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lundi, 08 avril 2024

Rationnement numérique

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Rationnement numérique

par Georges FELTIN-TRACOL

De 2014 à 2017, Najat Vallaud-Belkacem occupa le ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche sous la présidence du calamiteux François « Flamby » Hollande. Sous sa direction catastrophique, la bureaucratie pédagogiste déconstruisit encore plus les programmes de français, de mathématiques et d’histoire – géographie, et introduisit sans grand succès immédiat le gendérisme. Contre la bonne vieille notation sur dix ou sur vingt, elle encouragea une « évaluation » positive, simpliste et compréhensible par tous, censée valoriser les progrès de l’élève et qui accompagne ses initiatives superficielles.

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En militante socialiste zélée, elle avait auparavant exprimé son envie d’accorder aux élections locales le droit de vote des étrangers présents en France depuis au moins cinq ans. Battue aux élections législatives en 2017, elle se retire de la vie politique politicienne. Dès 2019, l’éditeur Fayard l’engage pour animer la collection « Raison de plus ». Elle organise en parallèle à Sciences-Po Paris, ce guêpier wokiste, un plan en faveur de l’égalité femmes – hommes dans les politiques publiques. En 2020, elle devient la directrice de la branche française de l’ONG One. Fondée par le chanteur Bono du groupe U2, cette association lutte contre l’extrême pauvreté et les maladies infectieuses en Afrique. En 2022, elle prend enfin la présidence de l’ONG France Terre d’Asile, une officine subventionnée qui contribue à la subversion migratoire et au grand remplacement démographique.

C’est à ce double titre qu’elle publie une tribune parue le 18 mars 2024 « Libérons-nous des écrans, rationnons Internet ! ». S’agit-il d’un texte politique ? Oui ! En 2021, elle entre au conseil régional Auvergne – Rhône-Alpes dans lequel elle dirige le groupe Socialistes, écologistes et démocrates. Pourquoi ne mentionne-t-elle pas son mandat politique ? En aurait-elle honte ou bien le cacherait-elle ?

Sa contribution critique l’usage d’Internet qui « est moins souvent une solution qu’un facteur aggravant ». Toutefois, ne rêvons pas ! L’autrice n’a pas rallié les néo-luddites et semble toujours méconnaître les essais de Jacques Ellul, de Bernard Charbonneau et d’Ivan Illich. Elle affirme qu’« il y a une urgence numérique comme il y a une urgence climatique. Elle ne consiste pas à envoyer dans l’espace des satellites supplémentaires, mais à débrancher la prise, à éteindre nos écrans et à commencer à revivre, enfin ». Relevons que, pour elle, l’urgence migratoire n’existe pas…

Ainsi envisage-t-elle « une action politique d’ampleur, dont les conséquences seront bénéfiques à bien des niveaux : en terme de développement cognitif, pour la santé, mais aussi pour lutter contre les discriminations, le harcèlement, le réchauffement climatique », etc. Elle souhaite aussi que « la contrainte vienne d’ailleurs : donc de la loi, donc de l’État ». Quelle serait cette action contraignante majeure ? Najat Vallaud-Belkacem propose « de rationner internet, par exemple en accordant un nombre limité de gigas à utiliser quotidiennement ». Elle met « giga » au pluriel comme s’il s’agissait d’une unité de mesure quelconque alors que l’usage correct serait d’écrire « giga-octets ». Cette putophobe revendiquée qui a fait adopter une sinistre loi misandrique pénalisant les clients des prostituées n’aurait certainement pas mentionné des... « méga-bits » !

Pour elle, « une telle mesure est profondément progressiste: parce qu’elle permet concrètement de faire face à l‘une des grandes sources de pollution – le numérique; parce qu’elle favorise la lutte contre le cyberharcèlement et les violences et les discriminations en ligne ». Pourquoi ? « Si nous savons que nous n’avons que trois gigas à utiliser sur une semaine, nous n’allons sans doute pas les passer à mettre des commentaires haineux ou fabriquer des fakes. » L’usager désormais limité ne consulterait plus les sites pornographiques ou des vidéos en ultra haute-définition. Raisonnement spécieux ! En pratique, ce sera surtout une censure préventive à l’encontre des sites non conformes de ré-information. L’accès à Radio Méridien Zéro deviendrait peut-être plus difficile.

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Paraphrasant le théoricien de la « sobriété heureuse », Pierre Rabhi, l’ancienne ministresse se félicite que « la rareté oblige à une certaine sagesse ». Elle réclame même le retour du papier, du stylo et des crayons ! Elle sait que les écoles de la Silicon Valley ont abandonné maint équipement informatique au profit de ces outils classiques... Un lecteur décroissant assidu de Serge Latouche pourrait s’en réjouir si Najat Vallaud-Belkacem, à l’époque en fonction rue de Grenelle, n’avait pas signé en 2015 un partenariat avec la multinationale Microsoft. Elle somma en outre de distribuer à tous les élèves une tablette qui fonctionne rarement. Elle insista pour que toutes les disciplines organisent des séances en salle informatique. N’assiste-t-on pas là à un arroseur arrosé 2.0?

