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dimanche, 08 février 2009

Karl Friedrich Kielmeyer (1765-1844)

 

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SYNERGIES EUROPÉENNES -DÉCEMBRE 1992

 

 

Robert STEUCKERS/

Karl Friedrich Kielmeyer  (1765-1844)

 

 

Le naturaliste Karl Friedrich Kielmeyer, né le 22 octobre 1765 à Bebenhausen près de Tübingen, s'inscrit aux facultés de médecine et de sciences naturelles de la célèbre Karlsschule de Stuttgart. Dès l'âge de 19 ans, il y enseigne; parmi ses élèves: Georges Cuvier, originaire de Montbéliard alors possession wurtembergeoise, dont il devient l'ami. Il entame ensuite une longue et brillante carrière universitaire dans les domaines de la zoologie, de la botanique, de la chimie   —sa matière favorite—   de la pharmacie et de la médecine (notamment d'anatomie comparée). Kielmeyer a écrit peu de livres mais développé plusieurs concepts nouveaux, qui ont préparé la voie aux théories de l'évolution, notamment celles de Cuvier, avec qui Kielmeyer entretiendra une correspondance suivie jusqu'à sa mort. Kielmeyer fut le premier à poser une comparaison globale entre tous les animaux selon leur composition organique et leurs diverses fonctions. Son idée motrice était la suivante: les animaux de la Terre, aussi différents soient-ils les uns des autres, participent tous d'un type constitutif commun, sont tous, sans exception, des reflets modifiés d'un même modèle constitutif primordial. L'ensemble du monde animal consiste en une série de constitutions biologiques analogues, lesquelles sont la plupart du temps des involutions par rapport au modèle primordial, en sont des simplifications. Mais cette série de types récapitule simultanément tous les stades évolutifs que traverse chaque individualité animale. En constatant ce fait, Kielmeyer découvre la "loi biogénétique" et donne un coup d'envoi à la zoologie moderne. Kielmeyer refusa souvent de faire imprimer ses cours et ses manuscrits: ce qui explique sa modeste célébrité posthume, malgré l'éloge qu'il reçut d'un Schelling. Kielmeyer meurt le 24 septembre 1844.

 

 

Sur le rapport des forces organiques entre elles (Über die Verhältnisse der organischen Kräfte untereinander) 1793

 

 

Considéré comme un ouvrage fondamental par Cuvier et par le philosophe et germaniste français contemporain Georges Gusdorf (dont nous reprenons ici l'analyse), cet opuscule d'une vingtaine de pages esquisse une biologie générale. Kielmeyer tente d'expliquer l'ensemble des phénomènes vivants à l'aide de quelques lois simples. Cette volonté didactique n'empêche pas Kielmeyer de percevoir une interaction générale entre tous ces phénomènes du vivant et de discerner leur comportement comme un jeu de forces perpétuellement changeant et se combinant en proportions variables. Dans ce jeu de force, nous trouvons l'irritabilité, la sensibilité, la reproduction, la faculté sécrétoire et la force de propulsion. Chaque espèce animale ou végétale reflète un agencement différent des composantes de ce jeu de forces, ce qui fait sa différence. En analysant la nature de cette façon, Kielmeyer abandonne les visions rigides et figées de la physis, où tous phénomènes seraient directement interprétables et saisissables. Les jeux combinatoires interdisent de penser la fixité du monde et de déclarer ce dernier définitivement appréhendé. Mais pour expliquer cette dimension incommensurable de la nature, Kielmeyer n'a pas recours à la Providence ou au divin  —ce qui pour lui serait un asile d'ignorance—  mais parle d'"une économie interne soumise à des régulations accessibles à l'intelligence humaine" (Gusdorf, op. cit., infra). Kielmeyer contribue ainsi à donner une assiette scientifique à la Naturphilosophie, en mettant en exergue les composantes physico-chimiques à l'origine des processus vitaux. Tous ces facteurs lui apparaissent fédérés, nous explique Gusdorf, "par une force originaire irréductible, comparable à la lumière, elle-même associée à la vie".

 

(Robert Steuckers).

 

- Bibliographie:

Über den chemischen Gehalt einiger Mineralquellen,  1786 (dissertation pour l'obtention du titre de docteur en médecine); Entwurf der vergleichenden Zoologie  (recueil de discours tenus entre 1790 et 1793, non paru sous forme imprimée par la volonté de Kielmeyer lui-même); Über die Verhältnisse der organischen Kräfte untereinander, 1793 (discours prononcé à Stuttgart à l'occasion d'un anniversaire du Duc Karl); Über die Richtung der Pflanzenwurzeln nach unten und der Stämme nach oben, 1834 (discours); "Bericht über Versuche mit animalischer Electricität", in Journal der Physik,   édité par Gren, 1794, vol. VIII (texte publié sans l'autorisation de l'auteur).

- Sur Kielmeyer: Georges Cuvier, Leçons d'anatomie comparée, 1800-1805 (hommage à Kielmeyer dans l'introduction); Alexander von Humboldt, Beobachtungen aus der Zoologie und vergleichenden Anatomie, 1806 (ouvrage dédié à Kielmeyer); Lettre de Ritter à Baader du 16 novembre 1807, reprise in Baader, Sämtliche Werke, Bd. XV, Leipzig, 1857, p. 216 (en français, cf. Gusdorf, op. cit., infra); Dr. Georg Jäger, "Ehrengedächtniß des würtembergischen Staatsraths von Kielmeyer", in Verhandlungen der Leopoldinisch-Carolinischen Akademie der Naturforscher,  Bd. XXI, 1, Breslau & Bonn, 1845; Schwäbischen Merkur,  2 octobre 1844, article nécrologique; Klüpfel, "Karl Friedrich Kielmeyer", in Allgemeine Deutsche Biographie, Bd. 15, Leipzig, 1882; F.H. Holler, art. in Schwäb. Lb. I,  1940, pp. 313-323; Th. Ballauf, Die Wissenschaft vom Leben,  Freiburg-München, 1954, p. 353;  R. Ayrault, La genèse du romantisme allemand,  t. I, Aubier, Paris, 1961, p. 299 et sqq.;  Georges Gusdorf, Le savoir romantique de la nature,  Payot, Paris, 1985, pp. 169-172.

- MOTS CLEF: évolution, biogénétique, théories de la descendance.

- PHILOSOPHES: Cuvier, Schelling.