mercredi, 06 août 2025
Quelques aspects du nihilisme
Quelques aspects du nihilisme
(notes de lecture d'un essai de Heidegger – le début - : « Le mot de Nietzsche « Dieu est mort », avec quelques commentaires de ma part – tout ce qui est entre crochets)
Claude Bourrinet
Source: https://www.facebook.com/profile.php?id=100002364487528
Le supra-sensible n'est plus que le produit inconsistant du sensible.
[C'est sans doute vrai à partir du romantisme allemand. En France, c'est évident chez Chateaubriand, Ballanche : le récit biblique, surtout évangéliste, devient un compartiment (lyrique, épique, élégiaque, tragique, merveilleux) de la littérature.]
Mais en dépréciant ainsi son contraire, le sensible s'est renié lui-même en son essence. La destitution du supra-sensible supprime également le purement sensible et, par là, la différence entre les deux.
[Notions difficiles à comprendre au XXIe siècle (ou au XXe). Au moyen âge, on vivait dans le supra-sensible : la plupart des agissements, comportements (le « riche » qui lègue TOUTE sa fortune aux pauvres, à l'article de sa mort, aux dépens de ses héritiers, par exemple, ou bien le noble sans pitié, un brin boucher sanguinaire, qui, d'un coup, se « convertit », et devient un saint pacifique, ou bien des miséreux de tous âges et de tous sexes qui, du jour au lendemain, s'ébranlent, et courent pathétiquement à la quête du salut et de la Jérusalem céleste, ou bien l'aristocrate qui s'arme, porte croix sur sa tunique, et s'empresse d'aller mourir en terre sainte, après avoir sacrifié une grande partie de son patrimoine...), la plupart des pensées et des rêves de cette époque n'étaient pas de ce monde, comme disait Jésus. Le « sensible » n'était qu'une ombre (mais grave, sérieuse, là où se jouait le salut), presque inexistence par rapport au grand Soleil de Dieu (ou à la nuit terrible de la damnation). Rabattre le « suprasensible » - qui ne serait alors qu'une idée, un vague sentiment, du genre « Il y a quand même quelque chose »... -, ou même un espoir – par exemple celui de revoir après la mort des chers disparus, ou tout simplement de persister dans son individualité, sans trop y croire, du reste, les statistiques de sondages le montrent – c'est faire disparaître le sensible, qui n'existe que parce qu'il est l'affirmation d'une existence homogène face à l'infini, le fini dont la condensation d'existence ne prend consistance que par rapport au mystère de la mort. Enlevez le poids du choix, de l'enjeu d'une vie, qui ne saurait se suffire à elle-même, ballottée dans un océan de stimulations dérisoires, vous anéantissez l'existence. Du reste, il ne s'agit pas là seulement des religions du « salut », issues par exemple du judaïsme, mais aussi de toute Weltanschauung induite par les sociétés qu'on appelle « traditionnelles », où le supra-sensible est la « vraie vie », laquelle conduit la vie « terrestre », ontologiquement infiniment moindre. Le « suprasensible », qu’il est difficile, voire impossible d’« imaginer » - faire image -, ou de « vivre », nous est aussi étranger, étrange, que, selon Hegel, un Grec antique pour nous, qui aurait un être-au-monde aussi différent du nôtre que l’est celle d’un chien. La question n’est pas de savoir si nous sommes capables d’avoir l’intuition, ou une connaissance abstraite – donc fausse – de la structure mentale de peuples disséminés dans le temps et l’espace : Grecs et Romains antiques, Amérindiens, Nomades des steppes de l’Eurasie, Nippons du Japon ancien, « Sauvages » d’Amazonie etc, pour qui chaque seconde, chaque lieu de l’existence, dépendait d’un dieu, d’un esprit, d’une force surnaturelle – mais si cette représentation est adéquate. On ne peut connaître que ce dont on a l’expérience. Un cardinal de Richelieu ou un général Franco sont plus proches du trader des officines financières de New York, que d’un anachorète de Thébaïde. Nous sommes le jouet des mots, qui subsument des réalités radicalement dissemblables. Spengler, d’ailleurs, ne cesse de souligner cette tare optique. Il suffit de tenter (vainement, en vérité) d’« entrer » vraiment dans le monde (au sens phénoménologique et mental) par exemple d’un Spartiate pour avoir une petite idée – certes passablement erronée, fondamentalement – de ce qui nous sépare de lui. Et se référer à sa vision du monde est l’une des grosses bêtises de notre époque : le sens des mots et les perspectives (les « vérités ») du monde glissent comme des plaques tectoniques, et subissent des ruptures définitives, comme notre croûte terrestre : nous parlons d’autrui, mais nous ne cessons de palabrer que sur nous-mêmes. Dans notre monde, chrétiens et athées, agnostiques comme « païens », indifférentistes comme fanatiques, se conduisent et réagissent en fonction d’un univers technique, totalement technoscientifique, et en tant que sujets économiques, producteurs, employés, salariés, et consommateurs.]
