samedi, 20 septembre 2025
Argentine, le tango triste de Javier Milei
Argentine, le tango triste de Javier Milei
L’économie ne décolle pas, les scandales le pénalisent et les péronistes relèvent la tête : simple coup d’arrêt ou début du déclin pour le président à la tronçonneuse?
par Giorgio Ballario
Source: https://www.barbadillo.it/124514-argentina-il-tango-trist...
À une semaine de la nouvelle du spectaculaire effondrement du président ultralibéral argentin Javier Milei lors des élections de la province de Buenos Aires, il vaut la peine d'émettre deux réflexions à froid. Malgré les liens étroits et la proximité culturelle entre les deux pays, la presse italienne s’intéresse généralement très peu à l’Argentine et ne s’en préoccupe que lorsque des dépêches internationales annoncent des nouvelles fracassantes, comme la défaite électorale de la semaine dernière. Puis c’est à nouveau le silence. La prochaine échéance sera le 26 octobre, date à laquelle les Argentins reviendront aux urnes pour renouveler la moitié du Parlement, un scrutin qui correspond peu ou prou aux « élections de mi-mandat » américaines.
Il s’agit d’élections très importantes, non seulement parce qu’elles permettent de « prendre le pouls » des électeurs deux ans après la présidentielle de 2023, mais aussi parce que Milei a, jusqu’à présent, gouverné sans majorité au Congrès, devant donc s’appuyer sur les parlementaires de centre-droit du PRO (de l’ex-président Macri), sur ce qui reste des radicaux, ainsi que sur des députés et sénateurs indépendants.
Si, le 26 octobre, son parti, La Libertad Avanza, remporte la mise, alors le président à la tronçonneuse pourra poursuivre les réformes draconiennes promises lors de la campagne électorale (elles avaient été jusqu’ici bloquées par le Parlement). En revanche, si la tendance observée dans la province de Buenos Aires – qui concentre à elle seule 40% de l’électorat argentin – se confirme, l’avenir de Milei s’annonce des plus compliqués.
Dans ce contexte complexe s’inscrit également la résurgence apparente du péronisme, qui, il y a deux ans à peine, avait subi une lourde défaite et qui aujourd’hui – du moins électoralement – semble s’être recomposé grâce à la coalition Fuerza Patria. Celle-ci a recollé les morceaux, masqué la crise d’identité de l’opposition et apaisé les vives rivalités politiques internes de ces dernières années.
La victoire lors des élections provinciales de Buenos Aires constitue un succès avant tout pour le gouverneur Axel Kiciloff (photo), 44 ans, économiste, à la tête de la province de 15 millions d’habitants depuis deux ans. Ancien dauphin de la double présidente Cristina Fernandez Kirchner, Kiciloff a su se forger un rôle autonome et apparaît désormais comme le candidat péroniste le plus sérieux pour la présidentielle de 2027. D’ailleurs, le gouverneur est aujourd’hui en conflit ouvert avec sa « mère » politique, qui préférerait voir son propre fils biologique, Maximo Kirchner – président du parti justicialiste de la province de Buenos Aires mais détesté par une grande partie des péronistes non progressistes – lui succéder.
Revenant au président Javier Milei, les raisons de la défaite de la semaine dernière sont multiples et font craindre pour le scrutin d’octobre. D’autant plus que les prétendus grands succès économiques accumulés par l’Argentine en deux ans de présidence sont bien plus apparents que réels, même si en Italie ses alliés politiques – de Fratelli d’Italia à Forza Italia – semblent l’ignorer. Certes, grâce à sa recette ultralibérale et à ses coupes dans les dépenses publiques, l’inflation a considérablement baissé (de 140 à 36%) et le déficit budgétaire est redevenu positif, mais une politique économique aussi rigoureuse a déprimé la consommation intérieure, nui à l’industrie nationale, réduit drastiquement les budgets de l’éducation et de la santé, et fait passer le taux de pauvreté de 41 à 53%.
