grande ampleur désigne des projets technologiques se chiffrant en dizaines de milliards d'euros, s'étendant sur plusieurs décennies, susceptibles d'intéresser des industriels majeurs et d'avoir une signification géopolitique de grande portée.

Ceci ne veut pas dire qu'il faille négliger ni de petits investissements à ambition locale, ni les économies d'énergie, qui demeureront indispensables. Mais si l'on veut progressivement commencer à remplacer à la fois le nucléaire de fission et les centrales au charbon, qui fournissent actuellement l'essentiel de l'électricité consommée, il faut voir grand. Il faut aussi, ne l'oublions pas, parler aux imaginations afin de susciter les vocations technoscientifiques et les épargnes.

Il se trouve que, dans le domaine de l'énergie solaire, existait depuis quelques années, à partir d'une initiative principalement européenne, un grand programme de cette nature, nommé Desertec. Pour différentes raisons (notamment la résistance des intérêts investis dans les formes actuelles de production d'énergie) ce programme avait été recouvert par ce qu'il faut bien appelé une chape de silence. Deux facteurs différents poussent à le relancer.

Le premier est bien entendu l'accident de Fukushima au Japon. Le second, de nature géopolitique, découle de ce que l'on a nommé le printemps arabe. Un certain nombre de pays du sud-méditerranéen se sont débarrassés de leurs dictatures. Ils se sont ouverts au dialogue avec les pays du nord et ont montré que leurs populations se détournaient progressivement des fantasmes de djihad. Mais ce faisant ces pays posent, en premier lieu aux Européens, la question de savoir si les économies du Nord pourront ou non proposer, en dehors de tout retour au néocolonialisme, des projets de co-développement susceptibles de créer des emplois par miliers et des revenus susceptibles de se réinvestir sur place. Sans ces emplois et ces revenus, les nouvelles démocraties retomberont nécessairement dans le désordre. Or c'est précisément ce que le projet Desertec, s'il était bien mené, pourrait permettre: une vague de co-développement à l'échelle euro-africaine.

Nous pensons donc essentiel que l'Union européenne s'intéresse désormais officiellement à Désertec, tant au regard de ses retombées socio-économiques que pour ses composantes géopolitiques. Il s'agirait de concrétiser, pour toute l'Europe et non pour les seuls pays européens du sud, le thème évoqué par le projet d'Union pour la Méditerranée: créer dans cette partie du monde un grand ensemble d'intérêts communs. L'intérêt de Desertec est à cet égard de pouvoir s'étendre au delà de la seule Méditerranée. Il pourrait intéresser, en conjuguant d'autres sources de production d'électricité, notamment l'éolien et le marée-moteur, une grande partie de l'hémisphère nord à l'est du 20e Méridien. Pour l'Europe, il s'agirait donc également d'une démarche véritablement emblématique

Les adversaires du projet ont fait valoir qu'impliquant directement des Etats ou des régions sahariennes plus ou moins en but au terrorisme, des organisations telles que l'actuelle AQMI pourraient en profiter pour exercer un chantage permanent sur les partenaires du projet. Mais il s'agit d'une vue de l'esprit. Si Desertec était mis en oeuvre avec la volonté d'associer dès le début les Etats et les populations du Maghreb, il représenterait un tel enjeu qu'il serait non pas agressé  mais protégé et soutenu par tous les partenaires africains du programme.

 

Nous extrayons des sites de la Fondation Desertec et de Wikipédia quelques informations permettant de préciser la teneur de cette grande ambition.

Le Projet Desertec est un projet éco-énergétique de grande envergure mené par la Desertec Foundation. Il a été initialisé sous les auspices du Club de Rome et de la Trans-Mediterranean Renewable Energy Cooperation.

Il s'agit de créer un réseau interconnecté alimenté par des centrales solaires du Maroc à l'Arabie Saoudite, reliées par des réseaux à très haute tension. Le projet vise à répondre en grande partie aux besoins des pays producteurs d'Afrique du Nord et du Moyen-Orient, et à fournir 15% (dans un premier temps) de l'électricité nécessaire à l'Europe.

Un protocole d'accord pour le projet a été signé par douze sociétés basées en Europe, au Proche-Orient et en Afrique du Nord, le 13 juillet 2009 à Munich. En mars 2010, quatre nouveaux investisseurs ont annoncé qu'ils s'associaient au projet, ce qui porte à 17 le nombre de partenaires (16 entreprises représentant un potentiel technique et de savoir-faire considérable) et la fondation Desertec elle-même.

L'entreprise vise à connecter plusieurs grandes centrales solaires thermiques et peut-être d'autres installations d'énergies renouvelables (fermes éoliennes) entre elles ainsi qu'au réseau de distribution de l'électricité qui alimenterait l'Afrique du Nord, l'Europe et le moyen-Orient, ce réseau pouvant être optimisé via une approche de type SuperGrid.

Mais Desertec ne se limitera pas à la production d'énergie : il participera aussi au développement des pays en créant de nombreux emplois locaux. Dans un premier temps, il s'agira de la main d'œuvre acceptant de travailler dans les conditions difficiles du milieu désertique.Mais il faudrait très vite que s'y investissent les ingénieurs et gestionnaires originaires des pays du sud.

Les promoteurs estiment qu'un tel réseau pourrait avant 2050 fournir plus de 50 % des besoins en électricité de la région EUMENA (Europe + Moyen-Orient + Afrique du Nord).
Les difficultés à résoudre seront nombreuses, mais tout à fait à la portée des technologies actuelles ou disponibles dfans un proche avenir .

Pour la production, on envisage des centrales solaires thermodynamiques à concentrateurs, c'est-à-dire utilisant des miroirs paraboliques pour produire de la vapeur d'eau à très haute température et sous forte pression, qui fait tourner une turbine et un alternateur produisant de l'électricité. Divers équipements de cette nature existent déjà en Europe
Ces centrales consomment beaucoup d'eau douce (un problème en zone aride) et conduisent à modifier la météorologie du désert et contribuer peut-être à exacerber certains effets du dérèglement climatique. Mais des remèdes sont possibles.

Pour le transport de l'électricité, les concepteurs du projet espèrent pouvoir utiliser de nouveaux types de lignes Haute Tension (lignes de transmission modernes en Courant Continu Haute Tension ou CCHT ou HVDC) devant permettre de transporter l'électricité sur de grandes distances avec beaucoup moins de pertes en ligne (3% pour 1.000 km) qu'avec les lignes classiques à courant alternatif, et presque sans pollution électromagnétique. Dans la conjoncture actuelle, caractérisée par le prix croissant du cuivre et alliages conducteurs, il s'agira d'une partie fragile, à protéger.

Pour le strockage, la production d'électricité ne se faisant que de jour, une partie de celle-ci pourra en être utilisée pour pomper l'eau vers des lacs de montagne en Europe, qui en possède beaucoup. L'utilisation la nuit de l'énergie de cette eau dans des turbines assurerait sa mise à disposition homogène au profit de l'ensemble du réseau.

Le coût global du projet a été estimé à 400 milliards d'euros sur plusieurs dizaines d'années, dont 50 milliards pour construire 20 lignes CCHT de 5 GW chacune. On peut craindre que ce coût n'augmente. Mais il sera aisément amorti grâce au prix de vente de l'électricité, dont les pays développés doivent cesser de considérer qu'il s'agit d'une énergie bon marché.

 

 

 

08/05/2011