Cette destitution aboutit ainsi à un « ni... ni... », quant à la distinction du sensible (αἰσθητικός) et du non-sensible (νοητέον) ; elle aboutit à l'in-sensible, c'est-à-dire à l'in-sensé.
Elle n'en reste pas moins la condition aussi impensée qu'indispensable de toutes les tentatives qui essayent d'échapper à cette perte de sens par un pur et simple octroi de sens.
[Réagissant à l'angoisse suscitée par la perte de sens, due à l'évanouissement du supra-sensible, rendant vain le monde du sensible, le volontarisme le plus évident pousse à octroyer au sensible ce surplus d'âme, qu'on appelle les « valeurs », sans s'apercevoir que la disparition réelle, effective, dans la vie intime, aux racines du monde, du supra-sensible, transforme ces effets rhétoriques en théâtre, en scènes d'opéra, en coups d'épée dans l'eau : on ne saurait sans ridicule mimer le tragique. La religion (cf. « relier ») s'apparente alors à de la bouffonnerie (voir les Évangélistes américains) ou à des simulacres creux (d'où la désaffection des offices religieux), ou bien à des transformations cyniques versant dans le management du marché « spirituel ». Ajoutons les tentatives pathétiques de pourvoir à l'assèchement des relations humaines par l'humanitarisme laïque, pleurnichard et venteux, qui n’empêche nullement les atrocités, et qui même, parfois, les cautionne.]
DIEU EST MORT (troisième volume du Gai Savoir, 1882)
[phrase de Jean-Paul Richter, reprise, par intermittence, par Vigny et Nerval. Vigny et Nerval, à la suite de Ballanche, reprennent le principe de la palingénésie, c’est-à-dire de la métamorphose, de la transformation évolutive (dans le sens du progrès, pour Ballanche) du Divin, que ce dernier fût incarné par tel ou tel Dieu, ce n’est pas l’essentiel. Or, au moment du romantisme désenchanté, après 1830, on a le sentiment qu’il soit possible que la fin des transformations a lieu : Dieu serait mort. Il n’existerait plus de Divin. Nerval va chercher la vraie vie dans le rêve. Voir aussi Pascal, au XVIIe siècle, qui rappelle la phrase de Plutarque (Pensée, 695) : « Le grand Pan est mort. »]
[…] le mot de Nietzsche nomme la destinée de vingt siècles d’Histoire occidentale. [Pour Heidegger, la « mort de Dieu » est contenue dans le devenir de la métaphysique platonicienne, et dans le christianisme.]
[…] les noms de « Dieu » et de « Dieu chrétien » sont utilisés, dans la pensée nietzschéenne, pour désigner le monde suprasensible en général.
Ainsi le mot « Dieu est mort » signifie : le monde suprasensible est sans pouvoir efficient.
Ainsi le mot « Dieu est mort » constate qu’un néant commence à s’étendre.
Il ne suffit pas de se réclamer de sa foi chrétienne ou d’une quelconque conviction métaphysique pour être en dehors du nihilisme. Inversement, celui qui médite sur le néant et son essence n’est pas nécessairement un nihiliste.
Le nihilisme est un mouvement historial [ne pas confondre avec « historique], et non pas l’opinion ou la doctrine de telle ou telle personne. Le nihilisme meut l’Histoire à la manière d’un processus fondamental à peine reconnu dans la destinée des peuples de l’Occident. Le nihilisme n’est donc pas un phénomène historique parmi d’autres, ou bien un courant spirituel qui, à l’intérieur de l’histoire occidentale, se rencontrerait à côté d’autres courants spirituels, comme le christianisme, l’humanisme ou l’époque des lumières.
