jeudi, 09 octobre 2025
Friedrich Ratzel fonde la géopolitique, mais sa pensée a longtemps été déformée
Friedrich Ratzel fonde la géopolitique, mais sa pensée a longtemps été déformée
Deux livres de ses essais redécouvrent le géographe allemand, qui n’avait pas été réédité en Italie depuis plus d’un siècle
par Telmo Zarra
Source: https://www.barbadillo.it/125257-friedrich-ratzel-fonda-l...
Souvent confondue avec l’histoire de la politique étrangère ou la théorie des relations internationales, la géopolitique est une science dont on parle souvent à tort et à travers. Mais en Italie, il existe des revues qui s’y réfèrent: Limes et Eurasia. En 1939, a également vu le jour, à l’Université de Trieste, sous l’égide de Giuseppe Bottai, la revue Geopolitica, animée par Ernesto Massi et Giorgio Roletto, parue jusqu’en juillet 1943.
Les deux fondateurs sont héritiers de la tradition géographique nationale remontant aux Lumières lombardes, qui se prolonge au 19ème siècle et résonne, au début du 20ème, dans les réflexions d’irrédentistes comme Cesare Battisti et Ruggero Fauro Timeus.
Pour éviter les contresens, il faut donc puiser chez les pères fondateurs de la discipline. Deux livres d’essais de Friedrich Ratzel (1844-1904), un des pères de la discipline, viennent de paraître : La mer comme source de la grandeur des peuples. Une étude politico-géographique (Anteo Ed., 140 p., 18 €) et Espace vital. Un concept géopolitique controversé (Carocci, 214 p., 24 €). Ce dernier propose la traduction commentée de Über den Lebensraum (1897) et Der Lebensraum (1901), accompagnée d’essais intelligemment coordonnés par le responsable du volume, Matteo Marconi, qui abordent la pensée du géographe allemand sans préjugés.
Les frères Grimm, Goethe et l’idée de l’Allemagne
On doit à Ratzel un usage particulier du concept de Lebensraum, traduit par « espace vital ». Mais il ne l’a pas inventé. Le terme figure déjà dans les travaux des frères Grimm et de Goethe et prendra des connotations politiques considérables à partir des années 1920.
Les deux essais rassemblés dans le volume publié par Carocci, ainsi que Marconi lui-même dans l’introduction et son intervention, montrent combien il est réducteur de faire de Ratzel un déterministe biologique ou un impérialiste. Si Ratzel part de la « définition philosophique de tout être comme quelque chose qui occupe un espace », cet espace prend un sens particulier lorsqu’il s’agit de l’homme, et pas seulement du gland du chêne, de la mousse ou du corail.
Déterministe ? Jamais
Si la conquête de l’espace est « un phénomène général de la vie », concernant donc tous les êtres vivants, lorsque c’est l’homme ou un peuple qui l’occupe, nature et culture s’y entremêlent. Loin de réduire tout à un simple lien mécanique de cause à effet, Ratzel, qui disparaîtra prématurément, n’aura pas approfondi le thème de l’espace vital humain et de la vie associative. Mais on comprend à la lecture de ses travaux qu’il considère l’homme et les peuples comme des réalités dotées de volonté et de créativité qui, en interagissant avec le territoire, le modèlent et l’adaptent à leurs besoins. Le géographe allemand adopte une méthode anthropo-géographique, différente du déterminisme physique positiviste.
Volk, Lage, Raum, Kultur
Dans son approche, l’action humaine, l’individualité des peuples (Volk), la position géographique (Lage) qu’ils occupent, sont des variables qui, avec la nature elle-même, interagissent dans l’espace (Raum) et lui donnent une forme spécifique. C’est là la caractéristique des peuples dotés de Kultur, qui pour Ratzel correspond à la capacité d’organisation du sol, c’est-à-dire à la capacité d’adapter l’environnement à ses besoins.
Pour Ratzel, les organismes politiques, « pour être cohérents et survivre – écrit Marconi – doivent se lier autant que possible au sol par leur capacité à transformer l’environnement ». Ce qui distinguerait donc l’organisme politique du biologique serait l’homo faber, dont le travail, en commun avec celui des autres hommes, adapterait le territoire à ses besoins, créant également de nouveaux liens de solidarité. Ainsi, la conquête de l’espace par les organismes prend une signification différente de celle qui lui sera attribuée dans l’Allemagne de 1920 à 1945. Il ne faut pas la comprendre seulement en termes d’expansion, mais aussi comme croissance et développement, tous deux fruits du travail communautaire des hommes sur le sol. Ceux qui, pour des raisons idéologiques, « simplifiaient » Ratzel, le falsifiaient le plus souvent.
20:34 Publié dans Géopolitique, Livre, Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : friedrich ratzel, géopolitique, anthropo-géographie, livre | |
del.icio.us |
|
Digg |
Facebook