Membre de tous les gouvernements de Hollande, elle fut solidaire de son bilan. N’est-ce pas sous ce quinquennat déplorable que s’accéléra la dématérialisation des services publics ? Sauf cas vraiment exceptionnel, tous les contribuables français doivent désormais faire leur déclaration fiscale en ligne. Ce temps serait-il comptabilisé dans l’hypothétique rationnement numérique ? Et comment se débrouiller dans ce cadre restrictif avec Parcoursup ou la prise de rendez-vous médical en ligne ? L’actuelle titulaire à l’Éducation nationale, Nicole Belloubet, vient de suspendre la messagerie interne de l’espace numérique de travail des collégiens et des lycéens à la suite de piratages commis par des terroristes ou des mauvais plaisantins. Élèves, enseignants, parents d’élèves et personnels de direction se retrouvent en partie démunis, preuve que la numérisation du monde scolaire s’ancre dorénavant profondément.

En excellente socialiste, Najat Vallaud-Belkacem propose d’interdire, de réglementer, de brimer, de contrôler, de pénaliser et de punir des comportements privés. En effet, ce possible contingentement serait un indéniable empiétement du domaine public sur la dimension privée. Une nouvelle fois, la distinction entre le privé et le public s’estompe dangereusement. Or comment pourrait-on rationner Internet alors que les autorités publiques peinent déjà à éliminer les points de deal ? Faut-il imaginer que tous les appareils informatiques intègrent un mouchard obligatoire ? Les données personnelles ne risquent-elles pas d’être aspirées et détournées par des États soumis aux transnationales mondialistes (les GAFAM, par exemple) ?

Dans une tribune collective parue dans Le Monde du 18 janvier 2024, « Agissons enfin contre les pédocriminels en ligne ! » signée, entre autres, par Laurence Rossignol, sénatrice socialiste du Val-de-Marne, et Ursula Le Menn, d’Osez le féminisme, soutient le règlement dit européen qui « impose aux plates-formes de détecter, signaler et supprimer les vidéos des crimes sexuels sur mineurs ». Cette tribune réclame « l’adoption du texte initial, avec une détection systématique jusque dans les messageries privées ». Derrière les bonnes et louables intentions affichées se cachent des dispositions liberticides préoccupantes. Les satrapes du premier tiers du 21ème siècle se féminisent… La demande de Najat Vallaud-Belkacem ne résout pas l’emprise effrayante de la cybertechnique, en particulier les réseaux dits sociaux, tant sur les adolescents que sur les adultes. Il se profile au-delà de cette exigence une menace considérable bien pire : le crédit carbone individuel quotidien. Au moyen d’un puçage obligatoire, la moindre action, le moindre achat serait décompté d’un certain nombre de points carbone personnels. L’esclavage numérique atteindrait son acmé !

Najat Vallaud-Belkacem conclut son intervention seulement mise en ligne sur – ô paradoxe ! - le site du Figaro en confirmant que « c’est bien l‘écran qu’il nous faut éteindre ». Oui, mais pas seulement, Madame la conseillère régionale d’Auvergne – Rhône-Alpes. Ce sont toutes les Lumières de la Modernité, vos chères Lumières, qu’il importe de souffler… définitivement.

GF-T

  • « Vigie d’un monde en ébullition », n° 109, mise en ligne le 2 avril 2024 sur Radio Méridien Zéro.

lundi, 18 mai 2015

Etes-vous un pseudo-intellectuel?

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Etes-vous un pseudo-intellectuel?

par Mathieu Bock-Côté

Ex: http://www.lefigaro.fr

FIGAROVOX/ANALYSE - Face au tollé engendré par sa réforme du collège, le ministre de l'Éducation nationale a traité ses opposants de «pseudo-intellectuels». Pour Mathieu Bock-Côté, cette accusation révèle qu'une certaine frange de la gauche ne s'est toujours pas réconciliée avec le pluralisme politique.


Mathieu Bock-Côté est sociologue (Ph.D). Il est chargé de cours à HEC Montréal et chroniqueur au Journal de Montréal ainsi qu'à la radio de Radio-Canada. Il est l'auteur de plusieurs livres, parmi lesquels «Exercices politiques» (VLB, 2013), «Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois» (Boréal, 2012) et «La dénationalisation tranquille: mémoire, identité et multiculturalisme dans le Québec post-référendaire» (Boréal, 2007).


Êtes-vous un pseudo-intellectuel? L'accusation n'est pas neuve mais elle étonne chaque fois. Quand la gauche pontifiante constate que les intellectuels font dissidence, alors qu'elle les croyait à son service, elle les accuse d'être des pseudo-intellectuels. Autrement dit, ce sont des faussaires qui usurpent un beau titre pour se mettre au service de la réaction. C'est de cette manière que Najat Vallaud-Belkacem a exécuté les adversaires de sa réforme des programmes.

Quand la gauche pontifiante constate que les intellectuels font dissidence, alors qu'elle les croyait à son service, elle les accuse d'être des pseudo-intellectuels.