Le nihilisme est bien plutôt, pensé en son essence, le mouvement fondamental de l’Histoire de l’Occident [C’est pourquoi invoquer la « perte des valeurs » à partit de mai 68 relève de la vacuité intellectuelle la plus profonde]. Il manifeste une telle importance de profondeur que son déploiement ne saurait entraîner autre chose que des catastrophes mondiales. Le nihilisme est, dans l’histoire du monde, le mouvement qui précipite les peuples de la terre dans la sphère de puissance des Temps Modernes.
[…] il n’est pas seulement un phénomène de notre siècle, ni même du XIXe siècle... »
Le nihilisme n’est pas non plus le produit de certaines nations. Quant à ceux qui s’en croient exempts, ils risquent fort d’être ceux qui le développent le plus intensément. [Que les nietzschéens bottés en prennent de la graine!].
Le discours du forcené nous dit précisément que le mot « Dieu est mort » n’a rien à voir avec la trivialité banale des opinions de ceux qui « ne croient pas en Dieu ». Car ceux qui ne sont, de cette manière, que des incroyants, ceux-là ne sont pas encore atteints par le nihilisme en tant que destination de leur propre Histoire.
Dans « Dieu est mort », le terme Dieu, pensé selon l’essence, entend le monde suprasensible des idéaux qui renferment, par-dessus la vie terrestre, le but de cette vie, la déterminant ainsi d’en haut et, en quelque sorte, du dehors.
La Métaphysique est le lieu historial dans lequel cela même devient destin, que les Idées, Dieu, l’Impératif Moral, le Progrès, le Bonheur pour tous, la Culture et la Civilisation perdent successivement leur pouvoir constructif pour tomber finalement dans la nihilité. Ce déclin essentiel du suprasensible, nous l’appelons sa décomposition (Verwesung). Ainsi l’incroyance en tant qu’apostasie du dogme chrétien n’est donc jamais le fondement ou l’essence du nihilisme, mais toujours sa conséquence ; car il se pourrait bien que le christianisme lui-même fût déjà une conséquence et une forme du nihilisme.
13:47 Publié dans Philosophie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : philosophie, nihilisme, friedrich nietzsche | |
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Le monde après l'accord de Turnberry
Le monde après l'accord de Turnberry
Source: Dissipatio, #77, Gruppo editoriale MAGOG · Via Boezio · Roma · Roma, LAZ 00193 · Italy - redazione@dissipatio.it
Dans un salon luxueux du complexe hôtelier de Turnberry, sur la côte écossaise, le président américain Donald Trump et la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen ont conclu l'accord commercial le plus controversé depuis longtemps. L'accord prévoit un droit de douane uniforme de 15% sur les importations européennes aux États-Unis, soit la moitié du tarif de 30% que Trump avait menacé d'appliquer en l'absence d'un accord valable à compter du 1er août, tout en garantissant aux exportateurs américains un accès au marché européen sans droits de douane sur une large gamme de produits.
L'accord prévoit également des engagements contraignants de la part de l'Union européenne à investir environ 600 milliards de dollars sur le marché américain et à importer pour 750 milliards de dollars d'énergie américaine au cours des trois prochaines années, en plus d'acheter d'importantes quantités de matériels militaires fabriqués aux États-Unis.
La rencontre a été précédée de plusieurs mois de négociations intenses entre Bruxelles et Washington, le bloc européen étant sous pression en raison de l'échéance imminente du 1er août et de la perspective concrète d'une escalade qui aurait entraîné des droits de douane pouvant atteindre 50% sur l'acier et l'aluminium. Trump, qui a qualifié cet accord de « plus grand accord commercial jamais signé », a souligné que celui-ci renforcerait les relations transatlantiques après des années de ce qu'il a décrit comme un commerce « profondément injuste et déséquilibré » au détriment des États-Unis. Ursula von der Leyen, tout en reconnaissant la dureté de l'accord, l'a qualifié de « meilleur résultat possible dans ces circonstances », soulignant la valeur de la prévisibilité et de la stabilité qu'il garantit aux entreprises des deux côtés de l'Atlantique.
