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jeudi, 07 mai 2015

Le clash des civilisations au prisme de la musique classique

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Le clash des civilisations au prisme de la musique classique
 
Peut-être la musique symphonique, avec l’opéra, est-elle le signe le plus évident de l’unification du monde sur le modèle occidental.
 
Administrateur civil, écrivain
 
Ex: http://www.bvoltaire.fr 
 

À ma grande honte, je ne connaissais pas Fazıl Say. Dimanche 19 avril, j’ai assisté à un concert de lui, avec l’Orpheus Chamber Orchestra, dans le cadre du festival Heidelberger Frühling.

Turc d’Ankara, Fazıl Say est un pianiste renommé et un compositeur de talent qui puise son inspiration dans les rythmes populaires, comme Bartók, Enesco ou Kodály. Il a attiré l’attention sur lui en 2013 quand il eut maille à partir avec les autorités de son pays, en raison de plusieurs tweets où il affirmait son athéisme, se moquait du muezzin trop pressé et citait deux vers d’Omar Khayyām :

Vous dites qu’il y coule des rivières de vin, le paradis est-il une taverne ?
Vous dites qu’à chaque croyant sera donné deux houris, le paradis est-il un bordel ?

Ces mots sacrilèges ont valu à Fazıl Say d’être condamné pour blasphème à 10 mois de prison avec sursis. Ne riez pas, amis lecteurs, l’islam convient aux esprits simples, comme à cette malheureuse Inès de Roubaix, l’épouse de Kevin, qui apprend l’arabe à ses enfants car c’est la langue qu’ils auront à parler au paradis, et les mêmes sornettes – houris et rivières de lait et de miel – sont promises à ceux qui se font exploser la tronche dans des attentats-suicides.

Rappelons que Khayyām, redécouvert par Fitzgerald au XIXe siècle, est avec Hafez, dont Goethe s’inspira dans son recueil Le Divan, et Saadi l’un des trois grands poètes de la Perse islamique. Khayyām, bon vivant fort mécréant, amateur de femmes et de vin, eut à pâtir de la vindicte des bigots. Persécuté et sans postérité, comme la plupart des artistes et des érudits non théologiens sous le joug islamique, il ne doit d’être connu qu’à l’intérêt que les Occidentaux lui ont porté.

Comme rien n’est simple, la Turquie de Fazıl Say n’en abrite pas moins l’une des confréries soufies les plus réputées de l’islam, celle des derviches tourneurs, sommet de la spiritualité musulmane, l’équivalent des ordres mendiants chez nous, quand la religion se libère de toutes attaches prosaïques, et Istanbul est riche des plus beaux monuments de l’art islamique.

Preuve, s’il en est, à l’encontre des butors qui vous agonisent de noms d’oiseau quand vous faites mine de dire un mot gentil sur l’islam, que la civilisation musulmane a aussi produit de beaux fruits, certes sur les décombres des civilisations précédentes, comme pour les vampiriser, et qu’elle ne crée plus rien depuis quatre siècles et le glorieux règne de Soliman le Magnifique ou celui de Shah Abbas Ier en Iran, le bâtisseur de l’Ispahan moderne.

La Turquie d’aujourd’hui est dans l’entre-deux de l’Orient et de l’Occident. Istanbul connaît une intense vie musicale, et plusieurs orchestres philharmoniques y ont acquis une renommée internationale. Les succès d’un Fazıl Say en attestent.

Peut-être la musique symphonique, avec l’opéra, est-elle le signe le plus évident de l’unification du monde sur le modèle occidental. Elle a gagné les Amériques, puis l’Asie. A contrario des pays qui n’ont pas, ou plus, d’orchestres philharmoniques, au Moyen-Orient et en Afrique, qui dessinent une carte d’un clash des civilisations, ou des cultures, n’en déplaise à l’ami Gauthier, autrement que dans la conception martiale et militariste des néo-conservateurs états-uniens.

Il faut davantage de Fazıl Say dans le monde musulman car la musique symphonique adoucit les mœurs des frustes et des barbares.

00:05 Publié dans Musique, Musique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique, piano, fazil say | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook