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mardi, 23 décembre 2008

Paul von Krannhals (1883-1934)

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Paul von KRANNHALS (1883-1934)

 


Né le 14 novembre 1883 à Riga, Paul von Krannhals, chimiste de formation, participe à la première guerre mondiale et reste longtemps prisonnier en Russie. Après son retour au pays, il enseigne à titre privé. Son œuvre est un essai de transposition de l'organicisme implicite des sciences chimiques et biologiques dans les sphères historique, politique et religieuse. Son ouvrage majeur, Das organische Weltbild, récapitule toutes les étapes de la pensée et les théories à connotations organicistes afin d'en faire une synthèse instrumentalisable en politique. Il meurt le 18 août 1934 à Dresde.


La vue du monde organique (Das organische Weltbild), 1928


Gros ouvrage en deux volumes, Das organische Weltbild constitue une protestation contre la mécanicisation du monde et l'emprise des idéologèmes mécanicistes dans les sciences humaines. Krannhals réclame, dans tous les domaines, un «respect pour la vie». En science politique et en économie, l'individualisme a engendré l'absurdité de la lutte de tous contre tous, camouflée derrière l'idéologie du contrat qui transforme l'Etat en Zweckverband, en association d'intérêt. Tout ordre juridique basé sur le contractualisme est au service du seul bien-être matériel d'une certaine catégorie de la population. L'Etat organisé selon les principes du contractualisme ne génère pas d'éthique propre, ne suscite chez ses citoyens aucun sens du devoir, vertus qui ne sont possibles que si l'on accepte l'existence d'une totalité (Ganzheit) supérieure aux individus. L'absence d'éthique conduit à une existence privée de sens et de valeur. Le rationalisme mécaniciste fractionne et mutile l'unité de la vie. Mécanicisation est synonyme de pétrification. Se référant à l'œuvre de Ferdinand Tönnies, qui avait posé la distinction entre Kürwille (volonté arbitraire) et Wesenswille (volonté essentielle), Krannhals constate que la conjonction de l'individualisme et de l'idéologie du contrat a détruit les communautés (Gemeinschaft) pour faire place à la société (Gesellschaft). Dans ce processus, c'est un principe masculin guerrier et destructeur qui fait œuvre de dissolution et sépare les éléments constitutifs des communautés, en s'opposant à un principe féminin créateur et constructif. Les personnalités politiques, elles, sont le produit d'une fusion harmonieuse entre ces deux principes. Reprenant les dichotomies propres à la pensée vitaliste/organiciste, propre à une certaine idéologie conservatrice, Krannhals oppose, d'une part, la culture, la communauté, le sentiment, l'intuitive Wesenschau (la vision intuitive de l'essence ou des essences) et la conscience raciale (Artbewußtsein) à la civilisation mécaniciste/techniciste, à la société et aux modes éphémères successives qu'elles produisent, où la forme s'impose provisoirement comme règle obligatoire de comportement sans qu'elle n'ait contenu éthique qualitatif et durable. Krannhals définit l'essence de la conception politique organiciste, pour laquelle l'Etat organique est le contraire radical de l'Etat rébarbatif et fonctionnaire, pure construction formelle et fruit d'une logique sans âme. L'Etat organique s'oppose également à l'Etat absolutiste qui confond volontairement la direction de l'Etat (en l'occurrence le souverain) et l'Etat (Louis XIV: l'Etat, c'est moi!). Krannhals, en posant cette déclaration de principe, renoue avec Kant, dont l'œuvre tardive signale une volonté très nette de dépasser la conception de l'Etat qui repose sur le seul individu et ne vise que son «petit bonheur». Kant, affirme Krannhals, a voulu ancrer l'Etat de droit dans l'idée de la liberté éthique, justice et éthique étant ici inséparables. L'idée d'un Etat organique est précisément ce que postule la conscience éthique. Celle-ci demande au peuple, âme de l'Etat, de suivre librement, sans contraintes et en éliminant les contraintes artificielles auxquelles il pourrait avoir à faire face, les lois de la vie, qui s'incarnent dans les formes vitales naturelles. La piste organiciste inaugurée par Kant se poursuit chez Fichte et Hegel, prétend Krannhals, en dépit de la méthode dialectique. Elle se poursuit dans les travaux de l'école du droit historique (Savigny, von Eichhorn) et chez les théoriciens qui entendent «biologiser» les théories politiques, comme le géopoliticien et politologue suédois Rudolf Kjellén ou le philosophe français Gustave Le Bon. Krannhals se réfère plus explicitement à H.G. Holle pour qui le Volk est primordial et l'Etat, secondaire, simple forme organisée et organisatrice du peuple. Portée par une démarche racisante, la définition que donnent Krannhals et Holle du Volk n'exclut par pour autant les peuples mixés. Là où il y a mélange racial, il peut subsister un peuple tant que le noyau originel homogène —le völkischer Grundstock— continue à déterminer la culture. La conscience éthique d'un peuple n'est rien d'autre que la pleine acceptation et l'épanouissement de la conscience intime propre qu'il a de lui-même, en temps que phénomène naturel. Au regard de ces définitions organicistes/biologisantes, Krannhals conclut que l'objectif de tout ordre juridique véritable consiste à protéger les nécessités biologiques de la vie communautaire du peuple. La politique organique doit empêcher les groupes d'intérêts de dominer l'Etat. Le libéralisme n'assure pas la liberté au sens éthique du terme. Krannhals oppose, dans la ligne de Sombart, le marxisme au «véritable socialisme». La tâche de l'Etat et du «véritable socialisme» est d'organiser et de fédérer les différences sociales et non pas de perpétuer leurs antagonismes dans des jeux parlementaires stériles parce que purement discursifs. Dans son chapitre définissant l'économie organique, Krannhals récapitule toutes les grandes orientations de l'école des économistes organicistes, mélange d'autarcie fichtéenne, de socialisme de la chaire et de corporatisme conservateur. Par une dichotomie didactique où la volonté polémique n'est pas absente, Krannhals oppose l'argent (Geld) au sang (Blut), soit un principe quantitatif (et qui transforme tout qualitatif en quantitatif) à un principe qualitatif (qui transforme tout quantitatif en qualitatif). L'objectif de l'économie organique est de parvenir à la domination du sang sur l'argent, de la personnalité sur les choses. La science s'est effondrée et patine car elle s'est isolée du vécu. Elle ne pourra progresser que par une revalorisation de ses dimensions instinctives. Le vécu est source inépuisable dans le processus de formation des concepts. Le savoir doit s'organiser à partir du vécu local, de l'expérience nationale du peuple. L'art et la religion doivent également emprunter des pistes organiques s'ils veulent échapper à la stérilisation provoquée par la domination des idéologèmes mécanicistes.

(Robert Steuckers).


- Bibliographie: Das organische Weltbild. Grundlagen einer neuentstehenden deutschen Kultur (avec une introduction de Hermann Oncken), 2 vol., 1928; Lebendige Wissenschaft, 1937 (extraits de Das organische Weltbild, op. cit.); Der Weltsinn der Technik als Schlüssel zu ihrer Kulturbedeutung, 1932; Religion als Sinnerfüllung des Lebens. Ein Bekenntnis zur schöpferischen Weltheiligung, 1933; Der Glaubensweg des deutschen Menschen, 1934-35; Revolution des Geistes. Eine Einführung in die Schöpfungswelt organischen Denkens, 1935.

- Sur Paul von Krannhals: cf. Armin Mohler, Die Konservative Revolution in Deutschland 1918-1932. Ein Handbuch, Wissenschaftliche Buchgesellschaft, Darmstadt, 1989 (3ième éd.).

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