Il existe une convergence substantielle sur l'interprétation du contenu de l'accord : il s'agit d'un accord politique préliminaire, qui n'est pas encore juridiquement contraignant, prévoyant une liste initiale d'exemptions tarifaires - notamment les aéronefs, les pièces d'aéronefs, les équipements pour semi-conducteurs, certains produits chimiques, les médicaments génériques et une sélection de produits alimentaires - tout en laissant ouverte la possibilité d'allonger cette liste dans les semaines à venir, dans l'attente de la rédaction des textes juridiques officiels.
Le tarif de 15% sur les autres catégories a été fixé comme plafond, mais le président Trump a précisé qu'il se réservait le droit de l'augmenter unilatéralement si l'UE ne respectait pas ses engagements en matière d'industrie, d'énergie et d'investissements. Le secteur sidérurgique fait exception: le droit de 50% sur l'acier et l'aluminium reste en vigueur car, selon Trump, il s'agit d'une mesure « globale » de sécurité nationale, et non bilatérale, une décision accueillie avec une grande déception par les lobbies industriels européens, en particulier allemands.
L'industrie automobile européenne, en particulier Mercedes-Benz, Volkswagen et BMW, a toutefois évité le pire, puisque les droits de douane sur les importations de véhicules ont été réduits de 27,5% à 15%, un seuil qui reste toutefois supérieur à l'objectif à long terme de l'UE, qui est de supprimer les barrières douanières réciproques dans ce secteur.
Les réactions politiques au sein du bloc européen ont été mitigées: le chancelier allemand Friedrich Merz a salué la capacité de l'UE à éviter une « escalade inutile », tout en reconnaissant que l'économie allemande, fortement orientée vers l'exportation, subira néanmoins un impact négatif ; le ministre des Finances, Lars Klingbeil, a parlé d'un « accord qui freine la croissance », tandis que le président de la commission du commerce international du Parlement européen, Bernd Lange, a qualifié les droits de douane de « déséquilibrés » et l'accord d'engagement qui pèse sur les finances de l'Union européenne.
En France, les propos ont été plus durs : le Premier ministre a parlé d'une « journée sombre pour l'Europe », affirmant que Bruxelles avait cédé à une négociation trop déséquilibrée, soulignant également l'absence de contre-mesures concrètes à l'égard des États-Unis. Le traité, précisément parce qu'il s'agit d'un accord-cadre, devra maintenant être traduit en un texte juridique : selon des analogies avec des accords précédents, tels que celui conclu avec le Royaume-Uni après le Brexit, on estime que le processus législatif et technique prendra plusieurs semaines, voire plusieurs mois, avant qu'il ne devienne pleinement applicable des deux côtés de l'Atlantique.
Lagardenomics, ou la liquidation totale
Les propos de la présidente de la BCE, Christine Lagarde, qui a proposé de répondre aux futures politiques économiques de Trump en encourageant une plus grande consommation américaine, ont suscité de vives discussions. Une opposition à la dynamique du « tit-for-tat », c'est-à-dire « œil pour œil », qui, en l'absence de réciprocité, aura sans doute des répercussions concrètes.
Les marchés financiers ont réagi positivement : les actions européennes ont atteint leur plus haut niveau en quatre mois, l'indice Euro Stoxx 600 étant en hausse et les indices allemands et français progressant, tandis que le taux de change euro-dollar s'est légèrement raffermi en raison de la réduction de l'incertitude. Les analystes soulignent toutefois que, même si l'accord apporte une certaine stabilité, il ne modifie pas le cadre structurel du commerce international : il s'agit avant tout d'une solution d'urgence qui évite le conflit et lie l'Europe à des obligations économiques et stratégiques imposées par les décisions politiques américaines. De nombreux commentateurs y voient un accord asymétrique qui renforce le pouvoir de négociation américain, utilisant les menaces tarifaires comme un moyen d'obtenir des concessions substantielles en matière d'investissements et d'achats énergétiques et militaires.