Cette accusation, elle vient souvent des intellectuels de gauche eux-mêmes. On se souviendra du mauvais sort fait à Raymond Aron, traité longtemps à la manière d'un pamphlétaire. Il avait beau être un des grands philosophes de son temps, on le traitait comme un prosateur sans envergure, seulement bon à donner un vernis théorique aux intérêts bien calculés de la bourgeoisie à laquelle il avait prêté serment.

C'était le temps du marxisme religieux. On distinguait alors ceux qui avaient été éclairé par la révélation révolutionnaire et les autres, encore empêtrés dans l'histoire avec ses contradictions et sa part tragique. Les premiers servaient l'humanité, ils travaillaient à l'éclairer et à l'émanciper, les seconds, consciemment ou non, justifiaient les privilèges des uns et la subordination des autres.

Mais le marxisme n'était pas qu'une morale surplombante distinguant entre les forces vives de l'humanité et son bois mort. Il se prenait aussi pour une science, ce qui assurait son surplomb théorique devant le commun des mortels. Une partie importante de la gauche intellectuelle a récupéré ces dernières années cette rhétorique et se permet d'exclure du domaine de la pensée ceux qui ne reprennent pas son jargon ou ses méthodes.

Une partie importante de la gauche intellectuelle a récupéré ces dernières années cette rhétorique et se permet d'exclure du domaine de la pensée ceux qui ne reprennent pas son jargon ou ses méthodes.

taubira-vengeresse-001.jpgAinsi, au fil des ans, Jean Sévillia, Alain Finkielkraut ou Marcel Gauchet ont été accusés successivement de pratiquer la contrefaçon intellectuelle. Le premier ne serait pas vraiment historien, les deux autres certainement pas philosophes. On a aussi fait le coup, au fil du temps à Pierre Manent, accusé d'avoir une connaissance sommaire des œuvres qu'il commente. Si de telles attaques n'étaient pas aussi mesquines, on dirait aisément qu'elles sont hilarantes.

La dernière accusation en date, c'est celle de polémiste. Elle consiste à transformer son contradicteur en aboyeur virulent, qui cherche la querelle pour la querelle, à moins qu'il ne se contente de provoquer cyniquement la bonne société pour augmenter sa visibilité médiatique. Éric Zemmour, qui est un écrivain politique de grand talent, a ainsi été réduit au statut d'histrion ne méritant même pas qu'on lui réponde. En attendant qu'on le fasse taire.

Souvent, les «pseudo-intellectuels» sont accusés d'être réactionnaires. Encore faudrait-il définir ce terme mais il sert moins à qualifier qu'à disqualifier son contradicteur. Il envoie le message suivant: vous êtes réactionnaire, alors pourquoi perdrais-je du temps à débattre avec vous? On parlera même de «penchants réactionnaires», à la manière de passions honteuses qu'un intellectuel bien élevé devrait refouler sans jamais les avouer.

Une certaine frange de la gauche ne s'est toujours pas réconciliée avec le pluralisme politique. Pour elle, la vérité et la justice coïncident toujours. Elle se présente comme le parti du bien.

D'ailleurs, une frange importante de la gauche psychiatrise ses adversaires. Ils seront au gré des querelles xénophobes, homophobes, transphobes, europhobes, islamophobes, et ainsi de suite. L'avantage, lorsqu'on diagnostic un trouble psychiatrique chez son adversaire, c'est qu'on n'a plus à lui répondre. Il a besoin d'une thérapie. Au mieux, on l'accusera de nostalgie. On le laissera alors radoter seul dans son coin, comme un grand-père sénile.

C'est la possibilité même du désaccord de fond qui semble inconcevable pour une femme comme Najat Vallaud-Belkacem. Pour elle, il va de soi que si quelqu'un a vraiment lu et compris sa réforme, il ne pourra que l'approuver. À moins qu'il ne milite consciemment contre le bien commun. Ce sera alors un salaud. C'est-à-dire un homme de droite. Ou qu'il ne comprenne rien à rien. Ce sera alors un idiot. Mais l'adversaire de bonne foi n'existe tout simplement pas.

Une certaine frange de la gauche ne s'est toujours pas réconciliée avec le pluralisme politique. Pour elle, la vérité et la justice coïncident toujours. Elle se présente comme le parti du bien. Les seuls contradicteurs légitimes qu'elle se reconnaitra seront ceux qui se couchent devant elle en se présentant simplement comme de simples ajusteurs comptables. Mais lorsqu'un intellectuel confesse un désaccord de fond, il n'est plus digne de considération.

Un homme «de droite» pourrait aisément reconnaître en Michel Foucault un authentique philosophe même s'il rejette son œuvre. De même, un homme «de gauche» devrait admettre la profondeur philosophique de l'œuvre d'un Julien Freund même s'il ne l'embrasse pas. Ceux qui réservent la philosophie pour leur camp témoignent en fait d'un fanatisme grave. Il est seulement triste de constater qu'on décide de temps en temps d'en faire des ministres.