Selon l’économiste Guillermo Oliveto, interrogé par le quotidien pro-gouvernemental Clarín, 70% des Argentins, autour du 20 du mois, n'ont plus d’argent et doivent renoncer à tout achat durant les derniers jours. « Ce sont des pauvres intermittents », observe Oliveto.
Par ailleurs, les coupes dans la dépense publique ont provoqué le licenciement de dizaines de milliers de fonctionnaires, mais la politique économique de Milei a également de lourdes répercussions sur le secteur privé, puisqu’au cours des deux dernières années, même les entreprises privées ont supprimé des emplois, soit 44.000 postes en moins, rien que dans la province de Buenos Aires.
En somme, le chômage commence aussi à augmenter, et ce phénomène, conjugué aux coupes dans les retraites, les allocations et les programmes sociaux, risque de déclencher une dangereuse bombe sociale. Selon une enquête récente, 65% des personnes interrogées déclarent que leur situation économique s’est détériorée au cours des six derniers mois. Parallèlement, Milei a obtenu un nouveau prêt de 20 milliards du Fonds monétaire international et les agences de notation commencent à douter de la stabilité du pays.
À cette situation économique fragile s’ajoute la chute de la popularité du président, également en raison des scandales qui l’entourent. D’abord, la promotion controversée, sur son profil officiel X, d’une cryptomonnaie qui s’est avérée être une escroquerie, faisant perdre de l’argent à des milliers d’épargnants.
Ensuite, plus récemment, une enquête sur un présumé réseau de pots-de-vin impliquant certains de ses proches et surtout sa sœur Karina, secrétaire générale de la présidence et pour beaucoup la véritable « femme forte » du gouvernement. Des enregistrements audio ont révélé que Diego Spagnuolo, ancien directeur de l’Agence des programmes sociaux pour personnes handicapées (Andis), a touché d’importants dessous-de-table sur des marchés publics, et que 3% étaient destinés à Karina Milei. L’indignation face à une affaire de spéculation sur le dos des personnes handicapées – alors même que le gouvernement Milei leur a déjà coupé de nombreux fonds – a été énorme, et il est possible que cela ait pesé sur les résultats électoraux des derniers jours.
Il y a enfin un sujet peu abordé dans la presse écrite mais omniprésent à la radio et à la télévision en ligne: l’incertitude sur l’état de santé du président. Depuis la campagne de 2023, des rumeurs courent sur la prétendue folie de Milei, rumeurs qu’il a lui-même alimentées en se faisant appeler « El loco » (= "Le Fou") et en multipliant les provocations: on se souvient qu’il a traité le pape François d’imbécile, de non présentable, de représentant du mal; qu’il a promis de faire sauter la banque centrale argentine; ou encore qu’il affirmait recevoir des ordres via une médium de son chien Conan, décédé des années plus tôt. On pensait à des excès de langage propres au personnage et à l’adrénaline de la campagne, mais même après son arrivée à la Casa Rosada, Milei a continué à donner des signes d’instabilité mentale, au point que certains adversaires politiques le qualifient explicitement de « schizophrène » et mettent en doute sa capacité à présider la nation.
En particulier, le journaliste télévisé haut en couleur Santiago Cuneo (photo), celui-là même qui, en 2022, avait trinqué en direct à la mort de la reine Elizabeth II et s’était réjoui de la disparition de Henry Kissinger, mène depuis des mois une campagne médiatique virulente, qualifiant Milei de tous les noms: fou, schizophrène, génocidaire, imposteur, fils de pute. Il sous-entend en outre que le président ne serait qu’une marionnette droguée entre les mains de sa sœur Karina et du ministre de l’économie Luis Caputo. Et comme Cuneo se présentera aux élections du 26 octobre avec le parti Mouvement Confédéral Argentin et pourrait être élu au Parlement, il a déjà annoncé qu’il présentera alors au Congrès les preuves documentaires de la folie du président. Escarmouches pré-électorales, sans doute. Mais il est curieux que ni Milei ni les membres du gouvernement ne l’aient jamais poursuivi en justice.
16:55 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, argentine, javier milei, amérique latine, ique ibérique, amérique du sud | |
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