Cet accord s'inscrit dans une stratégie commerciale plus large menée par l'administration Trump ces derniers mois: après des accords similaires avec le Japon, le Royaume-Uni, le Vietnam, l'Indonésie et les Philippines, l'UE est désormais le dernier grand partenaire à conclure un accord-cadre avant la fameuse échéance du 1er août, qui aurait entraîné des droits de douane à l'échelle mondiale.
L'ampleur des contraintes en matière d'achats d'énergie (250 milliards par an jusqu'en 2027, pour un total de 750 milliards) et des investissements promis (600 milliards au-delà des niveaux actuels) représente une charge importante pour les caisses européennes, mais a été présentée comme un signe de bonne volonté pour éviter des sanctions plus sévères.
De nombreux secteurs stratégiques européens - de l'automobile à la pharmacie, de l'aérospatiale aux produits alimentaires géographiques - restent dans l'expectative, dans l'attente des textes définitifs et des listes d'exemptions. Le secteur des alcools fait également l'objet de négociations parallèles, tandis que l'agroalimentaire européen conserve certaines protections liées aux normes sanitaires et environnementales, refusant toute concession sur les produits non conformes à la réglementation communautaire.
Dans le débat italien, Marco Palombi, dans Il Fatto Quotidiano, a dénoncé le « complexe de subordination européenne », affirmant que Bruxelles a accepté des conditions défavorables pour éviter une guerre commerciale, tandis que l'administration Trump a imposé son agenda économique comme un instrument de pouvoir géopolitique. Pour M. Palombi, l'UE aurait dû saisir cette occasion pour relancer une politique industrielle autonome, au lieu d'« acheter la paix » avec l'énergie et les armes américaines.
Moreno Bertoldi et Marco Buti, dans un éditorial conjoint publié dans Il Sole 24 Ore, ont parlé d'un « accord amer » : selon eux, l'Europe a renoncé à jouer un rôle de premier plan sur la scène mondiale, choisissant plutôt une posture défensive qui renforce son déficit stratégique vis-à-vis de Washington. Bertoldi et Buti soulignent que l'UE a cédé en échange d'une trêve fragile, acceptant un droit de douane de 15% et des engagements économiques lourds sans obtenir de véritables contreparties structurelles.
Veronica De Romanis, tout en reconnaissant la nécessité d'éviter une escalade, a exprimé des doutes quant à l'impact macroéconomique de l'accord, notamment en ce qui concerne la contrainte sur les achats d'énergie : selon elle, il s'agit d'un accord qui affaiblit l'autonomie stratégique européenne alors que le contexte international exigerait le contraire.
Enfin, Stefano Folli, dans les colonnes de La Repubblica, a donné une lecture politique de l'accord, le qualifiant de « concession nécessaire », fruit d'un leadership européen faible, plus soucieux de contenir les pressions internes que de défendre une vision stratégique commune. M. Folli a invité l'Italie à ne pas se limiter à un rôle de spectateur passif dans les relations entre Bruxelles et Washington, mais à se positionner comme un interlocuteur proactif capable de médiation entre les intérêts du bloc et ceux des pays membres.
Dans les jours qui ont suivi l'annonce en Écosse, la Commission européenne s'est engagée auprès des gouvernements nationaux pour approuver le cadre, mais le pouvoir de ratification appartient à Bruxelles et le veto de certains États capables de bloquer le processus n'est pas attendu. La guérilla politique interne semble plus symbolique que substantielle, même si l'Italie, comme l'Allemagne, a exprimé des inquiétudes quant au poids économique de l'opération.
L'accord signé en Écosse marque un tournant dans les relations commerciales transatlantiques : d'une part, il évite une crise imminente, d'autre part, il établit une structure contractuelle dans laquelle l'Europe accepte des droits de douane élevés, des engagements financiers et une dépendance énergétique et stratégique vis-à-vis des États-Unis, tandis que ces derniers conservent la liberté de réinterpréter ou de remodeler les termes futurs. Si l'objectif européen était de préserver la paix commerciale, l'accord a été atteint, mais il est évident que cet accord consolide et fige un rapport de force qui aura inévitablement des répercussions politiques de ce côté-ci, à court et à long terme.
13:15 Publié dans Actualité, Affaires européennes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, droits de douane, europe, affaires européennes, union européenne, états-unis | |
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