On l'attendait sur la dette, mais le nouveau pouvoir grec a choisi la politique étrangère pour son premier clash avec l'Union européenne. À peine investi, le gouvernement issu de la gauche radicale s'est insurgé d'une déclaration des chefs d'État et de gouvernement de l'UE qui rendait la Russie responsable de l'escalade guerrière en Ukraine, exigeait l'application du cessez-le-feu de Minsk et menaçait Moscou de nouvelles sanctions.
La Grèce affirme que le texte a été rédigé sans son consentement et que ses objections n'ont pas été prises en compte. «Les voix de ceux qui sont opposés à de nouvelles sanctions contre la Russie n'ont pas été entendues», a regretté le porte-parole du gouvernement. Le premier ministre, Alexis Tsipras, s'en est plaint au téléphone auprès de Federica Mogherini, la chef de la diplomatie de l'UE.
"Propagande» occidentale"
Les positions prorusses du nouveau gouvernement grec ne sont pas une surprise. Le parti d'extrême gauche Syriza a toujours défendu Moscou. Il considère que la politique de l'UE s'est alignée sur les intérêts des États-Unis et de l'Otan. Peu importe que la Grèce fasse elle-même partie de l'Alliance atlantique… Son allié de la droite souverainiste, les Grecs indépendants, fait partie du même camp. Ses députés s'étaient opposés à la signature de l'accord d'association entre l'Union européenne et l'Ukraine avant le déclenchement de la crise. Ils considèrent que la «propagande» et les initiatives occidentales sont responsables de la guerre en Ukraine.
Rien d'étonnant, donc, si l'ambassadeur russe à Athènes a été le premier à rencontrer Alexis Tsipras après son élection. Et que le président russe ait envoyé sur-le-champ ses félicitations au nouveau premier ministre. L'esclandre grecque auprès de l'UE pourrait bien n'être qu'une diversion, un bruit destiné à détourner l'attention du but principal de Syriza, la renégociation de la dette. En posant d'entrée de jeu ses marques en politique étrangère, Alexis Tsipras prévient ses partenaires que la Grèce n'a pas l'intention d'être traitée comme un partenaire de second rang. Et qu'elle pourrait bien décider de compliquer, voire de bloquer, les politiques européennes si ses exigences sur la dette ne sont pas prises en compte.
Manœuvre, chantage ou menace? Dans tous les cas de figure, Athènes risque de compliquer la politique étrangère de l'Union, qui peine déjà à s'accorder sur les grandes lignes. En partie grâce au rôle leader d'Angela Merkel, elle avait réussi à obtenir une relative unanimité sur le sujet russo-ukrainien. C'est ce consensus rare et fragile que Syriza et ses alliés souverainistes menacent de faire exploser.
Les élections grecques semblent avoir un autre gagnant… le Kremlin. Vladimir Poutine gagne un nouvel allié, orthodoxe comme lui, et cet allié s'emploie déjà à diviser les États de l'Union européenne.